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CHAPITRE III, TEXTE 2, LE SOUPER INTERROMPU, MANON LESCAUT DE L’ABBÉ PRÉVOST

Passage qui se situe juste après la première in délité de Manon avec M. De B., quelques semaines à peine après la
fuite des jeunes amants à Paris. DG s’est persuadé de l’innocence de sa maîtresse mais il attend d’elle qu’elle lui
explique pourquoi elle a reçu chez elle un autre homme. Il va donc la retrouver pour souper.

Comment par ce récit des Grieux reconstruit-il cette scène en dramatisant ce qui a été vécu ?

= Une « scène théâtrale » qui semble comporter trois actes:

1er Mouvement depuis « On nous servit à souper » jusqu'à « Per des larmes ! » : une scène muette et tendue entre
les deux amants

2ème Mouvement depuis « Ah Dieux ! m'écriai-je » jusqu'à « de ma douleur et de ma crainte. » : larmes de Manon
et émotion intense de des Grieux. 

3ème Mouvement depuis « Dans le temps que j'étais ainsi tout occupé d'elle » jusqu’à la n : dénouement en
forme de coup de théâtre = « enlèvement de DG trahi par Manon


Premier Mouvement : Une confrontation muette et tendue


On nous servit à souper.



Cadre de la scène ainsi xé d’entrée de jeu de manière expéditive car indi érence de D.G pour tout ce qui n'est pas
Manon d’où usage du pronom indé ni "on".

Je me mis à table d’un air fort gai ; mais, à la lumière de la chandelle qui était entre elle et moi, je crus
apercevoir de la tristesse sur le visage et dans les yeux de ma chère maîtresse. Cette pensée m’en inspira aussi.
2 mouvements de longueurs très inégales séparés par un point virgule : mise en place de la scène du souper. « Air fort
gai » de des Grieux semble peu sincère vu le contexte et l’émotion qu’il doit ressentir dans l’attente d’une explication,
fait comme si de rien n’était. Le second mouvement de cette phrase s'ouvre avec la conjonction de coordination « mais
» car opposition entre les 2 amants « air fort gai » de Des Grieux /« tristesse » de Manon qu'il ne désigne encore que par
la périphrase « ma chère maîtresse » traduisant son amour extrême.

Lumière de la chandelle = atmosphère propice au doute qui prépare le recours au verbe croire : « je crus » dit des
Grieux « apercevoir de la tristesse ». Aucun mot de Manon pour expliquer son silence = DG obligé d’interpréter le sens
de son expression et, aussitôt, tristesse communicative traduisant la force de son amour et de son souci pour Manon.

Dans cette scène muette, la communication passe entièrement par les regards échangés comme en témoigne le champ
lexical de la vue dans le premier paragraphe : termes yeux (2 fois) ; regard ou regarder : 3 fois ; voir et apercevoir : 2 fois 


Je remarquai que ses regards s’attachaient sur moi d’une autre façon qu’ils n’avaient accoutumé. Je ne pouvais
démêler si c’était de l’amour ou de la compassion, quoiqu’il me parût que c’était un sentiment doux et
languissant.

Suite du 1er Mouvement = 3 phrases juxtaposées construites de manière similaire commençant respectivement par :
je remarquai ; je ne pouvais ; je la regardais = tentatives de des Grieux pour déchi rer ce qui cause la tristesse de
Manon = Mystère de Manon = problème qui se pose clairement à la conscience du narrateur. A partir d'une observation
("Je remarquai"), il s'interroge, cherchant à "démêler"... mais il échoue et ne peut que s'en remettre à des impressions
("il me parût que"). L'indécision de des Grieux porte ainsi sur les sentiments de Manon, comme l'indique l'alternative
(amour ou compassion) = premier exemple de la recomposition du passé par le narrateur : l'idée de compassion ne
peut germer que dans l'esprit de qui connaît le dénouement de la scène, donc des Grieux narrateur et non des Grieux
personnage. Nous apprendrons plus tard, et DG aussi, que Manon l'aime et que cet amour entraîne une compassion
pour la peine qu'elle lui cause par nécessité nancière.

Je la regardai avec la même attention ; et peut-être n’avait-elle pas moins de peine à juger de la situation de
mon cœur par mes regards.

Introduction d'une réciprocité dans le jeu des regards : « ses regards s'attachaient à moi » // « je la regardai avec la
même attention ». Mais modalisateur "peut-être" = doute jeté sur cette union des cœurs par le regard. Absence
d'explication de la part de Manon, donc des Grieux projette sur elle ses propres sentiments. Manon ici n'est pas la
« véritable » Manon telle que la peindrait un narrateur omniscient mais créature idéalisée par un des Grieux amoureux.

Nous ne pensions ni à parler ni à manger.



Communication non verbale et donc plus profonde et sincère qui s'établit entre les personnages focalisés sur leurs
sentiments + utilisation du "nous" soulignant encore cette communion.

Mais que sait réellement des Grieux de ce que ressent Manon ? Remords et crainte, il faut sans doute ajouter
impuissance et attente résignée du dénouement.

En n, je vis tomber des larmes de ses beaux yeux : per des larmes !

Adverbe de temps "En n" qui traduit à la fois la durée et une impatience, comme si la tension, parvenue à son point le
plus élevé, était devenue insupportable au point d'exiger une libération.

Contraste entre l'expression « ses beaux yeux » et l'adjectif « per des » = ambiguïté du sentiment du personnage-
narrateur : en tant que narrateur aucun doute sur la nature de ces larmes vu qu’au moment où il raconte, il est sûr que
Manon l'a trahi et que ces larmes sont trompeuses comme en atteste l’exclamation: "per des larmes! ». = adjectif du
lexique tragique car DG se représente comme victime d'un destin contre lequel il est impuissant et donc 'émouvoir son
auditeur-juge + dramatisation de la scène pour la rendre plus intéressante

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CHAPITRE III, TEXTE 2, LE SOUPER INTERROMPU, MANON LESCAUT DE L’ABBÉ PRÉVOST

Deuxième mouvement : La Crise

« Ah Dieu! », m’écriai-je, « vous pleurez, ma chère Manon; vous êtes a igée jusqu’à pleurer, et vous ne me dites
pas un seul mot de vos peines! »
Second mouvement qui se caractérise par le passage du silence à la parole au style direct = rendre plus sensible
encore la tonalité pathétique : interjection et appel à la divinité + lexique tragique, champ lexical de la sou rance
(« a igée », « peine », « pleurer » deux fois) : but = susciter l'émotion du lecteur.

Elle ne me répondit que par quelques soupirs qui augmentèrent mon inquiétude. Je me levai en tremblant ; 

Absence de réponse de Manon car remords et chagrin ; antithèse « quelques »/ « augmentèrent » = silence inquiétant,
souci de l’autre

4 propositions relativement brèves dans ce passage, juxtaposées et commençant par le pronom de la première
personne : je me levai ; je la conjurai ; j’en versai ; j’étais. Pas de liens logiques + accumulation = accélération du
rythme qui mime l'intensité et l'agitation de la scène en rapprochant ainsi verbes de mouvement, de sentiment et de
parole.

je la conjurai, avec tous les empressements de l’amour, de me découvrir le sujet de ses pleurs ; j’en versai moi-
même en essuyant les siens ; j’étais plus mort que vif.

Sorte de résumé du discours que DG a eu = passage du discours direct au discours narrativisé = les mots importent
moins que les gestes et les manifestations physiques du sentiment. Scène décrite = pathétique ; car but = créer
l’émotion. Caractère extrême des attitudes (supplication, pleurs, empressement amoureux), hyperboles ("plus mort que
vif", "Un barbare"). 

Un barbare aurait été attendri des témoignages de ma douleur et de ma crainte.

La dernière phrase contient un reproche implicite : Manon a été plus inhumaine qu'un barbare.

Conclusion partielle : nous avons a aire ici à moment d'un grande intensité émotionnelle et dramatique (Manon va-t-
elle parler ?)

Troisième mouvement : le Coup de théâtre :

Dans le temps que j’étais ainsi tout occupé d’elle, j’entendis le bruit de plusieurs personnes qui montaient
l’escalier. On frappa doucement à la porte.

Continuité entre les deux moments grâce à la perception sonore. Le narrateur cesse d’analyser ce qu’il a ressenti en
vivant les événements pour se contenter de les relater. Jeu des temps verbaux pour introduire au passé simple
l’élément perturbateur

Manon me donna un baiser, et, s’échappant de mes bras, elle entra rapidement dans le cabinet, qu’elle ferma
aussitôt sur elle. Je me gurai qu’étant un peu en désordre, elle voulait se cacher aux yeux des étrangers qui
avaient frappé.

Caractère furtif du départ de Manon : « s’échappant », « entra rapidement ». Caractère douloureux : « s'échappant de
mes bras » évoque une séparation déchirante. Caractère ambigu : le baiser entraîne une méprise chez le personnage,
que le narrateur corrige par « Je me gurai ». L'emploi du mot « étrangers » indique que l'arrivée des valets est vécue
comme une intrusion dans l'intimité des amants. L’expression « un peu en désordre » prend une connotation érotique.

J’allai leur ouvrir moi-même.
Même brièveté de l’expression que celle qui caractérisait la mise en place du cadre de la scène = tout ce qui n'est pas
Manon ne mérite pas d'être évoqué. Manon enfuie et perdue pour des Grieux, la suite n'importe guère.

A peine avais-je ouvert, que je me vis saisir par trois hommes que je reconnus pour les laquais de mon père...
La violence de l'enlèvement est exprimée par la précision temporelle (« à peine »). On notera aussi le recours à la forme
passive (« je me vis saisir ») = choc de la scène qui reste marquée dans le souvenir du chevalier.

CONCLUSION

Passage important qui marque un retour brutal à la réalité alors que la passion aveugle Des Grieux

Mystère de Manon renforcé, d’où envie pour le lecteur d’en savoir plus

Texte = remarquable description rétrospective de la passion : l’aveuglement qu'elle entraîne, le pathétique des émotions
qu'elle fait naître sont rendus sensibles. Récit de des Grieux = valorisation du passé et non reconstruction avec une
analyse rationnelle et objective ici le récit = moyen de revivre sa passion avec une intensité plus grande
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