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Etude analytique du poème IV –Pauca Meae

Problématique : En quoi ce poème exprime-t-il le travail de deuil du poète ?

INTRODUCTION
Amorce : Le XIXème donne naissance au romantisme, mouvement littéraire et artistique qui prône l’expression du
moi. Victor Hugo, poète, romancier mais aussi dramaturge est l’un de ses représentants.
Présentation du recueil et de l’extrait : Lorsqu’il publie Les Contemplations en 1856, l’auteur explique dans sa préface
que « Vingt-cinq années sont dans ces deux volumes ». Ce recueil autobiographique, a permis à l’auteur de relater les
évènements les plus marquants de sa vie. Une des sections « PaucaMeae », signifiant « quelques vers dédiés à ma
fille » constitue une véritable charnière dans l’œuvre. En effet, Hugo y exprime toute la souffrance endurée suite à la
mort de sa fille Léopoldine, morte noyée avec son mari. Les poèmes relatent le long cheminement d’Hugo vers
l’acceptation du deuil. Au quatrième poème de la section, le poète est encore dans une phase de révolte face à cette
mort inacceptable.
Problématique : Nous verrons alors comment ce poème exprime le travail de deuil du poète.
Annonce du plan : Ce poème exprime avant tout la souffrance de l’auteur liée à la mort de sa fille. De plus, nous
observerons comment le travail de l’imaginaire et l’écriture permet de pallier au manque. Enfin, il s’agira de montrer
comment le poète, à travers le récit de son expérience personnelle adresse un message universel.

I- La souffrance liée à la mort d’un être cher

A- La mort indicible et effrayante

. Impossibilité de nommer la personne aimée et perdue : périphrase « votre chère


espérance »
. L’expérience de deuil est elle-même innommable ; elle s’exprime par des périphrases
souvent introduites par des démonstratifs exophoriques : « cette chose horrible », « ces
malheurs sans nom » ; démonstratifs qui renvoient à la réalité du poète, mais
innommables. « tout n’était qu’un affreux rêve » : « tout » indéfini et imprécis = englobe
le deuil dans une somme de malheurs ;
. Emplois d’adjectifs de haut degré (dans le cadre de l’hyperbole) : « terrible » : qui cause
inspire la terreur, effrayant= sens premier <terrere = épouvanter ; emploi rare + fréquent
dans le sens de « sensationnel », la mort fait peur + « horrible » qui fait horreur,
provoque une répulsion.
Interrogation : à quoi est associé l’adj « terrible » ? plus à associer à « cette chose » qu’à
« je », se rapporte plus à la mort qu’à lui-même =Hypallage (lorsqu’on paraît attribuer
à certains mots d’une phrase ce qui revient à d’autres mots) Cf la rime terrible et
horrible, même nom qualifié.

B- L’expression de la souffrance du poète

. « Je » présent tout au long du poème = registre lyrique où le poète épanche ses


sentiments. Cf : « éprouvais »
. Interjections nombreuses : « oh ! » v1, « Hélas » v2, brisure du rythme harmonieux de
l’alexandrin avec ces accents placés dès le début du vers ;
. Champ lexical de la souffrance : isolexisme « souffert » / « ma souffrance » v. 4 ;
répétition d’une même base lexicale, effet d’accentuation

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. Registre pathétique : le lecteur et l’auditoire sont pris à partie afin de témoigner de la
souffrance réelle du poète ; apostrophes généralisantes : « vous tous », puis « pères,
mères » ayant perdu un enfant ; effet : une communion dans la douleur qui en fait un
lyrisme universel. Cf préface : « quand je vous parle de moi, je vous parle de vous ».
Communion renforcée par la symétrie du vers 5 : césure à la moitié 6/6, +
polyptote (plusieurs formes grammaticales du même mot): éprouvait / avez éprouvé
. le poète suscite la compassion : v2 : « Je pleurai trois jours amèrement »

II- La mort comme manque La gradation dans la douleur

A- Une gradation dans la douleur

.Gradation temporelle : CC ou adverbe temporel « dans le premier moment » + passé


simple aspect perfectif, action vue non pas dans son déroulement mais dans sa
globalité ; un point dans le passé qui est celui du début du deuil ; « ; puis » v.7 ; valeur
de l’imparfait itératif « il me semblait » + autres imparfaits ; itératif « que de fois » v.17.
On a donc des repères chronologiques qui montrent une évolution, ou une répétition
(l’accumulation des propsubconj marque aussi la répétition dans le passé)
. Gradation / des étapes dans la douleur
. presque fou mais pas encore au début : adv de comparaison « comme » puis le
désespoir d’un poète proche du suicide « je voulais me briser le front sur le pavé » ; puis
la révolte « je me révoltais » v. 7 ; enfin le déni, puis la folie.
. Gradation finale qui conduit à une hallucination est annoncée par l’accumulation des
propositions sub conjonctives complétives, puis par le fait d’isoler le quatrain final.
Anaphore de « que » accumulation qui permet de voir l’obsession : l’idée fixe se mettre
en place.

B- Le déni et la révolte consécutifs à la prise de conscience

. La prise de conscience de la mort, la métaphore du regard


. « je fixais mes regards sur cette chose horrible » valeur sécante de l’imparfait = état de
stupéfaction ; comme si par le regard, il mesurait toute l’étendue des conséquences ;
aspect duratif de l’imparfait
. le déni et la révolte
Force de l’adverbe: « non » ; renforcement avec à la rime l’homonyme « nom ». + phrase
d’introduction de l’adverbe : « je m’écriais » = un cri de refus
« je n’y croyais pas »
. Négation ou préfixe privatif : « ne pouvait pas » v. 13, « impossible »
. Révolte contre Dieu comme dans « trois ans après » : force du passage entre tirets : comme
un aparté théâtral, question rhétorique qui n’attend pas de réponse mais exprime une
révolte contre la décision divine. De même Dieu prend v.3

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III- La folie ou l’expérience du manque

A- La présence physique de l’être aimé ;

. Refus de l’éloignement physique : « elle ne pouvait pas m’avoir ainsi quitté »


. La présence est revécue par les sens : l’ouïe et la vue : « je l’entendais rire », « que
j’allais la voir »= Rend la morte présente

B- Un désordre affectif à la source d’expériences hallucinatoires

. Rythme du vers 19, haché, qui témoigne du désordre de la pensé.


. Refus des autres pour mieux être en contact avec la morte : « silence », « attendez »
« laissez-moi » ; = il se replonge dans son propre discours passé dans lequel il s’enferme
encore ; absence de guillemets = comme s’il le disait encore au moment de
l’énonciation. Pérennité dans cette expérience. Pas un cas isolé. + « que de fois »
. Gradation entre le modélisateur « il me semblait » et la force du discours sans
modélisation : « elle a parlé », « voici le bruit… » phrases courtes au présent (passage de
l’imparfait au présent dans le quatrain final)
. Théâtralisation du récit à la fin par ce passage au discours direct + apostrophes à des
personnages fictifs : on rentre vraiment dans l’imaginaire.

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