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Baudelaire, publie le recueil Les Fleurs du mal en 1857 après un procès long et douloureux le contraignant

à payer une amende et à retirer six poèmes. Ce recueil composé de six sections, et inspiré du Romantisme
et du Parnasse, insuffle le mouvement du Symbolisme et a pour thème central le spleen et pour conception
poétique nouvelle extraire du laid et du mal le Beau. « Les Métamorphoses du vampire » est extrait du
recueil Les Fleurs de Mal. Ce poème fait partie des Epaves, pièces condamnées lors du procès pour
« outrage à la morale publique et religieuse ». Toujours dans la continuité de son projet poétique, extraire
la beauté du mal, Baudelaire unit dans ce poème amour et mort. Il aborde le thème de la femme qui lui est
cher. Une femme puissante, puissance qui lui porte préjudice. S’inspirant du romantisme noir, Baudelaire
passe d’une description sensuelle à celle d’un corps en putréfaction. Ainsi ce poème s’inscrit dans notre
parcours poétique « Alchimie poétique : la boue et l’or. »
Lecture
Mouvements du texte : La première strophe de seize vers prend la forme d’un blason sensuel, dans lequel
la femme prend parole pour exposer son pouvoir. La deuxième strophe composée de 12 vers nous
présente un poète impuissant face à cette anti-muse.
Ainsi nous chercherons à comprendre comment Baudelaire décrit une femme prédatrice, entre sensualité
et putréfaction.

I-Blason sensuel qui révèle le pouvoir de la femme


1-La femme synonyme de désir sensuel

-Le poète débute cette strophe de seize vers par la mise en scène de « La femme ». Notons l’usage du
déterminant défini « la » suivi dans cet alexandrin régulier par l’adverbe « cependant » à valeur
d’opposition et d’une description de la « bouche » v1. Cette partie sensuelle est associée au complément
du nom « de fraise » v1 sachant que ce fruit exotique est de couleur rouge.

-Cette métaphore a une connotation érotique surtout qu’elle est suivie du verbe pronominal conjugué en
un gérondif « en se tordant » v2 et d’une comparaison avec un animal maléfique « ainsi qu’un serpent »
v2.

-La description de la femme est basée sur le désir charnel, exprimé par un champ lexical érotique :
« Bouche », « seins » ou » « lèvres humides ». Baudelaire détourne la forme du blason puisque le corps
disparait sous la puissance du désir.

Cf « Vénus Anadyomène »

-De plus, tous les sens sont mobilisés pour un étourdissement charnel : la vue « bouche de fraise », le
toucher « pétrissant », « humide », l’odorat « tout imprégnés musc »

-L’allitération en s dans les mots « cependant », « sa », « se », ainsi », « serpent », « pétrissant »,


« ses », « seins », « sur », « busc », « laissait », « ces », « muscs » suggère la sensualité du personnage
féminin.

2-La femme serpent

-Cependant cette allitération créée également une harmonie imitative qui permet le rapprochement
entre la femme et le serpent par le son qu’il émet.

-On peut noter aussi le champ lexical du serpent « se tordant », « j’étouffe un homme », « morsures »
ainsi que la comparaison : « ainsi qu’un serpent ». L’image qui se dégage tentatrice, prédatrice et
dangereuse avec la référence au serpent tentateur qui a fait succomber Adam et Eve.

Cf « Le serpent »
3-Paroles de la femme = puissance et pouvoir.

-Le discours de la femme s’ouvre et se ferme sur le pronom personnel « moi ». On. Peut noter
également l’emploi récurent de la première personne du singulier «je », « me ». Ce qui dresse le portrait
d’une femme dominatrice.

-De cette prise de parole, on peut également dégager une image de la femme expérimentée dans l’art
de la séduction et de l’érotisme. Image introduite dans la phrase phrase juxtaposée utilisée comme
un contre rejet : « et je sais la science de perdre au fond d’un lit l’antique conscience » v5 et 6. Notons
l’usage du verbe « je sais. Dans cette déclaration signifiant la connaissance qui représente pour elle
une « science » ou un art lui et lui permet d’atteindre l’extase « au fond d’un lit ». Le lit fait
référence à l’union sexuelle dont elle possède l’art du plaisir et de la jouissance notamment la
perte de ce qui est appelé « l’antique conscience » v6.

-De cette présentation érotique des capacités de cette femme, elle passe ensuite a un second pouvoir à
savoir la femme consolatrice de tous les maux « je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants »
v7, Noter l’hyperbole « tous ».

-Ce second pouvoir se révèle également dans la double antithèse sur ces deux vers coordonnés avec la
conjonction de coordination « et » dans un enjambement notamment avec « pleurs/rires »
« vieux/enfants ».

-Cette femme possède également le don de la jovialité quand elle dit « faire rire les vieux du rire des
enfants » v8 elle démontre sa capacité innée de permettre à ses partenaires même « les vieux » de
retrouver l’innocence « des enfants » v8 grâce à ses caresses.

-Elle se compare dans sa nudité à « la lune », « le soleil », « le ciel », et « les étoiles ». Cette
accumulation relative à des éléments de l’univers dans sa grandeur et sa splendeur est
remplacée par sa nudité, cela signifie que sa compagnie procure l’extase.

-Le substantif « VOILE » v 9 fait référence à l’orient et à l’exotisme.

- On découvre également à qui la femme s’adresse à travers la phrase mise en apposition « mon
cher savant « v11 l’appellation de « savant » signifie que cette personne est dotée d’érudition ou de
science.

-Mais elle lui est supérieure. Elle est « si docte aux voluptés » v11. Notons l’emploi de l’adverbe
d’intensité « si ». Il ne peut la vaincre car elle lui est supérieure dans les plaisirs des
jouissances et des sens.

-Le poète nous présente ainsi un idéal féminin voire le portrait de la femme érotique parfaite
qui fait de l’homme son esclave voire sa proie.

Cf « La Beauté »

II-Un poète impuissant face à une Femme, vampire et anti-muse

-La deuxième strophe s’ouvre avec la conjonction de subordination « quand » qui exprime la
correspondance temporelle au vers 17. C’est ce qui introduit les différentes étapes de la
métamorphose de la femme.

-Le poète fait enfin référence au titre « Les Métamorphoses du vampire » en décrivant un vampire
qui a « sucé toute la moelle ». La succion entraine la fatigue de l’auteur vidé de toute l’énergie.
-Ce n’est donc plus une muse mais une anti-muse qui vide le poète de son énergie inspiratrice.

- On peut noter que Le plaisir se mêle à la douleur comme en témoignent le verbe « j’abandonne aux
morsures mon buste », et l’adverbe « languissamment » : le poète prend aussi du plaisir dans la
douleur.

-Il découvre une « outre » aux « flancs gluants ». L’outre désigne une poche en peau de bête
contenant des substances liquides. La femme devient un animal avec l’utilisation du mot « flancs »
et le pus quant à lui, dénote la maladie, l’infection.

-La beauté se transforme en horreur dans un temps limité exprimé par l’usage du passé simple
mettant en valeur des action brèves et achevées « vis » v19 « fermai » v21 « rouvris » v22.

-De la jubilation le poète se retrouve face à un être immonde qu’il nous présente dans un contre rejet
« je ne vis plus/qu’une outre aux flancs gluants de pus » v19 et 20. Le poète est épouvanté car il
n’arrive pas à croire ce qu’il voit à ses côtés. Notons le champ lexical de la vue « vis » « les deux
yeux » « rouvris ».

-Ainsi au lieu du « mannequin puissant/ qui semblait avoir fait provision de sang » v23 et 24, il n’y a plus
que des débris, ou encore « le cri d’une girouette » v26. Sachant que la girouette est synonyme de
personnes changeantes ou encore de pantins.

-Le poète va même jusqu’à qualifier le cri de ce squelette d’une « enseigne » signifiant marque, indice,
« au bout d’une tringle de fer » v27 d’un être animé et vivant. La femme se métamorphose en un
objet inanimé « que balance le vent pendant les nuits d’hiver » v28

-Il passe ainsi de la vie d’une créature divine à la métamorphose de cette créature en vampire, à
la mort de cette créature qui se transforme en poussière, à la métamorphose de l’animé a
l’inanimé ( de l’être à l’objet) d’où la puissance créatrice de la poésie et du poète. Ainsi cette anti
muse malgré sa puissance ne peut se mesurer à la puissance de la poésie.

-En effet, Baudelaire atteint l’idéal à travers le portrait idéalisé de la femme où il met en valeur les
correspondances et les synesthésies de sens car tous les sens sont présents : la vue (de la
femme), le gout (la bouche de fraise) mais aussi l’odorat (le musc) et le toucher et l’ouie (les cris et les
paroles) qu’il métamorphose en une créature du mal.

-La femme va être puni même puisqu’il la transforme en une créature faible « tremblaient » v25 verbe
conjugué à l’imparfait. C’est le vampire tentateur qui connaît une fin tragique en rapport avec l’image
biblique avec le diable et le tentateur, à travers une image sexuelle.

Même si la seconde partie du poème pouvait être considérée comme une punition infligée au démon de la
volupté, le procureur souligna cependant que la présence d’une « morale » ne justifiait pas la première
partie du poème, jugée contraire aux bonnes mœurs. Ce texte peut rappeler la « La Charogne », dans
lequel Baudelaire lie amour et mort et transfigure un cadavre en une expérience poétique.

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