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« Elle était déchaussée, elle était décoiffée… » Les Contemplations - Victor Hugo :
comparaison avec le poème de Baudelaire A une passante.
Nous allons comparer deux rencontres amoureuses qui ont lieu dans des cadres totalement
différents. Nous verrons ainsi que le lieu de la rencontre joue un rôle déterminant : la femme
rencontrée se confond avec le milieu dans lequel elle évolue. Les sentiments du poète sont
aussi en accord avec ce lieu.
Dans le poème de Victor Hugo, il s'agit d'une scène de rencontre campagnarde qui est
l'occasion d'un jeu amoureux plein de fraîcheur. L'échange de regards et de paroles a lieu dans
une nature heureuse et complice.
Un moment heureux et lumineux, tel est le contenu de ces quatre strophes qui donnent l'image
simple et belle de l'éternelle rencontre.
Cette image prend forme dans un poème de 4 quatrains d'alexandrins à rimes croisées.
La symbolique du chiffre 4 (chiffre de la nature : il y a 4 saisons, 4 éléments…) n'est peut-être
pas étrangère au choix de la forme régulière mais non fixe.
I/ Les lieux
Relever les formulations qui peuvent suggérer qu'il s'agit d'un chant, ou d'une chanson ?
reprise de phrases similaires : V. 11 : « la belle folâtre » V. 15 : « la belle fille » V. 12-13 :
Oh ! comme… Comme…semblables (V.1)
reprise de tournures
Le lieu est mentionné dès l'ouverture du poème : « la rue assourdissante autour de moi
hurlait. » La place en fin de vers de hurlait met en valeur l'ambiance urbaine qui ne sera pas
favorable à la rencontre amoureuse.
C'est la seule mention du lieu qui apparaît. Dans la suite du poème, le paysage s'incarne dans
le regard de la femme : « Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan. » la beauté se fait
obscurité menaçante : » « Un éclair … puis la nuit ! » la rencontre ne peut aboutir dans la
réalité : « Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ? Ailleurs, bien loin d'ici ! »
Baudelaire fait une rencontre d'un autre lieu, d'un autre temps.
II/ Les personnages
Rappelle les nymphes des bois : une rencontre placée sous le signe de la magie : caractère
exceptionnel de la rencontre malgré la simplicité du lieu. Quels sont éléments qui, dans le
poème, suggèrent le caractère exceptionnel, magique de la jeune fille ?
Créature dénudée, sauvage, telle une nymphe : divinité féminine représentée sous les traits
d'une jeune fille et personnifiant divers aspects de la nature. Par extension : jeune fille
gracieuse et bien faite.
Pour voir comment le personnage féminin est qualifié on regarde notamment les adjectifs
qualificatifs : dans la première strophe, ils qualifient son corps : « déchaussés », « décoiffée » :
regard du poète : du bas en haut.
Il revient à la description de ses pieds qu'il relie avec la nature.
C'est une silhouette « Longue, mince » sombre « en grand deuil » : c'est précisément l'image
inverse du poème de Hugo dans lequel la femme est du côté de la vie, de la clarté. La femme
décrite par Hugo est sans fard, sans artifice. Celle de Baudelaire balance « le feston et
l'ourlet ». Les participes présents suggère une démarche affectée, soit l'inverse du naturelle de
la femme hugolienne.
Dans le poème de Victor Hugo, le narrateur est séduit par une jeune fille dans un cadre naturel :
il l'invite à le suivre. Dans celui de Baudelaire, la femme ne fait que passer : la séduction
n'aboutit pas.
Absence d'ordre dans la toilette : - insistance sur la négation dans les deux termes qui
terminent les 2 hémistiches au vers 1 : « déchaussée », « décoiffée » : mise en valeur par
l'exacte similitude des 2 hémistiches, par les sonorités, par le même préfixe privatif -dé : elle est
dénuée de tout artifice.
même image de désordre à la fin du vers 16 : « Ses cheveux dans ses yeux… » : les rimes
internes « heureuse » « cheveux » yeux » suggèrent que ce désordre et ce naturel sont un
gage du bonheur.
les caractérisations soulignant la fantaisie, l'indépendance, la liberté (« folâtre » V.11
« effarée et sauvage » V. 15.
Elle est elle-même un élément de cette nature, libérée des contraintes sociales que
représentent coiffure et chaussures .Elle pourrait être l'émanation, voire le symbole de la
nature.
Le rire de la fin peut évoquer une créature dionysiaque, ménade ou bacchante = femme-
paysage.
beauté signalée 3 fois : V.6 - 11, 15. Beauté qui fait d'elle 1 fée (V.3) qui s'intègre dans le
paysage V. 2 - préposition « parmi » et par le complément de lieu : « les joncs penchants » : la
nature s'incline devant la beauté.
+ V. 14 = même structure : « dans les grands roseaux verts » : la jeune fille est, tout au long
du poème, associée à la nature.
Il est aussi sensible au charme de la fée qu'à celui de la nature : « Oh ! … » V. 12 et 13 :
registre lyrique souligné par la modalité exclamative.
Image de l'éternel féminin, beauté, naturel, fraîcheur : image à la fois simple et
enchanteresse de la femme-fée ou nymphe, de l'Eve éternelle. Le jeu des regards, moteur de
toute rencontre amoureuse, l'attente, l'hésitation qui font le charme de cette singulière scène de
rencontre. 3 - Une structure alternée -
Les jeux de la séduction sont donnés par le point de vue du narrateur : c'est lui qui voit la scène
à travers l'alternance des pronoms personnels « elle » et « je ».
V. 1 et 2 : « elle » sujet,
V. 3 et 4 : « je » sujet et « elle » complément.
Le narrateur voit et il invite : le pronom « je » permet d'introduire du discours direct lorsqu'il
s'adresse à la jeune fille. Il lui suggère que la nature est aussi une invitation à l'amour.
Prédominance d' »elle » : elle regarde 2 fois et elle se déplace, change d'attitude, se rapproche.
Possible formation d'un couple qui s'appuie encore une fois sur le jeu des pronoms : V. 4 :
Veux-tu t'en venir dans les champs ? V. 8 : Veux-tu nous en aller…
La rencontre n'aboutit pas : elle est du domaine du souhait. Le poète est attiré par une
beauté évanescente, éphémère : « fugitive beauté ». C'est la définition baudelairienne de
la beauté idéale. La femme est une silhouette, un regard, qui se dérobe au poète. Mais
cela suffit à faire naître un amour qu'il idéalise : « Ô toi que j'eusse aimé, ô toi qui le
savais ! » la fin du poème est l'expression d'un souhait. Le narrateur se complaît dans un
amour qui n'existe que dans les possibles de l'imaginaire.