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ISSN 0034-222X
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N° 246
la ti
juin 2011
Trimestriel
49e Année
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Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY
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Perspectives
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Données actuelles
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Multicanalité
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Rééducation
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Orthophonique
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Fédération Nationale des Or t hophonistes
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Revue éditée par la Fédération Revue créée par l’A.R.P.L.O.E.V. DERNIERS NUMÉROS PARUS
Nationale des Orthophonistes Paris
Rédaction - Administration : N° 243 : VOIX ET CANCER - Editorial : Jean-Claude Farenc, Orthophoniste, Toulouse, — Rencontre : Etre
76, rue Jean Jaurès, 62330 ISBERGUES Directeur de la publication : la Présidente de la F.N.O. : orthophoniste dans un service de cancérologie ORL : technique et relation d’aide. Réflexions personnelles,
— Tél. : 03 21 61 94 96 — (Christophe TESSIER) - Histoire d’un parcours, (Jean-Louis BRUN) — Connaissances Actuelles : Voix et
Nicole Denni-Krichel chirurgie dans le traitement des cancers des voies aéro-digestives supérieures, (Jérôme SARINI) — Examen
— Fax : 03 21 61 94 95 —
et interventions : La prise en charge orthophonique vocale des patients opérés d’une laryngectomie partielle,
e-mail : reeducation.orthophonique@wanadoo.fr (Christophe TESSIER, Alexandra SAUVIGNET-POULAIN, Grégoire VIALATTE DE PEMILLE) - La voix
oro-œsophagienne : apprentissage, avantages et limites, (Evelyne BRETAGNE) - Conséquences de la laryn-
Abonnement normal : 98 euros gectomie totale, de la radiothérapie et de la pose d’un implant phonatoire. Rôle de l’orthophoniste, (André
Membres fondateurs du comité de lecture : ALLALI) - Voix trachéo-oesophagienne, de la technique à la pratique ou la distorsion entre « le pouvoir-par-
Abonnement réduit : 75 euros
réservé aux adhérents F.N.O., ler et le vouloir-dire ». Expérience clinique de 20 ans à propos de 472 laryngectomisés totaux, (Annick
Pr ALLIERES • A. APPAIX • S. BOREL-MAISONNY LUQUET, Francis DALIPHARD) - La voix trachéo-oesophagienne avec valve automatique, (Jean-Claude
ou d’une association européenne
membre du CPLOL G. DECROIX • R. DIATKINE • H. DUCHÊNE FARENC) - Réhabilitation olfactive après laryngectomie totale, (André ALLALI) - Les traitements ortho-
Abonnement étudiant : 48 euros phoniques du trismus, (Maya BOU-HAYLA, André ALLALI) - Cancers de la sphère oro-pharyngo-laryn-
M. DUGAS • J. FAVEZ-BOUTONNIER • J. GERAUD
gée : l’intervention orthophonique en libéral, (Jean-Marc KREMER, Philippe BÉTRANCOURT) —
(joindre copie de la carte) R. GRIMAUD • L. HUSSON • Cl. KOHLER • Cl. LAUNAY Perspectives : Intérêts et limites de l’analyse acoustique dans la prise en charge orthophonique
Abonnement étudiant étranger : 58 euros des pathologies vocales d’origine cancéreuse, (Arlette OSTA) - La qualité de vie après une laryngectomie
(joindre copie de la carte d’étudiant) F. LHERMITTE • L. MICHAUX • P. PETIT
totale : trouble de la communication et perturbation des relations sociales, (Marianne BREL, Jean-Claude
Abonnement étranger : 108 euros G. PORTMANN • M. PORTMANN • B. VALLANCIEN. FARENC, Jérôme SARINI)
Vente au numéro : 33 euros
N° 244 : L’ÉMERGENCE DE LA COMMUNICATION ET DU LANGAGE - Introduction : Françoise Coquet
— Rencontre : L'émergence du langage et la métaphore de l'araignée, (Bernard GOLSE) - S'attacher pour
Comité scientifique mieux se détacher : l'impact des interactions précoces sur l'émergence du langage, (Dominique
CRUNELLE) - Quelles relations entre l'émergence du langage et le développement de la théorie de l'esprit ?
Aline d’ALBOY (Evelyne TOMMEN) - Jeu et langage en développement : entre fonction sémiotique et théorie de l'esprit (Edy
Dr Guy CORNUT VENEZIANO) - Rôle des représentations culturelles dans l'émergence du langage, (Paulette ANTHEUNIS,
Françoise ERCOLANI, Stéphanie ROY) — Données Actuelles : L’accompagnement orthophonique à l’aube
Ghislaine COUTURE de la vie : Du lien entre oralité alimentaire et oralité verbale, (Catherine THIBAULT) - Du gazouillis au pre-
Dominique CRUNELLE mier mot : rôle des compétences préverbales dans l’accès au langage, (Karine MARTEL, Marie LEROY-
COLLOMBEL) - Démarrer l’acquisition de la syntaxe (Séverine MILLOTTE, Perrine BRUSINI, Elodie
Pierre FERRAND CAUVET, Anne-Caroline FIEVET, Anne CHRISTOPHE) - Les comportements précurseurs de la communi-
cation : précurseurs pragmatiques, précurseurs formels, précurseurs sémantiques (Béatrice THÉROND) - Ce
Lya GACHES que le pointage du jeune enfant nous dit du développement cognitif et langagier (Emmanuelle MATHIOT) -
Olivier HERAL Premières découvertes à propos du monde et des objets (Françoise COQUET) - Les premiers mots du jeune
enfant français : Analyse quantitative et qualitative du vocabulaire réceptif et expressif des deux premières
Jany LAMBERT années de vie (Sophie KERN) — Examen et interventions : Le bilan multidisciplinaire des jeunes enfants :
Frédéric MARTIN quand ?, comment ?, pourquoi ? Avantages et limites (Naïma DEGGOUJ, Françoise ESTIENNE, Fabienne
VANDER LINDEN) - Comment évaluer les compétences langagières chez les jeunes enfants avec l’ECSP
Alain MENISSIER (Evaluation de la Communication Sociale Précoce), (Michèle GUIDETTI) - Observation / Evaluation du
Pr Marie-Christine MOUREN-SIMEONI développement du jeune enfant avec les Protocoles 20 et 27 mois d’EVALO BB, (Françoise COQUET) -
Conduites d’étayage maternel en situation de lecture partagée avec des enfants âgés de 24 mois, (Agnès
Bernard ROUBEAU WITKO) — Perspectives : Un nouvel outil de soutien à la parentalité pour le développement de la commu-
Anne-Marie SIMON nication et du langage (Paulette ANTHEUNIS, Françoise ERCOLANI, Stéphanie ROY)
Monique TOUZIN
N° 245 : DÉGLUTITION ET CANCER - Introduction : (Jean-Claude FARENC) — Connaissances Actuelles :
Chirurgie carcinologique des voies aéro-digestives supérieures et troubles de déglutition, (Adil
Rédacteur en chef BENLYAZID) - Traitements non chirurgicaux des cancers ORL, (Michel RIVES) - Prise en charge bucco-
dentaire et radiothérapie cervico-faciale, (Maryalis GUICHARD) - Les douleurs de la déglutition au cours
Jacques ROUSTIT des cancers, (Jacques POUYMAYOU, Philippe IZARD, Pierre ROUGÉ) — Examen et interventions :
Stimulations électriques et dysphagie oro-pharyngée, (Virginie WOIZARD) - Déglutition et canules,
Secrétariat de rédaction (Christine GOETGHELUCK) - Sonde naso-gastrique et gastrostomie ? Réflexions d’un orthophoniste…,
(Jean-Claude FARENC) - Intérêt du soutien nutritionnel dans la prise en charge des cancers des voies aéro-
Marie-Dominique LASSERRE digestives supérieures, (Muriel RICHL) - Propulsion oropharyngée (Michèle PUECH) - De l’autre côté des
lèvres … des plaisirs aux souffrances. Bouches cousues, les langues se délient, (Annick LUQUET) - Cancers
Abonnements de la face : impacts sur la relation au monde, communication, alimentation : rôle et limites de l’orthopho-
niste à travers trois cas, (Isabelle EYOUM) - La prise en charge orthophonique de la déglutition après laryn-
Sylvie TRIPENNE gectomie partielle, (Christophe TESSIER, Alexandra SAUVIGNET-POULAIN, Grégoire VIALATTE DE
PEMILLE, Virginie SIMEONE) - Troubles de la déglutition après laryngectomie totale, (André ALLALI) —
Réalisation TORI Perspectives : Addictions et prise en charge orthophonique en cancérologie, (Arlette OSTA) - Déglutition et
01 43 46 92 92 cancers de la sphère ORL : curatif et palliatif, (Philippe BÉTRANCOURT, Jean-Marc KREMER, Didier
Commission paritaire : 1110 G 82026 Impression : CIA Bourgogne
LEROND)
MULTICANALITÉ DE LA COMMUNICATION
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Multicanalité de la communication
Françoise Coquet
Orthophoniste
163 rue Saint Albin
59500 Douai
Courriel : francoise.coquet@wanadoo.fr
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REFERENCES
COQUET, F. (2003). Lecture pragmatique (repères théoriques) de la situation de rééducation du langage
oral en individuel : une situation de conversation ? Entretiens de Bichat. Paris : Expansion Scien-
tifique Française.
CORRAZE, J. (1980). Les communications non verbales. Paris : PUF.
COSNIER, J., VAYSSE, J (1997). Sémiotiques des gestes communicatifs. Nouveaux actes sémiotiques,
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GARITTE. C. (1998). Le développement de la conversation chez l’enfant. Bruxelles : De Boeck Univer-
sité.
HEDDESHEIMER, C. et ROUSSEL, F. (1986). Essai d’analyse discursive d’un séminaire. Cité par C.
GARITTE, 1998.
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Résumé
Nous étudions le moment fécond d’une séance de psychothérapie au cours de laquelle un
enfant de 7 ans et 4 mois, Denis, en difficulté scolaire remanie soudain son identité énoncia-
tive, notamment l’appropriation du Je et sa forme réfléchie, défaillante jusque-là. La séance
est une interaction à trois, face à un grand miroir, qui porte sur l’auto-désignation de soi.
Notre démarche d’analyse interlocutoire (qui recourt à la théorie des jeux d’investigation et
de recherche d’Hintikka) suit continûment une épistémologie à la fois descriptive et statisti-
que, nourrie par la quête et l’exigence micro-génétiques chères à Piaget et Inhelder. Nous
mettons en évidence le caractère multicanal de l’interaction dans cet article. La gestuelle
déictique et iconique employées « naturellement » par le patient ainsi que les aspects
para-verbaux et extra-verbaux fonctionnent comme un co-texte intégré aux unités verbales
et non pas ajouté à celles-ci.
Mots clés : formes d’auto-désignation sujets, gestuelle, déictique, pronom personnel je, pro-
nom réfléchi, logique interlocutoire, identité énonciative, para-verbal.
Abstract
We analyzed a significant sequence from a psychotherapeutic session during which a 7 year
4 month old child, Denis, who displayed academic difficulties, suddenly altered his enuncia-
tive identity, more specifically the appropriation of the “I” pronoun and its reflexive form,
which were defective up to that point. The session involved a three-way interaction process
which used a large mirror and dealt with self-designation. Our interlocutory analysis (which
resorts to the game theory of investigation and search for Hintikka) systematically follows a
descriptive and statistical epistemological approach, inspired by the rigorous microgenetic
method which was highly valued by Piaget and Inhelder. In this article; we highlight the mul-
tichannel character of the interaction. Deictic and iconic gestures that are “naturally”
employed by the patient, as well as para-verbal and extra-verbal aspects, function like a Co-
text which is integrated into the verbal units rather than added to them.
Key Words : subject forms of self-designation, gestures, deictic, personal pronoun I,
reflexive pronoun, interlocutory logic, enunciative identity, para-verbal.
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Christophe LUXEMBOURGER
Chargé d’enseignement à l’Université de
Nancy 1 (IUFM de Lorraine) et Nancy 2.
Psychologue scolaire, psychologue
clinicien, docteur en psychologie
Réseau d’Aides Spécialisées aux Elèves
en Difficulté
2 rue Saint Michel
55100 Verdun.
Chercheur associé au GRC (Laboratoire
InterPsy EA 4165)
Courriel : luxembourger.verdun@wana-
doo.fr
Alain TROGNON
Docteur en Psychologie, Docteur es-Lettres
et Sciences Humaines
Professeur des Universités (CE2) à Nancy-
Université (Nancy 2, Psychologie Sociale)
Responsable du Groupe de Recherche sur
les Communications (GRC, laboratoire
InterPsy EA 4432)
Département de psychologie, Nancy
Université (Nancy 2)
BP 33-97
54015 Nancy Cedex
http://www.alainm-trognon.com
Courriel : Alain.Trognon@univ-nancy2.fr
N
otre article porte sur la dixième séance d’une psychothérapie menée avec
Denis, un jeune patient de 7 ans et 4 mois. Nous y instituons un cadre
supposé inciter les verbalisations de Denis concernant son identité. Ce
cadre interroge l’enfant sur ce qu’il voit dans un miroir devant lequel il est assis
en compagnie de son frère jumeau. De cette interaction émerge l’expression ver-
balisée d’une discordance dans le rapport à soi. Il s’agit d’un moment fécond de
la psychothérapie au cours duquel Denis se met brusquement à utiliser correcte-
ment tout « l’appareil formel de l’énonciation », dont les pronoms réfléchis : il
opère ainsi une rupture complète dans l’emploi des formes d’auto-désignation
sujets1.
1. A partir d’une analyse du discours, analyse interlocutoire qui recourt à la théorie des jeux d'investigation et
de recherche (Hintikka, 1984) ainsi qu’à la théorie sémantique des modèles d’Hintikka (1989), nous avons pu
expliciter, dans un développement que nous ne pouvons exposer dans cet article, la structure du remaniement
identitaire ainsi que l’organisation mentale qu’elle dépasse en rapport avec les modifications de l’identité
énonciative de Denis (Luxembourger, Trognon, 2009, Luxembourger, 2010).
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l’école et motive l’appel au psychologue. Denis dit par exemple « dessine mai-
son » au lieu de « je dessine une maison », « sais pas » pour « je ne sais pas »,
« vu ça » pour « j’ai vu ça », quelquefois il dit « me va faire une cabane », plus
rarement “i” pour “il ”. Presque toujours la place du pronom personnel « je »
reste vide. Le plus souvent Denis l’élimine purement et simplement. Moins fré-
quemment, il le remplace par le pronom personnel objet (la phrase me va faire
une cabane peut être générée par remplacement de je par me ou par simple éli-
mination de je). Parfois encore, il lui substitue le pronom il qui symbolise, selon
Benveniste (1966) la “non personne”. Le bilan rééducatif de Denis4 qui précède
l’entrée en psychothérapie signale qu’il n’emploie pas le je à 6 ans et 6 mois, ce
que les enseignantes confirment dans leurs observations.
Eléments environnementaux
Denis est frère jumeau dizygote de Guy. Leur ressemblance est cependant
comparable à celle de jumeaux monozygotes. Leur mère nous explique sa sépa-
ration dès la naissance suite à une anomalie œsophagienne. Denis a du être
transféré d’urgence vers l’hôpital d’une grande ville pour une opération chirur-
gicale qui ne pouvait attendre. La convalescence a duré un mois, occasionnant
une longue absence de la mère et de toute personne de référence. Mme F. n’a pu
lui rendre visite que deux fois au cours du premier mois de vie. Elle se remé-
more ces évènements : « pour moi je n’avais qu’un enfant, je n’avais que Guy.
Je n’avais pas pris conscience que j’en avais deux. Cela s’est fait au bout d’un
mois, quand j’ai pu les voir tous les deux ». L’intervention chirurgicale a laissé
une cicatrice d’une quinzaine de centimètres dans le dos de Denis, qu’il semble
ignorer encore à la dixième séance, de même que, plus généralement, les cir-
constances de sa naissance. Notons également que l’ensemble de son entourage
se trompe dans la nomination de Denis.
L’équipe éducative de l’école (enseignants et parents) sollicitent l’aide du
psychologue du RASED dès la rentrée de septembre : celui-ci se fixe pour
objectif de travailler sur la reconnaissance de soi de Denis.
4. Bilan effectué par l’enseignante spécialisée du Réseau d’Aide Spécialisées aux Elèves en Difficulté, au
terme de deux années de suivi.
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Calcul statistique au X2 :
- Sans pronoms réfléchis : X2=26,43 ; degré de liberté=2 ; zone de rejet de l’hypothèse
d’homogénéité au risque de 0,05% de se tromper si X2 supérieur à 15,2.
- Avec pronoms réfléchis : X2=34,63 ; degré de liberté=3 ; zone de rejet de l’hypothèse
d’homogénéité au risque de 0,05% de se tromper si X2 supérieur à 17,73.
Tableau 3 : pourcentage des formes d’auto-désignation sujets
avec pronom réfléchi de première personne (je me)
5. Vers 30 mois pour le pronom personnel je et entre 36 et 42 mois pour le me, selon Rondal et Bredart
(1985, p 36).
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♦ La dixième séance
Le dispositif
La maquette de l’espace de la séance (figure 2) nous permet de situer le
contexte spatial de l’interaction. Nous avons procédé à un enregistrement video,
afin d’avoir accès d’une part, aux informations sur le matériel verbal et au
contexte temporel au cours duquel se déroulent les actes illocutoires et d’autre
part, à la gestuelle ainsi qu’aux paramètres vocaux.
Afin que la situation puisse être investie par les jumeaux y accomplissant
leurs relations, Guy sera invité pour l’occasion6.
6. Nous suivons ainsi le conseil que donnait fréquemment René Zazzo (1984) lorsqu’il proposait de rece-
voir, à un moment et lorsque c’est possible, les deux jumeaux ensemble car la place du jumeau au sein du
« couple gémellaire» est le lieu où se manifeste souvent de la manière la plus éloquente la problématique
du patient, le lieu où se déterminent des places co-construites socialement et dont l’analyse du jeu de lan-
gage rend compte de manière fine et subtile.
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7. En LSF cette configuration de la main (main fermée et pouce tendu vers soi) s’applique lorsque les person-
nes se désignent elles-mêmes. (exemple : moi-même, lui-même : voir diagrammes en annexe, figure b)
8. En Langue des Signes Française (LSF), cette configuration de la main et du corps indique « lui », « il » ou
« elle »
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tive de 19D à 18Pb présuppose que Denis se voit. P lui demande dès lors de se
localiser dans le miroir, ce que Denis fait manifestement à contre-coeur : 23D
([Je suis] là.) est à peine chuchoté. Ce qui fait symptôme est bien la non-dési-
gnation de Denis qui échoue dans l’auto-désignation (1P à 17D) alors que la
demande de localisation est satisfaite (18P à 23D).
La quatrième séquence : aspects verbaux et gestuelle iconique.
De 27P à 38G, l’expression de sa discordance par un décentrage de point de vue
9. En LSF cette configuration des deux mains est employée pour signifier l’idée de transparence (voir dia-
grammes en annexe, figure b).
10. En LSF, ce geste est apparenté à celui signifiant le corps.
11. En LSF, ce signe veut dire demander. Littéralement « D adresse une demande à D’ ou au miroir »
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12. Dans le rapport entre conscience de soi et théorie de l’esprit, Houdé (2008) précise que la théorie de l’es-
prit (2 à 6 ans) opère une synthèse de l’imitation et de la conscience de soi au niveau mental et métacognitif.
L’enfant va raisonner de manière contrefactuelle en intégrant des croyances vraies ou fausses, les siennes et
celles d’autrui et effectuer simultanément (souligné par nous) la synthèse des deux éléments de la définition de
l’identité. Cette synthèse identitaire concerne d’une part le rapport que présente entre eux deux ou plusieurs
êtres qui ont une similitude et d’autre part le caractère permanent et fondamental d’un individu. Autrement
dit, l’enfant va comprendre que chacun a son cerveau, son esprit et ses croyances et simultanément intégrer le
caractère permanent et fondamental de quelqu’un.
13. Le concept de « sens de soi » décrit par Stern (1989) se rapporte à la représentation psychique que le sujet
a développée de lui-même dès les premiers instants de vie, y compris in-utéro (sens de soi emergeant, jusqu’à
2-3 mois), le sens de soi-noyau (entre 2-3 mois et 7-9 mois), le sens de soi-subjectif (entre 9 et 18 mois) puis
le sens de soi-verbal (après 18 mois). Ils constituent des systèmes d’interprétation qui s’intègrent les uns aux
autres et restent actifs tout au long de la vie.
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Du « nous on » au « je me »
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14. L’analyse de la gestuelle de la « demande » adressée au miroir mérite un développement que nous ne pou-
vons tenir dans cet article.
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♦ Conclusion
Les composantes qui entrent dans la construction de la signification du
message et de son interprétation ne sont pas limitées aux énoncés verbaux. Ker-
brat-Orecchioni (1992, p 47) parle de « caractère multicanal et pluricodique de
la communication ou multicanal et pluri-sémiotique des pratiques communica-
tionnelles » selon les termes de Goffman (1974, p 4). En effet, au-delà des
énoncés verbaux chacun ne cesse d’injecter intentionnellement ou non dans la
situation où il se trouve, du matériel comportemental qui fonctionne comme un
co-texte fait de « subtiles mécanismes para et extra-verbaux » qui sont des mar-
queurs d’énonciation qui témoignent des rapports de l’énoncé avec la situation
d’énonciation (Cosnier, Brossard, 1984, p 5) et « contribuent selon des modali-
tés complexes à l’établissement d’un énoncé total » (Moro, Rickenman, 2004,
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p44), ce en quoi ils intéressent au plus haut point le clinicien dont la mission est
de produire du sens à partir de l’ensemble des signes qui émergent dans l’inter-
action.
Ainsi, les caractéristiques para-linguistiques d’un énoncé verbal (la tona-
lité, l’accentuation, le timbre, l’intonation, le volume, les pauses, les ruptures, le
débit ou la vitesse, le rythme, l’articulation) concourent et participent à la
construction du sens du discours. Pour traduire l’état mental de l’énonciateur,
les acteurs ont éminemment recours à l’aspect extra-verbal de la parole. Ils lais-
sent donc transparaître dans les modalités de la voix, l’interaction qui s’établit
entre eux et leur environnement. Les éléments para-linguistiques sont porteurs
de signification, ils ne s’ajoutent pas aux unités verbales mais leur sont intégrés.
D’autre part, comme le rappelle le linguiste Richelle (1972, p 169) dans
la démarche qu’il préconise pour l’étude de l’acquisition du langage, « l’univers
social agit à la fois par ses aspects linguistiques et extra-linguistiques ». C’est
pourquoi la présence du frère jumeau Guy se justifie à la fois au titre de témoin
expérimental et de partenaire potentiel et naturel d’interaction. Emerge alors
l’expression verbalisée d’une discordance dans le rapport à soi au sein d’un jeu
de langage qui par un jeu de questions-réponses cherche à en déployer la carte
épistémologique. Le je d’abord absent en début de séance, s’installe, puis aussi-
tôt ensuite l’usage du pronom réfléchi « me » qui apparaît pour la toute première
fois dans le discours de Denis. Une mutation dans le remaniement identitaire de
Denis, du point de vue énonciatif et psychologique semble se réaliser alors sous
nos yeux.
Cette analyse, qui mobilise la théorie de l’entretien clinique piagétien et
la théorie des dialogues de recherche et de découverte (Hintikka, 1976, 1981,
1984) nous livre une interprétation cognitive des “malformations” du traitement
mental de l’individualisation chez Denis éclairé dans cet article de leurs « parti-
tions » gestuelle et extralinguistique trop souvent absentes des analyses du dis-
cours. Ces dernières impliquent le corps et une part importante de l’expressivité
du sujet soumis aux limitations du langage qui ne traduit toujours qu’imparfaite-
ment une pensée. Dans le cas de Denis, dont les potentialités verbales sont
encore réduites, il est remarquable d’observer l’usage « naturel » d’une ges-
tuelle signifiante en langue des signes alors même que ce dernier n’y est absolu-
ment pas familiarisé. En témoigne, indépendamment des déictiques, l’usage
gestuel du concept de transparence dont nous avons pu rendre compte. L’inter-
prétation gestuelle, dans le ballet discursif de distribution des rôles aux diffé-
rents pronoms utilisés par Denis, nous a permis de désambiguïser l’ « opacité
pronominale » afin de mieux identifier qui est la personne dont on parle et com-
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ment elle se situe par rapport au porteur de l’énonciation. Certes, il est aisé de
réaliser une typologie grammaticale des emplois des pronoms, mais cependant,
tel qu’il nous a été donné de le voir, nous pouvons penser que « le sémantisme
des pronoms se constitue (en épaisseur) entièrement dans le développement de
la relation à autrui dans la relation d’interlocution, et que seuls les interlocuteurs
ont un pouvoir sur cette relation » (Facchiolla, 2006, p.47).
REFERENCES
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Résumé
La communication joue un rôle essentiel dans le développement de l’enfant dans la mesure
où elle lui permet d’interagir avec son entourage social et familial. La réussite de la commu-
nication suppose la capacité à interpréter les signaux produits par autrui via des comporte-
ments verbaux et non verbaux (Thommen, Châtelain & Rimbert, 2004). Afin de donner un
sens au discours et au comportement de l’autre, l’enfant doit maîtriser le sens de l’énoncé
et les règles syntaxiques sous-jacentes (manifestations verbales), mais également inférer
les intentions communicatives et les états mentaux (informations non verbales). Les com-
portements de nature émotionnelle font partie des signaux verbaux et non verbaux émis par
autrui. Dans le cadre de cet article nous nous intéressons à l´évolution des comportements
émotionnels au cours du développement typique.
Mots clés : émotion, communication, cognition, Théorie de l’esprit, développement.
Abstract
The recognition of facial expressions is considered to be a critical component of communi-
cation. This type of ability is used for example to « read » and understand other persons’
emotional expressions. Within the framework of this research, we are interested in children’s
abilities to express and interpret the emotional manifestations of other persons, as a highly
mediating factor for successful social adjustment.
Key Words : emotion, communication, cognition, children, theory of mind, development.
Myriam SUAREZ
Orthophoniste
DEA Langage et Parole
Docteur en Psychologie
Université Toulouse II-Le Mirail
Laboratoire OCTOGONE - ECCD
(Équipe Cognition Communication et
Développement)
Pavillon de la recherche
Bureau R 19
5 Allées A. Machado
31058 Toulouse Cedex 9
Courriel : myriam.suarez@univ-tlse2.fr
L
ors d’un échange communicatif, le locuteur peut accompagner son dis-
cours de comportements expressifs, de même que l’auditeur. Ce dernier
peut recourir à des manifestations émotionnelles afin de communiquer ses
réactions au discours ou afin d’accompagner la discussion (Reilly & Seibert,
2003). Nous nous intéressons à la fonction communicative et adaptative des émo-
tions c’est à dire à la façon dont les émotions permettent d’établir, maintenir et
réguler les relations interpersonnelles du jeune enfant. Dans cette perspective, les
émotions jouent aussi un rôle organisateur dans les échanges communicatifs.
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Lenoir, 2006). Nous finirons par une discussion concernant les données présen-
tées et des perspectives de recherche autour de ce sujet.
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année (Gosselin, 2005). Selon Widen & Russell (2003), cette évolution dans la
dénomination des émotions serait le reflet de la construction de catégories émo-
tionnelles. Cette construction suppose que l’enfant fasse une discrimination plus
importante pour chaque catégorie. Malgré les généralités précédemment décri-
tes il existe des différences culturelles au niveau du vocabulaire émotionnel.
Levy (1973 cité par Widen & Russell, 2003) suggère le fait que chaque culture
met en valeur certains concepts et met à disposition de l’enfant une diversité de
termes afin qu’il puisse faire allusion à cette émotion. Par exemple, la colère a
une diversité de labels émotionnels en anglais, tandis que le dégoût ne dispose
que de très peu de dénominations dans cette langue (Widen & Russell, 2003).
Parallèlement à l’évolution des capacités de reconnaissance émotionnelle,
l’enfant va développer des capacités de contrôle et de dissimulation des expres-
sions faciales grâce au développement moteur et cognitif.
Contrôle de l’expression émotionnelle
L’enfant devient progressivement capable de contrôler ses manifestations
émotionnelles. Ce contrôle émotionnel aurait plusieurs fonctions. Une première
fonction adaptative vise à diminuer la contagion affective et à normaliser les
rapports sociaux. Il peut également être employé afin de tromper ou d’obtenir
un traitement avantageux de la part d’une personne (Owren & Bachorowski,
2001). Par exemple, l’aptitude à juger la sincérité de l’expression peut être avan-
tageuse dans la mesure où elle permet à une personne d’éviter d’être manipulée
à ses dépens ou de détecter l’état de détresse d’une autre personne.
Certaines études ont mis en évidence le développement des capacités des
enfants d’âge préscolaire à contrôler l’expression de leurs émotions. L’enfant de
trois ans est en mesure d’amplifier l’expression de sa détresse en fonction de la
situation. Ainsi, il manifeste plus de signes de détresse après s’être blessé lors-
que les personnes qui l’ont en charge sont présentes que si elles sont absentes
(Blurton-Jones, 1967 cité par Perron & Gosselin, 2004). Entre 5-6 ans, l’enfant
peut distinguer les émotions exprimées des émotions ressenties (Ceschi, &
Scherer, 2001). Les enfants d’âge scolaire (6-12 ans) ont une connaissance des
règles et des contextes sociaux qui influencent la dissimulation des expressions
émotionnelles. Ainsi, l’enfant développe des facultés à exprimer des émotions
en fonction de l’apprentissage des règles sociales et de l’exercice d’un contrôle
de la motricité faciale (Saarni, 1999).
Dissimulation des manifestations émotionnelles
Les règles d’expression émotionnelle déterminent également les moyens
par lesquels les émotions doivent être dissimulées. Selon Ekman (1992), l’être
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humain peut exprimer spontanément ses émotions mais, les impératifs de la vie
sociale font qu’il est souvent conduit à dissimuler ses véritables états émotion-
nels. La dissimulation peut faciliter les relations interpersonnelles. Parmi les
stratégies de dissimulation émotionnelle il y a le masquage d’une émotion à
l’aide de l’expression d’une autre émotion (par exemple lorsqu’on sourit afin de
cacher la tristesse). Le sourire est une des manifestations émotionnelles les plus
utilisées dans la dissimulation des émotions négatives (Ekman & Friesen, 1982).
Le succès de cette stratégie dépend de l’intensité de l’émotion négative : plus
elle est intense, plus il est difficile d’inhiber complètement les mouvements
faciaux associés à cette émotion. Gosselin, Beaupré & Boissonneault (2002) ont
évalué les capacités d’enfants âgés entre 6 et 12 ans, et d’adultes à détecter les
signes subtils de la colère lorsque cette émotion était masquée par un sourire.
Pour ce faire, les chercheurs ont présenté des sourires authentiques et des souri-
res de masquage qui comprenaient une composante de la colère (le serrement
des lèvres). Une sensibilité à la composante de la colère est repérée par les
enfants (qui avaient moins tendance à dire que la personne était vraiment
contente lors du sourire masqué), mais seuls les adultes ont été capables d’iden-
tifier l’émotion masquée par le sourire.
Les enfants développent des capacités de dissimulation des émotions.
Cette dissimulation peut dépendre du type d’état affectif à dissimuler (colère,
tristesse, douleur physique) et du type d’audience (mère, père, pair, seul). Ainsi,
les réponses recueillies auprès des enfants indiquent qu’ils contrôleraient l’ex-
pression de leur émotion de façon plus significative en présence des pairs que
lorsqu’ils sont avec leurs parents ou lorsqu’ils sont seuls (Zeman & Garber,
1996). Dès l’âge de quatre ans, les enfants sont capables de masquer à l’aide
du sourire leur déception lorsqu’ils reçoivent un cadeau peu désirable en pré-
sence de l’adulte qui le leur a offert (Josephs, 1994 cité par Gosselin, 2005). Par
contre, ils expriment toute leur déception en ouvrant le même cadeau dans un
contexte privé (Cole, 1986). La dissimulation peut également dépendre et de
l’âge et le genre du sujet (Zeman & Garber, 1996) : les filles auraient davantage
tendance à dissimuler les expressions faciales de la colère à l’égard des ensei-
gnants plutôt que de leurs pairs (Underwood, Coie & Herbsman, 1992) tandis
que les garçons dissimuleraient davantage la tristesse que les filles (Underwood
et al., 1992).
♦ Discussion
Les recherches précédemment évoquées laissent supposer que le déco-
dage de l’expression faciale émotionnelle se développe sur toute l’enfance
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(Gosselin, 2005). Depuis les premiers mois, le nouveau-né réagit face à certai-
nes expressions faciales, mais n’attribue une signification émotionnelle à celles-
ci que vers la fin de la première année. Même si les enfants font preuve d’une
reconnaissance précoce des émotions de base, leurs facultés à identifier, nom-
mer, et évoquer les états émotionnels se développent selon des rythmes diffé-
rents. Ils sont capables de catégoriser les expressions faciales selon leur valence
et leur valeur hédonique depuis leur plus jeune âge (Russell & Bullock, 1986).
En ce qui concerne le développement des capacités à nommer les émotions, les
études mettent en valeur un effet du type de l’émotion (Michalson & Lewis,
1985 ; Widen & Russell, 2008): la joie, la tristesse et la colère sont nommées
plus tôt que la peur, la surprise et le dégoût. Les confusions entre certaines émo-
tions font partie de cette évolution. Ainsi, les enfants auraient tendance à
confondre la colère avec le dégoût (Camras, 1980 cité par Gosselin, 2005) ou la
surprise avec la peur (Gosselin, 1995). Quant à l’évolution des capacités à expri-
mer les émotions, la littérature abordée nous a permis de constater qu’à la nais-
sance, la vie émotionnelle des nouveau-nés témoigne seulement de deux états :
détresse (cris et irritabilité) et le plaisir (satiété). Au cours du développement,
ces états émotionnels s’affinent en fonction de l’expérience, du développement
du concept de soi et de la capacité à comparer ses propres conduites expressives
à des critères sociaux et moraux.
Le développement que nous présentons peut être interprété selon le modèle
de différenciation émotionnelle développé par Widen & Russell (2003 ; 2008).
Selon ces auteurs, le développement des capacités d’attribution et d’expression
émotionnelles chez l’enfant serait associé à cinq aspects : le développement des
capacités perceptives plus fines, la différenciation de situations émotionnelles,
l’évolution de comportements expressifs, l’acquisition d’un lexique émotionnel et
le développement cognitif. Nous allons développer chacun de ses éléments.
Le premier est en rapport avec le développement des capacités des
enfants à faire des discriminations perceptives plus fines. Selon cette hypothèse,
l’enfant deviendrait graduellement plus sensible aux composantes faciales qui
distinguent les états émotionnels (effet de l’âge). Ainsi, il pourrait discriminer
graduellement des émotions différentes (effet de la nature de l’émotion) ayant
en commun une ou plusieurs composantes faciales (surprise et peur) ce qui se
traduit par une diminution des confusions. Ce développement faciliterait la
reconnaissance des expressions faciales émotionnelles et non émotionnelles
(Thommen et al., 2004). Cette perception est très liée à l’orientation du visage :
lorsque celui-ci est présenté à l’envers, les adultes ont des difficultés à en perce-
voir les traits, ce qui n’est pas le cas des enfants de quatre ans (Hay & Cox,
2000 ; Aylward, Park, Field, Parsons, Richards, Cramer & Meltzoff, 2005). Les
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♦ Perspectives
Nous portons notre intérêt à l’étude des émotions car elles disposent de
plusieurs fonctions adaptatives distinctes (Darwin, 1872 ; Michalson & Lewis,
1985). La première fonction consiste à communiquer aux autres son propre état
interne ce qui permet à l’interlocuteur d’ajuster son comportement en accord
avec la situation. « L’expression d’une émotion permet à autrui d’inférer non
seulement la réaction de l’émetteur à un événement ou une action particulière,
mais elle signale aussi une tendance à l’action spécifique (par ex. l’agression en
cas de colère) pour déterminer fortement le processus d’interaction ultérieure »
(Scherer, 2000). Les émotions ont également d’autres fonctions adaptatives per-
mettant : une évaluation de la signification des événements en fonction des
besoins et des projets de l’individu (Arnold, 1960 cité par Scherer 2000), la
mobilisation de réponses adaptatives dans des situations d’urgence, l’explora-
tion de l’environnement, la préparation à l’action, la référenciation sociale, la
prise de décision adaptée à l’environnement social et le traitement et le filtrage
des informations non pertinentes afin que la prise de décision soit rapide et per-
tinente (Damasio, 1999) .
Les manifestations émotionnelles tiennent une place essentielle dans le
développement : elles sont à l’origine et sont le résultat des interactions de l’en-
fant avec son entourage. Leur évolution dépend de plusieurs éléments : l’acqui-
sition des capacités perceptives fines, la différenciation de situations émotion-
nelles, la maîtrise de comportements expressifs, l’apprentissage du vocabulaire
émotionnel et le développement cognitif.
Les enfants typiques font appel aux capacités émotionnelles afin de com-
prendre et interpréter le comportement d’autrui lors d’un échange communica-
tif. Ces capacités, qui se développent au cours de l’enfance, permettent à l’en-
fant d’ajuster son comportement en fonction du contexte et des attentes sociales.
Lorsque l’enfant n’accède pas aux informations émotionnelles, son inter-
action avec l’entourage peut être altérée. En fait, les enfants atteints du syn-
drome autistique, forme la plus sévère des troubles du développement de l’en-
fant (Boddaert & Zilbovicius, 2002), présentent des troubles émotionnels
(Baron-Cohen, 1991 ; Brun & Nadel, 1998 ; Celani, Battacchi & Arcidiacono,
1999) et de la cognition sociale (Adolphs, Sears & Piven, 2001). De ce fait, les
enfants avec autisme ont des difficultés à traiter les informations dans un
contexte social et à interpréter la complexité des interactions sociales (Thom-
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men et al., 2004 ; Klin 2000). L’étude des difficultés de ces enfants à lire les
émotions d’autrui peut nous aider à mieux comprendre le développement typi-
que (Suárez, 2009) et le développement atypique des émotions (Thommen, Suá-
rez, Guidetti, Guidoux, Rogé & Reilly, 2010).
Nous avons documenté le développement des capacités d’identification et
d’expression des mimiques faciales. Mais il existe d’autres manifestations non
verbales de nature émotionnelle qui interviennent dans la communication multi-
modale : les gestes, les postures et les émissions vocales (Scherer, 2000 ; Mor-
ton & Trehub, 2001 ; Trehub & Nakata, 2002). Ainsi, la voix peut être considé-
rée comme un instrument d’interaction sociale qui fournit des informations sur
l’âge, le genre, le groupe ethnique, le niveau socio-économique, la personnalité,
et l’état affectif de l’interlocuteur (Titze, 1994). Il est donc possible de percevoir
l’état émotionnel du locuteur à partir des informations linguistiques et non lin-
guistiques fournies par la voix (Kappas, Hess & Scherer, 1991). La modulation
et la qualité de la voix transmettent donc en grande partie l’information affec-
tive, présente même lorsque le contenu verbal est rendu inintelligible (Scherer &
Siegwart, 1971).
Lorsqu’on s’intéresse à l’évolution des capacités émotionnelles il faut
prendre en compte le fait que l’enfant fait recours à plusieurs canaux expressifs
simultanément. Cette multiplicité de manifestations émotionnelles enrichissent
et complexifient le discours.
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Résumé
Bien avant de parler, les jeunes enfants communiquent par gestes, gestes qui vont se main-
tenir pour certains après la mise en place du lexique. Cette contribution proposera une syn-
thèse de la littérature internationale récente sur ces questions en se focalisant sur les
aspects pragmatiques de la communication gestuelle et verbale du jeune enfant et en mon-
trant l’importance et l’utilité d’une conception multimodale du développement communicatif
et langagier à la fois pour la recherche, l’évaluation et la prise en charge. Nous commence-
rons par montrer l’intérêt d’une approche pragmatique puis nous ferons le point sur la forme
des gestes puis sur leurs fonctions en essayant finalement de répondre à la question posée
dans le titre et en illustrant l’ensemble de nos propos par des résultats empiriques récents.
Mots clés : gestes, pragmatique développementale, interactions, actes de langage.
Abstract
Before they use their first words, young children use gestures to communicate. Some of
them will remain after the emergence of the child’s lexicon. This paper provides a synthesis
of the recent international literature on these issues, focusing on pragmatic aspects of ges-
tural and verbal communication and showing the importance and value of a multimodal
conception of communication and language development for research, assessment and
comprehensive care. We will first stress the value of using a pragmatic approach. We will
then address the topic of the form of gestures and their function. Finally, we will attempt to
provide an answer to the question asked in the title. All our comments will be illustrated with
results from recent empirical research.
Key Words : gestures, developmental pragmatics, interactions, speech acts.
Michèle GUIDETTI
Professeur de Psychologie du
Développement
Directrice de l’Unité de Recherche
Interdisciplinaire Octogone (EA n°4156)
et en charge du Laboratoire « Cognition,
Communication et Développement »
Université Toulouse 2
Octogone-ECCD
Pavillon de la Recherche
5 Allée A. Machado
31058 Toulouse Cedex 9
Courriel : guidetti@univ-tlse2.fr
O
n peut faire remonter l’origine de la pragmatique à l’Antiquité
(Armengaud, 1993) avec les propos d’Aristote sur les métaphores, c’est
cependant dans les trente dernières années qu’elle s’est développée et
que son impact sur la psychologie du développement et notre connaissance des
mécanismes de l’acquisition du langage a été déterminant. La plus ancienne défi-
nition de la pragmatique est celle donnée par Morris en 1938 : « la pragmatique
est cette partie de la sémiotique qui traite du rapport entre les signes et les usa-
gers des signes » (cité par Armengaud, 1993:5). Morris distingue à l’intérieur de
la sémiotique - théorie générale des signes - la syntaxe qui décrit les relations des
signes les uns avec les autres, la sémantique qui décrit la manière dont ils dési-
gnent les objets et la pragmatique qui décrit la relation entre les signes et ceux
qui les interprètent. Le langage est conçu par la pragmatique comme un système
de signes dont l’usage est déterminé par des règles socialement partagées. La
pragmatique substitue donc une définition du signe qui envisage la relation signi-
fiant/signifié à une définition du signe où l’on envisage les relations des signes
aux interlocuteurs et au monde auquel ils font référence. Ceci est tout à fait inté-
ressant pour analyser le développement de la communication. En effet, si l’on
s’en tient à la position saussurienne, on communique forcément avec le même
code. Or la communication entre adulte et enfant est asymétrique, mais tous deux
sont obligés de communiquer. Le dépassement de la conception saussurienne
permet de prendre en compte cette asymétrie temporaire et de concevoir qu’en-
fants et adultes puissent communiquer avec les mêmes mots sans qu’ils renvoient
forcément à la même réalité.
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actes de langage qui modifient le statut des choses auxquelles il est fait réfé-
rence (ex. « je baptise ce bateau "Queen Mary" »).
1. notre traduction
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2. Gestes ayant un équivalent verbal et pouvant être produits et compris en l’absence de langage (ex. geste de
pointage, hochement de tête d’acquiescement et de refus etc.) ; ces gestes qui constituent un répertoire propre
à chaque culture sont appris par l’enfant parallèlement et simultanément au lexique.
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toire – ce qui est fait en communiquant - est équivalente à ce qui peut être
exprimé verbalement. On ne peut parler de valeur illocutoire que pour des systè-
mes conventionnels (Austin, 1962), et il s’agit bien du cas de ces gestes
puisqu’ils résultent d’une convention partagée entre les membres d’un même
groupe culturel. Les gestes conventionnels tout comme les mots disposent donc
d’une force illocutoire et d’un contenu propositionnel. Par exemple, dans le cas
du geste qui, en France, permet de requérir le silence en posant l’index vertica-
lement sur la bouche fermée, paume de la main latérale, la force illocutoire est
ordonner, le contenu propositionnel, se taire.
Nos travaux récents, dont certains sont présentés un peu plus loin, ont
porté en particulier sur une approche développementale et pragmatique des
débuts de la communication. On s’est ainsi intéressé à l’articulation entre les ges-
tes et les mots chez le jeune enfant. Notre perspective se veut donc complémen-
taire de celle qui envisage le développement de la communication comme le
nécessaire remplacement d’une modalité gestuelle par une modalité verbale de
communication. Cette perspective a en effet occulté les travaux sur les gestes
conventionnels et a conduit à traiter tous les comportements gestuels émis par le
jeune enfant sur le même plan. Notre choix d’analyser les gestes conventionnels
de manière autonome permet de montrer que ces gestes ne doivent pas être consi-
dérés comme une modalité transitoire dans le développement de la communica-
tion puisqu’ils vont se maintenir au-delà de l’entrée dans le lexique. L’enfant va
apprendre ces gestes de la même manière qu’il apprend le langage et ainsi dispo-
ser de plusieurs modalités ou registres de communication qu’il va pouvoir com-
biner de façon à s’adapter à ses interlocuteurs et aux situations de communica-
tion. Dans cette perspective, le développement de la communication suppose non
seulement d’apprendre à transmettre un contenu par des vocalisations, des gestes
et des mots – ce que nous appelons les formes - mais aussi et très vite apprendre
que ces formes doivent être utilisées de manière différente selon les contextes et
les interlocuteurs de façon à produire tel ou tel effet : les fonctions.
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rer cet intitulé dans leur titre (ex. Volterra & Erting, 1990 parmi d’autres). La
thèse plus récente de la multimodalité du langage (Goldin-Meadow, 1998 ; Kita
& Özyürek, 2007 ; McNeill, 2000) postule l’existence d’un processus unique
mêlant différents types de représentations (linguistiques et gestuelles) et abou-
tissant à la production d’un énoncé multimodal où ce sont tout à la fois les mots
et les gestes du locuteur qui exprimeraient ces représentations.
Pour ce qui concerne les gestes produits par l’enfant dès la fin de la pre-
mière année, deux catégories ont été décrites (voir par exemple, Capirci, Iver-
son, Pizzuto & Volterra, 1996) : les déictiques et les « représentationnels3 ». Si
la première ne pose pas de problème de définition particulier : elle renvoie à des
gestes qui réfèrent à quelque chose dans l’environnement et comprend le geste
de pointage mais aussi le geste de donner et de montrer, la deuxième dont l’inti-
tulé renvoie à des gestes qui représentent quelque chose et qui apparaissent
développementalement après les déictiques et dont la signification paraît stable
quel que soit le contexte, est plus problématique. On peut cependant considérer
que le pointage a un statut particulier mais aussi une signification particulière
comme « regarde là ou ça » ou « là » ; en conséquence de quoi notre position a
été dans des travaux récents d’intégrer ce geste dans la catégorie des gestes
conventionnels comme cela a d’ailleurs été proposé pour les répertoires adultes
par Johnson et ses collègues en 1975.
La catégorie des gestes qui « représentent quelque chose » se compose
de gestes qui n’ont ni les mêmes formes ni les mêmes fonctions. Par ailleurs, la
terminologie utilisée pour évoquer ces gestes varie selon les travaux et selon les
auteurs et parfois même selon les différents articles des mêmes auteurs ! Par
exemple ces gestes sont nommés « characterizing gestures » par Goldin-Mea-
dow & Morford (1990), « referential gestures » par Caselli (1990), « represen-
tational gestures » par Iverson et ses collègues (1994 – et Caselli est co-auteur
de cet article) ou encore « iconiques » pour certains d’entre eux. La catégorie
des « représentationnels » est composée de différents types de gestes comme
des « prédicats4» utilisés pour décrire les caractéristiques d’un objet ou d’une
situation, comme « écarter les mains » pour signifier « gros » ou les « secouer »
pour désigner « trop chaud ». Cette catégorie comprend également les gestes
« nominaux5 » qui représentent des compositions enfantines qui vont disparaî-
3. Traduction de « representational » terme le plus fréquemment utilisé pour dénommer cette catégorie mais
d’autres termes peuvent l’être également, voir plus loin
4. Notre traduction de « predicates »
5. Notre traduction de « nominal gestures
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tre avec la maîtrise du lexique. Ils servent en quelque sorte de label pour des
objets ou des situations dans l’environnement. Ils peuvent référer à des gestes
qui imitent des actions comme faire semblant de boire avec une tasse, ou encore
des gestes qui imitent des mouvements comme « ouvrir et fermer la bouche »
pour signifier un poisson. Ceux-ci vont disparaître quand l’enfant disposera du
lexique correspondant. Enfin, d’autres gestes présents dès la fin de la première
année sont appelés conventionnels (Guidetti, 2002 ; également nommés « rou-
tines gestuelles6 » par Bates et ses collègues en 1975) ; cette catégorie com-
prend les gestes d’acquiescement et de refus (Guidetti, 2005), le geste qui indi-
que une demande de silence, ou encore le geste de salut. La signification de ces
gestes est invariable selon le contexte mais diffère selon les cultures ; c’est pour
cela qu’ils ne peuvent être considérés comme réellement « représentationnels »,
catégorie dans laquelle ils sont pourtant souvent inclus (Iverson, Capirci, Lon-
gobardi & Caselli, 1999). Ces gestes conventionnels vont progressivement for-
mer un répertoire (voir par exemple Guidetti, 2002 pour ce qui concerne des
enfants français entre 16 et 36 mois) de gestes appris parallèlement au langage
et que les enfants vont pouvoir utiliser quand l’utilisation du langage n’est pas
possible, pour le renforcer ou encore l’accompagner.
Au bout du compte et si l’on essaie d’aller au-delà de l’absence de
consensus dans la littérature sur ces questions, les gestes produits par le jeune
enfant peuvent être divisés en deux grandes catégories : ceux qui vont disparaî-
tre avec la mise en place du lexique comme par exemple le geste de lever les
bras pour être pris dans les bras et ceux qui vont se maintenir chez l’enfant
plus grand et chez l’adulte. On peut également considérer comme le fait
McNeill (1998) qu’une distinction entre gestes conventionnels et non conven-
tionnels serait également pertinente ici et permettrait de prendre en compte la
réorganisation du répertoire gestuel avec l’arrivée du lexique et la possibilité de
combiner des gestes et des mots. Dans ce cadre et chez l’enfant plus grand,
donc au-delà de 3 ans, la catégorie des gestes non conventionnels pourrait com-
prendre des gestes iconiques (équivalents aux « vrais » représentationnels ci-
dessus) et des gestes « bâtons7 », gestes répétitifs qui scandent le discours, pro-
duits uniquement quand l’enfant dispose d’une maîtrise suffisante du langage.
D’autres questions relatives à la détermination de la forme des gestes
chez l’enfant ont été discutées dans la littérature comme par exemple le fait de
savoir si doit vraiment être considéré comme geste un mouvement avec un objet
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en main ce qui est très fréquent chez le jeune enfant ? Peut-il s’agir véritable-
ment d’une conduite symbolique et/ou communicative ou cela renvoie-t-il à la
simple manipulation d’un objet (voir la discussion de ce point précis chez Gol-
din-Meadow & Iverson, 1998 : 3).
La question des formes de la communication gestuelle doit également
être étendue à celle de la combinaison entre les gestes et les mots. En effet, ces
combinaisons vont conduire l’enfant à interagir plus aisément avec son entou-
rage et à rendre la communication plus flexible. Capirci et ses collègues (op.cit.)
ont proposé trois catégories fréquemment reprises par la suite dans la littérature
sur ces questions pour rendre compte de la nature de ces combinaisons : une
combinaison geste/mot est dite de type « équivalent » si le geste et le mot
signifient la même chose (ex. hocher la tête pour acquiescer en produisant
« oui »). Elle est de type « complémentaire » si le geste et le mot se complètent
l’un l’autre (ex. pointer de l’index en disant « bateau ») et de type « supplé-
mentaire » quand le geste réfère à un élément qui est sémantiquement différent
du mot (ex. hocher la tête accompagné par « encore »). Nous avons montré en
2005 que sur 1682 messages d’acquiescement et de refus produits par des
enfants de 16, 24 et 36 mois filmés en interaction avec leur mère, 76% des mes-
sages étaient des messages verbaux, 15% des messages gestuels et 9% des mes-
sages combinés gestuels et verbaux. Les formes verbales augmentent avec l’âge
mais les deux autres formes se maintiennent au-delà de l’entrée dans la période
linguistique. Mais il est encore plus intéressant de noter qu’à 16 mois, 72% des
messages sont gestuels uniquement, alors que ce n’est plus le cas que de 13%
des messages à 24 mois et 8% à 36 mois. Si on regarde maintenant quelle est la
nature des combinaisons entre les gestes et les mots, on constate que concernant
les messages d’acquiescement – le profil est sensiblement le même pour les ges-
tes de refus - , le type « équivalent » prédomine. Ce type de combinaison est
absent chez les enfants de 16 mois. Le type « supplémentaire » est absent chez
les enfants les plus âgés. Ceci signifierait, pour les plus jeunes des enfants
observés en tout cas, qu’ils ne disposent pas du « oui » verbal dans leur réper-
toire. La modalité gestuelle semble donc opérationnelle dans ce cas avant la
modalité verbale. Les combinaisons gestes/mots permettraient aux jeunes
enfants de pallier leurs « déficiences » lexicales et leur incapacité à la fois sur
le plan phonologique et articulatoire à produire certains mots. Les réponses
gestuelles se maintiennent même chez les enfants les plus grands et ce, en dépit
du développement du langage, ce qui rend les modalités expressives de l’enfant
plus subtiles, plus flexibles et plus adaptées à la situation.
D’autres travaux (Capirci et al., op.cit. ; Iverson, Capirci, Volterra & Gol-
din-Meadow, 2008) mettent en évidence que les combinaisons gestes/mots de
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l’enfant est en train de jouer, la mère dit « tu veux quoi le cheval ou la vache? »
l’enfant pointe en direction du cheval). Les expressifs informent de l’état psy-
chologique du locuteur (ex. mère et enfant sont en train de jouer, la mère dit :
« tu es contente? » l’enfant répond en hochant la tête de haut en bas). Enfin, les
promissifs engagent le locuteur dans l’accomplissement d’une action future (ex.
l’enfant dit « je vais le prendre » en pointant vers un jouet). La répartition par
actes de communication est la suivante : 84,39% des gestes expriment un acte
assertif, 10,41% un acte directif, 5,13% un acte expressif, 0,07% un engage-
ment. On constate donc que l’ensemble des gestes conventionnels produits par
les enfants expriment majoritairement des actes assertifs. Les actes directifs sont
observés ensuite puis les expressifs et enfin mais très rarement les engagements.
Cette prépondérance des assertifs pourrait être due au fait que, dans les situa-
tions observées (repas ou goûter, jeux avec des jouets familiers et non fami-
liers), les enfants n’avaient pas spécialement de choses à demander à leur mère.
Peut-être aussi qu’aux âges considérés et en interaction avec un adulte mater-
nant, ce qui est important c’est de partager sa vision du monde, son état mental
avec autrui.
♦ Conclusion
L’émergence des compétences pragmatiques peut être ainsi mieux com-
prise dès lors que l’on prend en compte des systèmes de communication peu
étudiés, qui précèdent l’émergence du lexique et qui permettront par la suite à
l’enfant de disposer de plusieurs registres et de plusieurs stratégies de communi-
cation qu’il adaptera à ses interlocuteurs et aux différents contextes et situations
de communication auxquels il sera confronté. Nous avons montré que les
moyens gestuels du jeune enfant lui permettent d’échanger avec son entourage
bien avant l’émergence du lexique, ils constituent donc du point de vue de la
pragmatique développementale à la fois des prérequis et des précurseurs à
l’émergence du langage.
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Résumé
Longtemps restée à l’écart des travaux de linguistique, l’étude des comportements non ver-
baux de la communication s’est considérablement développée et renouvelée au cours des
quinze dernières années. De plus en plus de chercheurs, spécialistes de la communication
non verbale, mais aussi linguistes, psycholinguistes, spécialistes du développement et des
sciences cognitives, s’intéressent désormais à la communication dans ses aspects multimo-
daux. Les avancées dans ce domaine conduisent à un profond renouvellement des connais-
sances et des questionnements sur l’acquisition du langage, les relations entre langage et
pensée, et au-delà, la place du corps dans les apprentissages et les remédiations en
matière de langue et de communication.
Mots clés : communication non verbale, gestualité coverbale, acquisition du langage, habi-
letés discursives, apprentissages linguistiques et métalinguistiques.
Abstract
The study of non-verbal aspects of communication, which had been neglected for a long
time by researchers in linguistics, has undergone considerable development and renewal
over the last 15 years. An increasing number of researchers, specialists in non-verbal com-
munication, but also linguists, psycholinguists and professionals specialized in development
and cognitive sciences, are now interested in the multimodal aspects of communication.
Advances in this field have led to a significant renewal of our knowledge base and to the
emergence of new questions regarding the acquisition of language, relationships between
language and thought, and beyond, the role of the body in learning processes and in lan-
guage and communication remediation work.
Key Words : non verbal communication, co-verbal gestures, language acquisition, discur-
sive skills, linguistic and meta-linguistic learning.
V
oilà plus d’un demi-siècle que l’on s’intéresse de façon scientifique à la
communication par le biais des signaux corporels, et les observations
réalisées permettent de considérer la communication parlée en situation
de face à face comme un flux d’informations multimodales en provenance des
mots, de la voix et du corps. Cela vaut pour l’accomplissement des actes de lan-
gage du quotidien (se saluer de la main ou de la tête, avec ou sans la parole,
sourire au moment de s’excuser, hocher la tête en guise de réponse, etc.), mais
cela vaut aussi pour les usages textuels du langage : lorsque quelqu’un prend la
parole pour décrire un itinéraire, faire le récit d’un événement, apporter une
explication ou défendre un point de vue, il n’est pas rare de voir le visage de cette
personne s’animer et la voir bouger, gesticuler des mains et de la tête, adopter
différentes postures au cours de sa prestation.
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1. D’après les classifications fonctionnelles de la gestualité proposées entre autres par Ekman & Friesen,
1969 ; McNeill, 1992 ; Cosnier et Vaysse, 1997 ; Kendon, 2004 ; Colletta, 2004.
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2. Voir à ce sujet la contribution de Michèle Guidetti dans ce numéro, ainsi que le numéro spécial de la revue
Gesture intitulé « Gesture and multimodal development » coordonné par l’auteur et Michèle Guidetti en 2010.
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analysé les récits parlés de 122 sujets, dont 41 enfants de 6 ans, 43 enfants de 10
ans et 38 jeunes adultes étudiants. Tous avaient pour tâche de produire un récit à
partir d’un extrait d’un épisode de Tom & Jerry (la série en dessin animé) mon-
trant les trois premières minutes de l’épisode et composant une histoire com-
plète, avec un début et une fin. Tous ont été filmés dans la même situation, en
train de raconter cette histoire à un adulte leur demandant de le faire du mieux
qu’ils pouvaient. Les résultats (Colletta, Pellenq & Guidetti, 2010) font claire-
ment apparaître un effet de l’âge, tant au plan linguistique qu’au plan de la
mimo-gestualité coverbale.
Pour n’en retenir que l’essentiel, c’est dans les dimensions pragmatique et
gestuelle des récits que l’effet de l’âge s’est avéré le plus net. En effet, nos
résultats montrent clairement que la part des propositions non narratives (paren-
thèses explicatives, commentaires portant sur l’histoire ou sur la narration elle-
même) croît aux dépens de la part des propositions codant le rappel des événe-
ments : elle passe de 13% chez l’enfant de 6 ans à 15% chez l’enfant de 10 ans,
puis à 34% chez l’adulte. La complexification du récit constatée entre 6 et 10
ans pour le récit spontané s’observe donc plus tard pour le récit contrôlé, et se
poursuit jusqu’à l’âge adulte. Quant à la production gestuelle, non seulement
celle-ci augmente clairement avec l’âge (le taux de gestes par proposition passe
de à 0.27 à 6 ans à 0.50 à 10 ans, puis à 0.77 chez l’adulte), mais elle connaît
dans le même temps une évolution qualitative intéressante. Alors que les jeunes
enfants produisent presque essentiellement des gestes représentationnels (gestes
représentant des personnages ou des événements de l’histoire), on voit émerger
chez les plus âgés une gestualité de cadrage pragmatique (expressions faciales et
gestes manuels ou céphaliques venant connoter le propos, comme lorsqu’on
exprime par le visage un doute quant à l’information qu’on rapporte) et de cohé-
sion discursive (anaphore gestuelle par reprise d’un référent déjà exprimé anté-
rieurement ; emploi d’une gestualité démarcative qui marque les transitions
entre récit et commentaire ou entre différents épisodes de l’histoire). Cette évo-
lution se poursuit au-delà de l’enfance puisque chez les adultes, la gestualité
représentationnelle ne représente plus que la moitié des coverbaux produits pen-
dant la narration.
Ces résultats confirment donc l’hypothèse selon laquelle la mimo-gestua-
lité coverbale évolue en parallèle avec les acquisitions linguistiques et joue une
part active dans le marquage de la complexité langagière qui, pour le récit parlé,
transparaît sur les trois plans linguistique, textuel et pragmatique3. Précisons que
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l’évolution bimodale des conduites narratives constatée dans cette étude a égale-
ment été mise en évidence auprès d’autres populations. Le programme de
recherche évoqué ci-avant comportait un volet inter-langues qui nous a permis
de comparer les 84 récits des enfants français à ceux de 40 enfants américains et
de 29 enfants italiens de même âge (Capirci et al., 2010). Même si, dans le
détail, les évolutions ne sont pas observables partout avec la même ampleur
(notamment au plan linguistique en raison des différences inter-langues), on
retrouve le même pattern général avec l’usage croissant des ressources coverba-
les et leur mise à contribution, chez l’enfant plus âgé, au service de la cohésion
du récit. Par ailleurs, l’analyse de 46 récits produits par des sujets zulu (enfants
âgés de 6, 10 et 12 ans et jeunes adultes) et collectés à l’aide du même protocole
fait à nouveau apparaître cette évolution vers une plus grande complexité du
récit et l’utilisation croissante des ressources coverbales, et ce en dépit de diffé-
rences (entre français et zulu) ayant trait à la langue, à l’expérience de la littéra-
cie et à la socialisation (Kunene, 2010). Enfin, une étude de Graziano (2009,
2010) portant sur un corpus de 33 récits produits par des enfants italiens âgés de
4 à 10 ans dans une situation similaire (à partir du visionnage d’un dessin
animé) montre une évolution analogue, sensible tant dans la durée et la dimen-
sion linguistique des récits que dans la production gestuelle qui les accompagne.
Comme nous l’avons indiqué ailleurs (Colletta, 2004), l’évolution
conjointe des acquisitions linguistiques et textuelles et de la gestualité coverbale
ne caractérise pas seulement le développement narratif : elle vaut aussi pour le
développement explicatif. Au plan psycholinguistique, l’explication enfantine
parlée est intéressante à étudier car elle offre la possibilité d’observer la transi-
tion entre les usages du langage en situation, dépendants du contexte et
construits à partir du format dialogué de l’échange (au sens de l’analyse
conversationnelle ; voir Roulet, 1999), et les usages plus élaborés, indépendants
du contexte et construits à partir des formats monologués ou textuels du langage
(voir Adam, 1992 pour une présentation des séquences textuelles types). En
dépit d’une forme prototypique simple et binaire : < P parce que Q >, articulant
un explanandum (le phénomène ou comportement à expliquer) et un explanans
(la verbalisation des causes du phénomène ou des raisons du comportement),
pour reprendre les termes employés par Veneziano et Sinclair (1995), l’écart est
en effet immense entre les premières explications verbalisées en situation par
l’enfant de deux ans et les textes explicatifs qu’il devient capable de parler et
rédiger au cours des dernières années de scolarisation à l’école élémentaire.
C’est cette émergence des habiletés textuelles que nous avons mise en
évidence à partir de l’exploitation de deux corpus audiovisuels d’explications
enfantines : un premier corpus de 232 explications parlées collecté lors d’entre-
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Gaelle FERRÉ
Maître de Conférences
Laboratoire de Linguistique (LLING)
Université de Nantes
& Centre International de Langues
Département d’Etudes Anglaises
Chemin de la Censive du Tertre
BP 81227
44312 Nantes Cedex 3
Courriel : Gaelle.Ferre@univ-nantes.fr
L
a multimodalité s’inspire des travaux des anthropologues américains E.T.
Hall (1971, 1981, 1984 pour les traductions françaises pour ne citer que
quelques travaux) et R. Birdwhistell (1968) dans les années 1960. Ce n’est
cependant que dans les années 1990, avec le développement technologique per-
mettant le stockage et le traitement de données vidéo, que la multimodalité a
connu un essor considérable dans le champ de la linguistique aux Etats-Unis.
L’analyse multimodale consiste à mettre en relation des informations linguisti-
ques produites dans différentes modalités, chacune d’elle contribuant à l’élabo-
ration et à la perception du message communiqué. Ainsi, l’on peut distinguer la
modalité verbale qui comporte plusieurs niveaux - phonèmes, choix du lexique,
organisation syntaxique, organisation discursive - de la modalité orale - prosodie,
qualité de voix - et enfin de la modalité visuelle - gestualité et expressions facia-
les. Encore assez peu développée au niveau international à cette époque (on
citera néanmoins les travaux de Cosnier & Brossard, 1984, et Calbris & Porcher,
1989 en France), la multimodalité intéresse particulièrement les linguistes depuis
le début des années 2000. Ce type d’analyse possède effectivement un grand
nombre d’applications dans des domaines très variés parmi lesquels on peut citer
le développement d’agents animés (Cassell et al., 1994, Pelachaud & Poggi,
1998, 2002, pour ne citer que quelques travaux dans un champs très productif) et
la remédiation thérapeutique. Ces deux domaines se combinent parfois, ainsi que
le montre l’étude de Lee & Cherney (2008), qui rendent compte du développe-
ment d’un logiciel figurant une tête parlante utilisée en thérapie par des patients
aphasiques.
Ces travaux ont pour point commun de considérer que la gestualité joue
un rôle dans la communication. On peut cependant aller plus loin et penser que
la gestualité et la parole forment un système linguistique intégré, et que, comme
chaque élément de ce système, la gestualité possède plusieurs fonctions intra- et
inter-personnelles, ainsi que le formulent Morsella & Krauss (2004 : 421).
Selon ces deux chercheurs, du point de vue de la production de la parole,
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1. Les mouvements des bras et des mains semblent faciliter à la fois la mémoire de travail spatiale et la pro-
duction de la parole. (...) Les participants gestualisaient plus lorsqu’ils décrivaient des objets visualisés puis
mémorisés et lorsqu’ils décrivaient des objets dont la forme était difficile à retenir ou à encoder verbalement.
2. Les chercheurs et le personnel médical travaillant sur l’aphasie considèrent que la gestualité permet à la fois
de faciliter la communication et de compenser une communication défaillante.
3. Les indices visuels de la saillance acoustique peuvent améliorer l’intelligibilité de la parole. (...) La visuali-
sation de la proéminence accentuelle peut également apporter des informations sur le rythme et les frontières
syllabiques d’un segment linguistique sous-jacent.
4. Profil de Communication Fonctionnel et Protocole Pragmatique.
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5. Les gestes d’auto-contact et les gestes réalisés à des fins de rectification esthétique d’une partie du corps ou
des vêtements ne sont pas liés à l’expression verbale, ce qui les distingue des gestes communicatifs.
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par exemple. Ces gestes sont très peu présents dans les corpus sur lesquels nous
travaillons, qui sont orientés vers l’interaction. En revanche, d’autres laboratoi-
res se penchent sur les interactions verbales en milieu naturel — interactions
dans la vie quotidienne — comme c’est le cas du laboratoire ICAR à Lyon, et
prennent en compte dans leurs analyses l’intégration des gestes-actions dans
l’interaction.
Gestes coverbaux
Les gestes coverbaux sont des mouvements qui peuvent être mis en rela-
tion avec la parole. Ils sont produits avec différents articulateurs :
• Les sourcils : les haussements ponctuels et rapides des sourcils sont tradi-
tionnellement associés aux proéminences accentuelles (Swerts & Krahmer,
2008 entre autres), même si, selon Al Moubayed et al. (2010) : « head-nods
have been shown to be a stronger cue in the perception of prominence than eye-
brows 6 » (p. 303). Les mouvements des sourcils maintenus sur tout un énoncé
ont plutôt une fonction de modalisateur au sens où ils apportent une modalité
énonciative à l’énoncé.
• La tête : les mouvements de tête sont régulièrement utilisés comme mou-
vements emphatiques lorsqu’ils sont produits par le locuteur et comme back-
channels7 lorsqu’ils sont produits par l’interlocuteur. Ils peuvent également
avoir une fonction de pointage vers un espace référentiel ou jouer, à l’instar des
sourcils, un rôle de modalisateur d’énoncé.
• La bouche : les mouvements de bouche produits hors articulation des
sons permettent d’apporter une modalité appréciative à l’énoncé.
• Le buste : les mouvements de buste sont plutôt associés à l’organisation
séquentielle de l’interaction en termes de prise de parole ou cession de tour de
parole. Ils peuvent également marquer l’affiliation ou la non affiliation de l’in-
terlocuteur avec ce qui lui a été dit précédemment.
• Les mains : Les gestes manuels jouent un rôle lexical ou grammatical.
Certains gestes ont en effet pour fonction d’illustrer un objet ou de mimer une
action et sont ainsi liés aux morphèmes lexicaux utilisés dans la parole, tandis
que d’autres ont pour fonction d’établir un lien de coréférence entre des unités
verbales, d’indiquer l’organisation du discours en différentes unités, de renfor-
cer une unité lexicale ou encore d’apporter une modalité et ont donc une fonc-
6. Les gestes affirmatifs de la tête se sont révélés constituer de meilleurs indices de la proéminence accentuelle
que les mouvements des sourcils.
7. Réponses minimales de l’interlocuteur
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Une autre source possible de variation des gestes tient dans le genre dis-
cursif. Ceci ne peut pas être testé sur le CID qui ne comporte que des enregistre-
ments de parole conversationnelle, avec une tâche qui favorise le genre narratif,
mais une observation superficielle d’autres types d’enregistrements semble
montrer que le type de gestes produits par les locuteurs varie effectivement
selon le genre discursif :
• Dialogue vs. monologue : les adaptateurs seront beaucoup moins pré-
sents dans des situations de monologue que dans des situations de dialogue.
• Formel vs. informel : les iconiques seront moins présents dans un dis-
cours formel que dans un discours informel au profit des métaphoriques.
• Intention communicationnelle : dans un discours injonctif ou pédagogi-
que, il est vraisemblable que la proportion de déictiques sera plus élevée que
dans d’autres types de discours, alors que dans un discours argumentatif, on
trouvera plus de métaphoriques et de battements et dans un discours narratif,
plus d’iconiques.
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S’il peut y avoir une grande variabilité selon le genre discursif pour ce qui
concerne les gestes manuels, il est en revanche peu probable que l’on observe la
même variabilité pour les autres types de gestes (mouvements de tête, des sour-
cils) qui jouent un rôle plus grammatical dans le discours. De plus, si l’on consi-
dère les caractéristiques des gestes manuels produits, l’on constate que ce sont
régulièrement les mêmes configurations manuelles (forme des doigts), trajectoi-
res et types de mouvements qui reviennent régulièrement. En conclusion, la via-
riabilité observée sur le plan de la gestualité n’est sans doute pas plus impor-
tante que la variabilité existant dans d’autres domaines linguistiques
(phonétique, syntaxe...).
Alignement gestes / parole
Si certains gestes sont produits en complémentarité de la parole, d’au-
tres en revanche apportent une information qui est redondante par rapport au
message verbal, même si cette redondance n’est jamais totale dans la mesure
où le simple fait de produire un geste redondant non obligatoire peut modi-
fier la perception du message (en termes d’emphase par exemple). Ces gestes
redondants, en particulier certains iconiques, sont particulièrement utiles
dans la mesure où ils permettent d’étudier très précisément leur alignement
avec la parole, puisqu’il est possible pour ce type de gestes de les associer à
ce que l’on nomme un ‘affilié lexical’ — un mot du discours illustré par le
geste. Dans une étude précédente (Ferré, 2010), nous avons ainsi pu étudier
l’alignement geste/parole pour 244 gestes iconiques produits par les 6 locu-
teurs du corpus CID. Loehr (2004) avait trouvé une synchronisation entre
l’apogée des gestes (tous gestes confondus) et les accents lexicaux (tous
accents confondus), même s’il adoptait une fourchette temporelle de plus ou
moins 275 ms, ce qui nous semble relativement large. Aussi n’avons-nous pas
concentré nos efforts sur l’accent. En revanche, nous souhaitions avoir plus
de précisions sur l’alignement temporel du geste avec le groupe intonatif tel
qu’il est défini dans la théorie de Selkirk (1978), ainsi que l’alignement de la
phase dynamique du geste avec l’affilié lexical correspondant. Dans ce but,
nous avons annoté chaque phase de réalisation des gestes manuels en adop-
tant les phases gestuelles suggérées par Kendon en 1980 (cité dans McNeill,
1992) : le geste commence par une préparation (mise en place des articula-
teurs), puis vient une phase de réalisation (le geste lui-même), qui peut être
suivie d’une tenue (les articulateurs font une pause) avant la rétraction
(retour des articulateurs à une position de repos). Nous avons ensuite mis en
relation le début de la phase de préparation avec le début du groupe intonatif
et le début de la phase de réalisation avec le début de l’affilié lexical. Nous
avons aussi mesuré la durée de l’affilié lexical et du groupe intonatif d’une
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part, que nous avons comparée avec la durée du geste dans son ensemble et
de la phase de réalisation d’autre part.
Sur le plan de la durée, il est apparu que le geste dans son ensemble est
plus long que le groupe intonatif comportant l’affilié attaché au geste. De la
même manière, la phase dynamique du geste (réalisation) est plus longue que
l’affilié lexical auquel elle correspond.
Sur le plan de l’alignement temporel, il est apparu que le geste dans son
ensemble commence avant le groupe intonatif et se termine légèrement après le
groupe intonatif. De même, la phase dynamique du geste commence avant l’af-
filié lexical auquel elle correspond et se termine légèrement après celui-ci (les
chiffres précis sont donnés dans Ferré, 2010). Nous pouvons ainsi proposer l’or-
ganisation temporelle suivante :
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tude le plus souvent), jusqu’à ce que le mot juste soit produit. Ces premières
observations mériteraient grandement d’être vérifiées de manière systématique.
♦ Conclusion
« Verbal communication and gesture are produced in parallel, and ges-
ture is a potentially equal participant in the conceptual/planning stages. Com-
municative expression thus occurs via both verbal and spatial means, providing
a temporally linked, non-redundant, multidimensional, content-rich message 8 »
(Scharp et al., 2007 : 2). Cette citation montre tout l’intérêt des études multimo-
dales à la fois pour décrire la parole non pathologique et ainsi constituer une
référence pour l’évaluation des troubles du langage, mais aussi pour la remédia-
tion thérapeutique. Si les auteurs de la citation considèrent que la prise en
compte de la gestualité est un atout dans la thérapie, cette prise en compte sup-
pose que l’on ait une bonne connaissance du fonctionnement de la gestualité co-
verbale dans la parole dite normale. L’objectif de cet article a donc été de pré-
senter un bref état de l’art des études multimodales, en mettant l’accent sur la
constitution et l’annotation de corpus de parole spontanée. Ces annotations per-
mettent d’ores et déjà d’effectuer des mesures sur l’alignement temporel entre
geste et parole et rendent possibles d’autres études sur le système linguistique à
l’œuvre.
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aussi bien par des moyens verbaux que par des moyens spatiaux, donnant jour à un message non redondant,
multidimensionnel, riche sur le plan du contenu et dans lequel s’expriment des relations temporelles.
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Résumé
Avant l’accès au langage articulé, dès les premières semaines de la vie, la prosodie est
essentielle dans le développement des relations intersubjectives. Initiatrice principale du
langage, c’est aussi elle qui perdure lors de l’apprentissage de langues secondes, celle,
enfin, qui nous ramène vers ce langage primitif, d’où, dit-on, la double articulation est
absente. Cette irréductibilité de la prosodie est fondamentalement associée à sa dimension
sémiotique : contrairement au seul rôle qu’on a voulu lui attribuer pendant longtemps, la
prosodie n’est pas une simple musique vocale qui accompagne librement les modulations
de la pensée et qui, de ce fait, doit rester cantonnée dans la sphère du paralinguistique, elle
s’inscrit d’emblée au cœur de la communication langagière.
Mots clés : prosodie linguistique, prosodie affective, groupement, proéminence perçue,
paramètres acoustiques.
Anne LACHERET
Professeur des Universités
Université Paris Ouest
Nanterre la défense
UFR LLPHI
Laboratoire MODYCO UMR 7114
Sciences du Langage
200 avenue de la République
92001 Nanterre Cedex
Courriel : anne@lacheret.com
L
a prosodie constitue un objet d’étude complexe par rapport à la compo-
sante segmentale de la parole, ceci pour des raisons liées d’une part à sa
spécificité même, d’autre part au champ disciplinaire dont elle relève, i.e.
l’histoire des idées en linguistique et en phonétique. Concernant le premier point,
soulignons les deux caractéristiques essentielles de la prosodie : sa dimension
continue qui rend difficile le repérage et l’extraction d’unités discrètes, ses fonc-
tions linguistiques plurielles : elle interagit avec les différents niveaux de repré-
sentation du langage : phonologique syntaxique et sémantico-pragmatique1. De
cette singularité découle le second point : c’est sans doute cette complexité for-
melle et fonctionnelle, d’où la double articulation est absente, qui a conduit pen-
dant longtemps à écarter la prosodie du champ de la linguistique structurale (pour
une revue, voir Lacheret 2010). Il faudra donc attendre les travaux en traitement
automatique du langage, en linguistique appliquée (enseignement d’une langue
étrangère) et plus récemment dans le champ des sciences cognitives pour que la
prosodie trouve ses lettres de noblesse. Néanmoins, pour une première approche
du domaine, il reste souvent naturel d’assimiler la prosodie au domaine du para-
verbal et de l’extralinguistique (Boutard & Guillon, 2010), le verbal ne pouvant
désigner que le matériel segmental, (phonèmes, morphèmes et syntagmes). C’est
contre cette vision réductrice qu’il est nécessaire d’argumenter scientifiquement
en expliquant pourquoi et comment la prosodie appartient à part entière à la
sphère linguistique : composante incontournable de la construction du sens en
contexte, elle est indispensable pour une communication réussie. Pour les ortho-
phonistes et d’une manière plus générale, les différents acteurs impliqués dans la
rééducation langagière, il semble important de se saisir des différentes compo-
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sont sans doute des universaux du langage, leurs marquages varient selon les
types de langue, les méthodes et les outils de description et d’analyse doivent
bien sûr en tenir compte ; dans le cas présent nous nous focaliserons sur la pro-
sodie du français parlé (pour une revue, voir Lacheret & Beaugendre 1999).
♦ Perspective sonore
Trois paramètres sont mobilisés de façon première dans l’organisation
prosodique du signal de parole (figure 1) : la fréquence fondamentale (estima-
tion du son laryngien à un instant donné sur le signal acoustique), la durée
(mesure d’un intervalle de temps nécessaire pour émettre un segment sonore),
enfin, l’intensité (relative à l’énergie contenue dans le signal). A ces éléments,
s’ajoute la qualité vocale, i.e. les caractéristiques spectrales de la parole qui peu-
vent, entre autres choses, constituer des indices de frontières de segments (Gen-
drot 2009). Parmi ces paramètres, correspondant respectivement, sous l’angle
perceptif, à la mélodie, la longueur, la sonie et le timbre, c’est sans nul doute la
mélodie (variations de la hauteur de la voix) et la durée (variations temporelles)
qui ont été les plus étudiées et qui, en conséquence, sont les mieux référencées
dans la littérature. L’intensité quant à elle demande des conditions d’enregistre-
ment très contrôlées pour produire des mesures significatives, quant à la qualité
vocale, ce n’est que récemment qu’elle a commencé à faire l’objet d’investiga-
tions fines en parole (D’Alessandro 2006). Nous nous centrerons donc ici sur
les variations mélodiques et temporelles, et partirons des questions suivantes :
(i) dans quelle mesure ces variations constituent des indices acoustiques fiables
pour segmenter le continuum sonore et identifier des unités de traitement lin-
guistique pertinentes ? (ii) à quelles fonctions linguistiques sont associées ces
variations (morphologique, lexicale, syntaxique, etc.) ? Les réponses seront évi-
demment variables en fonction du type de langue (Hyman 2006), celles pour
lesquelles la prosodie joue un rôle lexical (langues à tons, langues à accent mor-
phologique)5 et celles dans lesquelles elle intervient essentiellement au niveau
post-lexical6 dans l’organisation globale du discours. Indépendamment des dif-
5. Dans les langues à tons, les variations de hauteur mélodique (ou variations tonales) sont encodées et réali-
sées au niveau lexical (niveau du mot) pour opposer des paires minimales, i.e. des mots sémantiquement diffé-
rents (ex. [bOner] en norvégien, prononcé respectivement avec les tons HLH vs LLH signifie dans le premier
cas paysan dans le second haricots). Dans les langues à accent morphologique, si la valeur sémantique reste la
même, en revanche la catégorie syntaxique du mot contraint sa distribution accentuelle ; ainsi en anglais,
Record (verbe : enregistrer ou nom : disque), ne portera pas le même schéma accentuel : position finale vs.
initiale de l’accent. A notre que (i) la complexité des systèmes tonaux et le nombre de tons distinctifs varient
selon les types de langue, (ii) certaines langues peuvent combiner un système tonal et un système accentuel,
c’est le cas du norvégien, pour une raison d’économie du système, les oppositions tonales restent alors relati-
vement rudimentaires.
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6. Opposition technique pour distinguer les processus qui opèrent au niveau du mot (lexical) et ceux qui affec-
tent le niveau du discours (postlexical). L’unité d’analyse n’est donc pas la même (mot vs groupe de mots).
7. En conséquence, certains parlent d’arc accentuel, d’accent bipolaire, voire d’arc accentuel complexe
(Fonagy 1979, Di Cristo 1999, Astesano 1999).
8. Les contours montants et descendants sont les mieux décrits dans la littérature prosodique, ils sont appelés
respectivement continuatifs et conclusifs (Rossi & al. 1981). En fonction de l’amplitude du geste, ces contours
sont dits mineurs (amplitude faible) ou majeurs (amplitude forte).
9. Dans la figure 2, on observe que seule la syllabe terminale est porteuse d’un contour dynamique (HF).
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10. De ce point de vue, la notion de contour est ambiguë (Avanzi 2011) puisqu’elle renvoie à deux types d’ob-
jets : elle désigne soit les segments de courbe mélodique portés par les syllabes (figure 2), soit des patrons
mélodiques globaux (de mots, groupe ou énoncé (figure 4)).
11. Défini entre une ligne mélodique de base et une ligne haute. On peut utiliser 3 (bas, moyen, haut) ou 4
(infragrave, grave, aigu, suraigu) niveaux de hauteur.
12. Différentes mesures peuvent donner des indications précieuses quant au débit de parole : nombre total de
phonèmes articulés dans une séquence, temps de locution (ou temps passé à prononcer un énoncé), temps de
pause, nombre de pauses (pour des indications de mesure, voir Lacheret & Beaugendre 1999, 255-256).
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bases de réaliser une annotation prosodique des données. Parmi les divers outils
disponibles, le logiciel PRAAT, gratuitement téléchargeable et très bien docu-
menté (Boersma P. & D. Weenink 2011) constitue une bonne ressource pour
amorcer un tel type de travail. Par ailleurs, des protocoles d’annotation (annota-
tion des proéminences accentuelles, repérage des frontières prosodiques de dif-
férents rangs, schèmes tonals associés aux contours observés, étiquetage des
disfluences13, etc) voient progressivement le jour et peuvent constituer une base
solide pour dériver sa propre méthode d’annotation en fonction de son objet
d’étude.
13. On définit une disfluence comme un élément qui brise le déroulement syntagmatique dans la chaîne par-
lée, une sorte de trébuchement vocal. Il peut prendre différentes natures et correspond souvent à un allonge-
ment syllabique excessif associé au travail de formulation en cours.
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Fonction rythmique
Au rôle syntaxique de la prosodie viennent se greffer des contraintes ryth-
miques propres à la dimension sonore du message, articulées autour de deux
principes dénommés respectivement principe d’eurythmie et principe de pro-
gression, qui conduisent à une réorganisation partielle de la structure intonosyn-
taxique de base.
Selon le principe d’équilibre rythmique, ou eurythmie, a priori universel :
(i) deux syllabes contiguës dans la chaîne parlée ne peuvent pas être accen-
tuées, de tels contextes, dénommés contextes de clash accentuel, seront jugés
aprosodiques ; (ii) les groupes prosodiques qui se succèdent dans la chaîne doi-
vent être de taille équivalente (couramment 3 à 4 syllabes), peuvent difficile-
ment se constituer autour d’une seule syllabe et ne peuvent a priori pas excéder
7 syllabes à débit moyen. Ainsi, à l’énoncé l’autobus de Serre Chevalier va
arriver devrait correspondre la segmentation intonosyntaxique (l’autobus de
Serre Chevalier) (va arriver) mais la suite (l’autobus) (de Serre Chevalier) (va
arriver) sera rythmiquement plus optimale (3+5+4 vs. 8+4 syllabes) et donc
préférée. Toutefois, le marquage prosodique de la structure syntaxique reste ici
respecté si la proéminence accentuelle terminale qui frappe le premier groupe
est, toute chose égale par ailleurs,16 moindre que les proéminences subséquentes
(voir note 15). Cela n’est pas toujours le cas : la segmentation intonosyntaxique
(papa) (dîne) en vertu des principes 1 et 2 n’est pas acceptable dans le cadre
d’un modèle prosodique standard et soit (i)°les deux groupes seront fusionnés
en un seul (papa dîne), soit (ii)° il y a report du premier accent sur la syllabe
initiale du mot (papa dîne).
En vertu du principe de progression (Lacheret & Beaugendre 1999), la
taille des groupes n’est pas équivalente mais, au contraire, augmente progressi-
vement au fur et à mesure de l’énoncé (ex. (pas d’train) (pas d’bus) (prenez un
aribus).17
En pratique donc, les réorganisations rythmiques sont nombreuses et
expliquent partiellement pourquoi la place de l’accent est si difficilement pré-
dictible en français (cf. supra, §.3.). Cela dit, le rythme n’explique pas tout : il
existe dans le message parlé des contraintes beaucoup plus fondamentales
16. Indépendamment de contraintes pragmatiques qui pourraient venir modifier encore ce patron accentuel de
base.
17. On peut supposer que cette progression rythmique est, dans certains genres de discours en tous cas, liée à
la nature même dont est encodée l’information (de la moins essentielle à la plus importante) ; selon Givon
(1994), plus la séquence informationnelle sera dense, plus le constituant qui la code sera long.
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Fonction sémantico-pragmatique
En termes de traitement de l’information, un énoncé type est articulé
autour de deux éléments centraux : un élément donné dont on dit quelque chose,
accessible par le cotexte discursif ou le contexte situationnel18, cet élément est
appelé thème, ou topic, et une information nouvelle dénommée rhème ou focus.
A ces catégories conceptuelles répondent des positions dédiées dans la chaîne
parlée. Ainsi en français ordinaire, le thème, qui actualise minimalement une
entité référentielle, est extrait en position initiale (on parle aussi de position déta-
chée), le rhème est encodé par une proposition subséquente (ex. le cheval, il est
parti). Face à cette organisation prototypique, on trouve des variantes de
construction dont on pose l’hypothèse qu’elles ont toutes une motivation fonc-
tionnelle précise : thème extrait à droite (il est parti, le cheval), clivage comme
dispositif syntaxique idéal pour focaliser un élément (c’est hier que le cheval est
parti), etc. Ainsi, une construction donnée en entrée s’articule autour de diffé-
rents champs que l’on peut voir comme des zones topologiques. Chaque champ
convoque un profil prosodique spécifique : une frontière majeure actualisée par
un contour montant, ou continuatif, marque la fin du champ gauche, i.e le thème
détaché en position initiale d’énoncé ; dans un dispositif clivé, le champ focal
est réalisé par une saillance prosodique double : proéminence initiale sur le
focus et contour terminal descendant, ou conclusif, à la fin de la zone focale ; le
champ droit, qui instancie un thème repris, est indiqué par une intonation paren-
thétique, i.e. basse et peu modulée, etc. Par conséquent, la distribution d’un élé-
ment et son profil prosodique donnent des indications très précises à l’interlocu-
teur sur son statut pragmatique (accessibilité référentielle du topic, degré
informationnel du focus, etc). D’une manière plus générale, une telle organisa-
tion vaut pour toutes les unités, i.e. pas seulement celles qui encodent des entités
référentielles ou des actes prédicatifs. Ainsi, dans : en avril, ne te découvre pas
d’un fil, en mai, fais ce qu’il te plait, les circonstants en tête d’énoncé (on parle
de cadrage thématique), sont soumis à la même contrainte de marquage de
champ gauche et donc ponctués par une frontière continuative majeure. Il en va
18. La notion d’accessibilité référentielle a fait l’objet de travaux abondants dans les grammaires cognitives et
fonctionnelles. Pour une revue et son application à la prosodie, voir Lacheret & François 2003.
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19. Déjà chez Diderot, on trouve l’idée que les émotions se reflètent dans les articulations mélodiques de la
parole et trahissent même les mouvements secrets de l’âme.
20. Voir chez Fonagy (1970, 1971), la notion de bases pulsionnelles de l’intonation.
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Annexe : 5 figures 21
Figure 2. Contours syllabiques de l’énoncé il n’y a que les hommes qui travaillent avec
moi représentés par une chaîne de tons dans le modèle Prosogram (Mertens 2004)
Avec dans la fenêtre du haut : (i) la ligne d’intensité et la ligne mélodique brutes, (ii) les seg-
ments de droite en gras qui représentent les contours mélodiques résultant du modèle de stylisa-
tion perceptive ; dans la fenêtre du bas : les tires de transcription : (i) les phonèmes, (ii) les syl-
labes, (iii) les mots orthographiques, (iv) les segments tonaux associés à chaque syllabe : L =
ton bas statique (low) ; M = ton moyen statique séparé du niveau bas par un petit intervalle
mélodique ; HF : ton haut (high) séparé du niveau L par un grand intervalle mélodique et
suivi d’une descente ample (fall)
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22. Les logiciels Analor et Easy-align sont téléchargeables gratuitement sur les sites suivants XX.
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Résumé
Chez l’adulte ou chez l’enfant, la nature plurisémiotique du langage est donnée à voir dans
l’usage multimodal des signes verbaux, vocaux et mimogestuels. Afin de tenir compte des
différentes ressources mobilisées par les enfants, et d’intégrer la multimodalité du discours
dans les pratiques d’observation orthophonique, des données filmées sont présentées et
analysées en utilisant un format de transcription en portée. Ancrée dans l’espace et dans la
temporalité d’une situation d’évaluation à partir d’images, l’analyse des conduites langagiè-
res ainsi formalisées explore la totalité des signaux émis par l’enfant en termes non verbaux
(actions, postures, regards, mimiques, gestes) et verbaux (mots, intonation, fluidité verbale).
Une vignette clinique illustre les apports de différentes méthodologies de transcription et
d’analyse de corpus pour la compréhension du développement des comportements sémioti-
ques de l’enfant : analyse linguistique, sémiotique ou multicanale.
Mots clés : communication, enfant, corpus, signes, gestes, transcription, représentation,
convention.
Abstract
In adults and children, the plurisemiotic nature of language shows in the multimodal use of
verbal, vocal and mimo-gestural cues. In order to take into account the various resources
that are mobilized by children, and to integrate the multimodal nature of discourse in obser-
vations made by speech and language therapists, videotaped data are presented and analy-
zed using a format of music staff-type transcription. Anchored in the spatial and temporal
dimensions of an evaluation situation based on images, the analysis of language acts for-
malized in this manner explores all the non-verbal signs (actions, postures, glances, facial
expressions, gestures) and verbal signs (words, intonation, fluency) produced by the child.
A clinical vignette illustrates the contributions of various methods of transcription and cor-
pus analysis to the understanding of the development of semiotic behaviours in children:
semiotic or multichannel linguistic analysis.
Key Words : communication, child, corpus, signs, gestures, transcription, representation.
Françoise COQUET
Orthophoniste
163 rue Saint Albin
59500 DOUAI
Courriel : francoise.coquet@wanadoo.fr
Agnès WITKO
Orthophoniste
Docteure en Sciences du langage
Responsable des travaux de recherche et
chargée de cours en Evaluation et en
Pragmatique des Interactions à l’Université
Claude Bernard Lyon1
Institut des Sciences et Techniques de
Réadaptation
Composante Orthophonie
Courriel : agnes.witko@orange.fr
S
aisir la dynamique de l’organisation symbolique d’un enfant est l’un des
buts que se fixe le thérapeute du langage. En effet, qu’il s’agisse des attitu-
des corporelles, des manifestations de proxémie ou des productions ges-
tuelles, l’objectif de tout orthophoniste est d’observer quels sont les schémas
moteurs, les indices, les signaux et autres signes non verbaux ou vocaux qui
sous-tendent et accompagnent les conduites langagières. Comment appréhender
leur niveau de structuration et de fonctionnement qui naît au cœur des échanges,
dans l’entrelacs des différentes modalités d’émission/réception, de l’activation
des canaux de production / compréhension et des différents moyens d’expres-
sion/interprétation choisis par l’enfant ?
Dans un premier temps, seront présentées d’une part quelques notions
théoriques générales à propos du sens envisagé comme un tout intégré, ainsi que
des pistes méthodologiques relatives à la transcription de corpus. Dans une
seconde partie, une vignette clinique illustre concrètement un type de données
récoltées en consultation orthophonique.
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1. Coquet F., Ferrand P., Roustit J. (2009a). Batterie EVALO 2-6 : Batterie d’Evaluation du Langage Oral
chez l’enfant de 2 à 6 ans. Isbergues : Ortho Edition.
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2. dont l'étiquetage est détaillé dans Cosnier et Vaysse (1997) : 'Autistic movements' de Mahl,1968, 'Self and
objects-adaptors' de Ekman et Friesen,1969, 'Body and Objects focused movements' de Freedman, 1976,
'Auto-contact movements' de Feyerseisen et De Lannoy, 1985.
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tions d’objets, des grattages, des balancements, des postures particulières, des
stéréotypies motrices diverses. Observable chez l’enfant, ce type de geste ren-
voie d’une part à son développement psychomoteur, et d’autre part à ses capaci-
tés à gérer l’ambiance relationnelle et psycho-affective de la rencontre sociale
ou thérapeutique selon les cas.
Quant aux gestes communicatifs, qualifiés de discursifs, ils sont divisés
en trois groupes.
- Tout d’abord, les quasi-linguistiques3 sont des gestes conventionnels
substituables à la parole et propres à une culture donnée. Les sourds ont
exploité cette dimension iconique pour développer la Langue des Signes
(Virole, 2004).
- Le deuxième groupe des co-verbaux qui accompagnent le message verbal
se divise à nouveau en 3 catégories : (1) les gestes référentiels4 de type
déictique en cas de désignation, ou illustratif s’il s’agit d’insister sur une
caractéristique du référent au niveau spatial, de sa forme, ou de l’action
que ce dernier induit en la mimant ; (2) les gestes expressifs ou mimiques
qui connotent le discours ; (3) les gestes paraverbaux, des mouvements
qui rythment les paroles par des battements de scansion et/ou de cohésion
associés parfois aux marqueurs grammaticaux.
- Le troisième groupe de gestes communicatifs sont les synchronisateurs,
phatiques de la part du parleur ou conatifs de la part de l’interlocuteur. Ils
régulent les échanges dans la mesure où ils participent au co-pilotage de
l’interaction. Ils constituent une sorte de veille réciproque puisque le par-
leur lance des signaux pour maintenir l’attention de son auditeur, et ce
dernier rassure le parleur en confirmant de manière non verbale son atten-
tion, et parfois son écoute.
A l’évidence, la gestualité adulte et la gestualité enfantine ne sont pas en
totale rupture. Si l’on se prémunit contre le danger latent et insidieux d’adulto-
centrisme qui aboutit à une méconnaissance des acquisitions, des maladresses
ou des erreurs des enfants, la typologie fonctionnelle brièvement présentée pré-
sente un intérêt majeur pour mener des observations d’ordre macro-analytique.
En complément, des recherches en acquisition du langage décrivent des types de
gestes de manière moins définitive que celle qui peut s’appliquer à des interac-
tions adultes. Néanmoins, cette dernière engage des choix sur des notions débat-
3. dont la terminologie est également listée dans Cosnier et Vaysse (1997) : ‘Emblems’ (Efron, 1941 ; Ekman
& Friesen, 1969) et ‘Autonomous gestures’ (Kendon, 1972).
4. Les gestes référentiels seraient à rapprocher des gestes propositionnels définis par Nespoulous (2009) et
représentationnels (cf. Guidetti dans le présent document).
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tées. L’analyse du corpus participe à cette investigation avec des principes éthi-
ques en débat au sein des instances professionnelles : par exemple rester fidèle à
l’intelligibilité des patients, connaître les risques de la normalisation si l’on
cherche à redresser absolument les énoncés sans prendre en compte leurs spéci-
ficités, prendre en compte le rôle particulier d’interlocuteurs privilégiés tels que
la mère ou le père de l’enfant, l’orthophoniste, l’éducateur, l’enseignant, ou
encore un autre soignant ou une personne qui agit au quotidien avec l’enfant.
Quel que soit le type de transcription pratiquée, ethnographique dans le cas
d’Enfant Sans Langage Verbal (Witko, 2008), phonétique dans le cas des trou-
bles de programmation phonologique, orthographique dans les anomalies lin-
guistiques sans trouble phonétique, la distance entre les formes produites par
l’enfant et celles qui sont privilégiées par le transcripteur doit amener ce dernier
à répondre à des questions sur le niveau d’interprétation qu’il active : le niveau
des sons si un problème d’intelligibilité intervient, le niveau du lexique en cas
de sur-extension ou de sous-spécification, celui des éléments grammaticaux en
cas d’ellipses ou de bribes avec le risque de reconstruction, le niveau de la
sémantique dans les messages qui interrogent par leur incohérence ou leur
incongruité, et enfin le niveau des signes et de la sémiotique quand l’expression
est à dominante non verbale, impliquant des processus de transcodage et d’inter-
prétation de la part du thérapeute.
Faire des hypothèses sur la forme, le fonctionnement et l’utilisation du
langage d’un enfant en utilisant l’épreuve des Comportements Sémiotiques à
partir d’images vise à démontrer que l’analyse de corpus rend compte d’élé-
ments du développement typique ou atypique. Ce qui va être illustré par les pro-
ductions d’un jeune enfant de 4 ans scolarisé en Petite Section de Maternelle.
♦ Vignette clinique
L’analyse de corpus recueillis en situation de jeu ou d’expression sur ima-
ges est une pratique habituelle dans le cadre de l’évaluation orthophonique.
C’est un outil très puissant pour la compréhension du degré d’entrée dans la
sémiotisation des sujets. Cependant les choix privilégiés concernant la méthodo-
logie de transcription et d’analyse conditionnent la nature et la richesse des
informations recueillies et par la suite les interprétations qui en sont faites.
Contexte de recueil
Le sujet
Greg (G), petit garçon âgé de 4 ans 2 mois, scolarisé en Petite Section de
Maternelle, sujet sans trouble du langage.
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La situation
Expression sur images scènes (épreuve : Comportements sémiotiques à
partir d’images – Batterie EVALO 2-6). L’enfant est invité à « raconter ce qui
se passe sur les images ». Si le récit produit en première intention est insuffi-
sant, un questionnement complémentaire est proposé par l’orthophoniste (O) :
- portant sur un actant / un objet : Qui vois-tu ? Que vois-tu ?
- portant sur un procès : Qu’est-ce qu’ils font ? Que fait … ? Que font … ?
- portant sur un circonstant : Où sont-ils ? Où est …. ? Quand est-ce que
cela se passe ? Comment a-t-elle / il fait ….? Pourquoi …. ?
La passation est filmée.
L’image utilisée pour le présent article représente un petit garçon qui
pointe du doigt trois oiseaux qui volent dans le ciel.
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Etant donné le peu d’énoncés sur cette image, l’analyse en parties du dis-
cours n’est pas exploitée. Sur les 8 énoncés proposés, cinq sont pris en compte
pour l’analyse de la complexité syntaxique (dont 2 partiellement). L’analyse
retient trois énoncés à type de syntagmes nominaux et deux avec prédication.
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5. par analogie avec les présentations des logiciels de transcription, ELAN notamment
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♦ Eléments de conclusion
Intensifier la collecte des corpus oraux auprès d’enfants adressés en
orthophonie pour mieux analyser le discours produit dans le contexte thérapeuti-
que pourra permettre aux professionnels de la pathologie du langage de s’ajuster
à la diversité des demandes d’intervention en termes de prévention, d’évaluation
ou de suivi.
De plus, en lien avec des équipes scientifiques, mutualiser la description
des productions langagières des enfants pourrait favoriser les études qui vise-
raient à établir un meilleur indice de développement langagier comme le suggè-
rent Colletta & Batista (2010), à partir du principe de multicanalité / modalité
des discours et de critères tels que l’accès à la symbolisation, la construction de
la référence, les qualités de l’ancrage énonciatif des messages, les relations
sémantiques, actés ou verbalisés.
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Résumé
Les auteurs présentent une brève révision des rapports entre le développement gestuel et le
développement du langage oral au cours des deux premières années de l’enfant.
La présence d’un trouble du langage modifie la relation entre le développement gestuel et le
développement langagier ; les auteurs analysent la nature de cet impact chez l’enfant por-
teur d’un handicap mental ou sensoriel, d’un autisme, d’un trouble du langage, d’un bégaie-
ment.
Les enfants présentant des difficultés dans le développement du langage oral peuvent
étayer leur communication par le geste et la mimique mais cet étayage est variable selon le
type de trouble.
Est abordé également le rôle facilitateur de cet étayage chez les enfants présentant des dif-
ficultés de langage.
Il s’agit là de l’usage dirigé et structuré par l’entourage de la communication bimodale (ges-
tes et signes codifiés) : les auteurs soulignent les indications, les attentes et les limites de
l’application de ces systèmes augmentatifs.
Cinq implications pour la pratique orthophonique dérivent des données actuelles sur les
relations entre geste et langage chez les enfants présentant un trouble de l’acquisition du
langage.
Mots clés : geste, troubles du langage, systèmes augmentatifs, développement, signes.
Abstract
The authors present a brief review of relationships between gesture development and the
development of oral language during the first two years of the child’s life.
The existence of a language disorder alters the relationship between gesture development
and language development; the authors analyze the nature of this impact in children with a
mental disability or sensory impairment, an autistic disorder, a language disorder, or with
stuttering.
Children with oral language development problems can strengthen their communication
through gesturing and mimicking, but this type of support is variable depending on the type
of disorder.
This article also discusses the facilitating role of these props in children with language pro-
blems. It involves the directed and structured use of bimodal communication (gestures and
codified signs) by the child’s entourage: the authors describe indications, expectations and
limits of the applications of these augmentative communication systems.
Five implications for speech and language therapy are drawn from current data on the rela-
tionships between gesture and language in children with disorders of language acquisition.
Key Words : gestures, language disorders, augmentative communication systems, develop-
ment, signs.
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Marc MONFORT
Logopède.
Isabelle MONFORT-JUÁREZ
Psychologue
Centre « Entender y Hablar »
Calle Pez Austral
15, bajo
C 28007 Madrid
Courriel : marcmonfort@hotmail.com
I
l est bien connu que la communication commence bien avant l’apparition du
langage parlé, à travers le regard, la mimique faciale, les premiers comporte-
ments d’imitation, les premiers gestes déictiques (pointage) et les premiers
gestes iconiques (pantomime).
Le geste est un comportement inné, que l’on peut observer même chez
des enfants nés aveugles, et un comportement modifié ensuite par la stimulation
sociale, incorporant alors des caractéristiques spécifiques associées à d’autres
codes (le langage oral) ainsi qu’à d’autres éléments de type culturel (Guidetti
2006). À 18 mois, par exemple, la moitié des mots produits par l’enfant sont
accompagnés de gestes.
Il faut aussi se rappeler que l’adulte (s’il est entendant) qui adresse des
gestes à l’enfant n’élimine que très rarement la parole quand il le fait : l’enfant
qui regarde le visage et les mains de la personne qu’il a en face de lui reçoit en
même temps de l’information visuelle et de l’information auditive liée à la voix
et à la parole : dans l’immense majorité des cas, geste et parole ne font qu’un.
On peut penser bien sûr que ce jeune enfant ne peut analyser qu’une par-
tie du message oral mais qui pourrait affirmer qu’il analyse « complètement »
l’information du visage et des mains ? Il inscrit sans doute l’ensemble de ces sti-
muli dans ses schémas primitifs de traitement de l’information sensorielle, les
combine avec d’autres éléments de type émotionnel et leur attribue un sens que
nous sommes bien incapables d’imaginer quoique ce soient ses réponses qui
nous permettront d’échafauder des hypothèses sur les associations et les inféren-
ces qui sont en train de s’élaborer dans son cerveau : l’imagination et le désir
aidant, les adultes ont d’ailleurs une tendance généralisée aux échafaudages exa-
gérés, attribuant à l’enfant des émotions et des intentions bien au-delà de ses
capacités réelles d’entendement.
Cette « exagération » de notre théorie de l’esprit joue probablement un
rôle positif dans le développement : elle pousse vers l’avant l’esprit de l’enfant
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1. Les gestes servent tout autant comme instrument de communication pour ceux qui écoutent que comme ins-
trument de pensée pour ceux qui parlent
2. Les enfants peuvent être capables d’utiliser leurs mains pour changer leur esprit
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♦ L’étayage spontané
L’expérience naturelle de tout un chacun nous permet de savoir que,
d’une manière spontanée, quand il n’est pas possible d’utiliser la parole (à cause
du bruit, de l’éloignement, d’une interdiction de parler ou de la méconnaissance
de la langue), l’être humain récupère sa capacité gestuelle et mimique pour
essayer de se faire comprendre.
Cette capacité innée pour la communication visuelle basée sur l’expres-
sion motrice est à la base bien sûr de la Langue des Signes des communautés de
personnes sourdes (y compris sa version tactile pour les personnes sourdes et
aveugles) où elle démontre ses possibilités de structuration comme langue
authentique quand précisément, elle passe d’un étayage spontané à un stade
d´étayage organisé par un entourage plus ou moins compétent dans cette langue
(Goldin-Meadow, Mylander et Franklin 2007).
C’est un étayage réellement spontané que l’on va retrouver par contre
chez les enfants entendants qui, pour l’une ou autre raison, ne peuvent utili-
ser la parole pour se faire comprendre mais disposent d’un niveau cognitif,
d’une pulsion sociale et d’habiletés motrices normales : le remplacement des
gestes iconiques par la parole ne se fait alors pas à l’âge habituel mais plus
tard : pendant cette période additionnelle, la fréquence et la complexité des
gestes vont logiquement s’accroître puisque les besoins de l’enfant le font
aussi mais celui-ci peut alors se voir confronté à une réaction inattendue de
l’entourage.
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Alors que les premiers gestes du bébé de 10 à 24 mois sont salués, renfor-
cés, voire entraînés par les adultes, les gestes de l’enfant de plus de deux ans et
demi qui ne parle pas sont la plupart du temps perçus comme les stigmates de
son trouble et parfois même sont réprimés explicitement (« on ne parle pas avec
les mains, dis-le avec la bouche »).
Une idée reçue assez universelle vis-à-vis des enfants « normaux » qui
parlent tard ou ne parlent pas affirme qu’ils sont d’une certaine manière respon-
sables de ce fait (« il est paresseux pour parler ») ou, comme alternative, que ce
sont les parents qui le sont (« comme vous comprenez tout ce qu’il vous dit, il ne
fait pas d’effort »).
Le geste qui substitue la parole absente est, d’une part, une réaction nor-
male et c’est ce que l’on doit attendre chez un enfant dont le code linguistique
se retarde ou se trouve empêché : l’absence de cet étayage spontané devrait
interpeller tout observateur et, en tout cas, constituer un élément fondamental du
bilan.
D’autre part, il porte pour l’immense majorité des parents et des adultes
qui interagissent avec l’enfant, une connotation négative : il sera parfois admis
mais jamais admiré.
La richesse de cet étayage spontané varie évidemment en fonction de la
nature des troubles ; nous l’avons déjà vu au point précédent mais les variations
sont souvent subtiles.
N’en prenons pour exemple que les données de l’étude de Thal et Tobias
(1992) qui ont comparé 10 enfants qui présentaient un déficit expressif initial à
des enfants de développement typique ; par rapport à ceux-ci, les premiers pré-
sentaient plus de gestes communicatifs et pour des fonctions plus diverses. Mais
au bout d’un an, ils observèrent que 4 enfants n’avaient pas récupéré leur retard
(« late-talkers ») mais que les 6 autres (« late-bloomers ») l’avaient fait.
En révisant alors leurs premières données, ils s’aperçurent que seuls les 6
enfants « late bloomers » avaient utilisé plus de gestes communicatifs que les
enfants de développement typique, ce que ces auteurs interprétaient comme la
manifestation d’un système de compensation, donc d’étayage spontané, et un
prédicteur précoce de l’importance des difficultés futures de ces enfants : le fait
d’utiliser des gestes pour compenser le manque d’efficacité de la parole serait
alors un élément de pronostic positif chez les enfants présentant un retard initial
d’expression orale.
L’évolution ou le rôle facilitateur des gestes « emphatiques » chez les
enfants ou les adultes présentant une difficulté expressive est réellement une
« terra incognita » : il existe des descriptions anecdotiques (comme le fait bien
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connu des gestes que les personnes présentant un bégaiement utilisent souvent
pour s’aider à « démarrer » ou les gestes récurrents des patients anomiques en
« manque de mot » mais s’agit-il réellement de quelque chose qui les aide ou
de la manifestation corporelle de leur angoisse ou leur malaise?) mais pas ou
très peu d’études systématiques sur ce sujet.
♦ L’étayage organisé
L’évolution de la perspective des analyses linguistiques et de l’objet de
l’intervention langagière (Monfort et Juárez 2001) a profondément changé la
vision que nous avons aujourd’hui des relations entre le langage parlé et la com-
munication en général : autrefois envisagés souvent comme des entités distinc-
tes qui s’alliaient pour différentes fonctions dans une dimension catégorielle
finalement héritée d’Aristote, on les considère actuellement comme des dimen-
sions beaucoup plus imbriquées, aux influences réciproques qui ne sont pas
nécessairement figées une fois pour toutes mais qui dépendent au contraire des
circonstances du développement.
A ce propos, le thème du rôle « facilitateur » de la communication ges-
tuelle sur le développement du langage parlé chez des enfants présentant des
difficultés dans ce domaine est tout spécialement intéressant.
Depuis plusieurs décennies, différents groupes de thérapeutes ont proposé
des systèmes alternatifs et/ou augmentatifs aux familles dont les enfants ne
développaient pas la parole ou même le langage dans son ensemble ; certains
systèmes sont de type graphique, d’autres utilisent des signes manuels (Commu-
nication Bimodale, Français signé, Français ponctué de signes… avec ou sans
méthodologie spécifique d’enseignement, comme celles que proposent la
méthode Ledan ou le Makaton, dans la francophonie).
Il est donc un point ici qui mérite d’être souligné : le premier objectif de
l’introduction de systèmes alternatifs et/ou augmentatifs de communication dans
la thérapie d’enfants sans langage ou sans parole efficace est bien sûr celui
d’améliorer l’interaction communicative avec leur entourage et de renforcer
ainsi leur développement cognitif, affectif et social.
Mais il existe un deuxième objectif, celui d’étayer le développement du
langage oral et de la parole : c’est donc un rôle facilitateur.
Cette idée se basait surtout sur des convictions et sur certaines observa-
tions empiriques, mais la justesse de son propos s’est vue progressivement ren-
forcée par des études de suivi comme celles de Goodwyn, Acredolo et Brown
(2000), de Ozcliskan et Goldin-Meadow (2005) ou de Rowe et Goldin-Meadow
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Résumé
Par référence aux thèses anthropologiques qui lient étroitement le geste et la parole dans le
langage humain, l’auteur décrit une expérience personnelle originale fondée sur la réversi-
ble adéquation gestes/langage/pensée. La pratique du mime ou gesticulation significative
est à ses yeux une approche ludique et structurante dans la rééducation des troubles langa-
giers du jeune enfant. Cette expression gestuelle, construite dans une vision résolument
sémiotique, devient progressivement le point d’ancrage des éléments linguistiques à venir.
Cependant, cette pratique exige du praticien une vision claire des objectifs à atteindre, une
cohérence dans la démarche clinique et une maîtrise de la reformulation, véritable maïeuti-
que du dialogue parlé.
Mots clés : anthropologie du geste, orthophonie, enfants, mime, langage oral.
Abstract
In reference to anthropological theories which closely associate gesture and speech in
human language, the author describes a unique practice anchored in the reversible mat-
ching of gesture/language/thought. According to him, the practice of mime or exaggerated
gesturing represents a playful and structuring approach to the remediation of language
disorders in young children. This type of gestural expression, constructed according to a
resolutely semiotic perspective, progressively becomes the anchoring point of future linguis-
tic elements. However, this practice requires from the practitioner a clear vision of goals to
be achieved, a consistent clinical approach and a good mastery of reformulation, a true
Socratic spoken dialogue.
Key Words : anthropology of gesture, speech and language therapy, children, mime, oral
language.
Pierre FERRAND
Educateur spécialisé
Orthophoniste
DEA en Sciences du Langage
Chargé de cours
à l’Ecole d’Orthophonie de Toulouse de
1975 à 1999
Praticien chercheur au Laboratoire J. Lordat
(Université Toulouse Le Mirail de 1990 à
2000)
Formateur en Formation Continue
Le Mas d’Enfau
81210 Roquecourbe
Courriel :
pierre.auguste.ferrand@wanadoo.fr
♦ Avant-propos
P
armi les nombreux outils dont l’orthophoniste dispose dans le traitement
des diverses pathologies langagières qui relèvent de sa compétence, l’utili-
sation d’une « gesticulation significative » est certainement l’un des plus
originaux.
Anthropologues, Philosophes, Psychologues, Psychanalystes, Linguistes
et Orthophonistes l’ont suffisamment démontré : « L’être humain est un animal
sémiologique, mimeur par nature, dont le Langage est geste avant d’être
parole » (Ferrand 1965 / Kremer 1994 ).
Historiquement, à la suite de Suzanne Borel-Maisonny, l’Orthophonie
française s’est toujours distinguée dans ce domaine, en créant des méthodes et
des techniques adaptées au patient aphasique, sourd, dysphonique, bègue,
autiste ou dysphasique.
Concernant le jeune enfant, l’expression du corps dans ses différents
aspects peut devenir - si elle est bien maîtrisée - un adjuvant précieux aux
actions habituellement appliquées dans la rééducation des troubles du langage
Oral et Ecrit.
Mais comment décrire avec des mots ce qui est écrit avec des gestes ?
Une démarche teintée d’humour inspirée de la pratique professionnelle
quotidienne devrait nous y aider. Elle rappellerait ainsi l’importance de l’appro-
che clinique dans l’observation des liens que tissent entre eux Faire, Savoir-
Faire et Savoirs dans la conquête d’un langage en devenir.
L’imagination du praticien fera le reste !
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♦ Règles de jeu
Les Jeux sont présentés sur le mode théâtral, en Actes distincts, abordant
successivement les prises de conscience lexicale, syntaxique et narrative.
La parole des enfants est transcrite en caractères italiques gras, celle de
l’orthophoniste en caractères italiques sans gras. Les énoncés sont rédigés en
langage relâché et numérotés dans le but de faciliter leur analyse éventuelle.
En cours de jeu, les indications complémentaires sont écrites entre paren-
thèses.
Après chaque séquence, la rubrique « Observations et Commentaires »
permet de noter « à chaud » les réactions du patient et de les commenter.
Ces notes sont volontairement transcrites sur le mode succinct, tradition-
nellement utilisé dans l’activité quotidienne. Au cours de la rééducation, leur
mise à jour (rapportée sur une fiche individuelle) et leur relecture régulière
encourageront les nécessaires ajustements à porter au Projet Thérapeutique.
En conclusion, sous les rubriques « Notes de synthèses et
personnelles » apparaissent des recommandations ou pistes de réflexion et
d’approfondissement telles que nous les appliquons en Formation Continue.
Enfin, un Epilogue en forme de sentence clôt ce compte rendu.
♦ Prologue
Les séquences se déroulent dans le cabinet de l’orthophoniste : vaste
pièce, bien éclairée et protégée des intrusions sonores intempestives. Meubles et
sièges habituels. Au centre de la pièce, un large tapis attire l’attention ; sur un
mur, un grand tableau blanc avec feutres de couleurs ; un tambourin à sonnail-
les est le seul instrument utilisé dans cette activité.
Les jeunes patients, ADAM ,7 ans 3 mois, scolarisé au CE1 et EVA,9 ans
6 mois, scolarisée au CM1, présentent un tableau classique de Retard de langage
sous-tendant de grandes difficultés d’accès à l’Ecrit.
L’orthophoniste, meneur de Jeu, porte une tenue adéquate, lui permettant
de jouer avec l’enfant !
♦ Acte I : De la précision du mot à la conscience lexicale.
Objectifs
• Prendre conscience de la dimension sémiotique d’une unité lexicale ;
• Evoquer ses différentes expressions sensorielles, perceptives et motrices ;
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14- Pourquoi ?
15- Pasqu’on a le temps !
16- Seulement « pasqu’on a le temps » ?
17- Aussi quand on veut pas y aller ?
18- Où ?
19- A l’école !
20- Alors, ça dépend de quoi, si « on marche pas pareil » ?
21- De ce qu’on a dans la tête !
A cet instant, l’orthophoniste aurait pu modifier l’orientation du dialogue
vers une approche psychoaffective. Il a choisi délibérément de rester dans la
dynamique ludique et gestuelle de l’action en cours, renvoyant à une autre
séance la problématique évoquée.
22- On pourrait aussi chercher et mimer d’autres façons de marcher ?
23- D’accord, on y va ?
Observations et Commentaires
L’orthophoniste, meneur de jeu, a tenté d’entraîner Adam à la décou-
verte d’une sorte de marche « sémantisée ».
Le meneur de Jeu proposera des expressions du langage courant, allant du
plus simple au plus complexe : marcher à petits pas, à pas de géant, à pas de
tortue….à pas comptés, à pas de loup, sur des œufs … Le commentaire dialo-
gué précisera dans quelles circonstances et pour quels buts, les pas peuvent être
« lents, petits, comptés… ».
A chaque séquence, le style de marche sera attribué à un personnage, mis
dans une situation donnée (la vieille dame qui porte un lourd cabas, le rugby-
man blessé qui retourne au vestiaire, la maman qui promène son bébé, le mili-
taire qui défile …).
Le sketch se construira naturellement dans la dynamique du mouvement
et du sens recherché.
Le lexique s’enrichira d’autant de synonymes (se traîner, trotter, boiter…)
et de leur développement respectif en réseaux.
♦ Acte II : De la souplesse de la phrase à la conscience syntaxique
Objectifs
• Prendre conscience de la relation Agent-Agissant-Agi ;
• Découvrir la réversibilité sujet/objet ;
• Placer l’Acte (verbe d’action) comme pivot de la structure de la phrase
basique et générateur de sa complexité ;
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se trouveront que des verbes simples d’action, pris dans l’univers de l’enfant.
Adam tire : MANGER
Aussitôt Adam dirige ses doigts vers la bouche en exécutant le geste sté-
réotypé universel !
1- Que fais-tu ?
2- Ben, je mange (mimique d’étonnement)
3- Oui, mais moi, je ne sais pas ce que tu manges : tu manges QUOI ?
4- Une banane ! (rires)
5- Où elle est cette banane ?
Adam crée la banane au bout des doigts et…la mange !
6- Tu la manges comme ça, sans la peler ?
Adam pèle la banane et jette la peau par terre…rires !
Observations et Commentaires
A partir de ce moment, sur un mode très ludique, l’orthophoniste et
Adam entrent dans un dialogue parole/gestes dont le but est de construire pas à
pas une double complexité réciproque, celle du mime nourrissant celle de la
Phrase.
L’orthophoniste enchaîne le questionnement sur le mode : Quoi ? Com-
ment ? Où ? Avec quoi ? Quand ? Pourquoi ? etc. Chaque question déclen-
chant une réponse mimée significative.
En quelques minutes, un mime de synthèse joué par Adam, construit
l’ensemble du contexte (construction du décor, interventions de personnages,
enchaînements logiques et résultats) dans lequel cette banane sera mangée !
La formulation orale se travaillera ensuite avec la participation de l’or-
thophoniste et peut conduire progressivement, selon le niveau d’Adam, à un
véritable récit : « Ce matin à l’école, pendant la récré, j’avais très faim et
alors… » Le résultat sera reformulé par l’orthophoniste, oralement et si possi-
ble par écrit, ce qui fera l’objet d’un recueil d’aventures …à retravailler plus
tard !
Séquence 6 : jeux divers : le pronom baladeur
Eva (22° séance) aperçoit un livre posé sur le bureau.
1- La Maîtresse m’a prêté un livre samedi.
2- Il parlait de quoi ?
3- Des dinosaures, j’aime bien !
4- Et tu l’as lu ?
5- Oui, je l’ai rendu aujourd’hui.
6- Tu l’as rendu à qui ?
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qui s’articulent les uns à la suite des autres, dans une suite logique et cohérente.
La séquence n’a pas dépassé quelques minutes. Le même jeu peut se faire pour
d’autres actes de la vie quotidienne (se servir un verre d’eau, couper et peler une
pomme avec un couteau, prendre un livre dans son cartable, etc.
Observations et commentaires
Dans cet exemple simple, Adam ne montre pas d’emblée sa maîtrise du
script narratif. Il évoque seulement les 2 actions basiques nécessaires à la com-
préhension de la scène : brosser et cracher.
De même, l’orthophoniste ne connaît pas encore la stratégie narrative de
l’enfant : mimer soigneusement la séquence serait un moyen facilitateur. Or,
ces enchaînements n’apparaîtront qu’à partir de la manipulation des objets fic-
tifs dans un décor imaginé : il faut donc construire ce décor, le contexte et créer
ces objets.
Il devient clair pour Adam que l’oubli de la pâte dentifrice sur la brosse
arrête tout le processus d’un brossage efficace ! Il découvre au même moment,
par un changement de gesticulation, la logique des enchaînements des faits qui
conduisent à la cohérence d’un récit même très simple.
Le moment précis où l’enfant intègre cette donnée émerge aux énoncés
15/16/17 !
Noter la valeur du chassé-croisé « jouer » et « raconter » de l’énoncé 12 !
Séquence 9 : le récit sur images séquentielles
EVA vient de classer une série de 5 images qui racontent une histoire1.
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Dans ces conditions, le discours qui suit ne peut pas être narratif : c’est
un discours descriptif, image par image, raconté en phrases juxtaposées, sans
lien anaphorique entre les énoncés et sans véritable contenu, lexical ou morpho-
syntaxique. A l’écrit, Eva produira des énoncés semblables.
Le deuxième mime est narratif.
Tous les ingrédients constitutifs de la narration ont été recueillis, identi-
fiés, hiérarchisés et joués. Le décor est planté, les personnages vivants.
En créant une organisation ordonnée dans le temps (avant-maintenant-
après) et dans la logique (d’abord-ensuite-à la fin), Eva a construit le cadre nar-
ratif : Exposition, complication, résolution, évaluation ou morale.
Le script suivra, par l’enchaînement des gestes et des attitudes adaptés au
contexte, en respectant les règles de cohérence (répétition, progression, relation
de cause et conséquences) et en s’enrichissant aux plans lexical et grammatical.
Le discours ainsi généré ne peut qu’être narratif, correspondant à sa
construction gestuelle initiale sous-jacente !
A l’Ecrit, nous pouvons espérer autre chose que de simples phrases juxta-
posées sur le modèle : une image - une phrase- une expansion.
♦ Conclusion
Notes de synthèse
• Le Mime (ou pantomime) est un art théâtral remontant à la nuit des
temps, toujours présent dans le cirque et la comédie, illustré et médiatisé de nos
jours, notamment par Marcel Marceau.
Cet Art a l’ambition d’exprimer l’ensemble des sentiments humains, sans
le secours de la parole mais avec le corps tout entier.
Dans notre longue expérience d’Educateur spécialisé et d’Orthophoniste
(1957-1997), l’apprentissage et la pratique du mime ont été, pour certains
enfants, un adjuvant précieux dans la conquête méthodique d’un Langage, à
l’origine déficitaire.
Notre hypothèse était de permettre au jeune patient de s’approprier, d’or-
ganiser et de développer des images mentales structurantes, en considérant le
corps en expression comme point d’ancrage des données linguistiques sous-
jacentes attendues. Ce qui était anthropologiquement fondé !
La prise de conscience de ces images, par une approche à la fois senso-
rielle, perceptive et motrice, ouvrait ainsi la porte aux secrets de la Langue…
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à condition toutefois que chacun des mimes réalisés débouche sur une reformu-
lation orale (parfois écrite), sorte de « maïeutique» conduite par le Praticien,
en fonction de l’avancée du projet thérapeutique !
• Les résultats espérés apparaissent vers la fin de la rééducation, dans les
jeux improvisés. L’improvisation est, dans le mime, le point sublime d’une
expression corporelle signifiante.
Sa pratique exige du sujet qu’il soit parvenu à une maîtrise suffisante de
son expression, doublée d’une conscience aigüe de la réversible adéquation ges-
tes/langage/pensée.
Ces improvisations se créent dans le cadre naturel de la séance. Elles sont
de deux types : statique (jeu de la statue) ou dynamique (mini-sketch). L’ortho-
phoniste-meneur de jeu marque sur son tambourin un rythme régulier soutenu
par le bruissement des sonnailles, sur lequel se déplace le jeune patient : le but
étant d’obtenir détente, concentration et attention. A un moment donné, le
meneur de jeu frappe un coup sec sur le tambourin et lance un mot, une image,
un thème ; selon le mode de jeu choisi, le patient improvise une attitude figée
ou une action ; puis la marche rythmée repart…vers un autre mot, un autre
thème.
Les thèmes proposés recouvrent quelques registres langagiers du lexique et du
discours :
- Un nom de personnage, d’animal, d’élément naturel : le gendarme règle
la circulation, un chat guette une souris, une fleur éclot ;
- Une qualité ou un défaut : attentif, coléreux ;
- Un acte : peindre, jongler ;
- Une action simple : arroser les plantes vertes en introduisant un gag
comique ;
- Une action complexe : Avant d’aller jouer, goûter, faire les devoirs, ranger
les affaires…
- Un scénario à construire : malade, je reste dans ma chambre et je m’en-
nuie…que faire ?
La réalisation de ces quelques jeux nécessite des savoir-faire gestuels
aboutis. Nos jeunes patients ne parviennent pas toujours à ce niveau. Cependant,
beaucoup de ceux qui sont « entrés dans le jeu » ont en eux des capacités
jusqu’alors inconnues. Certains d’entre eux ont rejoint les activités théâtrales de
leur Collège ou de leur Maison des Jeunes. Quelques mimeurs exceptionnels ont
su improviser des attitudes magnifiques sur des thèmes aussi difficiles que : la
bonté, le silence, la joie, le rouge, le bleu, la mer…
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♦ Epilogue
Ni neurologue, ni psychologue, ni psychomotricien, ni ergothérapeute, ni
linguiste, ni psychothérapeute, ni enseignant, l’orthophoniste est un praticien
de synthèse.
Grâce à la voie/voix du Langage, il est le clinicien de la réalité, de l’Acte
à la Pensée, de l’Acte et de la Pensée.
Vers 170 ans avant notre ère, dans une comédie où il revendiquait l’indis-
pensable solidarité de tout être humain avec le sort et la souffrance des autres,
Térence, esclave affranchi, s’écriait : « Homo sum : humani nil a me alienum
puto 2 »
De Pétrarque (XIV°) à Camus (XX°) en passant par Montaigne (XVI°),
les Humanistes se sont beaucoup inspirés de son œuvre !
Les Orthophonistes aussi.
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Résumé
Dans la prise en charge d’enfants dysphasiques, les professionnels proposent de plus en
plus souvent des moyens augmentatifs de communication. Nous en proposons une descrip-
tion, en décrivons l’intérêt auprès d’enfants dysphasiques, puis nous en exposons la mise
en œuvre à l’IME Franchemont Val-de-Marne à travers nos pratiques et une illustration clini-
que. Les systèmes gestuels et signés nous semblent être les meilleurs vecteurs de cette
approche de par leur essence corporelle. L’intérêt de cette pratique est réduit si elle n’est
pas étendue aux partenaires conversationnels habituels de l’enfant, en particulier ses
parents.
Mots clés : systèmes augmentatifs de communication, enfants dysphasiques, signes.
Abstract
Professionals who specialize in the treatment of dysphasic children increasingly favour the
use of augmentative means of communication. We propose a description of this system, dis-
cuss the value of this approach with dysphasic children, then describe its implementation in
a specialized institution (Institut Médico-éducatif of Franchemont in Val-de-Marne) through
our own practice and a clinical illustration. Gestural and signed communication systems
seem to be the best vehicles for this approach because they involve the body. The benefit of
this practice is reduced if it is not extended to the child’s daily conversational partners,
especially his/her parents.
Key Words : augmentative communication systems, dysphasic children, signs.
Didier ROCH
Orthophoniste
Françoise URBAN
Enseignante spécialisée
IME Franchemont Val-de-Marne
24 rue de la Prévoyance
94500 Champigny-sur- Marne
«
M
oi, avant avant je parle pas, je peux pas dire vélo, je fais le signe vélo
(démonstration) maintenant je dis vélo, voilà comme ça, vélo »
(Charles, enfant dysphasique de 9 ans)
Dans la prise en charge rééducative et pédagogique d’enfants dysphasi-
ques, il est devenu habituel de mettre à leur disposition des moyens augmenta-
tifs de communication. En effet, les limitations de leurs possibilités d’organiser
le langage oral selon les structures de la langue, de leur intelligibilité ou de leur
compréhension des messages verbaux nécessitent que le développement de leur
langage soit accompagné de moyens non verbaux. Ceux-ci peuvent être gestuels
ou graphiques.
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moyen de communication préféré même chez des enfants très limités dans leur
parole et que ces moyens sont souvent abandonnés dès qu’un niveau d’intelligi-
bilité suffisante est atteint (Weitz & coll. 1997). Il n’est pas nécessaire de déve-
lopper dans le présent article ce que chacun des systèmes peut apporter de façon
différentielle ou complémentaire dans chacune des pathologies (on ne peut pas
attendre le même impact de ces systèmes si la difficulté porte sur la parole, la
construction du langage ou l’intention communicative), néanmoins on peut,
avec Romski et Sevcik (2005), énoncer quelques grands principes :
• Il y a tout intérêt à proposer les moyens augmentatifs ou alternatifs sans
attendre que les moyens de rééducation uniquement centrés sur l’oral aient
montré leurs limites.
• Les moyens augmentatifs n’empêchent pas le développement de la commu-
nication orale.
• Il n’est pas sûr qu’un niveau de compétence cognitive minimum soit requis
pour leur utilisation, même s’il est important de souligner qu’il y a de fortes
différences entre les différents systèmes (gestuels, pictographiques, écrit)
quant au niveau de symbolisation demandé.
• Il n’y a aucune preuve suggérant que ces systèmes (en particulier gestuels)
ne puissent pas être proposés précocement.
• Ces supports, même les plus iconiques n’empêchent pas le passage, s’il
doit se faire, à des niveaux de symbolisation plus élevés.
« The Augmentative and Alternative devices and strategies are a tool, a means
to an end-language and communication skills, not the end » (page 182)1.
Ces systèmes de communication augmentée sont maintenant couramment
utilisés avec diverses populations, on trouvera des exemples de ces utilisations :
• pour l’autisme (Virole 2007, Franc & Gérard 2004, Sarfaty 2001) ;
• pour les enfants déficients (Clérebaut 2005) ;
• pour les enfants présentant des dyspraxies ou apraxies verbales (George
2007, Cumley & Swanson 1999) ;
• pour les enfants dysphasiques (George 2007, Gasser 2003, Monfort & Jua-
rez-Sanchez 1992).
La question posée par l’utilisation de ces systèmes est celle des liens
qu’ils entretiennent avec le développement du langage et la manière dont ils le
structurent. Pour Millar (2006), ceux-ci pourraient réduire la pression sur la pro-
duction de la parole, permettre aux enfants de contourner la production orale et
indirectement faciliter le développement. Une distinction est faite par Monfort
et Juarez-Sanchez (1994) entre les effets indirects [ le sujet peut occuper son
1. Les systèmes et stratégies augmentatifs et alternatifs sont un outil, un moyen d'accéder à un langage fina-
lisé et aux compétences communicatives, pas une fin en soi.
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phique puis écrit. Les signes faits par les enfants aident aussi le développement
de leur intelligibilité sans qu’on puisse savoir s’il s’agit de l’image de meilleu-
res représentations phonologiques en mémoire ou d’un effet facilitateur au
niveau moteur (pour les dyspraxies verbales par exemple).
En parallèle
L’observation de ces enfants en situation de communication nous a per-
mis de constater un renforcement de leur attention quand ils sont confrontés à
des partenaires conversationnels signants.
La plus grande facilité de communication a souvent un effet favorable sur
le comportement.
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un signe dont la matérialité est moins fugace que n’importe quel signe de
substance sonore, fût-il iconique » (Millet 2002, page 28). En revanche,
dans l’utilisation du français signé ou ponctué de signes, il ne s’agit que
d’iconicité lexicale face aux possibilités d’iconicité syntaxique de la LSF.
- Ils viennent renforcer les représentations sémantiques dont l’intégration est
multimodale (Evans & coll. 2001).
- Ils supportent, voire précèdent la construction du raisonnement avec la
même efficacité que le verbal (Evans & coll. 2001, Horne & coll. 2007).
♦ Conditions d’utilisation
Nous utilisons le système signé de communication augmentative à l’IME
Franchemont Val de Marne (Champigny sur Marne). Il s’agit d’un établissement
recevant 32 enfants et adolescents dysphasiques (25) ou dyslexiques (7), ceux-ci
sont scolarisés dans l’établissement au sein de 4 classes à petit effectif.
L’équipe de l’IME est pluridisciplinaire (enseignants spécialisés, ortho-
phonistes, éducatrice spécialisée, psychomotricienne, psychologue, médecin,
professeur de sport). Suivant leur parcours professionnel, les intervenants sont
formés en LSF ou au système de communication Makaton (Grove & Walker
1990, Franc 2001).
L’utilisation des signes est à la fois transversale à toutes les activités de
l’établissement et propre à chaque professionnel dans sa pratique ; elle n’est
pas systématique pour tous les enfants.
Le système de signes prend place au sein des moyens augmentatifs que
nous utilisons auprès des enfants dysphasiques :
- Gestes Borel-Maisonny et méthode verbo-tonale au niveau phonétique
pour renforcer l’input et favoriser l’output ;
- Signes et pictogrammes et pantomimes aux niveaux lexical et syntaxique
en réception et en production ;
- Signes au niveau pragmatique ;
- Langage écrit à tous les niveaux de langue (soutenu par le codage de l’im-
prégnation syllabique).
Tous les systèmes augmentatifs sont introduits de façon fonctionnelle
sans apprentissage formel programmé (sauf cas exceptionnels) à l’exception
évidente du langage écrit dont l’apprentissage est un objectif central pour son
rôle dans les apprentissages et son utilisation augmentative. Tous ces moyens
augmentatifs sont utilisés en lien avec les aménagements langagiers habituelle-
ment utilisés avec cette population (voir Monfort & Juarez-sanchez 2001).
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En rééducation orthophonique
Pendant les séances de rééducation nous utilisons les signes principalement :
- dans le dialogue, pour renforcer la clarté des messages et aider à la seg-
mentation ;
- pour appuyer la compréhension des consignes ;
- dans le travail syntaxique pour soutenir la structuration des phrases
construites à partir de pictogrammes, de jetons, de mots écrits ;
- dans toutes les activités fonctionnelles avant d’estomper les aides pour par-
venir à une communication par l’unique canal verbal ;
- pour l’abord de la conscience lexicale dont on sait l’importance dans l’ap-
prentissage de la lecture (Gombert 1994).
Nous ne demandons pas explicitement aux enfants de reprendre les
signes, sauf dans le travail syntaxique en expression et dans les activités de
conscience lexicale où nous demandons une imitation différée pour ponctuer
soit l’intégralité des mots de la phrase, soit les points importants travaillés à ce
moment là, particulièrement pour les connecteurs. Nous sommes alors amenés
à ajouter des signes à ceux proposés dans la LSF pour marquer certaines rela-
tions syntaxiques, les déterminants ou les copules par exemple. La plupart des
enfants réutilisent spontanément les signes soit dans un souci de meilleure
informativité quand celle-ci est grevée par l’inintelligibilité (dans le cas des
dyspraxies verbales ou des troubles de programmation phonologique), soit
pour scander leur discours et utiliser la séquence de signes comme support de
la séquence verbale. Dans l’acquisition des signifiants le signe précède le mot
ou, du moins, le mot dans une forme phonologique reconnaissable. L’enfant
qui peut désormais faire comprendre une forme qui n’atteignait pas auparavant
sa cible, voit sa production, maintenant comprise, renforcée par le feedback
correctif souvent accompagné du signe. Il gagne alors des occasions, en situa-
tion de communication, de renforcer le lien signifié /signifiant oral et signé. Le
signe joue également un rôle dans l’évocation, facilitant celle-ci, ce qui reste
parfois surprenant compte-tenu de l’arbitraire liant la forme signée et la forme
sonore. Il se crée probablement, grâce au signe, un pont entre le référent (dont
la forme est évoquée par les signes les plus iconiques), le signifié et le signi-
fiant oral. Nous décomposons parfois les signes pour leur donner une scansion
syllabique similaire à celle de l’oral. Nous avons également constaté que les
signes servaient à certains enfants à décontextualiser leur discours et raconter,
par exemple, ce qui s’était passé en classe en utilisant les signes appris dans
cette situation, ce qui leur permettait d’appréhender la possibilité de sortir de «
l’ici et maintenant » par le langage.
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2. manières : du latin « manus » : la main, puis de l’italien « maniero » : qui est à la main
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♦ Illustration
Il ne s’agit pas ici de présenter une étude de cas complète mais d’illustrer,
par un exemple, les bénéfices de cette approche. Par ailleurs nous avons adopté
une démarche résolument clinique et pratique ne nous permettant pas d’isoler
les bienfaits de tel ou tel moyen utilisé.
Philippe est arrivé à l’IME à 5ans1/2. Son anamnèse ne présentait aucun
facteur explicatif de son trouble. Les parents notent qu’il était très silencieux
dans sa prime enfance, pleurait peu et que sa communication passait exclusive-
ment par le canal gestuel, ils ne décrivent pas de difficultés alimentaires. Les
examens médicaux (caryotype, recherche de syndrome génétique, audio-
gramme) n’ont rien montré. Dans la famille paternelle plusieurs membres sont
affectés de troubles langagiers (le père est dysphasique, les deux sœurs de Phi-
lippe sont suivies pour dyslexie, le frère du père est décrit comme dyslexique et
le fils de celui-ci est suivi en milieu spécialisé pour dysphasie).
Une première consultation à 2 ans et 9 mois décrit Philippe comme un
enfant communiquant sans évitement. Son expression est faite d’onomatopées et
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le seul mot reconnaissable est « maman ». Il réussit au niveau de son âge les
activités non verbales qui lui sont proposées.
Un an après, Philippe n’oralise pas plus de mots reconnaissables, son
comportement s’est dégradé. Il peut donner des objets sur demande, désigner
des images mais ne dénomme rien. L’orthophoniste note la difficulté de faire un
diagnostic tant l’opposition est grande et les difficultés de comportement enva-
hissantes.
La prise en charge orthophonique débute à 4 ans. Il est alors scolarisé à
temps partiel et suivi dans un centre d’accueil thérapeutique (CATTP). Un bilan
psychométrique partiel est alors pratiqué montrant des compétences non verba-
les en rapport avec son âge. Le bilan psychomoteur montre des dissociations et
le situe en deçà de la moyenne de son âge.
A 5 ans un nouveau bilan psychologique et psychométrique vient confir-
mer ses bonnes compétences et l’absence d’un trouble envahissant du dévelop-
pement.
A 5 ans et 6 mois il entre à l’IME. Le bilan réalisé montre que Philippe
est un enfant communiquant malgré son opposition, qu’il est fluent mais que
son langage est jargonnant et qu’on ne peut y repérer aucune organisation syn-
taxique. Il communique par une gestualité très riche et emploie les mimiques et
les variations prosodiques à bon escient. En réception, il existe une dissociation
entre des compétences de compréhension syntaxique peu en deçà de la moyenne
de son âge (O-52, concepts de base de BOEHM) et une compréhension lexicale
très limitée (NEEL).
Les objectifs de ce début de prise en charge sont l’entrée dans le langage
oral comme mode de communication privilégié, le maintien et le développement
de la communication gestuelle, l’entrée dans l’apprentissage du langage écrit
(imprégnation syllabique et gestes d’appui), l’acquisition des compétences sco-
laires de maternelle. Les moyens employés sont le français signé en classe,
rééducation orthophonique (4 séances hebdomadaires) et travail éducatif ; les
pictogrammes en classe et en rééducation, une aide à la verbalisation par la
méthode verbotonale et une séance hebdomadaire de rééducation psychomotrice
pour le domaine praxique. Compte-tenu de l’importance de son trouble, Phi-
lippe bénéficie de séances individuelles avec l’éducatrice pour l’apprentissage
des signes. Rapidement, Philippe se montre très attentif aux signes et commence
à les utiliser en imitation différée. Des verbalisations syllabiques puis des ébau-
ches de mots se mettent en place avec la méthode verbotonale et le travail de
scansion syllabique.
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peut plus facilement reformuler quand ses énoncés n’ont pas été compris à
cause de sa dyssyntaxie. Il n’emploie plus les signes qu’en dernier recours.
Nous insistons beaucoup à l’heure actuelle sur la compréhension et l’expression
des connecteurs et des anaphores.
En résumé, les signes ont permis à Philippe :
• de maintenir intact son désir de communication ;
• d’utiliser un premier code de communication formalisé ;
• de se créer des situations de communication efficaces ;
• de faire les liens entre formes phonologiques et sémantiques malgré des
difficultés persistantes de mémoire à court terme auditivo-verbale ;
• de renforcer les liens mots écrit/sens ;
• en classe, de pouvoir construire sa comptine numérique et faire valoir ses
très bonnes compétences de raisonnement dans les activités mathémati-
ques.
En regardant en arrière, nous avons des difficultés à imaginer cette prise
en charge sans la médiation des signes.
♦ Conclusion
Dans le travail au quotidien avec des enfants dysphasiques en institution,
la communication bimodale, associant signes et parole nous apparaît comme le
moyen privilégié de les faire entrer dans de vrais échanges communicatifs et,
au-delà, de progresser dans la forme de leurs productions. Le partage, entre
membres d’une équipe, d’un même mode de communication permet aux enfants
de faire plus aisément les liens entre les différentes activités qui leur sont propo-
sées. Les recherches récentes sur les liens gestes et raisonnement nous poussent
à réfléchir à leur meilleure utilisation pour tous les apprentissages.
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Résumé
Le geste est empreint de la culture dont nous sommes issus et influencé par le milieu dans
lequel nous vivons.
Il se développe en même temps que la parole chez l’enfant et permet d’acquérir le langage
mais aussi de le soutenir et même de le remplacer.
Bien qu’intimement lié à la parole, il passe au second plan et pourtant il est susceptible, au
même titre que la parole, de réaliser un acte de langage.
Mots clés : langage, geste, aphasie, communication.
Dominique BÉNICHOU
Orthophoniste
Formatrice
Chargée d’enseignement à l’école d’ortho-
phonie de Nantes
Présidente de France AVC 44
Unité Neuro Vasculaire du CHU de Nantes
Courriel :
dominique.benichou@chu-nantes.fr
Cabinet : 6, place de la monnaie
44 000 Nantes
Courriel : dom.b4@wanadoo.fr
« Et c’est par elles que fut modelé le langage, d’abord vécu par le corps
tout entier et mimé par les danses. Pour les usages courants de la vie, les gestes
de la main lui donnèrent l’élan, contribuèrent à l’articuler, à en séparer les élé-
ments, à les isoler d’un vaste syncrétisme sonore, à le rythmer et même à le
colorer d’inflexions subtiles. De cette mimique de la parole, de ces échanges
entre la voix et les mains, il reste quelque chose dans ce que les anciens appe-
laient l’action oratoire ».
Henri Focillon, Eloge de la main (1934)
♦ La communication
Définition
L
a communication est un ensemble d’activités permettant la transmission
d’un message d’un endroit à un autre, d’une personne à une autre via un
système plurimodal et pluridimensionnel dont nous avons conscience
depuis Aristote. On trouve donc, imbriqué dans ce large système de communica-
tion globale, tout un ensemble de gestes autonomes et d’indices corporels dépen-
dants du discours et porteurs d’information, que l’on nomme communication non
verbale.
C’est à travers notre posture, notre voix, notre regard, nos gestes que se
traduit cette communication non verbale impliquant tout le corps. Plus encore
elle est le support de notre pensée. Nous ne la maîtrisons pas et nous n’en avons
pas conscience. De ce fait, au quotidien, nous n’y prêtons pas attention.
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des besoins vitaux et ne sont par conséquent pas des ordres arbitraires, sont
mieux préservés car ils sont d’acquisition ancienne et donc mieux enracinés.
Les manifestations corporelles telles que les gestes d’auto-contact, ne
sont pas émises dans l’intention de communiquer mais informent sur l’état émo-
tionnel du locuteur. Les gestes rythmiques et référentiels vont souligner la pen-
sée, l’illustrer voire remplacer les mots du discours.
Trois types de gestes accompagnent le discours :
- les gestes bâtons correspondent à la prosodie visuelle. Ces gestes, disait
Efron 3, « battent la mesure de la locomotion mentale au rythme de la
parole ». Ils sont induits par l’activité musculaire pendant l’acte de parole.
Les gestes et les activités vocales sont coordonnés. Le geste permet donc
une visibilité de la prosodie vocale.
- les gestes référentiels :
• le geste déictique permet de diriger l’attention. Associé au regard et com-
plété par la dénomination de l’objet pointé, ce geste permet d’améliorer
l’acquisition du langage ;
• le geste iconique entretient une ressemblance visuelle et spatiale avec les
informations qu’il représente. On peut le comparer aux pictogrammes
visuels de la parole ;
• la pantomime qui représente l’art de s’exprimer sans avoir recours au lan-
gage verbal.
- les gestes universels dit emblèmes par Ekman et autonomes par
A. Kendon 4 remplacent les mots dans certaines situations quotidiennes. D. Mor-
ris dans son étude interculturelle sur les signaux gestuels met en évidence des
variations importantes entre certains pays pouvant créer des malentendus. C’est
pourquoi, le thérapeute doit s’informer sur l’étendue du répertoire gestuel, leur
usage en lien avec les habitudes culturelles du patient.
Le geste est un déclencheur du verbe : selon l’expression de Mc Neill, il
ouvre une fenêtre sur le langage.
Nous ne pouvons parler de gestes sans inclure le geste vocal mais aussi le
geste visuel autrement dit le regard.
- Le geste vocal est un canal dont les propriétés sont à prendre en compte
de façon non négligeable.
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lisés par le patient, après l’accident, mais aussi et surtout avant, pour les
introduire dans son répertoire de propositions afin de respecter le patient et
son identité.
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♦ La communication et l’expression
L’expression est à la fois un acte, l’action de s’exprimer et un résultat,
une expression donnée. L’expression se réalise par deux voies en synergie, la
parole, acte moteur articulé au niveau de la sphère oro-faciale et les gestes, acte
moteur articulé au niveau du corps. L’expression résulte d’un va et vient entre
un dedans et un dehors : un acte qui vient de l’intérieur pour se libérer à l’exté-
rieur et un extérieur qui alimente un intérieur.
Autrement dit, l’expression est un acte du dedans qui se produit au dehors
à l’instar d’un « acteur » qui se produit sur scène. Le public renvoyant l’exté-
rieur, celui-ci modifiera l’intérieur du comédien et vice versa dans un échange
continu. L’expression prend alors tout son sens dans une dimension globale
intégrant la parole et les gestes.
Lorsqu’on cherche ses mots des indices faciaux apparaissent, accompa-
gnés de gestes purement moteurs de type gesticulation, manipulation, autistique.
Pour J. Cosnier (1982), « … les personnes qui possèdent le mieux la parole
sont celles qui bougent le plus ».
L’homme engage tout son corps dans le processus de parole.
Pour Michael Corballis, les origines du langage ne concerneraient pas
seulement la bouche, mais aussi la main, et c’est à partir de leur interaction
mutuelle que prendrait corps la voix. Sans l’intervention d‘un système brachio-
manuel comme support du système oro-facial, nos facultés communicatives
seraient restées bien limitées.
Les expériences de Maruzio Gentilucci et ses collaborateurs ont mis en
évidence le fait que les gestes oro-bucco-laryngés et les gestes manuels sont
intimement liés. Ainsi le recours à des gestes manuels pourrait être une aide
efficace au recouvrement de la parole chez certaines personnes souffrant
d’aphasie (Hadard et al. 1998).
La qualité d’un échange dépend donc du fond mais aussi de la forme.
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♦ Communication et compréhension
La signification d’un message est intimement liée au contexte dans lequel
se déroule l’échange, c’est-à-dire en fonction d’évènements propres aux interlo-
cuteurs. La communication évolue et prend toute sa signification dans les inter-
actions ; les gestes sont alors au premier plan et renseignent sur l’état émotion-
nel des interlocuteurs, mais aussi sur la compréhension du message adressé. Ils
sont importants dans la mesure où ils engagent une relation. Ils évoluent et sont
réajustés au cours de l’échange. Ils permettent de le réguler et de le maintenir.
Leur absence perturbe la communication verbale.
Cosnier a mis en évidence le phénomène d’échoïsation selon lequel tout
individu mimerait l’état affectif de son interlocuteur et permet ainsi l’interacti-
vité. On parle alors de contagion motrice. Cette résonance mimétique des affects
est un phénomène interactif naturel.
La compréhension va s’effectuer à partir de points de repères mutuels sur
lesquels les interlocuteurs vont prendre appui. Ces points d’ancrages seront plus
facilement repérables si la base de données référentielle est commune aux deux
actants. Là encore l’existence de modèles socioculturels est déterminante dans
la relation. Il est donc capital en terme de rééducation de proposer un support
non verbal et des gestes idoines.
L’observation de la communication globale chez les patients atteints
d’aphasie antérieure met en évidence une réduction de la production des gestes
parallèle à la production orale. En effet, rappelons que les gestes et la parole
sont intimement liés. L’altération de l’articulation et de la prosodie va donc per-
turber la production des gestes. Les gestes sont réduits, stéréotypés, hésitants,
répétés ou supprimés.
Cependant, ils restent le plus souvent adaptés et significatifs dans le sens
où ils sont produits pour illustrer le discours. Ils sont donc liés au contenu de la
parole. Dans les aphasies de type postérieur, le débit et la prosodie de la parole
sont conservés mais le contenu en temps que sens est perturbé. Le flux gestuel
correspond au débit verbal avec les mêmes perturbations au niveau de leur
contenu sémantique. Ces gestes conservent leur prosodie mais n’ont plus de
valeur informative. Ils ne font que ponctuer le discours.
Dans le cadre de la rééducation, le thérapeute va encourager l’utilisation des
gestes chez le patient en lui proposant un modèle. Il va donc s’attacher à produire,
dans un espace ad-hoc, des « phrases gestuées » accompagnant son discours. Il ne
s’agit pas d’utiliser une langue des signes, mais de se réapproprier les gestes d’une
communication globale. Le thérapeute agira alors à la manière d’un miroir.
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♦ Dimension psychologique
La communication non verbale est éphémère. Elle nécessite la présence
physique et synchronique des deux interlocuteurs. Comme nous l’avons décrit
les indicateurs non verbaux vont nous renseigner sur l’aisance ou les difficultés
que rencontre le patient à s’inscrire dans l’échange et de l’instant le plus propice
à prendre notre place pour apporter notre aide. Ils sont déterminants dans la sol-
licitation et la stimulation de la participation des interlocuteurs et ont une fonc-
tion d’information sur l’émetteur, d’étayage du langage en qualité de feed-back
nécessaire à l’efficacité de la communication et quasi linguistique.
Pour que l’échange soit réussi, il est indispensable de créer un climat rela-
tionnel favorisant. L’empathie du thérapeute et le sourire sont des paramètres
fondamentaux. Mais aussi l’espace dans lequel se situe l’interaction. Pour
reprendre le terme de E.T. Hall (1971), la proxémique nous engage à utiliser
l’espace de manière adaptée au contexte dans lequel se déroule l’échange pour
une efficacité optimale. Un rapprochement peut devenir envahissant et gêner la
relation. De même que se tenir éloigné du patient peut être vécu comme un iso-
lement et une moindre implication. La qualité de l’interaction entre les partenai-
res dépend donc de la distance. Elle est une aide facilitatrice de l’expression et
de l’échange et peut se révéler un obstacle si elle n’est pas adaptée au contexte.
La place du thérapeute est donc de repérer la manière dont s’établit la
communication.
Il faut garder à l’esprit que le langage est une marque d’autonomie et de
pouvoir, celui qui en est privé devient dépendant voire prisonnier des idées de
l’Autre. C’est pourquoi il est urgent de rétablir une communication non verbale
tant que faire se peut afin de rendre cette liberté à celui qui en est dépossédé.
Dans tout échange, celui qui pose les questions est agent, alors que celui
qui répond est agi.
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♦ Conclusion
C’est donc en appliquant l’ensemble de ces paramètres que nous allons
tenter de rétablir une communication entre le patient privé de mots et les diffé-
rents partenaires qu’ils soient soignants, aidants naturels ou rencontres du quoti-
dien.
Le corps est une forte composante interactive qui stimule interactions,
émotions et représentations. Redonner la parole au corps et susciter les interac-
tions permet donc un travail plus interne, axé sur les sensations. C’est un moyen
de canaliser les énergies vers une créativité motrice.
Réinscrivons le geste au quotidien, afin que chacun puisse retrouver sa
place dans la relation au monde. Au même titre que la voix, le regard, la démar-
che, le geste s’inscrit dans ce qui fait la personnalité de chacun.
Comme l’a écrit H. Focillon, « le geste qui crée exerce une action conti-
nue sur la vie intérieure ».
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Résumé
Dans cet article, nous tentons de comprendre comment le comportement non verbal d’une
personne qui bégaie peut être déterminé par un trouble de la réalisation de la parole. Nous
parlons des attitudes et des sentiments réactionnels qui vont influencer, voire conditionner,
le comportement verbal d’une personne qui bégaie. Nous abordons la thérapie du bégaie-
ment qui va s’appuyer sur la dimension non verbale pour aider le patient à sortir de son
bégaiement.
Mots clés : comportement non verbal et bégaiement, Iceberg de Sheehan, conscience du
corps, expression émotionnelle, prise en compte de l’interlocuteur, vidéo.
Hélène VIDAL-GIRAUD
Orthophoniste
16 petite rue Noury
44100 Nantes
Courriel : helene.vidal.giraud@orange.fr
♦ Préambule
D
epuis bientôt 10 ans, nous formons un groupe d’orthophonistes, se réu-
nissant chaque mois, engagées dans une réflexion sur la prévention et la
prise en charge du bégaiement.
La proposition de participer à la rédaction de ce numéro thématique a
suscité notre intérêt et nous a permis d’affûter notre questionnement sur le sujet.
L’article s’est ainsi élaboré au fil de nos rencontres et de nos échanges,
grâce à nos expériences cliniques, nos lectures, nos interrogations, et surtout
grâce à la richesse des témoignages de nos patients.
♦ Introduction
Sur la plaquette diffusée auprès des enseignants, l’Association Parole
Bégaiement (2003) nous informe :
« Le bégaiement est un trouble de la réalisation de la parole entravant la
communication. Il a une double nature constituée d’une part de symptômes
(répétitions, blocages, discontinuité de la parole, augmentation de la tension…)
et d’autre part d’attitudes et de sentiments réactionnels qui sont également
constitutifs de ce trouble ».
Nous nous sommes interrogées sur la nature des liens entre comporte-
ment non verbal et bégaiement, au travers des questions suivantes :
• Quel comportement non verbal observe-t-on chez les personnes qui
bégaient ?
• De quelle façon le comportement non verbal d’une personne qui bégaie
peut-il être influencé par un trouble de la réalisation de la parole ?
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• Utilisation de la vidéo
Une conversation filmée entre une personne qui bégaie et son interlocu-
teur, ainsi bien sûr qu’entre deux locuteurs fluents, permet de lister les compor-
tements non verbaux qui nourrissent ou diminuent la clarté du message.
En effet, certains comportements non verbaux observés viennent appuyer
la communication : regard confiant, ajustement corporel…, d’autres comporte-
ments non verbaux, sans valeur communicative, peuvent venir parasiter la com-
munication : regard sans cesse fuyant, hemmage ou raclement de gorge, visant à
désengager le larynx, tremblement de la jambe, geste sans signification...
• La théorie de l’Iceberg de Sheehan
Dans notre expérience clinique, l’examen de langage mené avec un
patient qui bégaie suit deux axes. Le premier est l’analyse systématique de ses
dysfluences ; le deuxième est l’état des lieux de ses capacités de communica-
tion. Il s’agit de lui donner les moyens de faire le point sur la façon dont ses
dysfluences modifient, ou ont modifié, sa façon de communiquer et d’être en
relation avec les autres.
Pour cela, parmi les nombreuses échelles et outils diagnostics, nous pou-
vons citer l’Iceberg de Sheehan * (1970) : la métaphore de l’Iceberg est remplie
avec ou par le patient.
Cette métaphore met en évidence le décalage que le bégaiement peut pro-
voquer entre ce que le locuteur exprime réellement et ce qu’il avait l’intention
de transmettre : « ce que je dis n’est pas forcément ce que j’aurais aimé dire » ;
« je ne montre et je ne dis certainement pas ce que je ressens ».
* La métaphore de l’Iceberg, a été reprise par Anne-Marie Simon qui dis-
tingue le « Paraître Bègue » en haut d’une ligne de flottaison et le
« Vivre Bègue », en bas de cette ligne. En haut de la ligne, le patient va
identifier ses bégayages, l’absence éventuelle de contact visuel, le
découpage erroné des unités de sens, la perturbation du souffle, les
éventuels mouvements accompagnateurs, la perte plus ou moins impor-
tante de l’expressivité : ce qui se voit et s’entend de son bégaiement. En
dessous de la ligne, on verra apparaître la frustration, la honte, les senti-
ments de dévalorisation, la peur, la culpabilité, la perte de confiance en
soi, l’expression à minima, les évitements de toutes sortes, les anticipa-
tions négatives, la perte de la spontanéité. On entendra aussi l’inadapta-
tion sociale, les attitudes de retrait, le repli sur soi, la sensation de
confusion ou de sidération de la pensée. Seront ainsi mis en évidence la
perte de contact avec l’interlocuteur, et tout ce que le patient est seul à
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et ce qu’il y aurait de dangereux à se laisser voir bégayer ; elle convient que cet
à-coup est très gênant pour ses interlocuteurs et qu’elle en paie le prix par des
douleurs lancinantes.
Si ce geste voulait faire oublier son bégaiement à l’Autre, il parasite aussi
fortement la relation par son incongruité et sa violence non verbale.
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♦ Conclusion
Le comportement non verbal est donc modifié de différentes façons et à
différents degrés chez la personne qui bégaie. L’observation met en évidence
des altérations de la gestuelle, de la mimique et une perte de la spontanéité de la
parole. L’attention focalisée sur la parole, les dysfluences, troublent la commu-
nication en la dépossédant de son contenu. Les exposés cliniques illustrent à
quel point le comportement non verbal peut s’éloigner de son rôle de vecteur de
communication pour ne plus exprimer que les tensions physiques causées par le
bégaiement à l’insu de la personne.
En reconstruisant son image et ses propres perceptions, d’elle-même et de
l’autre en situation de communication, la personne qui bégaie aura toutes les
chances de voir ses dysfluences régresser et surtout de voir s’harmoniser sa
communication verbale et non verbale. C’est en retrouvant la conscience de son
corps que le patient pourra libérer les tensions affectées à sa parole. La possibi-
lité reconquise d’exprimer ses émotions permettra de retrouver un comporte-
ment de communication plus expressif et plus conscient, ou dit autrement, de
vivre plus librement sa spontanéité de parole et d’être.
Aborder les comportements non verbaux comme une nécessité dans cette
thérapie, confirme donc l’impératif de s’intéresser au bégaiement dans la globa-
lité et dans la complexité de ce trouble de la communication.
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Résumé
Recourir à la langue des signes dans le cadre de l’éducation langagière des enfants sourds
ne constitue pas un choix idéologique partisan mais relève d’une réflexion linguistique. Ce
bilinguisme particulier peut offrir aux enfants sourds un accès à une langue qui leur permet
de communiquer, ce qu’on assimile parfois à tort à de la communication non verbale ou
paraverbale. Pourtant, il s’agit bien d’une langue véritable qui leur permet également de
développer précocement leur pensée et leur intelligence et de faire des acquisitions lin-
guistiques et métalinguistiques, véritable expérience verbale première qui facilite leur maî-
trise ultérieure de la langue orale.
Mots clés : surdité, bilinguisme, langue des signes, verbal / non verbal.
Abstract
The use of sign language as part of deaf children’s language education is not a biased ideo-
logical choice but the product of a linguistic analysis. This particular type of bilingualism can
provide deaf children access to a type of language that helps them communicate, which we
sometimes mistakenly equate with non verbal or para verbal communication. Yet, it is
indeed a language in its own right which also contributes to the early development of
thought and intellectual processes and to the acquisition of linguistic and metalinguistic
skills, an essential early verbal experience that facilitates the child’s subsequent mastery of
oral language.
Key Words : deafness, bilingualism, sign language, verbal/non-verbal communication.
Elisabeth MANTEAU-SÉPULCHRE
Orthophoniste
Professeur CAPEJS
Docteur en Sciences du Langage.
CMPP - SESSAD Le fil d’Ariane
BP 620
58 006 Nevers
Courriel : elisabeth.manteau@wanadoo.fr
♦ Le verbe et la parole
I
l est assez fréquent d’entendre citer l’utilisation des signes (signes gestuels,
en tant qu’unités lexicales des langues des signes) parmi les « comporte-
ments » non verbaux. On cite même parfois les langues des signes elles-
mêmes comme des modes de communication non verbale. La question pourrait
être alors de réfléchir à la caractéristique verbale ou non verbale des langues des
signes. Questionnement qui n’est peut-être pas étranger au ressenti de ces lan-
gues et aux positionnements relatifs à leur recours dans l’éducation des enfants
sourds.
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♦ Un choix précoce
Le petit enfant est précocement un être doué de « parole » au sens où
nous venons de décrire cette faculté. Cet accès à une langue lui permet de com-
muniquer, développer sa pensée et ses connaissances et être acteur des échanges
inter-personnels.
Communiquer
La linguistique humaniste, centrée sur l’énonciation, met en lumière que
le langage est pour l’homme « un moyen, en fait le seul moyen, d’atteindre
l’autre homme, de lui transmettre et de recevoir de lui un message. Par consé-
quent, le langage pose et suppose l’autre » (Benvéniste, 1974). Cet aspect des
langues suppose qu’on ne puisse réfléchir au langage, ni à son acquisition, en
dehors des contextes humains dans lequel il se développe. Les conséquences
psycho-affectives de la difficulté à communiquer précocement avec un jeune
enfant sourd peuvent être lourdes pour l’enfant et pour sa famille.
Développer la pensée et les connaissances
Le langage est aussi moyen de représentation, c’est même sa première
fonction selon Gustave Guillaume. Si les hommes communiquent, c’est pour
dire, et s’ils disent, ils disent quelque chose, ils parlent de l’univers ; le langage
est « dans la pensée humaine, un ouvrage par elle construit qui lui sert – c’en
est le finalisme principal – à reconnaître en elle-même où elle en est de sa pro-
pre pensée » (Guillaume, 1958). On retrouve une approche du même type chez
Vigotsky pour qui le langage n’est pas seulement un système « paresseux » qui
ne ferait qu’exprimer la pensée, mais est essentiel pour la « prise de
conscience » ; il est un outil qui établit des liens et de ce fait entre dans la
construction même de cette pensée, ainsi que dans celle des relations sociales.
(Vygotsky, 1977). Le langage ne crée pas l’intelligence mais il aide à la déve-
lopper. Il aide le tout petit à comprendre le monde et à acquérir des connaissan-
ces.
Etre acteur des échanges interpersonnels
Chaque locuteur peut utiliser le langage quand il le veut et dans le but
qu’il désire. Le langage n’est pas un simple système d’étiquettes mais il peut
exercer de multiples fonctions dans l’acte de communiquer (Jakobson, 1963 ;
Austin, 1971) : transmettre ou délivrer une information, nouer un contact, agir
sur le destinataire du message par un ordre, une demande, exercer une persua-
sion ou une séduction, essayer de savoir ce que l’autre ressent, lui exprimer, ou
lui dissimuler, ce que nous ressentons. Le langage peut également réfléchir sur
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et à propos du langage ou jouer avec l’énoncé qui devient une fin en soi. Le lan-
gage peut dire vrai, ou dire faux, on peut aussi parler pour ne rien dire. Et c’est
la liberté de chaque locuteur. Quand un enfant n’a pas de problème d’accès à la
langue, il prend vite une place d’acteur dans les échanges avec son entourage,
dont il peut même être l’initiateur, il expérimente les fonctions du langage à tra-
vers ses premiers échanges langagiers.
♦ Un bilinguisme particulier
Quels que soient les modes d’apprentissage et d’éducation précoce, l’en-
fant sourd de parents entendants accède à la langue de son entourage avec un
décalage temporel par rapport aux autres enfants. Ce décalage temporel, plus ou
moins important selon les situations individuelles, le met en difficultés pour
expérimenter et s’approprier précocement les trois fonctions principales du lan-
gage décrites ci-dessus. Partant de cette réflexion sur le besoin essentiel pour
tout enfant de maîtriser très tôt une langue, des familles, et des professionnels
avec elles (Manteau, 2001), font le choix pour les enfants sourds d’une éduca-
tion bilingue.
On rencontre des définitions très différentes, et souvent peu précises, de
ce bilinguisme. Pour nous il s’agit bien d’offrir à l’enfant sourd et à sa famille
une éducation langagière s’appuyant sur deux langues : la langue des signes
d’une part et d’autre part une langue orale et écrite. Soit, pour notre situation :
la LSF (langue des signes française) et le français oral et écrit. Ce choix éducatif
n’est pas un choix de facilité car il nécessite la mise en œuvre de modalités édu-
catives complexes et exigeantes.
La langue des signes ne peut être apportée que par des locuteurs compé-
tents de cette langue, généralement des locuteurs sourds, formés à son analyse et
à son enseignement. Elle doit pouvoir être offerte à l’enfant par des interactions
langagières riches et adaptées à son âge et enseignée à sa famille dans des cours
de qualité et d’un accès facile (en termes de contraintes temporelles et de coût).
La langue orale (puis écrite) doit pouvoir être proposée à l’enfant par tous
les moyens d’une éducation s’appuyant sur des savoir-faire orthophoniques que
ce choix bilingue ne remet pas en question. Les enseignements théoriques et cli-
niques de nos précurseurs : Suzanne Borel-Maisonny, Denise Sadek, sont tou-
jours d’actualité et les méthodes et techniques développées au cours de ces der-
nières décennies, parmi lesquelles l’utilisation du code LPC, sont précieuses.
Une des spécificités de ce bilinguisme-ci est son accès plus « déséquili-
bré » entre une langue bien accessible puisque se développant dans une moda-
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lité visuo-gestuelle, et une autre langue moins facile d’accès du fait de ses
caractéristiques audio-orales. Mais ce déséquilibre même peut être utilisé de
façon dynamique, la modalité orale s’appuyant sur les expériences vécues dans
la modalité signée.
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Pour le bilinguisme langue des signes - langue orale, l’accès même aux
aspects vocaux et articulatoires de la langue orale peut être explicité en langue
des signes, démystifiant et rendant plus accessible le monde des sons qui est dif-
ficile d’accès pour certains 5.
5. Il est assez facile par exemple de décrire en signes les modes articulatoires de notre code phonologique :
consonnes ouvertes-fermées pour les occlusives, consonnes glissées pour les fricatives, etc.
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Résumé
Avec la Dynamique Naturelle de la Parole et son approche multi-sensorielle, les aspects
infra-verbaux du langage retrouvent toute leur importance. En revenant à l’expérience cor-
porelle immédiate, elle se propose de réintégrer la dimension affective de la langue mater-
nelle, considérée comme matrice essentielle de la communication. Le rythme du langage en
constitue un fondement avec ses quatre caractéristiques (timbres, durées, intensités, hau-
teurs), éléments majeurs de la prosodie. La Dynamique Naturelle de la Parole propose de
revisiter par le jeu ces aspects fondamentaux du rythme. Par son action aux sources de la
musicalité de la langue, en situant le r y t h me l ib r e de la parole spontanée par rapport au
r ythme mesure de la parole chantée, elle favorise l’émergence d’une parole considérée
comme expression vitale du sujet.
Mots clés : Dynamique Naturelle de la Parole, affectivité, timbre de voix, durée des sons,
intensité des sons, rythme mesure, rythme libre, temporalité.
Georges FUMEX
Psychomotricien
Formateur en DNP
Service de pédopsychiatrie d’Annecy
424 Route du Laudon
74410 Saint-Jorioz
Christine FERTÉ
Orthophoniste
Formatrice en DNP
39 Rue E. Hautecoeur
80800 Corbie
Courriel : christine.ferte@wanadoo.fr
♦ Avant propos
D
e nombreux articles sont déjà parus dans la revue Rééducation
Orthophonique sur l’utilisation de la Dynamique Naturelle de la Parole
dans les différents aspects de notre pratique clinique orthophonique.
La Dynamique Naturelle de la Parole est une formation qui est ouverte à
tous les professionnels qui s’intéressent au développement du langage et de la
communication de l’enfant. Ainsi, les expériences spécifiques de chaque profes-
sionnel s’enrichissent et permettent un échange sur les pratiques propres à cha-
cun mais toujours dans la perspective d’un regard plus global sur le développe-
ment de l’enfant.
Il nous a donc paru intéressant cette fois de vous apporter un éclairage
différent mais néanmoins plus global sur l’importance du travail du rythme dans
la prise en charge de l’enfant, et notamment dans des pathologies telles que la
psychose, l’autisme ou des pathologies limites, et la spécificité des apports de la
Dynamique Naturelle de la Parole pour faire émerger sinon le langage, tout du
moins un désir de communication.
G. Fumex nous livre ici son expérience clinique de psychomotricien en
hôpital de jour et l’utilisation du rythme sous l’angle de la Dynamique Naturelle
de la Parole.
♦ Introduction
« Je n’ai de rôle dans le poème que d’obtempérer à sa cadence : mouve-
ments des sons, chacun corrigeant l’autre, intuition qui révèle un sens, pâmoison
dans l’écho des mots » (Mahmoud Darwich)
Il a souvent été possible, du moins en théorie, de séparer les aspects infra-
verbaux du langage, généralement liés au corps, de son contenu et donc du sens
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de ce qui est communiqué. Cela peut s’avérer utile pour les recherches et
l’étude. Mais « in situ », il n’est guère possible de séparer, ni même de distin-
guer ces niveaux. La langue maternelle est Une, intriquant sensorialité, kines-
thésie, perception, affectivité, imaginaire, symbolisation. La Dynamique Natu-
relle de la Parole, dont il est question ici reprend à son compte cette dimension
unitaire de la parole. Dans ses propositions de travail, elle permet cependant un
brassage de tous ces aspects, n’éclairant l’un que pour mieux amener l’autre. Si
elle les sépare, ce n’est que pour mieux ouvrir une « boîte à outils » qui peut
s’avérer utile dans bien des situations cliniques délicates. Si donc d’un point de
vue développemental, il n’est guère possible de séparer l’infra-verbal du verbal,
la Dynamique Naturelle de la Parole, suite aux recherches de Madeleine
Dunoyer s’est cependant donnée comme objectifs :
- de répertorier les constituants de la parole, à ces deux niveaux, comme
autant de « portes d’entrée » possibles pour un travail (ré)éducatif ;
- de les visiter et de déployer au sein de chacun une activité ludique et artisti-
que permettant au sujet de mieux s’approprier sa parole, ce qui a permis de
constater des effets intéressants d’un point de vue éducatif et/ou thérapeuti-
que. (M. Dunoyer, 1991).
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• La parole est ensuite mouvement, à la suite de tous les travaux des verbo-
tonalistes, mais également selon les recherches anthropologiques du professeur
Marcel Jousse (1974). Pour Madeleine Dunoyer, après avoir intégré toute la
dimension corporelle que cela implique (productions sonores générées par de
grands mouvements du corps entier, massages des sons, chorégraphies phonéti-
ques…), cela s’est prolongé par les traces en peinture au bout des doigts de ces
mêmes mouvements. Il s’agit d’une véritable calligraphie phonétique mettant à
portée de mains jusqu’à la complexité du groupe consonantique.
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du mot à partir des mouvements des sons qui le composent. Magie de la créa-
tion quand, comme dans la poésie, le mot devient la chose, et la chose le mot.
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Les pauses
Il faudrait également ajouter à ces caractéristiques physiques du rythme de
la parole un élément très important, quoiqu’immatériel : le positionnement des
silences à l’intérieur de la phrase, les temps de suspension qui permettent un
découpage en rhèses. En négatif, elles donnent au rythme de la phrase tout son
relief. Elles possèdent en elles-mêmes une valeur signifiante et ajoutent à l’expres-
sivité du langage. Un simple espace entre les jetons permettra de les visualiser.
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tés de son environnement. C’est aussi ce que nous montrent les enfants autistes,
attachés bien plus aux qualités expressives de la voix plutôt qu’au contenu de
notre discours.
Quand l’une de ces formes (ou combinaison de formes) vient à se fixer
pour donner une musique particulière, chanson ou comptine, elle acquiert une
force expressive et cohésive telle qu’elle va entrer pour longtemps en mémoire.
Les musiques dont nous nous sommes imprégnés sont comme incrustées en nous
(les chansons et musiques de notre enfance, de notre jeunesse). Or nous pouvons
imaginer jouer à essayer de varier ces formes, pourtant si fortement ancrées.
Essayer par exemple de varier les durées des sons dans « au clair de la lune »,
ou varier les intensités, ou les hauteurs. Pour mettre en évidence ces caractéristi-
ques du rythme du langage, nous proposons ce travail aux enfants qui peuvent
accéder à cette subtilité. Parvenir à déjouer ce puissant pouvoir d’attraction que
représente la musicalité de la parole s’avère effectivement très jubilatoire.
Nous avons vu les éléments fondamentaux de la parole que la Dynamique
Naturelle de la Parole se propose de mettre en jeu, afin de développer ou d’amé-
liorer le langage. Trouvant leurs racines dans l’activité corporelle, ils sont inti-
mement liés à l’affectivité et possèdent une valeur de communication très puis-
sante. Raviver leur pouvoir expressif dans l’éducation et la rééducation est un
enjeu majeur, car ils sont en mesure de réveiller et de nourrir une certaine vita-
lité de nature à entraîner davantage l’enfant dans la communication et le lan-
gage. Madeleine Dunoyer, d’abord en tant qu’enseignante puis comme forma-
trice, en a toujours été un exemple vivant, et sa pédagogie est toute imprégnée
de cette grande importance accordée à l’expressivité. Concernant plus précisé-
ment le rythme, il s’agit bien avec lui d’intervenir sur les éléments prosodiques
du langage. Il est bien connu, par exemple, que lors du démarrage d’une confé-
rence, au moment des toutes premières phrases de l’orateur, l’auditeur n’est que
peu disponible au contenu, pris qu’il est par les qualités des messages sublimi-
naux envoyés. Comment est la voix, son timbre, son rythme, les accents, le
phrasé, les silences, le tonus du locuteur ? Tous ces signaux infra-verbaux qui
vont conditionner justement l’écoute à venir de l’auditeur.
Parole chantée et/ou parole spontanée
M. Jousse nous rappelle que, historiquement, c’est la musique qui est
issue du langage. Elle en est jaillie. « C’est du tréfonds même d’une langue que
jaillit originellement la mélodie » (Jousse, M., 1974).
L’amplification de la musicalité d’une langue donne la musique. Et il y a
autant de musiques différentes que de langues. Quand on sait comment la musi-
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♦ Illustrations cliniques
Le rythme qui se déploie dans le langage renvoie à la constitution du
temps comme fonction. Celle-ci se développe à travers l’histoire relationnelle
du sujet dans une matrice qui allie les niveaux sensoriel, affectif, et représenta-
tionnel. Le travail du rythme s’avère être un puissant organisateur psychique s’il
peut se relier (et cela de manière forcément régressive) à cette matrice. C’est ce
que favorise la Dynamique Naturelle de la Parole comme psycho-pédagogie en
proposant une re-création par le jeu et l’art.
C’est également ce que propose la thérapie, qu’elle soit du langage ou de
la psychomotricité, prise qu’elle est dans la réalité du transfert (au sens psycha-
nalytique du terme).
Dans ma pratique de psychomotricien en hôpital de jour pour enfants, je
suis confronté à des pathologies dans lesquelles la question du rythme et de la
temporalité en général s’avère centrale.
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(comme les intensités) introduites sous forme de jeu et non intrusives pour lui
ont pu être introduites dans le travail. Paradoxalement, le travail des 100 menus
a pu être abordé assez vite avec lui. Les petites phrases glissées dans les moules
rythmiques à la fin du travail de préparation corporelle, ont été pleines de surpri-
ses autant pour lui que pour nous, déjouant au passage une expression langa-
gière habituellement impersonnelle.
Pathologies limites, rythme et temporalité
Dans ces pathologies limites, à composantes narcissiques essentielles,
que nous trouvons par ailleurs en nette augmentation actuellement, le sujet
recherche un flux continu de sensations, fortes si possible, sensées lui apporter
une pseudo sensation de « continuité d’être ». Cantonnés quantitativement
dans le plus et le tout, le vécu du temps est ici condensé dans l’immédiat, le per-
pétuel présent, sans référence au passé ni projection dans l’avenir. La tension
ainsi générée est toujours menacée d’effondrement.
Valentin, malgré un bon niveau d’efficience, reste très fragile et son adap-
tation en milieu scolaire est conditionnée à un étayage constant (présence d’une
A.V.S. dans la classe). Sa dysphasie sévère est-elle la cause ou la conséquence de
sa très grande fragilité ? Dès qu’il est en situation de confrontation, ou même par
le simple regard de l’autre, Valentin se sent menacé d’une perte de reconnais-
sance irrémédiable. Toute relation ne peut s’engager chez lui que sur un mode
agressif détourné, sensé colmater une grande faille narcissique non partageable.
Sa tension corporelle est permanente, pour être le premier toujours et partout.
Elle se retrouve au niveau de son langage ou une seule syllabe peut condenser un
mot et un mot agglutiner toute une phrase. Est-ce le temps qui pouvait structurer
son langage ? Ou le langage qui pouvait structurer son temps ?
Toujours est-il qu’avec Valentin, le travail du rythme s’est avéré fonda-
mental, tout d’abord par la notion de plaisir qu’il a pu introduire (accession au
UN qui rassure et qui comble son narcissisme défaillant). Pour la dimension
régressive souhaitable ici, nous avons débuté par le rythme de la parole chantée,
en insistant sur la phase de préparation corporelle, de ressenti des différentes
durées des sons avec le massage rythmique sur le dos par exemple. La visualisa-
tion, la symbolisation du rythme par les jetons de bois ne lui posaient pas vrai-
ment problème, mais introduisaient là encore la notion de jeu, propice à la
détente visée dans tout ce suivi.
Alors la convocation des différents sens (ouïe – vue - toucher), la coordi-
nation oculo-manuelle dans le déroulement spatio-temporel des différents ryth-
mes posés sur la table ont pu jouer leur rôle, l’aider de manière détournée à
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mieux déployer sa parole comme sa pensée dans le temps. Les progrès ont été
significatifs, tant sur le plan corporel que du langage. Ils se sont caractérisés
aussi et concomitamment par une plus grande souplesse dans ses engagements
relationnels.
♦ Conclusion
A travers la question du rythme peut se dévoiler le niveau de constitution
de la fonction temporelle, fonction psychique majeure qui se trouve inscrite tant
dans le langage que dans le corps. La fluidité et les possibilités de variations
caractérisent une temporalité aboutie, avec des correspondances aux niveaux
corporel, langagier et comportemental. Les nuances se mettent en place, le lan-
gage se déploie, le geste s’assouplit, et le comportement s’ajuste à chaque nou-
velle situation.
Par son approche globale, reliant corps et parole aux sources du langage,
la Dynamique Naturelle de la Parole favorise largement et joyeusement la
découverte de ces qualités du phrasé (verbal ou gestuel), des accentuations
(vocales ou toniques), des crescendos et décrescendos, des suspensions…bref
des nuances qui caractérisent une langue maternelle sachant s’ajuster de
manière unique, donc subjectivante.
Si la Dynamique Naturelle de la Parole a situé le rythme au cœur de sa
démarche, s’il est présent de part en part de sa progression, c’est qu’il est
comme une « toile de fond » qui va mettre en valeur et en perspective tous les
autres apports. Nous sommes avec lui aux sources du vivant. La Dynamique
Naturelle de la Parole y plonge généreusement ses racines. Chaque spécialité y
trouve un enrichissement et une vitalité propre. Psychomotriciens, orthophonis-
tes, éducateurs, enseignants, sans oublier les parents eux-mêmes, tous viennent
y puiser et forger leurs propres outils.
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Résumé
L’utilisation et la compréhension des gestes est indispensable au développement langagier.
En orthophonie, de nombreux tests évaluent quantitativement et qualitativement les aspects
formels du langage oral, mais aucun ne propose une évaluation spécifique de certaines
compétences de communication préverbale ou non verbale. En particulier, les outils diag-
nostiques habituellement utilisés par les orthophonistes ne tiennent pas compte de compé-
tences prédictives essentielles, comme la communication gestuelle, et ne sont donc pas
adaptés aux enfants dont le langage productif et réceptif est limité du fait de leur très jeune
âge ou de leur pathologie. De plus, la majorité des travaux sur les gestes conventionnels -
définitions et répertoire - concernent les adultes et non les enfants. Aussi, les enfants sans
langage réceptif et productif, notamment lorsqu’ils ne disposent pas d’un mode de commu-
nication non verbal, posent des problèmes majeurs de diagnostic.
Or le repérage précoce des troubles représente un enjeu de taille puisqu’il ouvre des pers-
pectives de prise en charge à un âge où certains processus de développement peuvent
encore être modifiés.
Mots clés : évaluation orthophonique, autisme, trouble du langage oral, gestes convention-
nels, communication non verbale.
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Fabienne BIGOURET
Orthophoniste
Doctorante en psychologie
Directrice de Thèse Monique PLAZA
Service de psychiatrie de l’enfant et de
l’adolescent du Professeur D. Cohen
CHU Pitié-Salpêtrière
75013 Paris
Monique PLAZA
Docteur en Psychologie
Chargée de Recherches au CNRS
Rattachée au Service de Psychopathologie
de l’enfant et de l’adolescent du Professeur
D. Cohen
CHU Pitié-Salpêtrière
75013 Paris
N
ous exposons ici l’intérêt d’un outil d’évaluation de la compréhension et
de la production de gestes conventionnels chez des enfants dont le lan-
gage est peu, ou non, développé. Cet outil, en cours d’élaboration, vise
sur le plan théorique à mieux analyser le développement du geste à valeur de
communication et sur le plan clinique à en objectiver et différencier les dysfonc-
tionnements, notamment dans le cadre des diagnostics différentiels entre des
enfants présentant des troubles pragmatiques premiers ou secondaires, des trou-
bles relevant de la dysphasie sémantico-pragmatique et de l’autisme.
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iconique sont souvent présents dans diverses cultures, surtout lorsqu’ils ren-
voient à des activités corporelles réalisées de la même façon pour des raisons
anatomiques, comme manger, dormir, jouer d’un instrument etc. (Bernicot et al,
1998).
Dans l’outil d’évaluation en question, nous tiendrons compte des deux
types de codages, en prévoyant une grille pour les gestes conventionnels et une
autre pour le codage iconique.
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de mettre en évidence des formes apparentées qui apparaissent plus tôt au cours
du développement. Selon les auteurs, cette évolution semble liée à, ou indépen-
dante de, l’acquisition du langage oral.
Dans le cadre de l’autisme, les gestes conventionnels n’ont été que par-
tiellement étudiés. Seul le pointage déclaratif a donné lieu à des recherches, son
absence apparaissant comme un indice précoce du syndrome autistique. Cepen-
dant les études n’ont pas analysé spécifiquement les gestes conventionnels et
leurs apparentés dans le développement précoce des enfants autistes, avant que
le diagnostic d’autisme ne soit posé.
Dans la description initiale de l’autisme, le déficit de communication a
été d’abord envisagé en rapport avec l’expression verbale. Kanner (1943) a évo-
qué le mutisme ou l’existence d’un langage n’ayant pas valeur de communica-
tion (écholalie, stéréotypies vocales et verbales). Puis on a introduit dans cette
pathologie la dimension non verbale de la communication. Ainsi, le DSM-IV
(A.P.A., 1996) fait référence pour le trouble autistique aux gestes en général,
soit comme régulateurs des interactions sociales, soit comme phénomènes com-
pensatoires de l’absence de communication verbale. L’absence de pointage
apparaît comme l’indice d’une «Altération qualitative des interactions sociales».
Plusieurs outils d’évaluation des comportements autistiques prennent en
compte cet aspect.
L’échelle ERCA-N – Echelle d’Evaluation Résumée du Comportement
Autistique du Nourrisson - (Sauvage et al, 1987; Adrien et al, 1990 ; Adrien et
al, 1992) évoque des gestes et/ou attitudes expressifs : « Ne communique pas à
l’aide de gestes : ne désigne pas du doigt, ne fait pas ‘au revoir’».
La Liste de Catégories Fonctionnelles permet à Bernabei et al (1998)
d’analyser des vidéos d’enfants avec autisme. La catégorie « Communication »
comprend des aspects verbaux et non verbaux, comme les «gestes ritualisés de
demande», le pointage impératif, le pointage et la présentation déclaratifs, et les
gestes conventionnels (gestes et sons de refus, « au revoir », « bravo »).
La Grille de Codage des Actions et Gestes Communicatifs et de la
Direction du Regard, élaborée par Camaioni et al (1997), inclut des « gestes
référentiels » c’est-à-dire des « gestes représentant des référents spécifiques et
dont le contenu sémantique de base ne change pas avec le contexte». Sous cette
rubrique, les auteurs notent des gestes conventionnels comme « non », « au
revoir », « tant pis ».
Dans les recherches sur l’autisme, l’intérêt pour les gestes conventionnels
est lié à l’attention conjointe. Les troubles de l’attention conjointe avec l’adulte
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ne concerneraient pas les gestes impératifs mais les gestes déclaratifs (Mundy et
al, 1986 ; Loveland & Landry, 1986), l’enfant autiste semblant conserver la
capacité à produire des gestes proto-impératifs (Baron-Cohen, 1989a, 1989b).
L’analyse du « faire semblant » et celle du pointage proto-déclaratif chez des
enfants de 18 mois permettraient ainsi d’anticiper un diagnostic d’autisme
(Baron-Cohen et al, 1996).
Pour identifier des signes précoces d’autisme, certains chercheurs ont
recouru à l’analyse de films familiaux (pour une revue, voir Saint-Georges et al,
2010). Ils ont noté de façon récurrente l’absence, entre 0 et 2 ans, des gestes en
direction d’un objet convoité, de pointage et du geste « au revoir » (Adrien et al,
1991a ; Adrien et al, 1991b ; Adrien et al, 1992 ; Adrien et al, 1992 ; Adrien et
al, 1993). L’absence de pointage du doigt ferait partie des quatre comportements
permettant de porter un diagnostic d’autisme dès l’âge d’un an (Osterling &
Dawson, 1994). Les gestes conventionnels, dont la fréquence totale est directe-
ment liée au Quotient de Développement Global, sont présents entre 12 et 23
mois. Ils témoignent d’une capacité relationnelle gestuelle, dont la disparition
après 23 mois serait un signe clinique notable d’autisme (Bernard et al, 2002).
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♦ Conclusion
Les gestes à valeur de communication, qui interviennent au cours du
développement cognitif de l’enfant, reflètent sa capacité à élaborer des représen-
tations des objets de son environnement ou des intentions de communication de
ses interlocuteurs. L’accès aux représentations étant prédictif de l’entrée dans le
langage oral, nous pourrons, à la lumière du niveau de compréhension des ges-
tes chez l’enfant, affiner le diagnostic différentiel chez des enfants dont le lan-
gage est absent ou peu développé – dysphasie versus trouble envahissant du
développement. Cela permettra un repérage précoce et ouvrira des perspectives
de prise en charge à un âge où certains processus de développement peuvent
encore être modifiés.
La compréhension des gestes et leur investigation systématique permet-
tront d’améliorer les pratiques professionnelles des orthophonistes avec des
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enfants dont le langage est absent ou réduit, et d’accroître les connaissances sur
la façon dont ils comprennent certains modes de communication. L’outil per-
mettra de comprendre ce que l’enfant saisit de son environnement, s’il peut don-
ner une valeur d’échange aux gestes ou s’il les perçoit comme des mouvements
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Résumé
Quel parent n’a jamais rêvé de pouvoir lire dans les pensées de son tout-petit afin de com-
prendre ses pleurs, ses frustrations avant qu’il en ait la capacité de les formuler oralement.
Communiquer gestuellement avec un bébé non pathologique, comment est-ce possible ?
Pourquoi est-ce enthousiasmant ? Outre le fait d’être en mesure de comprendre les sou-
haits immédiats et souvent impérieux de l’enfant, existe-t-il d’autres intérêts moins
évidents ? Cette méthode fonctionne-t-elle avec tous les enfants ? Au travers de mon
témoignage maternel, de petites anecdotes, je vais essayer de vous faire découvrir une
technique plutôt innovante en France.
Mots clés : communication, petit enfant (0 à 3 ans), langue des signes.
Abstract
All parents have dreamt of being able to read their toddler’s mind in order to understand
why he/she cries or is frustrated, long before the baby can verbalize these states of mind.
How is it possible to communicate with a “normal” baby through gestures? Why is it exci-
ting? Beyond the fact that it helps understand the immediate and often pressing wishes of
the child, are there other less obvious advantages to it? Does this method work with all chil-
dren? Drawing on my experience as a mother and on anecdotic situations, I will attempt to
present a technique which is rather novel in France.
Key Words : communication, young child (0 to 3 years), sign language.
Virginie MINNITI
Maman de deux enfants entendants
Codeuse en Langue française Parlée
Complétée (LPC)
Interface de communication en Langue des
Signes Française (LSF)
Formatrice LPC / Baby signes – La parole
au bout des doigts
Courriel : paroloboutdesdoigts@free.fr
L
a problématique est de réussir à communiquer efficacement avec son
tout-petit, pouvoir comprendre en retour les envies, les désirs qu’il
exprime, tout ceci avant qu’il ait la maturité physiologique de le faire avec
son appareil phonatoire. Une réponse appropriée peut sans doute être apportée
par l’utilisation de gestes ponctuant la parole.
Le principe est simple, il suffit de conserver une communication verbale
naturelle en intégrant à des moments pertinents des gestes signifiants. Cette
technique qui a fait ses preuves, est très répandue aux Etats-Unis, en Grande-
Bretagne ainsi qu’au Canada. Le fait que la démarche soit assez peu développée
en France s’explique sans doute par le lourd tribut payé par la Langue des
Signes. En effet, ce mode de communication des personnes déficientes auditi-
ves, interdit en France durant une centaine d’années, est encore connoté péjora-
tivement.
Cette technique d’accompagnement du verbe par le geste, souffre de
quelques comparaisons de par ses origines alors qu’elle ne prétend pas devenir
une langue à part entière à la différence de la Langue des Signes qui en possède
tous les critères.
Mais alors quels intérêts et comment procède-t-on ?
Il existe de nombreux avantages à utiliser la parole ponctuée de signes
avec les bébés. Je vais tenter après un petit détour historique, de vous amener
quelques éclairages à travers des apports théoriques, d’observations plus empiri-
ques et de mon vécu de parent.
♦ Quelle idée !
Fin des années 70, José Garcia étudiant à l’Université d’Alaska, constate
lors de son cursus d’éducateur spécialisé que les enfants entendants grandissant
avec des parents déficients auditifs signeurs (utilisant la langue des signes) s’ap-
proprient la gestuelle de façon spontanée. De cette gestuelle, ils tirent immédia-
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contre, à la crèche, haut lieu de pratique pour les comptines, Titouan a entendu
et vu de nombreuses fois « la baleine qui tourne qui vire », avec comme gestuel,
l’index de la main droite effectuant en rythme, un slalom entre les doigts de la
main gauche. Aussitôt, le signe de « baleine » lui a paru évident et il le réalisait
ainsi. Ce qui en réalité a pu causer des moments d’incompréhension car nous
avons dû deviner (à chacun son tour) en fonction du contexte. Le jour où j’ai
donné la bonne réponse, il m’a gratifiée d’un « bravo » de soulagement. C’était
à mourir de rire. A cet instant, je ne me voyais pas lui infliger un changement de
signe pour lui en imposer un plus conventionnel.
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Quand commencer ?
Certains préconisent de mettre en place le signe, le plus rapidement possi-
ble, dès la naissance. Cette démarche est largement réalisable et possède de
nombreux avantages. Elle permet, par exemple, un apprentissage précoce afin
que les parents soient prêts aux moments propices, en accomplissant les gestes
sans appréhension, de manière naturelle grâce à la répétition. En effet, il n’est
pas toujours évident de s’exposer au regard de l’autre en exécutant des gestes. Il
faut parfois un temps d’adaptation.
De plus, l’enfant, ne verra pas cette gestualité apparaître un beau matin,
comme par magie, juste après la formation de ses parents. Il aura le temps tout
comme avec la langue orale de passer par le stade d’écoute, d’imprégnation
pour arriver au stade de l’assimilation qui l’amènera au stade ultime de l’utili-
sation.
Mon choix de commencer dès la naissance était sans doute un peu biaisé
par le fait de connaître la LSF bien en amont d’avoir des enfants. En consé-
quence, dès les premiers jours de vie, le signe fût présent, relayé et renforcé par
le papa. Son adhésion fût immédiate et je pense même qu’il pratique plus que
moi. Cette dernière remarque m’invite à insister sur le caractère quantitatif de
présentation du signe à l’enfant. Il pourra tirer bénéfice de cette mimogestualité
à condition d’être dans un bain de langage suffisant.
Toutefois, cette démarche hâtive peut être décourageante, les effets sur la
communication ne seront pas immédiats, l’enfant n’étant pas en capacité physi-
que de répondre.
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♦ Conclusion
Pour conclure sur cette présentation des signes avec bébé, je pense que
l’idée essentielle à retenir est le plaisir de la communication. Cette notion de
plaisir est primordiale. Il ne faut pas se forcer si l’idée nous rebute pour diffé-
rentes raisons.
L’expérience est agréable à vivre. Mais le fait de ne pas y adhérer ne fera
pas de nous de mauvais parents, de mauvais éducateurs. Il s’agit d’une démar-
che spécifique qui demande un investissement particulier.
De plus, certains obstacles peuvent entraver la démarche. Même une per-
sonne motivée, désireuse de se former sur notre territoire français n’aura que
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pie, microfilm ou par tout autre procédé sans l’autorisation expresse des auteurs et de l’éditeur.
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Revue éditée par la Fédération Revue créée par l’A.R.P.L.O.E.V. DERNIERS NUMÉROS PARUS
Nationale des Orthophonistes Paris
Rédaction - Administration : N° 243 : VOIX ET CANCER - Editorial : Jean-Claude Farenc, Orthophoniste, Toulouse, — Rencontre : Etre
76, rue Jean Jaurès, 62330 ISBERGUES Directeur de la publication : la Présidente de la F.N.O. : orthophoniste dans un service de cancérologie ORL : technique et relation d’aide. Réflexions personnelles,
— Tél. : 03 21 61 94 96 — (Christophe TESSIER) - Histoire d’un parcours, (Jean-Louis BRUN) — Connaissances Actuelles : Voix et
Nicole Denni-Krichel chirurgie dans le traitement des cancers des voies aéro-digestives supérieures, (Jérôme SARINI) — Examen
— Fax : 03 21 61 94 95 —
et interventions : La prise en charge orthophonique vocale des patients opérés d’une laryngectomie partielle,
e-mail : reeducation.orthophonique@wanadoo.fr (Christophe TESSIER, Alexandra SAUVIGNET-POULAIN, Grégoire VIALATTE DE PEMILLE) - La voix
oro-œsophagienne : apprentissage, avantages et limites, (Evelyne BRETAGNE) - Conséquences de la laryn-
Abonnement normal : 98 euros gectomie totale, de la radiothérapie et de la pose d’un implant phonatoire. Rôle de l’orthophoniste, (André
Membres fondateurs du comité de lecture : ALLALI) - Voix trachéo-oesophagienne, de la technique à la pratique ou la distorsion entre « le pouvoir-par-
Abonnement réduit : 75 euros
réservé aux adhérents F.N.O., ler et le vouloir-dire ». Expérience clinique de 20 ans à propos de 472 laryngectomisés totaux, (Annick
Pr ALLIERES • A. APPAIX • S. BOREL-MAISONNY LUQUET, Francis DALIPHARD) - La voix trachéo-oesophagienne avec valve automatique, (Jean-Claude
ou d’une association européenne
membre du CPLOL G. DECROIX • R. DIATKINE • H. DUCHÊNE FARENC) - Réhabilitation olfactive après laryngectomie totale, (André ALLALI) - Les traitements ortho-
Abonnement étudiant : 48 euros phoniques du trismus, (Maya BOU-HAYLA, André ALLALI) - Cancers de la sphère oro-pharyngo-laryn-
M. DUGAS • J. FAVEZ-BOUTONNIER • J. GERAUD
gée : l’intervention orthophonique en libéral, (Jean-Marc KREMER, Philippe BÉTRANCOURT) —
(joindre copie de la carte) R. GRIMAUD • L. HUSSON • Cl. KOHLER • Cl. LAUNAY Perspectives : Intérêts et limites de l’analyse acoustique dans la prise en charge orthophonique
Abonnement étudiant étranger : 58 euros des pathologies vocales d’origine cancéreuse, (Arlette OSTA) - La qualité de vie après une laryngectomie
(joindre copie de la carte d’étudiant) F. LHERMITTE • L. MICHAUX • P. PETIT
totale : trouble de la communication et perturbation des relations sociales, (Marianne BREL, Jean-Claude
Abonnement étranger : 108 euros G. PORTMANN • M. PORTMANN • B. VALLANCIEN. FARENC, Jérôme SARINI)
Vente au numéro : 33 euros
N° 244 : L’ÉMERGENCE DE LA COMMUNICATION ET DU LANGAGE - Introduction : Françoise Coquet
— Rencontre : L'émergence du langage et la métaphore de l'araignée, (Bernard GOLSE) - S'attacher pour
Comité scientifique mieux se détacher : l'impact des interactions précoces sur l'émergence du langage, (Dominique
CRUNELLE) - Quelles relations entre l'émergence du langage et le développement de la théorie de l'esprit ?
Aline d’ALBOY (Evelyne TOMMEN) - Jeu et langage en développement : entre fonction sémiotique et théorie de l'esprit (Edy
Dr Guy CORNUT VENEZIANO) - Rôle des représentations culturelles dans l'émergence du langage, (Paulette ANTHEUNIS,
Françoise ERCOLANI, Stéphanie ROY) — Données Actuelles : L’accompagnement orthophonique à l’aube
Ghislaine COUTURE de la vie : Du lien entre oralité alimentaire et oralité verbale, (Catherine THIBAULT) - Du gazouillis au pre-
Dominique CRUNELLE mier mot : rôle des compétences préverbales dans l’accès au langage, (Karine MARTEL, Marie LEROY-
COLLOMBEL) - Démarrer l’acquisition de la syntaxe (Séverine MILLOTTE, Perrine BRUSINI, Elodie
Pierre FERRAND CAUVET, Anne-Caroline FIEVET, Anne CHRISTOPHE) - Les comportements précurseurs de la communi-
cation : précurseurs pragmatiques, précurseurs formels, précurseurs sémantiques (Béatrice THÉROND) - Ce
Lya GACHES que le pointage du jeune enfant nous dit du développement cognitif et langagier (Emmanuelle MATHIOT) -
Olivier HERAL Premières découvertes à propos du monde et des objets (Françoise COQUET) - Les premiers mots du jeune
enfant français : Analyse quantitative et qualitative du vocabulaire réceptif et expressif des deux premières
Jany LAMBERT années de vie (Sophie KERN) — Examen et interventions : Le bilan multidisciplinaire des jeunes enfants :
Frédéric MARTIN quand ?, comment ?, pourquoi ? Avantages et limites (Naïma DEGGOUJ, Françoise ESTIENNE, Fabienne
VANDER LINDEN) - Comment évaluer les compétences langagières chez les jeunes enfants avec l’ECSP
Alain MENISSIER (Evaluation de la Communication Sociale Précoce), (Michèle GUIDETTI) - Observation / Evaluation du
Pr Marie-Christine MOUREN-SIMEONI développement du jeune enfant avec les Protocoles 20 et 27 mois d’EVALO BB, (Françoise COQUET) -
Conduites d’étayage maternel en situation de lecture partagée avec des enfants âgés de 24 mois, (Agnès
Bernard ROUBEAU WITKO) — Perspectives : Un nouvel outil de soutien à la parentalité pour le développement de la commu-
Anne-Marie SIMON nication et du langage (Paulette ANTHEUNIS, Françoise ERCOLANI, Stéphanie ROY)
Monique TOUZIN
N° 245 : DÉGLUTITION ET CANCER - Introduction : (Jean-Claude FARENC) — Connaissances Actuelles :
Chirurgie carcinologique des voies aéro-digestives supérieures et troubles de déglutition, (Adil
Rédacteur en chef BENLYAZID) - Traitements non chirurgicaux des cancers ORL, (Michel RIVES) - Prise en charge bucco-
dentaire et radiothérapie cervico-faciale, (Maryalis GUICHARD) - Les douleurs de la déglutition au cours
Jacques ROUSTIT des cancers, (Jacques POUYMAYOU, Philippe IZARD, Pierre ROUGÉ) — Examen et interventions :
Stimulations électriques et dysphagie oro-pharyngée, (Virginie WOIZARD) - Déglutition et canules,
Secrétariat de rédaction (Christine GOETGHELUCK) - Sonde naso-gastrique et gastrostomie ? Réflexions d’un orthophoniste…,
(Jean-Claude FARENC) - Intérêt du soutien nutritionnel dans la prise en charge des cancers des voies aéro-
Marie-Dominique LASSERRE digestives supérieures, (Muriel RICHL) - Propulsion oropharyngée (Michèle PUECH) - De l’autre côté des
lèvres … des plaisirs aux souffrances. Bouches cousues, les langues se délient, (Annick LUQUET) - Cancers
Abonnements de la face : impacts sur la relation au monde, communication, alimentation : rôle et limites de l’orthopho-
niste à travers trois cas, (Isabelle EYOUM) - La prise en charge orthophonique de la déglutition après laryn-
Sylvie TRIPENNE gectomie partielle, (Christophe TESSIER, Alexandra SAUVIGNET-POULAIN, Grégoire VIALATTE DE
PEMILLE, Virginie SIMEONE) - Troubles de la déglutition après laryngectomie totale, (André ALLALI) —
Réalisation TORI Perspectives : Addictions et prise en charge orthophonique en cancérologie, (Arlette OSTA) - Déglutition et
01 43 46 92 92 cancers de la sphère ORL : curatif et palliatif, (Philippe BÉTRANCOURT, Jean-Marc KREMER, Didier
Commission paritaire : 1110 G 82026 Impression : CIA Bourgogne
LEROND)