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« 

Oh ! je fus comme fou… »


Analyse linéaire
Le poème dans son ensemble
L’ensemble du poème suggère une impression de désordre mental dû à la douleur du père qui vient
d’apprendre la mort de sa fille.
● La simplicité du texte donne l’impression qu’il s’agit d’un texte en prose. Cette forme suggère que la
douleur est si intense que le poète est incapable de création poétique ; il fait juste parvenir une plainte
sincère, sans « travail » poétique.
● L’alternance de la narration et du discours direct : le texte est un récit au passé mais à trois reprises, la
narration est interrompue pour laisser la place au discours direct : v. 3-5 (le narrateur s’adresse au lecteur) ;
v. 9 à 11 (ce n’est plus Hugo le père qui parle mais Hugo le narrateur qui en quelque sorte réfléchit à voix
haute) ; enfin au vers 17, à partir de « Silence ! elle a parlé… », c’est Hugo le père qui s’adresse à un
destinataire anonyme, qui semble être présent à ses côtés dans la maison. Cette alternance permet de
dramatiser le texte et participe à l’effet de discontinuité qui mime la marche vers la folie.

Vers 1-2
Le poème commence par l’expression claire et simple de la souffrance du poète.
Vers 1 :
 « je » Le pronom personnel (qui sera d’ailleurs présent tout au long du poème) registre lyrique : le poème
est donc centré sur le poète qui fait part de la douleur ressentie à ce moment charnière de sa vie, où jamais
plus rien ne sera comme avant (cf. la structure du recueil : « Autrefois » // « Aujourd’hui »).
 « comme fou » La comparaison reflète l’intensité de la douleur qui fait perdre la raison. Elle annonce aussi
la crise à venir, le dérèglement et les hallucinations que le poète évoquera dans la suite du texte.
Vers 2 :
 Le verbe pleurer et son double complément (temps « trois jours » et manière « amèrement ») insistent
sur la profondeur du désespoir. Cette plainte du poète suscite la compassion.

Vers 3-5
Interruption du récit. Le lecteur et l’auditoire sont pris à partie afin de témoigner de la souffrance réelle du poète.
Vers 3-4 :
 Apostrophes généralisantes : « vous tous », puis « pères, mères » ayant perdu un enfant : une
communion dans la douleur qui transforme la douleur personnelle en un lyrisme universel (cf. préface :
« quand je vous parle de moi, je vous parle de vous »).
Vers 5 :
 L’interrogation traduit une recherche de consolation, comme si le fait de savoir que les autres ont, eux
aussi, connu ce malheur pouvait atténuer le désespoir du poète.

Vers 6-9
Vers 6 :
 La mort indicible et effrayante. Impression violente produite par la précision crue du vers 6 qui suscite
efficacement l’imagination du lecteur ; la phonétique du vers : verbe de volonté « voulais » suivi de [br]
et [fr] qui produisent des sons durs.
Vers 8 :
 L’expérience de deuil est elle-même innommable ; elle s’exprime par des périphrases souvent introduites
par des démonstratifs : « cette chose horrible » ; comme si le poète était incapable de mettre des mots
sur ce qu’il est en train de vivre : nommer la mort signifierait qu’il l’aurait acceptée.

Vers 10-11
 La prise de conscience de la mort est immédiatement suivie d’une révolte contre Dieu, perceptible par la
force du passage entre tirets : comme dans un aparté théâtral, le poète pose une question rhétorique qui
n’attend pas de réponse mais exprime une révolte contre la décision divine.

Vers 12-16
Vers 12  :
 Le poète est en déni : le pronom indéfini « tout » renvoie à ce qui est indéfini et imprécis, il englobe le
deuil dans une somme de malheurs que le père nie en bloc pour ne plus souffrir.
 La présence est revécue par les sens : l’ouïe « je l’entendais rire » et la vue « que j’allais la voir ». Les
sensations auditives et visuelles deviennent une preuve concrète de sa présence.
 L’exclamation suggère un espoir, celui de voir Léopoldine revenir… mais l’accumulation des
subordonnées conjonctives dit assez que le poète n’y croit pas vraiment et qu’il tente de se convaincre
que ce malheur qui s’abat sur lui ne peut être réel, tellement il est atroce.

Vers 17-20
 Le discours direct par lequel Hugo s’adresse à un personnage imaginaire (« tenez » ; « attendez » ;
« laissez-moi ») donne corps à l’hallucination, dramatise la scène. Il refuse des autres pour mieux être en
contact avec la morte.
 Évolution : décalage entre le « il me semblait » du vers 12 et la force du discours sans modalisation : « elle
a parlé », « voici le bruit… ». Cette progression mime le saut dans l’imaginaire : nous ne sommes plus dans
la supposition (verbe « sembler ») mais dans la conviction que Léopoldine est encore vivante.

Synthèse :
À synthétiser à l’oral
L’expression de la folie :
une succession
désordonnée de sentiments
divers (cf. structure du
texte) : la désorientation du
poète est d’abord sensible
au caractère décousu du
discours, qui met bout à
bout des sentiments ou des
nuances de sentiments
divers, des mouvements
intérieurs parfois
contradictoires et
généralement inaboutis :
➔ Les 5 premiers vers
expriment l’abattement,
la tristesse, une quête
pathétique de
compassion.
➔ Le vers 6 laisse percer
tout d’un coup une
pulsion violente de mort
ou d’automutilation.
➔ Les vers suivants,
reliés-séparés des
précédents par « puis »
(v. 7) expriment au
contraire une volonté
de réagir, une révolte,
qui débouche sur un
début de réflexion
métaphysique (v. 10-
11) : Dieu a-t-il permis
cette mort et dans ce
cas il est un Dieu
mauvais ? Ne l’a-t-il
pas empêchée ? et
dans ce cas Léopoldine
est-elle vivante ?
➔ Mais cette réflexion
tourne court, ou plus
exactement, elle se
continue sur un autre
registre, celui de la
vision, de l’hallucination
introduite par « Il me
semblait » (vers 12).
➔ Enfin, après un saut de
ligne, le passage du

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