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II - Louis décide de revenir dans sa famille de « malgré tout, la peur» à la fin du prologue.
A - Un combat contre le destin
La répétition de «malgré tout» suggère un retournement de situation: Louis décide
finalement de mener un combat contre la maladie et la mort en revenant dans sa famille.
Le terme épique «risque» fait signe vers l'épopée, mais Louis n'oublie pas la fatalité («sans
espoir jamais de survivre»). Comme tout héros tragique, il se sait condamné.
Il évoque sa décision de revenir dans sa famille. « retourner les voir, revenir sur mes pas,
aller sur mes traces et faire le voyage» : la répétition du préfixe « re» suggère un retour aux
sources qui est un combat contre le temps qui passe.
Lagarce utilise la polysémie de l'expression «faire le voyage» qui peut désigner à la fois le
déplacement physique mais aussi le passage symbolique de la vie à la mort.
Ici, Louis conjure momentanément la mort par un voyage inversé, qui est une remontée dans
le temps, un retour dans le giron familial.
Puis Louis évoque la manière dont il annoncera sa mort à sa famille : « pour annoncer,
lentement, avec soin... »
Jean-Luc Lagarce crée un effet de théâtre dans le théâtre car Louis devient le metteur en
scène de son annonce qu'il répète plusieurs fois.
Par les adverbes de manière «lentement, avec soin, avec soin et précision /- ce que je crois -
lentement, calmement, d'une manière posée» il prépare la manière dont il va jouer la scène
de L’aveu. La répétition de «avec soin» montre le metteur en scène qui réfléchit à la
meilleure manière de jouer cette scène mais ramène aussi à la polysémie du terme puisque le
«soin» fait également songer à la thérapie face à la maladie. De la même manière,
l'insistance sur l'adjectif « posé » désigne la sérénité mais préfigure aussi la position du
corps dans le cercueil. Subtilement, la mort est donc toujours présente dans ce prologue. Ce
prologue joue le rôle de scène d'exposition présentant le personnage principal mais aussi
l'intrigue de la pièce. On comprend en effet au champ lexical de la parole "annoncer»,
«dire», «dire», «annoncer», «messager», que le cœur de l'intrigue est l'aveu de Louis à sa
famille. C'est autour de cette annonce que se concentre l'intrigue comme le suggère les trois
répétitions du verbe « annoncer» . Louis veut «être l'unique messager» de cette nouvelle : le
terme " messager» rappelle la figure des chœurs chez Sophocle et renvoie donc encore une
fois à la tragédie.
Mais la place de Louis est particulière ici puisqu'il est à la fois la victime du destin (la
maladie) et la voix du destin dont il essaie de conjurer le caractère irrémédiable.Dans les
tragédies grecques, le chœur est constitué d'un ensemble de personnes qui commentent
l'action tragique. Les acteurs sur scène ne se mêlaient pas aux choristes.
La position de Louis, à la fois victime et commentateur, donne l'impression d'une étrange
distance du personnage avec son destin et lui confère un statut particulier dans la pièce, par
rapport aux autres personnages.
Son combat consiste à rester maître du destin d'où le champ lexical de la volonté : «voulu»,
«voulu et décidé», « décider», «responsable», «mon propre maître». Louis fait preuve de
stoïcisme et tente de garder la maîtrise de son destin.
Mais ce champ lexical de la volonté est contrecarré par le champ lexical de l'illusion
«paraître», «peut-être», «paraître pouvoir», "l'illusion» comme si ce combat de la volonté
contre le destin était perdu d'avance. Ainsi, Louis ne peut que « donner aux autres (...)
l'illusion d'être responsable».