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INTRODUCTION

Jean-Luc Lagarce, artiste polyvalent, exerce les rôles de comédien, metteur en scène,
directeur de troupe et dramaturge. Diagnostiqué séropositif en 1988, il écrit en 1990
Juste la fin du monde, sachant sa fin prochaine. Malgré son décès prématuré en
1995 à l'âge de 38 ans, Lagarce laisse un héritage théâtral significatif, comprenant
plusieurs dizaines de pièces qui rencontreront un succès posthume. Juste la fin du
monde explore l'annonce de Louis à sa famille de sa maladie incurable, mettant en
scène Louis, 34 ans, sa sœur Suzanne, 23 ans, leur frère Antoine, 32 ans, Catherine,
la femme d'Antoine, également 32 ans, et leur mère, âgée de 61 ans.

Le prologue se situe au début de la pièce (le terme de prologue trouve son


étymologie dans “pro” et “logos” soit « le discours devant/ avant »). Début de la
tragédie antique qui dévoile l’intrigue et son dénouement : liens qu’entretient
Lagarce avec l’héritage classique. Louis raconte d’avance l’histoire et annonce sa
mort à venir lors d’un monologue.

➤ Projets de lecture :
En quoi cette scène d’exposition annonce-t-elle la crise tragique à venir ?

➤ Mouvements :
1. l.1 à 3 (de « Plus tard… que je mourrai ») : Dire sa mort
2. l. 4 à 28 (de « l’année d’après… irrémédiable ») : La décision
3. l.29 à 33 (de « l’annoncer moi-même… encore décider ») : Rester
maître
MOUVEMENT 1
l.1 à 3 (de « Plus tard… que je mourrai ») : Dire sa mort

LOUIS. – Plus tard, l’année d’après


- j’allais mourir à mon tour –
j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai,

➤ Brouille des repères temporels : « plus tard », « l’année d’après »


annoncent un futur =/= imparfait « j’allais » ; au présent « j’ai »,
« maintenant » : Les mentions temporelles ne jouent pas le rôle attendu
d’une scène d’exposition
➤ On apprend en lisant Le Pays lointain que l’expression « l’année
d’après » renvoie à l’année suivant la mort de son amant.
➤ L.3 : affirmation étonnante : sa jeunesse questionne le spectateur
(cause de sa mort ?), impression qu’il nous parle d’outre-tombe, ou il
sait ce qu’il va lui arriver : sorte de prophétie ; Poids tragique
MOUVEMENT 2
l. 4 à 28 (de « l’année d’après… irrémédiable ») : La décision

l’année d’après,
de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire,
à tricher, à ne plus savoir,
de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini,

➤ Motif de l’écriture lagarcienne : la répétition, le ressassement des mêmes paroles


(dire l’indicible)
➤ Reprise de l’expression « l’année d’après » (l.1, 4, 8, 13,18) : personnage figé,
fixe dans un temps long, qui s’éternise.
➤ Désespoir du personnage « ne rien faire », « tricher », « ne plus savoir », « en
avoir fini » : polysémie de cette dernière expression qui peut renvoyer à la mort

l’année d’après,
comme on ose bouger parfois,
à peine,
devant un danger extrême, imperceptiblement, sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste trop violent qui
réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt,

➤ Personnage figé qui commence à se mouvoir « bouger » mais timidement « à


peine »
➤ Champ lexical du danger « danger extrême », « trop violent », « l’ennemi », «
détruirait »

l’année d’après,
malgré tout,
la peur,
prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre,
malgré tout,

➤ 3ème anaphore de « l’année d’après » : antithèse entre la peur du personnage de


Louis et sa volonté de prendre le risque de revenir.
➤ Adverbe « jamais » qui s’oppose et fait écho au « toujours » de la ligne 32 : le
personnage se lance dans le vide.

l’année d’après,
je décidai de retourner les voir, revenir sur mes pas,
aller sur mes traces et faire le voyage,

➤ 4ème anaphore : annonce l’objet principal de la pièce (rôle de la scène


d’exposition qui est ici un prologue) : le retour du fils prodigue
➤ Récurrence du préfixe « re » qui marque le retour ; « retourner », « revenir
sur mes pas »

pour annoncer, lentement, avec soin, avec soin et précision


- ce que je crois –
lentement, calmement, d’une manière posée
- et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux, tout précisément, n’ai-je pas toujours été un homme posé ?

➤ Trait de caractère de Louis : personnage calme et posé qui veut prendre son
temps : « lentement » x2, « calmement », « d’une manière posée »
➤ Épanorthose « avec soin, avec soin et précision » : style lagarcien
➤ Opposition entre le « je » d’un côté, seul et « les autres » et « eux » (membres de
la famille)

pour annoncer,
dire,
seulement dire, ➤
ma mort prochaine et irrémédiable,

Reprise du fil du discours : répétition de « pour annoncer »


➤ Retarde l’annonce en repoussant le COD ; « seulement » : sujet de la pièce !
➤ « irrémédiable » : rappelle le caractère tragique de cette mort inévitable
MOUVEMENT 3
l.29 à 33 (de « l’annoncer moi-même… encore décider ») : Rester maître

l’annoncer moi-même, en être l’unique messager,


et paraître
- peut-être ce que j’ai toujours voulu, voulu et décidé, en toutes circonstances et depuis le plus loin que j’ose me
souvenir –
et paraître pouvoir là encore décider

➤ Reprise du verbe central du prologue : « annoncer »


➤ Louis veut rester maître « malgré tout » de son destin, il veut contrer le tragique
de la fatalité qui le condamne à la mort
➤ Quête du « toujours » reformulé plusieurs fois : « en toutes circonstances »,
«depuis le plus loin que j’ose me souvenir »
➤ Volonté du personnage marquée par l’épanorthose du verbe vouloir : « voulu,
voulu et décidé »
➤ Répétition du verbe « paraître » : tout cela n’est peut-être qu’une illusion, Louis
n’est peut-être pas si maître de lui.

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