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CORPS EN MOUVEMENT

Projet d’Exposition à partir des œuvres du Musée d’Art Contemporain de Lyon

07 DECEMBRE 2021
LEPROUST AMOUR & DUCY LOUISE
UNIVERSITE LYON 2 LUMIERE – CAMPUS DE BRON
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NOTE D’INTENTION
Les évolutions de l’art et ses thèmes en Europe sont un domaine qui fait beaucoup parler
dans le monde. En 1960, période de révolte et bouleversements artistiques, la parole et le corps
se sont déchaînés. Le projet d’exposition du jour, intitulé “corps en mouvement”, portera sur
cette libération du corps et de l’esprit en Europe durant ces années de changements historiques
majeurs.
Trois œuvres vont être parcourues et analysées, chacune exposées dans le musée d’art
contemporain à Lyon. Tout d’abord l'œuvre de Gudmundur Gudmundsson intitulée Agression,
datant de 1960 introduira la thématique des corps dès le début de la décennie. L’artiste (dit
Erro) a réalisé une œuvre en encre sur papier qui séjourne dans le musée d’art contemporain de
Lyon après son don. Ensuite, les 22 cartes postales contenues dans une enveloppe (Edition-
Multiple) de Robert Filliou, Daniel Spoerri et Roland Topor, ou Monsters are Inoffensive en
1967 viendront diversifier l’analyse par la simplicité et l’originalité des multiples supports
choisis pour représenter une seule œuvre. Enfin, en 1968, Peter Moore aborde le corps d’une
toute autre manière dans une photographie. Sous-titrée The Living Theater, Moore viendra
compléter ce projet d’exposition.
Une problématique viendra jouer le fil conducteur de notre visite : de quelle manière le
corps et l’humain sont-ils représentés de manière dissociative sous différentes formes
plastiques dans les années 1960 ?
Chaque œuvre sera présentée individuellement, dans l'ordre chronologique, en
commençant par sa description et sa portée iconographique. Enfin, nous réunirons ce thème
commun à toute pour répondre à notre interrogation et comprendre mieux le contexte artistique
des années 1960 en Europe.

Nous avons décidé de travailler sur ces œuvres afin d’étudier la manière dont les artistes
perçoivent le corps et le représentent dans les années 60. Chacun des artistes présentés offre
une nouvelle manière d’aborder le corps et sa position par rapport aux autres. En effet,
Agression, Monsters are Inoffensives et The Living Theatre sont toutes des représentations du
corps et de sa relation avec le regard d’autrui. Ce regard peut-être celui des hommes, lubrique,
celui déshumanisant de la société, ou encore être le regard hautain de nos pairs.

A travers ce projet d’exposition, parcourons ensemble cette relation au corps dans les
années soixante en Europe.
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AGRESSION – ERRO (1960)


Agression est un dessin, plus précisément une encre sur papier, réalisé par Gudmundur
Gudmundsson dit Erro en 1960. L'œuvre a une dimension de 50 x 32 cm et a été donnée au
Musée Contemporain de Lyon en 2014 par l’artiste lui-même, dans le cadre de l’exposition
rétrospective organisée par macLYON. Il fait partie d’une série de dessins de Erro et précède
l’encre sur papier Silver Surfer.
Erro est un artiste islandais né en 1932 à Olafsvik et vit désormais en France et en
Espagne. Cet artiste est spécifiquement connu pour ses collages pop art avec des images issus
de bandes dessinées, de publicités et d’images issues de la culture de masse.

Agression ne présente aucune couleur, ce n’est qu’un dessin à l’encre noire sur une
feuille blanche. L'œuvre représente un corps que l’on pourrait qualifier de féminin par la
présence de la poitrine et d’un pubis. Nous pouvons remarquer que cette femme n’a pas de
cheveux, ce qui contraste avec la représentation
féminine courante. Elle est entourée de petites
figures humaines que l’on pourrait interpréter
comme masculines dû à la présence pour certaines
de moustaches. D’autres figures sont dessinées
avec des traits non-humanoïdes avec de nombreux
yeux. Nous pouvons également retrouver la
présence de ronds et d’arabesques qui entourent et
agrippent la femme. Les hommes ont tous le
regard tourné vers cette figure féminine ainsi que
leurs doigts et des mains pointés sur elle.
Ce dessin, présentant une femme au centre
de l’attention masculine et victime de son regard
et de son toucher, pourrait signifier
l’objectification de la figure féminine faite par les
hommes et la société. En effet, cette femme se
retrouve au centre, entourée et emprisonnée parmi
tous ces hommes qui l’observent et qui n’hésitent pas à la toucher. De nombreuses mains
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s’attaquent à ses seins ou encore à son pubis. Il y a également une main qui couvre sa bouche,
comme si elle était forcée de se taire.

Ce dessin datant de 1960, durant l’une des plus grandes périodes féministes en France
(et même mondiale), nous pouvons penser que ce dessin cherche à faire passer un message au
sujet de la libération du corps de la femme. Le corps de la femme est objectifié, manipulé par
les hommes, et celui-ci est poussé à subir et à se taire. Le féminisme se bat depuis des années
afin de libérer la femme de ces violences et transgressions physiques, mais aussi de libérer la
parole face à celles-ci.
Nous pouvons cependant émettre quelques réserves au sujet de ce dessin en rappelant
qu’il a été réalisé par un homme, rendant ce message une fois de plus délivré par un groupe
social non concerné, qui n’est pas oppressé. Les hommes étant majoritairement responsables
des violences physiques, sexuelles et morales faites aux femmes, il peut parfois sembler
inapproprié que ce soit un homme comme Erro qui s’exprime sur ce sujet.
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MONSTERS ARE INOFFENSIVES - ROBERT FILLIOU, DANIEL


SPOERRI, ROLAND TOPOR (1967)
Cet ensemble de 22 cartes postales est une réalisation de Robert Filliou, Daniel Spoerri
ainsi que de Roland Topor. Trois des photographies ont été réalisées par Vera Spoerri. Chacunes
des cartes sont originellement contenues dans une enveloppe, et leur impression est en noir et
blanc. La dimension de chacune des cartes est de 22x11x16 cm.

Ces cartes postales sont des dessins et/ou des photographies de corps humains. Dans ces
représentations de corps, les artistes y ont percé des trous. Sur certaines de ces images, nous
pouvons voir qu’ils ont par exemple passé leurs bras à travers les joues d’un visage, ou encore
des cheveux à la place de là où devrait se trouver un vagin. Nous pouvons également voir une
carte où le corps d’une femme a directement été dessiné sur la nuque d’une véritable personne,
faisant ainsi de ses cheveux les cheveux de la femme dessinée. Trois de ces cartes sont les noms
des artistes, dont les “O” ont été percés de trous. A travers ces trous, nous pouvons voir une
oreille pour Spoerri, des dents de Filliou, et ce qui semble être les tétons de Topor.

Cette œuvre permet de défigurer le corps humain de 22 manières différentes, offrant


ainsi des images monstrueuses. Le titre, Monsters Are Inoffensives, indique parfaitement la
volonté de défigurer les formes humaines afin d’en offrir une forme monstrueuse, dérangeante
et presque effrayante. Cependant, nous pouvons nous interroger sur le terme d’inoffensif.
Effectivement, il y a une idée commune sociétale qu’un monstre est une entité qui veut
forcément du mal, or ici ce n’est pas le cas. Nous pouvons voir que ces photos ne représentent
aucune atteinte à notre propre personne, et ne nous veulent ni ne nous font aucun tort.
Ainsi, cet ensemble nous pousse à nous questionner sur la notion de monstruosité. Ces
cartes présentent une dimension dérangeante car elles diffèrent de la norme, mais elles ne
représentent aucune offense. Cela peut donc mener à une critique de la société selon laquelle
les personnes ayant des traits hors-norme sont rejetées à cause de leurs différences physiques,
bien qu’étant inoffensives.
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THE LIVING THEATRE - PETER MOORE (1968)


The Living Theatre est une photographie de Peter Moore. Pour mieux comprendre cette
photographie, nous devons nous arrêter sur le contexte du théâtre durant les années après la
Seconde Guerre mondiale. A cette époque, le théâtre est un théâtre commercial et de
divertissement. Beaucoup de troupes proposent une nouvelle forme théâtrale, notamment à
travers l’expérimentation et l’inspiration politique et sociale. La troupe du Living Theatre est
donc créé par Julian Beck, un artiste peintre, et Judith Malina, un metteur en scène. Ils vont
rapidement se placer dans le mouvement du “Off-Broadway”, en opposition avec les autres
théâtres de la célèbre avenue.
Rapidement, les comédiens se tournent vers l’improvisation, et redéfinissent la place du
spectateur. L’engagement corporel est très présent, très exagéré puisqu’inspiré des théories du
Théâtre de la Cruauté. Le spectateur devient lui-aussi acteur, apostrophé par les comédiens.
C’est un véritable engagement politique qui naît du contexte des années soixante, et la venue
de la troupe en Europe va créer un choc esthétique et moral.

Le spectacle Paradise Now, d’où est tirée cette photographie de Peter Moore, date de
1968 et a été réalisée au festival d’Avignon. Durant ce spectacle, les scènes ne sont pas fixées,
les corps sont libres. Le but est de stimuler le spectateur, et on s’exempte des règles basiques
de théâtre en laissant dévoiler les corps et en libérant la parole. Le spectacle mêle danse et chant,
comme le montre la photographie avec cet ensemble de corps. Les comédiens improvisent et
se laissent bercer par l’ambiance et l’énergie que renvoie le public. Ici, au niveau de la
description, tout porte à croire que ce spectacle, et donc cette photographie, vont faire parler
d’eux dans un sens révolutionnaire. Le spectateur est captivé et même choqué par la
performance des comédiens, qui pourraient paraître pour certains en train de suivre une pièce
précise. Cependant, Moore se focalise ici sur le message suivant : le corps est libre. Sa
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photographie en noire et blanc exprime la liberté à laquelle l’esprit aspire, en se laissant vivre
sans contrainte sociale, sans censure.

Cet amas de corps dans la partie gauche semble jugé par les personnages à droite. Au
niveau du placement, ces personnages “jugeant” se situent plus haut que ceux dénudés. Nous
pouvons y comprendre une symbolique forte, et ce parallèle évident avec des personnages dans
la réserve, habillés et conformes qui regardent de haut ceux qui se laissent aller à leurs envies,
sans se soucier du regard des autres. Ces personnages plus “hauts” sont en réalité sur cette
photographie le public en lui-même, qui peut se balader autour de la performance. L’absence
de scène rend la photographie d’autant plus réaliste et forte, puisque tout est réel et que même
le spectateur participe à cette performance, en plus de poser sans le savoir pour Peter Moore.
En plus de la nudité des acteurs, leur enlacement est également une rupture des conventions
théâtrales puisqu’ils sont très familiers, très à l’aise malgré le peu de tissu qu’ils portent. Cette
photographie est donc un détournement des normes sociales et une désacralisation du corps. Le
domaine du théâtre et de la photographie présente une vision engagée et personnelle, rendant
chaque performance ou prise de vue unique au moment présent.
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CORPS EN MOUVEMENT : UNE EXPOSITION NOVATRICE


Suite à ces présentations individuelles, voyons comment et pourquoi ces œuvres créent
un ensemble pertinent pour notre projet d’exposition. Chacun de ces artistes a décidé de
présenter sa propre relation au corps. En déjouant les mœurs et les coutumes de l’époque, ils
ont su transcender les règles et proposer un rapport à soi-même nouveau.

Une grande part de philosophie peut être décelée à travers l’analyse de ces trois œuvres.
En effet, ce retour à soi et à la place de l’individualité exprimée dans le domaine artistique est
une avancée majeure, autant dans le processus de création que dans l’accueil du public. Les
années soixante, connues en Europe pour ses mouvements sociaux qui ont marqué un tournant
majeur dans l’Histoire, recèlent de trésors dans l’art. Ces trésors ont été mis en lumière grâce à
des artistes qui ont abdiqué aux normes sociales et artistiques des mouvements de l’époque.
L’ordre chronologique choisis pour ce projet d’exposition reflète l’évolution de la pensée et
l'exemption des artistes, clôturant notre visite de ce thème engagé par The Living Theatre et sa
parfaite mise en situation de la société qui, actuellement, pourrait également être illustrée par
la photographie de Peter Moore.

L’exposition “Corps en mouvement” reflète une société modelée par le corps et l’esprit,
l’art servant de porte-parole et de pour parler entre artistes, politiques et citoyens.
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REFERENCES

 Agression [en ligne] lien : https://www.navigart.fr/mac-


lyon/artwork/80000000024777?filters=checkbox%3Awithimage%3AAvec%20image,
,year%3A1960__1990,,tree_domain_all%3ADessin&page=5&layout=grid&sort=rand
om (consulté le 15/10/2021)

 Erro peintre [en ligne] lien : http://www.moreeuw.com/histoire-art/erro.htm (consultée


le 25/11/2021)

 Monsters are Inoffensive [en ligne] lien : https://www.navigart.fr/mac-


lyon/artwork/80000000000612?filters=checkbox%3Awithimage%3AAvec%20image,
,year%3A1960__1969&page=6&layout=box&sort=by_author (consulté le
20/10/2021).

 The Living Theatre [en ligne] lien : https://www.navigart.fr/mac-


lyon/artwork/80000000001271?filters=year%3A1960__2000,,tree_domain_all%3APh
otographie,,checkbox%3Awithimage%3AAvec%20image&page=4&layout=box&sort
=by_author (consulté le 16/11/2021)

 VENDEVILLE Stéphanette, Le Living Theatre, de la toile à la scène 1945-1985, Paris, édition


L’Harmattan, mars 2008.

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