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07 DECEMBRE 2021

MANIPULATEUR III
PIOTR KOWALSKI, 1967

LEPROUST AMOUR & DUCY LOUISE


UNIVERSITE LYON 2 LUMIERE
Campus de Bron
TABLE DES MATIERES

Introduction _____________________________________________________ 2
I – Analyse formelle de l’œuvre______________________________________ 3
II – Analyse Iconographique ________________________________________ 5

Biographie de Piotr Kowalski _______________________________________________ 5

Un artiste inventeur _______________________________________________________ 5

Sisyphe géomètre ________________________________________________________ 6

III – Analyse contextuelle __________________________________________ 7

Réconcilier le public avec la science __________________________________________ 7

Arts, sciences et technologies : une combinaison polonaise ______________________ 8

Conclusion _____________________________________________________ 10
Références _____________________________________________________ 11

1
INTRODUCTION

L’exposé portera sur l’étude de l'œuvre de Piotr Kowalski, intitulée Manipulateur III
réalisée en 1967. L'œuvre est aujourd’hui conservée au Centre national d'art et de culture
Georges-Pompidou à Paris avec pour numéro d’inventaire AM 1976-988. Son acquisition
s’est faite grâce à un achat de l’Etat en 1968. Manipulateur III a des dimensions de
200x200x200 cm.

Piotr Kowalski est un artiste polonais naturalisé français. Avant de devenir artiste, il
a étudié les sciences et l’architecture au MIT à Cambridge (USA). Il cherche à allier ses
connaissances scientifiques à son art afin d’étudier les relations entre la physique et la
matière. Ainsi, il a offert de nombreuses œuvres mélangeant ces deux disciplines. Kowalski
pense que la science représenterait un progrès pour l’art. “Il faut se servir des choses
objectives, extérieures (à l’art), pour être libre (..). Il n’y a pas de dichotomie entre la science
et la vie pour moi, cela fait partie du même monde.”1

Cette œuvre atypique est donc la somme de ces deux domaines : l’art et les sciences.
Kowalski, en utilisant ses compétences de mathématicien, d’architecte et de sculpteur,
propose au public un regroupement de tous ces domaines au service de l’art. Une
problématique se détache de cette œuvre et de cette manière de mélanger les
domaines : de quelle manière Piotr Kowalski introduit-il la science au spectateur grâce à
une œuvre d’art interactive ? Pour commencer, nous décrirons l'œuvre dans une analyse
formelle, puis une approche iconographique viendra compléter la compréhension de
Manipulateur III. Nous aborderons la vie de l’artiste ainsi que d’autres de ses œuvres à
caractère scientifiques. Enfin, une recontextualisation dans la société moderne va clore
l’analyse.

1 Art et technique contemporains, Quaderni, n°21, Automne 1993.

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I – ANALYSE FORMELLE DE L’ŒUVRE

Visuellement, c’est une œuvre en trois dimensions, avec des jeux de lumières.
Plusieurs matières la composent : de l’acier laqué, du plexiglas, du pyrex, des néons, de
l’hélium, et un générateur électrique. Des gants en caoutchouc font également partie de
l'œuvre afin de mieux la manipuler. On considère cette œuvre comme une installation car
le spectateur peut tourner autour, est libre de l’observer sous tous les angles et surtout car
elle est interactive. En effet, le spectateur entre dans une charpente métallique maintenue
par une sphère de plexiglas à l’aide de câbles. Sous l’effet d’un champ électromagnétique,
les gaz s’ionisent et émettent une lumière rouge pour le néon et bleue pour l’hélium. Selon
la position dans le champ, les sphères seront allumées de manières différentes. Malgré
l’utilisation de l’électricité, cette œuvre ne représente aucun danger pour le spectateur.

Le titre de l'œuvre, Manipulateur III, indique parfaitement sa fonction : elle est


manipulable et invite à l’être par les spectateurs qui passent devant. Elle rend le spectateur
actif dans la découverte du Manipulateur III, il n’est pas seulement passif et présent pour
observer l'œuvre. De plus, le titre indique également que cette installation est la troisième
d’une série. En effet, la série des Manipulateurs est composée de cinq à huit installations
qui reposent toujours sur le même principe mais sous une forme différente. Elles ont toutes
pour point commun de reposer sur un socle noir ou accompagné d’une structure en acier
noir. L’idée de cette série est de rendre accessible un outil scientifique au public, en le
mettant à disposition.

Ici, le cadre carré de cette installation contraste avec la sphère suspendue au milieu.
Cela permet un jeu de forme intéressant dans lequel le spectateur s’insère afin de pouvoir
la manipuler. Nous pouvons aussi noter que l’installation en elle-même est simplement
monochrome avec un cadre et un socle noir accompagné d’une sphère transparente et de
gants blancs. Ce choix permet de mettre en avant l’intensité des couleurs qui seront
causées par les réactions chimiques et électriques au sein de la sphère.

Cette œuvre est donc le fruit de réactions chimiques et physiques. Deux petites
sphères sont remplies de néon et lorsque celui-ci s’ionise sous l’effet du champ électrique,
il émet une lumière rouge. Trois autres petites sphères sont remplies d’hélium et, sous le
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même procédé scientifique, l’hélium s’ionise et émet une lumière bleue. Avec les gants en
caoutchouc, le spectateur peut manipuler les sphères, permettant d’allumer les sphères
différemment selon leurs positions dans le champ électrique.

Aujourd’hui, Manipulateur III n’est plus exposé au Centre Pompidou.

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II – ANALYSE ICONOGRAPHIQUE

Biographie de Piotr Kowalski


L’artiste Piotr Kowalski est né en Pologne le 2 mars
1927 et finira sa vie à Paris le 7 janvier 2004. Il était sculpteur,
architecte et mathématicien. A propos de sa vie, elle a été
rythmée par beaucoup de voyages, tous ayant un but
artistique et scientifique. En 1946, il émigre en Suède puis
va étudier les mathématiques et l’architecture aux Etats-
Unis à Cambridge au M.I.T (Massachusetts institute of
Technology) de 1947 à 1952. Il voyage également au Brésil,
en Allemagne et au Japon. Piotr Kowalski a également été
professeur, ce qui expliquera beaucoup de l’aspect ludique
et didactique de ses œuvres, ce dernier voulant inculquer son savoir aux spectateurs. La
fonction didactique est une caractéristique majeure dans son processus de création final.

Piotr Kowalski apprendra beaucoup de ses collaborations avec différents


architectes comme Breuer, Prouvé ou Pei. Sa curiosité scientifique et sa compétence
intellectuelle lui permettent de réaliser par exemple des prototypes de transformateur
électrique en polyester translucide, ainsi que des boutiques et des écoles dans les années
1950. Il est connu pour être l’un des rares artistes innovateurs, et l’un des grands penseurs
d’art technologique.

Un artiste inventeur
Pour poursuivre, intéressons-nous à l’analyse iconographique de l'œuvre.
Manipulateur III, étant une création mélangeant l’art et la science, n’a pas un but tant
représentatif que d’autres œuvres présentes dans les musées. Dans le cas présent,
Kowalski a pour but d’enseigner et de faire participer son spectateur, rendant sa place
fondamentale dans l'œuvre. En effet, observer Manipulateur III n’est pas l’objectif ici : il faut
s’y intégrer, la toucher, interagir. Le public devient un acteur du processus de création final.

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Kowalski met en avant l’aspect éducatif de l'œuvre en partageant son savoir et sa
science, et en partageant le rôle d’artiste : il a créé l'œuvre, et c’est au spectateur de la
toucher également. Le piédestal sur lequel les œuvres sont généralement exposées au
musée n’est plus présent, laissant à penser que l’art et la science peuvent être accessibles
à tous. Cette volonté de partage au centre de l'œuvre est ce qui la rend unique. Cette
interaction et ce partage de connaissance est “encadré” par la structure de l'œuvre, qui
délimite un espace où chacun est libre de s’essayer à l’art une fois dans ce cadre métallique.
Comme précédemment dit, le titre Manipulateur III prend encore une fois tout son sens,
mettant le spectateur au centre du titre et donc de l'œuvre. Le titre peut donc être défini
comme unique également, puisqu’il ne concerne pas l'œuvre mais sous-entend que la
création est dans l’espace et exposée grâce à l’interaction de chacun.

Sisyphe géomètre
Parmi les autres de ses œuvres, Kowalski a également décidé de s’appuyer sur des
créations antérieures. “Sisyphe géomètre” est originellement un poème de Ghérasim Luca,
paru dans Paralipomènes en 1986 aux éditions Poésie/ Gallimard. Aux pages 278 à 285, le
poète s’exprime en jouant avec la langue, en déformant les échos. Kowalski a mis en
matière ce poème en le faisant réciter en fond durant une vidéo performance. Sur cette
performance, le fond sonore (donc le poème) est récité. Visuellement, Kowalski a créé des
formes géométriques lumineuses, entouré d’une lumière tamisée, rendant ces formes
presque l’un de nos seuls moyens de deviner en fond un livre ouvert sur le poème. C’est
une relecture sensorielle du texte. L’ambiance est angoissante, tout comme l’est le poème
et la réécriture et réinterprétation de Piotr Kowalski.

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III – ANALYSE CONTEXTUELLE

Réconcilier le public avec la science


La science est grandement mal vue par le public, il y a une perte de confiance en la
science dû à une désinformation. Piotr Kowalski tente de rendre la science plus ludique et
de redonner foi au public. Par manque de compréhension de la science, les médias et le
gouvernement propagent une idée fausse, renforçant l’ignorance du public. L’invention de
la scientific literacy a pour but de décortiquer et comprendre les concepts scientifiques.
Globalement, les années 60 sont marquées par un déclin de la compréhension et de
l’intérêt du public vis-à-vis de la science. Cela amène à une volonté des scientifiques de
vouloir faire comprendre leurs travaux et de se dédiaboliser.

A propos de ce rapport à la science,


Piotr Kowalski s’est exprimé dans une
interview à ce propos. L’art de Kowalski
étant contemporain et inédit dans son
rapport à la science, le besoin d’expliquer
et d’inviter le public à plonger dans ses
œuvres était fondamental. Pierre Musso,
un professeur de Sciences de
l’information et de la communication à
l’université de Rennes 2 et chercheur
l’interroge donc sur son art, le 18 mai 1993
à Montrouge. Dans cet entretien, l’artiste
exprime le lien intime entre science et

technique, qui nous permet en tant que spectateur de mieux comprendre la démarche
artistique et scientifique de ses œuvres.

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Arts, sciences et technologies : une combinaison polonaise
Par ailleurs, nous pouvons rappeler que Piotr Kowalski est également polonais. Ainsi,
nous avons décidé d’aborder le contexte historique et social de ce pays dans les années 60
afin de mieux comprendre la réalisation de Manipulateur III et des autres œuvres artistiques
de Kowalski.

En effet, suite aux invasions staliniennes en Pologne, ce pays tente de reconstruire


une société plus humaine afin de marquer un “après Staline”. Il y a la volonté de se
démarquer du passé. C’est pour cela que les scientifiques tentent de créer un pont entre
humains et sciences. Suite à la Seconde Guerre mondiale et à l’invasion communiste, le
monde ne connaît la science qu’à travers des armes technologiques meurtrières et perd
donc foi en la science.

Afin de redonner confiance à la société vis-à-vis de la science et de la technologie,


un mouvement artistique dit “avant-garde” voit le jour en Pologne dans les années 60. Ce
mouvement mêle donc la science et la technologie dans le but de jouer sur la notion de
réalité. Les artistes explorent les possibilités que leur offre le monde grâce à la science tout
en élargissant la vision des spectateurs sur les diverses possibilités de créations.

Mieczysław Porębski, un historien de l’art et professeur à l’Académie des Beaux-


Arts de Varsovie, s’est intéressé à ce mouvement artistique. Dans un traité qu’il a délivré à
un séminaire du Comité des Sciences Artistiques à l’Institut des Arts de l’Académie des
Sciences Polonaises de Varsovie en 1962, cet historien étudie l’utilisation des
mathématiques comme nouveau langage technologique et artistique. Il invite à utiliser les
mathématiques dans la création d'œuvres artistiques et scientifiques. Cette utilisation
combinant différents domaines permet de mener à une nouvelle forme de méta-art. Selon
Mieczysław Porębski, ce méta-art permettrait une avancée sociale sur la vision que
possède la société polonaise vis-à-vis de la science.

Plus tard, nous pourrons également voir que l’industrie design de Pologne était un
pôle majeur de l’utilisation des sciences et des nouvelles technologies dans la création
artistique.

De ce fait, la technologie et la science sont activement utilisées en Pologne comme


une expression artistique réfléchie. Nous pouvons ainsi voir que les années 60 utilisent
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différents domaines qui ne paraissent pourtant pas artistique, comme un moyen
d’expression à objectif social.

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CONCLUSION

Pour conclure, l’analyse de la vie et des œuvres de Piotr Kowalski nous a permis
d’avoir une vision multilatérale des thèmes artistiques de l’époque. En effet, les années
soixante ont été un véritable tournant pour l’art contemporain, se développant et se
modelant grâce au contexte historique et social.

Kowalski, avec son expérience des voyages et de ses rencontres, a enrichi ce


domaine et convaincu un public sceptique. Il a su réconcilier le public avec la science, et
créer une homogénéité entre l’expression artistique et la logique de la science afin de créer
ses œuvres uniques. La technologie et la science, ces domaines qu’aujourd’hui encore
beaucoup pensent opposés, ont donné naissance à une nouvelle forme artistique. Ces
prémices d’une évolution permettent aujourd’hui aux artistes comme aux personnes de
sciences de prendre exemple sur les travaux de Piotr Kowalski afin de faire avancer le
monde et créer un environnement contemporain, qui répond à la curiosité et aux envies
d’un public toujours plus friand de nouveautés.

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REFERENCES

 « Art & Technology in Poland : From Modernity to Technoculture »


https://www.scq.ubc.ca/science-and-its-credibility-the-1960s-vs-today/ (consulté le
30/10/2021)
 « Interview de Piotr Kowalski réalisée par Pierre Musso, mardi 18 mai 1993,
Montrouge » https://www.persee.fr/doc/quad_0987-1381_1993_num_21_1_1042
(consulté le 26/11/2021)
 « Manipulateur III » https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/cbj47p
(consulté le 07/10/2021)
 « Piotr Kowalski » http://www.artwiki.fr/?PiotrKowalski (consulté le 07/10/2021)
 « Piotr Kowalski » http://piotrkowalski.com (consulté le 07/10/2021)
 « piotr-kowalski » https://drive.google.com/file/d/1fZuKjyc-P-
6BODmVn7yaiBIslHxZwWM4/view (consulté le 10/10/2021)
 « Piotr Kowalski »
https://drive.google.com/file/d/1zLtRlT9NcxQ6VNrR4m23_7abgFyARiSy/view
(consulté le 10/10/2021)
 « SCIENCE AND ITS CREDIBILITY, THE 1960 VS. TODAY »
https://www.scq.ubc.ca/science-and-its-credibility-the-1960s-vs-today/ (consulté le
30/10/2021)
 « SISYPHE GEOMETRE » https://jeanne-
bouchot.tumblr.com/post/648374900494565376/sisyphe-géomètre-jeanne-
bouchot (consulté le 26/11/2021)
 « The difficult relation between art, science and technology in Poland »
https://www.scq.ubc.ca/science-and-its-credibility-the-1960s-vs-today/ (consulté le
30/10/2021)
 « The evolution of public understanding of science - discourse and comparative
evidence » https://core.ac.uk/download/pdf/95663.pdf (consulté le 30/10/2021)

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