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Ce prologue est déstabilisant parce qu'il commence comme pourrait le faire une tragédie :
Dès la première ligne, importance du temps propre à la tragédie : 2 CCT à la ligne 1, puis
mention de l'âge : 34 ans, « de nombreux mois » : le temps qui presse est un élément fort de la
tragédie (voir l'horloge dans le film de Xavier Dolan) et justement, ici ils indiquent un futur, un
après qui sera une borne: « plus tard », futur proche : « j'allais mourir » « j'ai près de 34 ans
maintenant », futur « mourrai » = expression d’une imminence, mais aussi un passé : « j’allais », de
« nombreux mois j'attendais » : le lecteur a l'impression d'entendre une voix d'outre-tombe.
Notons que le CCT « l'année d'après », épanorthose qui revient comme un refrain structurant, est
pour le spectateur le nœud du drame.
→ D'emblée ce prologue déstabilise le spectateur parce qu’il se place en rupture avec la
notion même de prologue antique : pas d’exposition classique ici, mais une impression de plonger
au coeur d’un drame intime dont on ignore à peu près tout : début in médias res, annonçant un
« plus tard » alors qu’on attend un « avant tout » ou « d’abord ».
– à cette expression d'une borne temporelle, à cette imminence est associée l'idée d'une
catastrophe, là encore, nous avons une tragédie : le personnage annonce sa mort en pleine
jeunesse (34 ans). : ligne 2 : apparition du « je » qui annonce que le prologue est pris en charge par
le personnage lui-même, ce qui le distingue de la tragédie classique là encore. Expression d’un
pathos ? : « J’allais mourir » + tirets qui isolent cette proposition, on peut l’imaginer entourée de
silence, pathos qui se poursuit ensuite : 34 ans (voir Dante au Xvème siècle) : insistance sur la
jeunesse scandaleuse de cette mort avec le déterminant démonstratif « cet » âge. Le mot « mourrai »
vient à la fin de la ligne pour insister sur cette fin brutale et inacceptable peut-être.
– ---> à partir de ces 4 premières lignes, le spectateur attend de comprendre ce qui devra se
passer « l'année d'après »
– ligne 4 : retour au CCT de la ligne 1 qui va rythmer tout la première partie du prologue,
comme si le personnage cherchait ses mots.
– , Ligne 5: nouveau procédé dilatoire qui repousse le récit du contenu de cette « année
d'après » : « de nombreux mois » consacrés à l’attente, l’inaction : négation, verbe attendre. Le
verbe « tricher » reviendra dans le texte, il évoque la double personnalité de Louis : celui qui veut et
celui qui n’ose. : remarquer ici l'hésitation avec la négation : « comme on ose » : à l'oral = « comme
on n'ose ».
– Cette attente, ce repli sur soi est dû à la connaissance de la mort à venir, ce qui fige tout de
suite le spectateur. Le champ lexical du danger, d'une guerre, même, précise peu à peu le la
raison de cette mort à venir :
– danger, violence, détruire, ennemi : un ennemi à combattre : la maladie ?. « A mon tour »
suppose d'autres morts passées et à venir, comme une malédiction peut-être qui inscrit ce texte, dans
sa solennité et ses répétitions poétiques, dans le registre tragique. : encore : destinée humaine.
– Dans Le Pays lointain (1995), l'année d'après est celle d'après la mort de l'amant.
Cet ennemi est redoutable : l’importance de ce danger est mis en évidence par un enjambement +
expression de la « violence » (trop, danger, détruirait, aussitôt »). Le conditionnel « réveillerait,
détruirait » participe de l'imminence de ce danger, il exprime le danger de ce geste de trop : le
potentiel.(deux fois) :
– c'est aussi un portrait : celui d'un homme timoré : champ lexical de la peur : « ose », « peur »,
« risque », et de l'absence d'engagement : « triche », « ne rien faire », « ne pas savoir »--> à mettre
en lien avec les journaux intimes.
Inclusion du spectateur avec le « vous » explétif et auparavant le « on ». → le spectateur est invité
à comprendre, à s'identifier peut-être. D'ailleurs la cause de la mort n'est pas précisée, elle est laissée
à deviner : maladie ? Suicide ? → Vers l'universalité du texte.
l’année d’après‚
malgré tout‚
la peur‚
prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre‚
malgré tout‚
l’année d’après‚
je décidai de retourner les voir‚ revenir sur mes pas‚ aller sur mes traces et faire le voyage‚ pour
annoncer‚ lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision
– ce que je crois –
lentement‚ calmement‚ d’une manière posée
– et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas toujours été un
homme posé ?‚
Répétition du CCT «l’année d’après » qui montre, plus que le ressassement, l’évolution de la
réflexion puisqu’il est suivi par l’adverbe « malgré tout » qui renverse l’inertie, qui au moins
annonce un changement, une concession. Le début d’une décision. Une seule ligne pour ce groupe
de mots → solennité, importance, poids des mots.
Expression cette fois d’un courage (ligne 14) : « la peur » sur une seule ligne : souligne son
omniprésence mais aussi aphérèse : (malgré) la peur », puis «prenant ce risque » : le risque malgré
la mort à venir vient à l'encontre de la tragédie : montre un personnage fort. « Cataphorique du
« ce » : mystère pour le spectateur mais aussi espace mental qui brouille les pistes : le personnage
sait que quoi il parle, le spectateur doit déceler les indices.
– « je » en début de ligne 18 : « je décidai » : le passé simple exprime bien une décision ferme,
c'est un temps borné et ici le suspense est fort : de quelle décision s'agit-il ?
– d'un retour : champ lexical d'un retour : « revenir », « mes pas », « mes traces », « le
voyage » : il s'agit donc d'un voyage, d'un retour. « de retourner les voir » : « les » : pronom
cataphorique qui annonce de la peur ou l'expression d'une pensée intérieure : « les » : qui ? :
même remarque mais les indices s'éclairent.
-c'est une décision posée et réfléchie : insistance sur la précision : éparnorthoses, compléments de
manière qui indique la précision et l'ordre : lentement, soin, précision : annonce d'une parole
solennelle, sûre : isotopie de la clarté d'un discours.
Ce 2ème mouvement se caractérise par la prolifération des cc de manière alors que le précédent
insistait sur le temps : progression dans le sens du monologue : le personnage se projette dans ce
retour.
Un homme posé ? → versets plus longs, plus stables : sa parole doit être conforme à ce qu'il est ou
paraît : il veut être ce que les autres attendent de lui.
→ Rôle des propositions entre tirets : mettre en évidence le doute de l'identité de chacun, la mettre
en suspens : « ce que je crois » → doute quant à la possibilité du calme, du soin ? Peut-être puisque
la ligne suivante revient sur ce point avec répétition du mot « lentement » et développement de
quasi-synonymes (isotopie) : Louis doute-t-il qu'il sera capable de tenir cette attitude ?
pour annoncer‚
dire‚
seulement dire‚
ma mort prochaine et irrémédiable‚
l’annoncer moi-même‚ en être l’unique messager‚
et paraître
– peut-être ce que j’ai toujours voulu‚ voulu et décidé‚ en toutes circonstances et depuis le
plus loin que j’ose me souvenir –
et paraître pouvoir là encore décider‚
me donner et donner aux autres‚ et à eux‚ tout précisément‚ toi‚ vous‚ elle‚ ceux-là encore
que je ne connais pas (trop tard et tant pis)‚
me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de moi-même
et d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître.
Enjeux de la pièce
• Qu’est-ce qui a motivé le départ initial de Louis ?
• Qu’est-ce qui le sépare de sa famille ?
• Quelle est la source du conflit ?
• Quelles seront les réactions de sa famille à l’annonce (qui n’aura pas lieu) de la mort prochaine de
Louis ?