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« Le Prologue »

LOUIS. – Plus tard‚ l’année d’après

– j’allais mourir à mon tour –


j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai‚
l’année d’après‚
de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire‚ à tricher‚ à ne plus savoir‚

de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini‚


l’année d’après‚
comme on ose bouger parfois‚
à peine‚
devant un danger extrême‚ imperceptiblement‚ sans vouloir faire de bruit ou
commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait
aussitôt‚
l’année d’après‚
malgré tout‚
la peur‚
prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre‚
malgré tout‚
l’année d’après‚
je décidai de retourner les voir‚ revenir sur mes pas‚ aller sur mes traces et faire
le voyage‚ pour annoncer‚ lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision
– ce que je crois –
lentement‚ calmement‚ d’une manière posée
– et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas
toujours été un homme posé ?‚
pour annoncer‚
dire‚
seulement dire‚
ma mort prochaine et irrémédiable‚
l’annoncer moi-même‚ en être l’unique messager‚
et paraître
– peut-être ce que j’ai toujours voulu‚ voulu et décidé‚ en toutes circonstances et
depuis le plus loin que j’ose me souvenir –
et paraître pouvoir là encore décider‚
me donner et donner aux autres‚ et à eux‚ tout
précisément‚ toi‚ vous‚ elle‚ ceux-là encore que je ne connais pas (trop tard et
tant pis)‚
me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de
moi-même et d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître.

Introduction
Ce texte est de Jean-Luc Lagarce célèbre comédien, metteur en scène,
dramaturge et directeur de troupe, il apprend en 1988 quil est atteint du
sida et il se sait condamner. Suite à cela il publie en 1990 Juste la fin du
monde ». il meurt en 1998 a lage de 38ans . L'intrigue juste la fin du monde
repose sur l'annonce par Louis à sa famille de sa maladie qui va l'entrainer a
une mort certaine Cette pièce se compose en 2 parties et s'ouvrant comme
les tragédies grecques de Sophocle sur un prologue que nous allons étudier
ici. La scène se passe dans la maison de la mère, un dimanche évidement,
Louis décide d annoncer a sa famille sa maladie . Mon projet consiste à
montrer est ce que ce prologue de juste la fin du monde est traditionnel, et
si ce n'est pas le cas quel est son véritable objectif.Pour mener a terme mon
projet de lecture je subdivise mon analyse en deux mouvements allant
l'annonce de la mort à venir, puis a la décision.

L'annonce de la mort à venir


 Verset 1: Le prologue s'ouvre sur 2 CCL: repères temporels,
malgré leur précision il ne sont attachés a aucun moment précis,
ceci souligne le refus d'inscrire cette pièce dans une temporalité
réaliste. .

 Le champ lexical du temps sera omni présent dans cet extrait:


le temps est dévorateur.

 V2 :prolepse :louis prend une posture de prophete pour annonce


la tragedie a venir et cela perturbe le lecteur car il annonce sa
propre mort a venir

 Cette annonce semble décrochée du reste de la tirade grâce aux


tirets qui l'encadrent.

 Louis semble à la fois mort et vivant. Ce type d'annonce, est propre à la


tragédie, c'est un élément traditionnel

 V3 et V 4 : Le prologue retrouve ici sa fonction d'exposition


puisque Louis, qui connait bien évidemment son âge, le donne
néanmoins double énonciation, s'adresse au public. Mais, une fois de
plus les repères sont brouillés à cause de l'adverbe « maintenant
maintenant

 Lecheance se rapproche et augmente la tension dramatique grace a


ladverbe maintenant et ladverbe mourrai au futur :cest ineluctable sorte
de compte a rebours fatal qui fait de louis un personnage tragique face
a cette mort ,louis a été gagne par limmobilite (jattendais) (ne rien faire)
(a peine)(imperceptiblement).

 champ lexical de la négation:« "ne rien faire, à tricher, à ne


plus savoir, sans espoir jamais"», la négation << ne plus » et « sans
jamais » Indiquant un temps fermé, un monde clos .

 A le champ lexical du danger : Le temps est évoqué comme un


ennemi dangereux

 Louis semble très passif face à son destin, c'est un


personnage tragique , qui attend sa mort comme le
montre l'euphémisme «d'en avoir fini».

 Registre épique : C'est un combat à mort que mène Louis,


On sent la menace qui pèse sur lui à travers les adjectifs «
extréme, violent"».

 Lexpression (comme on ose) :montre un changement dattitude , une


volonte de reagir dentreprendre quelque chose de dangereux ,mais
vital

 cette Prise de décision importante et nous montre que nous


sommes au cœur du monologue délibératif

 L'anaphore « l'année d'après» vient perturber la syntaxe de


la tirade et transforme toutes les phrases de Louis en
anacoluthe. La maladie et la mort sont comme un parasite
qui vient s'incruster dans la phrase et empêcher tout sens,
toute parole.

2- la décision:
 La répétition de « malgré tout »: louis décide de mener un combat
contre la mort en revenant dans sa famille
 Lagarce utilise la polysémie de l'expression « faire le voyage » qui
peut désigner à la fois le déplacement physique mais aussi le passage
symbolique de la vie à la mort.

 Les adv de manière : la façon dont il va jouer cette scène de l'aveu

 champ lexical de la parole « annoncer », « dire », « dire », « annoncer


», « messager »montre que le coeur de l'intrigue est l'aveu de Louis à
sa famille.

 Louis est à la fois victime et commentateur

 Son combat consiste à rester maître du destin d'où le champ lexical


de la volonté : << "voulu », « voulu et décidé », « décider », «
responsable ». « mon propre maitre"».

 Mais ce champ lexical de la volonté est contrecarré par le


champ lexical de l'illusion («"paraître », « peut-être », «
paraitre pouvoir », l'illusion" ») comme si ce combat de la
volonté contre le destin était perdu d'avance

 Le Prologue annonce une autre intrigue cachée : celle de


l'exploration de l'inconscient personnel et familial.

 Cette exploration du monde intérieur apparaît dans les tirets:


«<peut-être ce que j'ai voulu, voulu et décidé, en toutes
circonstances et depuis le plus loin que j'ose me souvenir-"»

 Les tirets font entendre : la voix de l'inconscient.

 L'épanorthose omniprésente dans ce texte suggère la


recherche du mot juste pour révéler la vérité intérieure

 On remarque aussi que cette tirade n'est constituée que


d'une seule phrase, Tout est prononcé dans un flot de
parole continu comme si la voix de l'inconscient remontait
à la surface.
 La musicalité de cette tirade est également essentielle et rappelle
le prologue des tragédies grecques qui était chanté. Ainsi, le
syntagme «l'année d'après" » fonctionne comme un refrain.

 L'allitération finale en «< m » crée un effet des rimes internes


qui renforce cette musicalité: "me donner et donner aux autres
une dernière fois l'illusion d'être responsable de moi-même et
d'être, jusqu'à cette extrémité, mon propre maître." »

Conclusion

Le Prologue dans Juste la fin du monde joue le rôle du prologue


tragique dans la tragédie grecque : il présente la force du destin,
pose le nœud de l'action qu'est la révélation de la
maladie. L'originalité de ce prologue est de suggérer une intrigue
cachée : l'intrigue analytique. Au delà de l'intention initiale, qui est un
aveu, c'est tout l'inconscient, le non-dit familial qui va s'inviter sur
scène

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