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Analyse linéaire n° 3 : la mort de Raphaël.

Pour les éléments d’introduction, se reporter aux fiches distribuées et au cours (Balzac et son temps, le fantastique, le pacte faustien, la situation
du passage).

Projet de lecture : « dans quelle mesure ce dénouement illustre-t-il la philosophie balzacienne selon laquelle « l’excès de désir tue » ? »

Mouvements du texte :
1 : la crainte du désir ;
2 : la puissance incontrôlable du désir ;
3 : la fatalité du désir.

Premier mouvement : la crainte du désir.

• Au moment du dénouement, la Peau réapparaît pour accomplir la prédiction de l’antiquaire. Celle-ci a considérablement diminué et reflète
la fragilité du personnage. L’image de la pervenche souligne la métamorphose de la Peau, à l’aspect autrefois métallique. La scène, très
théâtrale, dramatise l’exhibition de la Peau par Raphaël. « le lambeau de la peau de chagrin, fragile et petit comme la feuille d’une
pervenche » : comparaison et adjectifs qualificatifs connotant la fragilité. « le lui montrant : « Ceci est un talisman (…). Discours direct et
complément circonstanciel de manière rappelant une didascalie (théâtralité de la scène), utilisation d’un déictique.
• Raphaël révèle à Pauline le fonctionnement de la Peau et met sur le même plan le désir et la mort : la présence de Pauline accélère son
dépérissement en accentuant son désir. Utilisation de propositions coordonnées « qui accomplit mes désirs, et représente ma mort » et d’une
proposition hypothétique introduite par la conjonction si « Si tu me regardes encore, je vais mourir ».
• Le texte nous plonge de nouveau dans une atmosphère fantastique : Pauline doute, croit Raphaël fou. Mais la « lueur vacillante » rappelle
la luminosité fantastique de la Peau dans le bazar de l’antiquaire. On voit tout cela grâce à l’utilisation des verbes conjugués au passé simple
« crut », « prit », « alla », « examina », « fut » ; les thèmes liés au fantastique « Peau magique », « fou », « lueur vacillante ». La
polysyndète1 souligne le lien qui unit fatalement Raphaël et la Peau « et le visage de son amant et la dernière parcelle ».
• Face à ce tableau, Pauline est tiraillée par des sentiments contradictoires soulignés par une antithèse « belle de terreur et d’amour » qui
réveillent le désir violent de Raphaël. Le lexique de la volupté est utilisé « amour », « scènes caressantes », « joies délirantes de sa passion ».

1
Polysyndète : figure de style consistant à répéter une même conjonction (le plus souvent et) avant chaque mot d’une énumération, ou devant chacun des membres d’une
phrase.
La comparaison « comme un foyer mal éteint » suggère que le désir ne peut jamais être totalement étouffé : le foyer « mal éteint » peut
s’embraser à tout moment. Vouloir lutter contre le désir est donc impossible.

Bilan du premier mouvement : Raphaël tente de lutter contre son désir pour rester en vie, mais il ne peut résister face à la beauté de Pauline.
Le texte suggère ainsi l’impossibilité de l’ascèse préconisée par l’antiquaire au début du roman.

Deuxième mouvement : la puissance incontrôlable du désir.

• Le cri de Raphaël révèle la puissance de son désir. Au désir d’éloignement succède un désir de rapprochement. « Pauline, viens !
Pauline ! » utilise le discours direct, deux apostrophes (le prénom de la jeune femme) ; l’impératif et les exclamations traduisent la force
du désir.
• La description du cri torturé de Pauline souligne sa terreur : elle est témoin du fonctionnement magique de la Peau. On trouve une
énumération au passé simple « cri terrible », « ses yeux se dilatèrent », ses sourcils violemment tirés par une douleur inouïe, s’écartèrent
avec horreur », « désirs furieux ». Cette énumération contient des adjectifs à valeur hyperbolique et des termes intensifs.
Paradoxalement, l’objet rétrécit à mesure que le désir de Raphaël grandit. Le texte sous-entend le caractère phallique de l’objet (Éros et
Thanatos). La subordonnée circonstancielle « à mesure que » indique la simultanéité de ces deux actions contradictoires.
• Raphaël est désigné par le groupe nominal « le moribond », c’est-à-dire « celui qui va mourir » : le personnage perd son identité avant
de perdre la vie. La dernière exclamation lie le désir et la mort. Dans « Pauline ! Pauline ! cria le moribond en courant après elle, je
t’aime, je t’adore, je te veux ! Je te maudis, si tu ne m’ouvres ! », on retrouve évidemment le discours direct, des apostrophes répétées,
une gradation ternaire et des exclamations. C’est le dernier désir et il est intense. La construction grammaticale un peu surprenante « Je
veux mourir à toi ! » suggère que Raphaël veut mourir non pas pour pauline mais en lui appartenant, dans une dernière étreinte.
• Paradoxalement, le désir présenté dans toute l’œuvre comme une force funeste, anime Raphaël d’un sursaut de vie rendu par les verbes
d’action au passé simple « il jeta », « il se jeta », « brisa le châle », « voulut ». Alors qu’il vivait comme un mort-vivant en restreignant
au maximum ses désirs, il est ici doté d’une vive énergie. Ce que confirme la métaphore « la légèreté d’un oiseau de proie ».
• Pauline comprend qu’elle est la cause du désir et donc de la mort de Raphaël. Elle reprend la forme hypothétique qu’il employait au
début de l’extrait « si je meurs, il vivra », et cherche à se donner la mort. La scène est très théâtrale et utilise de nombreux termes du
champ lexical du suicide « Pauline avait tenté vainement de se déchirer le sein », « se donner une prompte mort », « s’étrangler »,
« serrer le nœud », « lutte avec la mort ».
• Le corps de pauline est caractérisé par des réactions excessives. Les images contraires montrent un corps déformé, torturé.
Paradoxalement, sa beauté s’amplifie à mesure qu’elle cherche à se tuer. On trouve tout naturellement le champ lexical du corps dans
une énumération « sa maîtresse à demi nue », « Ses cheveux (…) épars, ses épaules nues, ses vêtements en désordre ». On trouve aussi
des images antithétiques de l’eau et du feu « les yeux en pleurs, le visage enflammé » ainsi qu’une hyperbole « mille beautés ».
Bilan du deuxième mouvement : contrairement à la leçon générale de l’œuvre, le désir suscité par la beauté du corps torturé de pauline
anime Raphaël d’une étonnante énergie.

Troisième mouvement : la fatalité du désir.

• Raphaël agonise : sa parole s’éteint sous les sons du râle. La dimension érotique de la scène culmine dans ce passage : il meurt en
mordant le sein de Pauline (Éros et Thanatos). Mais le contact charnel entraîne la mort. On retrouve une nouvelle fois le champ
lexical du corps et une gradation « poitrine », « respiration », « entrailles », « Enfin, (…) il mordit Pauline au sein. »
• Le plaisir et la mort sont définitivement liés à travers l’image de Pauline enlaçant le cadavre de Raphaël. En témoigne le lexique
violent, intense « épouvanté », « cris », arracher ». Celui-ci n’a plus ni nom ni prénom : il n’existe plus. Il est désigné par le groupe
nominal « le cadavre ».

Conclusion.

Bilan : le désir a tué Raphaël, illustrant la philosophie générale de l’œuvre. Cependant, l’absence de commentaires de la part du narrateur dans
l’extrait permet au lecteur d’interpréter librement la signification du roman.
Ouverture : ouvrir sur des passages du roman qui soulignent l’alliance du principe de vie (Éros) et du principe de mort (Thanatos).

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