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Analyse linéaire
La forme du poème : le sonnet
Une différence apparait clairement entre les quatrains et les tercets par l’apparition des tirets dans les
deux dernières strophes.
Un changement est aussi à noter au niveau des temps verbaux : dans les quatrains est employé le
mode indicatif qui renvoie à la réalité tandis que dans les tercets est employé le mode conditionnel
qui est celui du souhait et dans ce cas de l’imagination. Ainsi les deux premières strophes seraient une
description du buffet dans sa réalité, rendue d’ailleurs à travers l’emploi du présentatif « c’est » (v. 1 et
5) et dans les deux dernières le poète voit au-delà de la réalité et perçoit le buffet différemment.
L’accent est mis sur l’ancienneté du meuble. L’adjectif « vieux » (v. 2) est accompagné de l’adverbe
« très » (v. 2) pour insister sur cette caractéristique.
Cet adjectif est réemployé d’ailleurs pour décrire tout ce qui est en rapport avec le buffet : il est comparé à
un « vin vieux » (v. 4) et contient des « vieilles vieilleries » (pléonasme au v. 5 employée pour appuyer
sur la vieillesse du buffet).
Ainsi le buffet est bel et bien un représentant du passé et un témoin du passage du temps. Lui aussi a subi
le temps puisqu’il est « vieux ».
Le buffet est d’emblée personnifié. Le passage du verbe d’état « c’est » (v. 1) au verbe d’action « verse »
(v. 3), tous deux évoquant le meuble, ce qui traduit le fait que le buffet, tout comme ses propriétaires, a pu
témoigner du passage du temps.
Le buffet est doté d’une personnalité : comparaison entre le « chêne sombre » (v. 2) et les « vieilles
vieilleries » (v. 3). Par une sorte de contamination, le buffet devient à l’image de ses propriétaires et finit
même par se substituer à eux puisque eux ne sont plus mais lui existe toujours.
Le buffet a perdu sa fonction première puisqu’il ne referme pas de vaisselle mais des objets symboliques :
o Des vêtements : « linges » (v. 6), « chiffons » (v. 6), « dentelles » (v. 7)
o Des souvenirs : « médaillons » (v. 9), « les mèches de cheveux » (v. 9-10), « les portraits » (v.
10), « les fleurs sèches » (v. 10)
Chacun d’eux semble cacher une histoire… des histoires d’amour, d’adieu, de deuil ?
De nombreux indices insistent sur le passé fané : « jaunes » (v. 6), « flétries » (v. 7) et même la référence
aux « griffons » (v. 8) qui est un animal mythologique donc laisse penser à un temps qui n’est plus, qui est
devenu une sorte de mythe.
Le poète se fait alors l’interprète du buffet : il assimile le bruit qu’il fait à sa volonté de parler (v. 13). On peut
remarquer les allitérations en [v] et en [f] dans les deux premières strophes, et celles en [t] dans la
dernière : elles donnent l’impression au lecteur que le meuble cherche à s’exprimer. Il y a donc un véritable
dialogue entre eux.
Cependant l’emploi du conditionnel ainsi que le verbe « vouloir » annoncent un certain échec puisque le
buffet est incapable de rendre compte du passé. Dans le même vers « conter des contes » devient un
simple « bruis », qui est en contraste avec ses « grandes portes ». Pour que le Buffet puisse raconter ses
histoires, il lui faut un médiateur : le poète qui le comprend et qui transmet sa parole.
Synthèse :
Le buffet devient le support de la rêverie du poète. Le poète est celui qui est capable de voir au-delà de la
banalité des objets quotidiens et qui s’en fait le porte-parole : il est à l’écoute des objets, et sait traduire leur «
humeur », livrer leurs secrets. A travers un objet banal le poète médite sur le passage du temps et la possession
des choses. Il est surtout conscient de l’aspect éphémère des hommes.