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Un amour ambivalent
2. Une anaphore structure le poème, reposant sur le participe passé du verbe « bénir
» : « Que bénis soient » / « Et bénis soient » / « Bénis soient » / « Et bénis à jamais ».
Elle vient rappeler qu’il s’agit ici pour le poète de célébrer, de rendre hommage, de
remercier. Le poète célèbre dans la première et la deuxième strophe le moment
particulier de la naissance de l’amour, que l’on appelle, en italien, l’innamoramento.
Par une énumération de termes redondants, il souligne dans le premier quatrain
l’instant du premier regard, qui l’a tant marqué : « Que bénis soient le jour et le mois
et l’année, / La saison et le temps et l’heure et le moment » (v.1-2). Dans le second
quatrain, il se remémore comment le sentiment amoureux s’est alors déployé en lui («
le premier doux tourment, / Que je sentis à être avec Amour lié », v.5-6). Il s’agit d’un
véritable coup de foudre, comme le montre l’image traditionnelle de la flèche pour
désigner « l’Amour », magnifié par la majuscule : « Et son arc et ses traits, dont je fus
transpercé » (v.8).
5. Le poète rend hommage à sa muse par « les mots que j’ai sans nombre » (v.9) et «
toutes les écritures » (v.12), c’est- à-dire, par extension, par la poésie ou le chant. Il
s’agit en effet d’honorer le nom de la femme aimée (« clamer le cher nom de ma dame
», v.10) et de faire l’éloge de celle-ci (« je lui donne un grand renom » v.13), afin de
participer à sa renommée, sa gloire. Celle-ci joue pour le poète le rôle d’une muse,
puisqu’elle occupe toute « [s]a pensée » (v.13) et inspire sa poésie.
6. Ce poème est donc marqué par le champ lexical de la poésie, qu’il s’agisse de
l’écriture ou du chant : « les mots que j’ai sans nombre / Répandus pour clamer le nom
de ma dame » (v.9-10), et « toutes les écritures / Où je lui donne un grand renom »
(v.12-13). L’anaphore du verbe « bénir » (v.1, 5, 9, 12), étymologiquement « dire du
bien » (bene et dicere), confirme que l’enjeu du poème est bien la célébration. Si dans
les deux quatrains, le poète met en valeur la naissance du sentiment amoureux, dans
les deux tercets il célèbre davantage la poésie que l’amour, comme le montre la pré-
sence du champ lexical de la poésie. Le poète se réjouit de pouvoir chanter l’amour et
magnifier celle qu’il aime.
3. La répétition de la formule « Bénis [soient] ... » peut faire penser à un chant religieux
ou à une prière, notamment à l’ Ave Maria, prière catholique adressée à la Vierge
Marie (« Vous êtes bénie entre toutes les femmes / Et Jésus, le fruit de vos entrailles,
est béni ».
En classe : révision sur la voix passive à partir de l’exemple des vers 3-4 « je fus atteint
/Par deux beaux yeux », le verbe « atteindre » est conjugué au passé simple passif, le
poète en employant la voix passive montre qu’il est victime de ce regard perçant et
qu’il ne peut rien faire pour lutter.
En complément :
• Le mot « Amour » est magnifié par la majuscule (v.6), par laquelle on peut
reconnaître qu’il s’agit d’une allégorie.
• Pétrarque reprend ici la représentation traditionnelle du dieu Amour en poésie et en
peinture, à travers la mention de l’arc et des flèches (« Et son arc et ses traits », v.8).
Il s’inscrit en héritier de l’imaginaire antique et médiéval, tout en se réappropriant
cette représentation pour donner de l’amour l’image d’une blessure (« je fus
transpercé », v.8).
• Cette représentation est héritée de l’Antiquité. En effet, le dieu de l’amour dans la
mythologie romaine, Cupidon (Eros dans la mythologie grecque), est représenté
sous l’aspect d’un enfant, pourvu ou non d’ailes, armé d’un arc et d’un carquois
rempli de flèches, comme c’est le cas sur la miniature illustrant le Canzoniere.
• Le titre de la miniature du xvie siècle illustrant le Canzoniere de Pétrarque est «
Laure de Noves couronnant le poète Pétrarque ». Le cadre est bucolique, vert et
boisé : il s’agit d’un pré, traversé par une rivière ; la couleur dominante est le vert.
Comme l’indique le titre, la jeune femme représentée, qui est vêtue d’une robe et
dont les cheveux sont tressés, est Laure, la femme aimée par Pétraque, devenue la
muse de toute son œuvre. Derrière elle, vole le dieu Amour, représenté sous les
traits de Cupidon, avec des ailes, un arc et des flèches. Il tend son arc vers les deux
amants, soulignant ainsi qu’ils vont être touchés par la flèche du désir et tomber
amoureux. Enfin, Laure offre à Pétrarque une couronne dorée qui symbolise la gloire
du poète (comme la couronne de laurier).