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COURS SUR LES FIGURES DE STYLE

Définition : une figure de style est un procédé d’expression qui s’écarte de l’usage ordinaire de la
langue. A l’origine, les figures de style sont liées à la rhétorique (l’art du discours) et étaient très
utilisées dans le but de convaincre son interlocuteur ou le séduire. La linguistique a identifié
plusieurs centaines de figures de style et les a classifiées en différentes catégories. Les figures de
style sont employées à la fois à l’écrit et à l’oral. On distingue les figures d’analogie, de
substitution, d’insistance ou d’exagération, d’atténuation, d’opposition, de rupture, les figures qui
jouent sur les sons (reprise ou proximité des sons) ou sur le discours.

Allitération
Répétition de consonnes produisant des sons identiques

On parle d’allitération lorsque des sonorités consonantiques se répètent sur plusieurs mots : les
consonnes initiales (et par extension les consonnes intérieures) de mots qui se suivent produisent le
même son de façon répétée. Ces mots peuvent se suivre directement mais aussi être séparés par
une préposition ou un autre mot.
L’allitération permet de créer une harmonie imitative. Elle attire l’attention sur la teneur sonore de
l’énoncé en imitant un son. Le vers de Jean Racine cité ci-dessous est de ce point de vue
remarquable : la répétition des sifflantes (s) (le son [s]) rappelle indubitablement le sifflement des
serpents.

Exemples  : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? »

(Jean Racine, Andromaque)

La phrase construite sur une allitération s’ancre souvent plus rapidement dans l’esprit du lecteur/de
l’auditeur. Ce procédé facilite la mémorisation par l’effet d’expressivité qu’il produit.

Exemples  : « Chaussez-vous chou, chic et pas cher ! » (publicité)


« Un chasseur sachant chasser sans son chien de chasse est un chasseur qui chasse
assez bien. »

L’allitération peut également donner plus de profondeur à une pensée, surtout dans le cadre de la
prose :

Exemple  : « Ma mémoire oppose sans cesse mes voyages à mes voyages, montagnes à
montagnes, fleuves à fleuves, forêts à forêts, et ma vie détruit ma vie. Même chose
m’arrive à l’égard des sociétés et des hommes. »

(Chateaubriand, Mémoires  d’outre tombe)


Dans cet exemple, la répétition de la consonne « m » (le son [m]), et de même la répétition de
certains mots, donne encore plus de force au regret exprimé par l’auteur.
Enfin, tout simplement l’allitération sert à donner plus d’harmonie à la phrase ou au vers, à
renforcer les sonorités.

Parler de répétition de sonorité consonantique ne veut pas dire que ce son doive toujours être
produit par la même consonne ! Pour qu’il y ait allitération, le son des consonnes initiales doit être
le même, même si ces consonnes sont différentes.

Exemples  : Quel capharnaüm !


Un philosophe fier.

Par contre, on ne peut pas parler d’allitération si deux ou plusieurs mots commencent par la même
consonne mais que celle-ci est prononcée différemment dans chaque mot. N’oubliez pas qu’il s’agit
de sons !

Exemple  : La clé du chef (pas d’allitération : deux sons différents [k] et [ʃ])

Attention ! Il ne faut pas confondre l’allitération avec l’assonance (répétition de voyelles).

Assonance
Répétition de sons vocaliques

L’assonance est la répétition d’un même son vocalique - et souvent d’une même voyelle - dans une
phrase, un vers ou un court texte. Le même son revient à intervalles rapprochés, mais les mots
comprenant les voyelles en question ne doivent pas nécessairement être placés les uns à coté des
autres.

Exemple  : « Tout m’afflige et me nuit, et conspire à me nuire »

(Jean Racine, Phèdre)

L’assonance peut être un simple procédé d’insistance, mais l’effet obtenu est souvent expressif et
harmonique. Comme pour l’allitération, l’interprétation de l’assonance peut être subjective et
parfois complexe. Dans les vers ci-dessous, la répétition des sons [o], [œ], [ɔ] et [ɔ̃] soulignent la
tristesse, la nostalgie du poète en créant un effet de langueur.

Exemple  : « Les sanglots longs


Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone »

(Paul Verlaine, Poèmes saturniens, « Chanson d’automne »)

Attention! Ne pas confondre l’assonance et l’allitération (répétition de sons consonantiques).


Allitérations et assonances : quel effet produit ?

Ces figures de style ont principalement pour but de mimer de manière phonétique le signifié soit
plus généralement, le sens du texte, l’idée évoquée par celui-ci. Il s’agit donc de mettre en évidence
par les sons la teneur et les propos du texte. On parle alors d’harmonie imitative comme vu en
amont dans la leçon.

Exemple  : « Tout en faisant trotter ses petites bottines ».

(Rimbaud, Roman)

Ici, l’allitération du son [t] rappelle le bruit des bottines.

Le même effet est à relever dans le vers suivant extrait du poème « Femme noire » de Léopold
Sédar Senghor :

Exemple : « Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur »

Les allitérations des sons [t] et [d] imitent les sons sourds et secs du tam-tam.

Les sons de ces figures de style peuvent être regroupés en différentes catégories (les sons se mettent
entre crochets et renvoient à la prononciation de l’alphabet phonétique international, c’est-à-dire
qu’ils se prononcent de la même façon sans distinction de langue ou de dialecte ; il ne faut donc
pas confondre les sons et les lettres de l’alphabet, bien que symboliquement un son est représenté
par l’une de celui-ci) :

• Allitérations en [f], [s], [v], [z] :

Ces sons évoquent le souffle, le vent ou même un frottement. Dans le poème « Le Pont Mirabeau »
de Guillaume Apollinaire se trouvent des allitérations en [s] et en [v] : elles miment le bruit de l’eau
qui coule, son sifflement et renforcent l’idée de la fuite du temps.
Mais ces allitérations peuvent évoquer bien d’autres choses encore, comme dans l’extrait suivant
de L’Assommoir d’Émile Zola (1877) :

Exemple  : « Cependant, Clémence achevait son croupion, le suçait avec un gloussement des


lèvres ».

Ici, l’allitération en [s] fait référence à la manière dont le personnage suce son met et renforce la
sensualité avec laquelle il le fait.

• Allitérations en [l], [m], [n] :

Ces allitérations renvoient à des sons fluides, doux et oniriques. Toujours dans le poème « Le Pont
Mirabeau », vous remarquerez une allitération en [l] : ce son fait référence à l’eau, à son écoulement
(comme les sons [s] et [v]), à son clapotis contre le pont et la berge.

• Allitérations en [d], [k], [p], [t] :


Il s’agit de sons durs, brefs, violents et explosifs qui scandent le texte comme dans ces deux vers
extraits du « Dormeur du val » d’Arthur Rimbaud (1870) :

Exemple  : « Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,


Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. »

Ici, la triple allitération en [d], [k] et [t] donne un effet de dureté au texte qui rompt avec la fausse
tranquillité de tout le poème ; elle rappelle le son des balles qui ont tué le personnage. A ces
allitérations, nous pouvons ajouter le son [p] qui amplifie la violence suggérée par ces vers.

Les règles sont cependant moins fixées pour les assonances bien que quelques généralités peuvent
être soulignées :

• Assonances en [ou], [u] :

Les sons [ou] et [u] font souvent référence à quelque chose d’inquiétant ;  il s’agit de sons étouffés
et sourds. Dans le poème de Guillaume Apollinaire, « Le pont Mirabeau », l’assonance en [ou]
relevée résonne comme une plainte et rappelle les amours perdus évoqués par le poète.

• Assonance en [i] :

Il s’agit d’un son aigu, strident qui peut évoquer un grincement, un cri. Dans l’exemple ci-dessous
(Phèdre, Acte I, scène 3, Racine), l’assonance en [i] renforce la plainte et le cri de Phèdre :

Exemple  : « Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire »

• Assonances en [o] et [on] :

La première strophe de « Chanson d’automne » de Paul Verlaine illustre bien cette assonance,
puisqu’elle traduit parfaitement la langueur et la mélancolie du poète, tout comme ses soupirs,
comme nous l’avons vu plus haut.

Après tout cela, il faut que vous restiez vigilants : ce cours donne des pistes de lecture qui ne
peuvent s’appliquer telles quelles à tous les textes. Il est nécessaire, lorsque vous repérez une
allitération ou une assonance, de vous approprier le texte afin de l’interpréter avec justesse.
Trop souvent, des analyses « plaquées » aboutissent à des commentaires erronés, fantaisistes
voire arbitraires. Il faut donc vous lancer dans l’analyse de ces figures de style uniquement si
vous êtes sûrs de la pertinence de votre interprétation, celle-ci ne peut faire abstraction du
sens du texte à l’étude.

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