Vous êtes sur la page 1sur 14

Fiche outil

Poésie

A. Définir la poésie

Contrairement à ce que l’on croit souvent, la poésie ne se définit pas par des thèmes qui lui
seraient propres. Ce qui la définit, ce sont des particularités comme la disposition du texte sur
l’espace de la page, les rimes, le découpage du texte, l’utilisation d’une langue qui s’écarte de la
langue ordinaire, qui prend des libertés par rapport aux normes…

1. Des principes d’organisation particuliers

1.1. Les vers et les strophes

Le poète qui écrit en vers n’attend pas la fin d’une ligne pour passer à la suivante. Un
vers, c’est une ligne d’un poème.
Il existe deux grandes catégories de vers.

Les vers réguliers

Les vers réguliers comptent le même nombre de syllabes. Ils riment et commencent
par une majuscule.
Pour mesurer un vers, on compte le nombre de syllabes qu’il contient. Mais ne
comptent pas :
– la dernière syllabe du vers si elle se termine par un « e » muet ;
– la dernière syllabe d’un mot si elle se termine par un « e » muet et si le mot qui
suit commence par une voyelle.

Attention !
Quand on lit de la poésie, on prononce les « e » muets suivis d’une consonne.

Exemple :

Le voyageur en noir

[…]
Je / suis / un / na / vir(e) / en / dé / tress(e)
1 2 3 4 5 6 7 8
Sous / l’of / fen / se / du / mau / vais / sort.
1 2 3 4 5 6 7 8
Ma / car / gai / son / n’est / que / tris / tess(e),
1 2 3 4 5 6 7 8
Ah ! / ne / mon / tez / pas / à / mon / bord,
1 2 3 4 5 6 7 8
Je / suis / un / na / vir(e) / en / dé /tress(e).
1 2 3 4 5 6 7 8
De Vilmorin, L. (1955). L’alphabet des aveux.

Poésie 109
Les vers libres

Ils ne respectent ni la contrainte de la longueur ni celle des rimes.

Exemple :

La môme néant
Quoi qu’a dit ?
– A dit rin.

Quoi qu’a fait ?


– A fait rin.

À quoi qu’a pense ?


– A pense à rin.

Pourquoi qu’a dit rin ?


Pourquoi qu’a fait rin ?
Pourquoi qu’a pense à rin ?

– A’xiste pas.
Tardieu, J. (1951). Monsieur Monsieur. Paris : Gallimard.

Les strophes

Une strophe, c’est un groupe de vers.


Certains poèmes en comportent une seule. D’autres en comptent plusieurs,
regroupant ou non le même nombre de vers.

110 Poésie
Exemples Analyse

Paris at night

Trois allumettes une à une allumées dans la nuit


La première pour voir ton visage tout entier
La seconde pour voir tes yeux Ce poème ne compte qu’une seule
La dernière pour voir ta bouche strophe.
Et l’obscurité tout entière pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras.
Prévert, J. (1946). Paroles.

Pas vu ça

Pas vu la comète
Pas vu la belle étoile
Pas vu tout ça

Pas vu la mer en flacon Ce poème comporte trois


Pas vu la montagne à l’envers strophes, chacune composée de
Pas vu tant que ça trois vers.

Mais vu deux beaux yeux


Vu une belle bouche éclatante
Vu bien mieux que ça
Desnos, R. (1930-1939). Youki 1930 poésie.

Bestiaire des animaux à l’aise dans leur peau

Très oiseaux les oiseaux sont très sûrs d’être oiseaux


L’écureuil sait très bien son métier d’écureuil
Les chevaux dans leur peau de cheval sont chevaux
Le lézard sait par cœur l’art de vivre en lézard Ce poème comporte deux
La fourrure du chat tient le chat tout entier strophes : la première compte sept
Le renard est renard tout au long de l’année vers ; la seconde, deux.
Le poisson est dans l’eau comme un poisson dans l’eau

Mais moi je m’évapore et me perds et me trouve


Et ne suis jamais sûr d’être ce que je suis.
Roy, C. (1953). Erreur sur la personne. Paris : Gallimard.

Chantre
Ce poème ne compte qu’un seul
Et l’unique cordeau des trompettes marines vers.
Apollinaire, G. (1913). Alcools.

Poésie 111
Les calligrammes et autres jeux graphiques

– Parfois, le texte est disposé de telle manière qu’il forme un dessin. Ce dessin est
en relation étroite avec le thème du texte. Cette sorte de poème s’appelle un
calligramme.

Exemple :

Panard, C.-F. (1691 ?-1765)

– Certains poètes jouent avec la typographie.

Exemple :

Nougé, P. (1925). La publicité transfigurée.

112 Poésie
1.2. Les rimes

Une rime, c’est la répétition d’un son à la fin de deux ou plusieurs vers.

On distingue les rimes féminines et les rimes masculines.

Exemples Analyse
Belle, belle, belle, belle !
Que voulez-vous que je dise Une rime féminine se caractérise par la
À votre frimousse exquise ? présence d’un « e » muet dans la dernière
Riez, rose, sans cervelle. syllabe.
Cros, Ch. (1908). Le collier de griffes.

Viens ! Voici se dresser le grand chêne, le pin ;


Viens au pays heureux du vin frais, du bon pain. À l’inverse, une rime masculine ne contient pas
de « e » muet dans la dernière syllabe.
Cros, Ch. Ibid.

La richesse des rimes est liée au nombre de sons communs.

Attention !
Chaque lettre prononcée constitue un son. Ainsi, le mot « sol » contient trois sons : [s] + [ɔ]
+ [l]. En revanche, le mot « son » n’en contient que deux, puisque les lettres « o » et « n » ne se
prononcent pas séparément.

– La rime est pauvre lorsqu’elle ne porte que sur un seul son.


– Elle est suffisante lorsqu’elle porte sur deux sons.
– Elle est riche lorsqu’elle porte sur plus de deux sons.

Les rimes peuvent être disposées de plusieurs manières. Il y a les rimes plates,
croisées et embrassées.

Disposition Exemples Richesse


Plates Le veilleur de nuit écoute ses pas
qui correspondent au Ils s’en vont de lui s’éloignent tout bas
schéma AABB Rime pauvre
Roy, C. (1953). Erreur sur la personne. Paris :
Gallimard.

Croisées Je suis né comme un vieux


qui correspondent au Je suis né comme un porc
schéma ABAB Je suis né comme un dieu
Je suis né comme un mort Rime suffisante
Ou ne valant pas mieux
Gilbert-Lecomte, R. (1933). La Vie, l’Amour, la
Mort, le Vide et leTemps. Paris : Gallimard.

Embrassées Si je passe en un jardinage


qui correspondent au Semé de roses et de lis,
schéma ABBA Il me souvient de Phyllis, Rime suffisante
Qui les a dessus son visage. Rime riche

Verlaine, P. (1880). Sagesse.

Poésie 113
2. La liberté par rapport aux normes linguistiques

Le poète s’autorise des libertés qui perturbent le lecteur dans ses habitudes. Ces libertés
iront croissant à partir de la fin du 19e siècle, avec l’avènement de la modernité.

Il ne respecte pas toujours les règles syntaxiques.


Il n’utilise pas la ponctuation de manière rigoureuse. Parfois, il ne ponctue pas du tout.

Exemple Analyse

Je me de de

Je me vermine
je me métaphysique
je me termite
je m’albumine
je me métamorphose
je me métempsychose
me dilapide
Dans ce poème, Achille Chavée conjugue des
je n’en aurai jamais fini
mots qui ne sont pas des verbes : des noms, des
Je me reprends
adjectifs, des prépositions…
je me dévore
je me sournoise
Il n’utilise aucune ponctuation.
je me cloaque et m’analyse
je me de de
je m’altruise
je deviens mon alter ego
je me cache sous les couvertures
je transpire l’angoisse
je vais crever madame la marquise
Chavée, A. (1969). Le grand cardiaque
La Louvière : Le Daily-Bul.

Il invente des mots.

Exemple :

Le grand combat

Il l’emparouille et l’endosque contre terre :


Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle ;
Il le pratèle et le libucque et lui barufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin, il l’écorcobalisse…
Michaux, H. (1998). Qui je fus. L’espace du dedans.
Paris : Gallimard.

114 Poésie
B. De quelques figures de style
Le poète n’est pas le seul écrivain à utiliser des figures de style, tant s’en faut ! Cependant, la
poésie est un terrain où, plus qu’ailleurs, on cultive les figures.

Attention !
Lorsqu’on lit un poème, le plus important n’est pas de pouvoir nommer les figures qui s’y trouvent,
mais d’être sensible aux effets qu’elles provoquent.

1. Les figures de l’analogie

Ces figures sont construites sur la base d’une (de) ressemblance(s).

1.1. La comparaison

La comparaison consiste à rapprocher deux objets au moyen d’un terme de


comparaison (comme, ainsi, ressembler à, à la manière de, pareil à…).

Exemple Analyse

J’ai peur d’un baiser Comparé : « un baiser »


Comme d’une abeille. Comparant : « une abeille »
Je souffre et je veille Terme comparatif : « comme »
Sans me reposer.
J’ai peur d’un baiser ! Cette comparaison associe l’amour à une
inquiétude et une souffrance qui ne laissent
Verlaine, P. (1866). Poèmes saturniens.
aucun répit.
Elle invite le lecteur à voir dans l’amour un
danger bien plus qu’un bonheur.

1.2. La métaphore

La métaphore, comme la comparaison, rapproche un comparé et un comparant. Cependant, ce


rapprochement se fait sans l’aide d’un terme comparatif. Le lien qui unit le comparant et le comparé
est donc implicite, ce qui rend le rapprochement plus ou moins facile à saisir.

Exemple Analyse

Je n’oublierai jamais les mots que vous me dîtes Comparé : « les mots dits au poète »
Plus tard avec un sourire dans le tramway Comparant : « des diamants que personne
Ce sont des diamants que personne n’imite n’imite »
Aragon, L. (1956). Le roman inachevé.
Paris : Gallimard. Cette métaphore exprime le caractère précieux
et unique des mots qui ont été adressés au
poète. Elle permet de comprendre pourquoi ils
sont inoubliables.

Poésie 115
1.3. La personnification

La personnification, comme son nom l’indique, consiste à attribuer des propriétés


humaines à un animal ou à une chose inanimée. Pour personnifier un objet, une idée ou
un animal, on l’anime : on le fait vouloir, parler, agir ou on s’adresse à lui.

Exemple Analyse

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus Le poète s’adresse à sa douleur comme s’il
tranquille s’agissait d’une personne, d’un enfant. La
personnification est renforcée par la majuscule
Baudelaire, Ch. (1857). Les fleurs du mal.
qui confère au nom commun « douleur » le
statut de nom propre.

1.4. L’allégorie

L’allégorie est l’incarnation d’une idée abstraite visant à rendre cette idée plus vivante, plus
parlante.

Exemples Analyse
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l’allons montrer tout à l’heure (1). Dans le début de cette fable, le mal est
incarné par le loup, tandis que l’innocence
Un Agneau se désaltérait l’est par l’agneau.
Dans le courant d’une onde pure. L’allégorie est signalée par l’utilisation de la
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure, majuscule.
Et que la faim en ces lieux attirait.

Spleen
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide Dans ce poème, Baudelaire évoque le
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ; combat perdu de l’Espérance contre
Quand la pluie étalant ses immenses traînées l’Angoisse.
D’une vaste prison imite les barreaux, Le recours à l’allégorie confère au poème
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées une dimension philosophique. Le spleen
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux, n’est pas un sentiment banal et passager.
C’est un état profond dans lequel des forces
Des cloches tout à coup sautent avec furie
s’affrontent violemment, tels des généraux
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
d’armées ennemies.
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
– Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Baudelaire, Ch. (1857). Les fleurs du mal.

116 Poésie
2. Les figures de substitution
2.1. La métonymie

La métonymie est une figure par laquelle on désigne un objet, une idée ou un être par
un autre mot avec lequel il entretient un rapport de contigüité ou d’appartenance.
La métonymie permet de faire une sorte de raccourci dans la pensée et de rendre
compte des réalités de façon plus frappante ou imagée. C’est une figure très courante
dans les expressions du quotidien.

Exemples Analyse

Courage
Il est évident que ce n’est pas Paris, mais les Parisiens
Paris a froid Paris a faim qui ont froid, qui ne mangent plus de marrons…
Paris ne mange plus de marrons dans la rue Le fait de désigner les Parisiens par métonymie, en
Paris a mis de vieux vêtements de vieille utilisant le nom de leur ville, donne à leurs malheurs
Éluard, P. (1945). Au rendez-vous allemand. une ampleur sans pareille, absolue.
Paris : Éditions de minuit.

Les souliers ne peuvent pas voyager seuls, c’est la


personne qui les porte qui peut effectuer cette action.
Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé.
Le fait d’utiliser cette métonymie laisse entendre
(Félix Leclerc)
que tous ces voyages se sont faits presque sans
l’autorisation ou la conscience de leur propriétaire.

Après le confinement, nous boirons une Ce n’est pas la bouteille que l’on boit, mais son
bonne bouteille en écoutant Mozart. contenu ; de même, ce n’est pas Mozart qu’on
écoute, mais sa musique.

3. Les figures de l’atténuation

3.1. La litote

La litote consiste à dire moins que ce que l’on pense vraiment pour que le destinataire
comprenne davantage.
Pourquoi la volonté d’en dire moins ? Ce peut être par pudeur, par ironie ou pour
mettre le propos en valeur. Avec la litote, on produit un effet de contraste entre
l’explicite (ce qui est dit) et l’implicite (ce qu’il faut comprendre). On reconnait la litote
à sa forme négative. Le sens exact peut être reformulé à la forme affirmative.

Exemples Analyse
« […] ce garçon-ci n’est pas sot, et je ne Cet énoncé, en clair, signifie ceci : « Ce garçon
plains pas la soubrette qui l’aura… » est intelligent et j’envie la soubrette qui l’aura. »
Marivaux. (1730). Le jeu de l’amour et du hasard.

« Va, je ne te hais point . » En clair, Chimène réaffirme son amour à


Corneille, P. (1637). Le Cid. Rodrigue au moment de s’en séparer.

Vous n’êtes pas sans savoir que de nombreux Cet énoncé, en clair, signifie ceci : « Je suis
pays sont agités par des mouvements certain que vous savez… »
antidémocratiques.

Voilà un évènement qui n’est pas sans rappeler Cet énoncé, en clair, signifie ceci : « Voilà un
ce qui s’est produit le 11 septembre 2001. évènement qui rappelle… »

Poésie 117
3.2. L’euphémisme

Pour de nombreuses personnes, la litote et l’euphémisme sont synonymes. Il est vrai


qu’il s’agit de deux figures d’atténuation. Mais ce qui les distingue nettement, c’est
l’intention qui en motive l’usage :
la litote, en l’atténuant, met une réalité en lumière (cf. supra) ;
l’euphémisme, lui, est utilisé pour atténuer une réalité perçue négativement, pour la
masquer, l’adoucir…

Exemples Analyse
L’Époux d’une jeune Beauté
Partait pour l’autre monde… Cet énoncé, en clair, signifie ceci : « L’époux
de La Fontaine, J. (1668). La Jeune Veuve. était en train de mourir. »
Fables.

Un malvoyant
L’euphémisme est utilisé dans beaucoup
Des relations intimes
d’expressions ordinaires.
Prendre congé de la vie

4. Les figures de l’insistance ou de l’exagération

4.1. L’anaphore

L’anaphore consiste à commencer des vers, des phrases en répétant le même (groupe
de) mot(s).

Attention !
Il ne faut pas confondre cette figure avec l’anaphore grammaticale qui est un moyen d’assurer la
reprise de l’information (voir la fiche outil Anaphores, p. 58).

Exemple Analyse
Sur mes cahiers d’écolier Ce poème, écrit pendant la guerre, comporte
Sur mon pupitre et les arbres vingt strophes construites de la même manière :
Sur le sable sur la neige « Sur […]
J’écris ton nom Sur […]
[…] J’écris ton nom »
Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux Il faut attendre la dernière strophe pour
Sur la montagne démente découvrir que le poète s’adresse à la Liberté.
J’écris ton nom
[…] L’anaphore persistante rythme le poème et le
Et par le pouvoir d’un mot transforme en incantation. Elle crée une attente
Je recommence ma vie et souligne l’importance extrême qu’a la liberté
Je suis né pour te connaître aux yeux du poète et l’urgence de la préserver,
Pour te nommer de ne pas l’oublier en ces temps de guerre.
Liberté Remarque : il faut attendre la dernière strophe
pour connaitre l’antécédent de « ton ». Ce
Éluard, P. (1942). Poésie et vérité.
Paris : Les Éditions de Minuit. procédé se nomme cataphore. Il crée une
attente de la part du lecteur.

118 Poésie
4.2. Le parallélisme

Le parallélisme consiste à reprendre la même construction en deux endroits d’un


même texte. Les éléments répétés ont la même construction (AB/AB) et sont de
longueur semblable.
Cette figure met en évidence le rapport qui existe entre les éléments répétés : le plus
souvent, il s’agit d’un rapport d’opposition ou de similitude.

Exemples Analyse
Vous êtes bien belle et je suis bien laid. […] Dans ces deux vers, les parallélismes expriment
Tu feras le jour, je ferai la nuit. l’opposition entre le « vous » et le « je », entre
Hugo, V. (1859). La chanson de Maglia. la femme et l’homme. Les constructions
La Légende des siècles.  identiques qui sont répétées permettent de
mettre en valeur les termes qui s’opposent dans
chacun de ces vers :
« Vous » + « belle » >< « je » + « laid »
« Tu » + « jour » >< « je » + « nuit »

Et jamais je ne pleure, et jamais je ne ris Dans le poème, dont ce vers est extrait, la
Baudelaire, C. (1857). La Beauté. Les Fleurs du Mal. Beauté s’adresse aux hommes.
Le parallélisme met en évidence la permanence
de son indifférence, de sa sérénité et de son
retrait des émotions humaines.

4.3. L’hyperbole

L’hyperbole est une figure d’exagération qui repose sur le grossissement d’une
caractéristique, d’une idée ou d’un sentiment. Elle vise à laisser une impression forte
chez le lecteur.

Exemples Analyse
C’étaient des hommes géants sur des chevaux Victor Hugo décrit la bataille de Waterloo. Il ne
colosses. le fait pas à la manière d’un historien : il veut
impressionner ses lecteurs avec une description
Hugo, V. (1862). Les Misérables.
qui fait de cette bataille un combat hors normes.
Mourir de soif Certaines expressions courantes sont fondées
N’avoir que la peau sur les os sur l’hyperbole.
Être crevé

Poésie 119
4.4. L’accumulation

L’accumulation consiste à aligner un grand nombre de (groupes de) mots appartenant à


la même catégorie grammaticale en vue de mettre en relief l’idée exprimée.
Cette figure donne un rythme très perceptible à la phrase et produit un effet de
profusion, de désordre ou de disproportion.

Exemples Analyse
Ainsi, quand je serai perdu dans la mémoire L’accumulation des adjectifs connotés
Des hommes, dans le coin d’une sinistre armoire très négativement donne force à l’idée
Quand on m’aura jeté, vieux flacon désolé, de déclin de l’être et au sentiment
Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé… d’amertume et de dégout qui lui est liée.

Baudelaire, C. (1857). Le Flacon. Les Fleurs du Mal.

5. Les figures de l’opposition

5.1. L’antithèse

Elle consiste à opposer très fortement deux mots ou groupes de mots de sens
contraire afin de mettre une idée en relief par un effet de contraste.

Exemples Analyse
Un noble, s’il vit chez lui dans sa province, il L’antithèse oppose nettement la vie en
vit libre, mais sans appui ; s’il vit à la cour, il est province et la vie à la cour.
protégé, mais il est esclave. (La Bruyère) Le parallélisme renforce l’antithèse.

À père avare, fils prodigue. Le parallélisme (nom + adjectif épithète)


renforce l’antithèse.

Le Rouge et le Noir (Stendhal) De nombreux titres d’œuvres reposent


Guerre et Paix (Tolstoï) sur l’antithèse.
La Belle et la Bête

5.2. L’oxymore ou oxymoron

Cette figure consiste à accoler dans un même groupe deux termes qui s’excluent du
point de vue du sens. Cette association frappe le lecteur.

Exemples Analyse
Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé, L’épithète « noir » est, du point de vue du
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie : sens, incompatible avec le nom « soleil ».
Ma seule Étoile est morte, – et mon luth constellé Le poète exprime le manque de bonheur
Porte le soleil noir de la Mélancolie. qui est le sien. Sa tristesse est telle que
le soleil est perçu comme un astre qui
Nerval. (1853). El Desdichado. Les Filles du feu.  n’apporte plus de lumière.

120 Poésie
Comment peut-on qualifier un malheur
de « merveilleux » ? Avec ce titre, Boris
Cyrulnik frappe le lecteur, l’incite à
réfléchir. Et son livre a précisément pour
objet les itinéraires d’enfants victimes qui
ont trouvé les ressorts pour se construire
une existence heureuse.

4.3. Le chiasme

Le chiasme est composé de deux expressions qui se suivent, mais la seconde adopte
l’ordre inverse de la première. Il crée des parallèles inattendus, des effets de rythme,
d’opposition, des liens de cause à effet.

Le terme « chiasme » vient du grec χιασμóς (khiasmos), signifiant« croisement », dérivé


de la lettre grecque χ (khi).

Exemples Analyse

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient Ils ne mouraient pas tous
frappés.
La Fontaine, J. (1678). tous étaient frappés
Les animaux malades de la peste. Fables. L’inversion de « tous » et du verbe met
le pronom en évidence et insiste sur
l’importance de la peste qui n’épargne
personne. Elle renforce l’opposition
signalée par « mais ».
Chaque élément du chiasme compte le
même nombre de pieds (6), ce qui crée
un effet rythmique très perceptible.

« Ô servitude infâme imposée à l’enfant !  Dans ce poème, Victor Hugo s’indigne de
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant  l’exploitation des enfants dans les usines.
Défait ce qu’a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée, Il écrit un véritable réquisitoire dénonçant
les conséquences néfastes de cette
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée ». 
exploitation.
Hugo, V. (1856). Les contemplations.
La beauté sur les fronts

dans les cœurs la pensée


L’inversion dans l’expression du
complément circonstanciel met en
évidence le fait que le travail des
enfants est nuisible physiquement et
intellectuellement.
Chaque élément du chiasme compte le
même nombre de pieds (6), ce qui crée
un effet rythmique très perceptible.

Un journal coupé en morceaux n’intéresse


aucune femme, alors qu’une femme coupée en C’est l’utilisation du chiasme qui crée
morceaux intéresse tous les journaux. l’effet humoristique de l’énoncé.
(Tristan Bernard)

Poésie 121
5. Les figures qui jouent sur les sons

5.1. L’assonance

L’assonance, c’est la répétition de sons vocaliques identiques dans un vers, une


phrase… qui produit un effet sonore et, parfois, expressif.

Exemple Analyse

Tout m’afflige et me nuit et conspire à me Dans cet alexandrin, la répétition des sons est
nuire. » extrêmement rigoureuse : elle se fait toutes les
Racine, J. (1677). Phèdre.  trois syllabes.

Attention !
Il est arbitraire d’attribuer un sens aux
sons ! Ce qui est important ici, c’est la
musicalité.

5.2. L’allitération

L’allitération, c’est la répétition de sons consonantiques identiques dans un vers, une


phrase… qui produit un effet sonore et, parfois, expressif.

Exemples Analyse
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos Dans cet alexandrin, la répétition du son [s]
têtes ? rend l’oralisation du vers très « sifflante ». Il est
Racine, J. (1667). Andromaque.  question de serpents et les serpents sifflent.
C’est pourquoi on parle d’harmonie imitative.

Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde Les allitérations des sons [t] et [d] imitent les
sous les doigts du vainqueur (Senghor) sons sourds et secs du tamtam.

122 Poésie

Vous aimerez peut-être aussi