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Poésie
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A. Définir la poésie
Contrairement à ce que l’on croit souvent, la poésie ne se définit pas par des thèmes qui lui
seraient propres. Ce qui la définit, ce sont des particularités comme la disposition du texte sur
l’espace de la page, les rimes, le découpage du texte, l’utilisation d’une langue qui s’écarte de la
langue ordinaire, qui prend des libertés par rapport aux normes…
Le poète qui écrit en vers n’attend pas la fin d’une ligne pour passer à la suivante. Un
vers, c’est une ligne d’un poème.
Il existe deux grandes catégories de vers.
Les vers réguliers comptent le même nombre de syllabes. Ils riment et commencent
par une majuscule.
Pour mesurer un vers, on compte le nombre de syllabes qu’il contient. Mais ne
comptent pas :
– la dernière syllabe du vers si elle se termine par un « e » muet ;
– la dernière syllabe d’un mot si elle se termine par un « e » muet et si le mot qui
suit commence par une voyelle.
Attention !
Quand on lit de la poésie, on prononce les « e » muets suivis d’une consonne.
Exemple :
Le voyageur en noir
[…]
Je / suis / un / na / vir(e) / en / dé / tress(e)
1 2 3 4 5 6 7 8
Sous / l’of / fen / se / du / mau / vais / sort.
1 2 3 4 5 6 7 8
Ma / car / gai / son / n’est / que / tris / tess(e),
1 2 3 4 5 6 7 8
Ah ! / ne / mon / tez / pas / à / mon / bord,
1 2 3 4 5 6 7 8
Je / suis / un / na / vir(e) / en / dé /tress(e).
1 2 3 4 5 6 7 8
De Vilmorin, L. (1955). L’alphabet des aveux.
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Les vers libres
Exemple :
La môme néant
Quoi qu’a dit ?
– A dit rin.
– A’xiste pas.
Tardieu, J. (1951). Monsieur Monsieur. Paris : Gallimard.
Les strophes
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Exemples Analyse
Paris at night
Pas vu ça
Pas vu la comète
Pas vu la belle étoile
Pas vu tout ça
Chantre
Ce poème ne compte qu’un seul
Et l’unique cordeau des trompettes marines vers.
Apollinaire, G. (1913). Alcools.
Poésie 111
Les calligrammes et autres jeux graphiques
– Parfois, le texte est disposé de telle manière qu’il forme un dessin. Ce dessin est
en relation étroite avec le thème du texte. Cette sorte de poème s’appelle un
calligramme.
Exemple :
Exemple :
112 Poésie
1.2. Les rimes
Une rime, c’est la répétition d’un son à la fin de deux ou plusieurs vers.
Exemples Analyse
Belle, belle, belle, belle !
Que voulez-vous que je dise Une rime féminine se caractérise par la
À votre frimousse exquise ? présence d’un « e » muet dans la dernière
Riez, rose, sans cervelle. syllabe.
Cros, Ch. (1908). Le collier de griffes.
Attention !
Chaque lettre prononcée constitue un son. Ainsi, le mot « sol » contient trois sons : [s] + [ɔ]
+ [l]. En revanche, le mot « son » n’en contient que deux, puisque les lettres « o » et « n » ne se
prononcent pas séparément.
Les rimes peuvent être disposées de plusieurs manières. Il y a les rimes plates,
croisées et embrassées.
Poésie 113
2. La liberté par rapport aux normes linguistiques
Le poète s’autorise des libertés qui perturbent le lecteur dans ses habitudes. Ces libertés
iront croissant à partir de la fin du 19e siècle, avec l’avènement de la modernité.
Exemple Analyse
Je me de de
Je me vermine
je me métaphysique
je me termite
je m’albumine
je me métamorphose
je me métempsychose
me dilapide
Dans ce poème, Achille Chavée conjugue des
je n’en aurai jamais fini
mots qui ne sont pas des verbes : des noms, des
Je me reprends
adjectifs, des prépositions…
je me dévore
je me sournoise
Il n’utilise aucune ponctuation.
je me cloaque et m’analyse
je me de de
je m’altruise
je deviens mon alter ego
je me cache sous les couvertures
je transpire l’angoisse
je vais crever madame la marquise
Chavée, A. (1969). Le grand cardiaque
La Louvière : Le Daily-Bul.
Exemple :
Le grand combat
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B. De quelques figures de style
Le poète n’est pas le seul écrivain à utiliser des figures de style, tant s’en faut ! Cependant, la
poésie est un terrain où, plus qu’ailleurs, on cultive les figures.
Attention !
Lorsqu’on lit un poème, le plus important n’est pas de pouvoir nommer les figures qui s’y trouvent,
mais d’être sensible aux effets qu’elles provoquent.
1.1. La comparaison
Exemple Analyse
1.2. La métaphore
Exemple Analyse
Je n’oublierai jamais les mots que vous me dîtes Comparé : « les mots dits au poète »
Plus tard avec un sourire dans le tramway Comparant : « des diamants que personne
Ce sont des diamants que personne n’imite n’imite »
Aragon, L. (1956). Le roman inachevé.
Paris : Gallimard. Cette métaphore exprime le caractère précieux
et unique des mots qui ont été adressés au
poète. Elle permet de comprendre pourquoi ils
sont inoubliables.
Poésie 115
1.3. La personnification
Exemple Analyse
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus Le poète s’adresse à sa douleur comme s’il
tranquille s’agissait d’une personne, d’un enfant. La
personnification est renforcée par la majuscule
Baudelaire, Ch. (1857). Les fleurs du mal.
qui confère au nom commun « douleur » le
statut de nom propre.
1.4. L’allégorie
L’allégorie est l’incarnation d’une idée abstraite visant à rendre cette idée plus vivante, plus
parlante.
Exemples Analyse
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l’allons montrer tout à l’heure (1). Dans le début de cette fable, le mal est
incarné par le loup, tandis que l’innocence
Un Agneau se désaltérait l’est par l’agneau.
Dans le courant d’une onde pure. L’allégorie est signalée par l’utilisation de la
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure, majuscule.
Et que la faim en ces lieux attirait.
Spleen
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide Dans ce poème, Baudelaire évoque le
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ; combat perdu de l’Espérance contre
Quand la pluie étalant ses immenses traînées l’Angoisse.
D’une vaste prison imite les barreaux, Le recours à l’allégorie confère au poème
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées une dimension philosophique. Le spleen
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux, n’est pas un sentiment banal et passager.
C’est un état profond dans lequel des forces
Des cloches tout à coup sautent avec furie
s’affrontent violemment, tels des généraux
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
d’armées ennemies.
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
– Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
116 Poésie
2. Les figures de substitution
2.1. La métonymie
La métonymie est une figure par laquelle on désigne un objet, une idée ou un être par
un autre mot avec lequel il entretient un rapport de contigüité ou d’appartenance.
La métonymie permet de faire une sorte de raccourci dans la pensée et de rendre
compte des réalités de façon plus frappante ou imagée. C’est une figure très courante
dans les expressions du quotidien.
Exemples Analyse
Courage
Il est évident que ce n’est pas Paris, mais les Parisiens
Paris a froid Paris a faim qui ont froid, qui ne mangent plus de marrons…
Paris ne mange plus de marrons dans la rue Le fait de désigner les Parisiens par métonymie, en
Paris a mis de vieux vêtements de vieille utilisant le nom de leur ville, donne à leurs malheurs
Éluard, P. (1945). Au rendez-vous allemand. une ampleur sans pareille, absolue.
Paris : Éditions de minuit.
Après le confinement, nous boirons une Ce n’est pas la bouteille que l’on boit, mais son
bonne bouteille en écoutant Mozart. contenu ; de même, ce n’est pas Mozart qu’on
écoute, mais sa musique.
3.1. La litote
La litote consiste à dire moins que ce que l’on pense vraiment pour que le destinataire
comprenne davantage.
Pourquoi la volonté d’en dire moins ? Ce peut être par pudeur, par ironie ou pour
mettre le propos en valeur. Avec la litote, on produit un effet de contraste entre
l’explicite (ce qui est dit) et l’implicite (ce qu’il faut comprendre). On reconnait la litote
à sa forme négative. Le sens exact peut être reformulé à la forme affirmative.
Exemples Analyse
« […] ce garçon-ci n’est pas sot, et je ne Cet énoncé, en clair, signifie ceci : « Ce garçon
plains pas la soubrette qui l’aura… » est intelligent et j’envie la soubrette qui l’aura. »
Marivaux. (1730). Le jeu de l’amour et du hasard.
Vous n’êtes pas sans savoir que de nombreux Cet énoncé, en clair, signifie ceci : « Je suis
pays sont agités par des mouvements certain que vous savez… »
antidémocratiques.
Voilà un évènement qui n’est pas sans rappeler Cet énoncé, en clair, signifie ceci : « Voilà un
ce qui s’est produit le 11 septembre 2001. évènement qui rappelle… »
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3.2. L’euphémisme
Exemples Analyse
L’Époux d’une jeune Beauté
Partait pour l’autre monde… Cet énoncé, en clair, signifie ceci : « L’époux
de La Fontaine, J. (1668). La Jeune Veuve. était en train de mourir. »
Fables.
Un malvoyant
L’euphémisme est utilisé dans beaucoup
Des relations intimes
d’expressions ordinaires.
Prendre congé de la vie
4.1. L’anaphore
L’anaphore consiste à commencer des vers, des phrases en répétant le même (groupe
de) mot(s).
Attention !
Il ne faut pas confondre cette figure avec l’anaphore grammaticale qui est un moyen d’assurer la
reprise de l’information (voir la fiche outil Anaphores, p. 58).
Exemple Analyse
Sur mes cahiers d’écolier Ce poème, écrit pendant la guerre, comporte
Sur mon pupitre et les arbres vingt strophes construites de la même manière :
Sur le sable sur la neige « Sur […]
J’écris ton nom Sur […]
[…] J’écris ton nom »
Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux Il faut attendre la dernière strophe pour
Sur la montagne démente découvrir que le poète s’adresse à la Liberté.
J’écris ton nom
[…] L’anaphore persistante rythme le poème et le
Et par le pouvoir d’un mot transforme en incantation. Elle crée une attente
Je recommence ma vie et souligne l’importance extrême qu’a la liberté
Je suis né pour te connaître aux yeux du poète et l’urgence de la préserver,
Pour te nommer de ne pas l’oublier en ces temps de guerre.
Liberté Remarque : il faut attendre la dernière strophe
pour connaitre l’antécédent de « ton ». Ce
Éluard, P. (1942). Poésie et vérité.
Paris : Les Éditions de Minuit. procédé se nomme cataphore. Il crée une
attente de la part du lecteur.
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4.2. Le parallélisme
Exemples Analyse
Vous êtes bien belle et je suis bien laid. […] Dans ces deux vers, les parallélismes expriment
Tu feras le jour, je ferai la nuit. l’opposition entre le « vous » et le « je », entre
Hugo, V. (1859). La chanson de Maglia. la femme et l’homme. Les constructions
La Légende des siècles. identiques qui sont répétées permettent de
mettre en valeur les termes qui s’opposent dans
chacun de ces vers :
« Vous » + « belle » >< « je » + « laid »
« Tu » + « jour » >< « je » + « nuit »
Et jamais je ne pleure, et jamais je ne ris Dans le poème, dont ce vers est extrait, la
Baudelaire, C. (1857). La Beauté. Les Fleurs du Mal. Beauté s’adresse aux hommes.
Le parallélisme met en évidence la permanence
de son indifférence, de sa sérénité et de son
retrait des émotions humaines.
4.3. L’hyperbole
L’hyperbole est une figure d’exagération qui repose sur le grossissement d’une
caractéristique, d’une idée ou d’un sentiment. Elle vise à laisser une impression forte
chez le lecteur.
Exemples Analyse
C’étaient des hommes géants sur des chevaux Victor Hugo décrit la bataille de Waterloo. Il ne
colosses. le fait pas à la manière d’un historien : il veut
impressionner ses lecteurs avec une description
Hugo, V. (1862). Les Misérables.
qui fait de cette bataille un combat hors normes.
Mourir de soif Certaines expressions courantes sont fondées
N’avoir que la peau sur les os sur l’hyperbole.
Être crevé
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4.4. L’accumulation
Exemples Analyse
Ainsi, quand je serai perdu dans la mémoire L’accumulation des adjectifs connotés
Des hommes, dans le coin d’une sinistre armoire très négativement donne force à l’idée
Quand on m’aura jeté, vieux flacon désolé, de déclin de l’être et au sentiment
Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé… d’amertume et de dégout qui lui est liée.
5.1. L’antithèse
Elle consiste à opposer très fortement deux mots ou groupes de mots de sens
contraire afin de mettre une idée en relief par un effet de contraste.
Exemples Analyse
Un noble, s’il vit chez lui dans sa province, il L’antithèse oppose nettement la vie en
vit libre, mais sans appui ; s’il vit à la cour, il est province et la vie à la cour.
protégé, mais il est esclave. (La Bruyère) Le parallélisme renforce l’antithèse.
Cette figure consiste à accoler dans un même groupe deux termes qui s’excluent du
point de vue du sens. Cette association frappe le lecteur.
Exemples Analyse
Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé, L’épithète « noir » est, du point de vue du
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie : sens, incompatible avec le nom « soleil ».
Ma seule Étoile est morte, – et mon luth constellé Le poète exprime le manque de bonheur
Porte le soleil noir de la Mélancolie. qui est le sien. Sa tristesse est telle que
le soleil est perçu comme un astre qui
Nerval. (1853). El Desdichado. Les Filles du feu. n’apporte plus de lumière.
120 Poésie
Comment peut-on qualifier un malheur
de « merveilleux » ? Avec ce titre, Boris
Cyrulnik frappe le lecteur, l’incite à
réfléchir. Et son livre a précisément pour
objet les itinéraires d’enfants victimes qui
ont trouvé les ressorts pour se construire
une existence heureuse.
4.3. Le chiasme
Le chiasme est composé de deux expressions qui se suivent, mais la seconde adopte
l’ordre inverse de la première. Il crée des parallèles inattendus, des effets de rythme,
d’opposition, des liens de cause à effet.
Exemples Analyse
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient Ils ne mouraient pas tous
frappés.
La Fontaine, J. (1678). tous étaient frappés
Les animaux malades de la peste. Fables. L’inversion de « tous » et du verbe met
le pronom en évidence et insiste sur
l’importance de la peste qui n’épargne
personne. Elle renforce l’opposition
signalée par « mais ».
Chaque élément du chiasme compte le
même nombre de pieds (6), ce qui crée
un effet rythmique très perceptible.
« Ô servitude infâme imposée à l’enfant ! Dans ce poème, Victor Hugo s’indigne de
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant l’exploitation des enfants dans les usines.
Défait ce qu’a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée, Il écrit un véritable réquisitoire dénonçant
les conséquences néfastes de cette
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée ».
exploitation.
Hugo, V. (1856). Les contemplations.
La beauté sur les fronts
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5. Les figures qui jouent sur les sons
5.1. L’assonance
Exemple Analyse
Tout m’afflige et me nuit et conspire à me Dans cet alexandrin, la répétition des sons est
nuire. » extrêmement rigoureuse : elle se fait toutes les
Racine, J. (1677). Phèdre. trois syllabes.
Attention !
Il est arbitraire d’attribuer un sens aux
sons ! Ce qui est important ici, c’est la
musicalité.
5.2. L’allitération
Exemples Analyse
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos Dans cet alexandrin, la répétition du son [s]
têtes ? rend l’oralisation du vers très « sifflante ». Il est
Racine, J. (1667). Andromaque. question de serpents et les serpents sifflent.
C’est pourquoi on parle d’harmonie imitative.
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde Les allitérations des sons [t] et [d] imitent les
sous les doigts du vainqueur (Senghor) sons sourds et secs du tamtam.
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