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Recueillement, Baudelaire :
analyse
9 commentaires • Par Amélie Vioux

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Voici une analyse du poème « Recueillement » de


Charles Baudelaire publié dans l’édition posthume des
Fleurs du Mal en 1868.

Recueillement, Baudelaire,
introduction :
Dans « Recueillement », poème issu du recueil Les
Fleurs du Mal écrit par Charles Baudelaire en 1861, le
poète représente son attente douloureuse face à la
mort.

(Voir ma fiche de lecture sur Les Fleurs du Mal)

Chez Baudelaire, la mort est à la fois source d’angoisse


et promesse de libération.

Cette ambivalence se reflète dans ce sonnet où


l’angoisse est progressivement domptée pour laisser
place au calme et à la douceur.

Poème étudié
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.

Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,


Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,

Loin d’eux. Vois se pencher les défuntes Années,


Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;

Le Soleil moribond s’endormir sous une arche,


Et, comme un long linceul traînant à l’Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.

Questions possibles à l’oral de


français sur « Recueillement » :
♦ Que peut-on dire de la progression du poème
« Recueillement » ?
♦ Comment est représentée la douleur dans ce poème
?
♦ Quels sont les sentiments de Baudelaire dans
« Recueillement » ?
♦ Quelle est la figure de style dominante dans ce
sonnet ? Commentez ses effets.

Annonce du plan :
A travers la personnification de sa douleur (I),
Baudelaire exprime sa mélancolie (II) en attendant la
nuit, qui apparaît alors comme une métaphore de la
mort (III).

I – la personnification de la
douleur du poète
A – Une douleur personnifiée : de
l’enfant capricieuse à l’amie intime
Dès le premier vers, le poète s’adresse directement à sa
douleur. Il l’interpelle et la personnifie, ce qui est
marqué par l’apostrophe et la majuscule : « ô ma
Douleur » (v. 1).

Pour mieux l’appréhender, Baudelaire donne corps à sa


souffrance.

Ainsi la douleur est d’abord représentée comme une


enfant capricieuse et impatiente : « Sois sage, ô ma
Douleur, et tiens-toi plus tranquille », « Tu réclamais le
Soir ; il descend ; le voici » (v. 1-2), « Ma Douleur,
donne-moi la main ; viens par ici » (v. 8).

L‘impératif renforce l’image d’une douleur qui serait


comme un enfant turbulent à éduquer.

Par ailleurs, l’emploi de la deuxième personne du


singulier indique un rapport familier entre Baudelaire
et sa douleur.

Les adjectifs possessifs soulignent également une


certaine intimité : « Ma Douleur » (v. 1 et 8), « ma
chère » (v. 14). L’adjectif « chère » renforce la
proximité et l’attachement entre le poète et sa douleur.

La douleur devient une amie intime, la compagne du


poète.

B – Exacerbation de la douleur puis


retour au calme
La douleur du poète s’apaise progressivement au fil
du sonnet.

Ce passage de l’exacerbation à l’accalmie est


perceptible dans le rythme des vers.

Ainsi, dans les quatrains, la douleur est virulente. Cela


se traduit par un rythme rapide et saccadé, créé par
une coupe irrégulière des alexandrins :
♦ « Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus
tranquille » : 2/4//3/3;
♦ « Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici » : 6//3/3 (v.
1-2);
♦ « Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici » :
3/5//4 (v. 8).

Les enjambements des vers 2 à 4 et 5 à 8 renforcent


également l’accélération du rythme, tandis que dans le
premier tercet, les points-virgules marquent des
pauses dans le rythme et rompent la linéarité :
« Sur les balcons du ciel, en robes surannées ; /Surgir
du fond des eaux le Regret souriant ; » (v. 11-12)

En effet, dans les tercets, le rythme s’allonge, devient


plus lent, ce qui est accentué par les diérèses sur les
« i » de « sour/i/ant » (v. 11) et « Or/i/ent » (v. 13).

De même, des sonorités dures et angoissées comme


les allitérations en « r », « t » ou « d » se mêlent à des
sonorités plus douces comme l‘allitération en « s » et
l’assonance en « ou », soulignant l’ambivalence de
cette douleur : « Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi
plus tranquille/Tu réclamais le Soir ; il descend ; le
voici/» (v. 1 à 2), « Surgir du fond des eaux le Regret
souriant/Le soleil moribond s‘endormir sous une
arche » (v. 11-12).

Transition : Cette tonalité douce-amère de la douleur


entre en résonance avec la mélancolie du poète.

II – La mélancolie du poète
A – Le retour du passé
La mélancolie de Baudelaire se traduit tout d’abord par
le retour au passé.

Le passé est évoqué directement au premier tercet. Il


renaît à travers la personnification des « défuntes
Années » (v. 9) et du « Regret souriant » (v. 11).

L‘image des Années vêtues de robes démodées


souligne leur appartenance à des temps anciens, voire
à une autre époque : « en robes surannées » (v. 10).

De plus, la posture penchée des Années (« Vois se


pencher les défuntes Années/Sur les balcons du ciel »,
v. 9-10) est typique de la représentation de la
mélancolie. Elle peut aussi connoter la vieillesse.

Le passé resurgit pour rappeler au poète sa propre mort,


tel un memento mori ( = « Souviens-toi que tu vas
mourir »).

Le sourire du Regret semble ainsi narguer le poète


nostalgique.

La nostalgie est également marquée par un bref champ


lexical du regret : « remords » (v. 7), « le Regret » (v.
11), et confère au sonnet une tonalité élégiaque.

B – Le rejet des plaisirs


Malgré la nostalgie, le poète renie son passé de dandy
et d’homme des foules.

Ce passé proche est présenté implicitement au


second quatrain à travers l’évocation du plaisir, là
encore personnifié : « Sous le fouet du Plaisir, ce
bourreau sans merci » (v. 6).

Le poète rejette alors les plaisirs, qui ne lui apportent


plus aucune consolation.

Ainsi le Plaisir, la ville et la foule sont décrits en des


termes péjoratifs : « Pendant que des mortels la
multitude vile/Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans
merci,/Va cueillir des remords dans la fête servile » (v. 5
à 7).

Le jeu de mot homophonique entre « ville » (v. 3) et


« vile » (v. 5) associe indirectement la ville au qualificatif
péjoratif « vile« .

Enfin, ce rejet des plaisirs est également marqué dans la


versification à travers le rejet du vers 9 :
« Ma Douleur, donne-moi la main, viens par ici,/
Loin d’eux.Vois se pencher les défuntes années » (v. 8-
9).

Ce procédé métrique met en évidence l’isolation du


poète, qui fuit la foule pour aller se recueillir avec sa
douleur.

C – La tonalité incantatoire du
recueillement
Le recueillement de Baudelaire se traduit par une
tonalité grave, solennelle, voire incantatoire.

Cette tonalité s’exprime surtout dans les tercets,


principalement à travers le rythme et les sonorités.

En effet, le rythme ternaire associé à l’allitération en


« m » et les assonances en « ou », « an » et « on »
donne une impression de douceur, de bercement,
d’harmonie et de paix. Par exemple : « Tu réclamais »,
« atmosphère » (v. 2-3), « des mortels la multitude »,
« Ma Douleur, donne-moi la main » (v. 8), « Le soleil
moribond s’endormir sous une arche» (v. 12-14).

Par ailleurs, les injonctions du poète, qui appelle et


invite sa douleur à plusieurs reprises, renforcent cette
dimension incantatoire : « Ma Douleur, donne-moi la
main ; viens par ici » (v. 8), « Entends, ma chère,
entends la douce Nuit qui marche » (v. 14).

La répétition de « entends » au vers 14 souligne


l’insistance du poète mais aussi l’importance de la
musicalité.

Le recueillement s’accompagne en effet d’une


contemplation à la fois visuelle (« Vois », v. 9) et
auditive (« Entends », v. 14). Il y a ainsi dans le dernier
vers une correspondance entre la vue et l’ouïe

Transition : Le dernier tercet évoque l’approche de la


nuit, une nuit qui semble s’apparenter à la mort.

III – La nuit : une métaphore de la


mort ?
A – La personnification du Soir et de
la Nuit
Le soir et la nuit sont également personnifiés, comme
le souligne la majuscule : « Tu réclamais le Soir » (v. 2),
« entends la douce Nuit qui marche » (v. 14).

Le Soir, qui précède et annonce la Nuit, est


ambivalent : « Une atmosphère obscure enveloppe la
ville/Aux uns portant la paix, aux autres le souci » (v. 3-
4).

Ainsi, l’emploi du verbe « enveloppe » prête au soir un


aspect maternel, protecteur, tandis que l’adjectif
qualificatif « obscure » connote l’angoisse, l’inquiétude.

La Nuit est quant à elle caractérisée par la grâce et la


douceur : « Et, comme un long linceul traînant à
l’Orient », « la douce Nuit qui marche » (v. 13-14).

B – Le passage progressif du soir à


la nuit : une métaphore de la
vieillesse et de la mort
La progression verticale du poème jusqu’au dernier
vers reproduit la descente progressive du soleil
couchant jusqu’à l’obscurité de la nuit.

Cette descente est marquée dès le vers 2 par une


gradation paradoxalement ascendante :
« Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici ».

La progression linéaire du temps est comparée


implicitement à l’écoulement continu de l’eau à travers
la liquidité de l’allitération en « l » : « Sois sage, ô ma
douleur, et tiens-toi plus tranquille/Tu réclamais le Soir ;
il descend ; le voici:/ Une atmosphère obscure
enveloppe la ville/Aux uns portant la paix, aux autres le
souci » (v. 1-4).

Cette impression d’écoulement est renforcée par les


enjambements et la longueur des phrases (v. 2-4, v. 5-
8, 9-14).

L’effet d’allongement est également accentué dans les


tercets par les diérèses (« sour/i/ant », « Or/i/ent »), le
participe présent « traînant » (v. 13), mais aussi à
travers le rythme et les sonorités, qui imitent
l’approche douce, lente et feutrée de la nuit.

Mais ce coucher de soleil apparaît ici comme une


métaphore de la mort.

En effet, l’adjectif « moribond » pour qualifier le soleil


couchant et la tenue mortuaire de la nuit (« long
linceul », v. 13) associent la nuit à la mort.

D’ailleurs, la mort est omniprésente dans ce sonnet :


« obscure » (v. 3), « mortels » (v. 5), « défuntes » (v. 9),
« moribond », « linceul » (v. 12-13).

On trouve également un bref champ lexical de la


vieillesse : « se pencher », « robes surannées » (v. 9-
10), « moribond » (v. 12).

On peut alors penser que la descente du soir vers la nuit


est une métaphore de la progression de la vieillesse
vers la mort.

En associant la mort à la nuit, donc d’une certaine


manière au sommeil (« s’endormir », v. 12), Baudelaire
atténue la douloureuse réalité de la mort.

Celle-ci est alors attendue, comme une libération.

Recueillement, Baudelaire,
conclusion :
« Recueillement » fait partie des poèmes de Baudelaire
qui évoquent la mort et le passage du temps.

A travers de nombreuses personnifications, Baudelaire


donne corps à des idées abstraites (la douleur, la
mort, le plaisir…) tout en les poétisant grâce à la
musicalité et aux images poétiques.

Après un retour nostalgique sur le passé et un


recueillement aux accents mélancoliques, c’est dans le
calme et le soulagement que le poète attend la mort.

Comme dans d’autres poèmes des Fleurs du mal (par


exemple « La Mort des Amants » ), la mort est ici
promesse de libération.

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9 commentaires

Maéva
18 octobre 2021 à 19 h 24 min

Bonsoir Madame,

Avant tout, merci pour votre partage de


connaissances, vos analyses sont claires et faciles à
s’approprier.

D’autre part, pourriez-vous me proposer l’analyse des


poèmes « Crépuscule du soir » et « memento mori »
de Baudelaire s’il vous plait. J’ai un Bac blanc cette
semaine et il me manque encore l’étude de ces
derniers.
Vous en remerciant par avance,
Bien à vous,
Maéva (1ere G)

Répondre

hadil
25 novembre 2020 à 17 h 20 min

le secret de ma réussite en français .un merveilleux


travail

Répondre

Renée
27 septembre 2018 à 11 h 58 min

Analyse subtile. J’aime

Répondre

Renée
24 septembre 2018 à 10 h 08 min

très précieuse analyse. Merci

Répondre

Camille
28 mai 2018 à 9 h 24 min

Ce site est très instructif et m’apporte beaucoup


d’aide pour le bac de francais.

Répondre

Corine
21 janvier 2018 à 15 h 16 min

Je trouve ce site merveilleux.Je suis maman d’un


garçon de 16ans qui a de grandes difficultés en
Français et moi je suis un peu dépassée ce site
m’apporte beaucoup d’aide et de réponses

Répondre

Bené
26 novembre 2017 à 22 h 20 min

Merci pour tous continue

Répondre

Annette
13 juin 2017 à 9 h 18 min

Si j’avais accès à cette analyse il y a 50 ans , j’aurais


mieux apprécier les idées et les sentiments et la
musicalité de Baudelaire

Répondre

adam
12 avril 2017 à 19 h 47 min

MERCI POUR TOUT CE QUE VOUS FAITES POUR


NOUS.

Répondre

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