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HARMONIE DU SOIR

Nous remarquons cinq champs lexicaux à l’intérieur du poème : la religion, la musique, la nature, les sens et le mouvement.
Nous pouvons aussi constater qu’il y a une antithèse opposante l’ombre à la lumière.
Premier mouvement : L’explosion de sensations. (Les deux premières strophes)
– Le vers 1 débute le poème avec un ton presque prophétique, présentatif « Voici ». La formule est eschatologique (sur la
fin des temps) « venir les temps ». Le futur est proche, il approche. « Vibrant », idée de mouvement et de sonorité, comme
un instrument à corde. (Altération en V)
– Enjambement avec le vers précédent qui explique la présence de la tige : « Chaque fleur ». L’impression donnée est celle
d’un champ. Cette impression visuelle est complétée par « Évapore », différence de température du soir qui crée cette
rosée du crépuscule, rencontre des mondes diurnes et nocturnes qui évoquent à la fois la fin et le renouveau.
– La comparaison « ainsi qu’encensoir » montre la première incursion champ lexical religieux. Le balancement rappelle la
vibration de la fleur, rappelle l’exorde prophétique. (Introduction d’un discours)
– Le vers suivant voit l’apparition des sensations : « sons et parfums ». Elles correspondent à la vibration des tiges et à
l’encens qui brûle. L’univers est celui du titre : « l’air du soir ». (Synesthésie)
– Le dernier vers de la strophe poursuit la description des sensations : « Valse », à la fois la musique et la danse,
« langoureux vertige », de tourner, et par l’odeur, langoureux étire le temps. Une synesthésie se crée par l’emploi de
plusieurs sens.
– Le vers 5 est la reprise du vers 2, comme le demande la forme du pantoum. C’est encore l’annonce d’un quatrain plus
triste, plus dans le Spleen, moins dans l’harmonie (Idéal).
– Cette tonalité plus pathétique se retrouve dans le vers suivant : « Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige ». Le
violon frémit (Personnification) comme s’il était maladif, et est comparé à un cœur douloureux. Le cœur semble presque
parler à travers le violon et la mélancolie qui s’exprime.
– La reprise du vers 4 de la première strophe prend un sens un peu différent dans ce deuxième quatrain. « La valse
mélancolique » et le « langoureux vertige » sont ici menés par le violon, et crée l’image d’une danse qui tourne.
– « Le ciel », et « reposoir » prodiguent de nouveau une atmosphère religieuse au dernier vers de la deuxième strophe. Les
deux adjectifs « triste et beau » décrivent un ciel qui est le miroir de l’état-d ’âme du poète, aussi de son travail de poète :
l’inspiration dans la tristesse pour créer de la beauté.
– La comparaison « comme un grand reposoir » repose sur l’autel installé notamment lors de procession où on dépose les
éléments nécessaires à la communion, mais c’est aussi un lieu où on peut se reposer, faire une halte. Le ciel appelle à la fois
la divinité, et le repos.
Deuxième mouvement : La mélancolie des sentiments. (Les deux dernières strophes).
– Nous franchissons une nouvelle étape dans le registre pathétique avec la troisième strophe avec l’affliction du cœur, la
douleur sentimentale.
– La répétition de « cœur » au vers 10 insiste sur la cause de la souffrance, en qualifiant aussi le cœur : « tendre ». Cette
tendresse est celle du cœur du poète, individu sensible par essence.
– Les émotions deviennent puissantes avec l’emploi du verbe « haïr », et le point d’exclamation à la fin : « qui hait le néant
vaste et noir ! ». Progression du Spleen qui mange le cœur et l’entoure de noirceur.
– Du cœur, nous nous élevons au ciel : « Le ciel ». Cette élévation ne va cependant pas entièrement vers l’Idéal, puisque la
reprise du vers 8 mélange Idéal religieux et élevé « beau », « reposoir », et Spleen « triste » (triste et beau=oxymore)
– Et dans ce ciel se trouve certes le soleil : « Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige = altération en S ». Mais la
métaphore indique un soleil couchant aux teintes rouges, qui ne parvient pas à chasser l’obscurité. Le sang confère un
aspect violent, déchirant au moment, qui semble durer éternellement : « se fige ».
– Ici, le Spleen gagne, et le poète s’enfonce dans la mélancolie.
– La dernière strophe apporte l’explication à l’origine du poème. Elle débute par le deuxième vers de la précédente (une
nouvelle fois, la forme du pantoum) en mettant le cœur, le sentiment au centre du propos : « Un cœur », « hait ».
– Cette tendresse invite à la nostalgie : « Du passé lumineux recueille tout vestige ! ». Ici encore, Idéal et Spleen alternent «
passé lumineux » et « vestige ». Les ruines symbolisent la destruction du passé dont il ne reste que des débris. La lumière,
elle, s’oppose au « néant vaste et noir ». Nous comprenons bien l’antithèse entre un passé heureux et un présent cassé,
détruit.
– L’avant-dernier vers renforce la durée du soleil couchant qui semble presqu’immobile avec les points de suspension après
« figé » : « dans son sang qui se fige… », et l’examen du passé et du présent fige le sang du poète, le laisse sans réaction.
– Le dernier vers constitue la chute : « Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir ». Le lyrisme du poème se dévoile enfin
« en moi ». Baudelaire nous évoque une séparation douloureuse « Ton souvenir » avec Apollonie Sabatier.
– Ce dernier vers finit sur une ambivalence avec la comparaison « luit comme un ostensoir » (le récipient dans lequel se
trouvent les hosties). À la fois, nous sentons la portée à l’élévation vers l’Idéal, mais aussi la souffrance morale et
sentimentale de Baudelaire qui n’a plus que des souvenirs…
Conclusion : l’Harmonie du Soir est donc un poème dans lequel Charles Baudelaire nous livre son amour impossible envers
Jeanne Duval. Grâce au pantoum, Baudelaire offre au lecteur une ambiance détendue du soir auquel on tombe envoûter.

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