Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Introduction
Analyse linéaire : Histoire de Manon Lescaut et du Chevalier Des Grieux, L’abbé Prévost, 1731
De l’œuvre romanesque considérable de l’Abbé Prévost, les sept volumes des Mémoires d'un homme de
qualité (1728-1731) et les huit volumes de Monsieur de Cleveland (1731-1737), ressort un roman plus
court, publié à part dès 1757, La Véritable Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut. Ce
récit tire sa véracité d'abord du décalage temporel entre le moment des faits, la passion douloureuse
entre les deux personnages, et celui du récit que le chevalier fait après la mort de Manon à l'homme
de qualité.
Après sa rencontre avec Manon, le jeune Chevalier, alors âgé de dix-sept ans, a renoncé à entrer au
séminaire pour vivre sa passion avec elle, à Paris. Mais Manon, malgré son jeune âge, quinze ans, est
déjà une habile courtisane, et le trompe rapidement. Le père du Chevalier fait arrêter son fils, et lui
apprend la vérité. Le Chevalier, après deux ans de désespoir, décide de rejoindre le séminaire de Saint-
Sulpice, mais, à peine y est-il arrivé qu’une visite lui est annoncée.
Comment le récit pathétique de cette scène romanesque de retrouvailles met-il en évidence la fatalité
de l’amour ?
CONCLUSION
Cette scène commence par un aveu, mais se transforme rapidement en une scène de séduction, terme
à prendre ici dans son sens étymologique, « se-ducere », soit conduire hors du droit chemin, donc
séparer des normes sociales et morales. Les armes de la séduction sont doubles : l’apparence physique,
la beauté, mais aussi la parole, ici les serments d’amour et de fidélité de Manon. Mais le récit laisse le
lecteur dans le doute : le repentir de Manon est-il sincère, éprouve-t-elle vraiment un tel amour pour
Des Grieux, ou bien espère-t-elle seulement tirer profit de sa faiblesse ?
L’abbé Prévost inscrit cette scène dans une tonalité pathétique, et même tragique à la fin du passage.
C’est la traduction d’une condamnation de la passion amoureuse, qui, par les désordres qu’elle
provoque, ne peut qu’être fatale : le code d’honneur familial, la force de son éducation, celle de sa foi,
ne sont d’aucun poids face à la puissance de l’amour. En même temps, nous retrouvons l’image biblique
de la femme, tantôt ange et consolatrice, tantôt, telle Ève, dangereuse tentatrice qui conduit l’homme
au péché.