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La Princesse de Clèves

La scène de renoncement, aveu au Duc de Nemours

Autrice : Marie-Madeleine de Lafayette, romancière française fréquente les salons


précieux et le milieu mondain → grande culture littéraire, ♀ éduquée.
Invente le monologue intérieur = flux de conscience
Autres : La Princesse de Montpensier 1662, publié sous le nom de « Segrais »
Contexte : Mode littéraire de la préciosité : goût pour le raffinement, l’élégance du
langage et de la conversation, se développe dans les salons mondains.
Amour idéalisé, amour courtois, code de conduite en matière de
séduction/fidélité conforme à la morale
Mouvement : Classicisme
Présentation de l’œuvre : 1678, publié de façon anonyme, premier roman moderne d’analyse
psychologique.
LPC est au carrefour de différents genres romanesques :
-héritage précieux ( peu de vraisemblance, histoires intercalées, sentiments)
-nouvelle historique ( peu de perso, roman court, intrigue linéaire,
vraisemblance vis à vis des codes sociaux)
→ La vie à la cour des Valois, sous le règne d’Henri II
Présentation de l’extrait : → L’aveu de Mme de Clèves à son mari a mis en marche un engrenage fatal
qui a provoqué sa mort. Celui-ci meurt d’un « cruel déplaisir », pensant que
sa femme l’a trompé.
→ Dernier entretien entre Mme de Clèves et le Duc, qui a été ménagé par le
Vidame de Chartres pour qu’ils puissent enfin se parler sincèrement.
→ Passage qui aboutit à un renoncement définitif

→ En quoi cette scène d’aveu confirme-t-elle l’héroïsme de LPDC ? Comment ce dialogue


renforce-t-il les résolutions inébranlables de la PDC ?

1) Un aveu raisonné

Citation Procédés Interprétation


« Je crois devoir à votre -Dialogue -Situation propice/intime (hors du regard
attachement la faible récompense - Emploi des pronoms personnels de la cour)
de ne vous cacher aucun de mes « je » et « vous » - Indiquent qu’ils sont seuls
sentiments, et de vous les laisser -Discours direct - Conversation intime, but = évoquer les
voir tels qu'ils sont. » - Négation lexicale / négation raisons de ce renoncement
syntaxique -Fait preuve de prudence = modalise sa
pensée
-Obligation moral → aveu sincère/
confession à son mari → vertueuse→
amour courtois
-Importance d’être honnête
-Passe outre les conventions, et compte
lui parler sans masque, sans hypocrisie
- Souligne le caractère amoureux de
l’échange
« Ce sera apparemment la seule - Adjectif « seule » = modalisateur - Valeur de modalisateur, qui marque son
fois de ma vie que je me donnerai Forme négative jugement
la liberté de vous les faire paraître ; Adjectif hyperbolique / répétition - Souligne le caractère exceptionnel de
« malheur » l’aveu
néanmoins je ne saurais vous
- Conditionnel - Elle prend les choses en main, elle
avouer, sans honte, que la certitude s’autorise à exprimer son amour.
de n'être plus aimée de vous, - Elle fait le choix de l’abandon
comme je le suis, me paraît un si - « Néanmoins » = opposition/rupture
horrible malheur, que, quand je - Utilise des détours : reconnaît savoir
n'aurais point des raisons de devoir qu’il l’aime mais aussi qu’il ne pourrait
insurmontables, je doute si je plus l’aimer / reconnaît l’aimer aussi
-L’adjectif insiste sur la douleur qu’elle
pourrais me résoudre à m'exposer à
pourrait endurer
ce malheur. » - Modalisateur
- ( Conditionnel) Elle anticipe
l’éventualité d’être abandonnée (mode
hypothétique), traduit sa peur et
paradoxalement ses « doutes »

Je sais que vous êtes libre, que je le - Parallélisme de situation - Elle admet que leur union est possible
suis, et que les choses sont d'une - Raisonnement concessif puisqu’elle est veuve et que la Cour ne
sorte que le public n'aurait peut-être ( parataxe avec « certes « pourrait pas leur reprocher ce mariage
implicite)
pas sujet de vous blâmer, ni moi
- ( « le public/ la société ») Sans doute a-
non plus, quand nous nous - Modalisateur t-elle peur du regard des autre set ressent
engagerions ensemble pour - Périphrase la culpabilité d’épouser un autre homme
jamais. - Quand = si = introduit une - A honte vis à vis des attendus moraux
hypothèse
- Marque une nuance
- La périphrase évoque d’ailleurs
pudiquement ce mariage

Mais les hommes conservent-ils de - Connecteur d’opposition « mais » - « mais » Vient anéantir tout espoir
la passion dans ces engagements
éternels ? Dois-je espérer un - 2 questions rhétoriques - 1° Rappelle justement l’inconstance et
l’infidélité des hommes
miracle en ma faveur et puis-je me
- Pluriel - Le pluriel vient généraliser ce constat,
mettre en état de voir certainement elle applique cette loi à tous même au
finir cette passion dont je ferais - Présent de vérité générale duc
toute ma félicité
- 2° Révèle sa lucidité , elle ne croit pas
au « miracle », elle sait que la passion ne
peut résister au mariage
- Conception pessimiste de l’amour
- L’amour est entretenu par les obstacles
Monsieur de Clèves était peut-être - Raisonnement par analogie - Évoque le souvenir de son mari pour
l'unique homme du monde capable argumenter son renoncement
de conserver de l'amour dans le - Registre épidictique
- Fait l’éloge de son défunt mari
mariage. Ma destinée n'a pas voulu
- Modalisateurs
que j'aie pu profiter de ce bonheur ; - Exprime un doute, elle pense que son
peut-être aussi que sa passion - Tonalité tragique mari était fidèle puisque l’amour n’était
n'avait subsisté que parce qu'il n'en pas acquis
aurait pas trouvé en moi.
- Laisse sous-entendre qu’elle est
victime d’un destin malheureux
Mais je n'aurais pas le même - Connecteur d’opposition « mais » - Rappelle l’impossibilité de leur union :
moyen de conserver la vôtre : je ce sont les « obstacles » qui font
crois même que les obstacles ont perdurer la passion
- Si elle cède elle prend le risque de ne
fait votre constance
plus être aimée
- Partage la même conception pessimiste
de l’amour que sa mère
Vous en avez assez trouvé pour
vous animer à vaincre ; et mes
actions involontaires, ou les choses
que le hasard vous a apprises, vous
ont donné assez d'espérance pour ne
vous pas rebuter.

2) Une lucidité impitoyable

– Ah ! Madame, reprit monsieur - Interjection - Réponse brève du Duc de Nemours, c’est


de Nemours, je ne saurais garder - Phrase négative la princesse qui parle le + et qui mène la
le silence que vous m'imposez : - Répétition « vous me faîtes conversation
trop »
vous me faites trop d'injustice, et
- Négation lexicale - L’interjection traduit de son désarroi.
vous me faites trop voir combien - Il s’oppose à la PDC et souhaite pouvoir
vous êtes éloignée d'être se défendre dans ce procès ( elle l’accuse
prévenue en ma faveur. d’être un jour inconstant)
- Les raisons invoquées lui semblent
injustes
- La répétition de l’expression souligne
sons accablement, il semble déçu et vexé
par ces propos, il souligne le manque de
bienveillance de la PDC à son égard

– J'avoue, répondit-elle, que les - « J’avoue » traduit d’une confession


passions peuvent me conduire ; - Résonne comme une maxime, à valeur
mais elles ne sauraient d’autorité
- Elle illustre le danger des passions qui
m'aveugler.
font perdre la raison.
La PDC, elle, préfère rester raisonnable et
lucide en amour
- On note une évolution de sa mentalité
depuis le début du roman

Rien ne me peut empêcher de - Argument ad hominem - Elle rappelle au Duc son charme et son
connaître que vous êtes né avec pouvoir sur les femmes, montrant ainsi
toutes les dispositions pour la qu’il ne pourra pas se défaire de la passion
des autres femmes
galanterie, et toutes les qualités
- Or pour la PDC le véritable amour
qui sont propres à y donner des s’oppose à la galanterie
succès heureux.

Vous avez déjà eu plusieurs - Plus-que-parfait - Elle évoque les conquêtes passées du
passions, vous en auriez encore ; Duc
je ne ferais plus votre bonheur ; - Conditionnels
- Vient supposer ses éventuelles infidélités
je vous verrais pour une autre
- Négation syntaxique à venir
comme vous auriez été pour moi.
- Souligne cette peur obsédante de ne plus
être aimée (aspect circulaire/répétitif)

- Les conditionnels montrent l’éventualité,


la prédiction et la malédiction fatale et
tragique envisagée par la PDC dans une
forme de prolepse

J'en aurais une douleur mortelle, - Hyperboles - Les hyperboles associent la passion
et je ne serais pas même assurée amoureuse à la souffrance et révèlent la
de n'avoir point le malheur de la - Analepse vision pessimiste de l’autrice ( le bonheur
en amour semble impossible)
jalousie.
Je vous en ai trop dit pour vous - Elle s’appuie sur sa propre expérience et
cacher que vous me l'avez fait donne un exemple des tourments causés
connaître, et que je souffris de si par la jalousie.
cruelles peines le soir que la
- ( Analepse) lui rappelle l’expérience
reine me donna cette lettre de douloureuse vécue lors de la découverte de
madame de Thémines, que l'on la lettre de Mme de Thémines.
disait qui s'adressait à vous, qu'il
m'en est demeuré une idée qui - Elle veut ainsi lui prouver que la jalousie
me fait croire que c'est le plus est une torture qu’elle ne souhaite pas la
revivre. C’est pourquoi la PDC préfère
grand de tous les maux.
rester loin de la Cour et de la galanterie

Passion = passio → « souffrance » en latin


Conclusion :
- Ce discours révèle les raisons qui amènent la PDC à renoncer au Duc même après la mort de son
mari.
- Son argumentation, sa détermination réduisent le Duc au silence.
- Bien qu’elle l’aime elle préfère rester maîtresse d’elle-même pour ne pas souffrir
- La passion étant incompatible au mariage, la douleur de cette rupture est toujours – importante que
celle de ne plus être aimée.
- On note une évolution de la PDC grâce à ses expériences, c’est une héroïne classique qui se
distingue par sa vertu inimitable et son honneur
- Registre didactique/classicisme : il avertit des dangers de la passion ( plaire-instruire)
- Doctrine Janséniste : L’amour est perçue comme une vanité, il faut se méfier de la passion

Ouverture : Les Pensées, de Pascal

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