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1ère G / 2020-2021 / OBJET D’ETUDE n°2 : Le roman ou le récit du Moyen-Âge

au XXIème siècle
Séquence 2 : La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette

Explication linéaire 7 :

Un sentiment nouveau : la jalousie


…………………………………………………………………………………………
…..

1
Situation et enjeu du passage :

3ème partie du roman. L’épisode a commencé dans la deuxième partie avec la lettre.

La princesse de Clèves intercepte une lettre d'amour destinée à une autre et croit que
M. de Nemours en est l'auteur, ce qui cause en elle un sentiment de jalousie jusqu'alors
inconnu. Elle découvre par la suite qu'il s'agissait d'un malentendu, mais garde de cet
épisode un souvenir douloureux.

Insister sur le fait que l’épisode est terminé, c’est ce qui permet l’analyse
psychologique.

2
Mouvements du texte :

I Un passage d’introspection : La prise de conscience d’un sentiment nouveau : la


jalousie. (jusqu’à … contente de sa passion)

II Les pensées intérieures de Mme de Clèves ou la lutte contre la passion

Problématique : En quoi cet extrait est-il emblématique du roman d’analyse


classique ?

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Explication linéaire développée :
I Un passage d’introspection : La prise de conscience d’un sentiment nouveau : la
jalousie. (jusqu’à « contente de sa passion)
La prise de conscience et l’analyse psychologique se font progressivement par
« couches » successives, par étapes :

Elle avait ignoré jusqu'alors les inquiétudes mortelles de la défiance et de la jalousie ;

elle n'avait pensé qu'à se défendre d'aimer monsieur de Nemours, et elle n'avait point

encore commencé à craindre qu'il en aimât une autre.// Quoique les soupçons que lui

avait donnés cette lettre fussent effacés, ils ne laissèrent pas de lui ouvrir les yeux sur

le hasard d'être trompée, et de lui donner des impressions de défiance et de jalousie

qu'elle n'avait jamais eues.// Elle fut étonnée de n'avoir point encore pensé combien il

était peu vraisemblable qu'un homme comme monsieur de Nemours, qui avait toujours

fait paraître tant de légèreté parmi les femmes, fût capable d'un attachement sincère et

durable. Elle trouva qu'il était presque impossible qu'elle pût être contente de sa

passion.

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1) La découverte douloureuse d’un nouveau sentiment : la jalousie

- Le Point de vue interne (verbes de perception et connaissance : ignorer, penser,


craindre…)font entrer le lecteur dans les pensées de Mme DE C et nous permettent
d’accéder à ce moment d’introspection
- Le sentiment est nommé une première fois : « jalousie » et il est associé à la
« défiance » : méfiance. ++ « se défendre d’aimer « craindre ». Il est associé à un fort
sentiment d’inquiétude, de danger ;
- La découverte du nouveau sentiment « ignoré jusqu’alors » extrêmement fort s’exprime
dans l’hyperbole : « inquiétude mortelle ».

2) L’exploration de ce nouveau sentiment

- La subordonnée circonstancielle de concession : Quoique les soupçons que lui avait


donnés cette lettre fussent effacés ; indique bien que l’épisode de jalousie est terminé
et qu’il est temps maintenant d’analyser ce sentiment néfaste pour la princesse. Il s’agit
de soupçons d’infidélité du duc de Nemours.
- Lexique de la langue classique :
o « Ils ne laissèrent pas » : ils ne manquèrent pas.
o « Le hasard » : l'éventualité́ .

à insistance ici dans un premier temps sur le fait que l’éventualité d’être trompée
n’existe pas avant d’avoir découvert la lettre ; puis dans un second temps sur la
naissance d’un sentiment nouveau : reprise des mêmes termes « impressions de
défiance et de jalousie », ligne 1 et 4-5.

3) Le troisième mouvement de l’analyse psychologique est « l’étonnement » : Elle fut


étonnée de n'avoir point encore pensé combien…

- La souffrance morale de la princesse s’exprime par son étonnement. Le sens du mot


est fort au XVIIème siècle. « Un homme comme Monsieur de Nemours » est
présenté dès le début du roman (p14) comme un personnage aimé de tous et en
particulier des femmes, comme un séducteur. L’héroïne semble dominée par ses
sentiments et nous voyons bien ici que c’est la « passion » (dernier mot de la phrase
et du premier mouvement) et non la raison « de n’avoir point encore pensé… ».
- La complexité de la phrase rend bien compte ici de la complexité des sentiments
qu’elle ressent et qu’elle ressent d’autant plus puissamment qu’elle vient de les
découvrir. La syntaxe rend bien compte du conflit intérieur entre raison et passion.
C’est aussi une manière d’introduire le registre tragique : la princesse ne domine
plus ses émotions et c’est ce qui la fera sombrer.
- Série de négations lexicales : « peu vraisemblable » ; « presque impossible » :
soulignent l’aveuglement de la princesse.

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Transition :

Alors que le premier mouvement du texte est centré sur la jalousie, ce nouveau
sentiments qui lui ouvre de nouvelles perspectives sur l’avenir de sa passion, le lecteur
entre encore plus avant dans la psychologie troublée de l’héroïne classique par le
monologue intérieur

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II Les pensées intérieures de Mme de Clèves ou la lutte contre la passion

"Mais quand je le pourrais être, disait-elle, qu'en veux-je faire ? Veux-je la souffrir ?

Veux-je y répondre ? Veux-je m'engager dans une galanterie ? Veux-je manquer à

monsieur de Clèves ? Veux-je me manquer à moi-même ? Et veux-je enfin m'exposer

aux cruels repentirs et aux mortelles douleurs que donne l'amour ? //Je suis vaincue et

surmontée par une inclination qui m'entraîne malgré moi. Toutes mes résolutions sont

inutiles ; je pensais hier tout ce que je pense aujourd'hui, et je fais aujourd'hui tout le

contraire de ce que je résolus hier. // Il faut m'arracher de la présence de monsieur de

Nemours ; il faut m'en aller à la campagne, quelque bizarre que puisse paraître mon

voyage ; et si monsieur de Clèves s'opiniâtre à l'empêcher ou à en vouloir savoir les

raisons, peut-être lui ferai-je le mal, et à moi-même aussi, de les lui apprendre."

Vocabulaire :

Quand je pourrais... : si je pouvais...


Souffrir : supporter.
Galanterie : relation amoureuse.
Manquer à : être infidèle à.

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Le monologue intérieur est rigoureusement marqué par 3 étapes qui constituent les
« micro-mouvements » du texte

1) Les interrogations de la princesse

- Le changement de personne (1ère personne du singulier) et la série d’interrogations


directes rapprochent le lecteur des pensées intimes de la princesse dans un monologue
intérieur. Le lecteur se sent plus proche du personnage : il a l’impression d’entrer
directement dans sa conscience et cela donne une dimension pathétique et tragique à
cette introspection.
- Notons également la proposition subordonnée conjonctive circonstancielle de
condition : Quand je pourrais... (si je pouvais...) qui souligne d’emblée l’incapacité de
la princesse de se satisfaire de cette passion. Il s’agit donc de lutter contre elle. C’est
également ici la dimension morale du roman d’analyse qui s’exprime.
- L’Accumulation d’interrogations rhétoriques (*7) : gradation vers les inquiétudes
personnelles de la princesse. Citer et analyser les questions directes. Cette série s’achève
par une reprise du groupe nominal : « inquiétudes mortelles » (l.1) transformé ici en
« mortelles douleurs ». L’hyperbole est encore amplifiée quand l’inquiétude devient
douleur et c’est une vision très pessimiste de l’amour qui s’impose au lecteur.

2) La conclusion

- Les deux phrases affirmatives qui viennent clore et conclure la série de questions
soulignent de manière irréversible à la fois la lucidité de la princesse et aussi la
puissance de sa passion pour le duc : Je suis vaincue et surmontée par une inclination
qui m'entraîne malgré moi. Toutes mes résolutions sont inutiles.
- La tournure passive : « Je suis vaincue et surmontée par » montre que la princesse n’est
déjà plus maitresse de ses sentiment malgré sa lucidité. La proposition subordonnée
relative complément de « inclination » : qui m'entraîne malgré moi ne fait que renforcer
l’impossibilité de la princesse de « raisonner » face à la passion qu’elle subit. Elle est
comme une marionnette dans les mains du destin.

(Pour illustrer ce moment, on peut relire la « carte du tendre » le fameux fleuve


inclination semble conduire tout droit la princesse vers la mer dangereuse).

- Vocabulaire de l’amour mêlé à celui de la guerre : « je suis vaincue », « résolution ».


- Le chiasme : ; je pensais hier tout ce que je pense aujourd'hui, et je fais aujourd'hui
tout le contraire de ce que je résolus hier. Souligne efficacement la situation
inextricable ( et tragique…) dans laquelle se trouve la princesse et également son
incapacité à se contrôler.

3) La délibération

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Cette réflexion progressive du personnage la conduit à une décision implacable : partir,
fuir la présence de celui qui suscite la passion.

L’obligation s’exprime doublement par le verbe « falloir » au présent dans l’indicatif :


répétition du verbe :

-Il faut m'arracher de la présence de monsieur de Nemours ;

-il faut m'en aller à la campagne,

- La subordonnée conjonctive circonstancielle d’opposition « quelque bizarre que


puisse paraître mon voyage » ;

- « et si monsieur de Clèves s'opiniâtre à l'empêcher ou à en vouloir savoir les


raisons » : subordonnée circonstancielle de condition

L’aveu est envisagé et repoussé.

9
Conclusion :

Passage représentatif du roman d’analyse classique.

Monologue analytique et délibératif.

Cet épisode fait prendre conscience à la princesse de Clèves des dangers de l'amour.
Elle mesure combien il peut faire souffrir, s'interroge sur ses propres intentions et
réalise qu'elle ne peut, malgré toutes ses résolutions, vaincre la passion. La fin du
passage en particulier rend compte de son état de passivité et de son impuissance face
à la passion amoureuse. Cela explique et justifie par avance la décision qu'elle prendra
à la fin du récit.

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1ère G / 2020-2021 / OBJET D’ETUDE n°2 : Le roman ou le récit du Moyen-Âge au XXIème
siècle
Séquence 2 : La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette

Explication linéaire 7 :

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1) Cherchez l’extrait dans l’œuvre et donnez-lui un titre


2) Numérotez les lignes de l’extrait
3) Cherchez les mouvements du texte
4) Préparez l’explication linéaire de détail
5) Rédigez une introduction pour une explication linéaire de cet extrait

Elle avait ignoré jusqu'alors les inquiétudes mortelles de la défiance et de la jalousie ; elle n'avait pensé
qu'à se défendre d'aimer monsieur de Nemours, et elle n'avait point encore commencé à craindre qu'il
en aimât une autre. Quoique les soupçons que lui avait donnés cette lettre fussent effacés, ils ne
laissèrent pas de lui ouvrir les yeux sur le hasard d'être trompée, et de lui donner des impressions de
défiance et de jalousie qu'elle n'avait jamais eues. Elle fut étonnée de n'avoir point encore pensé
combien il était peu vraisemblable qu'un homme comme monsieur de Nemours, qui avait toujours fait
paraître tant de légèreté parmi les femmes, fût capable d'un attachement sincère et durable. Elle trouva
qu'il était presque impossible qu'elle pût être contente de sa passion. "Mais quand je le pourrais être,
disait-elle, qu'en veux-je faire ? Veux-je la souffrir ? Veux-je y répondre ? Veux-je m'engager dans
une galanterie ? Veux-je manquer à monsieur de Clèves ? Veux-je me manquer à moi-même ? Et veux-
je enfin m'exposer aux cruels repentirs et aux mortelles douleurs que donne l'amour ? Je suis vaincue
et surmontée par une inclination qui m'entraîne malgré moi. Toutes mes résolutions sont inutiles ; je
pensais hier tout ce que je pense aujourd'hui, et je fais aujourd'hui tout le contraire de ce que je résolus
hier. Il faut m'arracher de la présence de monsieur de Nemours ; il faut m'en aller à la campagne,
quelque bizarre que puisse paraître mon voyage ; et si monsieur de Clèves s'opiniâtre à l'empêcher ou
à en vouloir savoir les raisons, peut-être lui ferai-je le mal, et à moi-même aussi, de les lui apprendre."

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