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LL4 Parcours associé Lucrèce Borgia Lucrèce, V.

Hugo

Introduction:

Amorce: Hernani ( 1830): inauguration du drame romantique / V. Hugo Lucrèce Borgia: drame
romantique
Lucrèce Borgia: Drame en prose qui se situe à Venise au XV e dont l'histoire est celle de Lucrèce
Borgia, comme l'écrit V. Hugo ds la préface: "Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus
repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le cœur d’une femme, avec
toutes les conditions de beauté physique et de la grandeur royale, qui donnent de la saillie au crime,
et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme
puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre monstre mettez une mère ; et le monstre
intéressera, et le monstre fera pleurer, et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme
difforme deviendra presque belle à vos yeux "
Ds la scène 4 de l'acte I le jeune soldat Gennaro est seul face à Dona Lucrezia, sa mère qu'il ne
connaît pas (elle porte un masque): celle-ci ne peut lui révéler son identité en raison de son passé
criminel, de la naissance incestueuse de Gennaro et de son appartenance à la famille Borgia.
Problématique: Ds quelle mesure cette scène de quiproquo entre une mère et son fils est-elle
annonciatrice d'une crise à venir?
Mouvements: lignes 1 à l. 15 : récit de l'enfance mystérieuse de Gennaro; Lignes 16 à 28 : le
spectateur assiste à la lecture de la lettre et découvre un personnage ambivalent; lignes 29 à la fin :
une scène pathétique

Lignes 1 à l.15 : une enfance mystérieuse de Gennaro

< Une enfance qui rappelle celle des héros de mythes (Oedipe, Rémus et Romulus, par exemple) : à
sa naissance, Gennaro a été confié à un pêcheur "élevé en Calabre par un pêcheur dont je me
croyais le fils" et découvre adolescent que celui-ci était un père adoptif "Le jour où j’eus seize ans,
ce pêcheur m’apprit qu’il n’était pas mon père." + Il découvre aussi un peu plus tard par une
lettre de sa mère qu'il est d'origine noble"noble et de grande race". + Il apprend l'art de la
chevalerie ( le courage, la bravoure, la fidélité, la compassion pour le plus faible, le peuple): "qui
m’arma chevalier" et part à l'aventure ( comme Perceval)"je me suis fait aventurier, parce qu’étant
quelque chose par ma naissance, j’ai voulu être aussi quelque chose par mon épée. J’ai couru toute
l’Italie."

< Une naissance qui demeure mystérieuse: Mystère autour de celui qui arme Gennaro "un seigneur
vint qui m’arma chevalier, et qui repartit sans avoir levé la visière de son morion."(casque): ce
seigneur garde son identité cachée puisqu'il ne relève pas son casque ( morion:) et qui ne s'attarde
pas d'où l'antithèse " vint" "repartit" dans la même phrase + un mystérieux messager qui le
premier jour de chaque mois lui apporte une lettre de sa mère " un homme vêtu de noir" "il ne me
dit rien, et je ne lui dis rien, parce qu’il est sourd et muet. ": relevons l'article indéfini "un" et le
pronom personnel "il" qui ne permettent pas d'identifier cet homme. + sa mère qui ne lui dit pas qui
elle est "sans me dire aucun nom "et qui ne se manifeste pas, dont on ne sait pas la raison pour
laquelle elle est " bien malheureuse" ( adverbe d'intensité "bien"renforce l'intensité de ce malheur)
+ sa mère qui semble veiller sur lui et tt savoir de son fils " Mais le premier jour de chaque mois,
en quelque lieu que je sois, je vois toujours venir le même messager": les verbes "vois venir"
présente presque le messager comme une apparition merveilleuse ( d'où vient-il?) d'autant qu' il ne
semble pas changer, c'est tjrs le même et que rien ne semble non plus l'empêcher d'accomplir sa
mission ( pas de retard...)

< La figure du héros romantique: un héros élevé à Calabre par un pêcheur alors qu'il est
d'origine"noble et de grande race" et devrait vivre à Ferrare ds le palais des Borgia + un héros
sensible et généreux qui éprouve un amour démesuré pour sa mère, malgré l'abandon (et sa
monstruosité morale qu'il ne connaît pas mais dont le spectateur a connaissance) : "Ma mère, que
j’adorais de toutes les forces de mon âme !" " Pauvre mère ! " "que je donnerais ma vie dans ce
monde pour la voir pleurer, et ma vie dans l’autre pour la voir sourire"( phrases exclamatives qui
traduisent son amour, hyperboles et sens fort du verbe adorer dont le sens premier est d'honorer
comme un dieu ou une déesse c'est dire si Gennaro vénère sa mère) + identité lacunaire " Je suis un
capitaine qui ne connaît pas sa famille"

Lignes 15 à 28 : la lecture de la lettre permet de découvrir un personnage ambivalent

< L'amour démesuré qu'éprouve Gennaro pour sa mère se mesure aussi par des gestes
symboliques:" Je les ai toutes là, sur mon cœur", " Il tire de sa poitrine un papier qu’il baise et qu’il
remet à dona Lucrezia.", "Il reprend la lettre, la baise de nouveau " ( la lettre devient presque un
objet de culte). + ces lettres le protègent de la mort, elles ont une fonction de talisman "Les lettres
d’une mère, c’est une bonne cuirasse." + Son amour s'étend à Dona Lucreziaqu'il croit compatire
avec sa mère " Ah ! Vous pleurez ! — Vous êtes bonne, madame, et je vous aime de pleurer de ce
qu’écrit ma mère."( interjection, exclamation, verbe aimer à relever)

< La lettre va permettre au spectateur d'entendre la voix de Lucrèce en tant que mère ( le spectateur
sait que Dona Lucrezia est la mère de G., il savoure le double sens de l'échange): le spectateur
découvre donc une femme sensible d'où le vocabulaire de l'affection: apostrophes qui parsèment la
lettre qui traduisent l'amour de Dona Lucrezia et le besoin de les répéter " mon Gennaro" " mon
enfant" " mon fils", hyperboles " tu es tout ce que j’aime sur la terre ; mon cœur se fond quand je
songe à toi" " tu as une mère qui t’adore". + le ton ému de sa lecture et le fait qu'elle n'a pas
besoin de relire la lettre qu'elle doit connaître si bien montre cet amour maternel: "Comme vous
lisez cela tendrement ! "On ne dirait pas que vous lisez, mais que vous parlez." + le fait qu'elle
doive s’interrompre pour éviter de pleurer devant son fils "pour dévorer une larme."(métaphore qui
révèle l'effort qu'elle fournit, le sacrifice qu'elle fait pr ne pas dévoiler son identité)

< Lucrèce apparaît comme un personnage ambivalent, double et traversée de contrastes: elle est
d'abord une femme de pouvoir qui règne ds un contexte (( Venise de la Renaissance sous les Borgia)
marqué par les violences politiques " Je suis entourée de parents sans pitié, qui te tueraient comme
ils ont tué ton père. ": Jean a été assassiné par son frère César car ts les 2 aiment leur soeur Dona
Lucrezia d'un amour incestueux ( Gennaro est le fils de Jean, le frère de sa mère) et les hommes de
Don Aphonse d'Este, le duc de Ferrare cherchent à assassiner Gennaro car il veut rétablir la
République: " tu ne connais pas les périls qui t’environnent comme je les connais ; qui sait ? Tu
voudrais les affronter par bravade de jeune homme, tu parlerais ou tu te laisserais deviner, et tu ne
vivrais pas deux jours. " . C'est une femme forte, elle protège son fils car elle pressent que sa haine
pr les Borgia éclaterait s'il connaissait le secret de sa naissance, elle le conseille donc d'où les verbes
à l'impératif présent "ne cherche pas à me connaître, mon Gennaro, avant le jour que je te
marquerai" "Contente-toi de savoir que tu as une mère qui t’adore et qui veille nuit et jour sur ta
vie."
Dona Lucrezia est aussi ds cette lettre, une femme qui as commis des horreurs ds son passé même
si celles-ci sont dévoilées indirectement " Le secret de ta naissance, mon enfant, je veux être la
seule à le savoir. Si tu le savais, toi, cela est à la fois si triste et si illustre que tu ne pourrais pas
t’en taire": antithèse "illustre" de par la lignée de sa naissance "triste" car amour incestueux; le fait
qu'elle ne donne aucune précision peut faire imaginer que sa naissance est secrète car honteuse et
indicible.
Lignes 29 à la fin : Une scène pathétique

< Une scène pathétique et tragique: l'amour démesuré de Gennaro pr sa mère s'exprime à nouveau:
Il la pense aussi vertueuse et généreuse. C'est pourquoi il s'oblige à être un héros vertueux pour être
digne d'elle malgré le contexte d'immoralité et d'hypocrisie qui règne sous le règne ds Borgia " Tout
ce que je fais, je le fais pour être digne de ma mère" au point de refuser d'entrer au service de
Lucrèce Borgia! " on m’a offert un gros enrôlement au service de cette infâme Madame Lucrèce
Borgia. J’ai refusé. " L'adjectif "infâme" est en opposition avec l'image qu'il a de sa mère. On
imagine son désespoir, lui si noble et intègre, qd il découvrira son identité: on peut parler d'ironie
tragique.

< La détresse de DONA LUCREZIA s'entend aussi: "Gennaro ! -Gennaro ! Ayez pitié des
méchants ! Vous ne savez pas ce qui se passe dans leur cœur. ": apostrophes répétés 2 fois qui
ressemblent à une prière, appel à sa pitié et à lire ds leur coeur. + On se rappelle les répliques où
elle exprimait son admiration pour la bonté et la loyauté de son fils "Noble nature !" " Bon
Gennaro ! " comme si elle avait honte de ses actions passées monstrueuses.

Conclusion:
Scène de quiproquo qui annonce une crise à venir.
Scène qui pose aussi de façon plus générale ds questions universelles: poids du secret, légitimité de
mentir à ceux qu'on aime et qui met en scène l'amour maternel rédempteur, qui répare les fautes.
Ouverture: rôle ds mères ds les crises familiales: Médée Corneille?
/ Poids du secret de Louis ds Juste la fin...?...
Objet d'étude: Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle

Parcours associé: Crise personnelle, crise familiale

GENNARO. (...) Je suis un capitaine qui ne connaît pas sa famille, j’ai été élevé en Calabre par un pêcheur
dont je me croyais le fils. Le jour où j’eus seize ans, ce pêcheur m’apprit qu’il n’était pas mon père. Quelque
temps après, un seigneur vint qui m’arma chevalier, et qui repartit sans avoir levé la visière de son morion.
Quelque temps après encore, un homme vêtu de noir vint m’apporter une lettre. Je l’ouvris. C’était ma mère
qui m’écrivait, ma mère que je ne connaissais pas, ma mère que je rêvais bonne, douce, tendre, belle comme
vous ! Ma mère, que j’adorais de toutes les forces de mon âme ! Cette lettre m’apprit, sans me dire aucun
nom, que j’étais noble et de grande race, et que ma mère était bien malheureuse. Pauvre mère !
DONA LUCREZIA. Bon Gennaro !
GENNARO. Depuis ce jour-là, je me suis fait aventurier, parce qu’étant quelque chose par ma naissance, j’ai
voulu être aussi quelque chose par mon épée. J’ai couru toute l’Italie. Mais le premier jour de chaque mois,
en quelque lieu que je sois, je vois toujours venir le même messager. Il me remet une lettre de ma mère,
prend ma réponse et s’en va ; et il ne me dit rien, et je ne lui dis rien, parce qu’il est sourd et muet.
DONA LUCREZIA. Ainsi tu ne sais rien de ta famille ?
GENNARO. Je sais que j’ai une mère, qu’elle est malheureuse, et que je donnerais ma vie dans ce monde
pour la voir pleurer, et ma vie dans l’autre pour la voir sourire. Voilà tout.
DONA LUCREZIA. Que fais-tu de ses lettres ?
GENNARO. Je les ai toutes là, sur mon cœur. Nous autres gens de guerre, nous risquons souvent notre
poitrine à l’encontre des épées. Les lettres d’une mère, c’est une bonne cuirasse.
DONA LUCREZIA. Noble nature !
GENNARO. Tenez, voulez-vous voir son écriture ? Voici une de ses lettres. Il tire de sa poitrine un papier
qu’il baise et qu’il remet à dona Lucrezia. — Lisez cela.
DONA LUCREZIA. lisant. "… ne cherche pas à me connaître, mon Gennaro, avant le jour que je te
marquerai. Je suis bien à plaindre, va. Je suis entourée de parents sans pitié, qui te tueraient comme ils ont
tué ton père. Le secret de ta naissance, mon enfant, je veux être la seule à le savoir. Si tu le savais, toi, cela
est à la fois si triste et si illustre que tu ne pourrais pas t’en taire ; la jeunesse est confiante, tu ne connais pas
les périls qui t’environnent comme je les connais ; qui sait ? Tu voudrais les affronter par bravade de jeune
homme, tu parlerais ou tu te laisserais deviner, et tu ne vivrais pas deux jours. Oh non ! Contente-toi de
savoir que tu as une mère qui t’adore et qui veille nuit et jour sur ta vie. Mon Gennaro, mon fils, tu es tout ce
que j’aime sur la terre ; mon cœur se fond quand je songe à toi… " Elle s’interrompt pour dévorer une larme.
GENNARO. Comme vous lisez cela tendrement ! On ne dirait pas que vous lisez, mais que vous parlez. —
Ah ! Vous pleurez ! — Vous êtes bonne, madame, et je vous aime de pleurer de ce qu’écrit ma mère. Il
reprend la lettre, la baise de nouveau, et la remet dans sa poitrine. (...) Tout ce que je fais, je le fais pour être
digne de ma mère. (...) Tenez, madame, on m’a offert un gros enrôlement au service de cette infâme Madame
Lucrèce Borgia. J’ai refusé.
DONA LUCREZIA. Gennaro ! -Gennaro ! Ayez pitié des méchants ! Vous ne savez pas ce qui se passe dans
leur cœur.
Hugo, Lucrèce Borgia (1833) Acte 1, scène 5

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