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Un amour perdu

L’auteur ,très attaché à sa mère ,raconte le deuil qu’il a traversé après


la mort de cette dernière. Dans cet extrait ,il revient sur sa jeunesse et
l’angoisse qui l’habitait à l’idée de perdre sa mère.

Dès mon jeune âge, j’ai vécu rongé par la peur de perdre ma mère .Le
moindre de ses retards vrillait mes nerfs car , immanquablement, je
l’interprétais de manière dramatique .Mille fois en ne l’entendant pas
rentrer je l’ai imaginée renversée par un train sur un passage à niveau-
puisqu’elle conduisait à la hussarde en multipliant les accrochages, je
tirais toutes mes hallucinations des accidents de la route.

Lorsqu’elle surgissait, alerte, chargée de provisions, déjà projetée sur


ses tâches suivantes-la lessive et le repas,elle ne soupçonnait pas le mal
qu’elle m’avait infligé .Si je me permettais une remarque bénigne,
genre, « tu as mis du temps »,elle s’exclamait avec ingénuité :

-Il faut bien que quelqu’un nourrisse les gens, dans cette maison.

Piteux, je me précipitais alors pour l’aider à porter ses paniers, à les


vider.

Elle ignora toujours à quel point je paniquais durant ses absences parce
que, parvenant à masquer mes frayeurs, je l’acceuillais avec un sourire
rasséréné qu’elle traduisait en sourire de bienvenue. Deux fois,
seulement, elle me trouva prostré, endolori, les yeux injectés de sang,
dans le hall éteint de la villa.

- J’étais inquiet, lui expliquai-je entre deux sanglots, incapable


d’arrêter le flot de larmes, à la fois rassuré et honteux.
Touchée, elle me consola avec des mots tendres en me caressent la
joue.

Ces peurs me fatiguaient, me brisaient, m’usaient. A force de les voir


démenties par les faits, je les estimais exagérées, sans réussir à les
repousser. […]

Par la suite, cette anxiété ne se volatilisa pas, mais emprunta des


formes plus succinctes, supportables…En abandonnant le foyer à vingt
ans, je m’acclimatai à une copieuse distance entre ma mère et moi, à
une moindre fréquence de nos rencontres. Cependant, après trois ou
quatre jours sans contacts, une bouffée d’affolement me secouait ; et
souvent, lorsque le téléphone sonnait, je tremblais fugacement qu’il
m’apprît une désastreuse nouvelle.

L’angoisse que ma mère meure habita ma vie.

Maintenant, c’est fini. Sa mort a tué la peur de sa mort.

Je n’appréhende rien.

Il était plus agréable de vivre avec une terreur d’anticipation qu’avec la


réalité du rien.
ERIC-Emmanuel Schmitt ,Journal d’un amour perdu.

Lexique :

A la hussarde : brutalement et sans attention.

Accrochage : petit accident.

Ingénuité : sincérité naïve.

Piteux : honteux.
Rasséréné : soulagé ,calme.

Prostré : triste.

Succinctes :courtes ,brèves.

S’acclimater :s’habituer.

Appréhender :s’inquiéter de quelque chose par avance.

Questions :

1- Quel pronom personnel désigne le narrateur dans le texte ? Que


peut-on déduire sur le genre du texte.

2- Comment le narrateur enfant attendait –il le retour de sa mère ?


Justifiez.

3- Quel est le champ lexical dominant dans le texte ? Relevez- le ?

Que peut-on déduire sur la relation du narrateur avec sa mère ?

4-Quelles sont les deux époques du souvenir auxquelles le narrateur


fait référence ? Connait-on son âge exact dans la première ? Et dans la
seconde ?

5-Relevez la phrase marquant le retour au moment de l’écriture ?Dans


quel état d’esprit se trouve le narrateur à ce moment ?

6-Relisez la dernière phrase du texte .Que révèle -t-elle sur l’état actuel
du narrateur, après la mort de sa mère ?
7-Relevez un verbe au temps simple exprimant le sentiment actuel de
l’auteur. A quel temps est-il conjugué ?indiquez la valeur de ce temps.
Production écrite :

Racontez à votre tour un épisode qui met en valeur un aspect de votre


relation avec un membre de votre famille lorsque vous étiez encore
enfant .Vous vous exprimerez à la première personne, vous utiliserez
l’imparfait et le passé simple pour évoquer le souvenir , ainsi que le
présent pour exprimer vos sentiments au moments de l’écriture.
Bon travail.

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