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Exemple dissertation critique (plan dialectique en deux paragraphes)

Sujet : Est-il juste d’affirmer que le personnage d’Alice, dans l’extrait (p. 75 à 90) de La petite fille qui
aimait trop les allumettes (1998) de Gaétan Soucy, nie son identité féminine ?

À la découverte de soi

SA La recherche de l’identité individuelle est l’un des sujets ayant nourri l’imagination des
écrivains postmodernes depuis la fin des années 1970. En effet, ceux-ci se concentrent sur l’étude de
l’individu, son isolement, ses origines, ses ambitions, etc. Le roman d’apprentissage postmoderne La
petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy, paru en 1998, est un bon exemple de roman
exploitant le thème de la quête d’identité individuelle à la suite d’un deuil. SP Le personnage d’Alice
y a une identité si confuse qu’on peut se demander si elle ne nie pas son côté féminin. SD Une analyse
approfondie du personnage dans l’extrait proposé permet d’observer que c’est partiellement le cas :
si elle se prend d’abord pour un garçon, sa rencontre avec le personnage de l’inspecteur lui révèle
graduellement sa féminité. (131 mots)

IP1 Il est vrai qu’Alice, au début de l’extrait tiré de La petite fille qui aimait trop les allumettes,
nie son identité féminine puisqu’elle se considère comme un garçon. IS1 Ainsi, la narratrice s’attribue
des caractéristiques physiques masculines. Quand elle se décrit, elle insiste par de nombreuses
répétitions sur le fait qu’étant jeune, elle avait un sexe masculin : « [...] je n’ai jamais voulu toucher à
mes couilles ou même seulement les regarder [...]. » (p. 79) La quantité de mentions concernant ses
supposés attributs masculins de même que l’apparente objectivité des observations conduisent le
lecteur à conclure qu’Alice ne se voit pas du tout comme une femme. IS2 De même, Alice parle d’elle-
même comme si elle était un garçon. Elle mentionne qu’elle est « petit » et qu’elle est « le plus
intelligent de[s] fils » lorsqu’elle rencontre Paul-Marie, l’inspecteur. L’accord des adjectifs au masculin
et l’utilisation du mot « fils » ne s’expliquent que par la vision masculine que la narratrice a d’elle-
même. IS3 En outre, Alice refuse d’être traitée comme une femme et d’être identifiée par les autres à
ce sexe. Lors de cette même rencontre avec l’inspecteur des mines, constatant avec surprise qu’il la
prend pour une fille, cette dernière réagit ainsi : « […] comme il me prenait toujours pour une pute, je
me senti obligé d’expliquer [...]. » (p. 78) En plus de l’accord du participe passé au masculin, il faut
noter l’utilisation du mot « pute » pour désigner la femme. La vulgarité du terme employé par la
narratrice montre la distance qu’elle installe entre l’image de la femme et la sienne. À cet instant, elle
ne se considère pas comme une pute et le choix du mot montre qu’elle ne veut pas faire partie de ce
groupe. MC On voit donc aisément qu’Alice se prend bel et bien pour un garçon, ce qui revient à dire
qu’elle nie son identité féminine. (303 mots)

IP2 Cependant, vers la fin de l’extrait, on sent un changement : Alice accepte de plus en plus
l’idée qu’elle est une femme. IS1 D’abord, on voit poindre une certaine confusion quant à la
transformation physique qu’elle aurait subie et qui expliquerait qu’elle n’ait plus son sexe masculin
malgré qu’elle soit un garçon. Ne pouvant se fier à ses souvenirs, Alice ne réussit pas à affirmer avec
certitude à Paul-Marie qu’elle est un garçon. Elle n’a pas de preuves tangibles le prouvant. Ses
expériences antérieures ne réussissent pas à la convaincre et elle se met à douter de sa masculinité :
« […] je ne les [ses couilles] ai vraiment senties en fait qu’à partir du jour où je les ai perdues [...]. »
(p. 79) La confusion entourant cette « perte » montre qu’elle doute un peu de sa réelle appartenance
au sexe masculin. IS2 Un autre élément portant à croire qu’Alice se sent une femme est le désir
profond, une forme d’attirance sexuelle, qu’elle éprouve pour les hommes. Elle est attirée, sans savoir
pourquoi, par l’inspecteur des mines. Elle désire être près de lui, l’écouter parler, le toucher, le sentir,
etc. Ces désirs physiques et psychologiques, qui sont ceux d’une femme pour un homme, la poussent
à aller vers l’inspecteur : « [...] mes dents mordillaient sa joue et je léchais son nez, son front, ses
paupières, ses cheveux débordant de mes mains. » (p. 83) L’auteur énumère les actions d’Alice, créant
un effet d’accumulation qui confirme la spontanéité des gestes et qui révèle les pulsions féminines
d’un personnage découvrant sa vraie nature à cet instant précis. Cette nouvelle identité féminine qui
se révèle à Alice s’inscrit dans la quête identitaire des récits postmodernes. IS3 Par ailleurs, à la fin de
l’extrait, la narratrice consent à écrire et parler d’elle comme si elle était une femme : « [...] je vais
appliquer aux mots le genre des putes et les accorder en conséquence [...]. » (p. 85) Alice emploie
d’ailleurs plusieurs participes passés accordés au féminin comme « réfugiée » (p. 85) et « étendue »
(p. 86). Ce changement linguistique confirme qu’elle ne nie plus son identité féminine, qu’elle
l’accepte finalement, malgré quelques réticences que l’usage du mot « pute » fait sentir. MC Bref, au
contact de Paul-Marie, Alice prend progressivement conscience de sa féminité, qu’elle ne nie plus
catégoriquement à la fin de l’extrait. (381 mots)

R En somme, le refus de reconnaître son identité véritable est présent chez Alice dans l’extrait
de La petite fille qui aimait trop les allumettes, mais on ne peut affirmer qu’elle nie totalement son
appartenance au sexe féminin. S En effet, si le personnage de Soucy affirme d’abord être un garçon
qui en aurait les attributs physiques, peu à peu, avec sa rencontre du personnage de l’inspecteur, une
série d’éléments s’alignent qui la font douter qu’elle en soit un et qui lui font finalement accepter son
identité féminine. O Ce thème de la quête identitaire, typique de la postmodernité à laquelle ce roman
appartient, peut être modulé de plusieurs manières. De nombreux auteurs de cette époque ont choisi,
à la différence de Soucy, de l’aborder à travers des personnages d’immigrants, par exemple Sylvain
Trudel dans Le souffle de l’harmattan ou la Néo-Québécoise Ying Chen dans ses Lettres chinoises. (145
mots)

965 mots

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