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• Première page des mémoires de Suzanne fonctionne comme une préface selon la dé nition
d’Henri Mitterand ( cf grammaire du discours préfacier)
• Brouillage temporel :
• Présent de l’écriture : « je peins une partie de mes malheurs »
• Présent parfait de l’œuvre achevée : « j’ai pensé que l’abrégé qui les termine »
• Avenir immédiat
• Importance des déictiques → ouverture fonctionne comme un mode d’emploi
• À la fois préface et post-face → semble écrit après la rédaction de l’ouvrage
• Paradoxe : P1 prépondérante dans le roman, mémoire est ici rejetée dans l’anonymat d’une
personne secondaire après le destinataire. Elle sort progressivement de cet anonymat, 6
pages plus tard, on connaît son nom dans la bouche de la Supérieure de Ste-Marie
Objectif : reconstituer pour le lecteur l’illusion de Suzanne à qui on révèle sa bâtardise.
• Cérémonie de prise des habits assimilée au marquage de bétail, détournement ironique d’une
image biblique
• E ets d’ironie tragique
• Suzanne semble n’avoir d’identité que par les discours d’autrui
• Marquis de Croismare en gure du père idéal, contre-point du spectre démultiplié des mères de
substitution
• Références à la Passion du Christ nombreuses → subversion d’un passage de la guérison du
paralytique dans L’Évangile selon St-Jean quand la Supérieure de St Eutrope manifeste son
désir pour Suzanne : « Écartez seulement un peu la couverture, que je m’approche, que je me
réchau e et que je me guérisse »
• Suzanne cherche à prouver que quand elle a prononcé ses vœux à Longchamps , elle était dans
un état d’aliénation qui les rend nuls.
• Place occupée par le marquis excède celle du simple destinataire dans le roman-mémoire →
hypertrophie du destinataire pris à partie. Volonté de Suzanne de l’amener à l’action, écriture qui
doit mettre en mouvement et donc émouvoir, jeu sur le pathos. On s’attendrait à voir le marquis
a ecté grammaticalement à la P2, or, il apparaît dans l’incipit sous la forme de P3, destinataire
qui confond en lui des catégories énonciatives dont la distinction fonde la possibilité de la
communication. On peut supposer qu’il y a un autre destinataire di érent du marquis
mari : le lecteur. Le
destinataire a un tel pouvoir qu’il occulte le récit de la narratrice : ce qui fonde son récit est
l’hypothétique réponse du marquis. Destinataire postal (marquis) # destinataire au sens
moderne (lecteur)
• Notion de « lecteur visé » chez Wol : Croismare est l’idée du lecteur telle qu’elle est formée
dans l’esprit de l’auteur
• Croismare n’occupe pas tout le champ de la réception → lecteur implicite qui pallie les erreurs
d’interprétations de Croismare, lit ce qui lui est illisible
• Lecteur implicite déjoue les stratégies d’ironie et de mauvaise foi
• Destinataire émis à contribution pour actualiser certaines virtualités du texte, c’est à lui de
donner une cohérence aux symptômes de la Supérieure perçus par le regard naïf de Suzanne
qui la met à l’abri de l’obscénité, c’est au lecteur de prendre en charge l’obscénité du passage.
Bon lecteur, celui qui saurait avoir des moments d’absence comme la narratrice ?
• Roman-mémoire
mémoires au passé, mais irruption du présent dans des pauses méta-narratives où la
narratrice s’adresse à son destinataire. Destinataire très intégré au récit, inscription dans un
présent éternel et duratif. Improbable dans un roman mémoires
mémoire : emploi du futur, projection dans
l’avenir et l’attente de la réponse du destinataire.
• Pré gure du type littéraire de la victime innocente, pathos donne à la narratrice le pouvoir du
chantage.
• Danger encouru par Suzanne métaphorise le danger encouru par Diderot de se voir enfermé
non dans un couvent, mais à la Bastille
• Description d’un cauchemar avec hallucinations, images obsédantes et symboles
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Notes bibliographiques sur La Religieuse de Diderot
« LE STYLE DE DIDEROT », DANS SOIXANTE ÉTUDES SUR LE STYLE DE TEXTES FRANÇAIS DE LÉO SPITZER
→ Rq générales :
- rythme qui s’accélère emporté par une vague de passion
- lucidité de Diderot sur le caractère unique de son style
- décrit un individu hors de lui-même, approche de Diderot basée sur le sensuel
- Philosophie de la mobilité // mobilité corporelle
→ Passage dans lequel la Mère Supérieure plaint les misères passées de Suzanne et lui exprime
son désir (Suzanne n’en a pas conscience dans sa grande naïveté).
« Les méchantes créatures ! les horribles créatures ! il n’y a que dans les couvents où l’humanité puisse s’éteindre à ce
point. Lorsque la haine vient à s’unir à la mauvaise humeur habituelle, on ne sait plus où les choses seront portées.
Heureusement je suis douce ; j’aime toutes mes religieuses ; elles ont pris, les unes plus, les autres moins de mon caractère,
et elles s’aiment toutes entre elles. Mais comment cette faible santé a-t-elle pu résister à tant de tourments ? Comment tous
ces petits membres n’ont-ils pas été brisés ? Comment toute cette machine délicate n’a-t-elle pas été détruite ? Comment
l’éclat de ces yeux ne s’est-il pas éteint dans les larmes ? Les cruelles ! serrer ces bras avec des cordes !… » Et elle me
prenait les bras, et elle les baisait. « Noyer de larmes ces yeux » Et elle les baisait. « Arracher la plainte et le gémissement de
cette bouche !… » Et elle la baisait. « Condamner ce visage charmant et serein à se couvrir sans cesse des nuages de la
tristesse !… » Et elle le baisait. « Faner les roses de ces joues !… » Et elle les attait de la main et les baisait. « Déparer cette
tête ! arracher ces cheveux ! charger ce front de souci !… » Et elle baisait ma tête, mon front, mes cheveux… « Oser
entourer ce cou d’une corde, et déchirer ces épaules avec des pointes aiguës !… » Et elle écartait mon linge de cou et de
tête ; elle entrouvrait le haut de ma robe ; mes cheveux tombaient épars sur mes épaules découvertes ; ma poitrine était à
demi nue, et ses baisers se répandaient sur mon cou, sur mes épaules découvertes et sur ma poitrine à demi nue. »
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