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Baccalauréat Technologique

Session 2023

Épreuve : Epreuve Anticipée de français

Durée de l’épreuve : 4 heures


Coefficient : 3

PROPOSITION DE CORRIGÉ

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SUJET 1
COMMENTAIRE LITTERAIRE TEXTE DE THEOPHILE GAUTIER

Romancier, poète et nouvelliste du 19ème siècle, Th. Gautier écrit ici un récit
particulier, étrange et novateur :
Un récit fantastique : quand le souvenir se situe aux frontières du réel

1) Un récit rétrospectif subjectif : l'auteur use de ressources grammaticales qui


renforce la crédibilité malgré le bizarre par :
- Pronom personnel « je » ->récit à la 1ère personne > subjectivité propre du récit
fantastique renforcée par l’état fébrile du narrateur !
- émotionnellement➔ sentiment de peur partagé avec son ami Sérapion, concernant
la damnation de son âme. Champ lexical de la peur avec une gradation : « que ses
craintes et mes terreurs »
-modalisation omniprésente : « croire »…

2) Ambiguïté : souvenir réel ou souvenir rêvé


➔ Récit met en place une atmosphère trouble —> souvenir défini comme un rêve
par le narrateur
MAIS le doute est permis avec cet aller-retour onirisme-réalisme.
➔Métaphore du sommeil :
-c’est par la boisson que Clarimonde droguera Romuald pour lui prendre un peu de
sang, anticipation sur le récit à venir !?
-Mythologie : sommeil, Hypnos - le frère jumeau de Thanatos, personnification de la
Mort, —-> le droguant pour l’endormir, Clarimonde rapproche Romuald de la mort !
-Sommeil préfigure l’arrivée d’une autre personnification de la mort ! Clarimond

3) Une aventure singulière


➔ Narrateur > cherches termes adéquats — son aventure sort des cadres de la
raison,
—> difficulté à la nommer autrement que par « rêve ».
•Champ lexical de l’insolite : « singularité », « inexplicable », « aventure » (ce qui
doit arriver, destinée)
« Une chose remarquable, c’est que je n’éprouvais aucun étonnement d’une aventure
aussi extraordinaire, et, avec cette facilité que l’on a dans la vision d’admettre
comme fort simples les événements les plus bizarres, je ne voyais rien là que de
parfaitement naturel. »
•Champ lexical de la merveille, de la monstruosité (réactivation étymologique),
vocabulaire mélioratif, hyperbolique, dénotant la fascination du personnage! :
« remarquable », « aussi extraordinaire ».
•Dualité de la perception se perçoit par les antithèses « les plus bizarres »/ «
parfaitement naturel »

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II. La dualité du personnage vampirique

1) La morte vivante : ici Gautier met en exergue la ruse, les révélations


propres au fantastique
•Ch. lexical obscurité >> mort : « l’ombre » - fantôme d’un défunt revenu chez les
vivants, menace de l’obscurité, de la mort
•PARADOXE vivacité qui caractérise les actions de Clarimonde ≠ Romuald reste
passif, elle est debout ≠il est allongé —> Elle domine sa proie.
• Ombre revenant d’entre les morts, elle apporte la lumière ➔ champ lexical de la
lumière : « lampe », « lueur » toujours associé à celui de la mort « tombeau », «
blancheur opaque », « fraîcheur ».

2) La dangerosité de la femme fatale associée à l’apparence innocente d’une


jeune fille fragile et prémonitoire d'un amour tragique
• Portrait de Clarimonde > fragile et innocente « petite main », « si blanche »
(intensif), « comme honteuse » (comparaison). ————> La vision subjective du
narrateur occulte totalement la dangerosité de cette visite.
•Onomastique du prénom > dualité : « clarté » / pureté, « immonde » / dangerosité
•Image mythique : la sirène – envoûte par sa voix sa victime pour l’attirer et la tuer :
« puis elle me dit en se penchant vers moi avec cette voix argentine et veloutée à la
fois que je n’ai connue qu’à elle »
➔ A nouveau, à la fin de son discours, la voix, le langage qui charme et qui manipule
« charmant babil », associé ici à l’innocence de l’enfance >Dualité du personnage.
Au moment de l’écriture des années après, il ne peut la voir comme une tentatrice !
« La pauvre enfant malgré tout ce que j’en ai vu, j’ai peine à croire encore que ce fût
un démon ; du moins elle n’en avait pas l’air, et jamais Satan n’a mieux caché ses
griffes et ses cornes. »
➔Hypocoristique de l’exclamation «! la pauvre enfant » =>>atténuation de la
véritable nature de Clarimonde. > vulnérable, prise en pitié.
➔ répétition du terme « pauvre », d’abord utilisé par Clarimonde (« le dedans de
mes pauvres mains ») puis repris par Romuald ! —> EFFET MIROIR -> lien spécial
entre les deux
3) La morte amoureuse : une héroïne fantastique qui semble aspirer l'homme
•Titre de la nouvelle > ambivalence.
•➔ Accumulation de négations pour rendre compte métaphoriquement de la mort : «
ni… ni » ; « point de… »
Pour confondre et envoûter le lecteur autant que le personnage Gautier utilise :
➔ L'Erotisme dans le jeu des perceptions, le tissu qui dissimule dévoile, suggère bien
plus, « seulement l’éclat vert de ses prunelles était un peu amorti, et sa bouche, si
vermeille autrefois, n’était plus teintée que d’un rose faible et tendre presque
semblable à celui de ses joues »
➔Erotisme par la description précise des parties de son visage, laissant percevoir
fascination et désir.
Mais le tragique se mêle à ce désir, cette ruse :
——-> Eros et Thanatos sont lié
Ainsi Th. Gautier entre dans la lignée de Poe, Baudelaire et ses "spleen". En
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associant onirisme, amour tragique et envoûtant il hypnose le lecteur autant que son
personnage damné.

SUJET 2
TEXTE SUR RABELAIS
1/ CONTRACTION DE TEXTE
On relèvera les idées clés et les idées secondaires pour la contraction :
-la littérature doit ouvrir, permettre de comparer voire douter, s'enrichir pour sa
personnalité en tout état de cause
-Les parents sont responsables et ne doivent nier ce statut.
-Il est capital de permettre l'accès de l'adolescent à son identité propre de futur
adulte à son tour responsable. La lecture doit stimuler l'autonomie
-Il faut accepter, favoriser même, l'expression par un regard critique, de ses
convictions qui le construiront
-L'école est loin d'être le seul outil, la culture générale, favorisée par l'éducation, les
moyens de communication doivent aider à établir sa vision du monde au jeune
apprenant

2/ ESSAI
Avec Rabelais, comme Rousseau, Alain il est intéressant de s'interroger sur le sens
que nous souhaitons donner à l'Education de manière intemporelle mais aussi en des
temps troublés, de crise qui se répète hélas de tous temps. De plus l'Education
entretient forcément un dialogue, une confrontation avec les modernités, techniques,
mœurs, habitudes diverses et moyens de communication évolutifs.
A la base :
Avec L'auteur de Gargantua nous pouvons définit plusieurs axes :
Maîtrise du temps ; une organisation efficace
• Le temps est objet de planification, gestion et concordance entre éducateurs et
éduqués.
-> juxtaposition d’activités généralement dissociées, hiérarchisation des occupations
personnelles et collectives, concomitance.
• Le temps est rythmé.
Mais il ressort des impératifs :
- Le maître est consacré à l’élève
• L’élève est l’objet de tous les soins. Comme l'auteur il s'agit de favoriser • Le dialogue
et
-> La parole du maître attentionnée montre la proximité avec l’élève
• La récréation est aussi à ne pas négliger :
-> Même pendant la récréation, l’élève apprend éducation ludique
-> Apprendre dans la liberté, selon son envie
-> Variété et diversité. Ainsi le jeune
Comme Rabelais, Montaigne, Rousseau, il semble être une clé de promouvoir
- Un programme humaniste
• Une journée exemplaire valeur d’habitude)
• Un monde de géants, modèles : les géants incarnent la grandeur de l’homme à
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l’image de celle de Dieu.
• Curiosité passionnée soif d’apprendre et grandeur des aspirations
• Opposition avec l’éducation médiévale trop unilatérale
Il faut favoriser la lecture, l'ouverture sur la condition humaine = mise en pratique de
la théorie.
. Développement de l’esprit

- La place de la lecture = transmission de la parole


Lectures saines et intellectuelles.
- La diversité des matières. Par exemple :
• Les mathématiques (astronomie arithmétique géométrie la musique=l’esprit
• La médecine= le corps
- La diversité des méthodes L’observation
• La mémoire cf. champ lexical répété
• La lecture et l’écriture (commentaire oral puis leçon)
• Les exercices (nombreux et variés).

III. Le soin du corps


. DL'éducation, l'écoute du corps :
- L’hygiène très détaillée (d’où l’importance des gestes quotidiens)
Energique
• Soignée
• Régulière (elle rythme la journée = le plaisir lié à la propreté comme prône
Rabelais
- L’alimentation
• Le repas= Pour réparer ses forces et non par envie, moment de convivialité.
La nourriture y est saine
- L’exercice physique
• Après ou avant les heures d’étude :
• Sports très variés. Insistance sur la liberté : plusieurs alternatives
• La promenade

Conclusion
On trouve dans cet extrait du chapitre 23 de Gargantua une grande opposition
avec l’éducation médiévale des chapitres précédents. Il s’agit de susciter par
l’échange constant entre le maître et l’élève le désir d’apprendre. Rabelais prône une
pédagogie axée sur le dynamisme. En cela il reste très moderne

SUJET 3
TEXTE SUR LA BRUYERE
1/CONTRACTION DE TEXTE
Autour de l'idée ou les idées principales bien identifiées on déclinera les idées
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déduises :
-la physiognomonie est un point de départ de l'étude de soi et des autres la
sculpture, la peinture ont alimenté cette dérive de l'étude centrée uniquement sur le
physique, la morphologie
-il faut attendre les Lumières pour dépasser l'étude, la catégorisation par la simple
apparence
-mais la psychologie vient tempérer les jugements fondés seulement sur le paraître
-devant les confusions nées à la forme, l'expression du visage devenues arbitraires
dans leurs seules analyses Lavater oppose la beauté morale à la beauté physique
-ainsi c'est surtout l'action, le réalisé qui permet de mieux connaître une personne
sans la réduire

2/ ESSAI
Tout texte est indissociable de son auteur, sa vie, sa vision du monde comme disait
Sartre.
Les Caractères est la grande œuvre de La Bruyère, qu'il n'a cessé, jour après jour, de
compléter, d'augmenter, de rectifier. Au cœur des seize livres qui
composent Les Caractères, offrent une peinture colorée de la vie en société à la ville
et à la cour. Mais l'auteur s'arrête-t-il aux portraits physiques.
I. L'œil du moraliste : des portraits sans concession
Une galerie de portraits individuels
Les Caractères peuvent tout d'abord être perçus comme une série de portraits
individuels, peints « d'après nature » (préface). Tout comme dans l'œuvre originelle
dont s'inspire La Bruyère, Les Caractères de l'auteur grec Théophraste, avec La
Fontaine par ses fables influencées par Esope, le grec, ces portraits individuels
peuvent représenter des « types » comme le flatteur, l'impertinent, le courtisan, etc.
Mais le portrait individuel peut aussi être un portrait « à clef » qui, pour décrire un
type, partira d'un modèle (re)connu de tous. Le physique introduit dès lors le mental,
le caractère au sens propre.
Un portrait d'ensemble de la société du XVIIe siècle
À travers ces portraits, mais aussi grâce aux autres sortes de « remarques », selon le
terme employé par La Bruyère pour qualifier son texte (préface), c'est un portrait
d'ensemble de la société du XVIIe siècle que brosse l'auteur, ménageant contrastes,
parallèles et gradations. Ainsi croque-t-il les « partisans » (« Des biens de fortune »),
les « courtisans » dans le (« De la cour »), les « grands », princes et autres gens de
haute naissance (« Des grands »). Aux contrastes sociaux s'ajoutent et se mêlent des
contrastes géographiques, comme ceux entre la ville et la campagne ou entre la ville
et la cour.
La Bruyère immortalise à la fois les évolutions de son siècle, comme l'ascension des
gens fortunés au détriment de la noblesse, et des traits caractéristiques de son
époque, de coutumes comme celle des jeunes mariées recevant leurs visiteurs sur
leur lit durant les trois premiers jours de leur mariage. La Bruyère fixe ainsi des traits
pour mieux les infléchir. Il part du visage pour aller au général

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II. Un portrait pour instruire et corriger
La mise en scène de la dualité des apparences
La Bruyère exprime clairement son projet d'écriture dans la préface de son livre : «
[le public] peut regarder avec loisir ce portrait que j'ai fait de lui d'après nature, et s'il
se connaît quelques-uns des défauts que je touche, s'en corriger » ; « on ne doit
parler, on ne doit écrire que pour l'instruction ». Aussi l'auteur signale-t-il la dualité
des apparences pour mieux faire comprendre à son lecteur ce qui se joue en
coulisses. L'image répandue du theatrum mundi (« le théâtre du monde ») revient en
effet à plusieurs reprises, comme avec la remarque 25 du livre VI sur les cuisines.
Mais la dualité des apparences peut également être épinglée à travers un caractère,
comme celui de Théodote, comédien-né (remarque 61, livre VIII), ou à travers un
discours dont La Bruyère explicite avec humour les sous-entendus, comme s'il
traduisait une langue étrangère (remarque 37, livre IX). En dénonçant mensonge et
hypocrisie, La Bruyère entend amener son lecteur à un plus haut degré de lucidité ; il
critiquerait aussi les abis des réseaux sociaux superficiels

Comme l'écrivain rappelons ainsi toute l'importance de savoir manier et décrypter les
mots et images, figures dans une société où ils étaient et sont souvent décochés
comme des flèches. La profondeur mérite plus d'attention et de pluralité d'analyse.

SUJET 4
TEXTE SUR OLYMPE DE GOUGES
1/CONTRACTION DE TEXTE

En partant de la volonté principale de l'auteure, des idées argumentées


subordonnées se dessinent, s'affirment :
-la femme est restée longtemps un esclave de son statut, sans caractère officiel, ce
qui est plus pernicieux
-ainsi le système patriarcal issu de l'Ancien régime a empêché toute libéralisation de
la femme
-les auteurs répandent ou montrent par leurs critiques (Stendhal) l'absence de
reconnaissance de génie féminin
-cette répartition est bien d'origine de genre, basé sur le sexe et développé par la
condition sociale différente
-Michelle Coquillat va jusqu'à exposer une dictature mâle dans la culture jusqu'à la
Révolution
-comme toute résistance ces femmes créatrices doivent se cacher sous pseudonymes
pour une reconnaissance de leur œuvre
-des Goncourt, à Rimbaud, en passant par la création du prix Fémina au début du
siècle les luttes, souterraines, se sont accumulées, violentes
-par l'édition (La Pléïade), les prix littéraires, selon des auteurs comme Yourcenar,
Duras, petit à petit ces femmes cachées se révèlent et leurs génies enfin trouvent un
regard qui leur rend justice
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2/ ESSAI
[Introduction]
Lorsque Olympe de Gouges écrit en 1791 sa Déclaration des droits de la femme et
de la citoyenne, elle pose un geste fort au cœur de l’ébullition révolutionnaire : elle
répond à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en la pastichant
et en la réécrivant pour appeler les membres de l’Assemblée à aller au bout de leurs
revendications égalitaires, sans abandonner les femmes sur le bord du chemin.
Quelques décennies plus tard, Flora Tristan, elle aussi engagée dans la lutte pour les
droits des femmes, écrit : « J’écris pour que vous sachiez ; je crie pour que vous
entendiez ; je marche en avant pour que vous connaissiez la route. » Avec cette
affirmation, elle se présente à la fois comme autrice, oratrice et guide. Une telle
posture peut, de toute évidence, s’appliquer à la démarche d’Olympe de Gouges. Il
convient dès lors de se demander comment se déploie chez elle un tel projet. On
verra d’abord en quoi l’incarnation du combat par son autrice lui donne de la force,
avant de voir quelles finalités sous-tendent ce combat : éveiller les consciences en
dénonçant les inégalités, puis montrer la voie pour permettre un monde plus
égalitaire.
[Développement]
On peut remarquer, dans la littérature d’idées, une adéquation récurrente entre
l’écrit, la parole et l’action des autrices et auteurs militant pour l’égalité. La vie et
l’œuvre d’Olympe de Gouges l’illustrent parfaitement. On ne peut qu’être
impressionné par la prodigieuse énergie qu’elle a déployée, constamment et sans
relâche, pour défendre ses idées et mener ses combats. Celle qui se dit « contente
d’avoir servi dans l’obscurité la cause du peuple » l’a fait en mobilisant une palette
variée de formes de la littérature d’idées : lettres, essais, brochures, pétitions,
déclaration ou encore pièces de théâtre. Elle y sert la cause du peuple en général,
mais aussi celle des femmes et des Noirs en particulier.
Quant à l’avocate Gisèle Halimi, elle a non seulement défendu les droits des militants
de l’indépendance de l’Algérie mais aussi ceux des femmes, notamment dans la lutte
pour l’accès à l’avortement, ce qu’elle relate dans Une Farouche Liberté (2020).
Ainsi, le projet d’une autrice qui proclame : « j’écris », « je crie », « je marche en
avant » est sous-tendue par sa parole, sa voix et son corps engagés dans la lutte
qu’elle porte

Mais si cette parole se fait entendre avec tant de force, c’est qu’elle cherche à
produire un effet, qu’elle affiche son but, qu’elle exhibe sa dimension pragmatique,
c’est-à-dire son souci de réussite. Olympe de Gouges aurait pu dire avec Flora
Tristan : j’écris et je crie « pour que vous sachiez », tant elle avait à cœur d’éveiller
les consciences en dénonçant les inégalités.
Dans sa préface « Féminitude » au livre Les femmes qui écrivent vivent
dangereusement (2007), Laure Adler s’autorise une projection comparable. Par une
évocation au présent presque allégorique du destin des femmes qui écrivent, elle
montre la difficulté qui est la leur de trouver leur place et leur langue dans un monde
qui n’est pas fait pour elles. Mais le texte ne s’arrête pas à l’évocation de ce
cheminement des femmes autrices dans leur histoire passée et présente : il se
projette aussi dans un avenir proche et souhaitable dans lequel les femmes autrices
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marqueraient le monde de leur empreinte, et qui trouveraient un écho auprès des
femmes lectrices, désireuses de les protéger pour recueillir leur parole éclairée. Le
futur est aussi le temps qui clôt la lettre de Maryse Condé à Emmanuel Macron après
la prise de parole de ce dernier sur la colonisation. Elle retrace son propre
cheminement intérieur : celui d’une fillette qui grandit en Guadeloupe, abreuvée de
littérature classique française, et qui découvre un jour, dans un livre d’Aimé Césaire,
qu’elle est « une colonisée ». Cette découverte la convainc d’aller en Afrique où elle
fait la douloureuse expérience d’indépendances décevantes. Installée actuellement
en métropole, elle constate que la Guadeloupe ne se porte pas toujours très bien.
Perplexe devant tant de violences et de souffrances, elle suspend son jugement et
tourne son regard vers un avenir rêvé « où les hommes se rappelleront qu’ils sont
des frères et seront plus tolérants. Ils n’auront plus peur les uns des autres, de celui-
ci à cause de sa religion ou de celui-là à cause de la couleur de sa peau, de cet autre
à cause de son parler. » Elle veut « croire » dans cet avenir et garder les yeux fixés
sur cet horizon désirable.

[Conclusion]
Le projet d’Olympe de Gouges épouse parfaitement la forme de celui qu’a formulé
Flora Tristan. Toutes deux ont, comme d’autres autrices ou auteurs, incarné leur
engagement auquel elles ont consacré leur vie, et qui a trouvé son expression dans
une écriture qui établit un dialogue avec les communautés qu’elles interpellent.
Gouges, les autrices et auteurs qui combattent pour l’égalité ont fondé leur combat
sur la nécessité d’abord d’éveiller les consciences en dénonçant les inégalités, puis
d’esquisser des pistes d’émancipation, de donner un éclairage tout en légitimant le
combat. L’Histoire a donné raison à Olympe de Gouges en abolissant l’esclavage en
1848 et en accordant le droit de vote aux femmes en 1944 et, si l’égalité (sociale, de
genres, de sexualités, de peuples) n’est pas encore atteinte actuellement, on peut
voir dans la proposition de faire entrer cette figure solaire au Panthéon en 2013 une
reconnaissance de la justesse de son engagement.

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