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Nuit blanche

Hélène Dorion
Vers l’équipe de l’intime
Thierry Bissonnette

Numéro 73, hiver 1998–1999

URI : https://id.erudit.org/iderudit/19310ac

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Éditeur(s)
Nuit blanche, le magazine du livre

ISSN
0823-2490 (imprimé)
1923-3191 (numérique)

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Citer cet article


Bissonnette, T. (1998). Hélène Dorion : vers l’équipe de l’intime. Nuit blanche,
(73), 15–18.

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Hélène Dorion

Par
Thierry Bissonnette

En assumant une charge importante dans le domaine


de l'édition et en favorisant l'oralité poétique à
travers des enregistrements et des lectures publiques,
Hélène Dorion travaille à protéger toujours plus la

I
l est difficile de prétendre zone d'ineffable qu'elle et les poètes du clair-obscur
rencontrer un poète, alors que ses
cent cartes de visite l'incarnent déjà refusent de voir banalisée comme toute autre production.
dans chacun de vos sens, langage y
compris. Comment pourra-t-il
bien se présenter à la suite de sa propre
parole et des évocations qu'elle a su poète, « Sans bord, Sans rivage, Sans leur substance, directement dans le tissu
générer ? Et comment vous approcher par figure1 », quand son activité l'écartèle de la voix où ils ont leur origine. « Enten-
ce seul échange de cet îlot de phrases aux entre réel, possible, enfance et pouvoir ? dre les poètes lire leurs textes permet aux
migrations profondes et complexes ? gens de toucher à cette voix à l'intérieur
De surcroît, l'émetteur du poème est « Le p o è t e j e t é d'eux, affirme-t-elle, ce qui n'est pas si
aussi un être imprévisible et toujours aux chiens2 » évident dans le monde où l'on vit. »
inconnu, parfois « illuminant » dans ses Autrement, la rencontre peut facilement
répliques, à un autre moment soumis à Cette fugacité de la personne et surtout ne pas avoir lieu, différée par la tentation
l'absurdité du quotidien. Mais avec un du poétique, Hélène Dorion doute qu'elle biographique ou les généralisations rela-
trop grand bagage d'attentes, on risque soit souvent rendue par le discours des tives à la théorie, à l'histoire littéraire.
d'oublier que le poète est là pour colla- médias de communication sur la litté- « Le problème des étiquettes, dit encore
borer à notre initiative de connaissance, rature. Pour elle c'est davantage, outre la Hélène Dorion, c'est que ça ferme les
jouer comme il peut avec nos velléités lecture, l'écoute des textes lus par leurs mots, alors qu'en poésie on travaille à les
d'être intense. Cependant, où est-il, le auteurs qui peut nous faire approcher de ouvrir, à les rendre féconds. »

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La prêtresse répercussion et recherche, phrase enva- U n e sagesse
et l'enfant hissante et habitation de la phrase. Dans de l'amour
la caverne où est située notre conscience
La façon qu'a Hélène Dorion de partager et que parsèment les faits bruts et les faux Sans bord, sans bout du monde, le
l'indicible, si elle n'est pas elle-même pas de l'histoire, la création est réponse précédent recueil d'Hélène Dorion, tra-
entièrement indicible, participe de la à une exigence de vérités incarnées, duisait déjà plus vigoureusement que
délicatesse dans la manipulation des d'une nécessité qui paradoxalement jamais cette quête d'équilibre au cœur du
traces laissées de l'origine. S'exprime à sera pressentie par une liberté qui la fourmillement chaotique des choses. Elle
l'origine l'application naïve (au sens de modèlera. décrit ce livre comme un « chemin de
l'art naïf) à traduire, sur les murs d'une « Le seul fait d'être poète et d'écrire de réconciliation entre limites contradic-
grotte ou ailleurs, une interrogation natu- la poésie revient à s'opposer au monde tel toires, entre fini et infini, jusqu'à un
relle pour une conscience en situation qu'il est, déclare Hélène Dorion, mais la commencement sans commencement ».
ambiguë. Toujours suspendue dans poésie est aussi un
l'espace entre étonnement, terreur et travail de lucidité
enchantement. [...] Lorsqu'on vit
Dans Les murs de la grotte, le trop dans la cer-
titude et dans l'ab-
H é I è n
deuxième livre qu'Hélène Dorion publie
aux éditions de La différence, se trouvent sence de question-
ainsi auscultés de concert le monde des nement, on perd sa
signes, l'univers physique, la réalité capacité à aimer ;
personnelle et une humanité plus large. parce qu'aimer c'est
Quelques textes publiés en édition bilin- être dans ce trem-
gue allemand / français sous le titre La blement, cet ébran-
caverne de l'histoire avaient donné un lement, cette capacité à questionner. » En fait, c'est à un véritable recommen-
aperçu de cette quête aux accents qui Rarement voit-on se conjuguer ainsi cement à l'intérieur de son œuvre que
rappellent les philosophes présocratiques, rigueur et fragilité, désir de savoir et l'on assiste depuis Un visage appuyé
eux-mêmes proches de la poésie, quête besoin de sentir. « Ce n'est pas si facile contre le monde, paru en 1990, mais écrit
d'une parole première sous la surface d'être fragile », tient-elle d'ailleurs à postérieurement aux États du relief
emmêlée des différentes paroles, où souligner. Devenir en quelque sorte une (1991) qui présentaient un choix de textes
l'accès au monde serait donné sous forme autorité dans le champ poétique tient tout inédits plus anciens. Depuis, l'importance
de fissure dans le tourbillon opaque des entier dans cette complexité, celle d'un accordée au quotidien, inspirée entre
apparences. ton où l'assurance modulée de la prêtresse autres par Michel Beaulieu, a diminué, et
« J'ai commencé à écrire, et c'était se trouve, au détour, hachurée par l'an- le combat contre le non-sens et l'im-
situé du côté de l'histoire humaine, à goisse d'une enfant devant le souffle glacé probabilité d'une direction solide a été
partir de cette image de la grotte qui de l'inconnu à défricher. C'est pourquoi, recouvert par un vent d'espérance à
évidemment évoque Lascaux, Platon, la si le caractère intime de ses textes ne les l'instinct sûr, au-dessus des tourments,
naissance de l'écriture, la main, etc. Je me rend jamais strictement personnels, qui dorénavant se prêtent à la maîtrise.
suis demandé : comment est-ce que le l'exhortation ouvertement collective qui Cette sorte de « paix dans les brise-
commencement de l'univers résonne en pointe dans les derniers écrits d'Hélène ments », selon un titre d'Henri Michaux,
moi, à une échelle humaine et indi- doit sa sérénité à une incarnation encore
viduelle, dans un questionnement de plus grande, dont les racines rejoignent
l'origine. Père, mère, ne sont pas limités le passage qu'elle
ici. Ils viennent des premiers êtres et de effectua autrefois de
leurs vertiges apparentés au mien. Il la philosophie à la
s'agissait d'éprouver la poésie comme littérature, à l'instar
moyen de connaissance, au même titre de nombreux écri-
que la paléontologie, grâce à l'imagination vains ou artistes.
créatrice qu'a évoquée Einstein entre « J'étudiais la phi-
autres dans des déclarations dont on a losophie, et la ren-
encore fait trop peu de cas. » contre indirecte
Chez Hélène Dorion, l'inscription avec Bonnefoy m'a
scripturaire, l'image, sont à la fois un révélé toute une
commencement et une résonance partie inactive de
ininterrompue à travers les générations moi-même. En
passées et à venir. C'est peut-être pour- sa compagnie j'ai
quoi, rattrapant l'écho de préoccupations mis plusieurs
sans âge précis, elle atteint à une prox- années - et
imité indéniable avec celui qui écoute, se quelques livres !
faisant le catalyseur d'une voix à ce point - à découvrir
étrangère qu'elle retrouve le chemin du Dorion s'accompagne inversement d'une qu'on ne ré-
familier. « Cela » parle, tout bonnement, humilité qui tient à la précarité du sout pas une
inépuisable et, comme elle le dit, définitif: pouvoir poétique. « Précarités du jour » absence au monde : on l'habite. J'ai cessé
plus question d'oublier la mince brèche aussi, comme Jean Tortel titrait un de ses de rechercher un pourquoi pour travailler
effectuée par le poème dans notre dérive livres en 1991, puisqu'il ne s'agit somme dans un comment. »
quotidienne. L'attitude poétique, depuis toute pour le faiseur de vers que de On saisit là, du moins, la raison des
toujours chez les humains confrontés au ces « Noces de l'absolu et du passager3 » références faites aux philosophes grecs et
manque et à l'inconnu, est donc à la fois où le risque s'immisce. du positionnement du poète en un lieu

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où les concepts ne cessent de naître et où non dogmatique, mais féconde en échan- « Chacun va, dans sa caverne
la moindre constatation émotive fait force ges. Les contacts avec l'étranger, la coé- d'enfant
d'universel, dans une sorte de berceau dition, les traductions ont permis à une retrouve les ombres animées
commun des diverses facultés de l'esprit. optique plus universelle de se dévelop- d'oiseaux, de poissons
Pour Hélène Dorion, nul besoin de per. « La poésie québécoise est très appré- de reptiles sur les murs
séparer de façon exclusive l'inspiration, le ciée dans la francophonie. On a cette ses jeux de sable et d'eau
travail, les sens, la raison. Plutôt : les capacité d'être lus ailleurs, de déborder qui emplissaient l'univers.
intégrer dans l'alternance et dans un des frontières, qui n'existent pas de toute
projet de retour aux accès premiers de la façon. Je pense que la poésie doit travailler [...] « Tu regagnes le fond de
conscience à elle-même dans le monde, et en dehors des frontières. Je n'accorde pas l'enfance
mener le regard critique vers une pureté une importance centrale à la France par où chacun est loin, si loin dans son
amoureuse difficile à atteindre, mais dont exemple. » monde
Si elle apprécie de figures éphémères.
chez La différence
un milieu chaleu- « Comme chacun, tu lutteras aux
reux et vivant mal- portes de la caverne
gré la taille de contre le reflet qui s'y glisse encore. »

D o ! o n l'entreprise, Hélène
Dorion n'a cessé de
multiplier ses con-
Les murs de la grotte, La différence, p. 51.

« Quelques traits sur le mur de la


tacts avec d'autres grotte
éditeurs. Pour elle, les couleurs de la bête
publier inclut la la forme visible de la vie;
il ne saurait se passer. « À ce stade-ci responsabilité d'assumer un constant en ce mouvement le monde a
l'humanité a besoin de choses comme la métissage de perspectives, ce que les commencé.
poésie, entre autres pour nous restituer traductions de son œuvre lui ont aussi
notre capacité à aimer, souvent oubliée, apporté. « C'est très important pour moi « Par le silence et la nuit
qui est le fondement, sous toutes les de rencontrer des poètes de langue la gravité du noir, la terre
formes qu'elle peut prendre, de notre étrangère. Être traduite évidemment ouvre dans les mains qui tâtonnent ;
présence au monde. » des avenues intéressantes. En plus de par les galets, l'eau, les fruits
l'espagnol et du roumain j'ai été traduite l'oiseau secouant l'espace
L'édition en finnois en 1997, dans un ouvrage col- et le bruit des pas incertains
c o m m e poésie lectif, et en portugais. La traduction aide à nous avons commencé. »
voir comment la misère humaine, la Les murs de la grotte, La différence, p. 9.
Depuis qu'elle fait partie des éditions du solitude peuvent être les mêmes partout. »
Noroît comme directrice littéraire, Le résultat de cette ouverture, de la
Hélène Dorion s'est imposée comme une création d'un espace propice à l'élabora-
personnalité incontournable de l'édition tion d'un chant détaché des aspects trop
québécoise de poésie ; on lui reconnaît circonstanciels ou anecdotiques, a attiré
une vision large, non limitée dans l'espace ou conservé au Noroît des auteurs che- mule de tels essais, pense-t-elle participer
ni dans le temps et une influence considé- vronnés. L'accompagnement, la complici- à cette collection un jour, y devenant la
rable sur les jeunes auteurs et certains de té qu'ils y retrouvent sont aussi recherchés. première voix féminine ? « Pour moi ça
leurs devanciers. Chez les poètes du Complice d'importance pour la poétesse, doit dormir longtemps, mais... » Il sera
Noroît d'ailleurs, toutes générations Paul Bélanger, codirecteur littéraire et fine sans doute intéressant de voir cet esprit
confondues, se reflète l'importance de la plume (il faut lire Fenêtres et ailleurs !), nous livrer sa conscience d'une pratique
quête du sens, l'abstraction et l'ironie ne avec qui se poursuit une interaction qui dont on sait qu'elle a pu la hisser à la
comptant guère chez eux parmi les ingré- semble capitale : « On a un rapport à la hauteur de ses propres lectures.
dients du poème. La poésie métaphysique poésie qui est le même. On se relance,
des Rainer Maria Rilke, René Char et Yves s'interroge mutuellement, on s'échange Publier, taire
Bonnefoy trouve ici ses continuateurs, ce des doutes et des certitudes, ce qui est
qui comporte un risque, un certain man- extrêmement fécond. Ensemble, on veut C'est en conjuguant la fraîcheur d'in-
que de relief. Il est toutefois rare que la créer un lieu où les auteurs soient en vention et une attentive observation de la
cohérence éditoriale soit poussée aussi confiance et sentent l'amour qu'on a pour création poétique, ici et à l'étranger,
loin, qu'elle rallie autant de voix sans se la poésie et le désir qu'on a de la servir ; qu'Hélène Dorion a su se frayer un
rigidifier à outrance. Cela tient, explique car c'est cela en fait, faire de l'édition, de la chemin jusqu'à la particularité de son
Hélène Dorion, à un travail d'équipe même façon qu'un auteur sert la poésie. » chant. Issue de l'écriture féministe et d'un
rigoureux : les manuscrits sont étudiés en Un des fruits de cette collaboration est recentrement sur le vécu quotidien et
commun et soumis à une épuration qui la pertinente collection d'essais litté- personnel, elle est devenue une de ces
vise l'honnêteté la plus stricte. « J'essaie de raires « Chemins de traverse », à laquelle voix hors des courants et des modes, une
faire en sorte que mon travail d'édition et sont venus contribuer par leurs réflexions voix qu'on veut imiter dans ce qu'elle a
mon travail de poète s'entre-nourrissent, des poètes aussi importants que Jacques d'inimitable et d'inédit. Car elle a en
souligne Hélène Dorion. Ça a été, depuis Brault, Fernand Ouellette et Pierre quelque sorte répondu à l'exhortation de
sept ans, dans une continuité naturelle Ouellet. Dans un style imagé et libre, Claude Gauvreau de rechercher « l'impré-
avec mon engagement en poésie. » l'écriture et l'art, repensés de l'intérieur, visible et l'inimitable », pour lesquels « il
Comme quoi une activité aussi solitaire s'expriment dans une réflexion qui n'existe pas d'indications4 ».
que l'écriture peut déboucher sur la devient à son tour œuvre d'art. Hélène
Dorion, qui au cours des années a accu- « Je crois que la poésie témoigne du
participation au travail d'une confrérie, pouvoir du silence. Elle travaille dans ses

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bords. La parole et le silence ensemble, « La Terre inquiète sait : pas d'arrêt même diffuser cet effet, qui est durable,
c'est peut-être ce qui fait ce qu'on appelle depuis le premier sursaut de la profond et irréversible. » Peut-être
le chant de l'être : sa parole nourrie de son matière serait-il donc temps de jauger l'écriture,
silence. Écrire c'est écouter. C'est-à-dire — la première écluse ouverte les œuvres et les événements en fonction
avoir à faire silence. Pas un isolement, le sang se m i t à t o u r n e r de leurs répercussions plutôt que de leur
mais une autre dimension de la parole. » dans les veines de l'univers — et composante spectaculaire, souvent
C'est d'ailleurs en deçà du silence que se jusqu'à ce jour assimilable à de la publicité ou à un
situent les descriptions que l'on aimerait nourri par le m ê m e souffle. orgasme vite fait.
faire d'une poésie qui s'est trouvée. « Et
plus inexprimables que tout sont les « II n'y a pas d'arrêt, et chaque Éloge d e l ' i m p r é v u
œuvres d'art, ces êtres secrets dont la vie atome le sait
ne finit pas et que côtoie la nôtre qui qui dessine dans l'espace Véritable vigneron de l'âme, le poète
passe », disait encore Rilke dans ses le contour incertain d u temps. » conjugue patience et fulgurance, sachant
fameuses Lettres à un jeune poète. Les murs de la grotte, La différence, p. 10. construire une juste densité de l'attente.
Collaboratrice de longue date à de Cette préparation attentive du terrain,
multiples revues - elle a fait ses débuts Hélène Dorion s'y adonne avec généro-
avec l'équipe d'Estuaire alors à Québec -, « Le poème va
sité, dans un projet qui dépasse les limites
Hélène Dorion cherche à contribuer à vers l'inavoué.
de ses sentiers personnels. À l'écoute de
toutes les actions qui construisent des ses mots comme de ceux des autres, elle
passerelles entre les divers niveaux du « C o m m e une voix
tâche d'atteindre cette zone de contact où
poétique, entre les écrivains et le public. enfin entendue
ils partagent l'émergence d'un regard
Elle se plaît particulièrement à exploiter de ce qui t r e m b l e en nous. »
neuf, ouvert largement sur l'avenir. « Je
le médium de la « lecture-spectacle », Les murs de la grotte, La différence, p. 20.
crois à l'inspiration. Mais il y a différents
surtout depuis ses récitals avec Denise types de travail dans l'écriture : avant et
Desautels, ramenant le texte vers l'oreille après. L'inspiration est aussi une forme
dans des lieux aussi contrastés qu'une d'accomplissement, d'arrivée d'un travail.
église et un centre d'incarcération. « Quel v e n t porte la joie Marcher, écouter de la musique, visiter
Alternances, enregistrement réalisé sous ses ailes une galerie, un spectacle, toutes des
en compagnie de Denise Desautels et de recueille nos tremblements ? choses qui peuvent faire que l'inspiration,
Violaine Corradi, est un des moments sorte d'écoute, peut être possible. Ensuite,
forts de la collection « Poésie / Musique » « C o m m e n t trouver la lumière c'est vraiment cela, une écoute. Sentir ce
du Noroît, un autre de ses enfants chéris. qui nous jette en nous-mêmes ? que veut un texte, où ça veut aller. »
C'est d'ailleurs grâce à ce volet que nous jette loin derrière Reste à apprendre à entendre à notre
avons pu entendre Jacques Brault lire ses les déchirures, les manques tour cette écoute du poète qui remonte
œuvres, de même que des poètes dits de la d o n t o n ne sait se défaire. aux gestes picturaux du paléolithique. Ce
relève. Plus récemment, des voix venues qui ne peut être qu'une interprétation des
de toutes les maisons d'édition y ont « Puisque nous venons d u silence héritages de sources diverses dont chaque
élaboré Autour du temps ; pour ce disque nous devons retourner pensée, chaque geste sont issus, que le
compact, une quinzaine d'auteurs ont fait labourer le silence d ' u n autre poème y soit en acte ou dans une de ses
cadeau d'un texte inédit sur le thème du monde. nombreuses et nécessaires latences. •*__»
temps, une manière différente de com-
prendre la poésie québécoise moderne. Ils « Un jour il f a u t cesser de demander
sont nombreux depuis quelques années à la parole ce qu'elle ne sait.
ces disques qui tentent de rapprocher la Alors l'ange approche à nouveau
poésie de l'oralité et de la musique ; il est un m u r m u r e se fait entendre
clair que des attentes nouvelles existent à qui ouvre les ailes de chaque chose. »
1. Titre de sections de Sans bord, sans bout du
cet égard. Hélène Dorion mise plutôt sur Les murs de la grotte,
monde.
les médiums où un contact assez direct La différence, p. 38-39. 2. Titre emprunté à un recueil d'Yves Roy, paru
et plus chaleureux est maintenu. L'auto- aux Herbes rouges en 1992.
route électronique, la télévision, lui 3. Les murs de la grotte, p. 84.
semblent secondaires pour diffuser une « Certaines lettres plus que
4. Claude Gauvreau, « Lettre à un fantôme », La
activité qui demande à la fois une pré- Barre du jour, n° 17, juillet-août 1969, p. 344-362.
d'autres nous d e m e u r e n t illisibles,
sence forte, mais discrète, et une retenue se dressent entre des voix contraires, Hélène Dorion a publié : L'intervalle prolongé I
féconde, un espace où le poème peut se cherchent sans l'atteindre une La chute requise, Le noroît, 1983 ; Hors champ, Le
recomposer. Si on l'interroge sur le critère origine. Ainsi cette phrase, enfermée noroît, 1985 ; Les retouches de l'intime, Le noroît,
selon lequel le nombre d'acheteurs et de dans des milliers d'enveloppes, 1987 ; Les corridors du temps, Écrits des Forges, 1988
consommateurs viendrait obligatoire- — je vous aime — dédiée à la folie, et 1991 ; La vie, ses fragiles passages (épuisé), Le dé
ment valider une pratique culturelle et si au désastre, à un train qui s'éloigne. bleu, 1990 ; Un visage appuyé contre le monde, Le dé
l'on suggère que, dans la profusion De telles phrases, répétées à l'infini, bleu / Le noroît, 1990, 1991, 1993 et 1997 ; Le vent,
actuelle, les effets indirects de certains jamais répétées. le désordre, l'oubli, L'horizon vertical, 1991 ; Les
champs restreints ont leur importance, états du relief, Le dé bleu / Le noroît, 1991 et 1993 ;
Hélène Dorion répond : « Il y a une L'issue, la résonance du désordre, Prix de la Société
« C o m m e des questions posées au des écrivains canadiens et Prix du Festival
liberté et une rigueur qui peuvent surgir m o n d e , quelques mots, les plus
de la petite échelle à laquelle le poète doit international de poésie de Roumanie, L'arbre à
simples toujours, séjournent au paroles, 1993 et Le noroît, 1994 ; Sans bord, sans
souvent travailler. Le pouvoir de la poésie f o n d des lettres, a t t e n d e n t q u ' o n bout du monde, Prix Alain-Grandbois de l'Académie
est là : dans une personne vraiment les saisisse doucement. » des lettres du Québec, La différence, 1995 ; Les murs
atteinte, qui s'en retourne changée et va delà grotte, La différence, 1998.
Les murs de la grotte, La différence, p. 67.

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