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Corrigé du DS de Tanguy VIEL, Article 353 du Code pénal

fin de séquence (éd. de minuit, 2017)


Extrait
support du
commentaire
Introduction
• Même si Tanguy VIEL avait déjà publié
aux Ed. de minuit l’Absolue perfection
du crime et Paris-Brest, c’est Article 353
du code pénal qui le fait vraiment
connaître du grand public. Ce court
roman présente la descente aux enfers
de la famille Kermeur, et la traduction de
ce dernier devant le juge d’instruction
qui doit examiner la disparition de
Lazenec, un promoteur immobilier sans
scrupules.
• Notre extrait en milieu de roman, début
de la 2e partie, montre un Martial
Kermeur dépassé par la délinquance
naissante de son fils Erwan et sa vie de
couple et de famille en pleine
déliquescence.
Mouvements, projet de lecture
1er mouvement : lignes 1-12, le narrateur rumine l’échec de son mariage. Il est un
simple anti-héros quitté par sa femme comme tant d’autres, gagné par le pathos.
=> le lecteur éprouve de la pitié pour ce pauvre type.

2e mouvement : ligne 12 – 24, le narrateur plonge dans une introspection à la fois


tragique et poétique. => le lecteur peut éprouver une forme d’admiration pour ce
combattant du quotidien, ce Sisyphe prolétaire.

On comprend que le récit de son échec conjugal lui permet un retour sur
expérience, et lui confère une capacité à penser, une épaisseur qu’il n’a jusqu’à
présent jamais eues. Ce récit constitue finalement une chance pour notre anti-
héros de devenir un héros paradoxal.
Mouvement 1: Kermeur victime aux yeux du lecteur
• Domination de sa femme sujet de tous les verbes, propulsée en début des
propositions: « elle pense », « elle a commencé », « elle n’a jamais compris
ça »
• Insistance, martèlement qui le pose en victime autoproclamée « c’est de
ma faute » (x3) (et faute avouée, à moitié pardonnée…)
• Langue française heurtée, rupture de construction qui trahit l’émotion mais
aussi la vulnérabilité sociale du narrateur : « ça a correspondu, qu’au
moment où… » et légère incorrection de la langue « de ma faute »
• Fragilité dans les modalisations « en tout cas », « visiblement », « je crois »
• Écrasement sous le poids du quotidien, accumulation des mentions
d’objets et d’éléments du mobilier : « cheminée », « vitres », « aspirateur »,
« salon », « journal », « canapé »
• Tentative d’échapper à sa condition et à ses responsabilités en se cachant
derrière le « on » et le « nous » généralisant (glissement d’identité dans
l’enallage, aussi) dans « on devient insupportables » et « elles nous trouvent
vite insupportables »
Mouvement 2 : l’introspection et la métamorphose du
protagoniste (d’anti-héros en héros paradoxal)
• À partir de la ligne 12, miroir obsédant qui prend toute la place, désigné à
répétition par « miroir » (l. 13, l.13, l.16 et l.22) signe de son importance
inévitable (le personnage a forcément rendez-vous avec lui-même) ou par
métonymie, par la matière dont il est composé, le « verre » l. 18 et 22), désigné
aussi par un synonyme, la glace (l. 21) et enfin par son effet physique, le
« reflet » (l. 15 & 22). Le champ lexical de la vue est dominant, avec « voir »
(l.17), regarder (l.18) et se refléter (l.20) et tend vers de plus en plus de
conscientisation, du verbe de sensation désignant la simple faculté (« voir ») au
verbe renvoyant à la concentration sur l’objet (« regarder ») au pronominal qui
engage l’auteur de l’action (« se refléter »).
• Miroir essentiellement passif : « piqué », « opacifié », « pâli », « trompé » comme
le héros dans un premier temps (« pris », « happé »)
• Héros réduit à n’être que des parties de lui-même, par synecdoques: « le
visage », « le cerveau »
• Peu à peu, le héros affronte sa condition, avec deux fois dans la dernière
phrase de l’extrait la structure fondamentale sujet + verbe d’état « je suis » =>
identité peu à peu recouvrée du moins admise dans la prise de conscience.
Conclusion
• [BILAN] Une scène qui permet au héros de sortir de la confession au juge pour virer à
l’aveu à lui-même. On assiste ici au gain en profondeur du héros qui se révèle donc alors
qu’il est au pire moment de sa vie.
• [OUVERTURE] Tanguy VIEL, L’absolue perfection du crime (2001, 20062) (Minuit, coll. « double »)
Quand la porte de ma cellule s’est ouverte ce jour de mars, j’ai descendu l’allée de platanes jusqu’au
carrefour, et j’ai attendu sous les vitres de l’arrêt de bus, que le n°72 freine à ma demande, d’un signe
de la main, et qu’il s’arrête.
Dehors j’ai pensé, il suffit de claquer des doigts et on arrête un bus plein. J’ai trouvé une place assise
en face d’une vieille dame ; elle a baissé les yeux à force que je la fixe, c’est-à-dire à force que j’aie
qu’on n’observe pas les gens comme ça. Alors j’ai regardé la ville défiler dehors, les nouvelles
boutiques installées là, les nouvelles voitures que j’avais vues à la télévision, les Mercedes qui avaient
changé de forme, et les fringues plus droites sur les costumes des hommes. Il y avait le soleil qui
donnait sur les trottoirs, sur les vitres, dans le bus, et je voyais mon visage mal rasé réfléchi par le
verre, en surimpression, je voyais l'âge pris par les rues et mes cheveux mal coupés, ma peau fatiguée
sans soleil, et j'ai fait les comptes dans ma tête, je me suis demandé : pour les chiens on multiplie par
sept mais pour les années de taule, c'est par combien ?
Ouverture bis.
Le miroir,
prétexte à
l’introspection

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