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En effet, le poème se présente d’une part comme une véritable argumentation dans le
but de pousser Marquise à céder aux avances de Corneille. Ce dernier tente de persuader la
jeune femme à la fois en lui rappelant le temps qui passe et sur lequel elle n’a pas d’emprise,
et en vantant ses propres mérites. De ce fait, Corneille affirme sa supériorité sur Marquise en
se présentant triomphant du temps qui passe. Les connecteurs logiques expriment cette
apparente contradiction et participent à la stratégie argumentative que l’auteur déploie :
« cependant » (V.13), « mais » (V.18), « quoiqu’un » (V.30). Comme Ronsard, il affirme
avec force que son nom passera à la postérité : « Pour n’avoir pas trop d’alarmes / De ces
ravages du temps. » (V.16) et met ainsi en valeur la pérennité de la figure du poète. D’autre
part, la célébration de son pouvoir passe également par le chantage qu’il exerce sur la jeune
femme. En effet, l’utilisation des pronoms personnels dans le poème, alternés de la même
façon que les temps passé et futur, montre bien la victoire de Corneille. Ainsi, le chiasme
grammatical aux vers 11 et 12 met en relief la domination du poète sur la femme courtisée :
« on m’a vu ce que vous êtes / vous serez ce que je suis. ». Plus, loin dans le texte, le
chantage est plus explicite et la menace, construite en gradation ascendante, de plus en plus
directe : « Et dans mille ans faire croire / ce qu’il me plaira de vous » (V.23-24) appuyé par
« Chez cette race nouvelle / où j’aurai quelque crédit / vous ne passerez pour belle / qu’autant
que je l’aurai dit. » Il semblerait alors que le chantage soit le suivant : cédez à mes avances et
votre jeunesse sera éternellement préservée grâce à mon pouvoir de poète. N’y cédez pas, vos
attraits passeront et l’on vous oubliera. De plus, la dernière strophe, introduite par le conseil à
l’impératif adressé à Marquise « pensez-y » (V.29), clôt le poème en consacrant la gloire de
Corneille et sa supériorité : « comme moi. » (V.32). En somme, bien loin de l’idéalisation de
l’amour traditionnel ou de la célébration de la femme aimée, c’est en réalité lui-même que le
poète célèbre ici.
Enfin, ce poème de Corneille "Stances à Marquise" est marqué par une évidente
volonté de se venger, qui se justifie sans doute par le dépit du poète. Ayant été éconduit,
l'auteur dévalorise Marquise en mettant en avant ses propres qualités, notamment la grandeur
que lui confère son statut de poète. Pour ce, il a recours au motif du Carpe Diem, qu'il
détourne à son avantage.
On retrouve ici le même motif et le langage quelque peu provocateur de Ronsard dans
son célèbre sonnet adressé à Hélène : "Quand vous serez bien vieille..."