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Objet d’étude : La Poésie du XIXe au XXIe siècle.

Parcours : Alchimie poétique : La Boue et l’Or.


Objectif : Groupement de textes
LA : Guillaume Apollinaire, « Le Pont Mirabeau », Alcools (1912)

Le poète et son recueil : Recueil majeur de Guillaume Apollinaire, il se situe entre tradition et
modernité. Apollinaire est le précurseur de la poésie surréaliste et de l’«esprit nouveau » du XXème
siècle, il bouleverse les codes poétiques traditionnels et se fait chantre de la modernité.
D’une part, son recueil aborde des thématiques lyriques traditionnelles comme le voyage (dans la
section intitulée « Rhénanes » inspirée par son voyage en Allemagne), l’amour (notamment sa
relation avec la peintre Marie Laurencin), le souvenir, la nostalgie, l’écoulement inéluctable du
temps linéaire et fatal. D’autre part, il annonce le mouvement surréaliste en bouleversant les codes
poétiques traditionnels (suppression de toute ponctuation de son recueil), en abordant des thèmes
modernes (les milieux urbains et plus particulièrement la ville industrielle) et en offrant à voir des
images insolites.
L’œuvre est inclassable puisqu’on y retrouve aussi les influences du Romantisme, du Symbolisme et
du Cubisme en peinture (à travers un assemblage de poèmes disparates). Elle est une véritable
jonction entre l’ancien et le nouveau.

Deuxième poème du recueil, Le Pont Mirabeau évoque la rupture du poète avec la peintre Marie
Laurencin et la nostalgie d’un amour passé qui donne lieu à l’inspiration poétique.

Problématique : comment Apollinaire transforme-t-il l’échec amoureux en réussite artistique ?

Le poème est constitué de quatre mouvements :


I- Le caractère impermanent de la relation amoureuse/La nostalgie d’un amour passé.
II- La permanence du sentiment amoureux.
III- La souffrance de l’absence.
IV- Le passage inexorable du temps mais la permanence indubitable de la poésie.

Mon introduction :
Développement :

I- Le caractère impermanent de la relation amoureuse/La nostalgie d’un amour passé


(v. 1 à 6)

- Le « pont » est un symbole d’union de deux êtres (mais aussi du passé et du présent, de l’Ancien
et du Moderne). Toutefois, le poète recourt à l’image du pont pour évoquer la rupture amoureuse.
- La préposition « Sous » au vers liminaire renvoie à un schème descendant qui dirige le regard sur
l’eau : « coule la Seine », métaphore liquide du temps qui passe.
- La conjonction de coordination « Et » révèle un temps destructeur qui emporte les amours avec lui.
- Face à ce pouvoir ravageur du temps, le déterminant possessif « nos » tente de recréer un lien
avec la femme aimée.
- Le verbe « que je m’en souvienne » ainsi que l’adverbe « toujours » inscrit l’amour dans la
temporalité du passé par le biais de l’imparfait « venait », reléguant l’union avec cette femme dans
un passé révolu et mettent en scène une continuation désormais rompue.
- Cet état des choses est appuyé par la tournure impersonnelle : « Faut-il qu’il m’en souvienne »,
qui connote un effacement des deux êtres au détriment du temps.
- Le champ lexical du temps dans le distique « nuit ; heure ; jours » renvoie à une temporalité qui
réduit tout à néant. Ce distique est d’ailleurs répété quatre fois dans le poème. Il fait figure d’un
refrain, voire d’une prière, d’une invocation au temps.

II- La permanence du sentiment amoureux (v. 7 à 12)

- Si l’amour disparaît, le poète et son sentiment perdurent. Cette permanence est révélée par le
verbe au présent « je demeure » (à la fin du vers 6) qui met l’accent sur une immuabilité.
- Dans ce deuxième quatrain, le poète semble rester maître du temps, comme le souligne le champ
lexical de la permanence : « demeure ; restons ; éternels ».
- Les répétitions « Les mains dans les mains », « restons face à face » créent un effet miroir,
dessinant deux êtres amoureux qui se reflètent l’un l’autre en recréant l’image d’un amour
réciproque.
- L’hypallage « sous le pont de nos bras » instaure une correspondance entre les sentiments et le
paysage qui se veulent inchangeables.
- La sonorité qu’on entend dès le début dans « Pont » retrouve son écho dans l’assonance en [ON] :
« restons ; pont ; onde » qui vient renforcer l’image du pont et par extension, le parallélisme avec
les bras.
- Cette harmonie suggérée se trouve toutefois brisée par le connecteur d’opposition « Tandis que »,
l’adjectif péjoratif « lasse » exprimant la mélancolie ainsi que l’effet miroir qui ne serait qu’un
miroitement dans l’eau de la Seine, le tout illustrant l’illusion et la fragilité de cet amour.
III- La souffrance de l’absence (v.13 à 18)

Le troisième quatrain enchaîne avec le thème de la solitude et de la mélancolie.


-La comparaison « L’amour s’en va comme cette eau courante » et la reprise anaphorique «
L’amour s’en va » sur le ton catégorique du présent de vérité générale, sonnent comme un
aphorisme, voire une sentence : la fuite inéluctable du temps est pareille à la fuite inexorable de
l’amour.
-La paronomase à la rime des vers 15-16 : vie est lente/violente et la diérèse « vi-o-lente » insistent
sur la douleur du poète qui met fin à son ultime espérance. Cette dernière se traduit par une
tentative désespérée de s’opposer à la continuité du courant qui emporte son amour, une tentative
qui se solde par un échec.
-L’allégorie « L’Espérance » constitue une référence intertextuelle au poème « Spleen IV » du
recueil Les Fleurs du Mal de Baudelaire : « où l’Esperance comme une chauve-souris / S’en va
battant de son aile timide ». Personnifiée et qualifiée par la brutalité « violente », cette « Espérance
» se transforme ainsi en un opposant, voire un bourreau. Dès lors, par le biais de cette
intertextualité, Apollinaire exprime son propre mal-être, à l’instar du spleen baudelairien.

IV- Le passage inexorable du temps mais la permanence indubitable de la poésie (v.19 à 22)

-Le champ lexical du temps est omniprésent : « jours ; semaines ; temps passé », il renvoie à une
obsession incurable du poète par le temps.
-Cette obsession est confortée par le polyptote « passent ; passent ; passé » qui rappelle la régularité
des aiguilles d’une horloge.
-La double négation « Ni…Ni… » (v.20-21) montre l’impossibilité de retenir le temps ni les amours
passées : Le passage du temps emporte irrémédiablement tout avec lui.
-L’article « les amours » vient remplacer le possessif du début « nos amours » créant ainsi un
détachement du sentiment amoureux causé par le temps.
La Poésie néanmoins semble être celle qui subsiste au temps, elle y survit, elle « demeure ».
-Le nom « Mira/beau » laisse entendre mirare qui signifie admirer en latin, et l’adjectif beau.
Comme si, au-delà de la douleur de la séparation, Apollinaire invite ses lecteurs à admirer la beauté
poétique qui émerge de cette souffrance.
-Le poème lui-même peut être vu comme un calligramme : chaque quatrain peint un arc de pont et
les distiques sont une représentation de l’eau qui passe. D’ailleurs, tous les quatrains sont des
strophes de trois décasyllabes dont le 2 ème vers est coupé en deux (un vers de 4 et un vers de 6
syllabes), ce qui crée un effet de coupure au sein du poème, symbolisant justement la rupture
amoureuse.
-Le dernier mot du poème est d’ailleurs le verbe « demeure » qui suggère la permanence, la
stabilité d’Apollinaire - poète, et non d’Apollinaire - l’être amoureux.
La douleur se trouve ainsi transfigurée par le pouvoir des mots et des images, du fond et de la
forme. La création artistique est au final ce qu’il y a de véritablement éternel.
Ma conclusion :

Idées pour le bilan/volet de fermeture :


Le poète exorcise son mal par la poésie. Il guérit ses maux par les mots.
Proposition pour le volet d’ouverture :
Chanson « Avec le temps » de Léo Ferré

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