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ELLE ETAIT DECHAUSSEE

Victor Hugo
Le texte que je vais vous présenter est un poème de Victor Hugo, né en 1802 et mort en 1885, et a
pour titre Elle était déchaussée.

I. Introduction
Je suis fils de ce siècle, ainsi se présente Victor Hugo. En effet, la vie de ce touche-à-tout de génie
couvre tout le XIXème siècle. Né en 1802 et mort en 1885, il est l'auteur de nombreuses œuvres très
diversifiées allant du roman au théâtre en passant par la poésie. II livre un nouveau recueil poétique en
1856, Les Contemplations, qui connaît un grand succès. Victor Hugo était alors âgé de 54 ans, ce livre
est ainsi un recueil de maturité. Composé de deux grandes parties, Autrefois et Aujourd'hui, il est écrit
après la mort de sa fille ainée, Léopoldine, qu'il évoque plusieurs fois dans le livre 4 qui lui est dédié
« Pauca Meae ».

Le poème « Elle était déchaussée » fait parte du premier livre des Contemplation Autrefois. Il est
daté de juin 183... et Il est situé à Monfort L'Amaury. En réalité il a été écrit le 16 avril 1853 soit deux
ans avant Vieille chanson du jeune temps. Hugo avait alors 51 ans et regarde, adulte, avec humour
Victor adolescent.

Le poème est formé de quatre quatrains et d'Alexandrins, vers typiquement français. Il est donc de
forme régulière. Il fait suite à La Coccinelle et à Vieille Chanson du jeune temps. Le viel Hugo met en
scène le Jeune Victor de 16 ans farouche et morose qui connaît deux actes manqués :
o le baiser s'envola
o soit n'y pensons plus !

A travers ces anecdotes autobiographiques teintées d'humour, l'auteur se moque de l'adolescent


naïf.
Ce poème est un troisième récit anecdotique traitant du même thème de la rencontre amoureuse mais
contrairement aux deux autres textes qui se ressemblent, celui-ci présente des différences importantes.

II. Lecture
Mais avant de poursuivre, je vais vous en faire la lecture.

III. Plan
Nous verrons dans un premier axe

I - Une rencontre réussie dans une nature heureuse et complice


Un deuxième axe intéressant serait

II - Une véritable leçon de séduction et une jeune fille bien plaisante


Enfin, nous verrons dans un troisième axe

III - Une leçon audacieuse et moderne dans ce que Hugo dit et dans ce qu'il
ne dit pas
IV. Développement

1. Une rencontre réussie dans une nature heureuse et complice


A. Une rencontre réussie
La rencontre est habituellement un thème romanesque. Il est ainsi original de l'aborder en
poésie car elle correspond généralement au début d'une histoire. Il n'y a ni indications temporelles, ni
indications spatiales. Le traitement de la rencontre est poétique, sans précisions, ce qui la rend
universelle.

Cette rencontre semble pourtant printanière : elle se déroule au bord de l'eau Comme l'eau
caressait doucement le rivage v.13 près des grands roseaux verts V.14. Elle a ainsi une dimension
traditionnelle, une portée générale.

Toutes les étapes de la rencontre sont respectées et réussies :


o elle naît du hasard, moi qui passais par-là v.3
o elle s'ensuit par une apparition je crus voir une fée v.3
o il faut un regard réciproque elle me regarda de ce regard suprême v.5 et elle me regarda v.10.
o Il faut aussi la parole : et je lui dis V.4 et V.7. Les monosyllabes, le rythme court traduisent la
vivacité de ces paroles.
o Et enfin, il faut un acte, une réaction : je vis venir à moi dans les grands roseaux verts, la
belle fille heureuse, effarée et sauvage V.14-15.

La rencontre est différente de celle des autres poèmes car le poète a immédiatement vu la
jeune fille et l'a perçue comme elle doit l'être : elle était déchaussée, elle était décoiffée, assise, les
pieds nus, parmi les joncs penchants V.1-2. Il la regarde réellement et aucuns détails ne lui échappent.

Cette rencontre va être aidée par le cadre dans lequel elle se déroule.

B. Une nature heureuse et complice


Le champ lexical de la nature abondant montre que celle-ci est omniprésente dans la scène les
joncs penchants V.2 les champs V.4, les arbresV.8, l'herbe V.9, la rive V.9, les bois V12, l'eau V.13, le
rivage V.13 ou encore les grands roseaux verts V.14.
Les prépositions sont également intéressantes à relever : dans V.4 sous V.8 au fond V12 dans
V.14. La nature sert de cadre et se met autour des jeunes gens.

Cette nature sollicite tous les sens, ce qui permet au lecteur de participer :
o La vue : les roseaux verts V.14
o L'ouïe : comme les oiseaux chantaient au fond des bois V12.
o Le toucher : les pieds nus V.2 et elle essuya ses pieds V.9 l'eau caressait v.13
Le toucher est le sens le plus présent ce qui rend le poème sensuel. La nature a des
qualificatifs intéressants : penchants V.2 profonds V.8 et grands V.14. Elle forme une sorte de
cachette qui participe à la rencontre. Elle est belle et sauvage à l'image de la jeune fille. La
rencontre a donc bien lieu, menée par un jeu de séduction.
2. Une véritable leçon de séduction et une jeune fille bien
plaisante
A. Une véritable leçon de séduction
La focalisation est interne : la scène est vue par le narrateur (et non par Hugo). Il y a une
alternance constante entre elle et je : elle était déchaussée, elle était décoiffée V.1 moi qui passais V.3
je crus V.3, elle me regarda V.5, je lui dis V.7, elle essuya ses pieds V.9, elle me regarda V.10. Cette
alternance forme un équilibre entre les deux personnages.
Dans un premier temps, le je est prédominant. Le narrateur voit je crus voir une fée V.3, je vis venir
V.14 et il invite et je lui dis V.4. Le je propose.

Le elle dispose et s'impose car c'est elle qui va accepter l'invitation ou pas. Au fur et à mesure
le elle devient prédominant. Elle est perçue de loin par le narrateur et semble occupée. Dans la
première strophe, elle n'est que l'objet du regard. L'insistance de son regard renverse la situation au
vers 5. Hugo utilise un pléonasme elle me regarda de ce regard suprême.
Elle marque une hésitation au vers 11 Et la belle folâtre alors devint pensive. Elle accepte finalement
l'invitation Je vis venir à moi dans les grands roseaux verts, la belle fille heureuse, effarée et sauvage
aux vers 14-15.

La jeune fille devient de plus en plus précise : elle au vers 1 devient la belle folâtre au vers 11
puis envahit les deux derniers vers La belle fille heureuse, effarée et sauvage, ses cheveux dans les
yeux, et riant au travers V.15-16. Alors que lui n'est plus présent. De plus, la troisième strophe lui est
entièrement consacrée. Le narrateur est fasciné et observe le moindre de ses mouvements. La nature
fournit le fond musical nécessaire, comme les oiseaux chantaient au fond des bois ! V.12. La rencontre
est réussie grâce au renversement dans le poème.

Le narrateur s'enhardit petit à petit dans ses propos. Le pronom passe de t’ à nous : veux-tu t'en
venir dans les champs ? V.4 et veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ? V.8. Elle est toute seule
au vers 4 et la demande du je devient plus audacieuse au vers 8. Le couple se dessine peu à peu.

B. Une jeune fille particulièrement séduisante


Hugo attribue à cette jeune fille deux traits de caractères irrésistibles et contraires :
o Elle a peur, est réservée : pensive V.11 et effarée V.15
o Cependant, elle est sauvage V.15

Ces deux traits caractérisent la séduction. Elle peut être la victime ou bien s'échapper.

Son naturel de sauvageonne apparait dès le vers 1 : elle était déchaussée, elle était décoiffée ;
le préfixe « dé » a une valeur négative pour le XIXe, le caractère de la jeune fille est parfaitement mis
en relief par ce parallélisme.
A la fin du poème, la dernière image est une sorte de gros plan sur elle qui explique le terme folâtre
V.11 : La belle fille heureuse, effarée et sauvage, ses cheveux dans les yeux et riant au travers V.15-16.

Cette jeune fille dotée d'une sorte de sauvagerie et de gaieté est pétillante. Son charme tient de
sa beauté : qui reste à la beauté V.6, la belle folâtre V.11, la belle fille heureuse V.15.

Elle s'intègre à une nature qui lui ressemble joncs penchants V.2, grands roseaux verts V.14
située dans un cadre. Le narrateur l'a senti et utilise la nature pour l'attirer, Veux-tu t'en venir dans les
champs ? V.4 et Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ? V.8. Il est attentif au côté amoureux
de cette nature et le met en relief en choisissant bien les termes : oh ! comme les oiseaux chantaient au
fond des bois V.12 et comme l'eau caressait doucement le rivage V.13, Ce parallélisme est original car
il rapproche deux strophes. La séduction est liée à l'attitude peu farouche de la jeune fille. Elle ne
répond pas mais exprime des choses par son regard. Elle a compris les intentions du narrateur et
accepte sans un mot l'invitation. Son attitude est explicite.

Le poème justifie très bien qu'il y a eu séduction car la jeune fille est particulièrement séduisante.

3. Une leçon audacieuse et moderne dans ce que Hugo dit et ne


dit pas
L'audace de Hugo est assez moderne dans ce poème. On observe une différence très nette avec les
deux autres poèmes.

A. Une audace dans ce qu’il dit


Dans Vieille chanson du jeune temps, Rose avait osé. Ici ce n'est pas exceptionnel, Hugo insiste
surtout sur le fait qu'elle soit libre de la tête au pied.

La jeune fille au centre du poème évolue dès le premier vers, elle a une liberté totale de son
corps : Elle était déchaussée, elle était décoiffée. Cette liberté se retrouve tout au long du poème:
assise, les pieds nus V.2, elle essuya ses pieds V.9 et ses cheveux dans les yeux V.16. Elle le vit très
bien et sans aucune culpabilité.

La jeune fille a ainsi évolué par rapport aux autres poèmes. C'est une jeune fille moderne du XIXe
siècle.

Le narrateur aussi a évolué. Le récit est toujours au passé mais il y a malgré tout une
immédiateté dans le mouvement, je vis venir à moi V.14. Il a une attitude naïve due à son
éblouissement, je crus voir une fée V.3. La jeune fille rappelle Vénus souvent représentée dans un
décors aquatique. En effet, l'eau est très présente. Puis elle rappelle la beauté V.6. Cette beauté est
énoncée comme une vérité générale.

Ces deux images très clichées sont remplacées par une représentation beaucoup plus humaine
au vers 11 la belle folâtre et au vers 15 la belle fille heureuse, effarée et sauvage qui laisse présager
d'autre contacts que celui de la nature, essuya ses pieds à l'herbe de la rive V.9.

Cependant, la relation entre les personnages n'a rien de malsain car ces deux jeunes gens ne
ressentent aucune culpabilité. Elle a un peu peur mais elle est heureuse. Cette relation a une tonalité
positive.

B. Une audace dans ce qu’il ne dit pas


Hugo choisit de s'arrêter à la venue de la jeune fille vers le narrateur. C'est au lecteur
d'imaginer la suite par rapport à son propre vécu. L'auteur a choisi un pouvoir de suggestion pour
montrer l'accord parfait entre les deux êtres du poème et la nature.
V. Conclusion
Ce poème est réussi car il est organisé en saynète (petite scène) qui établit une harmonie entre la
nature et les deux êtres grâce à une rencontre.

Il illustre également le Carpe Diem de la jeunesse. Ce poème complètement positif est un hymne à la
jeunesse et à l'amour.

Enfin, ce poème a pu choquer au XIXe mais il garde une forme de modernité aujourd'hui. Ce texte
illustre la préface des Contemplations, on se sent proche de Hugo : quand je vous parle de moi, je
vous parle de vous.

VI. Ouverture
Ce poème illustre la diversité du talent de Hugo, poète polyvalent. En effet il y a une opposition entre
l'auteur de ce poème léger, véritable hymne à la jeunesse et à l’amour, et entre l’auteur engagé de
Mélancholia, Claude Gueux et Le dernier jour d’un condamné et l’auteur grave de Pauca Meae sur la
mort de Léopoldine.

Une autre ouverture pourrait être le tableau de Pissarro, Jeune fille lavant ses pieds. En effet on
observe une jeune fille lavant ses pieds dans un ruisseau : elle était déchaussée, l'eau caressait
doucement le rivage. Elle a les pieds nus, ses chaussures sont posées à côté d'elle. Elle est assise sur la
rive, assise, les pieds nus, essuya ses pieds sur l'herbe de la rive.
Elle est entourée de nature qui pourrait correspondre aux joncs penchants ou encore aux roseaux verts.
A l'arrière-plan, un amas d'arbres représenterait la forêt, au fond des bois.

Elle est mise en valeur par une source de lumière qui tombe sur elle.

Dans le poème tout comme sur le tableau, la jeune fille se croit seule. Par le narrateur ou par nous, on
brise son intimité. On est les voyeurs et nous nous demandons alors si nous aurions eu la même audace
que Hugo

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