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LL1

Vieille chanson du jeune temps

Les Contemplations – Victor Hugo

Présentation rapide : Victor Hugo est un homme total : homme politique puisqu’il a été
député puis sénateur et entre ces deux mandats a subi l’exil pour son excès d’engagement
politique qui a déplu à Napoléon 3. Homme à femmes puisque outre ses nombreuses
conquêtes, il a réussi à faire cohabiter sa femme Adèle et sa maîtresse Juliette Drouet sous le
même toit à Guernesey, Homme littéraire surtout autant dramaturge que romancier et poète.
Ici il s’agit d’un poème issu de Les Contemplations, recueil poétique divisé en 6 livres dont 4
sont à l’étude en première : la date du 4 septembre 1843 correspondant à la mort de sa fille
adorée Léopoldine et coupe ce recueil en 2 parties Autrefois et Aujourd’hui.
Situation du passage : Le poème Vieille chanson du jeune temps se situe dans le livre 1 des
contemplations intitulé Aurore.

Lecture
Composition du passage : on peut voir 3 mouvements dans ce poème : Dans ce poème Hugo
nous fait la peinture d’une rencontre de deux protagonistes dans un cadre naturel pour ensuite
décrire les tentatives de séduction de Rose pour enfin montrer les regrets du poète de ne pas
avoir été sensible à l’invite de la jeune femme.
Projet de lecture : dès lors comment le poète décrit-il l’échec d’une rencontre amoureuse ?

Str 1 à 4 : Présentation des protagonistes dans un cadre naturel


Dès la première strophe, on remarque la construction en chiasme qui associe deux personnes
dans un couple qui va régir la relation de ce poème via le pronom personnel je + rose+ rose+
moi ; par ailleurs, on peut trouver une forme de simplicité de l'expression avec la répétition de
"Rose" qui rime avec "quelque chose", simplicité que l'on peut associer à la jeunesse.
Le prénom Rose évoque une beauté naturelle qui correspond au cadre bucolique "au bois".
Le cadre naturel est développé à la Str 2 avec le champ lexical de la nature "fleurs, arbres" qui
rappelle le romantisme.
La naïveté et le détachement du poète sont présents dans la comparaison v. 5 et les verbes
d'action "je marchais" "je parlais" qui ne correspondent pas aux attentes de la jeune fille sont
mises en évidence par l'interrogation v.8
La nature personnifiée Str3 propose un cadre propice à la rencontre amoureuse, un cadre
correspondant au Romantisme ; mais on retrouve une opposition entre le "je" du jeune poète
et Rose qui n'écoutent pas la même chose. Merles et rossignols sont repris et personnifiés à la
strophe suivante : ils sont du côté de Rose, du côté de l'amour sensuel. "Elle" et "Moi" sont
opposés v. 13-14 : on comprend la naïveté du poète par son âge.

Str 5 à 8 : les tentatives de séduction


Tentative de séduction de Rose : beauté de la jeune femme soulignée par l'allitération "beau
bras blanc"
Opposition par la négation "je ne vis pas" répété en anaphore aux v. 20 et 28 = 2 tentatives de
séduction qui se soldent par 2 échecs.
Personnification de la nature v. 23 : endormie > l'amour du poète n'est pas encore réveillé.
Le "je" du jeune poète est caractérisé par l'inaction et l'ignorance Str 8 "je ne savais que lui
dire" "Je la suivais" ; incapable de répondre aux actions de la jeune fille "sourire" et
"soupirer" = signe de lassitude.
Par ailleurs l’allitération « le petit pied dans l’eau pure » au vers 27 peut montrer tout
l’attirance pour une partie du corps qui était cachée au 19 ème siècle et qui montre le côté
définitivement provocateur de Rose ou pire dans une cryptographie poétique «  le petit pied « 
désignant le clitoris par sa forme.
Str 9 : les regrets
La dernière strophe montre une prise de conscience du poète par la négation exceptive
(ne/qu'en) (écho à faire avec la séance 8)
La surdité des bois renvoie à sa propre surdité aux signes / appels de la jeune fille.
Le discours direct et l'exclamation mettent en évidence la fin de l'histoire manquée.
Le dernier vers au présent d'énonciation, alors que tout le poème est écrit au passé, montre le
regret du poète au moment de l'écriture, renforcé par la répétition du verbe "penser" (reprise
des paroles de Rose). D’ailleurs ce denier vers sonne comme une réponse au premier vers et
renforce une fois les regrets du poète lui à présent a 29 ans quand il l’écrit.
La tonalité du poème oscille donc entre ironie et mélancolie amoureuse.

Conclusion :
Victor Hugo décrit ainsi une rencontre amoureuse et semble finalement regretter que la
séduisante jeune fille plus âgée que le poète n’ait pas été séduite par ce dernier : manque
d’expérience, ironie et regrets se mêlent ainsi dans ce poème.
Ouverture :
Néanmoins le jeune poète n’a pas connu que l’échec et a su aussi séduire avec succès une
autre jeune femme en particulier dans le poème Elle était déchaussée.

Autre lecture linéaire possible

I La promenade au bois  : vers 1 à 16

A La discussion

- Discours narrativisé 3 : « Nous parlions de quelque chose ». Evocation vague, car sans intérêt : pas le sujet
attendu
- Discours direct 8 « Son œil semblait dire : « Après ? » », équivalent d’un Quoi d’autre  ? : confirmation de ce qui
précède.
- +/- discours narrativisé : « Je ne savais que lui dire » 29. Enlisement de la discussion, faute de capacité du
locuteur à aborder le sujet attendu.
- Seul discours direct correspondant à des paroles véritables juste avant la conclusion : «  « Soit ; n'y pensons
plus ! » dit-elle » 35.
- Rien d’important n’a finalement été prononcé avant la fin, où Rose renonce à la relation amoureuse
B Les décalages du jeune homme avec la nature

- Jh de marbre alq la nature exubérante invite à l’amour


- Sans doute référence à des chansons connues toutes en relation avec la thématique amoureuse à travers peut-
être « vint au bois » (Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés), « les merles » et « les rossignols » (Le
temps des cerises : « les gais rossignols », « les merles moqueurs », « la nature en fête », …).
-- Jh indifférent aux appels à l’amour lancés par la nature.
Elle invite à s’arrêter pour un tête-à-tête amoureux : « La rosée offrait ses perles, / Le taillis ses parasols » 9-10.
Il n’en tient pas compte : « J’allais » 11, « Je marchais ».
- P-ê une hypallage 34 « [Je vis] en sortant des grands bois sourds » : c’est jh qui est sourd aux appels à l’amour
- Jh pas au diapason des rossignols, symboles de l’appel à l’amour : il est systématiquement associé aux merles
et n’entend pas les rossignols : « j'écoutais les merles, / Et Rose les rossignols »

C Les décalages entre les deux personnages

- Rose est en harmonie avec la nature environnante, lui non. Son prénom à elle évoque d’ailleurs une fleur,
élément naturel
- Décalage 1-2 par chiasme « Je »-« Rose », « Rose »-« moi » : il n’envisage pas Rose du point de vue amoureux,
elle choisit de l’accompagner dans un lieu bucolique (« Je ne songeais pas à Rose ; /Rose au bois vint avec moi »)
- Elle attend qu’il aborde la question amoureuse, lui tient des propos vagues sur divers sujets sans intérêt : 7-8
« Je parlais des fleurs, des arbres / Son œil semblait dire : « Après ? » »
- Les 2 persgs ne sont pas sur la même fréquence : elle entend les invitations à l’amour des rossignols, lui les
merles, ce qui peut rappeler la chanson « Le temps des cerises » (Et gai rossignol et merle moqueur) : 11-12 «
j'écoutais les merles, / Et Rose les rossignols »
- 13-14 le parallélisme souligne l’opposition entre l’humeur renfrognée ou l’aspect terne de l’un et l’ardeur de
l’autre : « Moi, seize ans, et l'air morose ; / Elle, vingt ; ses yeux brillaient »
- Prcq l’un est en harmonie avec la « nature amoureuse » et que l’autre est sourd à ses appels, l’attitude des
oiseaux à leur égard est différente : « Les rossignols chantaient Rose / Et les merles me sifflaient » 15-16. Les
oiseaux célèbrent Rose et se moquent du locuteur
-Décalages svt montrés par des répétitions et des isolexismes.
17-18 et 20 : « Rose […] / Leva son beau bras tremblant / […] Je ne vis pas son bras blanc. »
25-27 et 28 : « Rose défit sa chaussure, / Et mit […] / Son petit pied dans l'eau pure / Je ne vis pas son pied nu. »
35-36 : « « Soit ; n'y pensons plus ! » dit-elle. / Depuis, j'y pense toujours »
- Opposition par la rime « morose » 13 – « Rose » 15

II Les invites de Rose : vers 17 à 36

A La beauté et le désir amoureux de Rose


- Prénom « Rose » la montre comme appartenant à la nature. La rose comme symbole de l’amour. « Rose »
répété 1,2,12,15,17,25
- 17-20. Rose est belle « droite sur ses hanches » 17, « beau bras » 18, « bras blanc » 20. Elle est sans doute
émue : « son […] bras tremblant » 18, allitération en b 18-20.
- 17-20. Cela ne devient clair que mis en relation avec le début du txt (« Après ? » 8) et tout ce qui suit, mais le
geste de Rose de « [lever] son beau bras tremblant / Pour prendre une mûre aux branches  » 18-19 comporte
une intention. Il s’agit de montrer ses avantages (le bras blanc) pour susciter le désir et inviter à cueillir le fruit
de l’amour
-21-24. La sensualité et la langueur qui se dégagent de la nature peuvent refléter celle de la jeune femme  :
musique de l’eau « Une eau courait » 21, sensation tactile « fraîche » 21 et « les mousses de velours » 22 ;
langueur « Dormait » 24
- Dès la 1ère strph, Rose semble attendre qqch de la promenade et du locuteur. 2 « Rose au bois vint avec moi »,
8 « Son œil semblait dire : « Après ? » ». Dans la 7ème (25-28), l’invite devient plus claire.
- 25-28. 25-27. Le geste qui dénude le pied, partie du corps habituellement cachée, élément de séduction chez la
femme au XIXème siècle, est raconté de manière ralentie, en 3 vers. 2 étapes dans l’acte : « défit sa chaussure »
25, « mit […] Son petit pied dans l’eau » 27. Virgules et interruption de la 2 ème proposition par le CC manière
« d'un air ingénu » ralentissent le rythme, prolongeant la scène. « d’un air ingénu » 26 suggère qu’il s’agit d’une
apparence feinte : Rose a une arrière-pensée en se déchaussant. Le geste permet de montrer un autre avantage
physique : « Son petit pied » 27. 2 strphs + haut, lors du 1 er geste de séduction, l’adj énonçant la qualité
physique pale se trouvait en fin de strph : « son bras blanc » 20. Ici, la qualité physique pale est donnée à la 1ère
mention du pied : « petit » 27. Pour la fin de la strph, celui-ci est qualifié de « nu » 28 : serait-ce le plus
important, l’amorce de dénudement et d’intimité ? « Son petit pied dans l'eau pure » 27 suggère une forme
d’innocence, « pure » pouvant par hypallage qualifier Rose, ou alors n’ê qu’1 considération esthétique (limpidité
de l’eau)
- 31-32. Le désir amoureux de Rose s’exprime sans paroles, avec discrétion : « La voyant parfois sourire / Et
soupirer quelquefois ».
- 33-34. Rose est belle « elle était belle » 33. Mais elle n’en obtient pas les effets, prcq j.h. n’est pas sensible à
l’atmosphère amoureuse : « Je ne vis qu'elle était belle / Qu'en sortant des grands bois sourds. »
- 35. Rose se résigne à l’absence de réponse à ses invites, renonçant à regret : « « Soit ; n'y pensons plus ! » dit-
elle. »

B Le décalage du jeune homme


- Décalage dans le temps : il ne voit et ne comprend que lorsqu’il est trop tard. Se double d’un décalage par
rapport à la situation.
- 33-34. « Je ne vis qu'elle était belle / Qu'en sortant des grands bois sourds. » Tournure restrictive « ne … qu’ »
qui souligne le décalage. Fin du txt, après 8 strph racontant la longue promenade dans les bois.
- 36 « Depuis, j'y pense toujours ». Juste après l’expression du renoncement de Rose, soit quand il n’est plus
temps, juste un peu trop tard. Opposé à « Je ne songeai pas à Rose » 1.
- Décalé par rapport à la situation dans tout le texte. Pendant la promenade bucolique en tête-à-tête, il disserte  :
3 « Nous parlions de quelque chose », 7 « Je parlais des fleurs, des arbres ». Il est aveugle et sourd : 24 et 28« Je
ne vis pas son », 33 « Je ne vis qu'elle était belle », 24 et 34 « grands bois sourds ». Il est muet quand il faut parler
d’amour : 29 « Je ne savais que lui dire »
- A 16 ans, il semble insensible à l’amour : « froid comme les marbres » 5, le pluriel évoquant les objets en
marbre, les statues, + que la matière.

C L’occasion manquée

- C’est le poète se remémorant les faits qui réalise ce qu’il a manqué, ce qu’il n’a pas perçu étant jeune. C’est lui
qui peut parler de ce qu’il n’a pas vu : 20, « Je ne vis pas son bras blanc » 28, « Je ne vis pas son pied nu », 33 « Je
ne vis qu'elle était belle »
- Il peut parler de ce qu’il n’a pas compris au moment du récit : les invites de Rose 8, 17-19, 25-27, le sens des
sourires et des soupirs 31-32
- Plus âgé, le locuteur comprend qu’il a laissé passer une occasion d’aimer. 36 « j’y pense toujours », au présent
prcq on a quitté le temps du récit pour celui d’où écrit le poète. Ecart entre le récit au passé et cette
compréhension tardive.
- C’est aussi plus âgé qu’il peut se juger lui-même et se qualifier de « froid » 5, « [distrait] » 6
- Le regret perdure depuis la fin de la promenade jusqu’au moment de l’écriture

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