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L’ENFANT

Victor Hugo

Le texte que je vais vous présenter est un poème de Victor Hugo, né en 1802 et mort en 1885, et a
pour titre L’enfant.

I. Introduction
Victor Hugo a 27 ans lorsqu'il écrit le recueil Les Orientales. Hugo a plus d'une corde à son arc. Il
est peut être considéré comme un « touche à tout de génie ».
En 1827, il écrit la préface de Cromwell dans laquelle il demande moins de contraintes et de règles
au théâtre et il passe à l'acte (mais en poésie) dans son recueil « Les Orientales » dans lequel on peut
admirer l'étendue de son talent pour la versification; il demande de la liberté en poésie, il parle de «
déniaiser l'alexandrin ». Il devient le chef des Romantiques.
On peut se demander pourquoi a-t-il intitulé son recueil Les Orientales. Tout simplement car
l'Orient est à la mode. Les romantiques aiment l'exotisme, ils ont le désir d'un ailleurs et un besoin
d'évasion, donc l'Orient les distrait de leur mal-être. De plus, Hugo n'a jamais vu l'Orient mais dans ses
poèmes, on ressent ses origines et ses années vécues en Espagne. Il a dit : « Tout est sujet, tout relève
de l'art, tout à droit de cité en poésie ».
Il nous montre ses deux faces dans ce recueil : celle du poète jeune et brigand, virtuose de la
versification, comme dans le poème Les Djinns. Mais il devient aussi le poète porte-parole de
l'humanité blessée et de l'enfance opprimée (comme dans ce texte).
Hugo va puiser son inspiration dans un fait historique survenu en 1822 qui a aussi
inspiré à Delacroix le célèbre tableau sur le massacre de l'île de Chio pendant la guerre
d'indépendance entre les Grecs et les Turcs (le nom exact du tableau est : Scènes des massacres de
Scio). En 1822, la Grèce déclare son indépendance mais les Turcs (l'empire ottoman, qui à l'époque
incarnait le despotisme et la cruauté) s'y opposent et massacrent la petite île de Chio. Hugo va
s'intéresser à ce problème parce qu'il est un fervent défenseur de la liberté. En 1850, La Turquie
accorde l'indépendance à la Grèce après une intervention conjointe de la Russie, de l'Angleterre et de
la France.
Ce texte s'intitule « L'Enfant ». Ce titre permet de mettre en avant cette enfance de souffrance.
Dans ce poème traditionnel, la structure est strophique, puisqu’elle contient six strophes, chacune
composées de six vers, écrits en octosyllabes ou en alexandrins. Les rimes sont plates ou croisées.

II. Lecture
Nous ferons de cette deuxième partie une étude par axe, mais je vais avant tout vous en faire la
lecture.

III. Plan
Au regard de l’enjeu de ce texte, nous en ferons une étude en trois parties.
La première partie présente des images de guerre et de destruction, et en opposition, le poète
évoque des images de paix et d'innocence, mises en valeur grâce à l'originalité du poème.
IV. Développement

1. Des images de guerre et de destruction.


Le ton est donné par la forte césure au vers 1 Les Turcs ont passé là. Tout n'est que ruine et deuil.
C'est une relation de cause à effet qui aura une double conséquence matérielle et morale. Hugo ne
met pas ce lien de conséquences, c'est le lecteur qui doit le faire, l’effet n’en est que plus saisissant.

A. Des destructions matérielles


La première conséquence de la guerre est matérielle la destruction. On a l'utilisation du
lexique du bouleversement : sombre écueil v.2, murs noircis v.7 et grand ravage oublié v.12, qui a
accompagné l'idée de deuil et de tristesse.
Hugo rappelle ensuite ce qu'était Chio. Il va évoquer la beauté de l'ile en la décrivant comme
l'ile des vins v.2 qui montre que Chio est l'ile de la fête, qu'ombrageaient v.3 et dans les flots reflétait
les grands bois v.4 indique la fertilité, Ses coteaux, ses palais v.5 qui évoque la richesse et la lumière
et Un chœur dansant de jeunes filles v.6 qui montre que l'île est l'île des chants, de la danse et de
l'amour. Les verbes qu'ombrageaient et reflétait sont des verbes de lumières. Le mot palais montre la
richesse. Le mot filles représente l'amour.
Cette évocation du passé est renforcé par l'anaphore Chio répété trois fois aux vers 2, 3 et 4
qui donne l'impression d'un écho sinistre entre les Turcs et Chio. Cela suggère l'horreur du présent.
Cinq mot au présent l'emporte sur tout le reste : Tout n'est que ruine et deuil. Le présent est un constat
d'impuissance. Hugo suggère l'ampleur des dégâts mais ne la dit pas.

Cette destruction va avoir des prolongements affectifs dans le domaine moral.

B. Des conséquences affectives

Ces conséquences affectives apparaissent dans le seul rescapé de l'épisode. Cela entraîne un
sentiment de pitié car cette situation montre que l'enfant est abandonné grâce au registre pathétique.
On remarque donc une opposition au vers 7. Cet enfant subit un choc dans le domaine moral,
tout ce qui se rattache à l'enfant est pitoyable et misérable. Quand on le voit apparaître pour la
première fois au vers 8, on sait que c'est le personnage principal car c'est lui le titre du poème. Le
malheur de cet enfant a trois causes : tout d’abord il est seul : Tout est désert. Mais non, seul près des
murs noircis un enfant aux yeux bleus, un enfant grec assis v.7-8. L’enfant est humilié, puisqu’il
Courbait la tête v.9. C'est un signe de passivité et de soumission mis en relief par l'utilisation d'un
octosyllabes. Ce vers est isolé des autres. Enfin, l’enfant a du chagrin dû à la souffrance : pleurs v.14,
larmes v.16, pleurent v.23, chagrin nébuleux v.25. On remarque une absence totale de gaieté : Veux-tu
(...) sourire v.31, l'enfant ne sourit pas.
Toutes ces idées sont pour Hugo des idées contraires à l'enfance, car pour lui l'enfant est
synonyme de gaieté.
Ce n'est pas un enfant mais l'enfant ce qui le transforme en allégorie de l'enfance opprimée.
Hugo passe du style indirect au style direct avec l'arrivée du narrateur, il va utiliser des
interjections Ah ! v.13 et Hélas ! v.14, nous entrons donc dans un registre pathétique et même
élégiaque. Il utilise six interrogations aux vers 24, 25, 27, 30, 33 et 34 qui montre une volonté de
dialogue. La présence du narrateur est discrète mais nous allons voir son désir de réconforter et de
consoler cet enfant.
Toutes ses interrogations sont des efforts désespérés pour faire parler, réagir l'enfant. Le que
veux-tu est répété 3 fois, exprimant une idée de totalité pour insister et montrer que la question devient
plus pressante.
Au terme de cette première partie, les conséquences de la guerre sont partout. En contrepoids à ces
images violentes de guerre et de destruction vont apparaître des idées de paix, de bonheur et
d'innocence.

2. Proposition d’images de paix, d’innocence et de


bonheur.
A. Evocation d’un passé lumineux et d’un présent qui survit
Au passé, on voit que Chio est l'ile de la fête, de la fertilité, de la richesse et de la lumière et
une cité de chants et d'amour. Au présent, de ce paysage, il reste juste un fleur blanche, l'aubépine qui
rappelle la beauté de Chio. Les seules couleurs d'innocence sont celles de l'enfant et de la fleur.
L'enfant a des yeux bleus v.8, 14, 35, « leur azur » V16, « tête blonde » V18, «< Bel enfant >> V19.
C'est le physique d'un petit ange, cet enfant est le symbole de l'angélisme. On a donc l’impression
d'observer un petit morceau de ciel bleu dans le ciel noir de la guerre.

B. Images de bonheur dans un futur consolateur


Il y a une forte présence d'affection du poète pour consoler l'enfant, une volonté de faire
disparaître les problèmes de l'enfant : pour essuyer tes pleurs de tes yeux bleus v.14, Pour que dans
leur azur, de larmes orageux v.16, Pour relever ta tête blonde v.18 et Pour rattacher gaîment et gaîment
ramener v.20. Le but de ces phrases est de redonner de la joie à l'enfant en lui offrant des présents.
Le narrateur va donc lui proposer des cadeaux pour qu'il oublie son malheur. (ce qui n’est pas
sans rappeler la poupée de Cosette offerte par Jean Valjean). Il va lui proposer trois présents exotiques,
merveilleux et mystérieux : tout d’abord une fleur, plus précisément un lys, ce lys, bleu comme tes
yeux bleus v.26 associé au regard de l'enfant, à l'eau et à l'évocation de l'Iran. Ensuite, il lui propose un
fruit : Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand qu'un cheval au galop, toujours en courant, met cent ans
à sortir de son ombre v.28-30. C'est un arbre immense et qui a un côté mythologique. Il est
extraordinaire par les exploits qu'il exige. Le dernier présent est un oiseau : C'est le symbole de la
liberté. Cet oiseau est aussi magique car son chant est rare, inimitable car à la fois doux et éclatant :
Veux-tu pour me sourire, un bel oiseau des bois, qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
plus éclatant que les cymbales ? v.31-33.
À la fin, il va lui proposer les trois dans la même phrase. Il les présentent en gradation,
puisque le mot fleur n'a pas d'adjectif ni de déterminant, le mot fruit est beau mais sans déterminant et
le mot l'oiseau est merveilleux et l'adjectif est à la rime.

On a l'impression que les mauvaises images du début s'estompent mais c'est pour mieux resurgir
avec puissance et force au dernier vers et accentuer celui-ci.

3. L’originalité du poème : sa chute

A. Le jeu d’opposition
Les strophes 1 et 2 montrent la destruction et le deuil : ruine et deuil v.1, sombre écueil v.2, et
6 vers sur 6 sont au négatif dans la première : n’est plus v.2. Quatre vers insistent sur la défaite : Tout
est désert au vers 7, tête humiliée au vers 9, asile au vers 10, et ravage au vers 12. Deux vers
seulement sont positifs avec le bel enfant au vers 8 et la fleur blanche au vers 11 dans la deuxième
strophe.
Dans la strophe 4, on assiste à un changement, la situation s'inverse : quatre vers sont
positifs et deux sont négatifs, avec une attitude désolée. Dans les deux dernières strophes, seul le
premier vers de la cinquième strophe et le dernier de la sixième sont négatifs, tous les autres sont
positifs. Le texte évolue donc positivement et petit à petit on peut observer l'atténuation des images de
deuil.
De part cette évolution, on peut espérer des lendemains plus heureux et croire au retour de
l'espoir. La consolation semble possible.

B. La clé du texte
On peut noter que les questions de l’auteur restent sans réponses. Il y a deux raisons
possibles : soit l'enfant n'écoute pas, soit les propositions ne l'intéressent pas.
La réalité est plus grave : les cadeaux sont inadaptés car ils ne peuvent remplacer ce que
l'enfant a perdu. L'enfant ne peut être consolé car il est animé par la vengeance.
Il a compris les intentions du narrateur car il l'appelle ami, ce qui montre qu’il a écouté les
propositions. II reprend le verbe vouloir du narrateur mais choque par sa réponse en employant un
double contraste : tout d’abord entre ce qu'on lui propose et ce qu'il veut, et entre son physique d'ange
et sa détermination à se venger.
Le procédé de Hugo est très habile car il atténue la situation tragique tout en préparant la
réplique de l'enfant. Elle balaye l'espoir d'un retour au bonheur et à la paix car l'enfant lui-même refuse
cette possibilité le cercle vicieux de la guerre va continuer.

V. Conclusion
Il est déjà trop tard, l'adulte est dépassé par la réponse de l'enfant car il ne réagit pas. L'enfant n'a
pas été tué physiquement mais moralement, ce qui indique que son enfance est morte. La cruauté de la
vie a détruit et remplacé l'innocence de l'enfance.
Ce texte est par conséquent une dénonciation de la guerre. Déjà à 27 ans, Hugo avait une opinon
arrêtée sur la question, opinion qu'il tiendra d'ailleurs toute sa vie.
Mais cet enfant incarne aussi le courage et la volonté de liberté. Tous les visages d'Hugo, en tant
que poète engagé sont déjà présents dans ce texte de jeunesse : il s'intéresse aux enfants malheureux,
prend le parti des opprimés (comme pour la Commune écrasée en 1871). Nous pouvons d'ailleurs
citer ces vers issus de la Dernière Gerbe
Tous les hommes sont l'Homme, et pas plus que les cieux
Le droit n'a de rivages,
Ma sombre liberté sent le poids monstrueux
De tous les esclavages
[…]
Un seul peuple opprimé opprime tous les autres.

VI. Ouverture
I. Présentation

Cette caricature se traite comme un tableau. Elle est écrite par Plantu (caricaturiste du journal Le
Monde). Ce dessin caricature la guerre de Yougoslavie. Elle est en 2 parties : une partie texte et une
partie dessin.

II. Observations:

Au premier plan, on voit que c'est un contexte de guerre, puisqu'on aperçoit deux soldats à la mine
patibulaire, lourdement armés, en position d'attaquant, qui viennent de tirer. On observe unepremière
victime (cadavre) qui est un homme (mari et père). On voit également une femme (la mère) en habit
traditionnel de paysan yougoslave qui fuit avec un bébé dans les bras. Ils sont tristes.
Comme dans beaucoup de caricatures de Plantu, il y a des bulles au-dessus des personnages
montrant la motivation de chacun d'eux. Dans cette caricature, le désir de vengeance revient dans
toutes les bulles mais dans les 2 premières, il est au passé tandis que dans la dernière il est au futur, Le
bébé est inclus avec les soldats ce qui intrigue le lecteur.

III. Interprétation(s)

Dans la première, la date montre que longtemps après, le soldat est encore animé par le désir de
vengeance. De plus, son beau-frère, il ne l'a peut-être jamais connu. Cette vengeance est ridicule par
l'éloignement dans le temps du fait

Dans la deuxième, ce qui attire notre attention, c'est la personne à venger : la petite cousine. S'il
faut venger sa petite cousine... La vengeance est ce coup-ci ridicule par l'éloignement du lien de
parenté. Il y a la petite famille innocente mais qui est poursuivie. La troisième bulle comporte une
ironie le bébé vengeur (c'est presque un oxymore). On est projeté dans le futur ce qui montre que la
guerre ne s'arrêtera jamais.

La guerre engendre la guerre (cercle vicieux), c'est donc un fléau. C'est un message pessimiste
que l'on retrouve dans le texte de Hugo.

IV. Conclusion

Le message passe bien avec les deux éléments (texte et caricature). On voit que l'image et le texte
peuvent être complémentaires. Force des images choc et peut être comprise universellement mais
poids des mots il est plus durable et marquant.
Il n'y a pas de message plus efficace, les 2 (image et texte) sont complémentaires.

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