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Analyse linéaire TXT 17: COLETTE, « Printemps de la Riviera », in

Les Vrilles de la vigne, pp. 279 à 281 (l. 136 à 184 : de « Printemps de Nice. » à
« ... l’amer et incomparable bonheur printanier... »)

> Le faux printemps de la Riviera

1) INTRODUCTION

a) Situation du texte
Les Vrilles de la vigne est un ensemble de 23 textes écrits par Colette et publiés pour la première
fois en 1908, avec alors seulement 18 textes. La dernière des 18 nouvelles du premier recueil, intitulée
“Printemps de la Riviera”, dépeint les fêtes de Nice et le casino de Monte-Carlo.
Notre extrait, constitué des derniers paragraphes de ce texte, décrit le printemps de Nice comme un
faux printemps qui ne parvient pas à satisfaire l'auteur, malgré son apparente beauté très attirante. Elle
exprime sa nostalgie pour un vrai printemps, celui de son pays natal.
b) Problématique
Notre lecture aura donc pour fil conducteur la problématique suivante :
De quelle manière l'auteure exprime-t-elle sa nostalgie de son pays natal et son rejet de la
beauté artificielle et trompeuse de la région de Nice ?
c) Mouvements du texte/Annonce de plan
Notre analyse se divisera en 3 mouvements:
1) Le désir de partir (l. 1 à 5)
2) La critique du Midi (l. 6 à 17)
3) La nostalgie du Pays natal (l. 18 à 25)

2) LECTURE LINÉAIRE

A) Le désir de partir (des l. 1 à 5)


⮚ L’auteure exprime dans ce mouvement son besoin impérieux de quitter l'endroit où elle se
trouve et d'aller vers Nice, en bord de mer. Dès le début de l’extrait, l’impératif “Sortons
d'ici” met en évidence l'urgence de ce besoin.
⮚ L’utilisation du futur (“se calmera” l.1, “dépasserons” l.3, “sourirai” l.4) prouve également
l’attente de la narratrice, et ce à quoi elle s’attend de la région qu’elle découvre.
⮚ La ponctuation, marquée par les points de suspension, annonce ce même désir et cette
même attente.
⮚ La narratrice fait alors appel à son imagination pour rêver de sa destination, avec une
comparaison aux lignes 2-3 : “un long reflet, un fuseau d’argent, nacré comme le ventre
des poissons”.
⮚ On remarque l’utilisation du vocabulaire du calme et du repos (l.4) : “dort immobile”, “à
l’abri”, “apaisement”, permettant à Colette d’exprimer la raison pour laquelle elle désire
partir, la paix que semblent offrir ces villes.
⮚ Enfin, on notera que le dernier élément qui semble offrir cet “apaisement” à l’auteure
n’est autre que la “villa Cessole”, qui appartenait à Renée Vivien, poétesse dont Colette
était assez proche et à qui ce texte entier, “Printemps de la Riviera”, est dédié. C’est une
autre explication du désir imminent de partir de la narratrice.

⮚ Le narrateur évoque ensuite la lune qui se lève et qui apportera peut-être une certaine
sérénité à son esprit, comme le montrent "La lune se lève et ma fièvre se calmera au vent
traître du crépuscule" (l.1) et "Et je sourirai d’apaisement" (l.4). Il décrit ensuite la route
qui mène à Nice, qualifiée de dangereuse mais également charmante, ce qui suggère une
certaine ambivalence dans son désir de partir, comme le montre "tout le long de la route
dangereuse et charmante qui borde, jusqu’à Nice, la mer…" (l.1)
⮚ Le passage suivant évoque le reflet de la lune sur l'eau, qui donne une ambiance poétique
à la scène et renforce le désir du narrateur de partir, comme le montre "Déjà, sous la lune
pleine, luit sur l’eau un long reflet, un fuseau d’argent, nacré comme le ventre des
poissons" (l.1 et 2).
⮚ Le dernier élément décrit le parc de la villa Cessole, qui semble être l'endroit où le
narrateur veut aller, comme l’indique "Et je sourirai d’apaisement, quand les roues de la
voiture froisseront, à l’arrivée, les orangers du parc de la villa Cessole" (l. 4 et 5)
⮚ Le sourire d'apaisement que le narrateur affiche à l'arrivée dans ce lieu laisse présager
une certaine détente, peut-être une échappée à la tension qui règne au début du texte.

b) La critique du Midi (l. 6 à 17)

➢Dès la ligne 6, on remarque l’emploi de la deuxième personne du sg “tu” → Colette s’adresse


directement au Midi et ne décrit donc plus directement son désir de partir.

➢répétition de “Mais je ne t’aime pas” (l. 6 et 8), la conjonction de coordination “mais” et la


négation soulignent incontestablement le regard péjoratif que Colette porte sur le Midi.

➢le Midi est décrit plusieurs fois avec des adjectifs : “Beau Midi” (l. 6), “Midi trompeur” (l. 9),
“Midi empressé” (l. 9)

➢personnification du Midi en “menteur”, il est présenté comme le rival de son propre pays. (
l.14)

➢opposition entre le superficiel : l’apparence avec “tu fleuris”(l.14) et la profondeur : les odeurs
avec “ n’embaumes pas” (l.14)
= paradoxalement, les odeurs n’apparaissent pas malgré la présence de fleurs, ce qui constitue
une déception pour la narratrice.

➢l’odeur est regroupé dans un seul nom : les “fleurs” (l.14), ce qui est un parfum très commun
et peu précis
= s’oppose aux autres descriptions que propose habituellement Colette ( habituellement plus
descriptif, complexe et nuancé ) : ce parfum est donc selon elle sans grand intérêt ( “banale”)

➢ La narratrice entreprend une attitude amoureuse envers la nature ( le fait de sentir ) : “Le
geste amoureux qui me penche, narines ouvertes,“ (l.16) qui n'aboutira à rien : négation totale :
“n’a point ici sa récompense” (l.16). La narratrice ne trouve donc pas en ces fleurs de
“récompense”/ d’odeur.

➢ Négation restrictive : “tu n’es que poudre blanche et rocs fleuris” (l.17)
= paradoxal, les fleurs ne poussent pas sur la matière minérale, ce qui explique la fadeur de
l’odeur de ces fleurs qui ne peuvent pas pousser correctement

➢ Rejet du midi avec le verbe au conditionnel (exprimant le souhait) : “je donnerais” (l.19)
=exprime donc l’envie/le souhait de se débarrasser de ce Midi pour laisser place à sa terre natale
c) La nostalgie du Pays natal (l. 18 à 25)

➢ “Il y a moins de printemps parmi ces roses, sous ces orangers lumineux d’oranges mûres,
que dans un seul jour de dégel, là-bas, en mon pays aux collines voilées !” l. 18-19 : comparaison
négative “il y a moins (…) que…” + exclamation, qui expriment la passion qu’a Colette pour son
pays

➢ Répétition de “tous” (l. 19-20) ⇒ montre l’importance de son amour pour cette terre

➢ Ponctuation: exclamative (l. 19), point de suspension (l. 19, 22, 25) ⇒ sentiment de nostalgie
envers sa terre natale (une certaine mélancolie)

➢ “neige bleuâtre” = connotation négative

➢ “Sur l’épine encore noire, un merle verni glougloute mélodieusement, égoutte des notes
limpides et rondes” (l.22/23) : utilisation du présent donnant l’impression qu’elle revit la scène
= nostalgie, elle est replongée dans sa terre natale

➢ l’importance des sens dans sa terre natale, qu’elle n’a pas su retrouver dans le Midi : la vue :
“l’épine encore noire”, l’ouïe : “glougloute mélodieusement”, l’odorat : “le parfum de la terre
délivrée, l’arôme sûr”
=éloge de la terre natale à travers l’exaltation des sens traduit d’un attachement au passé/à sa
terre natale

➢ “emplissent mon coeur” (l.24)


= vocabulaire de l’amour qui renvoie au bonheur complexe : “l’amer et incomparable” (
ambivalence de cette nostalgie ) qu’elle éprouve envers sa terre natale

3) CONCLUSION
A) Bref récapitulatif
En conclusion, l’extrait décrit un paysage en apparence paradisiaque mais qui est en réalité
dépourvu de la véritable essence du printemps contrairement à sa terre natale. L'auteur critique le
caractère artificiel du paysage méditerranéen, qui manque de la vie et de la vitalité qu’elle
retrouverait chez elle.
B) Ouverture/Élargissement
Cette thématique de la nature et de la perception humaine est également présente dans l'entièreté
de l’œuvre avec des textes qui font une éloge de la nature, comme par exemple dans “Dernier
feu” ou encore “Partie de pêche”. Dans Les Vrilles de la Vigne, la nature peut être perçue comme
un fil conducteur du texte, ce qui est aussi le cas dans Sido (1929), un texte relatant l'enfance de
Colette.

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