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Mais l'événement laisse place à une réflexion plus large, où le temps s'invite au milieu du
sentiment de désarroi, et voilà que se fait devant les yeux du lecteur une chanson du temps
qui passe.
Annonce de la problématique
Nous verrons dans un premier temps que le temps se révèle comme une fuite cyclique au
poète. Dans un second temps, nous analyserons comment s'affrontent le passage et la
permanence. Enfin, il s'agira de faire le bilan du conflit mis en lumière dans ce poème.
Développement
Apollinaire fonde une analogie entre l'eau du fleuve et le temps qui passe, qui n'est pas sans
rappeler la fameuse phrase du philosophe grec Héraclite « On ne se baigne jamais deux fois
dans le même fleuve. ».
Qui reprend, en son dernier vers, le premier vers du poème et éclaire ainsi
explicitement l'analogie : la Seine qui coule, ce sont les jours et les semaines qui passent,
sans qu'ils ne reviennent.
Mais ce qui rend cet écoulement vraiment insupportable, c'est peut-être sa lenteur, qui ne
garantit en rien sa permanence.
Et cyclique
C'est que, de fait, malgré le temps qui passe, le poète semble déplorer l'espèce de
permanence de sa souffrance intérieure, comme en témoigne ce fameux vers qui termine le
refrain et revient ainsi quatre fois : « Les jours s’en vont je demeure ».
« L'amour s'en va »
La manifestation que le temps passe est avant tout représentée, selon les mots du poète,
par l' « amour » qui « s'en va ». Ainsi, il n'y a pas qu'une analogie, entre le temps et l'eau,
mais bien plutôt une métaphore à trois pivots : l'eau, le temps et l'amour.
Déjà, à l'oral, les deux premiers vers laissent percevoir une ambiguïté pour le sujet du verbe
« coule », invitant déjà au parallèle : est-ce « la Seine » ou « nos amours » qui coule(nt) ?
Mais, cette remarque mise à part, c'est dans la cinquième strophe que ce parallèle est
finalement explicité, en faisant intervenir les trois notions :
Il faut relever l'usage de l'adjectif démonstratif « cette » qui établit sans ambiguïté la parenté
entre « amour » et « eau » et invite ensuite à le faire, d'une manière généralisée par l'article
défini « la », pour « la vie », par l'utilisation de l'anaphore sur « l'amour s'en va ».
De même, dans l'avant dernière strophe, le parallèle est encore une fois affirmé dans la
nature des deux notions de « temps » et d'« amours » qui, tous les deux, ne reviennent
pas (« ni temps passé ni les amours reviennent »).
Le souvenir permanent
Aussi ce souvenir est-il, par le fait qu'il est permanent, le responsable de sa mélancolie.
Le poète permanent
« restons» // « passe »
« éternels» // « l’onde »
«s’en va » //« est »
Un poème du conflit
Mais cette continuité est également assurée par la répétition des mêmes sonorités tout au
long du poème. Ainsi :
La nostalgie et l'impatience
La nostalgie est marquée par le souvenir heureux : « La joie venait toujours après la peine. » ;
et de ce souvenir heureux, arrive l'espoir d'un futur lui-même heureux.
Ainsi le poète est figé dans sa douleur et exprime la volonté du changement, tout en
regrettant ce qui a changé.
Conclusion
« Le Pont Mirabeau » est un poème séduisant par sa musicalité, mais il touche son lecteur
par l'universalité de sa thématique. Apollinaire réactualise le parallèle traditionnel entre
l'eau qui coule et le temps qui passe, en l'intégrant dans un poème profondément moderne.