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AIMER LA
LITTÉRATUR
E
en analysant les textes et
les œuvres
Pour le lycée

... des corpus thématiques


... des œuvres de genres différents

Création en
cours

Guy de Maupassant, Bel-Ami,


1885 : explications

PARTIE 1 - Chapitre I :


L'ouverture du roman
(pp. 29-31, du début " à "...
rencontre amoureuse.")
Pour lire le passage étudié
INTRODUCTION
Dans son roman, paru en feuilleton du
6 au 30 mai 1885, puis édité en
volume le 11 mai, Maupassant montre
l’ascension sociale de son héros,
Georges Duroy, dans le milieu du
journalisme politique grâce à l’appui
des femmes qu’il séduit. 
L’incipit d’un roman exerce
traditionnellement  une double
fonction : informer, en présentant le
héros dans son décor et son
époque, mais aussi  séduire  en
créant chez le lecteur un horizon
d’attente, qui lui donnera le désir de
découvrir la suite. Cette dernière
fonction est encore plus importante
lorsqu’il s’agit d’une publication en
feuilleton, pour d’évidentes raisons
économiques.

Nous nous interrogerons donc


sur les qualités qu’offre ce début
de Bel-Ami, et sur sa part
d’originalité.   

Henri de Toulouse-Lautrec, Monsieur Louis


Pascal, 1893. Huile sur carton, 77 x 53. Musée
Toulouse-Lautrec, Albi

LE PORTRAIT DU HÉROS
L’intérêt premier de ce portrait est la
façon dont  Maupassant utilise les
notations physiques pour suggérer
des traits de caractère. Ainsi  l’allure
générale  du personnage,
immédiatement nommé, est mise en
valeur  dès le début, «  Il portait beau
de nature », « il cambra sa taille », et
reprise en apposition dans le dernier
paragraphe de l’extrait : « Grand, bien
fait  ». Il attire donc l’attention des
femmes : elles « avaient levé les yeux
vers lui  ».  Le premier détail évoqué,
«  sa moustache  », lui donne un air
viril : il «  frisa sa moustache
retroussée, qui semblait mousser sur
sa lèvre  ». Ce gros plan sur sa
bouche annonce également  son
image de séducteur : il est celui que
toutes les femmes voudront
embrasser !  Quant à la blondeur de
ses cheveux, associée à ses
yeux  «  bleus, clairs  », elle
rappelle  ses origines normandes,
mais contraste avec les critères
traditionnels de beauté du héros
romantique, brun aux yeux sombres.
Sa coiffure, avec « une raie au milieu
du crâne  » correspond à la mode de
cette époque.

Mais quelques précisions associent


ces traits physiques à des traits de
caractère qui viennent nuancer la
première impression produite. Est
d’abord mentionné  le regard «  rapide
et circulaire, un de ces regards de joli
garçon qui s’étendent comme des
coups d’épervier », filet que l’on lance
pour capturer les poissons.
L’enchaînement de la phrase suivante
fait comprendre aussitôt que les
poissons seront, bien sûr, «  les
femmes  ». De même ses yeux sont
«  troués d’une pupille toute petite  »,
comme s’il était aux aguets, tel le félin
guettant sa proie. Enfin on notera la
récurrence pour sa couleur de
cheveux : il est «  blond, d’un blond
châtain vaguement roussi ». Ce détail
évoque  la couleur de la crinière d’un
fauve…
  Maupassant nous présente  un
personnage certes séduisant,mais
qui semble un peu inquiétant par
son aspect conquérant. 
La seconde originalité de l’incipit
vient du choix d’un portrait en
mouvement. La première action du
héros correspond, en effet, à un verbe
de mouvement : il «  sortit du
restaurant ». Puis, après un bref arrêt,
le 5ème paragraphe le met à nouveau
en mouvement : « Il marchait  », «  il
avançait  ». Enfin, un nouvel arrêt
intervient à la fin du passage, mais ce
n'est que pour mieux décider de la
direction à prendre, donc toujours
dans une volonté de mouvement.
Rendant le portrait plus vivant, ce
mouvement semble déjà annoncer
un désir d’action, de ne pas rester
à la place sociale où il se trouve au
début du roman.
De plus, Maupassant insiste sur  ses
gestes et sur sa démarche, qui se
rattachent à son passé d’« ancien
soldat  »  : «  par pose d’ancien sous-
officier », il « frisa sa moustache d’un
geste militaire et familier  », «  Il
marchait ainsi qu’au temps où il
portait l’uniforme des hussards », « la
poitrine bombée, les jambes un peu
entrouvertes comme s’il venait de
descendre de cheval  ». N’oublions
pas que, pour le courant naturaliste,
l’homme est le produit    de ses
origines, de son éducation, de son
histoire, car, même si Maupassant a
toujours refusé l’étiquette de
«  naturaliste  », le roman  en reprend
largement les composantes.

Ainsi, il possède l’allure conquérante


du soldat, qui n’hésitera pas à
écraser les autres quand cela lui
sera nécessaire. Cela se traduit par le
choix d’un lexique péjoratif, souligné
par  le rythme en gradation  du
paragraphe qui reproduit une
démarche dont l’agressivité est de
plus en plus flagrante :
«  brutalement  », «  heurtant les
épaules  », «  poussant les gens  ».
À  cela s’ajoutent  les sonorités
rythmées  : il «  battait le pavé de son
talon  ». Maupassant met donc en
valeur  la prétention et le manque de
scrupules d’un personnage  sans
manières, qui bouscule les autres
«  pour ne pas se déranger de sa
route  ».  Enfin l’écrivain guide
l’interprétation du lecteur avec une
gradation qui amplifie  son jugement
critique sur un arriviste  : «  Il avait
l’air  de toujours défier quelqu’un, les
passants, les maisons, la ville
entière ».  

Un hussard en uniforme. Photo du studio


Pedroni, Bordeaux

La mode masculine en 1885

Enfin, comme Balzac avant


lui,  Maupassant
charge  l’habillement de son héros
d’une valeur symbolique. Le premier
élément mis en relief est le « chapeau
à haute forme  », qui révèle  son désir
d’élégance. Mais des restrictions sont
aussitôt apportées. D’une part, il
est  «  assez défraîchi  » : même si
Duroy n’a pas d’argent, il cherche à
préserver son apparence
séduisante. Ne sera-t-elle pas son
gagne-pain ? D'autre part, le port de
ce chapeau est également révélateur :
il l’« inclinait légèrement sur l’oreille ».
Cela  traduit une forme de
désinvolture et lui donne un aspect
un peu voyou, ce que confirme le
commentaire final de Maupassant, la
comparaison à un « mauvais sujet des
romans populaires ». 
Puis est décrit  le «  complet  », dans
une  phrase construite sur une série
d’antithèses. Son prix, «  soixante
francs  », dont on comprend qu’il est
modique par la concession
«  quoique  »,  montre sa situation
matérielle, mais s’oppose à l’image
méliorative qui le suit : « une certaine
élégance  ». Mais cette dernière
expression  s’oppose, à son tour, aux
adjectifs péjoratifs qui la qualifient,
«  tapageuse, un peu commune  »,
donc à une forme de vulgarité,
contredite par une nouvelle opposition
: «  réelle cependant  ». La complexité
de cette phrase révèle clairement
les  contradictions de la
personnalité du héros, qui
bénéficie  d’un charme certain - et il
prend soin de mettre en valeur - mais
n’a ni les manières ni la situation
financière pour  soutenir cet atout
initial. 
Ce portrait, au-delà du seul aspect
physique, est déjà révélateur du
caractère du personnage : en cela, il
répond à la fois à la fonction
d'information que doivent exercer les
premières pages d'un roman, mais
aussi, en  créant  un horizon
d’attente, à celle de séduction, car
ce personnage intrigue déjà le lecteur.
LA MISE EN PLACE DES
THÈMES DU ROMAN
Le roman s’ouvre en pleine action,
celle de « rend[re] la monnaie » : c’est
la technique de  l’incipit «  in medias
res  »,  qui séduit le lecteur en le
plaçant immédiatement aux côtés du
héros. 
        Or, cette action introduit  un
thème-clé du roman, l’argent, autour
duquel se développe tout un réseau
lexical révélant  la médiocrité sociale
du héros : « sa pièce de cent sous »,
formule choisie au lieu de parler d’un
franc, montre  que, pour lui, chaque
sou est précieux, et «  cette gargote à
prix fixe  » désigne  un restaurant de
basse qualité. D'ailleurs, tout le
quatrième paragraphe reproduit, dans
un monologue intérieur,  les calculs
serrés de Duroy, révélant à quel point
il possède peu, « trois francs quarante
pour finir le mois  », or, on est le
« vingt-huit juin ».

En datant, même s’il ne donne ni


année ni âge, et en chiffrant ainsi son
incipit,  Maupassant va permettre au
lecteur de  mesurer l’ascension
sociale du héros. 

De plus, Maupassant reprend ici


l’optique du mouvement naturaliste.
La première nécessité de l’homme,
par sa «  nature  » animale, est
alimentaire, et le romancier s’accorde
le droit de montrer toutes les réalités
sociales, y compris celles des
milieux populaires,  n’hésitant pas à
mettre l’accent sur les aspects les plus
ordinaires  de la vie quotidienne :
«  pain  », «  saucisson  », «  deux
bocks  ».  Parallèlement  ces précisions
révèlent  le caractère du héros, qui
préfère se priver d’un dîner consistant
plutôt que d’un plaisir sur lequel insiste
la récurrence de l’adjectif : « C’était là
sa grande dépense et son grand
plaisir des nuits ».

Duroy et Rachel, téléfilm Bel-Ami, de  Philippe


Triboit , 2005

      Le troisième paragraphe du texte,


en   nous faisant passer de la
focalisation omnisciente à
la  focalisation interne, introduit  le
second thème, le rôle des
femmes  :  ces femmes sont vues par
le regard de Duroy, et c’est lui qui
semble établir  une gradation dans la
hiérarchie sociale. 
Il commence par le milieu social le
plus bas, et par les plus jeunes, donc
sans doute les  conquêtes les plus
faciles, mais les moins
intéressantes  :  «  trois petites
ouvrières  ».  Il passe ensuite à  la
«  maîtresse de musique  entre deux
âges », déjà plus élevée socialement,
puisqu’elle a dû recevoir une
éducation, mais avec des restrictions
dans l’énumération qui la rendent peu
séduisante  : «  mal peignée  »,
«  négligée  », «  un chapeau toujours
poussiéreux », « une robe toujours de
travers ». 
La reprise de l’adverbe «  toujours  »
montre aussi que Duroy est un habitué
de ce lieu, qui a déjà mesuré l’intérêt
d’une telle conquête. Enfin les « deux
bourgeoises avec leurs maris  »  sont
plus respectables socialement, et l’on
notera que le fait qu’elles soient
mariées n’empêche pas Duroy de les
observer.
Notons aussi le nom de la rue que
descend Duroy à sa sortie du café,
à  relier aux femmes. Certes, il vient
du nom  de l’église, emprunté à la
maison de Marie, à Lorette, où elle
aurait reçu l’annonciation de la
naissance de Jésus. Mais on en a tiré,
dès l’époque de sa création, dans la
première moitié du siècle, un nom
commun, une «  lorette  » étant, par
antonymie, le contraire de la pureté de
la Vierge,  une femme facile, une fille
légère. Ce quartier était, en effet,
habité par de nombreuses
« courtisanes ».  
Enfin, les derniers mots de l’extrait,
«  un désir aussi le travaillait, celui
d’une rencontre amoureuse  »,
soulignent la sensualité qui définit
le caractère de Duroy, et, à nouveau,
renvoie à l’image quasi animale de
l’homme pour Maupassant. Le verbe
«  travaillait  » est à prendre, en effet,
dans son sens étymologique, celui
d’une torture, ici due à un état de
manque. Mais il  ne s’agit pas d’un
manque d’amour, puisqu’il ne désire
qu’une «  rencontre  », donc un bref
moment d’intimité sexuelle.

Cet extrait donne donc l’impression, à


la fois que  toutes les femmes
s’intéressent à lui  et que, pour
lui,  toute femme est une proie
potentielle. Ne  posera-t-il pas en
principe, dans la suite du roman que
« Toutes les femmes sont des filles, il
faut s’en servir » ? 
L'IMAGE DE PARIS
Dès ces premières pages, le rôle de
Paris s’affirme.

Les lieux nommés nous plongent


dans la capitale, selon une gradation.
Le héros marche d’abord dans la « rue
Notre-Dame de Lorette  », un quartier
populaire, connu pour la présence de
ces prostituées que la suite fera voir
au lecteur. Puis, «  il parvint au
boulevard  », domaine des cafés, des
théâtres, sur la rive droite : c’est le lieu
des plaisirs, où se dépense l’argent.
Mais, à la fin du passage, Duroy
éprouve l’«  envie maintenant de
gagner les Champs-Élysées et
l’avenue du Bois-de-Boulogne », c’est-
à-dire les lieux de l’élégance et du
luxe parisiens, beaucoup plus que les
grands boulevards. Cette
progression révèle déjà une autre
soif du héros, celle d’ascension
sociale.

Jean Béraud, Scène sur les Champs-Élysées,


vers 1890. Huile sur toile, 36,8 x 53,3. 
Collection particulière

Jacques Doisneau, La
concierge aux lunettes
de la rue Jacob, 1945.
Photographie

Dans ce décor, les figurants,


«  concierges  » et «  passants  »,
jouent également un rôle
symbolique. Le concierge, en effet,
est, traditionnellement, celui qui est au
courant de tous les secrets des
familles. Il observe, surveille, épie, il
sait tout sur les habitants de son
immeuble. Or, c’est cette même
connaissance, pas toujours très
propre, qui, tout au long du roman,
permet au héros de progresser
socialement, d’abord au sein du
journal, La Vie Française, quand il
sera reporter pour les « Échos », puis
dans les milieux économiques et
politiques, en tirant profit de tous les
scandales. Les «  passants  », eux,
permettent d’établir un contraste avec
le héros  : ils «  allaient d’un pas
accablé, le front nu, le chapeau à la
main  ». Face à leur épuisement, la
démarche de Duroy, énergique,
décidée, le montre rempli d’une force
vitale supérieure.
Enfin, le choix de la date, «  le 28
juin » n’est pas innocent, car il permet
au romancier de jouer sur la chaleur
d’«  une de ces soirées d’été où l’air
manque  ».   En insistant sur cette
impression d’étouffement, il
introduit le thème de la soif qui
parcourt ce passage, soif physique,
mais aussi symbolique dans
l'ensemble du roman, celle d’argent et
de femmes. Les images qui
dépeignent la ville, «  chaude comme
une étuve » qui « paraissait suer dans
la nuit étouffante  », la personnifient
peu à peu  : «  Les égouts soufflaient
par leurs bouches de granit leurs
haleines empestées  ». Il crée ainsi
une image répugnante, Paris
devenant un monstre, à deux
niveaux. Il y a l’apparence peu
ragoutante, le trottoir, la surface, à
l’atmosphère viciée par les odeurs
des déchets qu’on y jette, les
«  miasmes infâmes  des eaux de
vaisselle et des vieilles sauces  »,
formule aux sonorités expressives, et
les lieux souterrains, ceux des
«  égouts  », «  eau de vaisselle et
vieilles sauces ».
L’écriture de Maupassant, juxtaposant
de petites touches, à la façon des
peintres impressionnistes, recrée
cette atmosphère suffocante. Mais
il la charge aussi d’une fonction
symbolique  : le roman montrera
précisément toutes les «  cuisines
souterraines  » qui fonctionnent 
dans Paris, dans le journalisme, la
finance, la politique…
CONCLUSION
Ce début de roman  représente un
texte essentiel et caractéristique
du  roman d’apprentissage, car il
marque nettement  la situation
initiale du héros. Nous y
découvrons  ses manques  : l’argent,
et les femmes puisqu’il est ici seul.
Mais il possède aussi des atouts. Ne
porte-t-il pas d’ailleurs un nom
prémonitoire : «  Duroy  » ? Ne peut
que jouer en sa faveur sa séduction,
selon le titre du roman, Bel-Ami, liée à
un évident manque de scrupules : il
semble prêt à tout pour avancer, au
sens propre et au sens figuré. En
cela,  il n’a pas la naïveté souvent
caractéristique du héros de roman
d’apprentissage.
 
Il constitue aussi  une première
approche de Maupassant
romancier.  Même s’il a toujours
refusé cette étiquette, le texte peut
s’inscrire dans  le courant
naturaliste, qui fait suite au réalisme :
l’homme est le produit de son hérédité
et de son milieu, le héros est donc
marqué par sa nature profonde, ses
origines, sa profession. Aucun milieu,
aucun lieu ne sera exclu, aucune
réalité, même les plus vulgaires. 

En revanche, sa  technique pourrait


plutôt être rattachée à  la peinture
impressionniste  : en créant une
constellation de détails, avec des
touches successives qui se mêlent,
voire s’opposent, il cherche à créer
une impression d’ensemble sur le
lecteur, subtilement guidé par le
romancier. De même, les variations de
la focalisation omnisciente, avec un
romancier extérieur, à la focalisation
interne, où il se confond avec le
personnage, est une autre façon
d’influencer notre jugement.

PARTIE 1 - Chapitre II :


Le premier dîner. (pp. 57-58,
de "Mme Forestier..." à "... un
encouragement.")
Pour lire le passage étudié
INTRODUCTION
Dans son roman  Bel-Ami,  paru en
feuilleton en 1885, Maupassant
montre l’ascension sociale de son
héros, Georges Duroy, dans le milieu
social du journalisme politique, grâce
à l’appui des femmes qu’il séduit. 
La rencontre de son ancien
camarade, Forestier, présentée dans
le premier chapitre, a été bénéfique à
Georges Duroy, qui n’avait alors que
trois francs quarante en poche.
Forestien lui a proposé son appui
pour se lancer dans le journalisme
à  La Vie Française  : il lui prête
quarante  francs (ce qui  permet à
Duroy de finir sa soirée avec une fille,
Rachel), et il l’invite à dîner le
lendemain pour rencontrer M. Walter,
le directeur du journal. 

Le chapitre II évoque  ce dîner, qui


donne à Duroy l’occasion de briller en
racontant ses souvenirs d’Afrique :
Walter lui propose d’écrire une série
d’articles sur ce sujet. 
En quoi cette description marque-t-
elle le début de l’ascension sociale
du héros ?

DUROY ET LES FEMMES


Trois femmes sont mentionnées dans
cet extrait, Madeleine Forestier,
Madame de Marelle et sa fille,
Laurine.  Les regards qu'elles portent
sur Duroy sont significatifs du rôle
que chacune va jouer dans sa
vie.    
Mme Forestier,
film Bel-Ami, de
Declan Donnellan
et Nick
Ormerod, 2012 

C’est sur  le regard de Mme


Forestier  que s’ouvre et se ferme
l’extrait. Au début, elle observe
Duroy  d’«  un regard protecteur et
souriant  », image renforcée par le
verbe «  couvrait  », qui lui donne le
rôle de la femme plus âgée, celle qui
sera  l’initiatrice. C’est une femme
expérimentée, qui connaît bien les
mécanismes de l’arrivisme, d’où
son « regard de connaisseur ». Elle a
mesuré exactement ce qu’est Duroy.
Le discours  rapporté direct traduit
bien, en focalisation omnisciente,
l’implicite de ce regard : «  Toi, tu
arriveras. » 
À la fin de l’extrait, c‘est par la
focalisation interne que le regard est
interprété, par le héros selon une
gradation ternaire : « il crut y voir une
gaieté plus vive, une malice, un
encouragement ». En fait, elle n’a rien
perdu de la scène entre Duroy et
Mme. de Marelle, et cela est venu
confirmer son jugement initial sur
Duroy. Observer cet arriviste en action
semble l’amuser, comme si elle
observait une expérience se dérouler
sous ses yeux. 
Pour Duroy, elle est déjà perçue
comme une complice possible :
deux êtres de même nature se sont
rencontrés. 
La première présentation de Mme de
Marelle montre un regard plus léger,
rapide : elle «  s’était, à plusieurs
reprises,  tournée vers lui ».  C’est le
regard d’une femme frivole habituée,
elle aussi,  à juger rapidement les
hommes mais plutôt sur leur potentiel
de séduction. Dans son portrait,
l’accent est mis sur le «  diamant  » :
elle représente donc  la femme
coquette, qui symbolise l’entrée
dans le monde du luxe. La
description du bijou, avec les trois
verbes, « tremblait », « se détacher »,
« tomber », semble illustrer une forme
de fragilité, comme si elle était une
femme toute prête à se laisser
«  tomber  », elle aussi, dans les bras
d’un homme. 
Le lecteur pressent déjà une relation
possible entre le héros et Mme. de
Marelle. 

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