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Introduction aux grandes théories du roman

I- Arts poétiques : La paternité paradoxale d'Aristote


1) Arts poétiques : le roman n'est pas un genre
Dans la Poétique d'Aristote, trois grands genres nobles : la tragédie, l'épopée et la comédie.
Au cours des siècles, nouveaux genres ont été joints ou mêlés à ceux là. Boileau consacre à
ces trois genres un part importante dans son Art Poétique.

2) Aristote, théoricien du récit

3) Poids de la poétique aristotélicienne

4) Le roman, genre au-dessus des genres?

II- Mythe, épopée, roman


1) Antiquité du roman?
Pas d'existence propre du roman dans l'Antiquité mais une existence multiple => point de
vue de P. Grimal. Il le voit partout, Odyssée = "premier roman d'aventures" ; "belles histoires
de la mythologie". Selon P Grimal, le romanesque de la Grèce antique dépasse le roman car
événements extraordinaires,...

2) Du mythe au roman
Le mythe : pour les ethnologues aujourd'hui mythe a un statut universel. Le plus souvent,
mythe d'origine, récit de création du monde avec éléments merveilleux,... Mythe dit le vrai à
ceux chez qui il est crée.

Transformation du mythe : même structure peut être utilisé dans des mythes de cultures
différentes avec substitution de valeurs. De plus, C. Levi-Strauss évoque la transformation du
mythe au fil des versions successives.
Mythes et épopées : mythes se développent surtout dans civilisation sans Etat, sans
monnaie,... épopée nait dans des structures plus complexes. La plus ancienne connue est
Gilgamesh (2ème millénaire avant JC)

3) Epopée et roman
Le mot "roman" : évolution du sens. Adverbe latin romanice = à la façon des Romains. IX
ème siècle : lingua romana : langue vulgaire par opposition au latin. Au XIVe siècle, terme
désigne littérature courtoise (ie romans d'aventures puis de chevalerie). Romancier a
d'abord signifié "traduire du latin au français".

De la chanson de geste au roman : roman semble provenir aussi des chansons de geste.
Roman, contrairement au roman épique, tire sa vérité de la cohérence d'une fiction.
Grandes différences entre roman et épopée : rapport à l'individualité, au cadre spatio
temporel,... (Bakhtine)

4) Le premier "roman" moderne : Don Quichotte


La "folie" romanesque : DQ veut transcrire dans le réel ce qu'il a lu dans les romans de
chevalerie. Foi dans la chevalerie, mais meurt épuisé. =>sanction d'un homme délirant de
romanesque qui choque les convenances. Œuvre est constante parodie des romans de
chevalerie. Cervantès mêle donc registre comique et noble.

La passion du romanesque : critique mais aussi reconnaissance des bons romans de


chevalerie

L'ambigüité constitutive du roman moderne : constitutive car satire du type de récit passé de
mode. Prestige + contradictions du roman

5) De l'Epopée au Roman
L'indiscutable modèle épique : DQ est une réflexion explicite dont le point de départ est le
poème épique. DQ pousse à son comble le jugement favorable dont jouit l'épopée depuis
des siècles. DQ confond faits attestés et embellissements romanesques.

Mensonges ou vérités romanesques ? Pour DQ et Sancho, les vérités littéraires sont les
seules qui vaillent. Le livre de Cervantès embrasse épopée et roman dans un même amour
fou, celui de la littérature.

6) Baptême théorique du roman


Evolution de l'opinion des personnages sur les romans de chevalerie. Au début, le curé est
contre puis défend le haut style romanesque. DQ est un éloge du décousu, du mélange des
registres, de l'alliance de la poésie, et de l'éloquence.
III- Le roman à l'âge classique : procès en légitimation
1) Le discours des censeurs classiques : une théorie négative
Roman est beaucoup écrit mais aussi beaucoup critiqué. Contradiction inscrite aussi chez les
auteurs qui écrivent romans mais les critiquent (Mme de Sévigné). Certains jansénistes et
jésuites soulignent l'immoralité et la bassesse des romans. Des romanciers comme Voltaire,
Diderot, Laclos font aussi, de façon plus mesuré, des condamnations. Critique porte
d'avantage sur la morale que sur l'esthétique => entraîne censure.

2) Le roman, corrupteur du goût


Les critiques de Boileau contre le courant précieux : conception classique stricte d'une
hiérarchie des valeurs artistiques. Les Anciens n'ont pas pratiqué le roman, il est donc frivole
selon Boileau. Même disqualifié, roman a grand succès. Le roman n'est pas de bon goût
selon les critiques. Depuis d'Urfé, il est entaché d'invraisemblances criantes. Il faut attendre
La princesse de Clèves ou Zaïde pour en venir à des pratiques plus épurées. Critiques sur
l'invraisemblance romanesque : peu de solidité, conversations vagues ou frivoles, portraits
avantageux,... (Boileau) + critique sur l'amour précieux (cf Carte du Tendre)

Permanence de la critique du goût précieux : Lenglet-Dufresnoy s'en prend héroïco-galants


(Presvost), condamne invraisemblance dans l'action, excès des caractères (même si Manon
Lescaut est moins irréaliste ou Clélie par ex). Romans du XVIIIème siècle a aussi
invraisemblance romanesque + thème principal est amour.

3) Le roman, peinture de l'amour


Critique prononcé au nom de la morale et de la religion. Cette peinture de l'amour choque
les bienséances, l'innocence des jeunes filles, la pudeur,... => jansénistes, jésuites et
réformés souhaitent interdire la production + commerce.

Vraisemblances ou bienséances ? Les romans héroïques et galants s'abstiennent de toute


complaisance érotique ou de bassesse morale par opposition aux romans picaresque ou
comiques qui ne reculent pas devant allusions au "bas" matériel, situations équivoques ou
scabreuses (adultère, fornication, mensonges). Au XVIIIe précieux et précieuses sont du côté
de la vertu, de l'honneur, des bienséances. Invraisemblance romanesque est autorisé car
toile de fond historique. Montesquieu est très critique à l'égard de Manon Lescaut (catin et
fripon sont les héros). Roman a des vertus égalitaires car égalise les petits et les grands au
nom de l'amour. Romanesque galant ne se soucie pas des valeurs chrétienne, lecture de
roman est donc juste un divertissement. Mais des fois, morale sévère triomphe => Princesse
de Clèves.

Le roman, libre fiction : Pour La Fontaine, il faut laisser lire les filles, elles sont mieux
prévenues du danger. Les critiques contre le roman (sur l'amour) sont aussi faites contre le
théâtre (grandes accusations théologiques de Rousseau). Roman : critique esthétique +
morale => sans noblesse ni vertu, sans règles,.... Les défenseurs du roman tentent de
retourner ce négatif en caractères positifs. Pierre-Daniel Huet + Nicolas Lenglet-Dufresnoy.

4) Un apologiste honnête homme : Pierre-Daniel Huet


1670 : Traité sur l'origine des romans : a vu le jour en Antiquité, en Orient selon Huet, roman
a donc noblesse classique.

Double naissance du roman : chute de l'Empire romain s'accompagne d'une perte du sens
vrai. Au temps mérovingien : histoires sont "ramas de mensonges grossièrement imaginés".
Au Moyen Age, "troubadours et chanterres" se mettent à se "romaniser" et inventent roman
moderne. Selon Huet, œuvres de l'Antiquité viennent de l'amour des invention
romanesques. Inclination aux fables est "naturelle" chez l'homme. Romans émeuvent les
passions que pour apaiser celles des lecteurs. Huet ménage au genre une place particulière.
Double lecture du roman, les enfants et les simples se contentent de l'écorce, de l'apparence
de vérité. Mais les lecteurs "polis" sont "ceux qui pénètrent plus avant et vont au solide", ils
recherchent "l'excellence de l'invention et de l'art".

La tradition de la figure : Huet n'a pas oublier la pensée antique => Ecriture Sainte au centre
de toute Vérité comme de tout Récit, accès à la Vérité compte. Tout récit peut se prévaloir
d'une présomption de sérieux et de profondeur. A partir de ce modèle, toute fiction est
défendable.

Définition du roman singulier : "Romans sont des fictions d'aventures amoureuses; écrites en
prose avec art, pour le plaisir et l'instruction des lecteurs". Importance centrale accordée à
l'amour, à la vie privée des gens du meilleur monde. Roman flatte les goût et traduit les
préoccupations. Roman et épopée sont différent car épopée a plus d'éléments merveilleux ,
est moins vraisemblable.

Eloge des femmes : lecteurs du roman sont en majorité des femmes + romancière : pas
d'autre genre où la place des femmes est si importante. Pour lui, lecture de bons romans,
d'une pureté parfaite est utile aux jeunes filles lorsqu'elles font l'expérience de l'amour. De
plus, le roman fait l'éloge du sexe féminin (qui semble avoir fait honte)

5) Lenglet-Dufresnoy, ou le libertin masqué


théoricien important du genre. Huet = homme d'église respecté, Lenglet-Dufresnoy = libertin
du siècle des lumières. Il développe arguments en faveur du genre. Lenglet s'intéresse à
l'histoire et au rapport qu'elle a avec le roman, il défend le réalisme romanesque.

Le roman, introduction à la vie amoureuse : Lenglet revendique tous les publics et propose
pour chaque âge des lectures appropriées => veut satisfaire les désirs du public et l'instruire
au moyen des romans. Romans sont pour lui l'occasion de s'initier à l'amour, ils nourrissent
l'imagination et répondent aux désirs secrets. Il est conscient de l'importance des romans
dans le monde moderne. Lecture profane ouvre à une pédagogie. Il a compris que le roman
est destiné à un tout autre avenir que celui du divertissement frivole.

IV- Défense et illustration du roman au siècle des


Lumières
1) L'épopée comique en prose selon Fielding
Dans années 1750 : publication et traduction des œuvres anglaises de Ridcharson, de
Fielding, de Sterne, ...=> influence roman français. Fielding + Sterne sont des théoriciens du
roman. Désirent de fonder en raison la pratique de romancier => imitation de la nature, du
vraisemblable. S'oppose aux extravagances des romans héroïques français du 17ème.
Romanesque est ridiculement moralisant pour lui dans Pamela de Richardson.

Comédie ou parodie? Tente de fonder en raison un récit épique capable de rendre compte
de la vie quotidienne de tous (contrairement à épopée classique où on a que des nobles).
Pour lui, les personnages de rang médiocre doivent figurer dans le roman. Il s'inspire
beaucoup de Molière où les personnages de tous les milieux se rencontrent. Il emploie le
style héroïcomique pour tourner en dérision le sérieux de l'histoire.

2) Les "fondements philosophiques" du roman anglais


Le réalisme formel : renouvellement sans réelle théorisation. Roman => correspondance
entre l'œuvre littéraire et la réalité qu'elle imite. Terme réalisme empreinté au 19e siècle
français. Au sens philosophique réalisme s'appuie sur l'idée selon laquelle la vérité peut être
découverte par l'individu au moyen de ses sens.

Caractéristiques du roman anglais : valorisation de la nouveauté et de l'originalité, invention


des sujets, non encrés dans l'actualité. Action a pour protagonistes des personnes
particulières. Roman gagne en cohésion et en vraisemblance en montrant l'expérience
passée des personnages ; le nouveau roman anglais s'attache à donner une description
minutieuse des événements quotidien et porte attention à la chronologie. Roman refuse
beauté du style mais cherche le rapport adéquat entre mots et choses.

L'épanouissement de l'individu moderne : transformations d'une société + développement


de l'alphabétisation ont permis émergence de l'individualité moderne. Selon Ian Watt, la
naissance des transformations romanesque vient de là.

3) Denis Diderot théoricien : un autre nom pour le roman ?


L'Eloge de Richardson (1761) => Enthousiasme, Diderot compare Richardson aux grands
moralistes classiques comme Montaigne. Eloge s'élargit en éloge sur le roman.
Pour une poétique du réalisme : Insistance sur la participation du lecteur confère sa force au
roman de Richardson. R. articule une dramaturgie de la lecture à une poétique de l'écriture.
Sous le signe de l'expérience.

Le conte historique : Il trompe car a pour objet une vérité rigoureuse. Une poétique de
l'écriture "historique"=> illusion artistique du "vrai". Diderot évoque aussi l'importance des
"détails significatifs".

Réalisme et mystification : Le roman réaliste n'apparait-il pas comme la tromperie naïve ou


retorse d'un trop crédule lecteur? Diderot est attentif à provoquer et désamorcer l'illusion
réaliste.

Le roman à la 1ère personne : Diderot reprend les principes des romans comiques + les
confronte avec le récit à la 1ère personne. Récit à la 1ère personne relate les expériences
d'un "je" qui a vécu. Vise à accrédité le propos en désignant son origine.

4) Sade, Staël, Hegel : d'autres voies pour le roman ?


Le fabuleux selon Sade : "on appelle roman, l'ouvrage fabuleux composé d'après les plus
singulières aventures de la vie des hommes". 1800 : Les idées sur le roman parait comme un
anachronisme. Le fabuleux est le fictif selon Sade, il est pourtant pour le vraisemblable.
L'intensité de Sade vise l'extraordinaire, l'exceptionnel au delà de tout moralisme. Il attend
du roman réaliste qu'il s'engage dans le "dédale de la nature", qu'il éprouve "les
modifications du vice et toutes les ressources de la passion". La nature étant "plus bizarre
que les moralistes ne nous la peignent", sa grandeur, sa puissance qui ne nous épargnent
aucun tourment. Il faut y puiser l'inspiration romanesque.

Germaine de Staël parait beaucoup plus sage => Essai sur les fictions. Roman est tableau des
mœurs séculaires comme le dit Sade, il peint donc toutes les passions de toutes les
circonstances de la vie. Mme de Staël n'est pas insensible au profondeur de l'âme humaine
=> souhaite que les fictions nous expliquent les mystères de notre sort.

Le roman, lieu de l'affrontement du moi et du monde : fin 18e, gout classique n'est pas
éteint mais les règles classiques ne parviennent pas à contenir la nouvelle puissance
romanesque. Roman a pris conscience de lui même comme fait littéraire majeur.
Confrontation entre le moi et le monde. Il utilise de moins en moins la ruse pour séduire ses
adversaires. On l'accuse toujours d'immoralité au 19e (procès de Flaubert).

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