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L’approche par

compétences : mode
ou véritable
changement ?
Sylvie Van Lint - Muguerza
Chercheur au service des sciences de l’éducation de l’ULB
IUFM Rennes, le 14 janvier 2009
Plan de l’exposé
1. La notion de compétence

2. Les paradoxes de la notion de


compétence

3. Évaluer des compétences

4. Construire des compétences


1. La notion de compétence
Des réformes en Communauté française
de Belgique

1997 : décret « Missions » (définissant les


missions prioritaires de l’enseignement fondamental et
secondaire)
1999 : socles de compétences et compétences
terminales
Recherches sur l’évaluation des compétences
1. La notion de compétence
Pourquoi des réformes ?
 Enjeu politique : coût de l’échec et du décrochage
scolaires.

 Enjeu économique : besoin d’une main d’œuvre de + en


+ qualifiée.

 Enjeu sociologique : massification et reproduction


sociale.

 Enjeu pédagogique : transmission des savoirs et « pari »


du transfert.
1. La notion de compétence
Les origines de la notion de compétence :

 Chomsky et la compétence linguistique

 Le monde de l’entreprise
 Adaptabilité

 Singularité

 On ne "voit" jamais une compétence, on observe ses effets

 Importance de la MOBILISATION
1. La notion de compétence
Définitions
 "Aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de
savoirs, de savoir-faire et d'attitudes permettant d'accomplir
un certain nombre de tâches" (Décret du 24 juillet 1997
indiquant les missions de l'école pour la Belgique
francophone).

 "Savoir-agir complexe fondé sur la mobilisation et l'utilisation


efficaces d'un ensemble de ressources" (Programme de
formation de l'école québécoise, 2000).

 « C’est être capable de mobiliser ses acquis dans des


tâches et des situations complexes ». Le Socle commun des
connaissances et des compétences (France, 2006)

 "Le fait de savoir accomplir une tâche". ( Rey,1996)


1. La notion de compétence
Réponse à un besoin pédagogique ?


Parenté entre compétence et socio-
constructivisme
1. Le fait de s’affronter à des tâches complexes :
L’approche par compétences redonne à l’apprentissage sa dimension
de la transformation en profondeur du sujet.

2. L’idée d’action, d’une tâche à résoudre :


La tâche conduit à la mise en activité des apprenants et évite la
décomposition ; cela redonne de la finalité et du sens au savoir.

3. L’idée de mobilisation :
Pour qu’il y ait compétence, il ne suffit pas que le sujet possède ces
éléments, il faut encore qu’il soit capable de les « mobiliser ».
1. La notion de compétence
 Ne s’oppose pas aux savoirs
La compétence s’appuie sur des éléments préalables.
( savoirs, savoir-faire, attitudes)
(connaissances, capacité, attitudes)
 Souci du transfert
La tâche rencontrée doit être nouvelle ou inédite c’est-à-dire
une tâche que le sujet n’a jamais rencontrée.
2. Les paradoxes de la notion
de compétence
Les paradoxes
 L’augmentation du niveau d’exigence dans un
contexte de lutte contre le retard scolaire et le
décrochage scolaire

 La méconnaissance du processus de mobilisation :


On demande aux enseignants d’amener les élèves à
devenir compétent alors que notre connaissance sur
l’acte de mobilisation est très incertaine
2. Les paradoxes de la notion
de compétence
Les critiques
 Le statut scientifique du concept de compétence

 L’approche par compétences = une pédagogie de


l’extrême – une pédagogie élitiste (notion de
complexité inédite) (Crahay et Gauthier)

 La confusion entre apprentissage et évaluation


2. Les paradoxes de la notion
de compétence
Les réponses
 L’approche par compétences n’est pas une pédagogie
par compétences

 La complexité inédite ne s’élève pas en norme

 La pédagogie de l’extrême ou pédagogie de l’expert


2. Les paradoxes de la notion
de compétence
Les dangers :
 L’utilitarisme du savoir : usage pragmatique et usage
interne

 Lacomplexité inédite comme norme unique


de la compétence

 Une
confusion entre ce qui est attendu et les
moyens à mettre en œuvre
La tâche est hétérogène par ses constituants et homogène par
sa finalité.
La pédagogie par les compétences, en focalisant son
objectif sur la mobilisation réintroduit l’importance du sujet
et du contexte dans lequel il vit.
Les apprentissages ne sont pas conçus pour développer
des démarches intellectuelles postulées, mais pour
amener les élèves à résoudre des tâches qui sont
inscrites dans la réalité et dans une globalité.

En se tournant résolument vers l’accomplissement de


tâches, l’approche par les compétences abandonne l’idée
que des apprentissages sans sens peuvent donner du
sens et que des apprentissages hors de la globalité
conduisent à la globalité. C’est sans doute ici que l’on
peut parler de rupture et que les approches
constructivistes trouvent un cadre de travail plus en
adéquation avec leur ambition : construire des
apprentissages « en profondeur ».
3. Évaluer des compétences

 Evaluer des compétences ?


3 conditions :
- Présenter des tâches complexes
- Présenter des tâches inédites
- Présenter des tâches qui font appel à des
procédures normalement apprises.
3. Évaluer des compétences
Environ 3000 élèves testés :

1. De nombreux élèves en difficulté


2. Pourquoi des élèves arrivent-ils à mobiliser et
d’autres pas?

INCERTITUDE
Plusieurs solutions :
- abandonner la notion de compétence…
- discours prescriptif…
- construire des outils qui aident les enseignants à
mieux gérer l’incertitude.
3. Évaluer des compétences
Une proposition :
Une évaluation en trois phases
 Phase 1 : On demande aux élèves d'accomplir une tâche complexe, exigeant le
choix et la combinaison d'un nombre significatif de procédures qu'ils sont censés
posséder à la fin d'un cycle.

 Phase 2 : On propose à nouveau aux élèves la même tâche. Mais cette fois, la
tâche complexe est découpée en tâches élémentaires dont les consignes sont
explicites et qui sont présentées dans l'ordre où elles doivent être accomplies
pour parvenir à la réalisation de la tâche complexe globale. Mais il appartient à
l'élève, pour chacune de ces tâches élémentaires, de déterminer la procédure à
mettre en œuvre parmi celles qu'il est censé posséder.

 Phase 3 : On propose aux élèves une série de tâches simples


décontextualisées, dont les consignes sont celles qui sont utilisées ordinairement
dans l'apprentissage des procédures élémentaires qu'on propose à l'école :
effectuer une soustraction ; écrire des mots ; accorder un verbe avec un sujet,
etc. Ces tâches correspondent aux procédures élémentaires qui ont dû être
mobilisées pour accomplir la tâche complexe de la phase 1.
Association des parents de l’école du Centre
13-15, rue de Bruxelles
B. 5000 Namur.

Namur, le 15 novembre 2002.

Chers enfants,

Vous n’êtes pas sans savoir que l’Association des parents a décidé d’aménager
la cour de l’école. L’enquête «Votre rêve pour la cour de récré » réalisée par le cycle 8-10 a
donné les résultats suivants :
25/100 rêve d’un terrain de volley, 1/20 voudrait un terrain de handball, 20 % y verrait un
terrain de basket, 21 des 300 enfants interrogés préféreraient un terrain de tennis, un tiers des
enfants de l’école désire un terrain de football et le reste souhaiterait qu’on installe une plaine
de jeux.

Très heureux de constater que les élèves aiment beaucoup le sport, nous voudrions que
l’aménagement de la cour tienne compte des dimensions officielles des terrains de sport.

Nous devons maintenant choisir l’aménagement qui plairait au maximum des enfants en
tenant compte des désirs des élèves, de la taille des terrains de sport et de la cour ainsi que du
coût. Nous vous demandons à vous de faire cette étude et de nous dire quel aménagement est
le plus souhaitable.

D’ores et déjà nous vous informons que l’installation d’une plaine de jeux est trop coûteuse et
que cela dépasse le budget.

En vous remerciant d’avance pour votre collaboration, nous vous souhaitons un


excellent travail.

Pour l’Association des Parents de l’école du Centre,

P.S. : Pour information : la cour de l’école a la forme d’un quadrilatère avec deux côtés
parallèles et deux angles droits. Les côtés parallèles mesurent 18 m et 40 m. Le côté
perpendiculaire aux bases mesure 30 m.
PHASE 2

Pour pouvoir donner une réponse précise à l’Association des parents, tu dois effectuer
différentes tâches.

1. La première tâche consiste à déterminer quels sont les principaux désirs des élèves de l’école.
Pour cela, réduis les différentes fractions au même dénominateur et classe les résultats de l’enquête en
ordre décroissant.

Résultats et classement :

- Un terrain de volley-ball : 25/100 = …..

- Un terrain de handball : 1/20 = ….

- Un terrain de basket-ball : 20 % = ….

- Un terrain de tennis : 21/300 = ….

- Un terrain de football : un tiers des enfants = …..

- Une plaine de jeux : le reste = ….

2. La deuxième tâche consiste à prendre en compte la forme et les dimensions réelles de la cour
de récréation. Pour t’aider, tu pourrais la dessiner. Fais bien attention aux proportions.

A. La cour est en forme de quadrilatère. Quels quadrilatères connais-tu ? Donne des noms :

……………………………………………………………………………………………………………

……………………………………………………………………………………………………………

B. La cour a la forme d’un quadrilatère avec 2 côtés parallèles et 2 angles droits. Dessine une forme
qui pourrait être la cour de récréation.

C. Trace maintenant la bonne forme avec les bonnes mesures. Peux-tu tracer un côté de 18 m sur ta
feuille ? Comment feras-tu ? (dessine-le à l’échelle)
PHASE 3 MATHEMATIQUE (page 1)

1. Place les nombres suivants sur la droite :

7/10– 5/4 – 0,4 – 1,75 – 90/100

-1 0 1 2
2. Complète par >, < ou = à la place des pointillés :

0,26 ……… 1/4

87/100 …….. 0,87

0,84 …….. 84/10

1/8 …….. 0,125

3/5 …….. 0,66

3 En utilisant 4 triangles rectangles égaux, forme un losange, un rectangle, un carré, un trapèze


et un parallélogramme.
Losange Rectangle

Carré Trapèze

Parallélogramme
3. Évaluer des compétences
La gestion des paradoxes

Une évaluation diagnostique qui permet:

1. au-delà de la réussite ou non lors de la


réalisation d’une tâche complexe et inédite, de
diagnostiquer les problèmes des élèves.

2. d’offrir un outil d’analyse qui aide les


enseignants en contexte de mieux comprendre
les mécanismes de la mobilisation.
3. Évaluer des compétences
Constats :
 La majorité des élèves sont en difficulté lorsque l’on leur propose
des tâches complexes.

 De nombreux élèves maîtrisent souvent les procédures impliquées


dans les tâches complexes mais sont incapables de les utiliser.

 Les élèves qui réussissent les tâches complexes sont ceux qui
maîtrisent correctement les procédures nécessaires à leur
résolution.(point de saturation)

 La majorité des épreuves d’évaluation qu’elle soit externe ou locale


n’évaluent pas des compétences complexes (de degré 1), mais
évaluent surtout des procédures ou dans une moindre mesure des
compétences de degré 2, c’est-à-dire des compétences qui
demandent un cadrage limité à l’utilisation d’une procédure.
3. Évaluer des compétences
 Les enseignants comprennent, au travers du modèle, en trois phases les
enjeux de la notion de compétence.

 Les enseignants sont sensibles à l’aspect diagnostique de la démarche.


La déclinaison en trois degrés des compétences les aide dans l’analyse
de leur pratique de classe.

 Les enseignants, après formation, sont capables de construire des


épreuves en trois phases. Toutefois, ils soulignent le temps considérable
que ce travail représente.

 Les enseignants dénoncent le manque de cohérence qu’ils observent


entre les différentes épreuves externes qu’ils ont l’occasion de consulter
ou d’administrer. Ils demandent une meilleure cohérence dans
l’interprétation de la notion de compétence entre les différents
concepteurs d’épreuves.

 Les enseignants s’interrogent sur la définition du niveau des études,


lequel semble fluctuer selon les concepteurs des épreuves. Cette
subjectivité et cette non cohérence les déstabilisent.
4. Construire des compétences
Des hypothèses de travail…
 Situations problème que les élèves ne savent pas
résoudre :
 Pour se rendre compte de l’insuffisance de son savoir
 Pour faire émerger les préconceptions

 Exploration du concept
 Analyse du concept
 Structuration du concept
 Réinvestissement du concept : apprendre la
mobilisation
4. Construire des compétences
 Trois degrés de compétences :
 degré 1 : savoir exécuter une opération (ou une suite
prédéterminée d’opérations) en réponse à un signal. Nous parlons
de « compétence élémentaire » ou de « procédures
automatisées ».

 degré 2 : posséder toute une gamme de ces compétences


élémentaires et savoir dans une situation inédite, choisir celle qui
convient ; ceci demande une interprétation de la situation que l’on
appelle « cadrage de la situation ». Nous parlons de
« compétence élémentaire avec cadrage » ou « de compétence de
deuxième degré ».

 degré 3 : savoir choisir et combiner correctement plusieurs


compétences élémentaires pour traiter une situation nouvelle et
complexe. Nous parlons de « compétences complexes » ou de
« compétences ».
4. Construire des compétences
 Mobilisation : 3 types de «cadrage »
Capacité à voir dans la complexité d’une situation les traits
pertinents qui vont permettre de résoudre une situation.

le cadrage pragmatique : saisie globale sans se préoccuper de


l’analyse, de la justification, du calcul, de l’exhaustivité.

le cadrage hyperscolaire : pas de représentation de la situation


concrète et tentative d’utiliser, d’une manière aveugle, des
procédés appris à l’école sans penser à la situation dans sa
réalité.

le cadrage « instruit » : Les élèves tentent de se représenter la


situation dans sa réalité, en investissant systématiquement dans
cette représentation des instruments appris à l'école, en essayant
de procéder de manière systématique et exhaustive et enfin, en
donnant exprimant et justifiant correctement leur réponse.
Conclusion
Mode ou véritable changement

Pédagogie de l’incertitude

Professeur « chercheur »

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