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SEQUENCE :

REDIGER LA CRITIQUE D'UN RECIT DE FICTION

1. Pratiquer

Tu vas lire une nouvelle intitulée La nuit du saigneur. Il s'agit d'un conte de Noël.
Avant d'entreprendre cette tâche, dis ce que le titre et le genre évoquent pour toi. Au
terme de ta lecture, tu devras faire état de tes réactions, les comparer à tes attentes et les
justifier.

La nuit du saigneur

CD. Flavius Gallus à PL Claudius Strabo, salut !

Revoici encore les calendes de janvier, mon cher Strabo, et je suis toujours en
Judée. J'en ai assez de ce pays de fous ! Tous des timbrés qui puent le mouton à mille
pas ! Tu ne peux même pas manger convenablement : leur religion interdit ce qu'on
s'envoie dans le reste de l'Empire.
Et avec ça, de véritables dingues ! Ils ont un Etat grand comme une dalle de la Via
Appia, et ça joue les seigneurs. À peine s'ils nous voient. Tu leur parles en latin ? Ils
te répondent en grec, et avec l'accent d'Alexandrie, s'il vous plaît. Quand je pense
qu'on domine le monde et qu'on doit faire des salamalecs devant une poignée
d'illuminés...
Enfin, regarde la Gaule. Voilà une nation qui était grande, puissante, avec des
soldats comme des Milon de Crotone. Qu'est-ce qu'il en reste : rien ! Tous à nos
bottes, les coqs ! La Judée ? Quelques arpents de terre aussi chauves que mes
genoux, et depuis Pompée, ces messieurs ont gardé leurs lois, leur roi et leur dieu.
À propos, leur dieu ! Encore une histoire à dormir debout. Paraît qu'il n'a pas de
nom, paraît qu'on ne le voit pas et que nos 30 000 pénates ne font pas le poids devant
lui. Y a de quoi devenir intolérant, je te dis !
En plus, y a pas un jour qu'on ne doive intervenir. Ils sortent du djebel : un coup de
couteau à gauche, un coup de fronde à droite, et voilà deux légionnaires ou trois qui
ne reverront jamais l'Italie.
Si tu en arrêtes un, ça crève en psalmodiant. Et si c'est un chef, prière de le relâcher
avec des excuses. Les tuiles se détachent facilement des toits dans ce pays, et c'est pas
spécialement du biscuit !
Voilà pour l'ordinaire, mais ce mois-ci, qu'est-ce qu'on a pu déguster ! Le premier jour
des calendes de décembre, estafette de Syrie. Le gouverneur transmet l'ordre d'Auguste
de procéder au recensement général de la population. Sans blague ! Il en a de bonnes,
Auguste ! Monsieur a les fesses bien calées dans sa chaise curule, il déguste des tétines de
truie et entre deux rots, il se dit : « tiens, je vais faire un recensement ». Ben voyons !
Pourquoi pas ? Tant qu'on y est, on pourrait peut-être immatriculer les chiens et les
poules. Je ne rigole pas, Strabo : il l'a fait en Egypte.
Parce qu'il ne faudrait pas croire qu'il fait ça pour compter ses fidèles sujets, le
vieux. Non, monsieur ! Le souci de l'Empire, ça sent toujours le sesterce, crois-
moi. Et une fois que le fidèle sujet est inscrit, il peut toujours se débiner pour ne
pas payer l'impôt.
Va pour le recensement. Tu connais l'administration impériale. Tout est prévu.
Chacun se rendra dans le lieu d'origine de sa famille et il présentera aux autorités un
papyrus dûment rempli, avec les noms des habitants de son immeuble.
Donc on fait le tour des patelins et on transmet l'avis à la population. Dernier
délai : 25 décembre. Centurion Gallus : secteur Bethléem.
Je ne pouvais pas mieux tomber ! Bethléem, c'est la patrie des David ici, autant
dire de la moitié du pays.
Alors, le 25, il y avait un embouteillage, je ne te dis que ça ! Les hôtels pleins
comme des œufs, les maisons pareil. Il y en a qui ont fait leur beurre. Ils auraient
loué la cage du chien au prix d'un palace. Le soir, il y avait des gens partout. On a
fait une ronde dans les collines, eh bien, il n'y avait pas un trou de rocher vide.
Même que... enfin, ça c'est une autre histoire : tu te ficherais de moi.
Le lendemain, dépêche de Jérusalem : centurion Gallus (c'est moi), chargé du
service d'ordre pour visite officielle de trois cheiks à Hérode. Parce que ce rigolo ne
se contente pas de nous coûter un os pour faire le pot de fleurs, mais il nous refile
du service supplémentaire pour recevoir ses petits copains.
Bon, j'arrive. Trop tard : ces messieurs étaient pressés. Ils sont partis et il paraît
qu'Hérode ne tient pas spécialement à ce qu'on les protège. À ton avis, Strabo, je
vais me payer une permission, hein ? Je vais me taper la tournée des bistrots de
Jérusalem, histoire d'irriguer un peu le sable qu'on m'a fait ingurgiter depuis un
mois ? Eh bien, pas du tout, mon vieux. Prière de prendre des vivres
pour une semaine et d'aller patrouiller sur la frontière égyptienne.
Et pourquoi ? Là, je te le donne en mille. Il faut arrêter et ramener à ce crétin
d'Hérode toute personne qui tenterait de passer la frontière avec un enfant de moins
de deux mois. À dormir debout, et pourtant, je te le jure.
Bon, nous voilà dans le Sinaï. Evidemment, c'est ma veine : les cinq légionnaires
de ma patrouille sont du Bruttium. Ils n'arrêtent pas de baragouiner dans leur
charabia et je n'y comprends goutte. Et puis, plutôt portés sur l'amphore, les gars !
À la première veille, ils se mettent à se rincer le gosier et les voilà ronds comme
des sybarites.
Moi, je m'en bats l'œil, vu que mettre le nez dans le désert en dehors d'une
caravane, ce serait du suicide. Pas danger qu'on tombe sur le moindre particulier.
Alors, crapahuter pour crapahuter, autant que ce soit dans les bras de Bacchus, si ça
les amuse.
J'ai envie de te dire qu'on n'a vu personne, Strabo, mais enfin, quitte à passer pour
un nigaud, je vais te raconter tout.
Il devait être quatre heures du matin. Mes gus qui s'égosillaient à épuiser le
répertoire des chansons du Subure, tout à coup se taisent.
Hé chef, écoute, qu'il me dit un.
J'écoute et voilà que j'entends un bruit de triqueballe. Pas possible ! Si ! C'est une
carriole qui s'amène, et quelle carriole : un vrai fossile d'avant la campagne d'Egypte.
Je l'arrête. Dedans, y a un vieux barbu, mais je ne le vois pas bien. Il fait noir
comme dans le derrière d'un Ethiopien, et ces types-là avec leurs djellabas, ils sont
toujours attifes comme pour les Saturnales.
— Eh bien, pépère, que je lui dis, on va passer les vacances près de la grande
pyramide ?
Pipe pas un mot, le vieux. Je jette un coup d'œil à l'intérieur et qu'est-ce que je
vois ? Une bonne femme.
- Descends, je dis, que je te reluque un peu, la vieille.
J'écarte son haïk, et en fait de vieille, je vois un joli brin de moukère, toute jeune
et toute pâlotte.
- C'est ta fille ?
- C'est ma femme.
Là-dessus, mes petits gars se fichent à rigoler. Mais moi, je ne rigole plus, parce que
la fille, je l'ai déjà vue, et maintenant ça me revient.
Le 25, à Bethléem, ils étaient dans une grotte de la montagne. Et j'ai pas pu l'oublier,
parce que la gamine, elle venait d'avoir un petit. Tout juste fait, tout fumant, tout
gueulant. On a couru chercher du secours. Il y avait des bergers dans le coin. On a
ramené de la paille, et je ne sais pas ce qui m'a pris, Strabo, je me suis mis à le frictionner.
Quand il a été sec, je l'ai donné à sa mère et (c'est bête, Strabo) elle m'a regardé si
gentiment que j'en ai eu les larmes aux yeux.
- Où est le petit ? que je lui ai dit.
Elle a ouvert son manteau, elle m'a souri, et je l'ai vu, le petit.
Le vieux s'est approché et il m'a pris par le bras.
- Centurion...
Mais je ne l'ai pas laissé continuer.
- C'est bon, je lui ai dit, pars vite. Et ils sont partis.
Oui Strabo, je les ai laissés partir, moi, centurion Gallus : 7 ans de bons et loyaux
services, 3 citations, pas une anicroche, fl n'y a pas un bled où je n'aie crevé la paillasse à
quelqu'un. On m'appelait le saigneur.
Mais cet enfant, vraiment je n'aurais pas pu. Moi qui n'en aurai jamais, c'est comme si
celui-là c'était le mien. Je le sens encore tout gluant et chaud dans mes bras. Je ferme les
yeux et tu ne peux pas savoir le bien que ça me fait.
J'en ai bien besoin. Rentré à Jérusalem, on a élargi mes attributions. J'ai la garde des
exécutions publiques. Je surveille les crucifixions au Golgotha, un terrain puant à côté de
la ville.
J'espère que je serai muté, sinon je suis bon pour ce boulot jusqu'à la retraite. Encore
33 ans à tirer.
Porte-toi bien !

Armel JOB-COENE, « La nuit du saigneur », Le Vif, 20 décembre 1984.

 Cette nouvelle t'a-t-elle plu beaucoup, moyennement, pas du tout ? Pourquoi ? Essaie de
désigner le plus précisément possible ce qui a provoqué ton (dé)plaisir. Envisage la
matière (les événements racontés) et la manière que l'auteur a choisie pour raconter les
événements. Vois également si ton (dé)plaisir peut s'expliquer par le fait que la lecture de
ce récit a comblé ou, au contraire, déçu tes attentes.

 Confronte ton opinion à celles de tes condisciples et, à partir de vos réponses, établissez
une liste de ce qui, pour vous, constitue des facteurs de (dé)plaisir de La nuit du
saigneur.
2. Analyser

 Lis le texte qui suit. Il s'agit d'une critique de La nuit du saigneur. Au cours de ta lecture,
repère ce qui a (dé)plu à son auteur.

Un conte cruel et émouvant


L'appellation conte de Noël suffît généralement à me détourner d'un récit. Quoi de
plus prévisible, en effet, que ce genre mielleux qui laisse l'esprit pâteux autant que
l'oreille après Petit Papa Noël ou la langue après la bûche ? Le titre, par contre,
sonne comme une promesse de thriller, genre qui ne m'enthousiasme guère plus que
le premier : autant celui-ci est gnangnan, autant celui-là est propice aux atmosphères
glauques, à la représentation des plus bas instincts. Mais un conte de Noël intitulé La
nuit du saigneur, voilà une alliance prometteuse, un peu comme la cuisine chinoise,
qui surprend le connaisseur par des mélanges subtils d'aigre et de doux.
Si l'emballage est alléchant, le contenu tient ses promesses. Un certain Gallus,
centurion d'une armée romaine d'occupation et qui doit son surnom de saigneur à sa
cruauté, écrit une lettre à un ami resté à Rome pour lui raconter sa vie de garnison.
Le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est guère heureux de vivre dans la lointaine
Judée. Ce qu'il raconte à son correspondant ? Des banalités apparentes. Des banalités
pour le destinataire, mais non pour nous, lecteurs du XXIe siècle, qui y reconnaissons
en filigrane des personnages et des événements familiers.
S'il faut voir une morale à cette histoire, c'est que certains anonymes sont jetés par
les circonstances dans des situations qui les dépassent. L'Histoire n'a pas conservé leur
nom, mais ils ont orienté le cours des choses, de façon décisive mais sans le savoir. À
lire ce texte, il prend envie d'écrire la vie du cousin de Napoléon, celui qui a appris au
futur conquérant à vaincre sa peur des armes, ou celle du voisin d'Einstein, qui l'a aidé
quotidiennement à faire ses devoirs. Ces personnages n'ont pas existé ? Sans doute, mais
l'hypothèse est à la fois drôle et intellectuellement rafraîchissante !
Avec le récit de Job-Coene, on n'est pas loin d'Astérix, qui traite de l'occupation
romaine de la Gaule dans un langage d'aujourd'hui, tout à fait anachronique mais truffé
de références antiques qui font sourire les amateurs d'histoire. Ce plaisir est doublé d'un
autre : celui de voir traiter de façon irrespectueuse des grands de ce monde, César dans
les Astérix, l'empereur Auguste ici. Plaisir enfin de voir racontée dans une nouvelle
version, sous un angle inattendu, une histoire dont nous connaissons le moindre détail, que
la moindre allusion nous rappelle.
La nuit du saigneur est donc une réécriture habile et drôle d'un des récits les plus
célèbres au monde. Le point de vue est neuf et le langage, proche du nôtre. Amateurs de
fantaisie cruelle et émouvante, lisez-le !

Joseph CHARPENTIER, revue La passion des livres, juillet 2002.

 Avec quelle intention Joseph CHARPENTIER a-t-il écrit cette critique? Pour quels destinataires ?
 A-t-il apprécié La nuit du saigneur un peu, beaucoup, pas du tout ? justifie ta réponse en la
fondant sur le texte.

 Caractérise l'état d'esprit de Joseph Charpentier avant d'entreprendre la lecture du récit. Comment
justifiait-il cet état d'esprit ? La lecture de la nouvelle l'a-t-elle modifié ? Précise ta réponse.

 Qu'est-ce qui, dans cette nouvelle, lui a particulièrement (dé)plu ? Fournis une réponse précise
et complète.

 La critique que tu viens de lire comporte-t-elle un résumé de la nouvelle ? Si oui, s'agit-il d'un
résumé détaillé et complet ? Selon toi, pourquoi l'auteur de la critique s'y est-il pris de cette
manière ?
EXERCICES
Exercice 1

Quels sont tes propres critères pour juger d'un récit ? Réponds aux questions suivantes par écrit
et justifie chaque réponse. Si tu conserves tes réponses, tu disposeras de ton profil (actuel) de
lecteur.

1. Choisis-tu un livre en fonction de sa longueur ?


2. Refuses-tu a priori de lire un récit parce qu'il appartient à une espèce particulière
(légende, roman d'aventures, récit d'anticipation, récit fantastique, récit
psychologique, journal intime, autobiographie, biographie, etc.) ?
3. Aimes-tu éprouver des sentiments violents en lisant (haine, colère, révolte, pitié, etc.) ?
4. Aimes-tu que le héros (l'héroïne) te ressemble par l'un ou l'autre trait (sexe, âge, milieu
social, caractère, intérêts, etc.) ?
5. As-tu besoin d'éprouver de l'admiration pour le héros (l'héroïne) d'un récit ?
6. Préfères-tu que l'action ait lieu dans un univers proche du tien (ton milieu géographique,
ton époque, ta classe sociale, etc.) ou préfères-tu t'évader de ton univers familier
(aventures dans des pays lointains, récits historiques, science-fiction, fantastique, etc.) ?
7. Préfères-tu que les événements racontés soient exceptionnels (un meurtre, un exploit
sportif ou scientifique, une guerre, etc.) ou qu'ils appartiennent à la vie quotidienne ?
8. Aimes-tu que le narrateur soit un personnage ?
9. Aimes-tu que le narrateur bouleverse l'ordre chronologique de l'histoire (retours en
arrière, anticipations) ?
10. As-tu besoin de trouver du suspense pour continuer à lire ?
11. Aimes-tu trouver une forme d'humour dans le récit ?
12. Aimes-tu que les histoires « finissent bien » ?
13. Aimes-tu apprendre quelque chose du monde (des connaissances sur l'histoire,
l'actualité, la géographie, etc.) en lisant un récit ?
14. Aimes-tu qu'un récit soit exemplaire, c'est-à-dire exprime ou laisse sous-entendre une
morale ?
Exercice 2

Ci-dessous des résumés incomplets de récits de fiction. Prends-en connaissance en vue de te


faire une opinion : lesquels de ces récits aurais-tu envie de lire ? Lesquels ne te tentent
absolument pas ? Justifie tes choix en citant les facteurs de (dé)plaisir potentiels que tu y as
décelés.
1) Susie Morgenstern, La première fois que j'ai eu seize ans, L'École des loisirs, Médium.
La première fois qu'elle a eu seize ans, Hoch est passée par les phases suivantes : moche,
nouille, vamp, vampire, crime, délinquante, nulle, vierge, chipie, nue, sainte, gourde,
potelée, amoureuse et géniale. Bref, tout un programme...

2) Alain Korkos, Cassette n°1 face A, Flammarion, Tribal.


Bénédicte se décrit elle-même comme une Japonaise blonde décolorée aux yeux bleus,
comme une bercée-trop-près-du-mur. En fait, c'est une adolescente déchirée en mal
d'attention qui cristallise son affection sur un guide japonais : Monsieur Akira. Celui-ci est
retourné au pays sans crier gare et Bénédicte, désœuvrée, lui enregistre cassette sur cassette
dans lesquelles elle lui raconte par le menu les nombreuses difficultés qu'elle traverse.

3) Marie-Aude Murail, Oh Boy !, L'École des loisirs, Médium.


C'est l'histoire de trois orphelins : Venise, 5 ans, Morgane, 8 ans et Siméon, 14 ans. L'aîné est
maigre, surdoué et leucémique ; la deuxième a de grandes oreilles, des lunettes et est
presque aussi intelligente que son frère ; quant à la plus jeune, elle est blonde et bouclée
comme une poupée et passe des journées à faire vivre des aventures sexuelles torrides à
sa Barbie et à son Ken. Leurs possibilités d'adoption sont une grande sœur stérile qui
souhaiterait accueillir la petite sans se charger des autres et un grand frère homosexuel qui
fuit les responsabilités comme la peste…

4) Azoug Begag, Quand on est mort c'est pour toute la vie, © Éditions Gallimard jeunesse,
Scripto.
Mourad, le frère d'Amar, a été tué par un chauffeur de taxi parce qu'il ne pouvait pas lui payer
la course. Depuis, Amar ne trouve plus sa place dans la vie qu'il mène à Lyon. Il n'arrive plus à
exercer son métier d'écrivain et même ses deux fillettes ne réussissent pas à le sortir de son
malaise. Pour se retrouver, il part au pays, dans son Algérie natale, sur la tombe de son
frère, il n'y a plus remis les pieds depuis treize ans et les retrouvailles avec la terre de ses
ancêtres vont lui causer un choc, il devra se rendre à l'évidence et prendre conscience qu'il
se sent plus éloigné encore de ce peuple qu'il a quitté que de ceux qui l'entourent en
France.

5) Lena Sebbar, Soldats, ©Éditions du Seuil, septembre 1999.


Différentes guerres, différents soldats, différentes mères... Une même souffrance. Sept
nouvelles avec comme fil conducteur la guerre. Algérie, Bosnie, Cambodge, Afghanistan,
Tchétchénie, Israël, Palestine... Une succession d'instantanés.

6) Malika Ferdjoukh, Fais-moi peur, L'École des loisirs, Médium.

Un incroyable concours de circonstances met un criminel sans émotion aux trousses d'une
famille très nombreuse. Bien évidemment, cette marmaille n'est absolument pas consciente
du danger qui la menace... Sa préoccupation majeure pour le moment serait plutôt de
convaincre les parents de disposer d'un sapin de Noël dans le salon (rien de moins évident
dans une famille juive !) et de remettre la maison en état pour le retour de leurs parents,
sortis pour la soirée.

7) Michel Lehmann, No passaran, le jeu, L'Ecole des loisirs, Médium.


Thierry, Eric et Andréa sont des fanatiques de jeux vidéo et d'ordinateurs. Lors d'un voyage
scolaire à Londres, ils pénètrent dans une petite boutique d'informatique. Tout s'y trouve
en matière de nouveauté, seul le tenancier qui affiche un âge canonique y est
anachronique. Après avoir fait leurs achats, les trois amis se préparent à quitter le magasin
quand le vieux marchand aperçoit un insigne sur le blouson d'Andréa. Il leur donne alors
une disquette et leur ordonne de jouer, ce qu'ils font une fois de retour chez eux. Mais la
disquette renferme plus qu'un jeu et leur ordinateur devient alors une porte ouverte sur
la réalité de l'horreur.

Voici de brefs commentaires critiques relatifs aux récits qui t'ont été présentés ci-dessus.
 Rends à chaque œuvre son commentaire.
 Dis si ces commentaires ont confirmé, infirmé, modifié tes propres choix et explique
pourquoi.
 Repère les facteurs de plaisir mis en avant dans chacun d'eux et retrouve chacun d'eux dans
la liste se trouvant dans la fiche-outil

a) Le récit change sans cesse de point de vue : les enfants, l'assassin, l'amoureux, les vieilles
jumelles médisantes, les voisines de la famille... Mais comme il est magistralement
construit, au lieu d'embrouiller le lecteur, il le tient en haleine. Une histoire à ne surtout
pas lire par une nuit de tempête ou alors à ses risques et périls !

b) Dans ce récit presque autobiographique et tout à fait désopilant, l'auteur raconte l'ado-
lescence d'une jeune fille un peu ronde qui a choisi de jouer de la contrebasse et dont les
idéaux se bousculent dans la tête et dans le cœur.

c) Ce roman montre, dans toute sa difficulté, l'écartèlement d'un jeune beur entre ses
deux cultures : son origine algérienne et la France dans laquelle il vit. Les difficultés d'Amar
sont aggravées par son statut et la mort de son frère. Son métier de romancier et de
chercheur en sciences sociales et humaines, le fait qu'il soit marié à une Française et qu'il
assume sa part des tâches ménagères, tout cela le rend très différent des siens qui se
moquent de lui et le rejettent. D'autre part, il sait viscéralement que, si le chauffeur de
taxi a tué son frère, c'est parce qu'il était étranger. Il n'aurait certainement pas agi
comme cela avec un Français. Quoi qu'il fasse, ses origines le rattrapent...

d) La forme de ce roman est très intéressante puisqu'il est supposé être la transcription
des enregistrements que Bénédicte réalise pour Monsieur Akira. Le langage est donc la
reproduction exacte de la langue parlée des adolescents. Comme les mots sont supposés
sortir directement de la bouche de la jeune fille, l'auteur nous donne ici l'impression de
n'être qu'un transcripteur et pas un créateur.

e) Arriver à écrire un roman avec un sujet pareil sans tomber dans le pathos relevait déjà de
l'exploit. En faire un récit touchant, tendre et drôle à la fois tenait de la gageure. Le défi
a été relevé de main de maître et le roman fera vibrer tous ses lecteurs en même temps
qu'il leur fera revoir certaines de leurs idées sur le monde et les êtres.

f) Chaque combattant est personnalisé. Chaque fois on découvre l'homme avant de


découvrir le conflit. C'est la souffrance qui est mise en avant, la destruction et l'absur-
dité que génèrent les guerres.

g) Ce roman remarquablement construit et documenté - les plus fervents adeptes de jeux


électroniques ne trouveront pas une faille dans la logique et les descriptions informa-
tiques - plonge des adolescents passionnés d'ordinateurs dans la vérité de la guerre. Guerre
qui prend toute sa réalité grâce aux personnages d'Elena et au frère d'Eric qui tous deux ont
vécu de l'intérieur le conflit yougoslave. Elle, en tant que citoyenne du pays avant de venir
se réfugier en France et lui, envoyé sur le terrain comme un soldat. S'affrontent alors la
guerre réelle et la guerre virtuelle considérée comme un jeu. L'incursion du fantastique
renforce ici l'atrocité de la réalité. Quand, dans les dernières pages, l'explication du titre
tombe comme un couperet des lèvres du frère d'Eric, le récit prend encore une dimension
supérieure.

Exercice 3
Voici quatre critiques positives d'un roman de Michel SAINT-DENIS intitulé Le secret des brumes
(Les Éditions Vent d'Ouest).
 La première de ces critiques contient les trois appréciations suivantes, qui ne sont pas
développées : roman très dense, bonne histoire, bien écrite. Selon toi, que signifie chacune
de ces appréciations ? Ces critères sont-ils importants pour toi lorsque tu lis un récit ?

 Les trois autres critiques évoquent-elles l'un ou l'autre des trois critères cités ci-dessus ?
Si oui, par quels mots ?

 Pourquoi la deuxième critique estime-t-elle utile de signaler qu'elle n'est pas amateur
de récit fantastique ?

 II existe divers degrés de (dé)plaisir dans la lecture d'un récit : par exemple, une nouvelle
peut être qualifiée d'assez intéressante, d'intéressante, de très intéressante, de passionnante,
etc. Très intéressante, passionnante sont des superlatifs. Relève dans les trois dernières
critiques des termes (adjectifs, noms, verbes) ou expressions qui peuvent être considérés
comme des superlatifs. Trouve pour chacun de ces superlatifs un mot qui exprime un
degré moindre de plaisir.

 Les critiques qui suivent sont extraites du site Internet de l'auteur de l'œuvre, Michel
Saint-Denis. Quelle intention manifeste poursuit-il en intégrant ces critiques à son site ?

 Choisis une des critiques et prends-en le contre-pied en écrivant exactement le contraire.

C'est un roman très dense(...) qui mérite amplement le détour. (…) n'hésitez pas à mettre
ce roman entre les mains de votre adolescent qui y trouvera une bonne histoire, bien écrite.
Et lorsqu'il l'aura fini, vous pouvez vous permettre d'y jeter un coup d'œil, vous ne le
regretterez pas : c'est un petit voyage condensé de 2 h 30 dans un territoire imaginaire fort
intéressant. Cote : 8,5/10.
Ailleurs n°2, octobre 2000.

Ce (…) roman (…) enchantera tous les lecteurs avides d'histoires fantastiques. Moi
qui ne suis pas friande de ce genre de littérature, je suis tombée sous le charme de ce
roman, aux nombreux rebondissements, à l'action rondement menée.
J'ai dérivé avec grand plaisir dans l'univers franchement éclaté d'Alfred et de sa
mère. (…) Michel Saint-Denis réussit à bien doser "réalité" et fiction dans son récit,
enchaînant les moments de lucidité et de délire avec une belle maîtrise.

Valérie lessard, Lurelu, automne 2000


Reproduction autorisée par la société de gestion collective de droits et de reproduction COPIBEC.
[...] Destiné aux 12 ans et plus, ce roman fantastique mérite [...] beaucoup de
jeunes lecteurs et lectrices. [...] L'histoire, tout en rythme, [...] devient, grâce à
l'imaginaire sensible de l'auteur, un récit énigmatique à l'envoûtement certain.
L'écriture soignée demeure pleine d'élan et de fraîcheur, tandis que la richesse du
vocabulaire et les jeux de mots rajoutent au plaisir. À douze ans, j'aurais bien aimé
plonger tête première dans cet univers mystérieux.

Michèle COMTOIS, Accès Laurentides, 14 juillet 2000.

[...] Cette histoire [...] tient la route et nous mène du début à la fin là où nous
devons nous rendre. [...] Plein d'humanisme, de tendresse, d'humilité, d'une grande
richesse de vocabulaire, d'humour, Le Secret des brumes [...] condense à chaque page
une mine d'émotions et d'informations.

Daniel GAGNÉ, Parkmenu, Le quotidien de la Valée-de-l'Or,


11 mai 2000.

Exercice 4
Voici une série d'adjectifs pouvant qualifier une histoire (la suite des événements, le cadre, les
personnages) ou un récit (la manière dont l'histoire est racontée).

Ennuyeux - Original - Vraisemblable - Raffiné - Embrouillé - Froid - Stupide - Infantile - Crédible -


Sympathique.

 Pour chaque adjectif, fournis un antonyme.

Exercice 5
 Les superlatifs expriment un haut degré de (dé)plaisir. Voici une série de phrases contenant
un ou plusieurs superlatifs. Repère chacun d'eux et remplace-le par un adjectif (ou, à
défaut, par une expression) qualifiant un degré moindre de (dé)plaisir.

1. Cette histoire magnifique d'enfants perdus dans la grande forêt d'Ardenne a de quoi
émouvoir tous les lecteurs.
2. Abracadabrante, cette histoire l'est autant que les personnages qui s'y débattent.
3. L'univers terrifiant de ce récit fantastique le réservera à des lecteurs adultes.
4. Le langage ordurier de ces personnages physiquement immondes n'empêche pas la
finesse extraordinaire de l'analyse psychologique.
5. On ne peut qu'être envoûté par l'admirable portrait que l'auteur dresse d'une
héroïne parfaite sous tous les rapports.
 Cet exercice est l'inverse du précédent. Dans les phrases qui suivent, remplace les mots ou
expressions soulignés par des superlatifs ou des mots exprimant un jugement plus radical.

1. Le héros est manifestement dérangé psychologiquement : aucune de ses actions n'est


rationnelle.
2. Je me retrouve partiellement dans ce héros à la recherche de sa vérité.
3. L'univers assez repoussant où vivent ces personnages ne doit pas faire oublier qu'ils
mènent une vie intéressante.
4. Le rythme de ce récit est rapide : à peine est-on remis d'une émotion qu'on plonge
dans une autre.
5. Le ton est drôle, ce qui fait oublier que les événements sont tristes.

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