Vous êtes sur la page 1sur 4

Extrait du chapitre XIV, Nana, Zola, 1880.

[premier mouvement : un dénouement réaliste.


Elles sortaient vivement, en jetant un regard sur le lit. Point de vue, souci
de vraisemblance

Mais, comme Lucy, Blanche et Caroline étaient encore là, Rose1


donna un dernier coup d'œil pour laisser la pièce en ordre. Les rivales de
théâtre et néanmoins amies, les dernières fidèles

Elle tira un rideau évocation du théâtre et annonce de la fin

devant la fenêtre ; puis, elle songea que cette lampe n'était pas
convenable, point de vue=>réalisme et dignité devant la mort, paroles rapportées
indirectement montrent que ces demi-mondaines ont le sens de la décence, c’est ironique

il fallait un cierge; allusion à la religion

et, après avoir allumé l'un des flambeaux de cuivre de la cheminée,


elle le posa sur la table de nuit, à côté du corps. Une lumière vive
éclaira brusquement le visage de la morte. Champ lexical de la lumière, mise en
scène qui rappelle les clairs obscurs de la peinture flamande XVIIème siècle

Ce fut une horreur. Toutes frémirent et se sauvèrent. Annonce du tableau


horrible qui va suivre, effet d’attente et hyperbolique avec la réaction des personnages

“ Ah ! elle est changée, elle est changée”; murmurait Rose Mignon,


demeurée la dernière. Ses paroles rapportées directement, répétées à maintes
reprises « murmurait », tout comme est répété leur contenu (« elle est changée, elle est
changée ») soulignent à la fois l'émotion et l'étonnement. De même la forme passive (« est »
et non « a » changée) souligne le statut nouveau de Nana, victime de la maladie,
dépossédée.

Elle partit, elle ferma la porte. Nana restait seule, la face en l'air, dans la
clarté de la bougie. insistance sur l’atmosphère] [

1
Étoile des Variétés, fine comédienne et adorable chanteuse. Maigre et noire, elle est d’une laideur charmante de gamin
parisien. L’argent qu’elle gagne au théâtre et à la ville est sévèrement administré par son mari, esprit pondéré qui sait
calmer, au besoin, ses ressentiments de femme et d’actrice. Un peu aigrie par la rivalité de Nana, une actrice de trottoir qui
lui enlève ses rôles et ses amants, elle a, en un jour de colère, dénoncé au comte Muffat les amours de la comtesse avec
Fauchery. Mais au fond, Rose n’est pas méchante; c’est elle qui, prise de pitié devant Nana atteinte de la petite vérole,
prend l’initiative de la faire transporter au Grand Hôtel; elle l’y soigne avec dévouement. Note préparatoire de Zola
second mouvement : une hypotypose effrayante.

C'était un charnier, métaphore, juxtaposition, valeur du présentatif: Une hypotypose de


l'horreur pourrissante.

un tas d'humeur et de sang, une pelletée de chair corrompue, jetée


là, sur un coussin. Les pustules avaient envahi la maladie comme une armée

la figure entière, un bouton touchant l'autre; et, flétries, affaissées, d'un


aspect grisâtre de boue, elles semblaient déjà une moisissure de la
terre, sur cette bouillie informe, où l'on ne retrouvait plus les traits.
Un œil, celui de gauche, avait complètement sombré dans le
bouillonnement de la purulence ; l'autre, à demi ouvert, s'enfonçait,
comme un trou noir et gâté. Le nez suppurait encore. Champs lexicaux de
la mort et de la pourriture qui concourent au réalisme et à l'hyperréalisme du discours
descriptif,
il y a notamment le champ lexical scientifique de la médecine ;
métaphore comparaisons et hyperboles qui montrent qui nous démontre qu’il n’y a plus
d’apparence humaine que le corps est déjà en décomposition,
synecdoques du corps « un œil » « le nez » qui ne constituent plus un ensemble.

Toute une croûte rougeâtre partait d'une joue, envahissait la bouche,


qu'elle tirait dans un rire abominable. Oxymore qui suggère le pathétique et
l’ironie de la mort

Et, sur ce masque horrible et grotesque du néant,


la métaphore « sur ce masque horrible et grotesque » souligne cet effacement définitif de la
personne,
en même temps qu'il rappelle et ouvre la thématique du théâtre, en écho à son rôle du début
du livre dans la pièce de théâtre La Blonde Vénus ; on peut aussi remarquer les deux
adjectifs antithétiques qui répètent le pathétique et l’ironie de la mort

les cheveux, les beaux cheveux, gardant leur flambée de soleil,


coulaient en un ruissellement d'or. Vénus se décomposait.
Ligne les symboles de sa vie passée : le rôle de Vénus, les cheveux de la séduction
demeurent seuls avec une gradation de métaphores hyperboliques que vient clore de façon
prosaïque le verbe, rappel du passé qui se clôt avec le retour du champ lexical de la
maladie.

Il semblait que le virus pris par elle dans les ruisseaux, sur les
charognes tolérées, ce ferment dont elle avait empoisonné un peuple,
métaphore de Nana qui est l’agent corrupteur de cette société, et à travers elle l’alcoolisme
de ses parents, le vecteur du virus, semble responsable à elle seule de toute la décadence
du peuple

venait de lui remonter au visage et l'avait pourri. Victime de cette décadence


en même temps qu’elle en a été l’agent

La chambre était vide. Un grand souffle désespéré monta du boulevard


et gonfla le rideau. Métaphore du peuple et de ses aspirations : un vent de renouveau
s’annonce, un rideau se ferme, une page noire, selon Zola, se ferme.

“A Berlin! à Berlin! à Berlin!” Discours direct, l'excipit donne littéralement la parole


au peuple qui réclame haut et fort une guerre qu'il ne va pas tarder à avoir.

Introduction

  Dans Nana, Zola retrace l'ascension d'Anna Coupeau, fille de Gervaise Macquart et de


Coupeau, dont le surnom donne son titre au livre. Ainsi le roman va dépendre de ce
personnage éponyme, le suivre et l'accompagner, de son premier triomphe théâtral qui ouvre
le premier chapitre, à sa conquête de la société par l'utilisation de ses amants, et à sa mort
qui termine symboliquement l'ouvrage. Le passage étudié est un extrait de l'expicit du
roman. La jeune femme vient d’assister à  la mort de son enfant, avant d'être emportée à son
tour par la même maladie dans une chambre d'hôtel, veillée par son ancienne rivale, Rose
Mignon.
[…procédons à la lecture]
Comment Zola transforme la description réaliste de son héroïne en une allégorie du Second
Empire ? Nous répondrons à cette question à travers l’étude de deux mouvements
successifs :
I. Un dénouement réaliste (ligne 1 à 12)
II. Une scène spectaculaire ou hypotypose effrayante (ligne 12 à la fin)

CONCLUSION
Le roman de Zola dresse donc le portrait de la société finissante de Napoléon III, dont Nana
est la figure, qui va symboliquement s'achever avec sa mort. En effet, la guerre de 1870 dont
l'annonce termine le roman, va marquer la fin du Second Empire. Napoléon III, défait à
Sedan, s'enfuit, laissant place à la naissance d'une nouvelle République, la Troisième.
Fin d'un personnage et fin d'un roman, mais aussi fin d'un monde et d'une société, l'expicit
de Nana apparaît polysémique et symbolique, entrelaçant l'histoire, la destinée d'une
femme, et l'Histoire d'une époque. A travers sa théorie naturaliste, Zola construit une œuvre
expérimentale, dans laquelle l'observation des faits (la mort de Nana) offre un miroir à la
société, responsable des maux et ici de sa propre faillite. En intitulant sa fresque
romanesque (20 romans au total) les Rougons-Macquart, Histoire naturelle et sociale d'une
famille sous le Second Empire, Zola rend hommage et s’inspire de Balzac et de son
immense « Comédie humaine » : l’œuvre de Zola mettant en scène les mœurs de
l'époque. Comme Raphael qui est une figure symbolique de la jeunesse de la Révolution de
1830 en quête de repères et d’idéaux, Zola fait de Nana, l’emblème du Second Empire et de
ses mœurs décadentes.

Vous aimerez peut-être aussi