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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré 

! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

OBJET D’ETUDE : Poésie du Moyen-Age au XVIIIe siècle


Séquence: Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré !

4 Problématique : Comment les conditions d’énonciation de la prison influent-elles sur la création


poétique ?

Nombreux sont les poètes qui ont fait l’épreuve de la prison. C’est que le poète incarne une forme
8 de liberté de parole qui dérange le pouvoir en place, la société de ses congénères parce qu’elle critique,
dénonce, condamne, crie à la révolte. Mais nombreux également sont les poètes qui ont été inspirés par leur
expérience de l’emprisonnement. Ils évoquent la privation d’espace, le rapport déréglé au temps, la
privation des relations avec l’extérieur, avec la société des hommes libres, mais aussi la pensée de la mort
12 à laquelle cette expérience les renvoie. A travers l’étude d’un corpus de poèmes écrits en prison, il s’agit
d’appréhender l’expérience de l’emprisonnement du poète comme une expérience humaine, politique et
poétique.
Or la poésie est par excellence, au regard des autres genres le lieu, jusqu’au XIXe siècle, de la
16 contrainte formelle. On pourra donc s’étonner de ce que le poète recourt à cette forme d’écriture très
codifiée pour exprimer ce qui lui reste de libre : ses émotions, ses sentiments et ses pensées. Dans ce lieu
de privation des libertés, y compris les plus élémentaires, il s’agit donc de se demander les raisons du choix
de formes poétiques.
20 Les différents poèmes choisis offrent dès lors un parcours poétique que l’on dialectisera, depuis le
témoignage lyrique et désespéré de l’expérience de l’emprisonnement, à son expression plus distanciée par
le pouvoir d’une voix ironique. Mais nous verrons que la tension entre épanchement lyrique et distanciation
réflexive est à l’œuvre dans tous les poèmes peut-être parce que la poésie est le genre de la réflexion sur
24 la langue.
Objectifs :
 Appréhender les vertus de la poésie, entre celles libératrices du lyrisme poétique et celles
stratégiques des œuvres de circonstance
28  Réfléchir à la dialectique poétique entre contrainte de la forme et liberté créatrice
 Lire, dire, mettre en espace des textes poétiques
 Se sentir proches des différents poètes du Moyen-Âge au XVIIIe
 Actualiser les œuvres du passé au regard d’œuvres contemporaines
32  Initier à la maîtrise des exercices de l’EAF (explication linéaire, commentaire composé)

GT : François Villon, « Ballade des pendus », Clément Marot « Rondeau parfait à ses amis après sa
délivrance » in Adolescence clémentine, Théophile de Viau « Théophile à son ami Chiron », André Chénier
« Saint-Lazare IV » Iambes 8

36 Parcours : Le poète en prison, les pièces du dossier, enquêtes sur les raisons d’enfermement d’hier
et d’aujourd’hui (Théophile de Viau, Claude Lepetit, Albertine Sarrazin, Liao Yiwu, LA Rumeur)

Lecture cursive de recueils de poésie écrits en prison : Cellulairement et Sagesse de Verlaine, Alcools
d’Apollinaire, Adolescence clémentine de Marot, Ballades de Charles d’Orléans, Lettre à son frère de
40 Théophile de Viau, Iambes de Chénier, Olivier Charpentier Poètes en prison (2004, anthologie), etc.
Prolongement artistique et culturel : peindre l’emprisonnement (Le tasse en prison de Delacroix, La Cour
de prison de Van Gogh (1890), La mort de Socrate de David,
Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

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Déroulés des Dominante Support Problématique Activité Durée


séances
Contextualisation et
Pourquoi choisir présentation de Chénier
Dire l’horreur de la Chénier Iambes, d’écrire un poème magistrales
Explication de
prison : un cri « comme un dernier versifié dans ses Lecture commentée (le 2h
texte linéaire
poétique déchirant rayon » derniers instants de lyrisme élégiaque, l’énergie
vie ? désespérée du poète)
Reprise magistrale

Le poète en prison,
(Théophile de Viau, les pièces du
Groupement de
Poètes, vous êtes Claude Lepetit, dossier : enquêter Séance en coopération
textes 1h
condamnés ! Albertine Sarrazin, sur les raisons Reprise magistrale
complémentaires
Liao Yiwu) d’enfermement d’hier
et d’aujourd’hui

Entre dégoût et Préparation par binôme d’une


« La ballade des
compassion, quelles
pendus » ou partie de l’explication de
Explication de François Villon, « La sont les visées de ce
chanter une texte linéaire et passage à 2h
texte linéaire ballade des pendus » texte ?
communauté l’oral
d’exclus Reprise magistrale

Les Prisons
imaginaires de
Piranesi  ; Socrate
en prison de David,
Inspiration Le tasse en prison Quels sont les effets
spatiale ; mythes Prolongement Cours dialogué et synthèse
de Delacroix, La de la prison sur les
et réalités de artistique et individuelle écrite 2h
Cour de prison de représentations
l’artiste culturel Reprise magistrale
Van Gogh (1890), iconographiques  ?
emprisonné ; Portrait de
prisonnier à Sainte-
Pélagie de Gustave
Courbet,

Comment l’expérience
poétique du rondeau
Clément Marot, parfait redouble-t-
Un rondeau pour Lecture commentée (forme
Explication de « rondeau parfait à elle l’expérience
sortir de la ronde du rondeau, ironie de Marot) 2h
texte linéaire ses amis après la carcérale de
fermée de la prison délivrance » l’emprisonnement et
de la délivrance ?

L’esthétique Quel ethos du poète


baroque pour dire Initiation au Théophile de Viau, en prison construit le Travail d’écriture
l’expérience commentaire « Théophile à son poème : un poète en commentée 2h
carcérale/ composé ami Chiron » faiblesse ou en Plan détaillé
Evaluation force ?
formative

Cellulairement de
Parcourir un recueil Lecture cursive Verlaine, manuscrit Comment la prison
Cercle de lecture 1h
de poèmes d’œuvre complète redécouvert et édité impacte son œuvre  ?
en 2013

Etude de la Valeurs des temps, Cours dialogué 1h


Quels effets de Chénier, Iambes
langue modes
sens produit le «  Quand au mouton

4
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choix des temps et


modes verbaux bêlant  »
dans un texte ?

Chénier, Iambes Lecture commentée


Evaluation Commentaire
«  Quand au mouton Plan détaillé 2H
sommative littéraire
bêlant  » Rédaction à rendre

Que les poèmes sur Comment lire de


la prison résonnent Lecture à haute Extraits du corpus Lecture oralisée de poésie
façon expressive 1h
dans la salle de voix principal versifiée
pour autrui  ?
classe !

Poème en rap de La
Actualisation : Est-ce qu’il y a une lecture, visionnage et
Rumeur, « Moha » 1h en
l’expérience Lectures façon particulière de audition ; rédaction d’une
par Hamé ; épisode demi-
carcérale dans les cursives parler de prison dans synthèse répondant à la
série Orange is a groupe
arts contemporains les arts aujourd’hui  ? problématique.
new black ;

Séance en coopération avec


les professeurs
documentalistes :
1) Brainstorming sur
le thème tiré au
sort
2) Lectures des
recueils mis à
disposition et
recherches
complémentaires
sur internet
3) Construction du fil
conducteur et des
transitions entre
les poèmes du
récital
Organiser un Comment dire 4) Réalisation de la
récital poétique sur Poèmes choisis par 1x3 en
Lectures l’expérience de vidéo ou de
le thème de les élèves du Moyen- demi-
cursives l’enfermement dans l’enregistrement
l’expérience de Age au XXIe siècle groupe
une forme poétique  ? en autonomie
l’emprisonnement Thèmes proposés :
 le quotidien du
prisonnier,
 faire l’expérience
de l’enfermement
et dire la liberté
 être confiné et
s’évader
 la mélancolie du
prisonnier
 la colère du
prisonnier 
 déshumanisation et
humanité du
prisonnier
 le lyrisme de
l’enfermement 

20 h (5 semaines)
Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

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Séance 1 : Dire l’exécution imminente, un cri poétique déchirant

Support : André Chénier, Iambes, IV

Contextualisation
Poète et révolutionnaire condamné par la Terreur pour avoir défendu la monarchie constitutionnelle et critiqué les
débordements des Jacobins, Robespierre à leur tête, André Chénier continue à écrire pendant son incarcération à la
prison de Saint-Lazare (entre le 7 mars et le 23  juillet 1794, deux jours avant l’arrestation de Robespierre), jusqu'au
jour de  son exécution. Ses Ïambes  ne seront donc publiés qu'à titre posthume.

48 Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphire


Animent la fin d'un beau jour,
Au pied de l'échafaud j'essaye encor ma lyre.
Peut-être est-ce bientôt mon tour.
52 Peut-être avant que l'heure en cercle promenée
Ait posé sur l'émail brillant,
Dans les soixante pas où sa route est bornée,
Son pied sonore et vigilant,
56 Le sommeil du tombeau pressera ma paupière.
Avant que de ses deux moitiés
Ce vers que je commence ait atteint la dernière,
Peut-être en ces murs effrayés
60 Le messager de mort, noir recruteur des ombres,
Escorté d'infâmes soldats,
Ébranlant de mon nom ces longs corridors sombres,
Où seul, dans la foule à grands pas
64 J'erre, aiguisant ces dards persécuteurs du crime,
Du juste trop faibles soutiens,
Sur mes lèvres soudain va suspendre la rime ;
Et, chargeant mes bras de liens,
68 Me traîner, amassant en foule à mon passage
Mes tristes compagnons reclus,
Qui me connaissaient tous avant l'affreux message,
Mais qui ne me connaissent plus. […]
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88 André Chénier, Ïambes (extrait), livre IX, 1819 (posthume)


Pour commencer

Par groupe de 4, vous allez mettre en voix et en espace le poème de Chénier.


o V. 1 à 4
o V. 5 à 9
o V. 10 à 19
o V. 20 à 24

 Qu’avez-vous ressenti à la lecture des différents passages du poème ?


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 Quelles sont les images qui vous ont frappé ?


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Mise en commun à l’oral

Explication de texte linéaire

Projet de lecture proposé : Pourquoi choisir d’écrire un poème versifié dans ses derniers
instants de vie ?
Reprenez le passage mis en voix et en espace et proposez-en une lecture linéaire par écrit
 v.1 à 4 devant l’imminence de sa mort, le poète survit encore grâce à la poésie
 v.5 à 9 : l’évocation oppressante de l’univers carcéral
 v.10 à 19 : l’imminence de la venue du bourreau
 v. 20 à 24 : fiction de la mise à mort du poète seul et aliéné

Rédaction d’une synthèse collective

Rédiger d’abord individuellement une réponse à la question posée qui reprenne les éléments principaux
trouvés par les divers groupes.

Séance 2 : poètes, vous êtes condamnés !

Le poète en prison, les pièces du dossier : enquêter sur les raisons d’enfermement d’hier
et d’aujourd’hui
Dominante : lecture cursive

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Travail de groupe : Est-ce que ce sont ces poèmes qui ont amené leur auteur en prison ? Ces
textes vous choquent-ils ? Est-ce qu’il y a eu d’autres raisons d’enfermement ?

Théophile de Viau, Poèmes satyriques, « Sonnet », 1621-1622


Poète baroque et courtisan, Théophile de Viau est un libertin d’esprit et de corps, dans une société de cour dominée
par les Jésuites, faction catholique particulièrement austère. Il fait paraître avec d’autres poètes en 1621-1622 les
Poèmes satyriques, jeu de mots sur la figure du satyre et la visée satirique, critique, de ces vers d’inspiration
paillarde. Arrêté et incarcéré, il est initialement condamné à être brûlé mais sa peine sera commuée en exil perpétuel.

Phylis tout est foutu, je meurs de la vérole,


Elle exerce sur moi sa dernière vigueur,
Mon V. baisse la tête et n’a point de vigueur,
Un ulcère puant a gâté ma parole.

J’ai sué trente jours, j’ai vomi de la colle ;


Jamais de si grands maux n’eurent tant de longueur,
L’esprit le plus constant fut mort à ma langueur,
Et mon affliction n’a rien qui la console.

Mes amis plus secrets ne m’osent approcher,


Moi-même en cet état je ne m’ose toucher,
Phylis le mal me vient de vous avoir f…tue.

Mon dieu, je me repens d’avoir si mal vécu ;


Et si votre courroux à ce coup ne me tue,
Je fais vœu désormais de ne f…tre qu’en cul.

Extraits des arrêts du Parlement du roi mettant en cause les écrits de Théophile de Viau, 1623
Veu par la Cour, les Grand Chambre et Tournelle assemblées, l’arrest d’icelle du unziesme juillet dernier,
par lequel, sur la plainte faicte par le Procureur général du roy et livres par luy représentez, avoit esté
ordonné que les nommez Theophille, Berthlot, Colletet et Frenide (sic), autheurs des sonnetz et verz
contenant les impietez et blasphèmes et abominations mentionnez au livre très pernitieux intitulé le
Pernasse Satiricque, seroient pris au corps. […] Ilz ont composé, faict imprimer et exposer en vente le
livre intitulé le Pernasse Satiricque, contenant les blasphèmes, sacrilèges impiétés et abominations y
mentionnées contre l’honneur de Dieu, son Esglize et honnesté publicque, dont ilz se repentent et en
demandent pardon à Dieu, au roy et à justice, ce faict menez et conduictz en place de Grève de cette dicte
ville, et ledit Theophille bruslé vif, etc.

Claude Lepetit, « La chronique scandaleuse ou Paris ridicule », Le Bordel des muses, 1661
Jeune avocat, athée, libertin et libre-penseur, Claude Lepetit se consacre aussi à l’écriture. Il fait publier ces poèmes
en 1661. Il est arrêté et condamné à être brûlé place de Grève à Paris, après qu’on lui aura tranché le poing. Il meurt à
23 ans.

Ces beaux Messieurs qui se promènent


Dans cette Cour autour de nous,
Sont-ils exempts de ton courroux ?
Regarde comme ils se demènent !
Ces honorables espions,
Ces attrapeurs de pensions,
Qui vont débitant la nouvelle,
Méritent bien je ne sais quoi ;
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Mais comment leur faire querelle ?


Ils sont sur le pavé du Roi.
[…]
Les Monarques ont les mains longues,
Ils nous attrapent sans courir,
Et n’aiment pas à discourir
Avec un peseur de diphtongues ;
Dieu nous garde de celui-ci,
Particulièrement ici :
Nos lauriers seraient inutiles …
Tirons donc nos chausses d’un saut !
S’il prend les gens comme les villes,
Nous serions bientôt pris d’assaut.

Albertine Sarrazin, Poèmes 1969


Il y a des mois que j'écoute
Les nuits et les minuits tomber
Et les camions dérober
La grande vitesse à la route
Et grogner l'heureuse dormeuse
Et manger la prison les vers
Printemps étés automnes hivers
Pour moi n'ont aucune berceuse
Car je suis inutile et belle
 
En ce lit où l'on n'est plus qu'un
Lasse de ma peau sans parfum
Que pâlit cette ombre cruelle
La nuit crisse et froisse des choses
Par le carreau que j'ai cassé
Où s'engouffre l'air du passé
Tourbillonnant en mille poses
C'est le drap frais le dessin mièvre
Léchant aux murs le reposoir
 

Mais C'est la voix maternelle un soir


Où l'on criait parmi la fièvre
Le grand jeu d'amant et maîtresse
Fut bien pire que celui-là
C'est lui pourtant qui reste là
Car je suis nue et sans caresse
Veux dormir ceci annule
Les précédents Ah m'évader

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Dans les pavots ne plus compter


Les pas de cellule en cellule
Fresnes 1954-55
 
 

Liao Yiwu, Le grand massacre, 1989


Les manifestations de Tian’anmen se déroulent entre le 15 avril 1989 et le 5 juin 1989 sur la place Tian’anmen à Pékin,
la capitale de la République populaire de Chine. Elles se concluent par une vague de répression, parfois englobée sous
l’expression de massacre de la place Tian’anmen. Cet événement politique, le plus important de l’après-révolution
culturelle, prend la forme d’un mouvement d’étudiants, d’intellectuels et d’ouvriers chinois, qui dénoncent la corruption
et demandent des réformes politiques et démocratiques. Liao Yiwu, poète et dissident politique prend part à ces
manifestations et est arrêté.

En hommage à la Révolution française de 1789


Pour les 70 ans du Mouvement du 4 mai 1919
En hommage aux morts de Tian An Men de 1989
Le grand massacre commence par le cœur de Pékin
Quand le Premier ministre s’enrhume, le peuple
Tousse,
la ville vient d’être fermée, puis bloquée, et enfin assiégée.
La machine d’état de ce vieux pays malade n’a plus
de dents
pour broyer le peuple qui résiste et voudrait lui
échapper.

Pas l’ombre d’une arme entre leurs mains


et pourtant, ils sont des milliers tombés à terre

Les assassins professionnels, eux, arborant fer et


cuivre nagent dans une mer de sang

Un incendie criminel ravage notre maison

Ils ne tremblent pas


d’essuyer leurs bottes de cuir aux jupes des filles
mortes

Ils ne tremblent pas ces robots privés de cœur

Leurs cerveaux électriques ne sont que des logiciels

Les déclarations officielles restent extrêmement


Lacunaires

De la part de la patrie : massacrer le code des lois !


De la part de la loi : massacrer la justice !
De la part de chaque mère : étouffer les enfants !
De la part des enfants : violer tous les pères !
De la part des femmes : tuer les maris !
De la part du citadin : bombarder les villes !
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Ashraf Fayad, Instructions intérieures, « Des bienfaits du pétrole sur le sang », 2007
Ashraf Fayad, né en 1980 à Gaza est un poète et un artiste palestinien. Il vit avec sa famille en Arabie saoudite où il
participe à la vie culturelle. Mais il est depuis plusieurs années l’objet de persécutions de la part des extrémistes
religieux.

Et c’est ainsi qu’a parlé


le seigneur de la tribu :
Celui qui possède du pétrole
et couvre ses besoins
en suçant le sang de ses dérivés
est bien meilleur
que celui qui allume ses yeux
pour faire du cœur
un dieu

 Question de synthèse : comment la parole du poète peut-elle menacer la société et le


pouvoir ?
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Reprise de la question de synthèse : comment la parole du poète peut-elle menacer la société et le
pouvoir ?
Parole libre qui ose s’emparer de tous les sujets, employer des mots directs, parfois crus et choquants
pour parler des libertés de mœurs, jusque l’intimité de la sexualité, face à une société souvent
majoritairement pudique et traditionnaliste, sous l’influence de l’Eglise notamment en Occident, des
religions plus largement
Parole puissante qui mobilise toutes les armes du langage (figures de style, images choc, musicalité du
langage et travail des rimes dans la poésie verisifée qui crée des effets d’insistance) pour toucher son
lecteur, qu’il s ‘agisse de le bousculer, voire de le choquer comme de l’émouvoir
Parole qui provoque l’ordre établi, le pouvoir, bouscule les mœurs de son époque, dénonce les abus et les
injustices
 parole qui a par le passé transgressé les lois et les limites établies par les pouvoirs en place, notamment
par le biais de la censure
 parole qui peut encore et toujours être perçue comme une menace dans les régimes les plus autoritaires
et extrémistes aujourd’hui

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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

La Rumeur « Moha » morceau de rap,

[Hamé]
Il se fait tard, très tard, bientôt le soleil
Et Moha n’a pas sommeil, il veille les yeux vides
Sur le carreau aride au mur de sa minuscule cellule
Une cigarette mal roulée se consume et tremble
Aux bouts de ses doigts exsangues
Qui semblent mourir le long de sa jambe
Moha ne bronche pas, les mots sont froids
Leur écho se cogne aux parois
De cette cage qu’il partage avec un rayon de lune voilée
Et quelques rats pressés, aux pas vifs et feutrés
Par terre, un miroir s’est éparpillé en mille fragments de verre
Parmi deux, trois bibelots, des vêtements, une radio
Et des livres coincés sous un meuble renversé
Une sale odeur aux relents d’urine et d’excréments
Flâne et se pavane depuis que les chiottes sont tombées en panne
La tête dans une volute de fumée diaphane
Moha accroupi aux pieds du lit
Serre dans sa main une photo jaunie
Une vieille photo où un grand homme droit a mis sa plus belle chéchia
Un grand homme droit que tout le monde fête à son retour de la Mecque
Mais un grand homme droit qui vient de partir dans un ultime soupir

Un peu de sel sur une plaie ouverte…

Durant la promenade, à l’écart des camarades


De misère habituels, et selon le rituel
Moha tourne et tourne, puis s’enroule en boule
Dans des mots qu’il traîne, chuchotés à lui-même
Des mots qui malmènent, qui se referment
Et qui drainent de lourdes larmes blanches
Très vite essuyées d’un revers de manche
Il avait tant à lui dire, tant de choses à finir
Rattraper le pire, voir s’esquisser un sourire sur son visage
Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

Où l’âge avait creusé les entailles


D’une trop longue bataille sur des sentiers de feraille
Et Moha s’injurie, et Moha se maudit
En tirant la courte corde de sa chienne de vie
Sans grandes œuvres, ponctuée de basses manœuvres
Comme un mauvais fleuve
A la sortie de l’échec, on lui a vite appris à conjuguer du bec
Sur des pupitres en bois sec
Les blocs de Nanterre ont des mâchoires de fer
Et le cachot tire la chasse en effaçant les traces
Un coup de sifflet ramène tout le monde à l’entrée
Et on se presse encore, sans la force d’un effort
A l’exacte verticale des miradors
Un peu de sel sur une plaie ouverte…

Il se fait tard, très tard, bientôt le soleil


Moha dort d’un lourd sommeil
Au matin, il se rendra à l’atelier souder des pièces d’acier
De quoi payer le miel de sa gamelle
Et puis, si la fatigue se tait, il relira cette lettre froissée
Qu’il n’a pas pu envoyer, et qui semble saigner
Sous les toits d’ardoise du pénitencier

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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

Séance 3 : « La ballade des pendus » ou chanter une communauté d’exclus

En quoi la ballade de François Villon parvient-elle à sensibiliser au sort des prisonniers  ?

Support : « Ballade des pendus », François Villon (1431-1463)


Dominante : explication de texte linéaire

Pour commencer 
Vous pouvez écouter cette émission de France Culture d’une durée de 29 mn pour savoir qui était François
Villon et vous faire une idée juste de son apport à la poésie française :
https://www.franceculture.fr/emissions/ca-rime-quoi/francois-villon-par-jacqueline-cerquiglini-toulet

François Villon, «  La Ballade des pendus  », 1489


«  La Ballade des pendus  » est le poème de François Villon le plus connu. Il est communément admis, même si ce fait
n'est pas clairement établi, que Villon le composa lors de son incarcération dans l'attente de son exécution à la suite
de l'affaire Ferrebouc, où un notaire pontifical fut blessé au cours d'une rixe.

Voici le texte de Villon chanté par Serge Reggiani en 1968, qui rappelle que la poésie a partie liée dès
l’origine avec la musique  : https://www.youtube.com/watch?v=kSXLC6oZXhM

Frères humains qui après nous vivez,


N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
92 Dieu en aura plus tôt de vous mercis*.
Vous nous voyez ci attachés*, cinq, six :
Quant de* la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça* dévorée et pourrie,
96 Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre malheur, que personne ne s’en rie*,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Si frères (nous) vous clamons*, point n'en devez (vous)


100 Avoir dédain*, quoi que (nous) fûmes occis
Par justice. Toutefois vous savez
Que tous (les) hommes n'ont pas bon sens bien rassis*.
Excusez-nous, puisque nous sommes transsis*,
104 Auprès du fils de la Vierge Marie,
Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

(De façon) Que sa grâce ne soit (pas) pour nous tarie,


Nous préservant de l'infernale foudre*.
Nous sommes morts, âme ne nous harie* ;
108 Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
La pluie nous a débués* et lavés
Et le soleil desséchés et noircis ;
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés*,
112 Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis* ;
De ça de là, comme le vent varie,
À son plaisir sans cesser nous charrie,
116 Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre*.
Ne soyez donc de notre confrérie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus qui sur tous a maistrie,


120 Garde qu'Enfer n'ait sur nous seigneurie* :
A lui n'ayons que faire, ni que soudre*.
Hommes, ici pas de moquerie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre.

Si vous avez pitié de nous / Dieu aura pitié de vous


Ci = ici
Quant à
Pieçà : Déjà, depuis longtemps
« que personne ne s’en rie » = que personne ne se moque de notre mal 
Clamons = nommons, appelons
Avoir dédain = mépriser
Rassis = posé, calme, réfléchi
Transsis = morts, trépassés
De l’enfer
De l’infernale foudre = de l’enfer
« Ne nous harie » = que notre âme ne nous tourmente pas
Debuer : Passer à la lessive
Cavés = creusés
Assis = stable
Nous recevons plus de coups de bec que des dés à coudre (nous sommes plus troués que des dés à coudre)
Maistrie = pouvoir
Garde qu'Enfer n'ait sur nous seigneurie = que l’enfer ne devienne notre maître
Soudre : payer

Premières impressions
 Si ce poème était une couleur ? une émotion ? un cri ?
 Quelle image du poème vous frappe particulièrement ?
 Qui parle et à qui ? surlignez dans le texte quelques indices à l’appui de votre réponse.
 Surlignez dans le poème le refrain : sur quoi insiste ce vers ?
 Quels sentiments ce poème suscite-t-il chez le lecteur à l’égard des prisonniers ?
Un poème macabre et saisissant à la fois  : le lecteur est interpelé par ces morts auxquels la voix du poète
se mêle par le pronom «  nous  » et qui s’adressent à lui, frappé par ces images morbides des corps des
pendus en décomposition.
Villon recourt à la forme lyrique de la ballade, tradition en vogue surtout du XIVe au XVIe siècle. On peut
s’étonner que le chant, la musique soient associés à un thème aussi morbide.
28
Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

Préparer l’explication de texte linéaire


A partir de vos premières impressions et du travail préparatoire mené, nous allons procéder à la
préparation de l’explication de texte linéaire.

Voici le projet de lecture que je vous propose : En quoi la ballade de François Villon parvient-elle à
sensibiliser au sort des prisonniers  ?

Pour ce qui est des mouvements du poème, nous pouvons nous appuyer ici sur les différentes strophes qui
composent le poème.
 Première strophe : le chant pathétique des pendus
 Seconde strophe : l’appel au pardon des pendus aux vivants
 Troisième strophe : description du sort macabre des pendus
 Envoi : prière à Jésus Christ

 Vous allez à présent expliquer l’une des 3 strophes + l’envoi et en proposer l’explication de texte
linéaire.
Répartition des mouvements à expliquer :
1e strophe : nom des élèves
2e strophe :
3s strophe :

Rappel méthodologique :
Pour chaque mouvement, mettez en lien quelques pistes d’interprétation avec quelques faits d’écriture
saillants pour chacun des mouvements. Attention : il ne s’agit en aucun cas de tout dire ou de commenter
chaque mot mais selon ce que vous souhaitez mettre en avant du texte, de sélectionner les indices textuels
les plus pertinents.

Vous pouvez bien sûr circuler dans tout le mouvement, sans vous en tenir à du linéaire strict. Il faut
dégager le sens du texte et la lecture que vous en proposez en tant que lecteur sensible : c’est l’essentiel
de cet exercice !

Rappel : ne vous limitez pas à ne vous intéresser qu’aux champs lexicaux : panachez vos remarques
stylistiques
(figures de style, choix syntaxiques, sonorités – allitérations et assonances -, modes et temps verbaux et
leurs valeurs, effets de rimes en poésie versifiée…)

Cependant, ne pas oublier que si c’est bien de pouvoir désigner les procédés stylistiques, c’est mieux de
dire les effets sensibles ou intellectuels produits sur vous par l’emploi de tel ou tel mot et d’expliciter ce
que cela apporte à votre projet de lecture.

Ressource complémentaire : qu’est-ce que la ballade ?


Origine et évolution de la ballade.
Ballade est issu du latin ballare, qui signifie "danser". Elle constitue une forme de chanson à refrain, très
en vogue aux XIVe et XVe siècles (Guillaume de Machaut, Jean Froissart, Christine de Pisan, Eustache
Deschamps…).
Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

Son origine lyrique prédispose la ballade à chanter l’amour, mais le genre s’empare également de sujets
religieux et philosophiques. Sa structure la dispose en effet à interroger la destinée humaine. Les
caractéristiques de la ballade sont les suivantes :
 Trois strophes de huit octosyllabes ou décasyllabes (huitains), plus une demi-strophe, appelée envoi,
qui à l’ origine, dans les concours de poésie organisés par les troubadours, désignait le destinataire du
poème. Soit un ensemble de vingt-huit vers.
 La ballade est construite sur un ensemble de trois rimes qui répondent au schéma ababbcbc, et, pour
l’envoi, bcbc.
 Chaque strophe se termine par un même vers, le refrain, qui doit être intégré à l’ensemble de la
strophe.

Reprise de l’ET de « La ballade des pendus »


François Villon = poète du mouvement et de la vie
Vie tumultueuse  nombreux emprisonnements
Ballade = forme très usitée du XIVe au XVIIIe siècle  forme associée à la vie, au mouvement
Or ici, ballade des pendus… = paradoxal ?
 Chant macabre qui renverse ordre entre monde des vivants et monde des morts, puisque morts
s’adressent aux vivants, et établit une communion entre eux par le biais de la foi et l’espérance du salut

En quoi la ballade de François Villon parvient-elle à sensibiliser au sort des prisonniers  ?

Première strophe : le chant pathétique des pendus


Ballade s’ouvre sur l’adresse des pendus, présentés dès le titre, aux vivants
 « frère humains qui après nous vivez » = apostrophe qui désigne d’emblée le destinataire de cette
ballade en mettant en avant le lien fraternel et universel qui unit les vivants aux morts : les humains sont
tous mortels mais les vivants, eux, survivront leur chemin de vie. Or ils peuvent encore faire qqc pour ces
pendus = leur accorder leur pitié v.3
 adresse saisissante par l’emploi de l’impératif à tournure négative « n’ayez », auquel fait écho l’impératif
du refrain « priez »
 construction grammaticale avec proposition coordonnée introduite par conjonction « car » qui signale
une démarche argumentative qui redouble l’approche affective sur laquelle le poème s’est ouvert +
subordonnée de condition antéposée « si pitié de nous autres avez » au v.3 met en valeur la contrepartie
que les vivants trouveront dans cette attitude : dieu aura pitié d’eux aussi

Le poème distingue donc dès cette première strophe la communauté des vivants de celle des morts comme
le signale le jeu des pronoms (« nous » VS « vous ») mais l’originalité inouïe de Villon est de donner la parole
aux morts
 énonciation oppose un « nous » qui renvoie aux pendus mais qui peut nous inclure aussi puisque nous =
je+vous, et un « vous » qui désigne les vivants, auxquels le lecteur, a fortiori va s’identifier. Ce dispositif
énonciatif touche d’autant plus le lecteur qu’il se sent inclus.

Appel à la pitié soutenu par le recours au registre pathétique qui traverse cette strophe et plus largement
le poème
 champ lexical de la charité chrétienne « vos cœurs », « pitié », « notre malheur »
 lyrisme macabre d’une étrange douceur : musique particulière du décasyllabe avec le rythme irrégulier
de chaque vers (4/6 pour le 1er et le second, 1/9 pour le 3e qui met en avant le « car » détaché en 1e
position dans le vers) mais jamais violent ou brutal + dernier vers repris comme un refrain

32
Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

Après avoir adressé sa supplique aux vivants, la strophe se poursuit sur la description d’un réalisme
morbide de la décomposition du corps des pendus
 champ lexical de la décomposition aux v.7-8 + gradation insiste sur dégradation et bientôt disparition du
corps qui revient à sa forme première = la poussière qu’évoque la parole de L’Ecclésiaste dans la Bible
 recours au présent de narration actualise la description des cadavres en décomposition = une
hypotypose (image qui dessine un tableau si vivant qu’il semble se dérouler sous nos yeux)

Cette description baroque introduit ainsi de façon crue une leçon chrétienne : le memento mori, « rappelle-
toi que tu vas mourir »
 Villon s’inscrit dans tradition chrétienne qui dévalorise le corps au profit de l’esprit au v.6 «  quant de la
chair, que trop avons nourrie » : ce corps a été trop privilégié au détriment du salut de l’âme
Strophe s’achève sur nouvel appel à compassion et demande de pardon
 « malheur » placé sous l’accent = mis en valeur de façon pathétique
 nouvel impératif v.10
 première occurrence du refrain qui réclame l’absolution afin d’assurer aux pendus l’accès de leur âme au
Paradis

Seconde strophe : l’appel au pardon des pendus aux vivants


Seconde strophe réitère l’appel à la fraternité humaine en opposant justices humaine et divine
 les pendus ont été condamnés par la justice humaine et ne le contestent pas v. 12-13  : « nous fûmes
occis / Par justice » = passé antérieur creuse la perception du temps et le moment où cette décision a été
prise. C’est un passé révolu à valeur d’accompli, sans action sur le temps de l’énonciation. Autrement dit, les
pendus ne reviennent pas sur leur condamnation et la mort qui s’en est suivie
 construction grammaticale avec subordonnée de concession « quoi que fûmes occis » met en valeur la
compassion, l’absence de mépris (« avoir dédain » à la tournure négative + « âme ne nous harie » v. 19) à
laquelle les pendus en appellent chez leurs frères chrétiens)

Les pendus plaident alors leur manque de raison pour justifier – tout de même – leurs actes répréhensibles
 tournure négative du v. 14 semble chercher à atténuer la responsabilité des condamnés : c’est le manque
de « bon sens » qui les a menés vers le crime et non un penchant pour le vice (ils ont péché par défaut plus
que par vice)

Mais si pendus s’adressent aux vivants, c’est qu’ils doivent servir d’intermédiaire à leur prière auprès du
Christ (à partir v. 16)
désigné par périphrase « fils de la Vierge Marie » ce qui permet l’effet de rime avec « tarie » au v.
suivant, insistant sur la générosité chrétienne
 il s’agit bien d’assurer le salut de leurs âmes pour éviter les souffrances infinies de «  l’infernale
foudre », nouvelle périphrase qui désigne cette fois l’enfer = jeu d’antithèse prend forme ici entre l’enfer
et le paradis auquel aspirent les pendus
 pendus sont morts (effet d’insistance v. 12 et 19 pour dire leur état = « occis », « morts ») et la seule
chose à attendre pour eux = salut, absolution
Refrain vient rappeler de façon lyrique la force de ce souhait.

Troisième strophe : description du sort macabre des pendus


Troisième strophe reprend la description réaliste et macabre de la décomposition des cadavres =
hypotypose frappante pour le lecteur
 passé composé à valeur d’accompli « la pluie nous a débués et lavés » = temps révolu, enfoncé dans le
passé
Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

 objectalisation des cadavres qui deviennent objet grammatical de l’effet de la pluie « nous a débués »,
plus loin des oiseaux et enfin du vent (mêmes constructions grammaticales où pendus = COD)
 importance donnée aux éléments naturels qui reprennent leurs droits sur ces corps abandonnés à leurs
effets (pluie, soleil) + effet de parallélisme de construction v. 21-22 accentuent similarité de l’action de
ces éléments naturels
 champ lexical de dégradation v.21-22 montre disparition progressive du corps
 image macabre, baroque s’il en est, des oiseaux dévorant les yeux des morts v.23 et arrachant les
derniers oripeaux de ces cadavres dépecés v.24
 image teintée d’humour noir du dé à coudre, renforce chosification des cadavres v. 28, becquetés par
les oiseaux

Ce qui peut étonner dans cette description, c’est peut-être ce qui surgit au v. 25 : balancement des
cadavres dans les airs, sous l’effet du « vent », comme s’il y avait encore du mouvement dans la mort
 succession d’expressions pour dire le mouvement : tournure négative « jamais nous ne sommes assis »
(qui peut renvoyer à l’expression de l’instabilité condition humaine) + tournure positive « le vent varie »,
« nous charrie »
 rythmes des vers évoquent le balancement comme au début du v.26 « de ça de là »

Après description particulièrement morbide et frappante de décomposition des cadavres des condamnés,
3e strophe se clôt v.29 sur mise en garde des vivants que signale un nouvel impératif qui a valeur d’interdit
« ne soyez donc de notre confrérie » (= écho aux commandements bibliques « tu ne tueras point », « tu ne
voleras point »…)

 « confrérie »fait écho aux « frères humains » des deux premières strophes mais pour mieux rappeler ce
qui sépare tout de même les condamnés de la communauté des chrétiens. S’ils ne remettent pas en question
leur faute, ils en appellent néanmoins à la charité d’âme des vivants, avec le dernier retour de refrain.

Envoi : prière à Jésus Christ


Ballade, se clôt selon usage poétique traditionnel, sur l’envoi qui exprime une requête auprès des puissants.
Or, en écho au « fils de la Vierge Marie » évoqué v.16, les pendus s’en remettent au « Prince Jésus »,
formule qui rappelle qu’il règne sur l’au-delà.
Mais cette puissance chrétienne est immédiatement contrebalancée par l’évocation de l’Enfer
 antithèse entre paradis et enfer montre l’alternative qui suspend le sort des pendus / chacun occupe un
vers, signifiant l’égalité de puissance
 champ lexical de la puissance « maistrie » « seigneurie » employé pour chacun
Tournures négatives + subjonctif marquent le souhait des pendus de ne pas être damnés

Sort des pendus dépend donc de la décision, du regard que les vivants porteront sur eux
 ultime appel à universalité qu’ont en partage vivants et morts avec apostrophe finale «  hommes » qui
rappellent la communauté des humains
 « moquerie » désignée comme une attitude mondaine déplacée, quand les condamnés en appellent une
dernière fois à l’absolution v.35 = c’est une affaire des plus sérieuses !

Éléments de conclusion
Chant pathétique des pendus qui en appellent à la pitié des vivants et, à travers eux, à l’absolution
divine (refrain)  efficace car on en oublie presque que, s’ils ont été condamnés, c’est qu’ils ont fauté !
Memento mori qui rappelle que le propre de l’homme est de mourir  image péjorative du corps
donné à voir crûment, selon influence baroque, dans sa décomposition rappelle le primat dans culture
chrétienne de l’âme sur le corps
36
Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman

Ouverture : « Le mort joyeux » de Baudelaire qui renverse les perspectives chrétiennes en faisant
l’éloge de la mort physique comme une contribution au cycle de la vie qu’incarnent de façon allégorique les
vers, dans un ciel désespérément vide et une absence d’au-delà. L’enfermement, la condamnation pour
Baudelaire = la condition humaine

Le mort joyeux
Dans une terre grasse et pleine d’escargots
Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
Et dormir dans l’oubli comme un requin dans l’onde,
Je hais les testaments et je hais les tombeaux ;
Plutôt que d’implorer une larme du monde,
Vivant, j’aimerais mieux inviter les corbeaux
A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.
Ô vers ! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ;
Philosophes viveurs, fils de la pourriture,
A travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s’il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1861
Séquence 4 : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2019-2020 – A.-C.Staman

40
séance 5 : évaluation formative - entraînement au commentaire

Dominante : entraînement au commentaire littéraire composé (une structure possible à l’EAF mais pas
obligatoire)

Support : André Chénier, « Quand au mouton bêlant… », Iambes, 1819

124 Quand au mouton bêlant la sombre boucherie


Ouvre ses cavernes de mort,
Pâtres, chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s’informe plus de son sort.
128 Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine,
Les vierges aux belles couleurs
Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine
Entrelaçaient rubans et fleurs,
132 Sans plus penser à lui, le mangent s’il est tendre.
Dans cet abîme enseveli
J’ai le même destin. Je m’y devais attendre.
Accoutumons-nous à l’oubli.
136 Oubliés comme moi dans cet affreux repaire,
Mille autres moutons, comme moi,
Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire,
Seront servis au peuple-roi.
140 Que pouvaient mes amis ? Oui, de leur main chérie
Un mot à travers ces barreaux
Eût versé quelque baume en mon âme flétrie ;
De l’or peut-être à mes bourreaux…
144 Mais tout est précipice. Ils ont eu droit de vivre.
Vivez, amis ; vivez contents.
En dépit de … … soyez lents à me suivre.
Peut-être en de plus heureux temps
148 J’ai moi-même, à l’aspect des pleurs de l’infortune,
Détourné mes regards distraits ;
À mon tour, aujourd’hui ; mon malheur importune :
Vivez, amis ; vivez en paix.
152 André Chénier, Ïambes (extrait), VIII, 1819 (posthume)
La part du professeur

Je vous propose d’écouter un enregistrement d’une dizaine de minutes dans lequel je recontextualise le
poème, vous en propose une lecture et vous présente quelques pistes d’interprétation.

https://voca.ro/dWduELeLXmq

Préparer le commentaire

1) je recueille mes impressions de lecture


En écoutant la lecture du poème, je note toutes les images qui me frappent, les mots qui retiennent mon
attention, les sentiments et émotions qui me traversent.
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
2) je rassemble mes connaissances sur le poète et le contexte dans lequel il a composé ses
derniers vers
ressource : https://gallica.bnf.fr/blog/05062019/andre-chenier-le-poete-venir-qui-fut-guillotine?
mode=desktop
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
3) je réunis des connaissances extérieures sur le poème
Auteur (que savez-
vous
éventuellement sur
lui/elle ?)
Genre du texte
Mouvement
littéraire proche
du texte
Thème(s) abordés

Registres présents
dans le texte

procédés
d’écriture
marquants et
effets produits

4) j’organise mes idées


Voici une problématique pour mener le commentaire du texte : En quoi l’analogie du mouton permet-elle
au poète d’exprimer son sentiment d’abandon de façon à la fois touchante  et saisissante ?
Voici deux axes de lecture pour répondre à cette problématique :
1er axe : le mouton sacrifié, analogie pathétique avec le poète condamné
2e axe : un poème rageur ou le cri de révolte du poète

Je vous rappelle que le commentaire littéraire ne suit pas l’ordre du texte : les arguments suivent la
progression que vous souhaitez donner à votre lecture du texte.

 A présent, proposez des sous-parties pour chacun des axes proposés :

1er axe : le mouton sacrifié, analogie pathétique avec le poète condamné


…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Argument 1 :

44
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Argument 2 :
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Argument 3 :
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

2e axe : un poème rageur ou le cri de révolte du poète


Argument 1 :

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Argument 2 :

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Argument 3 :

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
 Réfléchissez à présent aux citations qui pourraient venir de façon judicieuse montrer la pertinence de vos arguments
 Puis identifiez les procédés présents dans ces citations
 Et enfin proposez une analyse des effets produits par ces procédés sur le lecteur dans le poème

Analyse (procédés identifiés et


Axes de lecture arguments citations
effets produits)

1er axe : le mouton


sacrifié, analogie
pathétique avec le poète
condamné

2e axe : un poème rageur


ou le cri de révolte du
poète

Travail à rendre :
Vous allez réaliser le plan détaillé du commentaire littéraire du poème.
Vous me le remettrez vendredi soir, via l’ENT dans l’Espace élèves. Pensez à indiquer sur votre envoi votre nom et prénom ainsi qu’à préciser qu’ils s‘agit du
commentaire.

48
156
Séance 6 : étude de la langue - la valeur des temps et modes verbaux

Comment interpréter la valeur des temps dans un texte littéraire  ?

Dominante : étude de la langue

Support : « Quand au mouton bêlant » (extrait), André Chénier

Quand au mouton bêlant la sombre boucherie


Ouvre ses cavernes de mort,
Pâtres, chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s’informe plus de son sort.
Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine,
Les vierges aux belles couleurs
Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine
Entrelaçaient rubans et fleurs,
Sans plus penser à lui, le mangent s’il est tendre.
Dans cet abîme enseveli
J’ai le même destin. Je m’y devais attendre.
Accoutumons-nous à l’oubli.

 Repérez les verbes conjugués.


 Indiquez les modes et temps
modes temps valeurs
bêlant Participe présent Valeur d’action
qui dure (on
peut le
remplacer par
la PS.Relative
« qui bêle »)
Ouvre indicatif présent Présent de
vérité
générale
s’informe indicatif présent Présent de
vérité
générale
suivaient indicatif imparfait passé non
baisaient indicatif imparfait borné à valeur
Entrelaçaient indicatif imparfait de répétition
(aspect
sécant)
penser impersonnel présent Valeur verbale
http://www.conjugaison.com/grammaire/infinitif.html
mangent indicatif présent Présent de
vérité
générale
ai indicatif présent Présent

52
d’énonciation
devais indicatif imparfait Passé non
borné à valeur
d’irréel du
passé (on peut
remplacer par
« j’aurais dû
m’y attendre)
Accoutumons- impératif présent Conseil
nous
160
Analyse :
Le texte de Chénier est donc structuré selon deux temporalités mises en parallèle de façon étroite :
- Le passé désigné à travers les verbes à l’imparfait, d’aspect non borné ou sécant, à valeur de
répétition, où le mouton-poète était choyé et au cœur des attentions de son entourage
- Le présent de narration, aspect non borné ou sécant (on envisage le procès de l’action, cad l’action en
train de se dérouler) où tous l’ont oublié et bientôt le dévorent, allusion à son exécution imminente
Le télescopage de ces temps met ainsi en valeur l’abandon du poète à travers l’analogie du mouton sacrifié.
C’est cette analogie qui donne la valeur de vérité générale aux propos métaphoriques du poète qui
dépassent ainsi sa seule expérience pour révéler un comportement humain qu’il juge au fond prévisible.

 A vous de jouer maintenant sur cette partie du poème :

Que pouvaient mes amis ? Oui, de leur main chérie


Un mot à travers ces barreaux
Eût versé quelque baume en mon âme flétrie ;
De l’or peut-être à mes bourreaux…
Mais tout est précipice. Ils ont eu droit de vivre.
Vivez, amis ; vivez contents.
En dépit de … … soyez lents à me suivre.
Peut-être en de plus heureux temps
J’ai moi-même, à l’aspect des pleurs de l’infortune,
Détourné mes regards distraits ;
À mon tour, aujourd’hui ; mon malheur importune :
Vivez, amis ; vivez en paix.
André Chénier, Ïambes (extrait), VIII, 1819 (posthume)
Quelques ressources :

Les valeurs des temps : http://www.ac-grenoble.fr/disciplines/lettres/podcast/sequences/Laraignee/


Laraignee/Aides/Entrees/2009/1/25_Les_valeurs_des_temps.html

La notion d’aspect (négligée souvent dans l’apprentissage du français alors que c’est une notion très
intéressante pour analyser les formes verbales dans un texte littéraire) :
https://www.maxicours.com/se/cours/la-notion-d-aspect/
Séance 7 - AP : la lecture oralisée de poèmes versifiés
164 Comment lire de la poésie en vers de façon juste et expressive  ?
Pour préparer vote récital poétique, je vous propose de nous intéresser ce matin à la façon de lire
un poème versifié correctement. La poésie versifiée nécessite en effet une attention accrue à la
prononciation et une lecture préparée car réfléchie.
168 Rappel : A l’occasion de votre oral d’EAF, vous aurez à proposer une lecture oralisée du texte à expliquer. Cette
lecture vaut pour deux points sur vingt : il faut la préparer pour s’assurer de ces points facilement gagnés.
« Le candidat situe brièvement le texte proposé dans l'œuvre ou le parcours associé puis en propose une lecture à
voix haute juste, pertinente et expressive (2 points) »

172  Mise en application : Vous allez vous entraîner sur cet extrait du poème de Chénier « Quand au
mouton bêlant »

Quand au mouton bêlant la sombre boucherie


Ouvre ses cavernes de mort,
176 Pâtres, chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s’informe plus de son sort.
Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine,
Les vierges aux belles couleurs
180 Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine
Entrelaçaient rubans et fleurs,
Sans plus penser à lui, le mangent s’il est tendre.
Dans cet abîme enseveli
184 J’ai le même destin. Je m’y devais attendre.

Prendre en compte les spécificités de la lecture de poèmes versifiés


Dans l’extrait ci-dessus passage d’une dizaine de vers en alexandrins du poème de Chénier, identifiez les
-e muets à prononcer et indiquez les liaisons sonores à réaliser. Utilisez le surligneur et le soulignement
188 par exemple.

Pour vous aider, voici une lecture du passage : https://voca.ro/gekMzPmjsHn


Entraînez-vous à lire le poème en respectant ces contraintes.

Autoévaluation
J’ai réussi à lire en respectant les contraintes métriques oui non un peu

192 Rendre sa lecture intelligente : placer des accents pour donner à entendre
Dans l’extrait du poème, surlignez quelques mots que vous souhaitez mettre en valeur. Enregistrez-vous
(sur votre téléphone ou sur www.vocaroo.com) et vérifiez que vous les entendez bien.

Autoévaluation
On entend clairement les mots que j’ai voulu mettre en valeur oui non un peu

196 Rendre sa lecture expressive : jouer sur le ton et le rythme


Voici une liste d’indications de ton et une de rythme. Choisissez successivement une indication de chaque
proposez une lecture de votre texte.

Indications de ton Indications de rythme


joyeux, triste, inquiet, apeuré, scandalisé, en colère, Rapide, lent, saccadé, très lent, avec de longues pauses,
indifférent, moqueur, étonné, solennel, calme, sans pause, en étirant la dernière syllabe des mots,
méchamment, nerveusement, qui révèle l’ennui, agacé, dynamique, mou, hésitant, en marquant la première
grave, scandalisé, admiratif, emporté, sérieux, fâché, syllabe des mots, en avec de nombreuses courtes pauses,

56
soulagé, incertain, avec musicalité, sur un rythme de slam, sur un rythme de
rap

Autoévaluation
J’ai réussi à restituer à l’oral de façon claire l’indication de ton choisie oui non un peu
J’ai réussi à restituer à l’oral de façon claire l’indication de rythme choisie oui non un peu

200 Préparer une lecture juste, expressive et pertinente du poème


A présent, définissez une intention pour orienter votre lecture (l’effet que vous souhaitez produire sur
votre auditeur).
Préparez la lecture du passage du poème proposé en jouant à la fois sur des mots mis en valeur, le volume
204 sonore, un ton, des rythmes différents selon les passages pour rendre sensible votre intention d’ensemble.

Intentions possibles : captiver, faire rire, émouvoir, surprendre, déranger, faire pleurer, faire réfléchir,
rendre captif, rendre sensible aux émotions des personnages, mettre en colère, révolter…

Travail à réaliser :
208 Quand vous serez satisfait du résultat, enregistrez-vous sur le padlet suivant (il suffit de
cliquer sur les trois points à droite du post que vous allez créer et sélectionner l’enregistreur)   :
https://padlet.com/annececilestaman/u6z9u2lxpxta

212 Vous pourrez voter pour la lecture la plus réussie.

Bonnes lectures  !

216
Séance 8 : Un rondeau pour sortir de la ronde fermée de la prison
En quoi la forme close du «  rondeau parfait  » de Marot lui permet-elle paradoxalement de se libérer  ?
Support : Clément Marot, Adolescence clémentine, « Rondeaux », LXVII, « Rondeau parfait. À ses Amis après sa
délivrance », 1532
Dominante : explication de texte linéaire
En liberté maintenant me pourmène,
Mais en prison pourtant je fus cloué :
Voilà comment Fortune me démène.
4 C’est bien, et mal. Dieu soit de tout loué.
Les Envieux ont dit, que de Noé
N’en sortirais : que la Mort les emmène.
Malgré leurs dents le nœud est dénoué,
8 En liberté maintenant me pourmène.
Pourtant si j’ai fâché la Cour romaine,
Entre méchants ne fus oncq alloué :
Des biens famés j’ai hanté le domaine :
12 Mais en prison pourtant je fus cloué.
Car aussitôt que fus désavoué
De celle-là, qui me fut tant humaine,
Bientôt après à saint Pris fus voué :
16 Voilà comment Fortune me démène.
J’eus à Paris prison fort inhumaine :
A Chartres fus doucement encloué :
Maintenant vais où mon plaisir me mène.
20 C’est bien, et mal. Dieu soit de tout loué.
Au fort, Amis, c’est à vous bien joué,
Quand votre main hors du parc me ramène.
Écrit, et fait d’un cœur bien enjoué,
24 Le premier jour de la verte Semaine,
En liberté.

La part du professeur 

Clément Marot (1496-1544)


Poète officiel de la cour de François Ier, incarne un grand esprit de liberté. Il introduit de nouvelles formes
poétiques en France, notamment le sonnet, venu d’Italie sous l’influence du poète Pétrarque. Clément Marot
est une figure charnière de la poésie française et ouvre la voie aux poètes de le Pléiade (Du Bellay, Ronsard
notamment). Il est emprisonné à plusieurs reprises, notamment pour avoir mangé le lard en pleine période de
jeûne – hérésie sévèrement punie par l’Église catholique de l’époque.
Au printemps 1526, Clément Marot est ainsi emprisonné à la prison du Châtelet. Transféré ensuite à Chartres,
sous un régime plus doux, il est définitivement libre, très symboliquement, le premier mai de la même année.
C'est du moins ce qu'il avance dans son rondeau dit « parfait », A ses amys apres sa delivrance, qui,
curieusement, ne paraîtra qu'en 1532.

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Le rondeau :
Le rondeau est un court poème qui doit son nom à la ronde, morceau de musique que l’on dansait et chantait à
l’origine. Apparu au XIIIe siècle, et il est généralement composé de trois strophes en octosyllabes ou en
décasyllabes sur deux rimes seulement. Le rondeau est rythmé par un refrain.
La figure du rond est donnée par la forme, puisque le poème s’achève sur les vers qui l’ont commencé. La
simplicité du poème exprime un sentiment léger, spontané qui convient bien à la déclaration amoureuse. Il
semble presque improvisé, d’une sensibilité naturelle.

Un rondeau parfait ?
6 strophes de vers décasyllabiques, rimes croisées (emprisonnent et appauvrissent schéma sonore du poème //
expérience de la prison)
Composition du poème structurée par la reprise de chacun des vers de la 1e strophe pour clore chacune des 4
strophes suivantes
Mais 6e strophe introduit une asymétrie curieuse, même si elle permet de fermer une deuxième fois la ronde
du rondeau en reprenant le 1er hémistiche « En liberté »  c’est donc cette liberté qui empêche la perfection
de ce rondeau !

Je recueille mes premières impressions


 Si ce poème était une couleur ?
 Comment qualifieriez-vous le ton que le poète emploie pour évoquer son expérience de
l’emprisonnement ? Pensez à le comparer avec les autres poèmes que nous avons étudiés ensemble au
cours de la séquence.

Je réfléchis à quelques faits d’écriture intéressants


 Comment caractériseriez-vous le lyrisme dans ce poème (sentiments personnels et sources de
musicalité du texte) ?
 Quels sont les champs lexicaux qui s’opposent dans ce poème ? Quel est l’effet recherché ?
 Comment les temps verbaux utilisés permettent-ils de créer un balancement entre deux temporalités ?

Je prépare mon explication de texte


Voici le projet de lecture que je vous propose : En quoi la forme close du «  rondeau parfait  » de Marot lui
permet-elle paradoxalement de se libérer  ?
Ainsi que les mouvements suivants :
Deux premières strophes : l’introduction du récit de l’expérience carcérale et de la libération du poète
Strophes 3, 4, 5 : récit de l’expérience carcérale du poète
6e strophe : adresse aux amis qui l’ont aidé à sortir de prison
Séance 8 : Un rondeau pour sortir de la ronde fermée de la prison

En quoi la forme close du «  rondeau parfait  » de Marot lui permet-elle paradoxalement de se libérer  ?

Support : Clément Marot, Adolescence clémentine, « Rondeaux », LXVII, « Rondeau parfait. À ses Amis
après sa délivrance », 1532

Dominante : explication de texte linéaire

En liberté maintenant me pourmène,


Mais en prison pourtant je fus cloué :
Voilà comment Fortune me démène.
4 C’est bien, et mal. Dieu soit de tout loué.
Les Envieux ont dit, que de Noé
N’en sortirais : que la Mort les emmène.
Malgré leurs dents le nœud est dénoué,
8 En liberté maintenant me pourmène.
Pourtant si j’ai fâché la Cour romaine,
Entre méchants ne fus oncq alloué :
Des biens famés j’ai hanté le domaine :
12 Mais en prison pourtant je fus cloué.
Car aussitôt que fus désavoué
De celle-là, qui me fut tant humaine,
Bientôt après à saint Pris fus voué :
16 Voilà comment Fortune me démène.
J’eus à Paris prison fort inhumaine :
A Chartres fus doucement encloué :
Maintenant vais où mon plaisir me mène.
20 C’est bien, et mal. Dieu soit de tout loué.
Au fort, Amis, c’est à vous bien joué,
Quand votre main hors du parc me ramène.
Écrit, et fait d’un cœur bien enjoué,
24 Le premier jour de la verte Semaine,
En liberté.

La part du professeur :
Je vous propose une lecture du poème, quelques éléments de contextualisation du poème  pour débuter
cette séance (7mn d’écoute soutenue avec prise de notes) :
https://voca.ro/7KMUjohuYe0

Je recueille mes premières impressions


 Si ce poème était une couleur ? un son ?
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 Comment qualifieriez-vous le ton que le poète emploie pour évoquer son expérience de
l’emprisonnement ? Pensez à le comparer avec les autres poèmes que nous avons étudiés ensemble
au cours de la séquence.

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Je réfléchis à quelques faits d’écriture intéressants

 Comment caractériseriez-vous le lyrisme dans ce poème (sentiments personnels et sources de


musicalité du texte) ?

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 Quels sont les champs lexicaux qui s’opposent dans ce poème (vous pouvez les surligner) ? Quel est
l’effet recherché ?

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 En quoi les temps verbaux utilisés permettent-ils de créer un balancement entre deux
temporalités ?

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Je prépare mon explication de texte

Voici le projet de lecture que je vous propose : En quoi la forme close du «  rondeau parfait  » de
Marot lui permet-elle paradoxalement de se libérer  ?

Ainsi que les mouvements suivants :

Deux premières strophes : l’introduction du récit de l’expérience carcérale et de la libération du poète

Strophes 3, 4, 5 : récit de l’expérience carcérale du poète

6e strophe : adresse aux amis qui l’ont aidé à sortir de prison

Voici comment vous allez répartir votre travail :

1e et 2e strophes + 6e strophe : d’A à L.

3e, 4e et 5e strophe : de P. à T.

Il s’agit donc d’un travail individuel mais vous pouvez, si vous le souhaitez, vous associer à une
personne de chaque groupe pour reconstituer l’explication entière.

Je vous proposerai une reprise détaillée jeudi. Bon travail  !


Reprise de l’explication de texte linéaire « Rondeau parfait. A ses amis après sa
délivrance » de Clément Marot

Éléments d’introduction

Clément Marot = poète de cour, protégé du roi François 1er mais aussi esprit libre, ce qui l’amène à
plusieurs reprises en prison pour hérésie /influence de l’Église catholique sur le pouvoir à l’époque. Ce
« Rondeau parfait » est ainsi composé à sa sortie des prisons du Châtelet et de Chartres. Il est publié dans
e recueil Adolescence clémentine qui réhabilite des genres un peu passés de mode comme la Ballade, le
rondeau ou la chanson.

Ce poème évoque tour à tour son emprisonnement et sa délivrance, sa libération, dans un


balancement qui renvoie à la forme musicale de ce poème. Effet de ronde = fondé sur la reprise à la fin de
chaque strophe de l’un des vers qui composent la 1e strophe, comme une sorte de refrain renouvelé. Mais
en réalité, Marot prend des libertés avec les contraintes qu’impose la forme du rondeau.

En quoi la forme close du «  rondeau parfait  » de Marot lui permet-elle paradoxalement de


se libérer  ? On pourra dégager trois mouvements distincts dans ce poème : les deux premières
strophes introduisent le récit alternatif de l’expérience carcérale et de la libération du poète, et les
strophes 3, 4, 5 approfondissent le récit de l’expérience carcérale du poète. Quant à la 6e strophe,
surnuméraire puisqu’elle ne reprend pas un vers de la 1e strophe, elle permet néanmoins de clore la ronde
du rondeau en l’ouvrant vers la liberté retrouvée.

Strophes 1 et 2 : récit alternatif de l’emprisonnement et de la délivrance

Poème personnel avec omniprésence de la première personne du singulier  on parlera de lyrisme ironique,
qui évoque son sort, changeant
// titre du poème « A ses amis après sa délivrance » : poète s’adresse à ses amis, s’implique d’un point de
vue énonciatif tout en faisant montre d’une grande distance dont 1er vers donne d’emblée le «  la » = ton
léger et moqueur

Poème s’ouvre sur évocation de la liberté retrouvée du poète


 antéposition (placée à la 1e place dans le vers) du complément circonstanciel « en liberté » = le
met en valeur
 moment de la promenade semble coïncider avec moment de l’écriture avec adverbe de temps
« maintenant » et recours au présent de l’indicatif à valeur sécante (= de narration)
 rythme ternaire marqué (4/3/3) place d’emblée le poème sous signe d’une forte musicalité
Mais deuxième vers nous ramène vers le temps de l’emprisonnement
 opposition marquée avec conj de coordination « mais »
 parallélisme de construction « en prison »/ « en liberté » les place sur un même niveau
grammatical et semble leur accorder une même valeur d’expérience
 passé simple à valeur de passé accompli, éloigné dans le temps « fus cloué »
 évoqué avec image polysémique « cloué » = adjectif qui désigne l’emprisonnement mais aussi la
crucifixion du Christ, motif qui reviendra à de multiples reprises dans le poème, le poète jouant
avec cette image du martyr
3e vers reprend l’alternance liberté/prison pour exprimer le sort du poète
 « Fortune » désigne le sort mais Marot n’y ajoute aucune marque de jugement, comme s’il
embrassait la totalité de son sort

68
= ce que confirme v.4 avec balancement « c’est bien, et mal » parfaitement équilibré sur le plan
métrique (2 syllabes pour chacun)

Strophe se clôt sur grâces rendues à dieu, pour ce « tout » qui associe en les mêlant bien et mal.
 ton serein et presque sentencieux
 Marot semble totalement accepter son sort et porte un regard équanime sur son destin contrasté.

1e strophe met en place système de rimes strict qui sera suivi tout au long du poème
 évocateur de l’enfermement (appauvrissement du tissu sonore et rimes croisées suggérant
l’emprisonnement, d’autant que les mots à la rime sont comme emprisonnés dans le mot avec lequel ils
viennent rimer ex : cloué/loué, désavoué/voué à la strophe 4)
 mais aussi forte musicalité du balancement binaire qui traverse tout le poème //rondeau

Mais libération formelle du poète est à venir : on verra qu’il met en place des libertés formelles subtiles à
l’intérieur de ce cadre très rigide à première vue…

Seconde strophe adopte un ton plus mondain, plus moqueur, à l’adresse des ennemis de Marot qui le pensait
condamné à croupir à jamais en prison
 expression allégorique « les Envieux » que signale la majuscule donne un tour biblique aux propos
du poète et rappelle les communautés, les défauts que le texte fondateur condamne très
fréquemment, notamment dans l’Ancien Testament = montée en généralité à partir de la
désignation des ennemis du poète, envieux en effet de son succès à la cour du roi F. 1er //
évocation de leurs « dents » v. 7 qui désignent par métonymie leur ambition (avoir les dents
longues)
 référence à Noé v.5, figure de rescapé et protégé du dieu de l’Ancien Testament = écho à
jalousie dont le poète fait l’objet
 Marot leur lance sa propre malédiction qui les voue à la mort v.6 à l’aide du subjonctif … on ne
plaisante pas ! = parole du poète semble se faire oraculaire, suggérant un dieu vengeur parmi les
hommes
 métaphore filée du « nœud » v. 7 renvoie à l’idée d’un destin qui se noue et se dénoue
alternativement //1e strophe + recours au passé composé « est dénoué » qui a valeur d’accompli et
enfonce ce passé plus loin encore du temps de l’énonciation du poème
Strophe se clôt sur reprise 1er vers de 1e strophe comme un refrain qui nargue les « Envieux », selon règle
du rondeau
 donne un côté très enfantin //titre du recueil Adolescence clémentine (celle du jeune Clément
Marot)

 deux premières strophes mettent en place


- Le système de balancement lyrique entre thèmes prison et liberté
- Contraintes formelles du rondeau qui suggèrent pour l’instant l’expérience de l’enfermement
- Une alternance entre un ton très moqueur à l’adresse des ennemis mais aussi serein quant à son
sort

Strophes 3, 4, 5 : le récit de l’expérience carcérale

Nouveau revirement indiqué par un adverbe d’opposition « Pourtant » : Clément Marot revient sur ce qui l’a
amené en prison et cherche à se dédouaner
 désigne le pouvoir de l’Eglise catholique par la périphrase « cour romaine » qui résonne comme
une concession respectueuse, placée sous le signe de l’origine romaine de l’Eglise
 v.10-11 jouent sur opposition manichéenne entre « bien famés » et « méchants », rattachant
explicitement et de façon insistante le poète aux bons, par la fréquentation des « bien famés » =
ceux qui ont bonne réputation
Strophe 3 se clôt sur nouvelle opposition avec la reprise du second vers de la 1e strophe
 sorte de conclusion paradoxale qui souligne le caractère injuste de la condamnation du poète
 référence au Christ prend ici un sens plus clair encore, le poète étant présenté comme la victime
innocente de la jalousie des uns.

Strophe 4 poursuit évocation de son ballotement entre la vie des grands à la cour et son incarcération et
multiplie les effets de balancement
 art avec lequel Marot actualise le récit avec quasi simultanéité des adverbes de temps
« aussitôt » v.13 et « bientôt » v.15 + passé simple « fus désavoué » et « fus voué » = ajoute un
effet de répétition
 enjambement v. 13-14 donne du mouvement à la strophe et semble mimer le passage d’un état à
l’autre // balancement sonore entre « voué » et « désavoué » à la rime
 « celle-là » pourrait désigner une amante « qui me fut tant humaine » (= si douce) qui l’aurait
abandonné à son sort après l’avoir fréquenté à la cour
 balancement entre « celle-là » qui le désavoue et saint Pris auquel il est bientôt voué + jeu de
mots sur « saint Pris » = désigne la prison mais aussi un martyr
 Reprise v.16 du 3e vers de 1e strophe reprend et fixe cette idée que le poète est balloté par le
sort

5e strophe s’attarde cette fois sur les conditions matérielles dans lesquelles le poète a été incarcéré
 jeu de contrastes entre Paris et Chartres souligné par parallélisme de construction « fort
inhumaine »/ « doucement cloué »
 oxymore à tonalité ironique « doucement encloué » (est-ce possible de trouver de la douceur en
prison ?)
Rupture temporelle marquée entre temps de la prison au passé simple à valeur d’accompli et le présent
sécant où le poète se décrit en liberté + adverbe de temps « maintenant » qui actualise l’énonciation
 PS relative « où mon plaisir me mène » = vague mais met en valeur logique du seul plaisir et
liberté de mouvements retrouvée à laquelle le poète obéit seulement
 quête de plaisir du poète soulignée par l’inversion qui fait du plaisir le sujet et du poète l’objet
sur le plan grammatical
 rime « inhumaine »/ « mène » suggère un poète narguant le sort
 Reprise de l’ultime vers de 1e strophe devrait fermer le rondeau, mais il prend ici, dans sa
répétition même au sein du cotexte des vers qui le précèdent, un sens renouvelé : Marot semble se
jouer de tout manichéisme et brouiller la possibilité de porter un jugement moral sur son statut
d’homme libre et libéré.
 ultime louange à dieu résonne de façon plus ambivalente (= je peux remercier dieu de m’avoir sorti
de là et de me laisser libre de n’obéir qu’à mon seul plaisir)

6e strophe : clôture ouverte du rondeau

Clôture ouverte car, tout à la fois, cette strophe ferme une seconde fois le rondeau en reprenant les vers
du début à la fin, comme un cercle parfait, et l’ouvre, par la thématique de la liberté et les libertés
formelles prises
Sur les libertés formelles :
 strophe surnuméraire (en surnombre) du rondeau = liberté que prend le poète

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 rentrement final « en liberté » est à la fois un enjambement et une infidélité métrique puisque
poème entièrement composé de décasyllabes = casse la régularité parfaite du rythme du rondeau

Sur la liberté retrouvée :


 plaisir de retrouver ses amis et de leur dédier ce poème qu’exprime l’apostrophe « Amis, c’est à
vous bien joué » + tonalité légère et rime ludique « enjoué », « joué »
 c’est pour écrire à ses amis qu’il accepte de quitter la liberté du « parc » pour retrouver l’espace
clos de la chambre où le poète va composer v.22 = sa liberté s’exerce à travers l’exercice de
l’écriture
 peut-être peut-on voir dans l’image de « votre main », image de pouvoir par métonymie,
l’expression de remerciements pour avoir intercédé en sa faveur (on songe à l’appui de François 1er)
 contexte précisé est champêtre (« verte ») et renvoie à la reverdie, le renouveau de la nature =
1er mai « Le premier jour de la verte Semaine » // nouveau cycle de vie pour Marot
 plaisir d’écrire retrouvé en liberté v.23 « Ecrit, et fait d’un cœur bien enjoué »

 Le mot « liberté » referme le poème sur ses premiers mots et ouvre simultanément l’horizon du
poète vers d’autres paysages, d’autres poèmes.

Eléments de conclusion

Rondeau pas si parfait permet au poète de jouer sur une musique évocatrice d’un sort qui le ballote
entre liberté et prison mais aussi de s’affranchir de façon subtile d’une forme extrêmement contraignante
avec lequel le poète joue, notamment dans les rimes, l’invention d’une strophe surnuméraire qui ouvre le
poème, comme une échappée vers la liberté d’écrire, de se pourmener là « où (son) plaisir (le) mène ». Ce
jeu sur la forme est une façon d’affirmer la liberté du poète dans l’expression de l’expérience de
l’enfermement, sa capacité à s’en affranchir.

Lyrisme moqueur et distancié très propre à Clément Marot, qui multiplie adresses aux amis, aux
ennemis, et propose une évocation équanime de son sort changeant, entre passé encloué et présent « en
liberté ». Ou encore ode à la jouissance du moment présent ! Mais aussi jeu autour de l’image du poète
martyr à travers la référence christique qui traverse tout le poème.

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