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Nombreux sont les poètes qui ont fait l’épreuve de la prison. C’est que le poète incarne une forme
8 de liberté de parole qui dérange le pouvoir en place, la société de ses congénères parce qu’elle critique,
dénonce, condamne, crie à la révolte. Mais nombreux également sont les poètes qui ont été inspirés par leur
expérience de l’emprisonnement. Ils évoquent la privation d’espace, le rapport déréglé au temps, la
privation des relations avec l’extérieur, avec la société des hommes libres, mais aussi la pensée de la mort
12 à laquelle cette expérience les renvoie. A travers l’étude d’un corpus de poèmes écrits en prison, il s’agit
d’appréhender l’expérience de l’emprisonnement du poète comme une expérience humaine, politique et
poétique.
Or la poésie est par excellence, au regard des autres genres le lieu, jusqu’au XIXe siècle, de la
16 contrainte formelle. On pourra donc s’étonner de ce que le poète recourt à cette forme d’écriture très
codifiée pour exprimer ce qui lui reste de libre : ses émotions, ses sentiments et ses pensées. Dans ce lieu
de privation des libertés, y compris les plus élémentaires, il s’agit donc de se demander les raisons du choix
de formes poétiques.
20 Les différents poèmes choisis offrent dès lors un parcours poétique que l’on dialectisera, depuis le
témoignage lyrique et désespéré de l’expérience de l’emprisonnement, à son expression plus distanciée par
le pouvoir d’une voix ironique. Mais nous verrons que la tension entre épanchement lyrique et distanciation
réflexive est à l’œuvre dans tous les poèmes peut-être parce que la poésie est le genre de la réflexion sur
24 la langue.
Objectifs :
Appréhender les vertus de la poésie, entre celles libératrices du lyrisme poétique et celles
stratégiques des œuvres de circonstance
28 Réfléchir à la dialectique poétique entre contrainte de la forme et liberté créatrice
Lire, dire, mettre en espace des textes poétiques
Se sentir proches des différents poètes du Moyen-Âge au XVIIIe
Actualiser les œuvres du passé au regard d’œuvres contemporaines
32 Initier à la maîtrise des exercices de l’EAF (explication linéaire, commentaire composé)
GT : François Villon, « Ballade des pendus », Clément Marot « Rondeau parfait à ses amis après sa
délivrance » in Adolescence clémentine, Théophile de Viau « Théophile à son ami Chiron », André Chénier
« Saint-Lazare IV » Iambes 8
36 Parcours : Le poète en prison, les pièces du dossier, enquêtes sur les raisons d’enfermement d’hier
et d’aujourd’hui (Théophile de Viau, Claude Lepetit, Albertine Sarrazin, Liao Yiwu, LA Rumeur)
Lecture cursive de recueils de poésie écrits en prison : Cellulairement et Sagesse de Verlaine, Alcools
d’Apollinaire, Adolescence clémentine de Marot, Ballades de Charles d’Orléans, Lettre à son frère de
40 Théophile de Viau, Iambes de Chénier, Olivier Charpentier Poètes en prison (2004, anthologie), etc.
Prolongement artistique et culturel : peindre l’emprisonnement (Le tasse en prison de Delacroix, La Cour
de prison de Van Gogh (1890), La mort de Socrate de David,
Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
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Le poète en prison,
(Théophile de Viau, les pièces du
Groupement de
Poètes, vous êtes Claude Lepetit, dossier : enquêter Séance en coopération
textes 1h
condamnés ! Albertine Sarrazin, sur les raisons Reprise magistrale
complémentaires
Liao Yiwu) d’enfermement d’hier
et d’aujourd’hui
Les Prisons
imaginaires de
Piranesi ; Socrate
en prison de David,
Inspiration Le tasse en prison Quels sont les effets
spatiale ; mythes Prolongement Cours dialogué et synthèse
de Delacroix, La de la prison sur les
et réalités de artistique et individuelle écrite 2h
Cour de prison de représentations
l’artiste culturel Reprise magistrale
Van Gogh (1890), iconographiques ?
emprisonné ; Portrait de
prisonnier à Sainte-
Pélagie de Gustave
Courbet,
Comment l’expérience
poétique du rondeau
Clément Marot, parfait redouble-t-
Un rondeau pour Lecture commentée (forme
Explication de « rondeau parfait à elle l’expérience
sortir de la ronde du rondeau, ironie de Marot) 2h
texte linéaire ses amis après la carcérale de
fermée de la prison délivrance » l’emprisonnement et
de la délivrance ?
Cellulairement de
Parcourir un recueil Lecture cursive Verlaine, manuscrit Comment la prison
Cercle de lecture 1h
de poèmes d’œuvre complète redécouvert et édité impacte son œuvre ?
en 2013
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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
Poème en rap de La
Actualisation : Est-ce qu’il y a une lecture, visionnage et
Rumeur, « Moha » 1h en
l’expérience Lectures façon particulière de audition ; rédaction d’une
par Hamé ; épisode demi-
carcérale dans les cursives parler de prison dans synthèse répondant à la
série Orange is a groupe
arts contemporains les arts aujourd’hui ? problématique.
new black ;
20 h (5 semaines)
Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
Contextualisation
Poète et révolutionnaire condamné par la Terreur pour avoir défendu la monarchie constitutionnelle et critiqué les
débordements des Jacobins, Robespierre à leur tête, André Chénier continue à écrire pendant son incarcération à la
prison de Saint-Lazare (entre le 7 mars et le 23 juillet 1794, deux jours avant l’arrestation de Robespierre), jusqu'au
jour de son exécution. Ses Ïambes ne seront donc publiés qu'à titre posthume.
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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
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Projet de lecture proposé : Pourquoi choisir d’écrire un poème versifié dans ses derniers
instants de vie ?
Reprenez le passage mis en voix et en espace et proposez-en une lecture linéaire par écrit
v.1 à 4 devant l’imminence de sa mort, le poète survit encore grâce à la poésie
v.5 à 9 : l’évocation oppressante de l’univers carcéral
v.10 à 19 : l’imminence de la venue du bourreau
v. 20 à 24 : fiction de la mise à mort du poète seul et aliéné
Rédiger d’abord individuellement une réponse à la question posée qui reprenne les éléments principaux
trouvés par les divers groupes.
Le poète en prison, les pièces du dossier : enquêter sur les raisons d’enfermement d’hier
et d’aujourd’hui
Dominante : lecture cursive
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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
Travail de groupe : Est-ce que ce sont ces poèmes qui ont amené leur auteur en prison ? Ces
textes vous choquent-ils ? Est-ce qu’il y a eu d’autres raisons d’enfermement ?
Extraits des arrêts du Parlement du roi mettant en cause les écrits de Théophile de Viau, 1623
Veu par la Cour, les Grand Chambre et Tournelle assemblées, l’arrest d’icelle du unziesme juillet dernier,
par lequel, sur la plainte faicte par le Procureur général du roy et livres par luy représentez, avoit esté
ordonné que les nommez Theophille, Berthlot, Colletet et Frenide (sic), autheurs des sonnetz et verz
contenant les impietez et blasphèmes et abominations mentionnez au livre très pernitieux intitulé le
Pernasse Satiricque, seroient pris au corps. […] Ilz ont composé, faict imprimer et exposer en vente le
livre intitulé le Pernasse Satiricque, contenant les blasphèmes, sacrilèges impiétés et abominations y
mentionnées contre l’honneur de Dieu, son Esglize et honnesté publicque, dont ilz se repentent et en
demandent pardon à Dieu, au roy et à justice, ce faict menez et conduictz en place de Grève de cette dicte
ville, et ledit Theophille bruslé vif, etc.
Claude Lepetit, « La chronique scandaleuse ou Paris ridicule », Le Bordel des muses, 1661
Jeune avocat, athée, libertin et libre-penseur, Claude Lepetit se consacre aussi à l’écriture. Il fait publier ces poèmes
en 1661. Il est arrêté et condamné à être brûlé place de Grève à Paris, après qu’on lui aura tranché le poing. Il meurt à
23 ans.
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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
Ashraf Fayad, Instructions intérieures, « Des bienfaits du pétrole sur le sang », 2007
Ashraf Fayad, né en 1980 à Gaza est un poète et un artiste palestinien. Il vit avec sa famille en Arabie saoudite où il
participe à la vie culturelle. Mais il est depuis plusieurs années l’objet de persécutions de la part des extrémistes
religieux.
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Reprise de la question de synthèse : comment la parole du poète peut-elle menacer la société et le
pouvoir ?
Parole libre qui ose s’emparer de tous les sujets, employer des mots directs, parfois crus et choquants
pour parler des libertés de mœurs, jusque l’intimité de la sexualité, face à une société souvent
majoritairement pudique et traditionnaliste, sous l’influence de l’Eglise notamment en Occident, des
religions plus largement
Parole puissante qui mobilise toutes les armes du langage (figures de style, images choc, musicalité du
langage et travail des rimes dans la poésie verisifée qui crée des effets d’insistance) pour toucher son
lecteur, qu’il s ‘agisse de le bousculer, voire de le choquer comme de l’émouvoir
Parole qui provoque l’ordre établi, le pouvoir, bouscule les mœurs de son époque, dénonce les abus et les
injustices
parole qui a par le passé transgressé les lois et les limites établies par les pouvoirs en place, notamment
par le biais de la censure
parole qui peut encore et toujours être perçue comme une menace dans les régimes les plus autoritaires
et extrémistes aujourd’hui
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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
[Hamé]
Il se fait tard, très tard, bientôt le soleil
Et Moha n’a pas sommeil, il veille les yeux vides
Sur le carreau aride au mur de sa minuscule cellule
Une cigarette mal roulée se consume et tremble
Aux bouts de ses doigts exsangues
Qui semblent mourir le long de sa jambe
Moha ne bronche pas, les mots sont froids
Leur écho se cogne aux parois
De cette cage qu’il partage avec un rayon de lune voilée
Et quelques rats pressés, aux pas vifs et feutrés
Par terre, un miroir s’est éparpillé en mille fragments de verre
Parmi deux, trois bibelots, des vêtements, une radio
Et des livres coincés sous un meuble renversé
Une sale odeur aux relents d’urine et d’excréments
Flâne et se pavane depuis que les chiottes sont tombées en panne
La tête dans une volute de fumée diaphane
Moha accroupi aux pieds du lit
Serre dans sa main une photo jaunie
Une vieille photo où un grand homme droit a mis sa plus belle chéchia
Un grand homme droit que tout le monde fête à son retour de la Mecque
Mais un grand homme droit qui vient de partir dans un ultime soupir
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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
Séance 3 : « La ballade des pendus » ou chanter une communauté d’exclus
Pour commencer
Vous pouvez écouter cette émission de France Culture d’une durée de 29 mn pour savoir qui était François
Villon et vous faire une idée juste de son apport à la poésie française :
https://www.franceculture.fr/emissions/ca-rime-quoi/francois-villon-par-jacqueline-cerquiglini-toulet
Voici le texte de Villon chanté par Serge Reggiani en 1968, qui rappelle que la poésie a partie liée dès
l’origine avec la musique : https://www.youtube.com/watch?v=kSXLC6oZXhM
Premières impressions
Si ce poème était une couleur ? une émotion ? un cri ?
Quelle image du poème vous frappe particulièrement ?
Qui parle et à qui ? surlignez dans le texte quelques indices à l’appui de votre réponse.
Surlignez dans le poème le refrain : sur quoi insiste ce vers ?
Quels sentiments ce poème suscite-t-il chez le lecteur à l’égard des prisonniers ?
Un poème macabre et saisissant à la fois : le lecteur est interpelé par ces morts auxquels la voix du poète
se mêle par le pronom « nous » et qui s’adressent à lui, frappé par ces images morbides des corps des
pendus en décomposition.
Villon recourt à la forme lyrique de la ballade, tradition en vogue surtout du XIVe au XVIe siècle. On peut
s’étonner que le chant, la musique soient associés à un thème aussi morbide.
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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
Voici le projet de lecture que je vous propose : En quoi la ballade de François Villon parvient-elle à
sensibiliser au sort des prisonniers ?
Pour ce qui est des mouvements du poème, nous pouvons nous appuyer ici sur les différentes strophes qui
composent le poème.
Première strophe : le chant pathétique des pendus
Seconde strophe : l’appel au pardon des pendus aux vivants
Troisième strophe : description du sort macabre des pendus
Envoi : prière à Jésus Christ
Vous allez à présent expliquer l’une des 3 strophes + l’envoi et en proposer l’explication de texte
linéaire.
Répartition des mouvements à expliquer :
1e strophe : nom des élèves
2e strophe :
3s strophe :
Rappel méthodologique :
Pour chaque mouvement, mettez en lien quelques pistes d’interprétation avec quelques faits d’écriture
saillants pour chacun des mouvements. Attention : il ne s’agit en aucun cas de tout dire ou de commenter
chaque mot mais selon ce que vous souhaitez mettre en avant du texte, de sélectionner les indices textuels
les plus pertinents.
Vous pouvez bien sûr circuler dans tout le mouvement, sans vous en tenir à du linéaire strict. Il faut
dégager le sens du texte et la lecture que vous en proposez en tant que lecteur sensible : c’est l’essentiel
de cet exercice !
Rappel : ne vous limitez pas à ne vous intéresser qu’aux champs lexicaux : panachez vos remarques
stylistiques
(figures de style, choix syntaxiques, sonorités – allitérations et assonances -, modes et temps verbaux et
leurs valeurs, effets de rimes en poésie versifiée…)
Cependant, ne pas oublier que si c’est bien de pouvoir désigner les procédés stylistiques, c’est mieux de
dire les effets sensibles ou intellectuels produits sur vous par l’emploi de tel ou tel mot et d’expliciter ce
que cela apporte à votre projet de lecture.
Son origine lyrique prédispose la ballade à chanter l’amour, mais le genre s’empare également de sujets
religieux et philosophiques. Sa structure la dispose en effet à interroger la destinée humaine. Les
caractéristiques de la ballade sont les suivantes :
Trois strophes de huit octosyllabes ou décasyllabes (huitains), plus une demi-strophe, appelée envoi,
qui à l’ origine, dans les concours de poésie organisés par les troubadours, désignait le destinataire du
poème. Soit un ensemble de vingt-huit vers.
La ballade est construite sur un ensemble de trois rimes qui répondent au schéma ababbcbc, et, pour
l’envoi, bcbc.
Chaque strophe se termine par un même vers, le refrain, qui doit être intégré à l’ensemble de la
strophe.
Le poème distingue donc dès cette première strophe la communauté des vivants de celle des morts comme
le signale le jeu des pronoms (« nous » VS « vous ») mais l’originalité inouïe de Villon est de donner la parole
aux morts
énonciation oppose un « nous » qui renvoie aux pendus mais qui peut nous inclure aussi puisque nous =
je+vous, et un « vous » qui désigne les vivants, auxquels le lecteur, a fortiori va s’identifier. Ce dispositif
énonciatif touche d’autant plus le lecteur qu’il se sent inclus.
Appel à la pitié soutenu par le recours au registre pathétique qui traverse cette strophe et plus largement
le poème
champ lexical de la charité chrétienne « vos cœurs », « pitié », « notre malheur »
lyrisme macabre d’une étrange douceur : musique particulière du décasyllabe avec le rythme irrégulier
de chaque vers (4/6 pour le 1er et le second, 1/9 pour le 3e qui met en avant le « car » détaché en 1e
position dans le vers) mais jamais violent ou brutal + dernier vers repris comme un refrain
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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
Après avoir adressé sa supplique aux vivants, la strophe se poursuit sur la description d’un réalisme
morbide de la décomposition du corps des pendus
champ lexical de la décomposition aux v.7-8 + gradation insiste sur dégradation et bientôt disparition du
corps qui revient à sa forme première = la poussière qu’évoque la parole de L’Ecclésiaste dans la Bible
recours au présent de narration actualise la description des cadavres en décomposition = une
hypotypose (image qui dessine un tableau si vivant qu’il semble se dérouler sous nos yeux)
Cette description baroque introduit ainsi de façon crue une leçon chrétienne : le memento mori, « rappelle-
toi que tu vas mourir »
Villon s’inscrit dans tradition chrétienne qui dévalorise le corps au profit de l’esprit au v.6 « quant de la
chair, que trop avons nourrie » : ce corps a été trop privilégié au détriment du salut de l’âme
Strophe s’achève sur nouvel appel à compassion et demande de pardon
« malheur » placé sous l’accent = mis en valeur de façon pathétique
nouvel impératif v.10
première occurrence du refrain qui réclame l’absolution afin d’assurer aux pendus l’accès de leur âme au
Paradis
Les pendus plaident alors leur manque de raison pour justifier – tout de même – leurs actes répréhensibles
tournure négative du v. 14 semble chercher à atténuer la responsabilité des condamnés : c’est le manque
de « bon sens » qui les a menés vers le crime et non un penchant pour le vice (ils ont péché par défaut plus
que par vice)
Mais si pendus s’adressent aux vivants, c’est qu’ils doivent servir d’intermédiaire à leur prière auprès du
Christ (à partir v. 16)
désigné par périphrase « fils de la Vierge Marie » ce qui permet l’effet de rime avec « tarie » au v.
suivant, insistant sur la générosité chrétienne
il s’agit bien d’assurer le salut de leurs âmes pour éviter les souffrances infinies de « l’infernale
foudre », nouvelle périphrase qui désigne cette fois l’enfer = jeu d’antithèse prend forme ici entre l’enfer
et le paradis auquel aspirent les pendus
pendus sont morts (effet d’insistance v. 12 et 19 pour dire leur état = « occis », « morts ») et la seule
chose à attendre pour eux = salut, absolution
Refrain vient rappeler de façon lyrique la force de ce souhait.
objectalisation des cadavres qui deviennent objet grammatical de l’effet de la pluie « nous a débués »,
plus loin des oiseaux et enfin du vent (mêmes constructions grammaticales où pendus = COD)
importance donnée aux éléments naturels qui reprennent leurs droits sur ces corps abandonnés à leurs
effets (pluie, soleil) + effet de parallélisme de construction v. 21-22 accentuent similarité de l’action de
ces éléments naturels
champ lexical de dégradation v.21-22 montre disparition progressive du corps
image macabre, baroque s’il en est, des oiseaux dévorant les yeux des morts v.23 et arrachant les
derniers oripeaux de ces cadavres dépecés v.24
image teintée d’humour noir du dé à coudre, renforce chosification des cadavres v. 28, becquetés par
les oiseaux
Ce qui peut étonner dans cette description, c’est peut-être ce qui surgit au v. 25 : balancement des
cadavres dans les airs, sous l’effet du « vent », comme s’il y avait encore du mouvement dans la mort
succession d’expressions pour dire le mouvement : tournure négative « jamais nous ne sommes assis »
(qui peut renvoyer à l’expression de l’instabilité condition humaine) + tournure positive « le vent varie »,
« nous charrie »
rythmes des vers évoquent le balancement comme au début du v.26 « de ça de là »
Après description particulièrement morbide et frappante de décomposition des cadavres des condamnés,
3e strophe se clôt v.29 sur mise en garde des vivants que signale un nouvel impératif qui a valeur d’interdit
« ne soyez donc de notre confrérie » (= écho aux commandements bibliques « tu ne tueras point », « tu ne
voleras point »…)
« confrérie »fait écho aux « frères humains » des deux premières strophes mais pour mieux rappeler ce
qui sépare tout de même les condamnés de la communauté des chrétiens. S’ils ne remettent pas en question
leur faute, ils en appellent néanmoins à la charité d’âme des vivants, avec le dernier retour de refrain.
Sort des pendus dépend donc de la décision, du regard que les vivants porteront sur eux
ultime appel à universalité qu’ont en partage vivants et morts avec apostrophe finale « hommes » qui
rappellent la communauté des humains
« moquerie » désignée comme une attitude mondaine déplacée, quand les condamnés en appellent une
dernière fois à l’absolution v.35 = c’est une affaire des plus sérieuses !
Éléments de conclusion
Chant pathétique des pendus qui en appellent à la pitié des vivants et, à travers eux, à l’absolution
divine (refrain) efficace car on en oublie presque que, s’ils ont été condamnés, c’est qu’ils ont fauté !
Memento mori qui rappelle que le propre de l’homme est de mourir image péjorative du corps
donné à voir crûment, selon influence baroque, dans sa décomposition rappelle le primat dans culture
chrétienne de l’âme sur le corps
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Séquence : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2020-2021 – G. Di Rosa et A.-C.Staman
Ouverture : « Le mort joyeux » de Baudelaire qui renverse les perspectives chrétiennes en faisant
l’éloge de la mort physique comme une contribution au cycle de la vie qu’incarnent de façon allégorique les
vers, dans un ciel désespérément vide et une absence d’au-delà. L’enfermement, la condamnation pour
Baudelaire = la condition humaine
Le mort joyeux
Dans une terre grasse et pleine d’escargots
Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
Et dormir dans l’oubli comme un requin dans l’onde,
Je hais les testaments et je hais les tombeaux ;
Plutôt que d’implorer une larme du monde,
Vivant, j’aimerais mieux inviter les corbeaux
A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.
Ô vers ! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ;
Philosophes viveurs, fils de la pourriture,
A travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s’il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1861
Séquence 4 : Le poète en prison, enfermé mais libéré, délivré ! – 2e – 2019-2020 – A.-C.Staman
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séance 5 : évaluation formative - entraînement au commentaire
Dominante : entraînement au commentaire littéraire composé (une structure possible à l’EAF mais pas
obligatoire)
Je vous propose d’écouter un enregistrement d’une dizaine de minutes dans lequel je recontextualise le
poème, vous en propose une lecture et vous présente quelques pistes d’interprétation.
https://voca.ro/dWduELeLXmq
Préparer le commentaire
Registres présents
dans le texte
procédés
d’écriture
marquants et
effets produits
Je vous rappelle que le commentaire littéraire ne suit pas l’ordre du texte : les arguments suivent la
progression que vous souhaitez donner à votre lecture du texte.
Argument 1 :
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Argument 2 :
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Argument 3 :
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Argument 2 :
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Argument 3 :
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Réfléchissez à présent aux citations qui pourraient venir de façon judicieuse montrer la pertinence de vos arguments
Puis identifiez les procédés présents dans ces citations
Et enfin proposez une analyse des effets produits par ces procédés sur le lecteur dans le poème
Travail à rendre :
Vous allez réaliser le plan détaillé du commentaire littéraire du poème.
Vous me le remettrez vendredi soir, via l’ENT dans l’Espace élèves. Pensez à indiquer sur votre envoi votre nom et prénom ainsi qu’à préciser qu’ils s‘agit du
commentaire.
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Séance 6 : étude de la langue - la valeur des temps et modes verbaux
52
d’énonciation
devais indicatif imparfait Passé non
borné à valeur
d’irréel du
passé (on peut
remplacer par
« j’aurais dû
m’y attendre)
Accoutumons- impératif présent Conseil
nous
160
Analyse :
Le texte de Chénier est donc structuré selon deux temporalités mises en parallèle de façon étroite :
- Le passé désigné à travers les verbes à l’imparfait, d’aspect non borné ou sécant, à valeur de
répétition, où le mouton-poète était choyé et au cœur des attentions de son entourage
- Le présent de narration, aspect non borné ou sécant (on envisage le procès de l’action, cad l’action en
train de se dérouler) où tous l’ont oublié et bientôt le dévorent, allusion à son exécution imminente
Le télescopage de ces temps met ainsi en valeur l’abandon du poète à travers l’analogie du mouton sacrifié.
C’est cette analogie qui donne la valeur de vérité générale aux propos métaphoriques du poète qui
dépassent ainsi sa seule expérience pour révéler un comportement humain qu’il juge au fond prévisible.
La notion d’aspect (négligée souvent dans l’apprentissage du français alors que c’est une notion très
intéressante pour analyser les formes verbales dans un texte littéraire) :
https://www.maxicours.com/se/cours/la-notion-d-aspect/
Séance 7 - AP : la lecture oralisée de poèmes versifiés
164 Comment lire de la poésie en vers de façon juste et expressive ?
Pour préparer vote récital poétique, je vous propose de nous intéresser ce matin à la façon de lire
un poème versifié correctement. La poésie versifiée nécessite en effet une attention accrue à la
prononciation et une lecture préparée car réfléchie.
168 Rappel : A l’occasion de votre oral d’EAF, vous aurez à proposer une lecture oralisée du texte à expliquer. Cette
lecture vaut pour deux points sur vingt : il faut la préparer pour s’assurer de ces points facilement gagnés.
« Le candidat situe brièvement le texte proposé dans l'œuvre ou le parcours associé puis en propose une lecture à
voix haute juste, pertinente et expressive (2 points) »
172 Mise en application : Vous allez vous entraîner sur cet extrait du poème de Chénier « Quand au
mouton bêlant »
Autoévaluation
J’ai réussi à lire en respectant les contraintes métriques oui non un peu
192 Rendre sa lecture intelligente : placer des accents pour donner à entendre
Dans l’extrait du poème, surlignez quelques mots que vous souhaitez mettre en valeur. Enregistrez-vous
(sur votre téléphone ou sur www.vocaroo.com) et vérifiez que vous les entendez bien.
Autoévaluation
On entend clairement les mots que j’ai voulu mettre en valeur oui non un peu
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soulagé, incertain, avec musicalité, sur un rythme de slam, sur un rythme de
rap
Autoévaluation
J’ai réussi à restituer à l’oral de façon claire l’indication de ton choisie oui non un peu
J’ai réussi à restituer à l’oral de façon claire l’indication de rythme choisie oui non un peu
Intentions possibles : captiver, faire rire, émouvoir, surprendre, déranger, faire pleurer, faire réfléchir,
rendre captif, rendre sensible aux émotions des personnages, mettre en colère, révolter…
Travail à réaliser :
208 Quand vous serez satisfait du résultat, enregistrez-vous sur le padlet suivant (il suffit de
cliquer sur les trois points à droite du post que vous allez créer et sélectionner l’enregistreur) :
https://padlet.com/annececilestaman/u6z9u2lxpxta
Bonnes lectures !
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Séance 8 : Un rondeau pour sortir de la ronde fermée de la prison
En quoi la forme close du « rondeau parfait » de Marot lui permet-elle paradoxalement de se libérer ?
Support : Clément Marot, Adolescence clémentine, « Rondeaux », LXVII, « Rondeau parfait. À ses Amis après sa
délivrance », 1532
Dominante : explication de texte linéaire
En liberté maintenant me pourmène,
Mais en prison pourtant je fus cloué :
Voilà comment Fortune me démène.
4 C’est bien, et mal. Dieu soit de tout loué.
Les Envieux ont dit, que de Noé
N’en sortirais : que la Mort les emmène.
Malgré leurs dents le nœud est dénoué,
8 En liberté maintenant me pourmène.
Pourtant si j’ai fâché la Cour romaine,
Entre méchants ne fus oncq alloué :
Des biens famés j’ai hanté le domaine :
12 Mais en prison pourtant je fus cloué.
Car aussitôt que fus désavoué
De celle-là, qui me fut tant humaine,
Bientôt après à saint Pris fus voué :
16 Voilà comment Fortune me démène.
J’eus à Paris prison fort inhumaine :
A Chartres fus doucement encloué :
Maintenant vais où mon plaisir me mène.
20 C’est bien, et mal. Dieu soit de tout loué.
Au fort, Amis, c’est à vous bien joué,
Quand votre main hors du parc me ramène.
Écrit, et fait d’un cœur bien enjoué,
24 Le premier jour de la verte Semaine,
En liberté.
La part du professeur
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Le rondeau :
Le rondeau est un court poème qui doit son nom à la ronde, morceau de musique que l’on dansait et chantait à
l’origine. Apparu au XIIIe siècle, et il est généralement composé de trois strophes en octosyllabes ou en
décasyllabes sur deux rimes seulement. Le rondeau est rythmé par un refrain.
La figure du rond est donnée par la forme, puisque le poème s’achève sur les vers qui l’ont commencé. La
simplicité du poème exprime un sentiment léger, spontané qui convient bien à la déclaration amoureuse. Il
semble presque improvisé, d’une sensibilité naturelle.
Un rondeau parfait ?
6 strophes de vers décasyllabiques, rimes croisées (emprisonnent et appauvrissent schéma sonore du poème //
expérience de la prison)
Composition du poème structurée par la reprise de chacun des vers de la 1e strophe pour clore chacune des 4
strophes suivantes
Mais 6e strophe introduit une asymétrie curieuse, même si elle permet de fermer une deuxième fois la ronde
du rondeau en reprenant le 1er hémistiche « En liberté » c’est donc cette liberté qui empêche la perfection
de ce rondeau !
En quoi la forme close du « rondeau parfait » de Marot lui permet-elle paradoxalement de se libérer ?
Support : Clément Marot, Adolescence clémentine, « Rondeaux », LXVII, « Rondeau parfait. À ses Amis
après sa délivrance », 1532
La part du professeur :
Je vous propose une lecture du poème, quelques éléments de contextualisation du poème pour débuter
cette séance (7mn d’écoute soutenue avec prise de notes) :
https://voca.ro/7KMUjohuYe0
Comment qualifieriez-vous le ton que le poète emploie pour évoquer son expérience de
l’emprisonnement ? Pensez à le comparer avec les autres poèmes que nous avons étudiés ensemble
au cours de la séquence.
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Quels sont les champs lexicaux qui s’opposent dans ce poème (vous pouvez les surligner) ? Quel est
l’effet recherché ?
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En quoi les temps verbaux utilisés permettent-ils de créer un balancement entre deux
temporalités ?
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Voici le projet de lecture que je vous propose : En quoi la forme close du « rondeau parfait » de
Marot lui permet-elle paradoxalement de se libérer ?
3e, 4e et 5e strophe : de P. à T.
Il s’agit donc d’un travail individuel mais vous pouvez, si vous le souhaitez, vous associer à une
personne de chaque groupe pour reconstituer l’explication entière.
Éléments d’introduction
Clément Marot = poète de cour, protégé du roi François 1er mais aussi esprit libre, ce qui l’amène à
plusieurs reprises en prison pour hérésie /influence de l’Église catholique sur le pouvoir à l’époque. Ce
« Rondeau parfait » est ainsi composé à sa sortie des prisons du Châtelet et de Chartres. Il est publié dans
e recueil Adolescence clémentine qui réhabilite des genres un peu passés de mode comme la Ballade, le
rondeau ou la chanson.
Poème personnel avec omniprésence de la première personne du singulier on parlera de lyrisme ironique,
qui évoque son sort, changeant
// titre du poème « A ses amis après sa délivrance » : poète s’adresse à ses amis, s’implique d’un point de
vue énonciatif tout en faisant montre d’une grande distance dont 1er vers donne d’emblée le « la » = ton
léger et moqueur
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= ce que confirme v.4 avec balancement « c’est bien, et mal » parfaitement équilibré sur le plan
métrique (2 syllabes pour chacun)
Strophe se clôt sur grâces rendues à dieu, pour ce « tout » qui associe en les mêlant bien et mal.
ton serein et presque sentencieux
Marot semble totalement accepter son sort et porte un regard équanime sur son destin contrasté.
1e strophe met en place système de rimes strict qui sera suivi tout au long du poème
évocateur de l’enfermement (appauvrissement du tissu sonore et rimes croisées suggérant
l’emprisonnement, d’autant que les mots à la rime sont comme emprisonnés dans le mot avec lequel ils
viennent rimer ex : cloué/loué, désavoué/voué à la strophe 4)
mais aussi forte musicalité du balancement binaire qui traverse tout le poème //rondeau
Mais libération formelle du poète est à venir : on verra qu’il met en place des libertés formelles subtiles à
l’intérieur de ce cadre très rigide à première vue…
Seconde strophe adopte un ton plus mondain, plus moqueur, à l’adresse des ennemis de Marot qui le pensait
condamné à croupir à jamais en prison
expression allégorique « les Envieux » que signale la majuscule donne un tour biblique aux propos
du poète et rappelle les communautés, les défauts que le texte fondateur condamne très
fréquemment, notamment dans l’Ancien Testament = montée en généralité à partir de la
désignation des ennemis du poète, envieux en effet de son succès à la cour du roi F. 1er //
évocation de leurs « dents » v. 7 qui désignent par métonymie leur ambition (avoir les dents
longues)
référence à Noé v.5, figure de rescapé et protégé du dieu de l’Ancien Testament = écho à
jalousie dont le poète fait l’objet
Marot leur lance sa propre malédiction qui les voue à la mort v.6 à l’aide du subjonctif … on ne
plaisante pas ! = parole du poète semble se faire oraculaire, suggérant un dieu vengeur parmi les
hommes
métaphore filée du « nœud » v. 7 renvoie à l’idée d’un destin qui se noue et se dénoue
alternativement //1e strophe + recours au passé composé « est dénoué » qui a valeur d’accompli et
enfonce ce passé plus loin encore du temps de l’énonciation du poème
Strophe se clôt sur reprise 1er vers de 1e strophe comme un refrain qui nargue les « Envieux », selon règle
du rondeau
donne un côté très enfantin //titre du recueil Adolescence clémentine (celle du jeune Clément
Marot)
Nouveau revirement indiqué par un adverbe d’opposition « Pourtant » : Clément Marot revient sur ce qui l’a
amené en prison et cherche à se dédouaner
désigne le pouvoir de l’Eglise catholique par la périphrase « cour romaine » qui résonne comme
une concession respectueuse, placée sous le signe de l’origine romaine de l’Eglise
v.10-11 jouent sur opposition manichéenne entre « bien famés » et « méchants », rattachant
explicitement et de façon insistante le poète aux bons, par la fréquentation des « bien famés » =
ceux qui ont bonne réputation
Strophe 3 se clôt sur nouvelle opposition avec la reprise du second vers de la 1e strophe
sorte de conclusion paradoxale qui souligne le caractère injuste de la condamnation du poète
référence au Christ prend ici un sens plus clair encore, le poète étant présenté comme la victime
innocente de la jalousie des uns.
Strophe 4 poursuit évocation de son ballotement entre la vie des grands à la cour et son incarcération et
multiplie les effets de balancement
art avec lequel Marot actualise le récit avec quasi simultanéité des adverbes de temps
« aussitôt » v.13 et « bientôt » v.15 + passé simple « fus désavoué » et « fus voué » = ajoute un
effet de répétition
enjambement v. 13-14 donne du mouvement à la strophe et semble mimer le passage d’un état à
l’autre // balancement sonore entre « voué » et « désavoué » à la rime
« celle-là » pourrait désigner une amante « qui me fut tant humaine » (= si douce) qui l’aurait
abandonné à son sort après l’avoir fréquenté à la cour
balancement entre « celle-là » qui le désavoue et saint Pris auquel il est bientôt voué + jeu de
mots sur « saint Pris » = désigne la prison mais aussi un martyr
Reprise v.16 du 3e vers de 1e strophe reprend et fixe cette idée que le poète est balloté par le
sort
5e strophe s’attarde cette fois sur les conditions matérielles dans lesquelles le poète a été incarcéré
jeu de contrastes entre Paris et Chartres souligné par parallélisme de construction « fort
inhumaine »/ « doucement cloué »
oxymore à tonalité ironique « doucement encloué » (est-ce possible de trouver de la douceur en
prison ?)
Rupture temporelle marquée entre temps de la prison au passé simple à valeur d’accompli et le présent
sécant où le poète se décrit en liberté + adverbe de temps « maintenant » qui actualise l’énonciation
PS relative « où mon plaisir me mène » = vague mais met en valeur logique du seul plaisir et
liberté de mouvements retrouvée à laquelle le poète obéit seulement
quête de plaisir du poète soulignée par l’inversion qui fait du plaisir le sujet et du poète l’objet
sur le plan grammatical
rime « inhumaine »/ « mène » suggère un poète narguant le sort
Reprise de l’ultime vers de 1e strophe devrait fermer le rondeau, mais il prend ici, dans sa
répétition même au sein du cotexte des vers qui le précèdent, un sens renouvelé : Marot semble se
jouer de tout manichéisme et brouiller la possibilité de porter un jugement moral sur son statut
d’homme libre et libéré.
ultime louange à dieu résonne de façon plus ambivalente (= je peux remercier dieu de m’avoir sorti
de là et de me laisser libre de n’obéir qu’à mon seul plaisir)
Clôture ouverte car, tout à la fois, cette strophe ferme une seconde fois le rondeau en reprenant les vers
du début à la fin, comme un cercle parfait, et l’ouvre, par la thématique de la liberté et les libertés
formelles prises
Sur les libertés formelles :
strophe surnuméraire (en surnombre) du rondeau = liberté que prend le poète
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rentrement final « en liberté » est à la fois un enjambement et une infidélité métrique puisque
poème entièrement composé de décasyllabes = casse la régularité parfaite du rythme du rondeau
Le mot « liberté » referme le poème sur ses premiers mots et ouvre simultanément l’horizon du
poète vers d’autres paysages, d’autres poèmes.
Eléments de conclusion
Rondeau pas si parfait permet au poète de jouer sur une musique évocatrice d’un sort qui le ballote
entre liberté et prison mais aussi de s’affranchir de façon subtile d’une forme extrêmement contraignante
avec lequel le poète joue, notamment dans les rimes, l’invention d’une strophe surnuméraire qui ouvre le
poème, comme une échappée vers la liberté d’écrire, de se pourmener là « où (son) plaisir (le) mène ». Ce
jeu sur la forme est une façon d’affirmer la liberté du poète dans l’expression de l’expérience de
l’enfermement, sa capacité à s’en affranchir.
Lyrisme moqueur et distancié très propre à Clément Marot, qui multiplie adresses aux amis, aux
ennemis, et propose une évocation équanime de son sort changeant, entre passé encloué et présent « en
liberté ». Ou encore ode à la jouissance du moment présent ! Mais aussi jeu autour de l’image du poète
martyr à travers la référence christique qui traverse tout le poème.