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Simon
Introduction : L’Acacia de Claude Simon est une œuvre appartenant au Nouveau roman qui
se caractérise par un refus du roman traditionnel retraçant le parcours d’un personnage et la
primauté accordée à la conscience. Dans ce passage, le narrateur nous relate les perceptions
d’un « il » soumis à une situation extrême : une attaque militaire durant la seconde guerre
mondiale.
Lecture
Le premier mouvement commence par un point de repère dans le temps « il est peut
être huit heures du matin ». Cependant, le modalisateur « peut être » indique l’incertitude et
place le lecteur dans une situation inconfortable. Le temps est soumis à la perception du
personnage. Pas de certitude. Car « depuis longtemps, la notion d’heure a perdu toute
signification » et pour cause c’est que le temps rythme les besoins vitaux de l’homme : se
nourrir et se reposer mais ces besoins ne sont pas respectés. La conscience de l’être n’a plus,
pour se repérer dans le temps, que le fait que « la nuit les avions n’attaquent pas » La
référence aux attaques aériennes situe le contexte et donne une indication précieuse au lecteur.
Le « il » dont il est question est soumis à une situation extrême. Le groupe prépositionnel « de
toute façon » renforce l’effet produit par l’information donnée : trois jours sans presque
manger et, pour ce qui est du sommeil, il n’est plus en état de le distinguer de l’état de veille.
Le personnage est alors comparé à un somnambule « se mouvant à la façon d’un
somnambule » et la métaphore qui associe sa marche à celle d’un automate « les muscles se
contractant et se détendant d’eux-mêmes, commandés par des réflexes d’automate » montre
que ce « il » n’a plus le contrôle de son corps, ne le domine plus. Le délitement du personnage
rend, par l’effacement même de la conscience de soi, l’état dans lequel les privations de
nourriture, de sommeil, imposées par la guerre plongent l’individu. La focalisation interne
permet au lecteur de plonger dans la conscience de l’être dont on suit le périple.
Dans le troisième mouvement, introduit par « pour le moment » (l. 11) le lecteur
revient à la focalisation interne et au présent pour vivre avec le « il » ce qu’il affronte. Nous
avons alors une succession de verbes d’actions qui mettent en avant l’énergie déployée par le
personnage « occupé à surveiller le paysage» mis en relief par le complément circonstanciel
de manière « avec précaution », « estimer la distance » précisé par la subordonnée relative
explicative « qui le sépare de la prochaine haie », « il fait passer par-dessus sa tête la bretelle
de son mousqueton », « ouvre la culasse », « la fait basculer » et « la retire » L’énumération
des verbes suggère la multiplicité des tâches, multiplicité qui est accentuée par « tandis que »
qui implique que les tâches sont faites en même temps, sont concomitantes. A toutes ces
tâches va s’ajouter son observation de l’avancée du contingent de soldats présenté en une
métaphore filée comme un monstre, un animal fantastique. La description de la colonne de
cavaliers est organisée de façon à suggérer l’avancée, le mouvement. D’abord des « ombres
encore pâles et transparentes, la métaphore filée est construite grâce à l’introduction
progressive d’éléments qui complètent : la comparaison des chevaux dont les jambes sont
distendues par les rayons de soleil, donnant l’impression qu’elles sont « comme montées sur
des échasses », l’oxymore « elles semblent bouger sans avancer » accentue l’impression
d’étrangeté. La description se précise encore et apparait l’image des « sauterelles » puis le
mouvement des « dos voutés, les bustes oscillant d’avant en arrière » et la tête « tournant sur
la droite » fait penser à une chenille géante qui avancerait dans le matin (il nous est précisé
« au sortir de la nuit ») Cela crée un univers fantasmagorique effrayant qui va connaitre son
climax à la fin du passage puisque tout se précipite. Les connecteurs temporels «puis,
soudain » introduisent la perturbation que constitue l’attaque attendue dans cet univers assez
effrayant mais qui surprend malgré tout, la surprise étant rendue plus sensible par l’adverbe de
manière « soudain ». L’énumération qui suit suggère la violence « les cris, les rafales de
mitrailleuses, la tête de la colonne refluant, d’autres mitrailleuses alors sur l’arrière… » Le
désordre de l’énumération suggère parfaitement la confusion générée par l’attaque. On
remarque l’utilisation du participe présent « battant en retraite, somnolant, tournant, refluant,
prenant, se mêlant, se heurtant » qui nous plonge au cœur de l’action. Utilisés pour rendre
l’action, ces participes semblent vider l’action de toute volonté individuelle. L’utilisation de
la virgule alors qu’elle est rare dans le reste du texte met ici en relief l’énumération et suggère
la fragmentation. Cela insiste sur le chaos. Le lecteur a l’impression que l’être dont il est
question ressent intensément tout ce qui l’entoure sans parvenir à être lui-même, à se
rassembler.
Conclusion :