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CORRIGE DU SUJET D’ENTRAINEMENT : LE ROMAN

QUESTION 1

Afin de faire partager au lecteur le sentiment d’un personnage qui vit


l’emprisonnement, les quatre auteurs ont choisi d’utiliser différents points de vue.
Ainsi, Hugo (texte A) et Camus (texte D) utilisent la focalisation interne. Dans
ces deux premiers textes, le lecteur suit les pensées et les sentiments du narrateur,
qui est le personnage emprisonné, de manière directe. La subjectivité de la situation
lui permet de s’identifier aux personnages.
De leur côté, Stendhal (texte B) et Dumas (texte C) utilisent la focalisation
zéro. Dans la Chartreuse de Parme et Le Comte de Monte-Cristo, le lecteur assiste à
la scène à travers les yeux d’un narrateur qui sait tout. Il sait ainsi que Fabrice est
enfermé « dans une de ces chambres construites depuis un an » ou, plus
intéressant, que Dantès est « un homme simple et sans éducation », ce qui permet
par la suite au lecteur de comprendre pourquoi il lui est si difficile de trouver une
distraction en prison.
Pour renforcer cette expression, l’auteur fait également le parallèle Dante/
Dantès, montrant ainsi le côté tragique de son personnage. Cette comparaison, qui
aurait probablement échappé au héros est bien comprise par le lecteur averti.

QUESTION 2

La manière dont les textes nous rendent compte des pensées des
personnages nous permet de constater qu’ils vivent leur emprisonnement de façon
bien différente.
Le condamné à mort de Victor Hugo (texte A) et Edmond Dantès (texte C)
refusent leur situation. Le premier s’enferme dans ses pensées et ne cesse de passer
du souvenir à la réalité, opposant le plaisir et la liberté de l’un au désespoir et à
l’emprisonnement de l’autre (« j’étais libre. Maintenant je suis captif ») pour finir
obsédé par la seule « pensée infernale » de sa condamnation à mort, qu’il répète par
trois fois : « Condamné à mort ! » Dantès, n’est pas en meilleure situation, en raison
de sa pauvreté intérieure, qui l’empêche de s’élever au-dessus de sa condition de
prisonnier : « Dantès était un homme simple et sans éducation. Il ne pouvait […]
rebâtir les villes antiques que l’imagination grandit et poétique ». Il n’a aucune
échappatoire possible, autre la violence verbale (il « lançait des blasphèmes ») et
l’autodestruction (« il brisait son corps contre les murs de la prison »).
A l’inverse, Fabrice et Meursault pour des raisons très différentes se laissent
« charmer par les douceurs de la prison » (texte B) ou trouvent que « dans un sens
c’est un avantage » (texte D). Fabrice est dans la contemplation du monde qui
l’entoure (car il lui permet de rejoindre la femme qu’il aime : Clélia) et associe son
état d’âme au chant des oiseaux qui sont enfermés comme lui dans une cage, qu’il
trouve par assimilation « jolie ». Meursault semble extérieur (« étranger » selon le
titre du roman) à tout ce qui l’entoure. Il n’est pas ravi d’être en prison, mais s’en
contente et trouve le moyen de tuer le temps en se remémorant les détails de sa
chambre. Il s’est soumis à l’autorité lorsqu’on lui a dit que fumer « était interdit ». Et
finalement « la punition n’en était plus une » puisqu’il s’était habitué à la
suppression des cigarettes. L’utilisation des modalisateurs comme trop (« je n’étais
pas trop malheureux ») ou peut-être (« c’est peut-être cela qui m’a le plus abattu »)
montre que le personnage est dans une égalité d’humeur qui s’oppose à sa
situation.
Nous voyons donc que dans ce corpus, la faculté du personnage à supporter
son enfermement est directement liée à sa capacité à penser à autre chose, à
s’évader par la pensée.

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COMMENTAIRE

L'étranger est un roman d'Albert Camus publié en 1942, la même année que
Le Mythe de Sisyphe dont il reprend sous forme romanesque le thème de l’absurde.
Meursault, le narrateur, vit à Alger au temps de l’Algérie française. Il retrace son
existence mécanique. Il est dans une espèce d’indifférence face tout ce qui lui arrive
(la mort de sa mère, le meurtre de l’Arabe, son procès, sa condamnation à mort). Il
se comporte comme si la vie n’avait pas de sens. Dans cette scène, on assiste à la
mise en application de cette indifférence, lors de son arrivée à la prison.
Nous nous demanderons comment le texte parvient à rendre compte de
l’absurdité de la situation dans laquelle se trouve le personnage.
Dans une première partie nous analyserons la monotonie de la vie de
Meursault, puis dans une deuxième partie que le prisonnier tente malgré tout de
s’adapter à sa situation d’emprisonnement.

1. La monotonie de la vie du personnage.

1.1 Un personnage solitaire

Meursault parle à la première personne et raconte un moment de sa vie où il


est emprisonné après avoir tué un homme. L'attitude du personnage est déroutante,
car il ne parle jamais de l’acte qui l'a conduit en prison, et la seule narration qu’il
fait renvoie à la monotonie de sa vie, du fait de sa solitude, mais aussi de la
répétition des actes qu’il s’impose. Le narrateur utilise multitude de pronoms
personnels et de déterminants à la première personne du singulier : « je », « me »,
« moi », « mes ». On peut comptabiliser dix occurrences dans les deux premières
lignes. Ainsi, tout passe par la pensée du personnage. Pourtant le prisonnier n’est
pas seul, il a des interlocuteurs qu’il englobe sous la forme impersonnelle « on »,
qui revient elle aussi à de nombreuses reprises : « on m’a pris » (l. 1), « qu’on lui
rende », « on m’a dit » (l. 4), « on me privait » (l. 6). Cette accumulation accroît le
sentiment de solitude du personnage ainsi que son désintérêt pour tout ce qui
l’entoure. Il se montre incapable d’identifier un gardien plutôt qu’un autre. D’autant
plus que le deuxième paragraphe ce semblant de lien avec l’extérieur disparaît
complètement pour laisser le personnage seul avec ses pensées. Comme si le fait de
ne plus se sentir plus se sentir puni (par la privation de cigarettes) occupait son
emprisonnement.

1.2 Tuer le temps

Pourtant l’homme aurait pu se révolter, tel Edmond Dantès dans Le Comte de


Monte-Cristo mais il se contente d’exposer les faits (« les premiers jours ont été
très durs » l. 4, « je ne comprenais pas », l. 6) sans laisser paraître d’état d’âme. On
peut même lire une certaine forme de soumission à l’autorité. Il ne cherche en fait
qu’à calmer le manque que provoque en lui l’absence de cigarettes. Son attitude
paraît absurde au vue de la punition bien plus grande qui l’attend pour son meurtre
et dont il ne semble pas se préoccuper. Il cherche surtout « à tuer le temps » (l.11).
On notera l’ironie de cette expression qui renvoie à l’incompréhension du
personnage et son décalage permanent avec la réalité. Camus rend parfaitement
compte de cet éloignement des choses en utilisant des phrases courtes, souvent
juxtaposées ou coordonnées. Il n’y a pas de discours logique, aucune construction,
ni explication, comme si le prisonnier n’avait pas vraiment conscience de l’origine
de ses phrases et qu’il parlait en même temps qu’il pensait. La solitude du
personnage le conduit à devenir totalement étranger à ce qui l’entoure.

1.3 Un rapport au temps particulier

Page 2 sur 7 D’après Annales Nathan.


La chronologie pers ses repères, les événements se succèdent, mais le temps
n’est pas marqué de façon précise. Ainsi, dès le début on ignore quand exactement
il est entré en prison. On sait juste que ce moment marque son entrée dans un autre
univers. Puis les événements se succèdent de façon elliptique et on retrouve le
personnage « une fois en cellule » (l.3) La location adverbiale « plus tard » qui
apparaît à la ligne 7 ne précise guère le temps qui s’est écoulé avant que le
prisonnier cesse de se sentir privé de cigarette. Le paragraphe se conclut par un « à
ce moment-là » (l. 8) qui clôt le premier cycle et en ouvre un deuxième, celui où il
va chercher à « tuer le temps » (l. 11). Il va finir par ne plus s’ennuyer (l. 10). La
nouvelle action liée à son travail de la mémoire va elle aussi être encadrée par un
début (ligne 14) et une fin : « Au bout de quelques semaines », ligne 20. Meursault
est comme retranché de la vie, il sort du déroulement du temps, qui n’est plus
marqué que par ses propres actes. Initialement, avant d’être en prison, Meursault
vivait la vie comme une espèce de routine. Son début d’expérience en prison a
rompu cette monotonie, ce qui l’a « abattu » (l. 5). De nouveau il ne parvient pas à
comprendre ce qui lui arrive. Mais très vite, il va trouver des repères et réinventer
une routine marquée dans le texte par la répétition du mot « chaque » au lignes 15
à 17. Il se comporte comme si la vie se résumait à se répéter interminablement. Il
n’a aucune conscience de l’absurdité de sa position et de son occupation.

Meursault est un personnage déroutant car le lecteur ne peut se retrouver


dans son attitude et sa réaction face à son emprisonnement. L’ennui et la
monotonie se dégagent du texte mais sans ce que personnage paraisse en souffrir.
Au contraire, c’est ce qui lui permet d’oublier la punition et de tuer le temps. Il est
pourtant passé par une phase d’adaptation avant de découvrir le jeu de la mémoire.

2. Une adaptation particulièrement étrange.

2.1 Un personnage en quête d’une adaptation illusoire

Après un meurtre, le personnage est envoyé en prison. Il ne comprend pas la


punition qui lui est imposée, mais il s’en accommode en cherchant à combattre sa
nausée perpétuelle, allant même jusqu’à sucer des morceaux de bois qu’il arrachait
de la planche de son lit (l. 5). La juxtaposition des deux expressions contradictoires
« je ne comprenais pas » (l. 6) et « plus tard j’ai compris » (l. 7-8) renforce la
sensation de soumission qui se dégage du personnage, ainsi que son adaptation au
monde qui l’entoure. A la fin du texte, on retrouve de nouveau « j’ai compris » (l.
22-23) comme si c’était un passage obligé pour lui de chercher à comprendre pour
accepter. La logique de Meursault est différente de celle d’un personnage banal.
Ainsi, le prisonnier de Victor Hugo a conscience qu’il est condamné à mort, alors
que Meursault n’en parle même pas. Il envisage cela comme une punition, comme
on punirait un enfant pour une bêtise qu’il a faite et qu’il doit accepter. Aucune
révolte ne jaillit de sa façon de vivre son emprisonnement. La privation dont il a été
victime fait partie des « ennuis » (l. 10) de sa vie mais ne le traumatise pas. Même, il
trouve une occupation, par le biais de sa mémoire, qui lui procure une sorte de
plaisir (« j’ai fini par ne plus m’ennuyer du tout », ligne 11), si tant est que le plaisir
puisse exister pour ce personnage.

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2.2 L’imagination comme aide

Le prisonnier parvient à tuer le temps en se réfugiant dans ses pensées et sa


mémoire. On peut relever toutes les occurrences qui ont un rapport avec ce
fonctionnement interne « souvenir » (l. 12 et 24), « penser » (l. 12), « imagination »
(l. 13), « mentalement » (l. 14), « je me souvenais » (l. 15), « je réfléchissais » (l. 22),
« mémoire » (l. 22). On voit ainsi que toute la deuxième partie du texte est
exclusivement consacrée aux pensées du personnage, à son repli sur lui-même.
Pourtant, malgré le « je » utilisé qui devrait permettre l’exploration de l’intimité,
Meursault narrateur tient à distance Meursault héros, comme s’il s’agissait d’une
autre personne. La fin de son raisonnement tient presque de l’aphorisme. En effet,
le terme « homme » à la ligne 23 semble généraliser son cas particulier à l’ensemble
de l’humanité. Meursault se réfugie dans un appel à sa mémoire, d’abord
superficiel : « c’était vite fait » (l. 14) puis de plus en plus fouillé. Alors que son but
initial était de « tuer le temps », il finit par se passionner pour une « énumération
complète » (l. 20) des objets de sa chambre. Sa remémoration est de plus en plus
précise, comme un zoom au cinéma. Il finit par voir « tout ce qui se trouvait sur son
chemin » (l. 14). Par cette figure d’insistance, l’énumération de tout ce qu’il revoit
par son souvenir, l’auteur cherche à accentuer l’effet d’abondance et de profusion.
Cela met aussi en perspective l’effervescence intellectuelle du personnage, qui
s’enflamme pour un simple exercice de mémoire. Le décalage entre le véritable
intérêt de la chose et l’exaltation du personnage rend la situation absurde au
lecteur.

2.3 Une façon absurde de se réapproprier un univers étranger

En rentrant ainsi au fond des choses, et en parvenant à les mémoriser,


Meursault ne fait pas que « tuer le temps », il réinvente une vie puisqu’il parvient à
se souvenir des « choses méconnues et oubliées » (l. 22). Au final, l’absurde de la
situation éclate au yeux du lecteur lorsque le personnage parvient à la conclusion
que « c’était un avantage » (l. 25). Meursault demeure un personnage positif et
pragmatique dans la mesure où il prend du bon côté tout ce qui lui arrive.
Cependant, on peut douter de sa capacité à prendre conscience de la réalité. Ainsi,
le fait de se raccrocher à sa mémoire ou à l’exploration mentale de sa chambre lui
permet d’oublier, ou tout au moins d’occulter, la raison qui le fait demeurer en
prison.

Conclusion

Meursault est un personnage sans relief. Il n’existe que par et pour le temps
présent, il n’essaie pas de se projeter dans le futur. Au fil du texte, la prison
disparaît, il temps devient confus. Sa mémoire prend le relais de sa conscience de la
réalité. Il se protège du milieu hostile de la prison en transposant dans sa chambre
qu’il recrée mentalement avec une très grande précision. La situation, la peine de
mort qu’il encourt, ne le touchent pas ; il n’a aucune conscience de son
environnement humain, spatial ou temporel.
On observe la capacité qu’a Meursault à se détacher de son emprisonnement
grâce au pouvoir de la pensée chez Fabrice Del Dongo dans La Chartreuse de Parme
ou encore chez Thérèse Desqueyroux lorsque celle elle gardée à domicile par son
mari Bernard. A l’inverse, les personnages qui n’y arrivent pas (comme le condamné
de Victor Hugo ou Edmond Dantès dans Le Comte de Monte-Cristo) tombent dans
des états de dépression ou de rage proches de la folie.

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DISSERTATION

Introduction
- Le roman s’organise souvent autour de la figure d’un personnage principal, un
héros dont le lecteur suit les aventures, explore la psychologie, partage les
sentiments. C’est un personnage dont le lecteur sonde les réactions et sur lequel il
forme un jugement, tantôt sur ses actes, tantôt sur son caractère ou ses passions.
Ce jugement implique souvent une empathie, mais il ne va pas toujours dans le sens
du bien. Le lecteur peut valider certaines réactions négatives d’un personnage, sans
pour autant préférer les personnages négatifs.
- Est-il est préférable que le héros d’un roman soit un personnage positif ? Un
personnage négatif suscite-t-il systématiquement le rejet du lecteur ?
- Nous verrons dans un premier temps que le personnage positif crée avant tout un
sentiment d’admiration, puis nous nous intéresserons au personnage négatif et au
sentiment d’empathie qu’il peut déclencher chez le lecteur.

1. Le personnage positif : évasion, projection, admiration

1.1 Dans la tradition, le personnage positif est un être exceptionnel


- La tradition veut des personnages, des héros surhumains. A l’origine, le héros est
un demi-dieu. Le mot évoque de profonds sentiments dus aux actes héroïques
(donc hautement estimables) d’un Hercule ou d’un Achille. Plus tard, les
personnages mis en scène ont des destins hors du commun, loin du banal et du
quotidien des lecteurs.
- Ce dernier peut ainsi rêver à une autre vie et se projeter dans les aventures des
personnages. Les actes et réactions des personnages positifs permettent ainsi
d’éduquer le lecteur.

1.2 L’identification par projection


- Le lecteur apprécie certains personnages car il veut leur ressembler, vivre les
mêmes choses qu’eux, admirer leurs réactions, leur splendeur. Même en relativisant
la position d’un personnage (qui peut se retrouver en prison…), le lecteur peut
admirer la « douceur de caractère » de celui-ci. Fabrice del Dongo par exemple qui,
enfermé en prison, pourrait dépérir et choisit pourtant d’y voir le positif : « les
douceurs de la prison » (texte B).
- Ceci entraîne une projection chez le lecteur, il s’imagine imitant leurs actes de
courage, de bravoure, de noblesse, etc. Ou dans le cas de Fabrice, le lecteur peut
être touché par cette attitude optimiste, cette vision positive et l’adapter à certaines
étapes de la vie.

1.3 Un personnage positif fait plus généralement appel aux caractéristiques


morales d’un personnage
- Malgré leur condition humaine, les personnages positifs ont une éthique de vie
remarquable, des principes admirables. Par exemple : Jean Valjean dans Les
Misérables de Victor Hugo est un héros profondément positif malgré sa condition
médiocre. C’est un personnage plein d’amour qui a la force du sacrifice pour autrui,
plein de générosité, de compassion, etc.
- Le personnage positif est donc un personnage à la bonne moralité et pendant
longtemps, la littérature a présenté une vision assez manichéenne des hommes au
travers des personnages qu’elle mettait en scène. D’un côté les bons (Valjean) que
le lecteur prend en empathie, de l’autre les méchants (Javert, l’inspecteur qui veut
nuire à Valjean) que le lecteur rejette.

(+ Transition)

2. Le personnage négatif : plus d’humanité et de complexité

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2.1 Le personnage négatif : au service de la dramaturgie et de l’authenticité
- Intérêt de voir un personnage se débattre avec lui-même, avec sa propre
conscience, sa propre idée du bien. Dumas l’illustre avec Le Comte de Monte
Cristo (Texte C) : « Alors son esprit devient sombre », le lecteur comprend cette
réaction et cette rage qui habite Edmond Dantès, c’est un sentiment de désespoir et
de révolte que tout homme peut ressentir.
- Une vision manichéenne peut aplanir la force d’un personnage. Etre face à un
personnage sombre, pessimiste, torturé est plus intéressant pour le lecteur car plus
riche en émotion.

2.2 Empathie car ils nous ressemblent


- Le lecteur peut se lasser des figures emblématiques et irréelles. C’est pourquoi la
littérature a développé cette figure de l’antihéros, plus représentative de l’homme et
de ses travers. Ainsi, on voit apparaître des personnages plus sombres, moins
manichéens. Par exemple dans Voyage au bout de la nuit de Céline, Bardamu est un
personnage lâche et antipatriotique, qui cherche à fuir la guerre. Face à de telles
réactions, le lecteur peut aussi entrer en empathie car ce sont des sentiments
souvent plus proches des siens que de ceux d’un héros de guerre courageux.
- Le lecteur partage les passions d’un personnage car il les a déjà ressenties, donc
cela génère un sentiment d’empathie et rend le personnage plus attachant, plus
proche, plus humain.

2.3 Le roman veut représenter le monde donc reflète les dualités, mais aussi
les nuances
- La dualité bien/ mal est au centre de la conscience humaine, c’est dans
l’expression de ses passions et de ses erreurs qu’un auteur peut cerner l’essence
humaine et inviter le lecteur à réfléchir sur sa propre condition et sur la vision du
monde qui l’entoure.
- Le lecteur recherche alors l’expression paroxysmique des passions humaines,
comme pour retrouver ce qu’il n’ose exprimer au quotidien. Idée très fortement
présente dans la période romantique. Par exemple, un personnage comme Julien
Sorel dans Le Rouge et le Noir est fourbe, ambitieux, calculateur, destructeur et
meurtrier ; pour autant le lecteur ne voit pas toujours en lui un personnage
purement négatif, car il est le héros de l’histoire.

Conclusion
- S’il appartient à chacun d’exprimer sa préférence, il semble qu’à l’époque actuelle
les lecteurs préfèrent suivre des personnages négatifs car plus tiraillés, plus
complexes et plus riches en sentiments. D’une manière générale, le lecteur cherche
à trouver dans un roman l’image du monde et de la vision qu’en a l’auteur, et de ce
fait aura tendance à refuser toute vision manichéenne.
- Toutefois, le goût du public pour le personnage exceptionnel n’a pas
complètement disparu et se retrouve, par exemple, dans le super-héros développé
dans d’autres arts (BD, cinéma…). On peut se demander si finalement, le but de ce
héros n’est pas d’amener le lecteur/ spectateur à s’élever et si le héros négatif ne
crée pas l’effet inverse.!

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ECRITURE D’INVENTION

A l'âge de dix-neuf ans, et le jour même de ses noces, Edmond Dantès est
emprisonné. En vous inscrivant dans la logique d'écriture d'Alexandre Dumas, vous
rédigerez le passage du roman qui raconte l'arrivée en prison, la découverte de la
cellule et rapporte les premières pensées du personnage.

Choix d’écriture :
- Le plan du texte est annoncé dans le sujet. Il faut le respecter.
- Rappel des circonstances de l’arrestation d’Edmond.
- Focalisation interne/ Discours indirect libre pour rendre compte des pensées du
personnage tout en gardant un style fluide.
- Utilisation du registre pathétique (situation du personnage, vocabulaire, comparaisons…).
- Métaphore et présence d’éléments naturels (Dumas est un romantique).
- Champ lexical du désespoir, solitude.
- Esprit de révolte du jeune homme de dix-neuf ans face à l’injustice.

Dantès était encore abasourdi par les événements qui l’avaient conduit sur ce
bateau qui s’éloignait de Marseille. Le matin même, alors qu’il se préparait pour ses
noces, une troupe de gendarmes était venue à son domicile pour lui signifier son
arrestation. Il fut amené devant le procureur qui lui dit qu’on devait s’assurer de sa
personne. On le fit envoyer sans la moindre explication au château d’If. Qu’avait-il
donc commis ? De quel crime l’avait-on injustement accusé sans qu’on lui offrît la
moindre chance de se défendre ? Pouvait-on ainsi priver un innocent de liberté sans
le moindre procès ? Ses pensées allaient le submerger lorsqu’il arriva enfin aux
abords de l’île et que le bateau accosta. Il faisait nuit. Les gardes, qui se méfiaient
de la vigueur du jeune homme le détachèrent et le poussèrent à terre sans
ménagement. Sitôt libre, Dantès voulut les affronter, mais le nombre eut bien vite
raison de sa colère. Ils le trainèrent, tandis qu’il se débattait comme un beau diable.
On l’emmena dans un couloir sombre au bout duquel il fut jeté dans une cellule. Il
entendit les gonds de la lourde porte crier tandis qu’elle se refermait. Le bruit de la
clé dans la serrure scella son destin : la liberté venait de lui être enlevée à tout
jamais.
Il se retourna et détailla la pièce : sa cellule était minuscule. Edmond était un
grand jeune homme de dix-neuf ans et sa taille faisait qu’il devait demeurer courbé
pour ne pas se cogner. Il n’y avait pas de lit mais au fond de la pièce on avait laissé
une paillasse à moitié déchirée qui devrait lui servir de grabat. Elle était humide,
comme le reste de la pièce car les embruns pénétraient par une fenêtre exiguë. Les
murs ruisselaient d’humidité et par endroit, la moisissure s’était accumulée. Le
détenu s’approcha alors de la lucarne et, à travers le brouillard qui s’était levé, il
aperçut la lueur pâle de la pleine lune.
L’image de Mercédès jaillit alors devant ses yeux comme un éclair déchirant
la brume. Elle l’avait surement attendu pour le mariage ! Que lui avait-on dit ? Quel
infâme mensonge lui avait-on fait pour expliquer la disparition de son futur époux ?
Elle était sans doute morte d’inquiétude et elle avait voulu partir à sa recherche !
Dantès bondit alors vers la porte qu’il frappa de toute la violence dont ses poings
étaient capables. Il entendait ses hurlements résonner dans tout le couloir. Après
plusieurs minutes de coups et de cris, épuisé et sans réponse, il s’effondra en
larmes. C’est alors qu’il aperçut qu’un détenu avait creusé une croix à même la
roche, au-dessus de la porte massive. Celui-là avait sans doute voulu que Dieu lui
indiquât le chemin de la liberté. Edmond y vit son salut. Sans plus réfléchir, il
s’agenouilla et pria qu’on le libère et lui permette de revoir celle sans qui il n’avait
plus d’avenir et dont l’absence était, plus encore que les quatre murs qui
l’enfermaient, la promesse d’un horrible supplice.

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