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Chapitre 27

Gargantua est publié en 1534 par l’auteur moine, professeur humaniste rabelais. Dans ce
roman, l'auteur brise les codes pour laisser le lecteur savourer la vivacité du récit, les
plaisanteries de son personnage éponyme et la critique cachée de nombreux aspects
politiques et sociaux, comme la guerre et les découvertes. Il véhicule aussi de nombreuses
valeurs humanistes, qui prônent le soin corps de l’esprit, la paix et placent l’homme au
centre de leur préoccupations.
l’extrait étudié appartient à la partie du livre dédiée aux guerres picrocholines, des
guerres entre les fouaciers et les bergers dont le père de gargantua. Rabelais se sert en
effet de cette situation pour parodier la guerre de 7 ans, guerre qui a lieu entre charles
quint et françois premier.
Dans cet extrait, le moine frère Jean défend son abbaye ou plutôt la vigne de l’attaque des
soldats ennemis. Il se lance dans une bataille burlesque, qui cache en réalité une critique
sous-jacente.

Comment le rire est-il au service de la parodie et de la satire dans ce


passage ?
1er mouvement : préparation au combat
2 eme: massacre ennemis
3 eme : satire religieuse

1er mouvement : l.58 à 63, de « sur ces paroles » jusqu’à « le froc accroché à sa
ceinture » : le moine se prépare au combat et découvre ses ennemis

Dans ce début d’extrait la rapidité de l’action de gargantua est marquée par les verbes
d’actions “ se saisit “ “ ota “ , qui prouvent son dynamisme. De plus le groupe prépositionnel
“ sur ces paroles “ montre le caractère impulsif de Frère jean, qui se met directement en
action . Cette attitude vient contraster avec l’attitude des autres moins qui prient.

Cette vivacité pourrait à première vu montrer le dévouement qu'éprouve frère jean pour son
souverain “ parsemé de fleurs de lys’ , mais l'adjectif “ effacées ‘ prouve que le seul élément
motivant le moine est la protection de ses vignes
Frère jean s'apprête à combattre en s’armant d'une " lance garni d'une croix “ , il assimile
donc la croix à une arme de chevalier, ce qui désacralise le caractère religieux, et déclenche
un rire parodique et satirique.

De même, en enlevant son froc, on comprend que la religion lui importe peu dans cette
situation et ce caractère parodique prônant le confort aux valeurs religieuses ridiculise Frère
jean, dont la tenue est bien loin de celle d’un chevalier.

2eme mouvement : l.63 à 93, de « et du bâton de la croix » jusqu’à « le plus horrible


spectacle qu’on ait jamais vu »: la parodie d’un combat héroïque
Les verbes de mouvements au passé simple, l’adverbe d’intensité et l’adverbe de manière :
« il donna si brusquement » soulignent la violence des actions de Frère jean, qui se
comporte en valeureux et sanguinaire chevalier, de manière brutale, presque burlesque

Mais ce n'est pas le cas des ennemis, dont les actions sont ridiculisées

→ en effet le narrateur explique pourquoi les ennemis de Frère Jean sont sans leurs
drapeaux et instruments : comme expliqué dans la circonstancielle de but, ils se sont
comportés en ivrognes et ont préféré les utiliser différemment. Toutes ces raisons dérisoires,
et toutes leurs actions sont rapportées au vocabulaire du vin, de la vendange « les emplir de
raisin » / « grappillant dans l’enclos » / « chargés de ceps ».

Les armes sont ainsi placées au second plan, et la parodie se poursuit avec les
description du massacre des ennemis qui ne sont de nouveaux pas de farouches
opposants :
Tandis que le courage de frere jean et sa force sont mis en avant par la démultiplication des
compléments circonstanciels “ sans crier gare “ “ selon ancienne escrime “, les ennemis sont
eux devalorisés et déshumanisés “ comme des porcs “.

Une sorte de spectacle burlesque est alors narré : Rabelais multiplie les verbes d’action à
l’imparfait : « écrabouillait », « rompait », « démettait », «démoulait», «effondrait»,, cette
sauvagerie est exagétée, le moine ne fait preuve d’acune retenue. De plus, sont aussi
énumérées de nombreuses parties du corps cervelle », « bras et jambes », « nez », et
souvent au moyen d’un vocabulaire médical : « les vertèbres cervicales », « les
mandibules », « les omoplates », « les ischios », clin do’euil aux connaissances
anatomiques du medecin. Frère jean apparaît comme un héros, qui enchaîne une multitude
d’actions, mais l’effet d’accumulation déréalise la scène : il est peu vraisemblable qu’un
homme homme armé accomplisse tel carnage.

L’anaphore “ si “ introduisant des subordonnées hypothétiques montre que Frère Jean se


défend contre tous ses ennemis un par un. Il fait face à toutes les éventualités, et se n’a
aucune considération pour ses ennemis

Ces derniers tentent donc de s’enfuir, preuve de leur couardise, comme le montre les termes
« se cacher » « se sauver » « en fuyant » « grimpait dans un arbre » et le « se sauver en
fuyant » = pléonasme.

Les paroles de ses ennemis sont introduites au style direct « lui criait ». Mais l'absence de
pitié de frère Jean face aux supplications de ses ennemis, même ses amis, est marquée par
l'adresse surprenante « à tous les diables ».

Quant au corps, on est désormais dans le registre des entrailles, du scatolique et du


bas-ventre, ce qui accentue le dégoût: ««médiastin», «cœur», «estomac», «nombril», «
tripes », « couilles », « boyau du cul ».
La conclusion est prise en charge par le narrateur qui s’adresse directement aux lecteurs
avec un impératif à la deuxième personne du pluriel « Croyez bien » et un superlatif « le
plus horrible spectacle que l’on vît jamais ».

On est bien dans l’exagération vulguraie et epique, qui sucite le rire et remet en question la
violence des guerres

3eme mouvement : l.94 à 113, de « les uns criaient : la fin du combat et satire R

La parodie se poursuit avec l’impression de trop grande confusion laissée du côté des
victimes, et par la satire des croyances naïves superstitieuses.

La réaction des soldats est narrée. Mais Un balancement est créé par les anaphores “ les
uns “ “ d’autres “ : ils s'adressent à un grands nombres de x saints, inutilement comme le
souligne le comique de situation marqué par l'exagération et la sorte de mélodie créée.

C’est aussi un comique de mots qu’utilise Rabelais qui mêle le nom de saints réels (Sainte
Barbe, Saint Georges ») avec celui d’un saint fantaisiste qu’on retrouve dans l’expression «
sainte nitouche ». Personne hypocrite qui se donne des airs innocents, à l’image de
l'hypocrisie de l’Eglise.

L’hyperbole finale « mille autre bons petits saints » est bien sûr ironique. On retrouve ici
la critique du culte des saints et des reliques, qui caractérise autant l’évangélisme
que le protestantisme.

Le paragraphe suivant témoigne encore d’un appel religieux : avant de mourir, les vaincus
souhaitent pouvoir se confesser, ce que l’emploi du style direct met en avant avec la
répétition « Confession ! » x2. Dans le texte originel, le recours aux formules latines «
confiteor », « Miserere », « in manus »5 qui caractérisent des prières ou des psaumes
connus souligne la demande religieuse qui s’exprime alors, et creer une cacophonie
enfernale

La proposition subordonnée de conséquence « si grande que le prieur de l’abbaye sortit


avec tous ses moines » souligne de nouveau l'utilité des moines qui interviennent après la
bataille, quand il est trop tard !
De plus, « quand ils virent tous ces pauvres gens » : pitié avec adj pauvres mais ne
réagissent pas ≠ « ils en confessèrent quelques-uns » : au lieu de leur porter réellement
secours, ils les confessent ! : Rabelais souligne le décalage qui existe entre la religion et la
réalité

Conclusion
Le passage est l’occasion pour Rabelais de faire un portrait en action de frere jean, qui
jouera un rôle immoral pour le récit, mais aussi de faire rire le lecteur grâce aux
exagérations et la situation grotesque, tout en apportant un regard critique sur son temps.

En effet au delà de la drôlerie du passage, on aperçoit un aspect subversif : Rabelais remet


en question les façons de concevoir la guerre au moyen âge en parodiant des romans de
chevalerie, conception qui s’oppose à son idéologie humaniste de paix, et critique
l'hypocrisie des religieux qui prétendent sauver le peuple.
Ainsi, tout comme candide dans voktarue lors de la guerres contres les bulgares, ce
passage conduit le lecteur à remettre en question des pratiques

Ce disant, il mit bas son grand habit, et se saisit du bâton de la croix, qui était de cœur de cormier, long
comme une lance, rond à plein poing, et quelque peu parsemé de fleurs de lys toutes presque effacées.
Il sortit ainsi en beau savon, mit son froc en écharpe, et de son bâton de la croix donna brusquement
sur les ennemis qui sans ordre, ni enseigne, ni trompette, ni tambourin, parmi le clos vendangeaient.
Car les porte-guidons et porte-enseignes avaient mis leurs guidons et enseignes à l'entrée des murs ;
les tambourineurs avaient défoncé leurs tambourins d'un côté, pour les emplir de raisins ; les trompettes
étaient chargées de moussines ; chacun était dérayé.

Il choqua donc si raidement sur eux, sans dire gare, qu'il les renversait comme porcs, frappant à tors et
à travers, à la vieille escrime. Aux uns il escarbouillait la cervelle, aux autres rompait bras et jambes,
aux autres disloquait les spondyles du col, aux autres démolissait les reins, aplatissait le nez, pochait les
yeux, fendait les mâchoires, enfonçait les dents en gueule, abattait les omoplates, meurtrissait les
jambes, décrochait les hanches, déboîtait les bras…

Si quelqu'un se voulait cacher entre les ceps, il lui froissait toute l'arête du dos, et l'éreintait comme un
chien.

Si un autre voulait se sauver en fuyant, à celui-là il faisait voler la tête en pièces par la commissure
lamdoïde ; si quelqu'un grimpait dans un arbre, pensant y être en sûreté, il l'empalait de son bâton par
le fondement.

Si quelqu'un de sa vieille connaissance lui criait : — Ah ! frère Jean, mon ami, je me rends ! — Il le faut
bien, disait-il, mais en même temps tu rendras l'âme à tous les diables ; et soudain lui donnait dronos ;
et si quelqu'un assez téméraire osait lui résister en face, c'est là qu'il montrait vraiment la force de ses
muscles, car il leur transperçait la poitrine par le médiastin et par le cœur. À d'autres, donnant
au-dessous des côtes, il subvertissait l'estomac et ils mouraient aussitôt. Il frappait si fièrement les
autres par le nombril qu'il leur faisait sortir les tripes… Croyez que c'était le plus horrible spectacle qu'on
vit jamais.

Les uns criaient sainte Barbe ; les autres saint Georges ; les autres sainte Nytouche ; les autres
Notre-Dame de Cunault, de Lorette, de Bonnes-Nouvelles, de la Lenou, de Rivière. Les uns se vouaient à
saint Jacques, les autres au saint suaire de Chambéry ; mais il brûla trois mois après sans qu'on en pût
sauver un seul brin ! les autres à Cadouin ; les autres à saint Jean d'Angely ; les autres à saint Eutrope
de Xaintes, à saint Mesme de Chinon, à saint Martin de Candes, à saint Clouaud de Sinays, aux reliques
de Jourezay, et mille autres bons petits saints. Les uns mouraient sans parler, les autres parlaient sans
mourir, les uns se mouraient en parlant, les autres parlaient en mourant, les autres criaient à haute voix
: — Confession, confession, confiteor, miserere, in manus.

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