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INTRODUCTION
Amorce – Frère Jean, personnage haut en couleurs du roman à la silhouette inoubliable. Cf son
long portrait physique et moral, sous forme d’énumération p. 175-176 « grand, maigre, bien fendu
de la gueule, au grand nez » - . Personnage « type » du roman, il a été inspiré à Rabelais par la
figure du moine paillard et sans réelle pitié et a un nom prédestiné (cf du mot « entommer » =
entamer, faire des découpures, du hachis. Cf. verbe utilisé dans le prologue). Il fait son entrée ds
le roman au début du chap. 27, de la manière la plus tonitruante qui soit en massacrant ses
ennemis.
Problématiques – En quoi le récit des exploits de Frère J est-il une parodie d’épopée ? En
quoi le débordement de violence de Frère J, constitue-t-il un de ces « morceaux de
bravoure » dans lesquels Rabelais excelle ? Quel sens donner au débordement de violence
de Frère J : morceau de bravoure comique et gratuit ou déchainement guerrier dont il ft
extraire la « substantifique moelle » ?
Plan - Le mouvement du texte va de l’évocation des massacres de Frère Jean, à la réaction des
forces en présence : les troupes de Prichochole, les moines agressés, Frère J.
Le procédé de l’accumulation suit une double progression thématique : « il » / « les ennemis, aux
uns, à d’autres ». Cet emballement de la phrase transforme une scène de combat en véritable
carnage. Le mouvement de la phrase mime ainsi le déferlement de la violence annoncée dans « en
frappant à tort et à travers », ce qui sous-entend que Frère Jean ne respecte aucune règle.
Après s’en être pris à tous les soldats de l’armée de Picrochole, le narrateur, à travers une série de
phrases hypothétiques, montre que son héros est capable de faire front à toutes les situations et
qu’il ne laisse personne lui échapper. L’ampleur de la déroute des ennemis est soulignée par le
rythme de la phrase.
Un héros sans pitié seul contre tous : héros épique invulnérable singulier vs le pluriel d’une masse
collective et anonyme. Voir Roland, roi Arthur. Voir la rapidité des gestes : e#et hyperbolique de
raccourci. Dépréciation des ennemis parfois animalisés : « porcs, chiens… »
Le « bâton » de Frère J ou le renversement des objets : Le bâton ne revêt ici aucun caractère
sacré, bien au contraire.
Plaisir du jeu de mots : reprise du verbe utilisé par l’ennemi « se rendre » mais dans un sens
contraire « rendre l’âme », mais non pas à Dieu mais « à tous les diables » => goût de la parole
blasphématoire. Au cœur même de l’action, Frère Jean n’oublie pas d’être fidèle à son rôle.
Absence de stratégie de Jean qui répond au désordre de cette armée, gesticulation cocasse =>
satire de la guerre.
⇒ Une épopée bou#onne qui multiplie les écarts avec le genre épique et concilie, pr le + gd
plaisir du lecteur langage militaire et langage médical. Comique de répétition, La seconde
partie de notre extrait déploie un autre niveau de lecture, + sérieux en décrivant la
réaction des moines.
Quant aux moinillons, ils ne sortent qu’à la fin quand le combat est terminé et gagné et achèvent
des blessés sans défense. Ils sont aussi lâches que les ennemis de Frère Jean et méritent l’adjectif
petits qui est redondant à côté du diminutif moinetons => pléonasme soulignant leur petitesse et
leur médiocrité.
Satire de la religion : obsession de les confesser plutôt que de leur porter secours, et donc
incapacité à hiérarchiser les priorités. La religion ne fournit qu’une secours inutile au moment de
la mort.
Le narrateur fait la satire des fidèles – Les chiasmes
De même, l'univers carnavalesque se déploie avec la profération jubilatoire des suppliques des
blessés en français (« Confession ! Confession ») et en latin.
CONCLUSION
Un épisode truculent et pittoresque qui repose sur une esthétique carnavalesque et constitue
une véritable fête du langage. On assiste ici à un véritable spectacle qui prend bien souvent
l’allure d’une sarabande grotesque et outrée, « horrifique ». Grâce au comique, Rabelais dresse
un portrait extrêmement critique et satirique des deux puissances de son époque : l’Eglise et
l’Armée.
N’oublions pas que, peu d’années avant la publication du roman, a eu lieu, le 6 mai 1527, le
saccage de Rome par les soldats de Charles Quint et une charge violente contre le Pape Paul III
réfugié, sans opposer de résistance, au Château Saint Ange : « le plus hideux, cruel, furieux et
épouvantable sac qu’on ouïe jamais. » Ce souvenir devait forcément faire écho en lisant le texte
de Rabelais et le jugement du narrateur : « le plus horrible spectacle qu’on ait jamais vu ».
Un héros paradoxal : ambiguïté de ce personnage dont la suite du roman fera l’éloge. Si ses
actions et sa violence barbare sont répréhensibles et moralement condamnables, il a fait preuve
de bravoure et n’a pas rechigné au combat. Pendant ce temps, les autres moines répugnaient à
sauver leur abbaye.
Ce combat parodique, inscrit dans le registre burlesque, semble inverser totalement les valeurs
prônées par les humanistes. Ceux-ci réclament, en e#et, le retour à une religion en harmonie
avec ses dogmes fondamentaux, charitable avec les plus faibles et n’exerçant pas une odieuse
emprise sur les esprits. Ils expriment aussi leur volonté de pacifisme ou, à défaut, une guerre
réfléchie, accomplie pour de justes raisons et respectant les droits des ennemis. Ici Rabelais,
prenant le parti de François Ier contre Charles Quint, tend à justifier certaines violences dès lors
qu’elles s’imposent face à un ennemi dénué de scrupules.