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Envoyé par Isabelle.

LE MORPHÈME QUE

Que est le subordonnant par excellence du français : il permet d’enchâsser une sous-phrase
(subordonnée) à une autre phrase. Mais il n’est pas toujours subordonnant : ce morphème est apte à
exprimer beaucoup de rapports syntaxiques très divers.

L’étymologie latine et les lois de la phonétique rendent compte de l’homonymie de que en français
moderne : le latin en effet disposait de nombreux mots en qu-, pronom relatif qui, quae, quod,
pronom interrogatif quis, quis, quid, conjonction de subordination quod. La disparition des voyelles
et consonnes finales, en vertu des règles de l’évolution de la langue, a fait aboutir cette diversité
différenciée à une unique forme que.

Aussi le morphème que peut-il être un mot-outil, signifiant sans signifié (conjonction de
subordination) et également un représentant, signifiant renvoyant à un vrai signifié qu’il représente
(pronom relatif ou interrogatif). Par ailleurs, il peut apparaître dans des phrases simples sans
subordination, auquel cas sa fonction n’est pas de mettre dans un rapport de dépendance deux
propositions.

Que peut ne pas être employé seul : il peut être employé dans un système de corrélation (avec des
adverbes surtout) ou entrer dans la composition d’une locution conjonctive (après un adverbe ou une
préposition).

La diagonale sémantique du linguiste québécois Gustave Guillaume est une heureuse façon de
représenter l’extrême diversité des emplois de que, le long d’un axe bipolaire, allant d’un pôle
« aucun sens » à un pôle « sens plein » :

I – USAGES INSTRUMENTAUX : QUE MOT-OUTIL

1 – négation à deux éléments


Que, corrélé à ne, sert à stopper le mouvement vers le forclusif qu’installerait l’usage du pas ; il
limite la négation à une restriction : elle n’a que trois enfants.

2 – introduisant le complément d’un comparatif


Dans un système corrélatif, que est le second élément qui introduit le complément du comparatif : il
est plus jeune que moi. Corrélé à un adverbe ou à un groupe prépositionnel à valeur adverbiale, que
instaure un parallélisme ou une construction symétrique de corrélation.

3 – que dans certains tours présentatifs


Que extracteur est utilisé en corrélation avec le présentatif c’est : ce fut en vain qu’il appela Julien.
La phrase comprend une seule proposition, il appela Julien en vain, sur laquelle est effectuée une
opération syntaxique de thématisation ou extraction. Elle consiste à extraire de la phrase un groupe
grâce au présentatif de mise en propos ou de mise en prédicat c’est…que déplacé à gauche du sujet,
dans la position du thème et ainsi mis en vedette. Ce tour s’appelle phrase clivée ou focalisation (de
l’anglais focus, prédicat). Que n’est alors ni connecteur, ni conjonctif : c’est un extracteur. Dans
l’exemple, le présentatif de mise en propos est inanalysable, ce qui n’est pas toujours le cas. Dans
c’est volontairement que j’ai fait cela, le que est vide de sens également.
Avec les présentatifs simples voici que, voilà que, il y a que, que est sémantiquement vide : voici
qu’il pleut. [qu’il pleut] est à analyser comme régime du présentatif.

4 – que dans une indépendante à modalité impérative


Que est utilisé dans une indépendante, devant des verbes employés à la P1, P3 et P6, personnes qui
font défaut à l’impératif. Pour suppléer à ces personnes manquantes, on recourt au subjonctif précédé
de la béquille que : est alors exprimée la modalité jussive.
Viens, que je te parle ! est l’exemple d’un que séparateur de deux modes, l’impératif et le subjonctif
à valeur exhortative.

II – MORPHÈME CONJONCTIF « UNIVERSEL »

1 – que conjonction pure


Que fonctionne alors comme un substantif : placé devant une proposition, il la nominalise
(nominalisation externe), ce que prouve l’essai d’interchangeabilité :
-il dit une bêtise
-il dit que c’est vrai
Que est une conjonction qui pose quelque chose, asseoit les choses dans le réel et transforme la
proposition qui lui est conjointe en substantif.

Analyse du posé-supposé de Gustave Guillaume :


Il dit que cela est vrai : indicatif, car le verbe recteur est déclaratif et régit l’usage de l’indicatif pour
exprimer la modalité assertive. En revanche, on dira : que cela soit vrai, il le dit. On utilise ici le
subjonctif pour ne rien poser avant de connaître la modalité donnée par le verbe recteur, qui ne se
trouve qu’en fin de phrase. Le subjonctif est en somme une précaution dans l’attente dela révélation
modale.

Si tu viens et qu’il fasse beau, nous irons nous promener :


-si est un subordonnant qui introduit les hypothétiques. Il suppose donc déjà en lui-même. Aussi
l’indicatif le suit-il. Le subjonctif ne serait que redondant dans cet usage.
-par contre, le morphème que pose trop le procès dans le réel. C’est pourquoi il est suivi du
subjonctif qui opère une correction, en situant l’énoncé quelquepart entre le supposé absolu et le posé
terrestre. L’emploi du subjonctif a un effet psychologique de virtualisation, de recul par rapport à une
avancée trop farouche.

Je suis content que tu sois venu : le morphème que est neutre ; dans cet emploi, il transmet cependant
la modalité regardante du verbe recteur au verbe de la subordonnée. Il se fait le véhicule de l’indice
de subjectivité, répercuté dans l’usage du subjonctif.

a) Que + indicatif

b) Que + subjonctif
2 – que conjonction composée
Que forme avec un adverbe ou une préposition une locution conjonctive (la décrire). Celle-ci est plus
chargée sémantiquement que la conjonction pure qui n’a aucune charge sémantique. Il y a plusieurs
modèles de locutions conjonctives :
-préposition + nom + que : à condition que, de sorte que, au lieu que
-préposition + que : pendant que, dès que
-préposition + pronom + que : à ce que, en ce que, pour ce que
-préposition + forme verbale + que : en attendant que
-adverbe + que : heureusement que

a) conjonctions virtualisantes + subjonctif


On a alors une image mentale d’antécédence ou d’absence ou de non-actualisation : sans que, afin
que, jusqu’à ce que, pourvu que, à condition que, encore que, avant que (la saisie s’effectue en
amont du posé, d’où le subjonctif correctif en quelque sorte).

b) conjonctions actualisantes + indicatif


dès que, tandis que, après que (la saisie s’opère après le posé, d’où l’indicatif qui stabilise le posé et
renforce son actualisation)

III – QUE ADVERBIAL

Que est un adverbe exclamatif : que je suis bête ! On considère sa charge sémantique plus lourde
que pour les que précédents, dans la mesure où il renvoie à un contenu quantitatif (combien) ou
qualitatif (comme).

IV – QUE PRONOM

1 – Que pronom interrogatif direct


Que veux-tu ? ayant pour forme renforcée du pronom interrogatif représentant qu’est-ce que tu
veux ?, où le 1er qu’ est le pronom interrogatif, alors que le 2ème que est un pronom relatif, ayant ce
pour antécédent.

2 – Que pronom interrogatif dans une interrogative indirecte


Je sais ce qu’il va faire : ce que est pronom et subordonnant, puisque les interrogatives indirectes
sont classées dans les propositions subordonnées conjonctives et complétives (cod du verbe savoir).
Formellement, ce que ressemble à un pronom relatif, mais le sens du verbe recteur fait qu’on le
classe en définitive dans les pronoms interrogatifs.

3 – Que pronom relatif


Que est alors pleinement sémantique, puisque représentatif d’un antécédent et exerce une fonction
dans la phrase : la pomme que je mange est verte. Dans les formes archaïques, on peut trouver que
mis pour le pronom relatif où : un jour qu’il marchait dans la rue, il tomba. On a affaire ici à un
pronom relatif interchangeable avec où, bien qu’on décèle une valeur conjonctive circonstancielle
temporelle (alors que).

Dans certaines phrases clivées, le présentatif de mise en propos peut être analysable. Dans c’est
Pierre que je vois, que est un pronom relatif, mais cette analyse seule ne rend pas compte de la
complexité de la phrase.

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