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Couverture : LAGALERIEgraphic
Mise en page : DBiT s.a.
Imprimé en Italie
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : septembre 2007
Bibliothèque royale de Belgique : 2007/0035/015 ISBN 978-2-8011-1404-9
AVANT-PROPOS
/ 4e édition
(2007)
Le bon usage a été publié pour la première fois en 1936. Il fut épuisé assez rapidement, ayant été
bien accueilli, non comme manuel scolaire, ce qui était le but initial, mais comme référence pour des
adultes attentifs à leur langue ou à la langue. La 2 e édition est sortie en 1939, puis, avec un délai
allongé par la guerre, la 3 e en 1946. L'audience s'est élargie à ce moment, d'une part grâce à un article
très élogieux d'André Gide dans le supplément littéraire du Figaro, d'autre part grâce à des comptes
rendus favorables dans des revues spécialisées de France et d'ailleurs, donc parmi les linguistes (quoi-
que Maurice Grevisse ne se soit jamais présenté comme l'un d'eux, revendiquant seulement le titre de
grammairien). Les éditions se sont alors succédé régulièrement jusqu'à la 11 e (1980), jamais de sim-
ples tirages, mais toujours enrichies grâce aux lectures de l'auteur et prenant en compte l'évolution de
la langue, et l'évolution de la linguistique dans une certaine mesure.
Après la mort de Maurice Grevisse (en 1980), qui m'avait désigné, selon ses propres termes,
comme son dauphin, j'ai publié en 1 9 8 6 une version refondue, fidèle aux buts et aux principes de mon
prédécesseur, mais, notamment, en tâchant de rendre plus rigoureux un plan que les ajouts successifs
avaient parfois empâté et en accentuant la modernisation linguistique (sans oublier que le livre ne
s'adresse pas en priorité à un public de linguistes). Pour plus de précisions, je renvoie le lecteur à
lavant-propos de 1986, qui est reproduit à la suite de celui-ci.
Pour la présente édition (la 14 e ), l'éditeur a souhaité une refonte d'une nature toute différente,
afin que l'ouvrage soit consultable sous d'autres formes que celle qu'il avait eue jusqu'ici. Cela ne con-
cerne ni la doctrine, héritée du premier auteur, ni le contenu 1 , mais la présentation du contenu. Doré-
navant, les historiques et les remarques prennent place dans la marge. U n avantage évident, c'est que le
lecteur trouvera les uns et les autres juste en face de ce qu'ils sont destinés à compléter. Mais les
dimensions de la marge conditionnent la longueur des remarques et donc leur contenu. Elles se limi-
tent nécessairement à de brèves indications complémentaires, par exemple sur des faits régionaux
(d'ailleurs plus systématiquement mentionnés, la vocation du Bon usage n'étant pas seulement de
décrire les régularités et les écarts du français de Paris).
Il n'était pas question de faire disparaître 2 les anciennes remarques (parfois présentées par Mau-
rice Grevisse sous le titre N. B. ou sous la forme de notes en bas de pages). No n seulement elles occu-
paient plus que la moitié de l'espace, mais quels que soient l'importance, l'intérêt, la nécessité des
considérations plus générales, c'est dans ces remarques que se trouvent l'originalité du livre et sa
richesse, c'est par elles que se justifient le succès rencontré et en fin de compte le titre même : c'était
une remise à jour et à neuf du concept éculé ou galvaudé de bon usage ; il ne s'agissait pas de substituer
1. Il va sans dire que, selon la tradition de cet ouvrage, de nombreux passages ont été revus (parfois refaits, comme celui qui con-
cerne le féminin des noms de personnes) et que plus d'un sujet nouveau est traité.
2. Ou disparaitre : voir § 104, b, 2°.
d'autres jugements péremptoires aux jugements de la tradition puriste, mais de montrer, par l'obser-
vation de l'usage réel, combien sont précaires ou arbitraires ou simplistes ou même vains beaucoup
de ces jugements.
Pour trouver une place nouvelle à tout cela, il a fallu une réorganisation radicale, comme peu
d'ouvrages analogues en ont subi de semblables. Elle m'a demandé beaucoup d'effort et de temps. La
collaboration d'un expert dans les techniq ues modernes était indispensable. J'ai pu compter sur la
compétence de Jacques Pinpin, dont j'ai apprécié et admiré aussi la compréhension et la patience. La
multiplicité et la complexité des changements font que les épreuves ont mérité doublement leur nom.
Je remercie, outre Jacques Pinpin, les deux correctrices, Isabelle Piette et Bénédicte Van Gysel, qui
ont contribué, avec un soin poussé jusqu'au scrupule, à éviter les écueils menaçant une réfection qui
touche à la quasi-totalité des pages, notamment aux renvois internes et à l'index.
Il me reste à souhaiter que les lecteurs fidèles (dont plusieurs sont à l'occasion des collaborateurs
en apportant des attestations ou des objections dignes d'intérêt et en posant des questions imprévues)
et les lecteurs nouveaux trouvent dans cette version neuve la réponse qu'ils désirent avoir3, la solution
de leur problème, et enfin (à lire certains correspondants, ce n'est pas un rêve) que quelques-uns par-
tagent l'intérêt passionné - une passion exclusive et précoce - que j'ai mis à rédiger les pages neuves
comme à revoir les plus anciennes.
André GOOSSE
3. Pour ceux qui consultent le livre rapidement, j'emploie un signe de mise en garde (°) qui a parfois été mal interprété. On a cru
que c'est la dénonciation d'une faute (terme dont je me sers peu pourtant). Il veut simplement éviter qu'on ne croie que toutes
les formes et tours mentionnés sont nécessairement utilisables dans n'importe quelle circonstance, - ce que montre le
commentaire ; mais encore faut-il qu'on le lise, ainsi que les considérations du § 14.
AVANT-PROPOS
12e édition
(1986)
Le bon usage, dont nous fêtons cette année ( 1 9 8 6 ) le cinquantième anniversaire, a réussi la
gageure (ou la gageure) d'être accueilli favorablement par le grand public et par les spécialistes, gram-
mairiens et même linguistes. C'est la meilleure grammaire française, a écrit Robert Le Bidois.
L'ouvrage doit sa renommée à la nouveauté de ses principes (observer d'abord); à la solidité de
son information sur la langue réelle, information enrichie et précisée d'une édition à l'autre ; à la
modération de ses jugements normatifs; à la clarté de la rédaction (et aussi de la présentation typo-
graphique, — car, à tous égards, la maison Duculot est associée à la réussite du Bon usage). Le succès
ne s'étant pas démenti depuis cinquante ans, à quoi bon une refonte 1 ?
Depuis la première édition, le volume du Bon usage a doublé. Maurice Grevisse a introduit
quantité d'additions, souvent sous la forme de remarques, de nota bene, de notes. Les unes portent sur
des faits non encore décrits ; les autres se font l'écho des conceptions nouvelles en matière de linguis-
tique. Mais le plan primitif était resté tel quel, et sa simplicité initiale se trouvait plus ou moins empâ-
tée par ces ajouts multiples, qui se rattachaient d'une manière ingénieuse, mais non toujours
parfaitement logique, aux développements où ils étaient insérés.
Ma première tâche a donc été de regrouper tous les faits grammaticaux éparpillés. Certains pas-
sages résistaient à mes efforts, je dirais par nature, parce qu'il s'agissait purement de vocabulaire et de
sémantique ; il a bien fallu les sacrifier. Ces problèmes sont d'ailleurs traités par Grevisse dans Lefran-
çais correct.
La théorie linguistique de 1 9 3 6 ne pouvait pas rester telle quelle. Grevisse, je l'ai dit, y a apporté
de nombreuses rectifications dans ses remarques, mais sans aller jusqu'à revoir le plan qu'il mettait
ainsi en cause. Cette nouvelle édition applique effectivement les changements dont la nécessité était
démontrée par Grevisse lui-même : par exemple, l'article va avec les déterminants, et le conditionnel
avec les temps de l'indicatif. D'autres changements étaient nécessaires pour la cohérence des
concepts : donc rejoint les adverbes ; oui les quitte pour le chapitre des mots-phrases ; les degrés de
comparaison, qui ne se rattachent à la morphologie de l'adjectif que par révérence envers la grammaire
latine, sont traités aussi avec les adverbes ; la place de l'épithète concerne la fonction épithète et non
l'adjectif comme tel. Ces regroupements permettent de donner à la phrase interrogative, à la coordi-
nation, etc. les exposés d'ensemble qu'elles requièrent.
Le renouvellement paraîtra trop timide à certains linguistes, mais ce n'est pas à eux que Le bon
usage s'adresse d'abord. Il s'agit de moderniser sans que le livre cesse d'être accessible au lecteur cultivé
mais non spécialiste et sans que celui-ci soit privé des réponses qu'il attend. Cela entraîne le corollaire
1. Pour plus de détails, voir A. G O O S S E , Réflexions d'un réviseur, dans le Bulletin de l'Acad. royale de langue et de littér. jranç. [de
Belgique], 1983, pp. 151-161; Le point de vue d' un réviseur, dans Enjeux, été 1985, pp. 98-103; « Le bon usage » de 1936 à
1986, dans Travaux de linguistique (Gand), 12-13,1985-1986, pp. 13-19.
que la terminologie ne sera pas bouleversée. Mais les définitions seront rendues plus rigoureuses.
C'est en pensant au lecteur moins intéressé par la théorie que par l'aspect pratique des choses
que j'ai utilisé un signe spécial (°) pour les faits qui paraissent ne pas appartenir à l'usage régulier, au
bon usage. Mais qu'est-ce que le bon usage? Les éditions antérieures ne répondaient pas nettement.
Dans celle-ci, des préliminaires plus fournis explicitent nos principes (voir particulièrement les §§ 12-
14); je dis nos, convaincu d'être fidèle à la pensée de Grevisse.
Je me suis efforcé de tenir compte plus systématiquement des niveaux et des registres. L'oral,
quoiqu'il ne soit pas le premier objet d'un ouvrage comme celui-ci, a une place accrue. Les faits régio-
naux aussi, sans que l'on prétende à l'exhaustivité : non seulement ceux de Belgique (déjà bien repré-
sentés antérieurement), ceux du Canada ou de Suisse, mais aussi les régionalismes de France, souvent
ignorés ou négligés par nos collègues du Sud, à moins que, s'il s'agit de Chateaubriand ou de Flaubert,
ils ne rangent cela parmi les originalités stylistiques.
Les exemples ont été en partie renouvelés. Il est peu utile d'illustrer une règle générale par des
auteurs tombés dans l'oubli depuis 1936. La douzième édition emprunte notamment des textes à des
écrivains que Grevisse ne citait pas, comme Tocqueville, Gobineau, Lautréamont, Jules Verne pour
le X I X e siècle ; comme André Breton, Éluard pour le X X e , ainsi que des auteurs plus récents comme
René Char, Claude Simon, Jean Genet, Barthes, Foucault, Lacouture, Edgar Faure, François Mit-
terrand, J.-P. Chevènement, J.-Fr. Revel, — voire San-Antonio ou Cavanna (là où leur témoignage
est utile).
Certains de ces noms montrent que la langue écrite non littéraire (dans l'acception la plus étroite
de cet adjectif) aura une place accrue, ce à quoi contribuent aussi un musicien comme Berlioz, un
peintre comme Cézanne, un folkloriste comme van Gennep, des historiens comme Le Roy Ladurie
et Duby, de nombreux linguistes (cités comme écriveurs et non comme penseurs), etc. Quelques exem-
ples oraux ont été introduits. Sur la place des classiques, voir plus loin au § 10, N.B.
Le nombre des références n'a pas été sensiblement réduit. C'est peut-être un encombrement
pour le lecteur pressé (quoique, presque toujours dans cette édition, les exemples soient imprimés
dans un corps différant du reste). Mais cela a une double utilité : que de fois n'a-t-on pas reproché à
Grevisse de prendre pour l'usage une faute isolée commise par un auteur distrait ! que de fois aussi
des linguistes déclarent inexistants des tours très répandus dans la langue écrite ou risquent une expli-
cation pour une phrase d'un auteur sans s'aviser que celui-ci ne fait que suivre une tradition !
On trouvera, enfin, dans cette édition, un assez grand nombre d'additions de tout genre. Parmi
celles qui ont une portée pratique, j'attirerai l'attention sur le chapitre consacré à l'écriture et à l'ortho-
graphe. Un exemple : quand emploie-t-on l'italique i
La tâche n'est jamais finie, comme le montrent les éditions successives du Bon usage. Celle-ci ne
fait pas exception : je suis bien conscient que la rénovation n'a pas été menée aussi loin pour toutes
les pages.
J'ai une dette toute particulière envers ma femme, née Grevisse, ma collaboratrice de chaque
instant : nous avons discuté ensemble bien des points ; elle m'a fourni beaucoup d'exemples ; elle a
relu et en partie dactylographié le texte. Cette édition refondue est notre œuvre commune (dont, mal-
heureusement, ma femme n'a pas vu l'achèvement).
J'ai pu bénéficier de l'aide de Nathalie Dubois pour l'établissement de l'index. Je lui en suis fort
reconnaissant. En conclusion, j'espère que cet ouvrage sous sa forme nouvelle rendra mieux encore les
services qu'on en attend : fournir une description du français moderne aussi complète que possible ;
apporter des jugements normatifs fondés sur l'observation de l'usage, des usages ; permettre aux locu-
teurs et aux scripteurs de choisir le tour qui convient le mieux à l'expression de leur pensée et à la
situation de communication dans laquelle ils se trouvent.
André GOOSSE
AVE RTI S S E ME N T
13e édition
(1993)
Je dois attirer l'attention sur le fait qu'ont été signalées, chaque fois que cela convenait, les recti-
fications orthographiques préconisées par le Conseil supérieur de la langue française et publiées dans
le Journal officiel de la République française le 6 décembre 1990, après avoir été approuvées à l'unani-
mité par l'Académie française le 3 mai 1990. Je rappelle que les usagers ont le choix entre les nouvelles
graphies et les anciennes, ni les unes ni les autres ne pouvant être considérées comme des incorrec-
tions ou des fautes. Un astérisque et une ligne ondulée placés dans la marge attirent l'attention sur
ces passages.
A. G.
ABREVIATIONS ET SYMBOLES
Abréviations
adj. = adjectif fr. ou franç. = français pop. = populaire
adv. = adverbe hist. = histoire ou historique port. = portugais
allem. = allemand ib. = ibidem, au m ê m e endroit, dans la pp. = pages
anc. = ancien même œuvre
pr. ou prés. = présent
angl. = anglais ID. = IDEM, le même auteur
prépos. = préposition
art. = article id. = la m ê m e chose
Bull. = Bulletin propos. = proposition
impér. = impér atif
cf. = confer, voyez indic. = indicatif prov. = proverbe ou provençal
cit. = citation de infin. = infinitif qq. ch. = quelque chose
class. = classique it. ou ital. = italien qqn = quelqu'un
col. = colonne lat. = latin rem. = remarque
c o m m u n . = communication de le. = loco citato, à l'endroit cité s. = siècle ou saint
comp. = comparez loc. = locution sing. = singulier
dict. = dictionnaire(s) masc. - masculin subj. = s u b j o n c t i f
EAD. = EADEM, la m ê m e [d'un auteur Mém. = Mémoires suiv. = et suivant(e)s
féminin] m o d . = moderne
s.v. = sub verbo, au m o t
éd. = édition(s) ms. = manuscrit
t. = tome
esp. = espagnol op. cit. = opus citatum, ouvrage cité
ex. = exemple(s) trad. = traduction
p. = page
expr. = expression P . = Paris (dans les références bibliogr.) var. = variante
fam. = familier part. = participe vol. = volume
fasc. = fascicule pers. = personne V o y . = Voyage(s)
fém. = féminin plur. = pluriel vulg. = vulgaire
Symboles
>1 : m o t faisant l'objet d'une informa- : soit étymon reconstitué, soit m o t : dans une citation, changement
tion complémentaire dans la suite ou tour inexistants. d'alinéa ou de vers.
du paragraphe. : citation ou signification.
§ : paragraphe. (dans la marge) : rectifications ortho-
: traduction ou équivalence.
§§ : paragraphes. graphiques de 1 9 9 0 (voir § 89, e). : évolution phonétique (inverse-
° : mot, tour, etc. n'appartenant : prononciation en écriture phoné- ment : < ) .
pas au français c o m m u n ou tique ; — dans une citation, élément : transformation (cf. § 4, R4).
régulier. introduit par nous ; — parfois, indi-
+ : édition modernisant l'orthographe cation historique (notamment ex.
ou ex. cité d'après une telle édition. ou références antérieurs à 1 8 0 0 ) .
A l p h a b e t phonétique
VOYELLES
[A] cf. § 24. [i] cri [y] pur
[a] dAte [o] rOse |ùl mANger
[a] pÂte [D] note
prÉ [c] maflN
[e] [0] liEU
[e] mÈre [œ] pEUr 13] saisON
[s] grEdin [u] trOU [œ] lUNdi
SEMI-VOYELLES
[j] Yeux [w] oui [q] cUir
CONSONNES
[b] B on [m] Main [v] Ver
[dj Déjà [n] NOM |z] Zéro
[f] Fier [p] Par [/I CH at
[g] G are [RJ Rose 131 Jardin
[k] Car [s] Sol IjiJ uGNeuH
[1] Loup [t] Tas [g] smokiNG
L e double point après une voyelle m o n t r e qu'elle est longue : alors [ato:n].
S i une letre est placée entre parenthèses, c'est que le son ainsi désigné peut
disparaître ; c'est surtout le cas de l'e dit muet [a] : fenêtre [f(a)netR].
PRELIMINAIRES
I. LE L A N G A G E E T S O N É T U D E
C o n s t i t u a n t s essentiels d u langage.
L e langage est constitué essentiellement de sons émis par
le locuteur ou sujet parlant à l'intention d'un auditeur ou d'un
interlocuteur.
Les sons font partie d'unités chargées de signification,
que la tradition identifie avec les m o t s , mais qu'une description
plus rigoureuse identifie avec les m o n è m e s (appelés aussi, sous
l'influence américaine, morphèmes H).
C e q u i n'est p a s sa ns i n c o n v é n i e n t , v u q u e
A u x q u a t r e m o t s q u e m o n t r e l ' é c r i t u r e d a n s On punira le menteur, correspon-
m or p h è m e a d é j à , d a n s la t e r m i n o l o g i e lin -
d e n t s i x m o n è m e s : [5 pyni RA 1 mât CCR].
g u i s t i q u e , u n a u t r e s e n s : c f . § 5, a , 3 ° .
Les m o t s ou les m o n è m e s ne se réalisent concrètement
que dans un contexte, dans une suite que l'on peut identifier
avec la p h r a s e .
La phrase, dans la plupart des cas, s'intègre elle-même à un ensemble
plus vaste (cf. § 211, b).
Si l'on envisage l'acte de communication, la phrase, unité de
communication, est composée de monèmes (première articulation),
lesquels sont formés de sons (deuxième articulation). Entre la phrase
et le monème prend place le syntagme : voir § 5, a, 4°.
L'oral e t l'écrit.
L e langage parlé peut être traduit par l'écriture, au
moyen de signes ou caractères appelés let t res.
Il faut éviter de confondre les lettres avec les sons, auxquels elles cor-
respondent en français de façon fort approximative.
P a r ex., d a n s eaux il y a q u a t r e l e t t r e s , m a i s u n seul s o n , [o]. L e s six l e t t r e s du
m o t oiseau n e c o r r e s p o n d e n t q u e d ' u n e m a n i è r e t o u t à fait c o n v e n t i o n n e l l e a u x q u a -
t r e s o n s qu'elles s o n t c h a r g é e s d e r e p r é s e n t e r : [WAZO]. | J ]
La c o n f u si o n est p o u r t a n t e x t r ê m e m e n t fré -
q u e n t e : « Lo rs q u e P o n g e p ar e x e m p l e p r é t e n d C'est l'aspect oral qui définit avant tout le langage : certaines
q u e l e m o t oise a u est e n fra n çais le se ul q u i co n - langues n'ont pas d'expression écrite ; pour les langues qui connais-
t i e n n e t o u t es les v o y e ll e s fra nçaises, a, e, I, o, u, le
se ul p a r c o n s é q u e n t q u i rasse m b le e n soi t o u t e la
sent les deux formes, l'oral précède l'écrit, que l'on envisage l'histoire
l é g è r e t é d e c e s so n o rit és c e n s é m e n t lé g è r es q u e de ces langues ou l'apprentissage de la langue maternelle par un indi-
so n t les v o y elles, il c o m m e t u n e e rr e u r sin g ulière
vidu. Mais antériorité ne veut pas dire supériorité.
d e la p art d'u n p o è t e q u i a b e a u c o u p r é fléc h i a u
la n g a g e. » (Éti e m b l e , Po è t es o u faise urs ? p. 3 9 4 .) Le parallélisme entre les deux expressions n'est pas complet : outre le
fait que la phonétique et l'orthographe ne se recouvrent pas exactement, il
faut remarquer que le locuteur et l'auditeur participent le plus souvent à la
même situation concrète (lieu et temps), ce qui n'est pas le cas d'ordinaire
pour le scripteur, qui écrit pour un lecteur que souvent il ne connaît pas et
qui se trouve en général dans un autre lieu et dans un autre temps.
Mettez ça là e s t u n m e s s a g e q u i d a n s l'oral e s t c o m p l e t , m a i s q u i d a n s l'écrit est
d é p o u r v u d e p e r t i n e n c e s'il n ' e s t p a s a c c o m p a g n é d ' u n c o n t e x t e , s'il n ' e s t p a s p r é c é d é
REMAR QUE.
( o u suivi) d ' u n e o u d e p l u s i e u r s p h r a s e s , m o n t r a n t à q u i l ' o n s' adr esse, q u e l s s o n t
É q u i v a l e n t p l u s e x p l i c i t e : Le p ro f esse ur
l ' o b j e t e t le lieu d o n t il e s t q u e s t i o n . £ 3
d e m a n d e à Je a n d e d é p oser le livre sur la
t a ble. M a i s il r e s t e d e s i m p r é c i s i o n s : q u i e s t On appelle embrayeurs les éléments dont le signifié est déterminé par
le p r o f e ss e u r ? q u i e s t J e a n ? e t c. la situation (je, tu, ici, etc.).
Le message oral n'est pas seulement une suite de sons organisée en E 9 I B O L R E M A R Q UE
phrase — ce que la langue écrite reproduit d'une manière somme toute satis- Il a rriv e m ê m e q u e la l a n g u e p a rl é e soit influen -
faisante —, il comporte aussi des éléments que l'écrit ne peut rendre que par c é e p a r c e rt ai n s d e s p r o c é d é s s p é cifi q u es d e
l'é crit u r e : Per m e tt e z - m oi, ENTRE PARENTI IÈSES, d e
un commentaire qu'il ajoute : par ex., dit-il avec force, soupira-t-il, s' écria-t-il, etc.
vo us faire p art d'u n so uve nir p erso n n el (IONESCO,
Inversement, tandis que l'écrit isole par des guillemets une citation, un orateur Leço n, p. 7 9). — C'e s t u n e révolu tio n ENTRE GUILLE-
indiquera le début de celle-ci par Je cite et la clora par Fin de citation. METS, u n e p ré t e n d u e révolu tio n (Ro b ., s. v. g uille -
m e t). — l'ai à vo us raco n t er celle d e la co m t esse
Chacun des deux modes de communication a donc ses besoins d e... TROIS ÉTOILES. C'e s t ainsi, je crois, q u e vo us
dit es e n fra nçais q u a n d vo us n e vo ule z p as n o m -
et ses procédés propres. Ils s'adressent d'ailleurs à des sens m er les g e ns (SAND, Elle e t lui, cit. Ro b ., s. v. é t oile).
différents : l'ouïe d'une part, la vue de l'autre. [L'écriture Braille, qui [A ll u si o n au x a s t é ris q u e s: cf. § 114.1 — U n frère
TROIS-POINTS = u n fra n c - m aço n (cf. § 1 1 2 , R 2 ) .
s'adresse aux aveugles, est lue par le toucher.]
L'é p ella tio n est utilisée p arfois p o u r p orter r e m è d e
Le français oral connaît de grandes diversités sociales et régionales, à d e s a m big uït és p r o v e n a n t d e l'h o m o p h o n i e o u
par ex. en matière de prononciation. L'écrit, diffusé par l'école surtout, pré- d e la p a r o n y m i e : Ensuit e c e sera la fin... / V o us
n'a ure z plus rie n, / Plus rie n q u e la fai m .
sente une plus grande uniformité, grâce à l'orthographe notamment. F.. A . /.. M..., fai m ! (RAMUZ, Hist oire d u sold a t, d a ns
N. B. S'il est vrai que le langage écrit a l'oral pour fondement, il n'est pas rare IWa n t - sc é n e , t h é â tre, n ov. 1 9 7 5, p. 4 1 .) -
que celui-ci soit influencé par l'écrit. Mo nsie ur C la n e gra n d , n'est - ce p a s ? / - N o n,
p er m e tt e z : C h ave gra n d . C h.a.v.e.ve... (DUHAMEI,
Des lettres introduites ou maintenues dans l'écriture passent ou ren- T el q u'e n lui - m ê m e..., I). — M'a u t orise z - vo us d o nc à
trent dans la prononciation. L'ancien verbe avenir a été, d'après le latin, d e n o uve a u f or m uler la p ro p ositio n in t erro g a tive
écrit advenir, le d étant muet jusqu'au X V I I e s. (cf. Vaugelas, p. 441), q u'il y a q u elq u es inst a n ts j'é n o nça d eva n t vo us ? /
puis finissant par se prononcer (cf. § 842, c). — Mœurs doit se pronon- - / 'é n o nçai, dit l'o bscur. / - J'é n o nçais, dit
cer [mra] comme murs se prononce [myR], mais on entend souvent T ro uscaillo n. / - l'é n o nçai sa ns esse. / - J'é n o nçai,
dit e n fin T ro uscaillo n (QUENEAU, Z a z ie d a ns le
[mœRs]. — Voir aussi § 492, R.
m é tro, X VI).
Il y a aussi des accidents dont l'origine est dans l'écrit : le mot arabe semt L'é p e ll a ti o n p e u t aussi a v o ir u n e f o n cti o n
a été lu senit, d'où le fr. zénith. e u p h é m i q u e : Ils m e p re n n e n t vrai m e n t p o ur u n
Des mots empruntés au latin par des lettrés ou créés par des écrivains CÉOÈNE (A. SARRAZIN, C avale, p. 1 8 4). [Po u r évit er
pénètrent dans le lexique général : imbécile, emprunté au latin imbecillus ; l e m o t trivial c o n .] — C a s a n a l o g u e : Vous, ré p o n -
gavroche, nom d'un personnage de Victor Hugo dans Les misérables. dit - ilje vo us dis C INQ LETTRES ( A Y M É , Passe - m uraille,
L. P., p. 1 2 2). [E u p h é m is m e p o u r m er d e.]
D a n s l'a r g o t d e s é c o l e s , o n p r o n o n c e p arf ois u n
La linguistique ou g r a m m a i r e . m o t e n isola n t les le ttres d ' u n d i g r a m m e (cf.
§ 9 1, h, 3 °) p o u r d o n n e r à celles - ci le ur v a l e u r
o r d i n a ir e : l e v e r b e cra p a h u t er « p r o g r esse r e n
a) L a linguistique 1 ou g r a m m a i r e est l'étude systématique des
t e rr a i n d if ficil e » est u n d é r i v é d e cra p a u d pro -
éléments constitutifs et du fonctionnement : soit de la langue n o n c é à Sain t - C yr, n o n p as [k i u p o], m a is [kRApAy]
e n d iss o ci a n t l e d i g r a m m e a u.
en général (linguistique générale) ; — soit de plusieurs lan-
gues, apparentées ( g r a m m a i r e c o m p a r é e ) ou non (linguis-
tique contrastive) ; — soit d'une langue en particulier. EH K 9 R E M A R Q UE
O n a p p e ll e g allicis m e, a n glicis m e, g er m a nis m e, his -
Elle a pour objet principal, non pas ce qu'on appelle depuis p a nis m e, it alia nis m e, la tinis m e, etc., u n fait caracté -
Ferdinand de Saussure la parole, c'est-à-dire les variations ristiq ue, r e s p e ctiv e m e n t d u fra nçais, d e l'an glais,
d e l'a ll e m a n d (o u , p arfois, d es la n g u es d u g r o u p e
individuelles ESI (on distingue aussi le discours, c'est-à-dire g e r m a n i q u e , cf. § 6), d e l'esp a g n ol, d e l'italien, d u
l'acte de parole, la réalisation concrète), mais la langue, c'est-à- latin, e tc., m ais aussi u n e m p r u n t fait à c e s lan g ues.
b) L a linguistique h i s t o r i q u e ou d i a c h r o n i q u e étudie la
langue dans son développement chronologique, tandis
que la linguistique d es c rip t ive ou s y n c h r o n i q u e décrit
un état de langue à un m o m e n t donné, n o t a m m e n t pour
en découvrir l'organisation.
En effet, un état de langue est généralement considéré
aujourd'hui comme constituant un système, une structure,
c'est-à-dire un ensemble organisé où chaque élément tient sa
valeur de ses relations (d'opposition surtout) avec les autres
éléments. C'est ce dont s'occupe la linguistique structurale.
Celle-ci applique la méthode distributionnelle, laquelle classe
et caractérise les éléments de la langue d'après leur aptitude à
entrer dans des contextes déterminés (c'est ce que l'on appelle
| REMAR QUE. la distribution S I ) et à se substituer les uns aux autres (ce que
D a n s l e p rése n t o u vr a g e , n o u s e m p l o y o n s distri - l'on appelle commutation).
b u tio n d a n s u n a u t r e se ns : v o ir n o t a m m e n t § 261.
P a r ex., u n e des c a r a c t é r i s t i q u e s essentielles d e mon est qu'il se place d e v a n t
u n n o m ( é v e n t u e l l e m e n t p r é c é d é en o u t r e d' un a d j e c t i f é p i t h è t e ) ; d'autre part,
d a n s Mon crayon est vert, mon p e u t ê t r e r e m p l a c é p a r ce, le, chaque, ce qui m o n t r e
q u e mon, ce, le, chaque a p p a r t i e n n e n t à la m ê m e catégorie, celle des d é t e r m i n a n t s .
O n d i t q u e l a d i s t r i b u t i o n s e f a i t s u r l'axe syntagmatique, c'est-à-
dire selon la c h a î n e parlée, le d é r o u l e m e n t d u discours, tandis q u e la
c o m m u t a t i o n c o n c e r n e l'axe paradigmatique.
REMAR QUE.
! D o m a i n e s d e la linguistique. H
S e l o n u n e t r a d i t i o n e n c o r e v i v a n t e à Stras -
b o u r g , e n Su iss e e t e n B e l g i q u e , o n r é u n i t s o u s À r intérieur de la linguistique, on distingue plusieurs
l e n o m d e philologie l e s é t u d e s p o r t a n t sur la
domaines selon la nature des faits étudiés.
li n g u isti q u e e t sur la lit t é r a t u r e : c'e s t l e s e n s q u'i l
f a u t v o i r d a n s l e titr e d e la Revu e b elg e d e p hilo -
lo gie e t d'hist oire. M a i s t r è s s o u v e n t e n F r a n c e
a) Traditionnellement, o n envisageait quatre domaines.
l e m o t est p ris d a n s d e s s e n s p l u s restrein ts, m is
1° L a p h o n é t i q u e étudie les sons du langage. Elle se double
e n r a p p o r t s u r t o u t a v e c l' A n t i q u i t é e t l e M o y e n
 g e : é t u d e d e s civilis a ti o n s a n c i e n n e s , f o n d é e aujourd'hui de la p h o n o lo g ie, qui étudie les phonèmes,
s u r les t é m o i g n a g e s écrits, s u r t o u t li t t é r a ir e s;
c'est-à-dire les sons en tan t que distinctifs (cf. § 17).
é t u d e d e s d o c u m e n t s é cri t s d u p a ss é , p o u r les
d a t e r , les e x p li q u e r, p o u r é t a b lir u n e é d i t i o n cri - L'orthoépie donne les règles de la bonne prononciation. On dit
t i q u e , e t c . ( C e t t e d e r n i è r e é t u d e e s t p a r f o is
a p p e l é e , d e p u i s p e u , textologie.)
aussi orthophonie, mais ce mot tend à se spécialiser en médecine,
pour la rééducation des malades souffrant de troubles d elocurion.
P o u r les p r o c é d é s g r a p h i q u e s , il n ' y a q u ' u n m o t , o r t h o g r a p h e , à la fois
p o u r la f a ç o n d ' é c r i r e c o n s i d é r é e c o m m e c o r r e c t e e t p o u r n ' i m p o r t e q u e l l e
f a ç o n d ' é c r i r e : Apprendre l' orthographe. Avoir une mauvaise orthographe. —
Chaque clerc [en anc. fr.] a sa façon propre ^'ORTHOGRAPHIER, qui varie sou-
vent dans l'intérieur d' un même texte (BRUNOT, Hist., 1.1, p. 491).
La lexicologie est la science des mots (ou des lexèmes : cf.
§ 138). Elle les étudie notamment dans leur origine (étymolo-
gie) et dans leur histoire, ainsi que dans leurs relations.
La sémantique (cf. b, 1°) a d'abord été rattachée à la lexicologie.
On a parfois considéré lexicographie comme un synonyme de
lexicologie. Mais aujourd'hui la lexicographie est la rédaction de réper-
toires de mots (dict., lexiques, etc.). Cf. § 139, R2.
Plus récemment, Bernard Quemada a créé dictionnairique pour l'étude des dictionnaires.
On distingue parfois la sémasiologie, qui part des mots, du signi- L a s é m a n t i q u e a d ' a b o r d é t é c o n s i d é r é e sur -
t o u t à p r o p o s d e s m o t s e t f a is a i t d o n c p a r t i e
fiant, pour en étudier la signification, — et Yonomasiologie, qui part
d e la l e x i c o l o g i e .
des concepts, des signifiés, pour voir comment la langue les exprime.
Comment désigne-t-on la tête en français ? Cette question ressortit à
l'onomasiologie. — Quelle est la signification du mot tête ! Cette question res-
sortit à la sémasiologie.
N . B . N e p a s c o n f o n d r e onomasiologie e t o n o m a s t i q u e , science des n o m s p r o -
pr es, qui se subdivise e n t o p o n y m i e , é t u d e des n o m s d e lieux o u topony-
mes, e t a n t h r o p o n y m i e , é t u d e des n o m s d e p e r s o n n e s o u antbroponymes.
REMAR QUE.
La stylistique étudie les faits de langue du point de vue de leur
L e s d ia lect es s o n t d e s p a r l e r s q u i n e s e r v e n t
p as d e l a n g u e c o m m u n e e t o fficielle e t q u i
expressivité.
n ' o n t p a s d e f o r m e u n i f i é e : ils v a r i e n t d e vil - Le locuteur a souvent le choix, pour exprimer une idée, entre plu-
l a g e à v i l l a g e . L e m o t p a t ois e s t à p e u p r è s sieurs mots ou procédés qui appartiennent à des registres ou à des
s y n o n y m e ; il p e u t d é s i g n e r l e p a r l e r d ' u n e
l o c a l i t é p a r t i c u l i è r e (« l e dialect e l o r r a i n » / « l e
niveaux différents (littéraire, courant, familier ; populaire, etc.) ou qui
p a t ois d e C u m i è r e s ») ; il s e c h a r g e f a c i l e m e n t expriment cette pensée avec des modalités variables (de façon neutre,
d'u n e n u a n c e p éjorative. — C'e st u n p ré j u g é péjorative, favorable, etc.).
sa ns f o n d e m e n t q u e d e c o n si d é r e r les dialec - La stylistique linguistique, qui a pour objet la langue commune,
t e s e t l e s p a t o i s c o m m e d e s a l t é r a t i o n s d e la
est à distinguer de la stylistique littéraire, qui s'occupe des choix faits
la n g u e. C e so n t les c o n ti n u a t e u rs s p o n t a n é s
d u la ti n , p o u r c e q u i c o n c e r n e l e f r a n ç a i s . — par les écrivains.
Les d ialect es n e d o iv e n t p a s ê tr e c o n f o n d u s Par opposition à la dénotation, contenu objectif, neutre, du mes-
a v e c l e s f r a n ç a i s r é g i o n a u x ; c f . § 1 2. sage, on appelle connotation ce que l'expression ajoute à ce contenu
Q u a n d o n p a r l e d u d o m ain e fra nçais o u d u objectif : des mots comme Nègre et Noir (pour désigner un homme de
d o m ain e d'oil, o n e n v i s a g e la l a n g u e fra n - race noire), gifle et soufflet (pour désigner un coup sur la joue), ont la
ç a i s e e t l e s d i a l e c t e s q u i s'y r a t t a c h e n t (s a n s même dénotation, mais diffèrent par la connotation.
t e n i r c o m p t e d e la f r o n t i è r e p o l i t i q u e ). On
u t ilis e d ' u n e f a ç o n a n a l o g u e d o m ain e occi - La pragmatique étudie les rapports entre l'usage fait de la lan-
t a n, d o m ain e esp a g n ol, e t c . C f . § 1 1, a . gue et la situation (y compris le rôle de ceux qui participent à la
La dialectologie e s t l'é t u d e d e s d i a l e c t e s.
communication).
REMAR QUE. E n d i s a n t : C' est Jean qui a cassé le carreau, j e présuppose qu'un carreau a
Jules Gilliéro n e t E d m o n d E d m o n t o n t p u blié é t é c a s s é e t q u e m o n i n t e r l o c u t e u r le s a i t . E n p r o n o n ç a n t la p h r a s e : Voudriez-
I7tt / as lin g uistiq u e d e la Fra nce (1 9 0 2 - 1 9 1 0). E n vous fermer la porte ? j e n'attends pas de m o n i n t e r l o c u t e u r une réponse (quoi-
r e p o r t a n t les f aits li n g u is t i q u e s s u r d e s c a r t e s, q u e la p h r a s e s o i t d e f o r m e i n t e r r o g a t i v e ) , m a i s u n a c t e .
o n p e u t d é c r i r e c e s f aits a v e c p l u s d e p r é c i s i o n
e t a ussi tir e r d e là d e s i n d i c a t i o n s i n t é r e ss a n t e s C) L a langue peut aussi être étudiée
sur l e u r h ist o ir e , q u e l' o n r e s t i t u e u n p e u
c o m m e la g é o l o g i e p e r m e t d e r e f a i r e l'h is t o ir e • Par rapport à la société : c'est la sociolinguistique ;
d e la T e r r e .
En s u it e , o n a f a it d e s a tl a s p a r r é g i o n s : C h a m -
• Par rapport à la psychologie des individus : c'est la
p a g n e e t Br i e , B r e t a g n e r o m a n e , Île - de - psycholinguistique ;
Fra nce + O rlé a n ais + T o urain e, C e n tre, O u est,
Lorrain e, Bo u r g o g n e , Fra nch e - C o m t é, N or - • Par rapport à d'autres langues : cf. ci-dessus, § 4 ;
m a n d i e , Pi c a r d i e . C e s r é g i o n s c o r r e s p o n d e n t
• Dans ses variations géographiques : français régionaux et
g r o ss o m o d o a u x d ivisi o n s d i a l e c t a l e s (c f . § 1 1 ,
a). — Il y a a u ssi u n A tlas lin g uistiq u e d e la Wal - dialectes £33 ; c'est la géographie linguistique, fondée par
lo nie ( p a r t i e r o m a n e d e la B e l g i q u e ). J. Gilliéron. 0 3
D Le moyen français.
Selon l'opinion traditionnelle, il va du milieu du XIV e s. à la fin du
XVI e . Certains choisissent des dates politiques : de 1328, avènement des
Valois, à 1589, celui des Bourbons. D'autres linguistes excluent le XVI e siècle.
La disparition de la déclinaison, plus précisément la disparition
du cas sujet, est le phénomène le plus caractéristique du moyen fran-
çais. On met cela en rapport avec le fait que l'ordre des mots perd
progressivement la liberté qu'il avait en ancien français : la place du
sujet est de plus en plus devant le verbe.
Les radicaux variables de l'ancien français sont souvent réuni-
fiés, dans les noms, dans les verbes, dans les possessifs, et aussi dans
les ordinaux, qui sont refaits sur les cardinaux : troisième, quatrième,
etc. au lieu de tiers, quart...
Autres phénomènes : le pronom personnel sujet devient
obligatoire; l'article aussi; l'article partitif apparaît; le système
moderne du démonstratif s'établit. Il y a aussi des changements pho-
nétiques (l'orthographe restant telle quelle) : amuïssement de [s], des
voyelles en hiatus et des consonnes finales ; réduction des groupes à
un seul son (eau, an, etc.).
• H L e f r a n ç a i s m o d e r n e ( X V I I e - X X e s ).
b) Par la suite, le français n'a fait qu'accroître son rôle, servant depuis
la période du moyen français à des œuvres plus nobles, s'épurant
de ses traits régionaux, de plus en plus parlé et non seulement écrit.
Surtout depuis la Révolution française, et notamment à cause de
la conscription et de l'enseignement obligatoire, il a évincé les dialec-
tes, même dans l'usage parlé familial et quotidien : certains d'entre
eux ont quasi disparu ; d'autres restent vivants, comme le wallon en
Belgique francophone (avec une importante littérature). Mais par-
tout en France (ainsi qu'en Belgique francophone) le français est la
langue officielle et aussi la langue commune, nécessaire pour les
échanges entre gens venant des différentes provinces ou régions.
Le pléonasme.
Le pléonasme est le fait d'exprimer plusieurs fois, volontaire-
ment ou non, la même information dans la phrase. On dit aussi
tautologie dans un sens voisin.
Les exemples donnés ci-dessous concernent le pléonasme lexical : la même idée
est exprimée par des termes dont la fonction grammaticale est différente. Si les termes
ont la même fonction (en dehors de la coordination, envisagée dans e), le pléonasme
est grammatical ; nous en traitons plus loin (§§ 370-374) sous le nom de redondance.
a) Le pléonasme est tout à fait admissible quand il sert à donner à
l'expression une force particulière. E U B 9 H IS T O R I Q U E
Je l'ai vu de mes propres yeux. LUI II RÉPÈTE dix fois la MÊME chose (Ac. C f . d é j à , c h e z MOL. : Je l'ay ve u, dis - je, ve u, d e
depuis 1694). m es p ro p res ye u x ve u, / C e q u'o n a p p elle ve u
(T art., V , 3).
b) Le pléonasme critiquable est le pléonasme vicieux, qui n'ajoute
rien à la force de l'expression. 0 0 E S B L L H IS T O R I Q UE
°Un petit nain. °Reculer en arrière. °Sortir dehors (cf. § 1064, b). °Une ADJONC- L e p l é o n a s m e était t o u t à fait c o u r a n t d a n s la litté -
TION d' eau SUPPLÉMENTAIRE.CJ'ai mal à MON ventre. — "Né natif (cf. H7) : Je suis ra t u r e m é d i é v a l e , e n c o r e p r o c h e d e la l a n g u e par-
lé e, e t m ê m e a u X VI'' s. : Ph elip p es I...] ISSI
bretonne, NÉE NATIVE de Josselin, Morbihan (P.-H. SIMON, Ebinfor, p. 236). [Par-
[ = S O R T I T ] HOR S d e so n p avillo n (FROISS., C hro n.,
fois employé par plaisanterie.] S. H. F., t. IX, p. 41 ). - A p roch és p rès (J. MICHEL,
Des pléonasmes ont échappé à des auteurs de renom : Je descendais dans la val- Passio n, 5 2 1 4 ) . — JOIGNONS d o n e q u es ces fle urs
lée, je m' élevais sur la montagne, appelant de toute laforce de mes désirs l'idéal objet d' une de H z ENSEMBIE (I.EMAIRE DE BEIC ES, C o ncor d e d es
flamme [= amour] future ;je l' embrassais dans les vents ;je croyais l' entendre dans les d e u x la n g a g es, p. 45). — H z 1= d es p rése n ts! n e
f e ure n t re p e e u z p ar TROP estre EXCESSIFZ ( R A B . ,
gémissements du fleuve : tout était ce FANTÔME IMAGINAIRE (CHAT., René, Pl.,
G arg., é d . p rince p s, XLVIII). — V o ula n t [ . . . ) A C C R O Î -
p. 129). — C' est ce queje demande, s' écria-t-eUe, en SE LEVANT DEBOUT (STENDHAL, TRE v o z p asse t e m ps DAVANTAIGE (ID., Pa n t., Prol.).
Rouge, 1,19). — L ' une des SOMMITÉS LES PLUS IMPORTANTES du monde aristocra-
tique (BALZAC, Goriot, texte des premières éd, corrigé ensuite : cf. éd A., p. 339).
— Ouverture du puits de l' INFINI SANS BORNE (HUGO, Lég., X X I I , 1). — Un PETIT
NAIN difforme (S.-BEUVE, Mes poisons, p. 52). 003 — Tant de grains PAR CHAQUE D L U S H IS T O R I Q UE
plat (ZOLA, I V Pascal, X). — H S'ASSEYAIT SUR SON SÉANT (ARAGON, Semaine Po u r p e tit n ain, v o ir d é j à PERRAULT, C o n t e s, B e l l e
sainte, L. P., t. II, p. 182). — C' est pour nous la POSSIBILITÉ si désirée de POUVOIR a u b o is d o r m a n t ; J. -J. Ro uss., C o n f., Pl., p. 1 4 1.
mettre nos lecteurs au courant (M. ROQUES, dans Romania, 1948-1949, p. 252).
Par imitation consciente de la langue populaire : Ce serait tout à fait PAREIL LA
MÊME CHOSE (CLAUDEL, dans le Figaro litt., 7 août 1948).
E S US AUTRES EXEMPLES
Marcher (ou marche) à pied a des répondants tellement célèbres qu'il est fort
D e m arch er à pie d : [Boss., Polit, X, II, 5 ; MOL.,
difficile de traiter sévèrement ce pléonasme (qui n'en est peut-être plus tout à fait D . lu a n, III, 4 ; LA BR., D isc, sur T h é o p hr. ; VOLT.,
un puisqu'on dit : marcher sur les mains, sur les genoux) : Au milieu d' une horde de Précis d u siècle d e Lo uis XV, X X V ; J.-|. Ro uss.,
tout âge et de tout sexe, MARCHAIENT À PIED les gardes-du-corps (CHAT., Mém., I, V, C o n f., VIII] ; STENDHAL, C orresp , t. IV, p. 77 ; GAU-
10). — Ufaisait volontiers de longues MARCHES À PIED (HUGO, Misér., 1,1,13). E f J TIER, C a p . Fracasse, V I ; PSICHARI, A p p el d es ar m es,
II, 8 ; TROYAT, T a n t q u e la t erre d urera..., p. 8 2 4 ;
De temps joint à un nom exprimant la durée (heure, mois, etc.) forme un DUHAMEL, CRI d es p ro f o n d e urs, p. 1 2 8 ; CHAM-
« pléonasme du style familier, mais [...] fort usité » (Bescherelle, s. v. heure) : SON, La n eig e e t la fle ur, p. 2 1 4 ; CESBRON, U n e
Jamais je ne vous ai fait une infidélité, et cela en cinq ANNÉES DE TEMPS [dit la se n tin elle a tt e n d l'a urore, p. 1 0 0 ; BEAUVOIR,
duchesse] (STENDHAL, Cbartr., XVI). — En une demi-HEURE DE TEMPS, à peine Ma n d arins, p. 2 7 8 ; e tc. — D e m arch e à pie d :
DANIEL-ROPS, Pé g uy, p. 5 5 ; G. FRIEDMANN, d a n s le
si le caporal et Fabrice avaient avancé de cinq cents pas (ib., IV). — En deux MOIS
Mo n d e, 9 m a i 1 9 7 3 ; GUILLOUX, Ba t ailles p er d u es,
DE TEMPS la duchesse ne lui répondit qu ' une fois (ib., XXIII). — En deux HEURES
p. 2 9 0 ; DUTOURD, H orre urs d e l'a m o ur, p. 2 3 5 ;
DE TEMPS, il dépensa trois ou quatre francs (BALZAC, lllus. perd., Pl., p. 605). — J e Gra n d Lar. e nc., 2 e su p p l., s. v. pié t o n nier.
suis d'avis, moi, qu ' en quelques MOIS DE TEMPS, l' on pourra racheter les créances (LD.,
E. Grandet, G.-F., p. 99). G 3 — Quoiqu'ils ne citent pas d'ex, du X X e s. (sauf
C O I 1 3 H IS T O R I Q UE
un : voir ci-dessous), le Trésor, s. v. temps, et le Rob. 2001, s. v. heure (mais comme Ex. a n t é ri e u rs : Les chie ns e t les g e ns / Fire n t plus
vieux s. v. temps) signalent le tour sans réserves. Selon Rézeau, pp. 963-964, il a de dégât en une HEURE DE T E M P S / Q u e n'e n
pris un caractère régional et il est surtout en usage dans l'Ouest et dans la région a u r a i e n t fait e n ce n t a ns / T o us les Lievres d e la
lyonnaise (ainsi qu'en Wallonie et au Québec). Voir cependant Bauche, p. 150, Province (LA F., F, IV , 4). — *C e u x q ui [...] a m use n t
une co nversa tio n pendant deux HEURES DE TEMPS
ainsi que ces ex. : V'ià une demi'-HEURE DE TEMPS que j'y ai fichu la barbaque
(MONTESQ., L. p ers., cit. Ro b ., s. v. a m user). — En
[= viande médiocre] (BARBUSSE, cit. Trésor). — Elle avait réussi [...] à écrire sur une d e m ie HEURE DE TEMS o n lui p rê t a cin q u a n t e
le tard trois livres en trois ANS DE TEMPS (Anne PONS, dans le Point, 21 juin 1982, m illio ns (VOLT., Le ttres p hil., X). — *L' A m o u r
p. 106). — De temps n'est pas toujours pléonastique : En cette journée bien arrosée m é d e c i n est u n i m p ro m p t u fait p o ur le roi e n cin q
[par la pluie], il y avait eu [dans une partie de tennis] 2 heures 29 minutes de jeu I O U R S DE TEMPS ( I D . , cit. Littré, s. v. i m p ro m p t u).
C H A P I T R E II
L e s signes g r a p h i q u es
C H A P I T R E III
Les m o ts
CHAPITRE I
LES SONS
S e c t i o n I
Généralités
P r o d u c t i o n e t c a t é g o r i e s d e s sons.
Les sons du langage sont produits par l'expiration de l'air
venant des p o u mo n s . O L'ensemble des mouvements qui M REMAR QUE.
règlent la disposition des organes p o u r la p ro d u ctio n de cha- Il e x is t e a u s s i d e s s o n s inspirés ( o u clics) : ils
c o r r e s p o n d e n t à u n m o u v e m e n t d e succio n.
que son est l'articulation. « Le fra nçais a u n t inspiré p o u r e x p ri m er le d o u t e
o u attirer l'a tt e n tio n ; e n inspirant u n t alv é olair e
Le souffle ou courant d'air expiratoire est chassé des poumons, traverse la
o n m a r q u e l'a d m ira tio n , la surprise ; l'inspiratio n
trachée-artère et arrive dans le larynx, où se trouvent les cordes vocales, qui sont d e f e x p ri m e t a n t ô t la satisfactio n d u g o u r m e t, tan -
deux paires de replis membraneux bordant une fente appelée glotte. Si la glotte t ô t la se nsa tio n d'u n e ff o rt o u d'u n e d o u le u r viv e
est fermée, le souffle force le passage et fait vibrer les cordes vocales : il produit et l é g è r e ; le m o t o ui, q u a n d il s'a git d'u n « o u i »
d o u t e u x o u co m p laisa n t, est so u v e n t p r o n o n c é
alors un son sonore (b, d, g, etc.) ; si la glotte est ouverte, il passe librement, sans
p a r inspiratio n, e t d e m ê m e l e m o t n o n, q u a n d il
faire vibrer les cordes vocales : dans ce cas, il produit un son sourd (p, t, k, etc.). La est dit à voi x b asse et n é g li g e m m e n t. » (V e n d ry e s,
glotte franchie, le souffle débouche dans le pharynx, d'où il s'échappe, soit par la La n g a g e, p. 3 9 .) — V o ir aussi § 31, à propos d e h.
bouche, soit par le nez, soit par la bouche et par le nez à la fois, suivant que le voile
du palais est relevé, abaissé ou maintenu dans une position intermédiaire. La lan-
gue, les dents, les lèvres et le palais jouent aussi leur rôle dans la formation des sons.
Les sons se divisent en deux catégories : les voyelles (§ 22) et
les consonnes (§ 30), auxquelles se rattachent les semi-voyelles (§ 35).
O n appelle amuïssement d'un son le fait qu'il n'est plus prononcé, qu'il
devient muet : le [f] de bœuf s'amuït au pluriel.
Phonétique et phonologie.
Les deux points après une voyelle signifient que cette voyelle
est longue : gémir feemÙR], alors [aloiR], monseigneur [ m ô s e j i o e i R ] ,
Un autre système assez répandu, notamment dans les travaux de dialectologie, est
l'alphabet Rousselot-Gilliéron. Il est plus proche de l'orthographe ordinaire du français
et des signesfigurantsur le clavier d'un ordinateur ; il marque mieux la parenté des voyel-
les ne différant que par l'aperture (cf. § 26) : comparez [é] - [è] à [e] - [e], [6] - [6] à [o] - [o].
La syllabe.
Syllabation graphique.
a) On doit parfois couper un mot dans l'écriture, notamment
quand il n'y a pas assez de place au bout d'une ligne pour écrire
le mot entier.
Cette division se fait en tenant compte des syllabes. Mais tantôt cela
est conforme à la syllabation phonétique, et tantôt non, notamment à
cause de l'e muet, qui disparaît souvent dans l'oral, alors qu'il constitue
une syllabe dans l'écrit : dé-te-nir [det-niR] ; — à cause de certaines lettres
redoublées, qui ne font qu'un son unique et qui sont pourtant réparties
en deux syllabes dans l'écrit : ap-pel [A-pel] ; — et aussi parce que la syl-
labe phonétique peut chevaucher sur deux mots graphiques (§ 19).
Phénomènes divers.
L assimilation est le phénomène par lequel un son communi-
que une ou plusieurs de ses caractéristiques à un son du voisinage :
cheval prononcé ° [ 3 VA 1 ] ; cf. § 36, b.
La dissimilation est la différenciation de deux sons qui
voisinent : le premier [R] de corridor changé en [1] dans °colidor.
La métathèse est une permutation de sons : °infractus au lieu
d'infarctus.
Une terminologie plus rigoureuse utilise des termes différents, selon que les
phénomènes signalés ci-dessus se produisent entre des sons contigus ou non
contigus : dilation, assimilation à distance : différenciation, dissimilation de sons
contigus : interversion, permutation de sons contigus.
S e c t i o n 2
I. LES VOYELLES
B Définition.
O n appelle voyelles des sons produits par les vibrations BHMiBESM RFMAROUF
des COrdeS vocales, l'air s'échappant sans avoir été arrêté OU Le vocalis m e d u français est le systè m e form é
freiné nulle part. 0 P a r s e s v ° y e l l e s - - V ocaliq u e signifie « qui
r c o n c e r n e les voyelles ».
Cette définition ne distingue pas absolument les voyelles de certaines
consonnes que l'on prononce avec vibration des cordes vocales et sans arrêt
de l'air expiré (par ex., [1]). Certains linguistes préfèrent définir la voyelle en
disant qu'elle peut à elle seule constituer une syllabe : oser [o-ze]. Cf. § 30.
Les voyelles peuvent aussi constituer à elles seules un mot : a, à, hait, es, y, ou,
œufs [0], on, an, hein, etc. — Ceci explique pourquoi on désigne les voyelles par un
nom qui reproduit leur prononciation -.Uni mal écrit, tandis que l'on désigne les con-
sonnes par un nom contenant la consonne et une voyelle : b [be], / [ef]. Cf. § 86.
ANTÉRIEURES POSTÉRIEURES
[il si
Non labiales [e] dé [e] m er [ê] pin
[a] date
[y] vu [u] ou
Labiales [0] f eu [œ] leur [œ] un [0] ose [D] note [5] on
LE £ MUET
A ! | K £ J 1 H IS T O R I Q UE
En a n c. fr., e é t a it t o u j o u rs p r o n o n c é et, se m ble -
Util Caractéristiques. Q t -il, a v e c u n t i m b r e asse z p r o c h e d e [e] o u d e [E].
C 'e s t e n m o y e n fr. q u'il s'a m u ït a p r è s v o y e ll e , e t
L e [a], t r a d i t i o n n e l l e m e n t a p p e l é e m u e t , a d e u x c a r a c t é r i s t i - a u X V II e s. a p r è s c o n s o n n e . — Le s lin g uist es dis-
q u e s , s o n t i m b r e ( v o i r c i - d e s s o u s ) e t le fait q u ' u n c e r t a i n n o m b r e d e c u t e n t sur l e p o i n t d e s a v o ir si c'e s t e n c o r e u n
p h o n è m e o u non.
e m u e t s s o n t sujets à a m u ï s s e m e n t (§ 2 9 ) . G B
La qualification de muet est peu exacte, puisque cet e ne tombe jamais dans des mots E U E l REMAR Q UE
comme grEdin, brEbis.fermEté. En insistant tantôt sur l'une, tantôt sur l'autre de ses carac- D a n s l e s f o r m e s e t l e s d é r i v é s d e faire, ai d e
fais - s e p r o n o n c e [s] (c f . § 8 6 0), l e q u e l e s t sus-
téristiques, on a proposé de l'appeler e caduc ou instable, e arrondi, e féminin (pour son rôle
c e p t i b l e d e s'a m u ï r , m a i s « s e m a i n t i e n t
dans la morphologie), e sourd, e inaccentué, etc. Aucune de ces désignations n'est pleine-
s o u v e n t » (WARNANT, D ict. d e la p ro n o nc. fr.).
ment satisfaisante. Aucune n'est entrée dans l'usage général La plus employée reste e muet.
L e n o m faisa n, p a r a n a l o g i e a v e c faisa n t, a
Certains linguistes reprennent à la terminologie de l'hébreu le terme cbva (parfois cbwa). a d o p t é la p r o n o n c i a t i o n [s], c r i t i q u é e e n c o r e
N o t o n s que la lettr e e est a b s o l u m e n t m u e t t e dans des m o t s c o m m e p a r Lit t r é ; l' a m u ï s s e m e n t s e m b l e r a r e . — D e s
[ œ ] o u d e s [0] s'a m u ï s s e n t d a n s la l a n g u e
eut [y], eusse [ys], asseoir [ASWAR], seau [so], geai [3e], mangeant [mÔ3â], geôle
n é g l i g é e : m o nsie ur p r o n o n c é " [ m s j o ] (v o i r
[30:1], gageure [gA3y;R], douceâtre, fean, Caen, etc. I T 1 § 6 0 7 , d ) ; d éjt u n er °[de3ne] ; p e u t - ê tre [p t e t]. —
Q u a n d e m u e t se p r o n o n c e , il n'a pas t o u j o u r s le m ê m e t i m b r e , soit P a r f o i s a u ssi [e] o u [e] : d a n s d éjà ; d a n s lessive
( A u v e r g n e , B o u r g o g n e , W a l l o n i e , e t c .) ; d a n s
q u e l'on considèr e les différentes p o s i t i o n s de c e t t e voyelle, soit, s u r t o u t ,
ce t, e t c . , § 6 1 5, a ; d a n s c'est arrivé [stARive].
lorsqu'on t i e n t c o m p t e des diverses régions.
On considère généralement qu'il est intermédiaire entre [œ] et [0]. À Paris, [s] E U E U REMAR Q UE
Le s r e c t ific a t i o n s d u C o n s e i l s u p é ri e u r d e la lan -
se rapproche plutôt de [0], mais avec une articulation moins nette : moi-le rime avec
g u e f r a n ç a is e (cf. § 90, e) p r o p o s e n t d'é c r i r e
moelleux dans une chanson de M . CHEVALIER ( L à- b a u t ), que avec qu ' eux dans une assoir e t d o uçâ tre sa ns e e t d'a j o u t e r u n t r é m a
chanson de G. BRASSENS (La mauvaise réputation). d a n s g a g e ure.
REMAR QUE. m Quand se prononce e m u e t (devant consonne).
Su r l'a ll o n g e m e n t q u 'e n t r a î n e l'a m u ïss e m e n t d e
Nous n'envisageons ici que le e muet devant consonne ; devant voyelle il s'élide
e , v o i r § 2 7. — E n B e l g i q u e e t e n Su iss e , la l a n g u e
s p o n t a n é e i n tr o d u it u n e se m i - v o y elle : ai m é e normalement, selon des modalités étudiées au § 44, a.
[e m eij], Lucie (lysi:j | . D a n s u n d e ses p o è m e s
a r d e n n a is (Aie., M a r i e ), A p o l l i n a i r e f ait ri m e r a) Derrière voyelle, e est toujours muet. EU
M a r i e a v e c fille e t sa u tille.
Ce n'est guère que dans la poésie chantée que e est prononcé à la
• U S E E S REMAR QUE. fin du vers quand il porte une note : Chagrin d'amour dure toute la viE.
C e r t a i n s p o è t e s s e t ir a i e n t d 'a f f a i r e e n m o d i -
fi a n t l' o r t h o g r a p h e (l i c e n c e p o é t i q u e ) : U n A l'intérieur des vers, la prosodie stricte n'autorisait pas qu'un
vie u x pira t e g r e c l'avait TROUVÉ g e n tille (MUSSET, groupe voyelle + e muet soit suivi d'une consonne. Manière étrange
Pre m . p o és., N a m o u n a , III, 6 ). — Q u ' o n V O Y E sur de concilier la règle prosodique selon laquelle les e muets comptaient
le ur sein t o u t g o n flé d e d o ule urs / [...] (ID., Po és.
pour la mesure du vers (b, 2°) et la réalité phonétique, selon laquelle e
p ost h., A M a d a m e X***). — T u m'ouBLÎRAS d a ns
les plaisirs (HUGO, O d es e t b ail., O d e s , V, 1 ). — ne se prononce pas après une voyelle ! É:»<
Et t u le SUPPLÎRAS, e t t es ple urs sero n t vains (LEC.
Le plus sage est de suivre la prononciation et de tenir pour non fon-
DE LISLE, Po è m es a n t., C l a u c é , III). — BRASSENS
s e c r o i t e n c o r e o b l i g é d ' é c r i r e lié's p o u r f a i r e dée l'interdiction traditionnelle : Il ne m' oVBLIERA point pour la Cham-
ri m e r lié es a v e c b ach eliers (c i t é d a n s l e Bull. bre des lords (HUGO, Cromw., III, 3). — Mes rêveuses PENSÉES pieds nus
Aca d . roy. la n g u e e t litt ér. fr. [ d e B e l g .], 1 9 9 9 , vont en soirée ( A P O L L I N . , Aie., Palais). — [...] / De la J O I E d' exister, plus
p. 1 4 5 ). - C f . a u ssi § 1 0 0 6 , R1 5.
fraîche que la mer (ÉLUARD, Choix de poèmes, L. P., p. 4 0 4 ) .
Il n'e s t p a s m o i n s artificiel d e f a ir e c o m p t e r c e t
e : Fait es e n s o r t e / Q u ' o n v o u s VOIE. — Merci, dit
l'é tra n g er. La p ort e / Re t o m b a le n t e m e n t d er - b) Derrière consonne.
rière lui (MUSSET, Pre m . p o és., Po r t i a , II). — N ulle
d es ny m p h es, n ulle AMIE, n e m'a ttire (VALE'RY, 1° Lorsque la chute de l'[a] aurait pour résultat une suite de conson-
Po és., Fr a g m . d u N a rciss e , l). nes difficilement prononçable, il se maintient. Ces consonnes peu-
vent appartenir à un seul mot ou bien à un syntagme : mercrEdi,
E U E U REMAR Q UE
L a p r o n o n c i a t i o n [ o t R f w a ] d o n n é e p a r l e T ré -
autrEfois G3, quelquEfois, entrEprise ; un risquE grave, vers IE but.
sor d o i t ê t r e u n e s i m p l e f a u t e d 'i m p r e s s i o n . Les linguistes ont essayé d'exprimer cela sous forme de loi, la « loi des
trois consonnes » : e serait nécessaire pour éviter la succession de trois con-
H & 4 È M M » REMAR Q UE
Il a r r i v e q u e la l a n g u e f a m i l i è r e o u p o p u l a i r e
sonnes. Mais les exceptions sont nombreuses ; dans pas de scrupules, on a
i n t r o d u i s e u n [s] d e s o u t i e n q u i n e c o r r e s p o n d même quatre consonnes : [pAdskRypyl]. Fouché propose ceci : [s] « se conserve
p a s à u n e d a n s la g r a p h i e : b o urg m estre pro - lorsqu'il est précédé de deux ou trois consonnes prononcées » ( T r ai t é , p. 97).
n o n c é [buRgamestR], arc - b o u t a n t [ARkabutS], Mais ici encore il y a des exceptions : l'e peut s'amuïr dans parcB que, garderie,
o urs b ru n [uRsabRœ], u n t act très d élica t portemanteau ; inversement, il se maintient dans un chEvron, un dEgré. E33
[ t A k t s ]. C e s p r o n o n c i a t i o n s p e u v e n t ê t r e évi -
t é e s si l' o n m é n a g e u n e l é g è r e p a u s e à l'in t é -
[a] se conserve ordinairement devant r, l, n ou m suivis de yod :
rie ur d u m o t o u d u sy n t a g m e . chantErions, atElier, soutEnions, nous sEmions.
REMAR QUE. Sur le maintien du [s] quand il y a disjonction, notamment devant l'h dit
Il y a d e s d i f f é r e n c e s s e l o n l e s r é g i o n s p o u r l e aspiré ( d e va n t LE hangar), voir § 47, N. B.
t r a i t e m e n t d e l'e m u e t . E n B e l g i q u e , p a r e x .,
o n se disp e nse d'h a b it u d e d e p r o n o n c e r u n
2° A la finale et à l'intérieur des mots, [a] tombe (sauf application
[s] d e s o u t i e n d a n s l e s e x . c i t é s d a n s R4, a i n si du 1° ci-dessus) : Tous meurEnt, charrEtier. E S
q u e d a n s ch a n t erio ns, so u t e nio ns. — D a n s l e
Dans la poésie traditionnelle, à l'intérieur du vers (mais non à la
Mi d i, o n articule g é n é r a l e m e n t p r e s q u e t o us
l e s e m u e t s d e r r i è r e c o n s o n n e : C h arre tier. fin), tous les e muets se prononcent derrière consonne (sauf naturel-
Bo n n t m è n ! —Alors, m o n Rai m u : « T a MERR' ! lement lorsqu'ils s'élident devant voyelle) : CE toit tranquille, où mar-
t a M E R R ' q u'es aco, ta M E R R ' . TU ne peux p as chEnt des colombes, / EntrE les pins palpite, entrE les tombes ; / Midi lE
dire t a MERREU ! co m m e t o u t le m o n d e ! » (J. - P.
juste y composE dE feux / La mer, la mer, toujours rEcommencée
C H A B R O L , Re b elles, p. 342.)
( V A L É R Y , Poés., Cimetière marin), d
K 3 9 E S I REMAR Q UE
D a n s la p o é s i e c h a n t é e , e m u e t à la fin d u v e r s
3° Le [a] qui se trouve dans la première syllabe d'une phrase ou d'un
p o r t e s o u v e n t u n e n o t e e t s e p r o n o n c e a l o rs syntagme se maintient plus facilement : T E souviens-tu de lui ?
n é c e s s a i r e m e n t : Malb ro u g h s'e n va - t - e n g u ern.
Cependant, [a] s'amuït souvent quand il est précédé d'une
fricative : Je t 'ai vu l3tevy], Ce n ' est pas vrai [snepAvne].
Dans les noms de lieux et de personnes, le e de la syllabe initiale
est généralement articulé, même à l'intérieur d'un syntagme : J 'ai lu
cela chez REnan. Un des LEfèvre est absent. J 'ai logé à SEdan. — Mais [a]
s'amuït souvent dans GEnève. — Sur le de nobiliaire, voir § 1052, c, R4.
4° Quand plusieurs syllabes contenant des e muets se suivent, on
ne garde qu'un e muet sur deux : Je te le recommande
[3talRakomâd] o u [33tlaRkomâd].
N. B. 1. Les règles données ci-dessus concernent la conversation courante.
Le registre soutenu garde plus de [a] : par ex., un cours, une homélie,
un discours solennel.
Même dans l'usage quotidien, [a] se maintient si l'on insiste, ce que
QUENEAU rend de façon plaisante : Que ça te plaise ou que ça NEU TEU
PLAISEU pas, tu entends ?je m' en fous (Zazie dans le métro, II) ; — si l'on
crie : Revenez ! — si l'on répète un mot que l'interlocuteur a mal
compris ; — ou encore si l'on utilise un mot plus ou moins rare.
Inversement, un langage rapide ou relâché escamote des e muets qui se
maintiennent d'habitude.
La langue populaire ou très familière réduit parfois le nombre des con-
sonnes groupées à la suite de l'amuïssement de [s] : parce que prononcé
° [ p A s k a ] ; sur le banc °[sylbô] ; quelquefois [kekwA] ; autrefois [otfwA],
II. LES CO N S O N N E S
ESI Définition.
L e s c o n s o n n e s sont des bruits de fro t t emen t o u d'explo-
s i o n p r o d u i t s p a r le s o u f f l e q u i , p o r t a n t o u n o n les v i b r a t i o n s
des c o r d e s vocales, r e n c o n t r e d a n s la b o u c h e divers o b stacles
r é s u l t a n t d e la f e r m e t u r e o u d u r e s s e r r e m e n t d e s o r g a n e s .
Suites consonantiques.
On parle de géminées quand il y a succession de deux conson-
nes identiques.
Dans la prononciation il n'y a pas véritablement deux consonnes :
pour les deux b de r o B e Bleue, il n'y a qu'une seule fermeture et qu'une
seule ouverture du canal, mais le délai entre les deux opérations est
plus long que pour une consonne ordinaire.
La gémination est un fait général quand la rencontre de deux con-
sonnes est due à la succession de deux mots, ou à la disparition d'un e
muet ou à l'addition d'une désinence ou d'un suffixe : me R Rouge, /«-
DeDans, couKRai.
La gémination est fréquente aussi, dans le niveau soutenu, avec le
préfixe in- et ses variantes : illégal, inné, irréel. La prononciation par
une consonne simple est correcte cependant.
Il est plus affecté de recourir à la gémination à l'intérieur de mots
savants comme addition, syllabe, collègue, grammaire, sommité, canni-
bale, littéraire, etc.
Il n'y a pas de gémination dans les mots du fonds primitif (§151) comme
E L RAI REMARQUE abbé, donner, classer, attendre, etc. U |
Il est étonnant d'entendre si souvent en Sur la gémination dans Je L 'ai vu, voir § 659, d, 1° ; sur la gémination
France un nom d'emprunt comme H olla n d e expressive (C'est Dégoûtant), voir § 458.
prononcé avec gémination.
b) Si deux consonnes qui se suivent sont l'une sourde et l'autre
sonore, la première s'assimile à la seconde, mais du point de vue
de la sonorité seulement ; elle garde sa force articulatoire.
Dans méDecin ou dans voGUe passagère, le [d] et le [g] s'assourdis-
sent, c'est-à-dire se prononcent sans vibration des cordes vocales, mais
ils restent des consonnes douces (cf. § 32, a) ; dans anecdote ou dans
rouTe droite, le [k] et le [t] se sonorisent, c'est-à-dire se prononcent avec
vibration des cordes vocales, mais ils restent des consonnes fortes.
Une assimilation complète, °[metsê], "Unegdot], etc., est généralement
considérée comme incorrecte, sauf pour [b] et [d] quand ils sont suivis immé-
• 3 9 E S REMARQUE. diatement (sans e muet) d'une sourde : obtenir [optsniR],
Au Québec, ch eval est prononcé dans le L'assimilation de la seconde consonne à la première, cheval prononcé
peuple "fewal], ce qui a donné son nom au °[JÏA1], est tenue aussi pour fautive.
parler populaire local : le jo u ai.
On critique le passage de [s] à [z] devant m dans mécanisme, etc. ;
devant r dans Israël.
c) La langue populaire, à peu près partout, réduit au premier élé-
ment les groupes consonantiques finaux dont le deuxième élé-
ment est roui : quatre prononcé °[kAt] ; souffle prononcé °[suf],
A l'intérieur d'un syntagme, cela appartient simplement au regis-
tre familier : Votre papa [vot PAPA]. Dans le nom composé quatre-
quatre (§ 597, d, 1°), la prononciation [kAt] pour le premier élément est
à peu près générale.
Devant voyelle, le groupe reste intact : Quatre amies.
Autres réductions populaires : -isme, -iste prononcés °[is] dans communisme,
communiste, par ex. ; — ex- prononcé °[ES] devant consonne : dans exclure, par ex.
Secti o n 3
Phonétique syntactique
Définition.
La phonétique syntactique (ou syntaxique) étudie des faits phoné-
tiques dus à l'environnement et, parfois, au rôle des mots dans la phrase.
Ce que nous avons dit de l'e muet (§ 29), des rencontres de consonnes
(§ 36) concerne en grande partie la phonétique syntactique. — Certains mots ont
des prononciations différentes selon leur place ou leur rôle dans la phrase : par
ex., les numéraux cardinaux (§ 591, c), tous (§§ 637 et 766), donc (§ 1033, N. B.).
L 's de plus est prononcé quand il s'agit du terme de mathématiques : Deux
PLUS deux font quatre. Il est amuï : 1) quand plus est l'auxiliaire de la négation
(§ 1016) : Je n 'ai PLUS faim ; 2) quand plus adverbe de degré est placé devant un adjec-
tif ou un adverbe (§ 983, a) : Il est PLUS grand. Elle s' est levée PLUS tôt. Mais, dans ces
deux cas, un [z] s'introduit devant une voyelle, c'est le phénomène de la liaison (§§ 41-
43) : Je n 'ai PLUS envie de rire. Elle est PLUS habile.
Dans les autres situations — devant de et que (Il a PLUS de peine. S J II mange M E E 3 I R E M A R Q UE
PLUS qu 'il ne faut) ; à la fin d'un groupe syntaxique (C' est lui qui travaille le PLUS) ;
Si plus d e e s t s u ivi d ' u n n u m é r a l (Pl u s d e d e u x
dans les locutions adverbiales en PLUS, de PLUS, sans PLUS, etc. — , l'usage est moins
jo urs), o n p r o n o n c e [p l y]. — I n v e r s e m e n t , o n
fixé : on constate une forte tendance à prononcer l's, contrairement à ce que souhai- d it t o u j o u r s [ p l y s] d a n s le plus - q u e - p arfait.
tait Littré. Cela correspond à un phénomène plus général (cf. § 78). En outre, la fré-
quence de l'effacement du ne dans la langue parlée (§ 1022) rendrait une phrase H E U O R E M A R Q UE
comme Je l'aime plus [ply] (= davantage) tout à fait ambiguë. D a n s u n d é b it ra p i d e o u r e lâc h é , les locu t e u rs
r é d u i s e n t p a r f o i s l e s m o t s o u les s y n t a g m e s
Les faits les plus complexes concernent les variations que d e f a ç o n p l u s o u m o i n s o c c a s i o n n e l l e , e t les
divers mots connaissent selon qu'ils sont suivis d'une voyelle ou é l é m e n t s d i s p a r u s f o n t e n q u e l q u e s o r t e par -
t i e d e la c o m m u n i c a t i o n ; si o n f a isa it r é p é t e r ,
d'une consonne : voir §§ 41-50. J3J la p h r a s e p r e n d r a i t sa f o r m e c o m p l è t e . D e s
En dehors de l'accent d'insistance (§ 39, b), nous traitons ailleurs des h a p l o l o g i e s ( § 1 9) f a v o r i s e n t c e s r é d u c t i o n s ,
q u i p e u v e n t e n t r a î n e r d e s a ssi m il a t i o n s ( § 2 1 ).
procédés phonétiques de la mise en relief : § 458. D es b e a u x céleris, m'a m e C oin tre a u ! [= ma -
d a m e ] (FRANCE, C rain q u e bille, V I.) — Rosin e.
LA PAUSE ... m oi u n e cig are tt e allu m é e... [ = D o n n e - m oi...]
(H . BATAILLE, Polich e, NI, 2 .) - Villiers. Bo nsoir,
m a d a m e. / Fa n ny. ...soir (). SARMENT, C o uro n n e
Les pauses, arrêts dans le débit. d e cart o n, 11). — 'ta /s a v e c d es co p ains [= J'é t ais...]
(IKOR, T o urniq u e t d es in n oce n ts, p. 5 0). — C h ais
Les pauses importantes coïncident avec la fin d'une phrase ; elles sont bie n [= J e sais b i e n] (CL. BRÉTE< I IER, Frustrés, t. IV ,
d'ordinaire indiquées par un point dans l'écriture. — Les pauses moyennes p. 5). — V o ir aussi § 234, ri. — Su r les r é d u cti o n s
marquent les principales articulations d'une phrase un peu longue, déta- d'est - ce q u e, v o ir § 398, b . — L'i n ci d e n t e n'est - ce
p as ? à p e u près v i d é e d e sa sig nificatio n, est sou -
chent certains éléments secondaires, purement explicatifs (par ex. l'épithète
v e n t r é d u it e e ll e aussi : C ro uille - t oi p o ur la m usi -
détachée, cf. § 332), isolent les éléments incidents ou autres éléments en q u e et t o u t, s'p as ? (COIFTTÎ, V a g a b o n d e, Pl.,
quelque sorte extérieurs à la phrase (cf. §§ 376-380) ; elles sont exprimées p. 1 0 9 5 .) — A u ssi Marie recevait - elle t o u jo urs
généralement par une virgule dans l'écriture. — Les pauses légères séparent g e n ti m e n t A n g éliq u e. U n ê tre h u m ain, PAS (ARA-
GON, Be a u x q u artiers, I, 1 7). C f. § 1031, b .
les syntagmes ; elles ne sont pas traduites d'ordinaire dans l'écriture.
Fumer la cigarette, \ \ se mettre de l' eau sucrée \ sur les cheveux \ pour qu 'ils frisent,
11 embrasser les filles du Cours Complémentaire \ dans les chemins 11 et crier \ « À la
cornette ! » \ derrière la haie \ pour narguer la religieuse qui passe, | | c ' était la joie de tous
les mauvais drôles du pays. 111 À vingt ans, 11 d'ailleurs, \ \ les mauvais drôles de cette
espèce \ peuvent très bien s'amender (ALAIN-FOURNIER, Gr. Meaulnes, III, 1).
Les pauses sont plus ou moins nombreuses selon la rapidité du débit,
selon les intentions du locuteur, selon les circonstances de la communica- K M R I J I REMAR Q UE
tion. Elles jouent un rôle très important dans la compréhension du message. L' e m u e t n e p o r t e p a s d ' a c c e n t t o n i q u e m ê m e
q u a n d il est p r o n o n c é , s a u f d a n s d e s m o t s
g r a m m a t i c a u x ( m o n o s y l l a b e s o u p o l y s y ll a b e s
L'A C CENT c o n t e n a n t q u e) t e r m i n a n t l e s y n t a g m e : Pre n ds -
LE. Sur CE je suis sorti. V o us e m ploye z tro p d e JE,
...tro p d e LORSQUE, ...tro p d e bie n QUE. D e
Les diverses applications du m o t accent. m ê m e : A jo u t e z u n E. — A v a n t u n e p a u s e : je dis
QUE, si v o u s a c c e p t e z , v o u s n e le re gre tt ere z p as.
a) Par l'accent tonique ou accent d'intensité, on articule la voyelle EU C ' e s t l e c a s d e p arce q u e e m p l o y é sa n s p r o p o -
de la dernière syllabe d'un syntagme (appelé aussi mot phonétique) siti o n p o u r é l u d e r u n e e x p lic a t i o n : § 1 1 4 0, c.
avec plus de force que les autres : Il laissa tomBER son chaPEAU. H E U E H R E M A R Q UE
L o r s q u e le s u j e t e s t u n p r o n o m p e r s o n n e l c o n j o i n t o u on, il f o r m e u n C o m m e l'a c c e n t fr a n ç a is p o r t e t o u j o u rs sur
g r o u p e avec le v e r b e : Il vienDRA. Viendra-t-lL ! la d e r n i è r e s y l l a b e à v o y e l l e p r o n o n c é e , il n e
g a r d e p a s , d a n s l e s d é r i v é s , la p l a c e q u 'i l
Si l'on prend un mot isolément, on met l'accent tonique sur la a v a i t d a n s l e m o t p ri m i t i f . P o u r la m ê m e rai -
dernière syllabe : <jwesTION, calamiTÉ. s o n , la f l e x i o n a u ssi a m è n e s o u v e n t u n d é p l a -
c e m e n t d e l' a c c e n t .
En français, l'accent tonique n'est pas un phénomène conscient, et il ne joue
V aLET , v a / e T A i L i ( e ) ; c o u r r a i s , co urt oiiit ; n u m éRO ,
pas un rôle distinctif. — Dans beaucoup d'autres langues, l'accent est plus nette-
n u m éroTEK ; t o r e E N T , t orre n t uiu x ; je PARI ( e ) , n o us
ment marqué (comp. sabre, symbole, précision avec les mots allem. correspon- parLO NS ; / a pPEi i (e), / a p p e / / eRAi.
dants SZbel, Symbol, Prazision), et, comme il n'y occupe pas une place fixe, il joue L e d é p l a c e m e n t d e l ' a c c e n t r é s u l t a n t d e la
souvent un rôle distinctif (comp. ital. àncora « ancre » et ancôra « encore »). | J J f l e x i o n o u d e la d é r i v a t i o n e n t r a î n e s o u v e n t
d e s a l t e r n a n c e s d e v o y e l l e s d a n s l e s d if f é r e n -
Les syllabes marquées de l'accent tonique sont toniques ou t es f o r m e s d é riv é e s d ' u n m ê m e ra dical ; c e
accentuées ; les autres sont atones. p h é n o m è n e p ort e le n o m d 'alternance
vocalique o u d 'apophonie.
Les proclitiques sont des mots qui, s'appuyant sur le mot suivant, C / A i r , clA rt é ; s a v A t e , savftier ; c't d e, cé d o ns ; moi,
sont dépourvus d'accent. Tels sont les articles, les déterminants, cer- m E ; acq uiers, acq u éro ns ; Œuvre, o uvra g e ; rig u e ur,
taines formes du pronom personnel, les auxiliaires, les prépositions, rig o ure u x ; m E u r s , m o uro ns ; gloire, glorie u x .
HISTORIQUE. - L'a n alo gie a réta bli l'id e ntité d es
la plupart des conjonctions : LA vertu, MON livre, CE jour, JE dis, j' AI
v o y e ll e s d a ns u n g ra n d n o m b r e d e cas o ù se pro -
vu, VERS lui, toi ET moi. Les enclitiques sont des mots qui, s'appuyant d uisait ja dis u n e a p o p h o n i e : il tro uve (a u lie u d e il
sur le mot précédent, en font, pour la prononciation, réellement par- tre uve) c o m m e d a ns n o us tro uvo ns ; p oirier (a u lieu
tie, et n'ont pas d'accent : Que vois-JE ? Qu ' est-CE > d e p erier) c o m m e d a ns p oire. C f. §§ 789 et 167, H1.
Les proclitiques reçoivent l'accent lorsqu'ils ne sont plus employés
comme tels, mais comme noms par autonymie : Le t de ET ne se prononce
jamais ; — ou quand l'élément sur lequel ils s'appuient est laissé implicite :
Cent et DES (§ 581, R l ) . — Gabriel a des fiancées. Pas UNE mais DES
(Y. NAVARRE, J e vis où je m'attache, p. 105) ; — ou quand ils sont marqués
d'un accent d'insistance : ex. de DUHAMEL ci-dessous dans le b).
L'I N T O N A T I O N
Définition. O S I FLOBBIBLIOGRAPHIE
P. DELATTRE, St u dies in Fre nch a n d C o m p ara -
a) L a liaison, c'est le fait qu'une co n so n n e finale, m u e t t e tive Ph o n e tics, T h e H a g u e , M o u t o n , 1 9 6 6 ,
p p . 3 9 - 6 2 . — P. EN CREVÉ, Liaiso n avec o u sa ns
dans un m o t pris isolément, s'articule dans un syntagme
e nch aîn e m e n t, P. , L e Se u i l , 1 9 8 8 .
quand le m o t qui suit c o m m e n c e par une voyelle :
E S I K I F L R E M A R Q UE
Les^enfants sontarrivés sans encombre. — Cette consonne forme syllabe C e rt ai n s linguistes ré u niraie n t la liaison et l'élision,
avec le mot qui suit : [le-zâ-fâ]. co nsi d é ra n t q u e la f o r m e n o r m a l e d u m o t est sa
f o r m e l o n g u e : [le z] p o u r les, p ar ex. (c o m m e le a u
Il s'agit d'un phénomène phonétique ; par conséquent l'h muet, sin g ulier). O n dirait alors q u e la c o n s o n n e disp araît
d e v a n t c o n s o n n e : Les g e ns [ie 3Û], c o m m e e dispa -
qui n'a aucune existence phonétique, n'empêche pas la liaison :
raît d e v a n t v o y e ll e : L'e n fa n t. C f. S. A . Sc h a n e ,
Lesjoommes. Trois ^habitants. d a n s La n g a g es, d é c. 1 9 6 7 , p p. 3 7 - 59.
Pour l'h aspiré et les autres cas où la liaison ne se fait pas, où il y
a disjonction : Les | Hollandais. Les | onze enfants, voir §§ 47-50.
La consonne qui apparaît ainsi devant voyelle n'est parfois pas repré-
sentée dans l'écriture du mot pris isolément. Elle résulte alors de l'analogie.
Cette action analogique a été entérinée, phonétiquement et graphique-
ment, par la grammaire la plus sévère dans les impératifs précédant y et en :
Vas-y. Donnes-en (§ 795, N. B.) ; — dans les troisièmes personnes du sin- • 3 9 K 9 R E M A R Q UE
C ert ains a u te urs re pro d uise n t la c o n s o n n e d a n s la
gulier suivies des pronoms il, elle, on : Dira-t-il (§ 796, e, N. B.). g ra p h ie : O h ! q u e d e ch oses aff ect u e uses, in ti m es,
L'Acad. accepte aussi cette analogie phonétiquement, par plaisanterie, il m'a dit es ENTRE QUATRE-Z-YEUX li m p ri m é e n itali-
q u e] e t les p ort es d oses ! (S.-BEUVE, Mes p oiso ns,
dans entre quatre yeux [k AtRs-zja].
p. 1 5 5 .) — ]e t e dirai q u elq u e ch ose t o u t à l'h e ure
ENTRE QUATRE Z'YEUX ( H . BAZIN, C ri de la ch o u e tt e,
b) Il faut distinguer la liaison de l'enchaînement. p. 1 0 6). — Il so u h ait a u n e n o uvelle re nco n tre « ENTRE
C'est le phénomène par lequel une consonne finale qui est toujours articulée QUAT' ZYEUX » (VERCORS, Moi, A rist Bria n d , p. 2 7 6 ) .
forme syllabe avec le mot suivant qui commence par une voyelle (sauf s'il y a une — M a i s o n écrit n o r m al e m e n t e n tre q u a tre ye u x :
L. NUCERA, C h e m in d e la La n t ern e, p. 2 0 7 ; etc.
pause) : À cor et à cri U-ko-Re- A-kRi], — Cela se produit aussi si la consonne finale
D a n s l e s a u t r e s c a s , c e s c o n s o n n e s a n alo g i -
est suivie dans l'écriture par un e muet (élision) : Une belle affaire [be-lA-feR]. q u e s s o n t d e s f a u t e s, a p p e l é e s f a m i l i è r e m e n t
N . B. On constate que des hommes politiques français et des présentateurs de la cuirs ( q u a n d la c o n s o n n e i n t r o d u i t e e s t u n [t])
radio prononcent certaines consonnes finales, comme en prévision d'une e t velo urs ( q u a n d c' e s t u n [ z ]). Q U E N E A U s' e n
liaison, qui ne se réalise pas si le mot suivant commence par une consonne : a m u s e : Elle co m m a n d a - t - u n e ca m o m ille
(C hie n d e n t, F ° , p . 4 1 ). — Bie n t ô t, o n fra p p a - z - à
Les électeurs ont [5t] répondu à notre appel (il y a une pause très légère après
la p ort e (i b . , p . 1 6 6 ). — Ils vo n t à la f oire a u x
ont). — Quand prononcé [kût] : § 1075. — Le même phénomène se mani-
p uces, dit le ty p e, o u plu t ô t c'est la f oire a u x
feste devant voyelle : ont entendu prononcé [5t âtôdy] au lieu de [5-tâ-tâ-dy] ; p uces q ui va- T -à- z -eux (Z a z ie d a ns le m é tro,
P. Encrevé appelle cela liaison sans enchaînement. — Voir aussi § 796, e. p . 6 0 ) . V o i r a u ssi § 7 9 6 , e, N. B.
C o m m e n t fait-on la liaison ?
a) L a consonne de liaison est généralement celle qui est
représentée dans l'écriture à la fin du premier m o t : El KE9 H IS T O R I Q UE
La liaiso n est l e rest e d ' u n u s a g e a n ci e n , s e l o n
trop^aimable, petit^homme. m l e q u e l les c o n s o n n e s fi n ales s e p r o n o n ç a i e n t
t o u t e s. Elle n'e st d o n c q u e la p e rsist a n c e d'u n
Toutefois il faut noter les faits suivants : a n c i e n e n c h a î n e m e n t . D e s a d j e ctifs c o m m e
gra n d e t lo n g s'é criv a i e n t gra n t e t lo nc co n for -
• Les mots qui se terminent par s ou x dans l'écriture se lient par
m é m e n t à le ur p r o n o n c i a t i o n , l a q u e ll e s'est
[z] : pas
à pas [ P A - Z A P A ] , aux hommes [o-zom]. d o n c m a i n t e n u e d a n s la liaiso n. — C'e s t u n e
e rr e u r f ort r é p a n d u e q u e d e c r o i r e q u e la liaiso n
• Ceux qui se terminent par d dans l'écriture se lient par [t] :
est d u e à u n e cr a i n t e d e l'hia t us.
grand effort [gRÔ-tefoR], quand on voit [kô-tô].
U K 9 R E M A R Q UE
• Les mots qui se terminent par g dans l'écriture se lient par [k]
Q u a n d un m ot se ter min e par un r p ro n o ncé
dans la langue soignée :
s u ivi d ' u n e c o n s o n n e m u e t t e , o n p r é f è r e
Un long effort [15-kefoR], Suer sang et eau [sâ-keo] ; — dans la Mar- l ' e n c h a î n e m e n t à la li a is o n : vers elle [VE-RCIJ
seillaise, sang impur [sâ-kêpyR], — L'usage ordinaire préfère [g] : p l u t ô t q u e [VCR-ZEI] ; f ort ai m a ble [FD-REMABL]
[ l ô - g e f o R ] , ou ne fait pas la liaison : [sâeo], [ s â ê p y R ] . p l u t ô t q u e [foR-temAbl] ; n or d - est [no-Rcst] plu -
t ô t q u e [noR - dEst]. L' e n c h a î n e m e n t s'i m p o s e
• Dans respect humain, la liaison se fait par la première des deux m ê m e d a n s cor ps à cor ps [kD -RA - koR], à t ort e t
consonnes : [Respe-kymë]. O à travers [A-to- Re],
M a i s si l's e s t la m a r q u e d u p l u ri e l, il d é t e r m i n e
Dans l'enchaînement, on garde la consonne du mot isolé :
la li a is o n : le urs e n fa n ts [lœR - z ôfâ] ; v o i r c e p e n -
grande amie, longue aventure, os à moelle, grosse affaire. — Les d a n t § 4 3 , c, 2°. — A u t r e e x c e p t i o n : p orc - é pic
numéraux cardinaux sont un cas à part : cf. § 591, c. [pDR - k epikJ.
b) Les mots terminés par une voyelle nasale posent des problèmes
particuliers :
• Après les adjectifs terminés par -ain, -tin, -en, -on, -in, la
liaison s'accompagne d'une dénasalisation de la voyelle : Cer-
tain espoir [seRte-nespwAR], plein air [ple-neR], Moyen Âge
[mwAje-nA3], bon auteur [bo-notœR], divin enfant [divi-nôfâ]. —
Exception, le malin esprit « le diable » (vieilli) [mAlë-nespRi],
• Après un, aucun, commun, on, rien, bien, en, la liaison se fait
sans dénasalisation de la voyelle : un ami [ œ - n A m i ] , aucun
homme [okœ-nom], d' un commun accord [komœ-nAkoR], on a
[5-nA], en avril [ô-nAVRil],
• Avec non et avec les déterminants possessifs l'usage n'est pas
bien fixé. Les orthoépistes recommandent généralement de
ne pas lier non avec le mot suivant : non \ avenu. Pour les pos-
sessifs, on a le choix entre deux prononciations : mon ami
[mô-nAmi] o u [mo-nAmi].
L'ÉLISIO N
L'élision c o m m e p h é n o m è n e p h o n é t i q u e .
L'élision est l'amuïssement d'une voyelle ffl finale devant REMAR QUE.
u n m o t c o m m e n ç a n t par une voyelle, la co n so n n e qui précède C o n t r a i r e m e n t à la d é f i n i t i o n q u 'i l d o n n e s. v.
élid er, l e T résor e m p l o i e à p l u s i e u r s r e p r i s e s
la voyelle élidée formant syllabe avec le début du m o t qui suit : élisio n p o u r l' a m u ï s s e m e n t d u c f i n a l d e d o nc.
L 'ami D 'Agnès [LA-mi-DA-jies]. — L e m o t q u i s u b i t l'élision p e u t ê t r e u n é l é m e n t
c o n s t i t u t i f d e m o t c o m p o s é : PRESQu'îie, CONTRE -amiral, aujourd'hui.
a) La voyelle élidée est un e [a] dans la plupart des cas ; et cette éli-
sion est constante, sauf les exceptions envisagées ci-dessous.
Tantôt elle est marquée dans l'écriture par une apostrophe : De
L ' or. Parlez D 'abord. Je M 'aperçois Qu 'il est venu ; — et t a n t ô t n o n : Un
honnêtE homme [one-tom]. Je passE avant vous [PA-SAVÔ]. Voir dans le
§ 45 les règles graphiques.
Les exceptions (en dehors des cas de disjonction) concernent
certains emplois de mots grammaticaux (monosyllabes ; poly-
syllabes contenant que).
1) Quand ils sont pris comme noms par autonymie (§ 460) :
De est extrêmement à la mode de nos jours (BRUNOT, Pensée, p. 655).
— Un QUE irrégulier. LORSQUE est plus rare que quand. BIEN QUE
appartient surtout à la langue écrite.
2) Quand il y a une pause (marquée dans l'écriture par une vir- REMAR QUE.
gule ou un autre signe de ponctuation) : D a n s c e t e x . d e GIDE, o n p e u t p e n s e r q u 'i l y
Il fallait partir, parce QUE, a-t-il dit, l' ennemi était proche. EU a a p r è s que u n e p a u s e é q u iv a l a n t à u n dou -
b l e p o i n t , q u o i q u e l' a u t e u r n e l'a i t p a s
L e s p o è t e s c o n s i d è r e n t qu'il y a élision p o u r n ' i m p o r t e q u e l m o t m ê m e
i n d i q u é : D e p uis m o n re t o ur je n'ai p u g u ère
s il y a u n s i g n e d e p o n c t u a t i o n , m ê m e si cela c o r r e s p o n d à u n e p a u s e
QUE écrire d es le ttres, d es le ttres, d es le ttres
i m p o r t a n t e : Ô vase de tristessE, ô grande taciturne (BAUDEL., Fl. du m., (Jo urn al, 2 3 s e p t . 1 9 1 7 ) .
J e t'adore...). — Mais cette fêtE, amis, n ' est pas une pensée (HUGO,
Chants du crép., V I ) . — Et c ' était le clairon de l'abimE. Une voix / Un
REMAR QUE.
jour en sortira qu ' on entendra sept fois (ID., Lég., L X ) . — Le vent se
Jusq u es ( q u i e x is t e a u s s i e n p r o s e ) e t p a r f o i s
lèvE !... il faut tenter de vivre ! (VALÉRY, Charmes, Cimet. marin.)
g u ères, n a g u ères s o n t u t ilis é s p a r l e s p o è t e s
p o u r é v i t e r l'é l i s i o n , a u l i e u d e j usq u e, g u ère, 3) L e p r o n o m p e r s o n n e l le qui suit un impératif, s a u f s'il précède
n a g u ère ( c o m p . § 9 6 0 ) : V o u s q ui d a ns les en et y :
m ort els plo n g e z JUSQUES a u x lar m es (VALÉRY,
Po é s., J e u n e Pa r q u e ).
Prends-LE aussi. — Mais : Mets-l'y, retire-l' en. Voir §§ 659, b ; 683, b, 2°.
A l'in verse, les p o è t e s s u p p ri m e n t p arf ois d e s s 4) L e p r o n o m d é m o n s t r a t i f ce devant u n e proposition relative
fin a u x p o u r o b t e n ir u n e élisio n : Q u e t u n e PUISSE o u q u a n d il n'est pas sujet :
e ncor sur t o n levier t errible / So ulever l'u nivers
(MUSSET, Pre m . p o és., La c o u p e e t les lèvres, II, 1 ). CE à quoi je pense ne saurait vous concerner (Ac. 1932). — Et sur CE il
— Et p o ur CHARLE i m plora n t m erci (NERVAL, Élé gies m'a tourné le dos (Al. DUMAS, Reine Margot, V I ) . — Il m'a répondu,
e t sa t, N o s a d i e u x à la C h a m b r e d e 1 8 3 0). — O h ! et CE à tout hasard. — A CE autorisés (STENDHAL, Abb. de Castro, V ) .
q u e VERSAILLE é t ait su p er b e / [...] ! ( H u c o , V oi x
N. B. Dans la langue courante, il peut y avoir une élision, même quand e
in t, II, 4 .) — Le t e m ps, CERTE, o bscurcit les ye u x d e
m u e t e s t suivi d e -s o u d e -nt : Tu chantES encore [Ja-tâ-koR], des pommES
ta b e a u t é (VERHAEREN, H e ures d'a p rès - m idi, XI V).
[C e r t a i n e s é d . p o r t e n t cert es.] A u t r e e x . a u § 9 6 0. et des poires [po-me], les hommES aimENTà rire [le-30-me-mA-RiR]. M a i s o n
L e m é l a n g e d e pluriels e t d e sin g uliers p o u rr ait pourrait considérer qu'il y a ici simplement un enchaînement (§ 41, b).
a v o ir la m ê m e j u stifica ti o n d a n s c e p assa g e : O n Une langue plus soutenue dirait, en amuïssant e, mais en faisant, là où
verrait co m m e u n t as d'oise a u x d'u n e f orê t, / T o u -
elle est possible, la liaison par [z] ou [t] : [pom-ze], [le-zo-memU-RiR]. —
t es les â m es, CYGNE, AIGLE, é p erviers, colo m b es, /
Fré m issa n t es, sortir d u tre m ble m e n t d es t o m b es Dans la lecture des vers réguliers, on prononcerait ces e muets :
( H u c o , Lé g., LX). [Ja-ta-zâ-koR], [po-ms-ze], [le-zo-ms-ze-maU-RiR].
c) A c o n s i d é r e r s e u l e m e n t la s t r u c t u r e d u f r a n ç a i s moderne,
• HIST ORIQUE. d ' a u t r e s vo yel l es q u e e e t a s u b i s s e n t l'élision :
La c o n j o n c t i o n si é t ait o r d i n a ir e m e n t r e p r é s e n t é e
p a r se, f o r m e q u i se fait plus r a r e a u X V I e s. Il arri-
1° L e i de la c o n j o n c t i o n de s u b o r d i n a t i o n si s'élide devant le pro-
vait q u'e ll e n e s'élid â t p as : SE il vo us failloit aller n o m p e r s o n n e l il o u ils. U£J
d'icy à C a h usac (RAB., C ar g., é d . p rince p s, XI).
Je ne sais S'il viendra. S'ils viennent, ils trouveront à qui parler. (Mais : SI elle
M a i s l e plus s o u v e n t e ll e s'élid ait d e v a n t v o y e ll e , e t
c e s f o r m e s é li d é e s s e so n t m a i n t e n u e s plus long - vient, SI on vient, SI une femme vient.)
t e m p s q u e s e d e v a n t c o n s o n n e , s p é ci a l e m e n t Dans si adverbe, i ne s'élide jamais : Il est SI adroit !
s'o n, s'eile (e t é vi d e m m e n t s'il) : Prie z à D ie u q u'à
L a langue p o p u l a i r e c o n n a î t la f o r m e °si il(s), que l'on trouve dans
elle soit p ro pice, / Luy p ar d o n n a n t s'e n rie ns o u k re -
p assa [= si elle p é c h a e n q u e l q u e c h o s e] (RAB., des t ext es o ù les auteurs veulent r e n d r e l'usage du peuple :
Pa n t., 1 5 3 2 , III). — O m oy d e u x f ois, voire trois Tant qu ' on ne voit pas les trous c ' est comme SI ils n 'y étaient pas (WLLLY et
bie n - h e ure u x , / S'a m o ur m e t u e (RONS., é d . V . , 1.1,
COLETTE, Claud. à Paris, p. 153). — SI il en avait eu, on les aurait vus. Parce que SI
p. 8 1 ). — S'elle e n tre p re n d le m e faire q uitt er, / Je
le tie n d ray (D u BELLAY, Re gre ts, LVI). — S' o n luy fait
il en avait eu, ils se seraient montrés (PÉGUY, Myst. de la char, de J. d'Arc, p. 123). —
a u Palais q u elq u e sig n e d e t est e, / S'elle rit à Us se relevaient SI ils voulaient (CÉLINE, Mort à crédit, L. P., p. 431). — Y demande
q u elq u'u n (M. RÉGNIER, Elé gie z elo tipiq u e). SI y doit commencer par l' évier ou les vatères du couloir (B. et FL. GROULT, Il était deux
A u X V II e s., o n a h ésit é e n t r e s'il e t si il : Je lui ai fois..., p. 44). — SI ils sont deux ils ne sont pas solitaires (SAN-ANTONIO, Meurs pas,
d e m a n d é si il avoit p ré t e n d u vo us d o n n er la j uridic -
on a du monde, p. 118). — SI U était dans la barque, [...] ça ferait pas de question non
tio n cri m in elle (MAINTENON, Le ttres, a o û t 1 7 0 0
plus (DUTOURD, trad. de : Hemingway, Le vieil homme et la mer, L P., p. 139).
[a u t o g r a p h e] ).—V a u g e l a s avait d é j à c o n d a m n é si
il, t o u t e n reco n n aissa n t q u ' o n tr o u vait c e t t e Parfois, cette justification n'est pas présente : Comme SI il ne savait pas dicter
f o r m e c h e z d e s a u t e u rs « q u i o n t la r é p u t a tio n d e un acte (STENDHAL, Corresp., 15 mai 1811). — SI il venait à casser les disques
b i e n e scrir e » (p . 3 7 2). (VIAN, Écume des jours, LIV).
2° L e » du p r o n o m r elatif sujet qui s'élide dans la langue populair e et,
E U E 9 HISTORIQUE
parfois, c h e z des auteurs qui veulent r e n d r e celle-ci. C S Q u' co m m e pronom relatif sujet masculin et
féminin est ancien : L'a p ostre e n j ure Qu'a Ro m e
M . Vautrin, Qu ' est un bon homme tout de mime (BALZAC, Goriot, p. 41).
est b e n éi z (C o uro n n. d e Lo uis, 2538). — Toute
— La petite, Qu ' était à poil aussi (MALRAUX, Espoir, p. 100). — Et toi Qu 'avais a u tre Qu'a m oy s'a p areille [= s'égale] (J. MICHEL,
toujours la trouille (SALACROU, Nuits de la colire, III). — Tu connais pas des Passio n, 8505). — Ce sont est é e u x Qu'à la g u erre
gens Qu 'auraient besoin d' un chauffeur, par hasard ? (CÉLINE, Voy. au bout de la so n t est e z les p re m iers a u x assa u t z (BRANTÔME,
nuit, F 0 , p. 377.) — Et Margot Qu ' était simple et tris sage (G. BRASSENS, dans cit. Huguet, s. v. q u e). - A u XVII e s., com me un
trait de la langue paysanne : Il y e n a u n Qu'est
L. Hantrais, Vocab. de Brassens, t. II, p. 255).
bie n p û [= plus] m ie u x fait q u e les a u tres (MOL.,
3° L e u du p r o n o m personnel tu est élidé dans la conversation familière, D . yuan, II, 1 ).
La forme pleine est sans doute q u e, qui n'était
ce que les auteurs reproduisent à l'occasion dans leurs dialogues. 5 0
pas rare dans l'ancienne langue, jusqu'au
Tes pas fâchée ?... Tas pas été trop triste ?... (MAETERLINCK, Oiseau bleu, XVI e s. : voiries ex. au § 718, H i. Notons ce q u e
sans élision, du moins graphique : T o u t es les
V I , 12.) — T as pas besoin d'avoir peur (SARTRE, Sursis, p. 34).
a d ve n t ures QUE a d ve n u es n o us so n t (Perce f orest,
4° S i 1' on c o m p a r e Donne-le-MOl à Donneoi, on pour r ait penser texte de 1528, cité dans Ro m a nia, 1953, p. 99).
q u e l'on a un a m u ï s s e m e n t de [WA] dans la deuxième phr ase ; de m ê m e , B U E S HISTORIQUE
dans Va-T'en, mène-M 'y, etc. (cf. § 6 8 3 , b, 2 ° ) . M a i s on a en réalité la Cette élision est pratiquée par les paysans de
MOLIÈRE ; au XVI e s., quoique rare dans les textes,
f o r m e a t o n e du p r o n o m (me, te) puisque l'accent t o m b e sur en et y. | J 0
elle ne paraît pas avoir un caractère populaire ;
on la trouve déjà en anc. fr. : Se T'as /etre (ADAM LE
Bossu, F e uillé e, 704). - T'es tro p b o n (F arce d u
E l L'élision dans l'écriture. p ast é, cit. Brunot, Hist., 1.1, p. 420). - N e co m b a ts
p oin t, afin q u e n'est a n t le plus f ort, / T'achètes
L'élision p e u t être marquée d a n s l'écriture au mo yen de u n e h o n t e a u x d esp e ns d e la m ort (RONS., ib .). —
l ' a p o s t r o p h e , q u i p r e n d l a p l a c e d e la v o y e l l e a m u ï e . M a i s c e l a n e s e Est - ce d o nc co m m e ça q u e T esco u t es ce q u'il t e
dit ? ( M O L . , D . j u a n, II , 3 . )
f a i t q u e p o u r u n e p a r t i e d e s él i s i o n s . L'influence de je est possible. - A. Henry (dans
Ro m a nia, 1959, pp. 4 1 3 ^ 1 8) estime que l'usage
Cette répartition n'est pas due au hasard. Il est indispensable d'indiquer quand a et
moderne est indépendant de l'usage du XIIIe s.,
i disparaissent ; sinon, l'écriture induirait en erreur sur la prononciation. Dans le cas de e, qui est surtout picard, com me la forme pleine te.
son élision graphique se fait surtout dans des monosyllabes formés d'une consonne + e, En tout cas, ceile-ci, qui se trouve aussi dans des
c est-à-dire dans des mots où, si on les prend isolément, on articule nécessairement la textes wallons, existe encore au XIV e et au XV e s. :
voyelle, car on ne les identifierait pas sans cela : le [la]. La plupart des autres mots terminés T a p art e n as TE d a ns t o n m usel (FROISS, Po és., t. Il
p. 217). — Se TE vue/s re n oieir [= veux renier] t o n
par e dans l'écriture sont prononcés d'ordinaire avec amuïssement de cet e-.une [yn], et il est
D ie u (JEAN D'OUTREMEUSE, Myre ur d es hist ors, ms.
superflu de marquer plus spécialement l'amuïssement quand il se produit devant voyelle. Bruxelles, Bibl. roy. 19304, f° 95 v°). - Quant TE
seras m ort (N a tivit és e t m oralit és lié g e oises, III,
N. B. Suivis d'une virgule ou d'un autre signe de ponctuation, les mots s'écri- 1765). — TE n o us as bie n cy re far d és [= trompés]
vent nécessairement en entier (même si e est élidé dans la prononciation : (Mist. d e sain t A d rie n, cit. Nyrop, t. Il, § 526).
cf. §44, a): [...] parce QUE, aussi bien,j' étais curieux de le voir (CAMUS,
Peste, p. 271). • U S E S I HISTORIQUE
Q uand les pronoms personnels compléments de
Mais la virgule attendue d'un point de vue logique disparaît souvent parce la 1 r e et de la 2 e personne suivaient le verbe, ils
qu'il n'y a pas de pause et que le groupe phonétique ne correspond pas à prenaient devant voyelle la forme faible et
cette logique (cf. § 126, c) : On voit Qu'ici, mime la différence s'inscrit dans s'élidaient : D u n e z M 'un f e u [= donnez - moi un fief]
un système de ressemblance par contagion (G. GENETTE, Figures III, p. 44). (Roi, 866). — Laisse M'e n p ai x ! (VILLON, D é b a t.) —
Baise M'e ncor (L. LABÉ, cit. Huguet, s. v. me). - Cela
disparaît au XVIe s., sauf devant e n et y.
a) L'élision est t o u j o u r s m a r q u é e d a n s l'écriture :
L ' église. L 'ancienne église. Cette femme, je L ' estime. S'il pleut, je ne sors pas. Je
ne sais s'ils partent. — Pour "si il(s), voir § 44, c, 1°.
Donne-M'en (cf. § 44, c, 4°). Tu T' es trompé. Elle S'aperçoit de son erreur.
L ' or. Je L 'ai rencontré hier. La personne Qtfil a vue. Il dit Qu 'il reviendra. Qu 'il
est beau ! Un verre D ' eau. Je N 'ai pas fini. — JUSQU'À l'aube. JUSQU'ICI. (Sur la
variante jusques, voir §§ 44, R3 ; 1065, a.) E U K 9 REMARQUE
La préposition entre ne s'élide pas : ENTRE e u x ,
ENTRE a m is, ENTRE a u tres, etc. — C o m m e élément
b) L ' é l i s i o n n ' e s t p a s t o u j o u r s m a r q u é e d a n s ce, je, quelque, pres- de com position, e n tre s'agglutine à l'élément
que, quoique, lorsque et puisque. I3J qui suit, avec disparition du e fin al devant
voyelle : ENTRacte, ENTROUVOT, s'ENTRaider, etc. —
1° L e s p r o n o m s sujets j e et ce s'écrivent j'et c' q u a n d ils p r é c è d e n t le Pour cin q verbes (s'ENTRa/ mer, ENTRapercevo/'r,
verbe, m a i s en entier q u a n d ils le suivent : s'ENTRappe/er, s'ENTRavert/'r, s'ENTRégorger), l'Ac.
2001 acce pte aussi la graphie avec apostrophe
J'aime. C'est vrai. — Suis-JE arrivé ? [sqi-3A-Ri-ve] — Est-CE achevé ? [e-SA-Jve]. (s'ENTR'aimer, etc.). [C es cinq verbes avaient
écha p p é quand l'Ac. 1932 avait supprimé, dans
O n écrit quelqu'un (et quelqu'une), presqu'île, mais quelque et pres-
les co m posés en e n tre - , l'apostrophe qui était
que r estent tels quels dans les autres c i r c o n s t a n c e s : générale en 1878 (ENTR'acte, etc.).]
REMAR QUE. Un ouvrage PRESQUE achevé ( A c . 1 9 3 5 ) . — Un habit PRESQUE usé (ib.). —
Po u r p resq u e, il y a d e l'h ésit a tio n d a n s l'usa g e, Adressez-vous à QUELQUE autre (ib.). — Ilya QUELQUE apparence à cela (ib.). E S
m ê m e c h e z les sp écialist es d u fra nçais ; o n cons -
3° D a n s lorsque, puisque, quoique, o n p e u t m a r q u e r l'élision dans
t a t e d e s varia tio ns d ' u n e é d iti o n à l'a u tre, e t c e l a
p araît d é p e n d r e surto u t d e l'a t t e n tio n d e s typo - t o u s les cas :
g ra p h es e t d e s c o rr e c t e u rs : PRESQ U'i m m é dia t e - LOR SQUen 1637 (Ac. 1 9 3 2 , P r é f . ) . — Q u o i Q U e n octobre (MICHELET, Mer,
m e n t (BRUNOT, Hist., t. V I, p. 1 2 1 7 ) . - C'é t ait d éjà
1 , 7 ) . — PLIISQUVm elle (BAUDEL., FL du m., T o u t entièr e). — LORSQU* H e n r i e tt e
PRESQU'un so urire (GIDE, Fa u x - m o n n., p. 3 9 6)
(ZOLA, Bonheur des D., I I I ) . — PUISQUE Jules Tellier (BARRÉS, DU sang...,
[p res q u e : L. P., p. 3 9 0]. — Proje t PF T TSQ U'irré alisa -
ble (MARTIN DU G., T hib ., IV , p. 1 1 4) [p res q u e : Pl., p. 1 9 ) . — LORSQU ' ap r è s une longue absence (GIDE, Retour de l' enfantprod., p. 1 9 8 ) .
1.1, p. 1 0 9 4], — PRESQU'un e n fa n t (MAURIAC, D é s e r t — LOR SQUen 1863 (BAINVILLE, H is t . de deuxpeuples, p. 1 6 3 ) . — PMSQlf aucune
d e l'a m o ur, p. 1 1 6) [p resq u e : Œ u v r e s c o m p l., t. Il, règle (BR UNOT, Pensée, p. 3 0 3 ) . — PUISQlfeux-mêmes (DE GAULLE, Disc, et mes-
p. 7 5]. — PRESQ u'e xc / us / ve m ent (Trésor, 1.1 5,
sages, 2 2 a o û t 1 9 4 0 ) . — PuiSQU'a«CH«e dénonciation (DAUZAT, dans le Fr. mod.,
p. 5 8 8). — Re l e v o n s aussi : QUELQU'o p p osés [...]
avril-juillet 1 9 4 4 , p. 8 1 ) . — QUOIQU 'iss u (THÉRIVE, Fils du jour, p. 5 8 ) . —
q u e f usse n t le urs t e m p éra m e n ts (DAUZAT, G é nie
d e la la n g u e fr., p. 3 4 3). P U I S Q U E ; ™ ; ( TR O Y A T, Éléphant blanc, p. 2 3 1 ) . — P u i S Q U e w x aussi (CAMUS,
Été, p. 5 1 ) . — PuiSQl / a / w d'aider (G. ANTOINE, dans Travaux de ling. et de litt.,
1 9 7 3 , p. 4 4 5 ) . — QuoiQlfinfime (BARTHES, Éléments de sémiologie, III, 3 . 3 ) . —
LORSQU'AH printemps 1964 ( M . BOEGNER, Exigence œcuménique, p. 3 1 7 ) .
N o u s v e n o n s d e d o n n e r l a r è g l e f o r m u l é e d a n s l a Grammaire de
l'Acad., p. 7. D'autres grammairiens n'acceptent l'apostrophe que
d e v a n t il(s), elle(s), un(e), on ; c e r t a i n s a j o u t e n t ainsi, en. C e s restric-
tions n e s o n t p a s j u s t i f i é e s : p o u r q u o i puisque, lorsque et quoique
d e v r a i e n t - i l s s e d i s t i n g u e r d'après que, bien que, quoi que, e t c . ? M a i s il
faut r e c o n n a î t r e qu'elles s o n t observées par b e a u c o u p d'écrivains (ou
d'imprimeurs), au moins sporadiquement :
LOR SQUE avec ses enfants ( H U G O , Lég., II, 2). — QUOIQUE indirectes
( H E R M A N T , Grands bourgeois, X I I I ) . — PUISQUE à ce moment (MAURIAC,
Sagouin, p. 2 ) . — LOR SQUE à la limite (BERNANOS, Imposture, p. 2 3 9 ) . —
Q U O I Q U E austère (MALR AUX, Noyers de l'Altenburg, p. 7 7 ) . — LORSQUE
aucune impatience ( H É R I A T , Enfants gâtés, I I , 2 ) . — LORSQUE a paru l' essai
( N . SARRAUTE, Ère du soupçon, Préf.).
n'est j a m a i s m a r q u é e d a n s l'écriture :
UnE autrE épreuve. PrendrE à sa charge. EUE arrivE à temps. MimE alors. A
toutE heure.
a) L e s a r t i c l e s c o n t r a c t é s m a s c u l i n s s i n g u l i e r s au e t du (ainsi que
c o m m e n ç a n t p a r u n e voyelle :
c) L e d é t e r m i n a n t d é m o n s t r a t i f m a s c u l i n s i n g u l i e r ce d e v i e n t cet
E U K I L HIST ORIQUE.
Si l'o n e n v i s a g e les c h o s e s d u p o i n t d e v u e histo - d e v a n t u n m o t c o m m e n ç a n t p a r u n e voyelle. Efl
ri q u e , c'e s t l e t q u i s'est a m u ï d e v a n t c o n s o n n e .
C E T arbre. C E T honnête commerçant (mais : CE commerçant).
C f . § 6 1 6, a.
d) Toute a d v e r b e d e v a n t u n a d j e c t i f f é m i n i n p r e n d l a f o r m e tout si
M U E S HIST ORIQUE. Mois : Un des plus MOLS oreillers du monde (BARRÉS, Du sang..., p. 54).
V a u g e l a s (p p . 3 7 7 - 3 7 8) r e c o n n a iss a i t q u e l'o n — De MOLS bouquets de graminées (BEDEL, Tropiques noirs, p. 143). —
disait a ussi u n vie u x h o m m e, e tc. « m ais vieil, y De MOLS éphémères (J. LAURENT, Dimanches de M" ' Beaunon, p. 4 4 ) .
est b e a u c o u p m e i l l e u r». O n t r o u v e fr é q u e m -
— De MOLS oreillers (YOURCENAR, Œuvre au noir, p. 2 9 3 ) .
m e n t vie u x a u X V II e e t a u X V III e s. : d e v a n t usu -
2 . O n t r o u v e d a n s la l a n g u e é c r i t e L ! H d e s ex. a s s e z fréquents d e vieux
rier (MOL., Mal. i m ., I, 8), évê q u e (FÉN., l e t tr e c i t é e
d a n s P. H a z a r d , C rise d e la co nscie nce e uro p ., d e v a n t voyelle, s o i t r e f l e t d e la l a n g u e f a m i l i è r e , s o i t i n t e n t i o n d e d o n -
p. 2 1 1), archi m a g e (VOLT., C o n t es e t ro m ., n e r à l ' a d j e c t i f p l u s d e relief, vieil f o r m a n t s o u v e n t avec l e n o m u n e
Z a d i g , p. 2 6), h o m m e (MARIV., Paysa n p arv., e s p è c e d e l o c u t i o n : Les degrés du V I E U X archevêché (VIGNY, Cinq-
p. 1 9 0), e u n u q u e (MONTESQ., L. p ers., C L), a m i Mars, V I I ) . — Le VIEUX André sarclait des plates-bandes (FROMEN-
(J.-J. ROUSS., Rêveries, I), a m a n t (CHÉNIER, Élé g.,
TIN, Dom., III). [Voir cependant § 50, / .] — Je vous regarderai boire de
LX XIX). - Br u n o t , Hist., t. III, p. 2 8 1 , ci t e a ussi
l' eau qui sent le VIEUX œuf ( W l L L Y et C O L E T T E , Claud. s' en va,
d e s e x . d e n o uve a u d e v a n t v o y e ll e .
p . 7 2 ) . — Un V I E U X appareil ( G I D E , Paludes, p . 1 5 2 ) . — Un V I E U X
AUTRES EXE MPLES . olivier ( L e CLÉZIO, Voyages de l'autre côté, p. 1 0 4 ) . — Un VIEUX Alle-
STENDHAL, C orresp ., t. V , p. 1 3 4 ; H u c o , Lé g., LUI ; mand (PIEYRE DE MANDIARGUES, Marge, p. 1 3 4 ) . C EI
BARBEY D'AUR., D ia b oi, Pl . , p . 1 2 6 ; VILL. DE L'ISLE-A., En particulier, vieux homme : SAND, N a n o n , X X I I ; BAUDEL., Pet. poèmes en pr„
C o n t es cru els, D e m o is e ll e s d e Bi e n fil â tr e ; LOTI, X X X V ; MAUPASS., Pierre et Jean, II ; C. LEMONNIER, Petit homme de Dieu, I I I ;
D ése nch a n t é es, IL ; BÉRAUD, AU C a p ucin g o ur - CLAUDEL, Ann. faite à M., I, 3 ; R. ROLLAND, Vie de Tolstoï, p. 5 4 ;
m a n d , p. 5 2. D. BOULANGER, Nacelle, p. 1 0 0 .
LA DISJ O NC TIO N
E9 Définition.
Nous appelons disjonction le fait qu'un mot commençant
phonétiquement par une voyelle se comporte par rapport aux mots
qui précèdent comme s'il commençait par une consonne. Cela veut
dire que ni l'élision ni la liaison ne peuvent se faire, et que les phéno-
mènes décrits dans le § 46 n'ont pas lieu.
C'est, disent Damourette et Pichon, une « assurance d'hiatus »
(§ 198) ; on pourrait parler de consonne fictive, de consonne implicite. — La
disjonction permet de distinguer certains homonymes dans la chaîne parlée :
Le haut, l' eau ; le hêtre, l' être ; de baler, d'aller ; je le hais, je l'ai ; — de même, les
un (chiffre), les uns ; etc.
Le cas le plus fréquent est celui de l'h dit aspiré (§ 48) ; en outre, la
semi-voyelle joue ou non le rôle de consonne de ce point de vue (§ 49) ;
d'autres faits sont à signaler (§ 50). Rappelons que la pause dans l'oral et
un signe de ponctuation dans l'écrit forment aussi disjonction : cf. § 44, a.
L a d i s j o n c t i o n s e r é a l i s e m o i n s n e t t e m e n t q u a n d il s'agit d ' e n c h a î n e m e n t
( § 4 1 , b) q u e p o u r la l i a i s o n o u l ' élision. P a r ex., b i e n des l o c u t e u r s q u i d i s e n t le hasard
e t les | hasards p r o n o n c e n t par hasard e n r a t t a c h a n t 1V d e par à la s y l l a b e suivante :
[pA -RA - ZAR], — Exhausser se p r o n o n c e c o m m e exaucer.
N . B . Les règles concernant l'amuïssement de e muet devant consonne ne
s'appliquent pas lorsqu'il y a disjonction. C o m p a r e z devant LE mur
[d(3)vâlmyR] à devant LE hangar [d(3)vôbâgAR] ou avant LE oui [Avals wi].
— À Liège, où l'h est un phonème, e s'amuït c o m m e devant une autre
consonne : °[d(o)vd 1 hâgAK]. D e même, une hulotte [yns ylot] ; on entend
aussi [yn ylot], avec une légère coupure entre les deux mots, prononcia-
tion moins soignée, que l'on ne confondra cependant pas avec °[y-nylot].
L'h aspiré.
b) P a r m i les m o t s c o m m e n ç a n t p a r [w],
• H E S REMAR Q UE
Parmi les mots commençant par [q], seuls connaissent la dis-
Ex. n o n c o n f o r m e s : La m achin e à laver, q u'elle
jonction la locution huis clos et huit (qui sera étudié plus loin : o u blie DE h uiler, se grip p e (H. BAZIN, Ma tri m oin e,
§ 50, b, 1°) : p. 1 6 7). — ° D e p o rt es cra q u a n t es, DE h uisseries e n
b o u g e o tt e (P. GRAINVII I E, Lisière, p. 3 0 0). — En Bel -
Le président du tribunal a ordonné LE huis clos. giq u e, o n e n t e n d so u v e n t °LE h uissier ; "AU h uissier.
Les autres mots ne connaissent pas la disjonction, et notamment huis
I T I 1 M M H IS T O R I Q UE
(vieilli en dehors de l'expression huis clos), huissier, huisserie : Étant venue coller
U hla n (q u i est a b s e n t d u T résor e t q u i est trait é
son oreille contre L 'huis (MAUPASS., C., Prisonniers). — Il se tourna vers L 'huis t r o p s o m m a i r e m e n t p a r W a r t b u r g , t. XIX,
(SIMENON, Fiançailles de M. Hire, V ) . — Une portion de plinthe, un bas D 'huis- p. 2 1 4 ) a d ' a b o r d é t é é cri t e n fr. h o ula n, h ula n
serie (H. BAZIN, Qui j' ose aimer, X V ) . — Envoyer L 'huissier. — L 'huile, L 'huî- (v a r. d o n n é e s p a r l' A c . 1 8 3 5 et 1 8 7 8 , a b a n d o n -
tre. — N ' oubliez pas D 'huiler votre pédalier. EU n é e s e n 1 9 3 5 ; Sa b re d u H U L A N c h e z H u c o , Lé g.,
X X XI, 2 ) ; c o m p . w a l l o n li é g e o is h o ula n ( a v e c h
p r o n o n c é a s p i r é : cf. § 3 1 ). M a i s l'a ll e m a n d ,
Divers cas de disjonction. a u q u e l l e fr. a pris le m o t, a c o n n u d 'a b o r d la
f o r m e h u hla n ( e n 1 7 4 2). C f . P. A a l t o , d a n s N e u -
p hilolo gisch e Mitt eilu n g e n, t. LUI, 1 9 5 2 , p p . 3 - 8.
Devant uklan BU et souvent ululer fJS et sa famille.
Les | uhlans. — Un détachement DE uhlans (Ac. 1935). — Il monte à LA E H E U H IS T O R I Q UE
uhlane (LA VARENDE, Centaure de Dieu, p. 112). — LE ululement de la bouée Ululer est u n e m p r u n t a u lat. ululare. C elui - ci a
d o n n é p a r v o i e p o p u l a i r e h urler, q u i a r e ç u u n h
sonore (DANINOS, Vacances à tous prix, p. 282). — Un NOUVEAU ululement
e x p ressif a v e c d isj o n c t i o n . H ulo tt e se r a t t a c h e
(QUENEAU, Zazie dans le métro, V I I I ) . a ussi à c e t t e f a m ille .
O n écrit aussi hululer, etc. : Une sorte DE hululement (MAURIAC, Province,
Œuvres compl., p. 465). 1 3 1 M m H IS T O R I Q UE
A u X V I e s., l'u s a g e n'a v a i t p as e n c o r e t r a n c h é : À
Ex. de (h)ululer, etc., sans disjonction : Une espèce D ' ululement (GONC.,Journal, l'h uyties m e jo ur (COMMYNES, 1.1, p. 1 5 3). — N os -
cit. Rob.). — L ' ululement de la chouette (BEDEL, dans les Nouv. litt., 2 6 déc. 1946). tre vers D'h uict ( V A U Q U E L I N DE IA FRESNAYE, An
— CET ululement (APOLLIN., Poète assassiné, p. 243 ; R.-V. PLLHES, Imprécateur, p o é t., cit. H u g u e t).
p. 160). — Vibration [...] soulignée [...] D 'hululations (BUTOR, Modification, I).
B I S E S H IS T O R I Q UE
Devant les numéraux, dans certains cas. A u X V II e et a u X V III e s., o n é criv a it LE o n z iè m e
( b l â m é p a r V a u g e l a s, p. 7 7 ) et l'o n z iè m e : *LA
Devant huit et ses dérivés (qui ressortissent aussi au § 49, c). [J5J o n z iè m e le ttre (SFV., 12 se p t. 1 6 5 6 ) . - LE
La messe DE huit heures, Il n ' en faut QUE huit. LA huitième heure. Un BEAU o n z iè m e jo ur (MAINTENON, Le ttres, 2 7 se p t.
huitain. Il paiera dans LA huitaine. 1 6 9 1 ). — * L'o n z iè m e [e n tr e p ris e] est p rê t e d'écla -
t er (CORN., C in n a, II, 1 ). — D ès L'o n z iè m e o u d o u -
Exceptions : Dix-huit [di-zqit], dix4>uitième, vingt4>uit, vingtj>uitième.
z iè m e p ro p ositio n (VOIT., Le ttresp hil., t. Il, p. 67).
Trente-huit [tRûtqit], quarante-huit, etc. — Mais : cent | huit. « Q u e l q u e s - u n s dise n t e n c o r e , l'o n z iè m e », écri -
Devant onze et onzième, il y a généralement disjonction. S I v a it l'A c . e n 1 8 7 8 c o m m e e n 1 8 3 5 . V o i c i d es e x.
p ost érie u rs, m ais c e so n t d es c o q u e t t e ri e s :
Il reviendra LE onze, Le rendez-vous DU onze. LE onze de France [= l'équipe
L'o n z iè m e livre (FRANC L, Pierre N o z ière, p. 2 8 7 ) . —
nationale de football]. Au onzième siècle. — Pour LA onzième fois (HUGO, Cho- L'o n z iè m e volu m e (TMÉRIVE, d a n s le T e m ps,
ses vues, 4janv. 1847). 15 avril 1 9 3 7). — L'o n z iè m e p rovinciale (GÉRARD-
GAII LY, d a n s Sé v., 1.1, p. 9 6 6 ) . — N a tif d e Be z o ns,
Pour onze, on admet la liaison dans II est^onze heures et l'élision élect e ur d a ns L'o n z iè m e [a rr o n d iss e m e n t] (QUE-
de que et de de (un même auteur ayant souvent un usage qui varie). NEAU, Pierro t mon a m i, I).
Qu ' : Est-ce QU'onze heures ne vont pas bientôt sonner ? (WlLLY et COLETTE,
Claud. à l' école, p. 127.) — Il n ' était Qu ' onze heures (THÉRIVE, Sans âme, p. 107 ;
HÉRIAT, Enfants gâtés, III, 1). — Il n ' est Qu ' onze heures (VIAN, Écume des jours,
IV). _
D ' : La jouissance de dix tableaux de David et D ' onze de Ingres (BAUDEL.,
Curios. esth., II). — Il est près D ' onze heures (ZOLA, Conq. de Plassans, VII). — Dès
l'âge D ' onze ans (FRANCE, île des Pingouins, III, 4). — Le soleil D ' onze heures (MAU-
RIAC, Préséances, 1, 3). — La demie D ' onze heures (GREEN, Autre, p. 109). — La
durée normale de sa vie est D ' onze jours (MONTHERL., Coups de soleil, p. 160). —
Ils avaient loupé le car D ' onze heures vingt (B. PLNGET, Quelqu ' un, p. 208).
Que : Encore qu 'il ne soit QUE onze heures (JAMMES, M. le curé d' Ozeron,
p. 9 7).
De : Il devait être près DE onze heures (ZOLA, Bête hum., II). — Il n ' était guère
plus DE onze heures (FRANCE, Crainquebille, VIII). — Petite fille DE onze ans
(MAURIAC, Robe prétexte, I). — La demie DE onze heures (MONTHERL., op. cit.,
p. 59). — Président DE onze compagnies (GIRAUDOUX, Folle de Chaillot, p. 17). —
Celle [= la messe] DE onze heures (BOSCO, Oubli moins profond, p. 329). — La
messe DE onze heures (J. BOREL, Retour, p. 418). — La mort DE onze heures (CABA-
NIS, Profondes années, p. 77).
L'élision est habituelle dans les composés belle (ou dame)-D ' onze-heures
(plante) et dans la locution bouillon D ' onze heures (breuvage empoisonné).
Cependant, bouillon DE onze heures se trouve : B. BECK, Contes à l' enfant né
coiffé, p. 205 ; J. ANGLADE, Tilleul du soir, p. 15.
3° La disjonction se produit devant un quand il est numéral : néces-
sairement s'il est nominalisé ; facultativement et surtout pour insister
sur la quantité, s'il est déterminant.
Un nominalisé : LE un de telle rue (Ac. 1935). — LE un de ce nombre est mal
fait. — La clé DU un (= de la chambre n° 1). — En scène pour LE un (= premier
acte) ! — Sa photo a paru à LA une [= première page] des journaux. — Vos titres
sont le Premier, l' Unique, LE Un [à un empereur] (CLAUDEL, Repos du septième
jour, p. 9).
Un déterminant : Des enfants DE un à douze ans (LlTTRÉ, s. v. un, 1°). —
Un retard DE une heure 1/2 (STENDHAL, Corresp., t. IX, p. 160). — Le gouver-
nement avait décidé qu ' une somme DE un ou deux millions serait employée
(TOCQUEVILLE, Souvenirs, p. 200). — La pension n ' était même pas DE un franc,
mais DE une drachme par jour (LARBAUD, A. O. Barnabooth, Journal intime,
Pl., p. 220). — Des bonds DE un mètre (JOUHANDEAU, dans le Figaro litt.,
13 sept. 1951). — Quatorze pièces DE un franc (DANINOS, ib., 6 oct. 1951). —
De un mètre soixante-quatre (P. GUTH, ib., 19 déc. 1953). — Monsieur le Cen-
seur recevait dans son cabinet à partir DE une heure (PAGNOL, Temps des amours,
p. 265).
Sans disjonction : Intention de ne rester Qu'une heure, mais la soirée s' est pro-
longée jusqu 'à plus D ' une heure du matin (GIDE, Journal, 5 févr. 1931). —
L ' échelle des salaires allant D ' un à cinq (MAULNIER, Sens des mots, p. 187). —
Large D ' un à deux centimètres (ROBBE-GRILLET, Dans le labyrinthe, p. 85).
Il n'y a pas de disjonction quand un est article ou pronom et dans
les locutions ne faire qu ' un, c ' est tout^un.
L 'achat D ' une voiture. Ce Qu ' une voiture consomme. L ' un^après l'autre,
les uns et les autres, il n 'y en a (ou n ' en reste) Qu'un.
On dit livre un, chapitre un, sans élider e : [livus-œ]. — On détache un dans
la formule de l'Évangile : Qu 'ils soient \ un comme nous sommes | un (Jean, XVII,
22).
Dans la phrase :Ibme donnaient des nouvelles DE Untel (J. HOUGRON, Anti-
jeu, p. 119), et dans Les \ Untel, on a en outre la tendance signalée plus loin (J).
c) No ms occasionnels.
1° La disjonction est facultative devant les noms autonymes (mots
qui se désignent eux-mêmes : § 460).
• Avec disjonction : L ' on ne dit plus guère QUE entretien (LlTTRÉ, s. v. entre-
tènement). — La langue moderne n 'a guère formé QUE amerrir (BRUNOT, Pensée,
p. 214). — Le remplacement DE employer (FOUCHÉ, Morphologie, Verbe, pp. 52-
53). — La flexion DE esse (ERNOUT, Morphologie hist. du latin, § 108). — Cette
croyance QUE avant est devenu un adverbe (POTTIER, Systématique des éléments de
relation, p. 196). — L ' opposition DE avoir et DE être (J. DUBOIS, Gramm. struct.
dufr., Verbe, p. 127). — Vous avez mis deux \ aussi et deux | être dans cette phrase
[liaisons paraissant impossibles]. Dans \ apercevoir, il ne faut qu ' un p.
• Sans disjonction : Le genre D'ongle a été longtemps incertain (LlTTRÉ, s. v.
ongle). — Un bizarre dédain pour le c D'« avec » (J. RENARD, Journal, 11 déc. 1901).
— Au sujet D'amour, hymne, orgue (BRUNOT, Pensée, p. 92), — Esteie et estant
seraient refaits à partir D'estre (DAMOURETTE et PlCHON, § 810, note). — Citons
DALIDOV (Provence), D'Adélaïde (DAUZAT, Noms defamille de Fr., p. 114). — Ce
ne pourrait plus être Qu'avoir (LE BLDOIS, § 709, note). — La construction DE être
est prédicative ; celle D'avoir, transitive (BENVENISTE, Problèmes de ling.gén., p. 194).
[Remarquer l'inconséquence.] — Le Larousse du X X e siècle croit Qu'avoir affaire
avec quelqu'un suppose toujours un différend (HANSE, 1949, p. 71).
FEJJI L E H R E M A R Q UE
L o r s q u e les m o t s employés par a u t o n y m i e s o n t des m o t s g r a m -
S a n s d i s j o n c t i o n c e p e n d a n t : En p ro n o nça n t
m a t i c a u x monosyllab iques o u des m o r p h è m e s (préfixes, suffixes, CET o n , Mara t re g ar d a D a n t o n ( H u c o , Q u a -
désinences), la disjonction se fait p r e s q u e t o u j o u r s . J 3 J O r a l e m e n t , la trevin g t - tr., Il, il, 2 ) .
suite p h o n i q u e serait i n c o m p r é h e n s i b l e avec élision.
La part DE y et celle de lui (BRUNOT, Pensée, p. 384). — La déclinaison DE
E ! 3 i E S R E M A R Q UE
is (ERNOUT, Morphol. hist. du latin, § 108). — La substitution DE -ot à -aud
A h a n n'e s t p a s u n e i n t e r j e c t i o n o u u n e o n o m a -
(DAUZAT, Noms de famille de Fr., p. 114). — A côté DE -ons (FOUCHÉ, Mor-
t o p é e e t n ' e n t r a î n e p a s la d i s j o n c t i o n d'h a b i -
phologie, Verbe, p. 191). — L ' emploi DE est (LE BlDOIS, § 7 0 6 ) . — Le nom pré- t u d e : N a g e urs m orts suivro ns - n o us D'a h a n /
cédé DE en (HANSE, 1949, p. 280). T o n co urs vers d'a u tres n é b ule uses (APOLLIN.,
C e l a s'applique aussi aux in t erj ect io n s, qui s o n t d'ailleurs souvent Aie., C h a n s o n d u m a l - a i m é). — C h a q u e f ois
q u'il m o n t ait sur u n tro tt oir, il avait u n e sort e
écrites avec des h expressifs. E U
D'a h a n (MONTHERL., C élib a t., Pl., p. 8 4 4 ) . — Il
Le dialogue se poursuit ainsi DE ah ! en ah ! (DANINOS, Carnets du major d e v i e n t u n e o n o m a t o p é e d a n s c e s e x ., c e q u i
Thompson, p. 179). — Pousser un \ ouf de soulagement. — Pousser LE « ouf! » j u s t ifi e la d i s j o n c t i o n : H élè n e a d écrit [...] c e
de l' écolier studieux (A. ANGLES, dans la Revue d'hist. litt. de la Fr., sept.-oct. gro g n e m e n t, p as m ê m e : CE a h a n co m m e ve n u
1978, p. 811). — Une nouvelle salve DE hurrahs [aujourd'hui, hourras] monta d es e n trailles, q ui acco m p a g n ait ch a q u e so u ffle
vers les habiles aéronautes (VERNE, Robur le conquérant, X V I I I ) . — Les \ ollé ! d e la f olle (C.-E. C L A N C I E R , Et ernit é plus u n jo ur,
p . 2 9 3 ). — A ch a q u e t o u r d e vis [ d u p r e ss o ir à
retentissent dans l'arène. Comp. mettre LE hola.
h u il e], o n e n t e n d ait u n d éclic e t LE a h a n d es
P o u r hélas ! la disjonction n'est pas obligatoire, m ê m e c o m m e n o m . h o m m es (J. ORIEUX, Fig u es d e Ber b érie, p . 8 7 ) .
Avec disjonction : Que DE hélas '.faisait la pauvre fille (MAC ORLAN, Ancre
E U RE M A R Q UE
de Miséricorde, p. 246). — Qui, de la même encre, avait biffé LE hélas
C o m m e m o t - p h r a s e , h élas n ' e n t r a î n e p a s la
(H. BAZIN, Cri de la chouette, p. 151) [mot autonyme].
d i s j o n c t i o n : C'est Q u'h élas I le hid e u x ca u -
Sans disjonction : CET hélas m' effraie (AL. DUMAS, Reine Margot, ch e m ar q ui m e h a n t e / N'a p a s d e t r ê v e
X X V I I I ) . — Non '.plus n 'hélas ! (E. ROSTAND, Aiglon, II, 9.) H (VERL., Po è m es sa t., M e l a n c h o l i a , VIII). — Ma
P o u r hosanna, la d i s j o n c t i o n n'est pas indiquée d'ordinaire par les je u n e p erso n n e Q u'h élas, sa fa m ille [...] a tt e n -
o r t h o é p i s t e s . E l l e se t r o u v e p o u r t a n t : C E hosanna ( P É GU Y , Ève, p . 1 3 5 ) e t le d ait (PROUST, Rech., t. Il, p. 6 1 1 ) . - La ch air
Trésor e x c l u t la l i a i s o n a u p l u r i e l : Des | hosannas. est trist e, h élas ! e t j'ai lu t o us les livres (MAL-
L A R M É , Po és., Br i s e m a r i n e ) . [T rist e n e c o m p t e
O n observe aussi de l'indécision q u a n d il s'agit d'une suite de m o t s q u e p o u r u n e s y l l a b e .] — M a i s il s e r a i t p ossi -
f o r m a n t p r i m i t i v e m e n t u n e phrase, d'une citation intégrée à la p h r a s e b l e d e m é n a g e r u n e p a u s e e t d o n c d'é t a b lir
avec n o m i n a l i s a t i o n . u n e d i s j o n c t i o n d a n s la p r o s e .
Le goût est une maladie mortelle. C' est LE « A quoi bon ! » littéraire (J- RENARD, 1051 E S R E M A R Q UE
Journal, 1ER juin 1902). — C' était, CE après tout on s'en fiche, un exemplaire entre L a n o m i n a l i s a t i o n e s t c o m p l è t e d a n s h allali :
mille de ce magnifique langage (PROUST, Rech., t. III, p. 822). — LE « On vient trop cf. § 48, H2.
tard » et « Tout est dit » de La Bruyère (GIDE, Journal, 28 oct. 1935).
CET « il faut parce qu 'il faut » ne serait que la conscience momentanément prise
d' une traction subie (BERGSON, Deux sources de la mor. et de la rel, p. 20). — Bravo
pour le Et voilà ! [...] Il y a des abîmes dans CET Et voilà ! (MONTHERL., Démon du
bien, p. 82). [Remarquer l'inconséquence.] — Ce sont les champions de L'après vous,
j e n'en ferai rien (DANINOS, Carnets du major Thompson, p. 83). — [...] avant un
NOUVEL « en avant, marche ! » (M. COURNOT, dans le Monde, 2 juillet 1976).
L e s n o m s accidentels (autres que les n o m s a u t o n y m e s et les cita-
t i o n s ) s o n t traités c o m m e des n o m s ordinaires ; à plus f o r t e raison,
q u a n d la n o m i n a l i s a t i o n appartient à l'usage général.
Le vierge, le vivace et le BEL aujourd'hui (MALLARMÉ, Poés., Plusieurs sonnets,
II). — L 'assouvissement de L 'après justifiait les inappétences de L 'avant (HUYSMANS,
Là-bas, cit. Trésor, s. v. avant). — Aujourd'hui, j'ai erré dans CET autrefois qui m'attire U S B REMAR Q UE
Hier, à c a u s e d u so n initial [j] (c f . § 49, a, 3 °), est
d'autant plus qu 'il ne reviendra jamais (GREEN, Journal, 7janv. 1942). — Témoigner
u n c a s p a r tic u li e r : C e demain et < ET hier ( H u c o ,
de ce que L 'auparavant surclassait L ' ensuite (H. BAZIN, Cri de la chouette, p. 196). Quatrevingt-tr., 111, m, 1 ). — Notre usage est sorti
Un^au revoir. Lavant, L'arrière d' une voiture. CET aparté me déplaît. — Un long de l'usage antérieur [...]. Mais il faut se garder de
sanglot, tout chargé D'adieux (BAUDEL., Fl du m., Mort des amants). croire QUE hier se confond avec aujourd'hui (BRU-
NOT, Pensée, p. x ill). — C 'e s t un peu l'opposition
M a i s les monosyllab es d e m a n d e n t souvent la d i s j o n c t i o n : Qui ?
D U hier et du demain (V. -L. S A U L N I E R , in tro d . d e :
on ? [ . . . ] L e On qui est dans les ténèbres (HUGO, Misér., V , VI, 4 ) . H Ra b ., Pant., p. x x x vm).
4° Ut, nom de note, malgré sa brièveté, n'entraîne pas la disjonction : La clef
D ' ut (AC. 1935). — CET ut (ib.).
d) L e s l e t t r e s (les voyelles, ainsi q u e les c o n s o n n e s d o n t le n o m c o m -
m e n c e p a r une voyelle).
1° Qu ' elles soient prises c o m m e éléments de l'écriture o u c o m m e
9 REMARQUE.
r e p r é s e n t a n t des sons, l'usage est par ticulièr ement hésitant. 0 3
Les no ms d es lettres grecq u es sont traités
co m m e d es m ots ordinaires : L'alpha et Avec disjonction : Prononcez-vous LE e avec le timbre DU eu de feu !
L'oméga. L'iota souscrit. (A. MARTINET, Prononc. dufr. contemp., p. 66.) — Qui ne voit QUE i est gram-
maticalement nécessaire ? (BÉDIER, dans Colin Muset, Chansons, p. 54.) — Suivi
DE i (ERNOUT, Morphologie hist. du latin, § 303, A). — Ce hachis DE a et DE o
(BEDEL, Traité du plaisir, p. 164). — LE x est une consonne complexe (BOUR-
CIEZ, Précis dephonét.fr., § 112). — Doublement DE s (N. CATACH, Orthogr.fr.,
p. 170). — Puis elle ajoutait, en faisant rouler LE r d' une façon distinguée, entre LE
r et LE l, et en prolongeant LE a aux limites des vibrations possibles : Je l'adore
(CHAMSON, La neige et la fleur, p. 124). — Ma femme, [...] qui n ' oublie jamais
de prononcer LE h aspiré (CURTIS, Miroir le long du chemin, p. 142). — La dis-
tribution DU h initial (Cl. BLANCHE-BENVENISTE et A. CHERVEL, Orthographe,
REMARQUE. p. 62). — Chevalets en forme DE X (CAMUS, Étranger, p. 13). E 9
Pour les consonnes, certains des ex. o ù nous Sans disjonction : Un baiser, mais à tout prendre, qu ' est-ce ? [...] Un point
avons vu une disjonction pourraient s'expli- rose qu ' on met sur L'i du verbe aimer (E. ROSTAND, Cyr., III, 10). — Si Le caduc
quer par l'épellation dite m o d erne : [fa] pour f, se prononce comme L'eu de feu (A. MARTINET, op. cit., p. 64). — Deux variétés
M pour / , etc. Mais cela est p eu vraisem blable,
D'À accentué (Ch. BRUNEAU, Manuel de phonét. prat., p. 79). —
car cette épellation n'a pas eu un grand suc-
CET e (ERNOUT, op. cit., § 221). — L'[é] de *recévre (FOUCHÉ, Morphologie.
cès, en dehors de l'enseigne m ent élé m entaire.
Verbe, p. 55). — L'h cessa même d' être écrit (H. BONNARD, dans Grand Lar.
langue, p. 271). — Des avalanches D'« R » énormes (CÉLINE, Voy. au bout de la
nuit, F°, p. 360). — CET S (N. CATACH, op. cit., p. 165). — [En wallon,] L'sc,
ou la double ss, se rend régulièrement aussi, par une h aspirée (LLTTRÉ, Hist. de la
langue fr., t. II, p. 134). — En forme D 'X (ROBBE-GRILLET, Projet pour une révo-
lution à New York, p. 208). — En forme D'L (Cl. SIMON, Géorgiques,
J J | REMARQUE. P-285). 0 3
Em ployés c o m m e no ms au fig uré pour dési- BRUNOT distingue L 's pour la lettre, à lire [es], et LE s pour le son, à lire sans
gner d es objets, les no ms d e lettres rejettent
doute [sa] ou [s] : Écrire L's (Pensée, p. 102). — LE s final s'assourdit (p. 100).
la disjonction : Sur L'X d e h ê tre [p o ur scier d es
Il semble que les auteurs qui donnent aux noms des consonnes / , h, etc. le
b ûch esl ( C O L E TTE , Maiso n d e C la u d ., XXVI). —
A plus forte raison, si le n o m est écrit e n genre féminin n'écrivent jamais LA/, LA h.
entier : À L'esse p e n d ait u n q u artier d e b œ u f. O n notera que la liaison se fait sans doute plus facilement que l'élision :
Deux^a. Un f [œ-nef] ; — et que l'article défini s'élide plus facilement que de
ou que (et que moins facilement que de).
2° Employées c o m m e s ym b o l es en mathématiques, les lettres deman-
dent la disjonction, de m ê m e que les dérivés ordinaux de n et de x :
La puissance m DE a [...] est le produit DE m facteurs égaux à a (Grand Lar.
encycl., s. v. puissance). — Pour LA énième fois (PEREC, Vie mode d' emploi,
p. 212). — Pour LA ennièmefois (AYMÉ, Confort intellect., p. 174).
Ex. isolés : L ' X du problème (DANIEL-ROPS, cit. Rob.). — A L ' ennième
coup de la partie d' échecs (VALÉRY, Variété, Pl., p. 1199).
O n n e fait pas la liaison dans des locutions c o m m e les rayons \ X, les
vitamines \ A. — M a i s on dit t o u j o u r s l'X p o u r l'École polytechnique.
P o u r X, Y et N employés, sous l'influence des mat hémat iques,
c o m m e des espèces d'indéfinis, la d i s j o n c t i o n par aît l'emporter :
La femme du jeune notaire D 'X... (COLETTE, Maison de Claud., X V I I ) . —
Les bons avis du notaire DE X (ib.). — De jolis visages, après les trognes DE X . . .
(MONTHERL., Coups de soleil, p. 313). — Selon qu ' elles sont la femme DE X ou
REMARQUE. DE Y (M. CARDINAL, Autrement dit, p. 44). —Au bout DE X années de guerre
U n sigle c o m m e F. E. W. ( = Fra n z ôsisch es e ty -
(Rob. ARON, Léopold III ou le choix impossible, p. 26).
m olo gisch es Wôrt er b uch, de W. von Wartburg)
p e u t s e lire e n é p e l a n t : [efsve] ; o u c o m m e u n 3° P o u r les signes, si leur première lettre est une voyelle, il n'y a pas de
m o t o r d i n a i r e [few] o u [fev] ( o n e n t e n d m ê m e disjonction : L ' O N U , L ' U RSS [lyRs] ou LU. R. S. S. [lyeReses], Les OVN / .
° [ f j u ] !). En t o u t cas, o n écri t p l us s o u v e n t LE
Mais, quand leur première lettre est une consonne dont le n o m commence
F. E. W. (ou FEW) que L'F. E. W.
L': P. GARDETTE, d a n s la Revu e d e lin g. ro m ., 1964,
par une voyelle, la disjonction paraît l'emporter, pour H. L. M. par ex. :
p . 4 4 8 . — Le : G . MATORÉ, Hist. d es dict. fr., p. 1 7 4 ; LE H. L. M . (MALLET-JORIS, Les signes et les prodiges, p. 231). — Au H. L. M.
A. LEROND, H a bit a tio n en Wallo nie m al m é die n n e,
(REZVANI, Canard du doute, p. 278). — Cité DE H. L. M. (M. CARDINAL, Autre-
p. 8 4 ; L. R E M A C L E , dans les D ialect es de Wallo nie,
1 9 8 2, p. 113. - D u : P. GARDETTE, d a n s la Revu e de
ment dit, p. 169). — Affaire D'H. L. M . (HÉRIAT, Temps d'aimer, p. 262). —
lin g. ro m ., 1964, p. 4 4 9 ; C . ROQUES, ib ., 1983, Autre ex. : Revue du mouvement : LA S. I. M., ou pour l' écrire comme fait Colette,
p. 1 8 8 ; R.-L. WAGNER, V oca h ul. fr., 1.1, p. 5 4 ; L'S. I. M. (M. MERCIER, dans Cahiers Colette, n° 24, p. 9) [Titre du bulletin de la
j. PICOCHE, V oca b ul. picar d d'a u tre f ois, p. xvn. Société internationale de musique. L'ex. de COLETTE se trouve p. 38.]. 0 - J
e) La disjonction est possible devant les titres d'ouvrages, de films,
mais le plus souvent elle ne se fait pas.
Avec disjonction : Celle [= une taverne] [...] du voyage à Londres DE À
rebours (GIDE, Journal, 19janv. 1912). — Certains morceaux DE Un grand
homme de province à Paris (LANSON, Hist. de la litt.fr„ p. 1004). — C' est sans
doute QUE A la recherche du temps perdu n ' est pas achevé (MADAULE, Reconnais-
sances, p. 142). — Le très BEAU Homme du Sud de Jean Renoir, au Cinéma
d'Essai (Cl. MAURIAC, dans le Figaro litt., 27 mai 1950). — La lecture DE En
route (BLLLY, ib., 3 févr. 1951). — Les grandes beautés DE Un royaume de Dieu,
DE À [sic] l'ombre de la Croix (Fr. MAURIAC, ib., 7 févr. 1953).
Sans disjonction : Un admirateur D'À rebours (HUYSMANS, Lettres inédites
à Jules Destrée, p. 67). — Mon exemplaire D'En route (J. RENARD, Journal, 2 avril
1895). — L'En route de Huysmans est chrétien (THIBAUDET, Hist. de la litt.fr. de
1789 à nos jours, p. 337). — L 'auteur D'En route (Fr. MAURIAC, D 'autres et moi,
p. 180). — Les premières pages D'À la recherche du temps perdu (MADAULE, op.
cit., p. 84). — Plongée dans h lecture D"Elle (BUTOR, Modification, 10 / 18, p. 80).
— Les deux jeunes motocyclistes D"Easy Rider [c'est un film] (BEAUVOIR, Tout
• H 9 B ® HIST ORIQUE.
compte fait, p. 206). — Le n°9 D'Action (LACOUTURE, André Malraux, p. 26).
C e t t e t e n d a n c e n'e s t p a s r é c e n t e : À la place
— A partir D'Un amour de Swann (GENETTE, Figures III, p. 249).
DE A n t oin e C o d e a u [...J à la place D t A m a ble d e
f) Il y a une certaine tendance US à faire la disjonction devant les Bo ur z eis (Ac. 1 6 9 4 , List e d e l'Aca d . fra nçoise).
noms propres de personnes [ 3 0 , surtout après que, notamment
lorsqu'ils sont courts, lorsqu'ils sont homophones d'autres mots, et M FCF REMAR QUE.
La d isj o n c t i o n est p lus r a r e d e v a n t u n n o m d e
aussi lorsqu'ils ont des consonances étrangères :
l i e u : Il a a n n o ncé QUE A rras e t A m ie ns é t aie n t
Il y aurait demain dans un journal QUE Octave de T... a tué sa maîtresse p rises (CABANIS, Pro f o n d es a n n é es, p . 1 5 7 ) .
(MUSSET, Confi, V, 6). — La porte [...] QUE Ulph n 'avait pas manqué de refer-
mer (SAND, Homme de neige, 1.1, p. 58). — De David et [...] DE Ingres (BAU-
DEL., Curios. estk, II). — Il s'agit des brebis QUE Aignelet assommait pour les
vendre (LLTTRÉ, Hist. de la langue fr., t. II, p. 38). — Une assez gentille Vierge
DE Ottin (FLAUB., Voy., 1.1, p. 290). — Les lettres DE Aziyadé (LOTI, Aziyadé,
IV, 12). — Le livre DE Unamuno (GIDE, Journal, 1.1, p. 549). — La somme
QUE Eugène [...]« reçue (ib., p. 375). — Aussi pure QUE Eve avant le premier
péché (PÉGUY, Porche du myst. de la deux, vertu, p. 88). — L 'abbé Corneille disait
[...] QUE Aubert lui rappelait des paysans français (R. ROLLAND ,Jean-Chr., VII,
p. 174). — Mon piano, - mon VIEUX Êrard mélodieux (CLAUDEL, lettre
publiée dans Europe, mars 1982, p. 155). — Tandis QUE Arsène, hors de lui
[...] (BERNANOS, M. Ouine, p. 58). — Vous connaissez bien le vieux dicton :
Lorsque Adam [cf. § 45, b, 3°] labourait et QUE Ève filait, où était le gentilhomme ?
(ID., Dialogues des carmél, III, 6.) — Le moins qu ' on puisse dire est QUE Ève de
Balzac nous y est présentée sans sympathie excessive (BLLLY, dans le Figaro litt.,
21 juillet 1966). — La compagnie DE Ange (F. DESONAY, Ange, p. 106). — Le
descendant de François Arago, et le fils DU Arago qui a été le chef du « Bloc
national » (E. BERL, Interrogatoire par P. Modiano, p. 101). — Le sérieux DE
Ada et l' obstination [...] DE Elite May (M. E. CoiNDREAU, trad. de : Caldwell,
Route au tabac, IV). — Le père DE lise (CABANIS, Bonheur du jour, X V ) . — Un
analyste plus important QUE Althusser (EMM. TODD, Le fou et le prolétaire,
p. 140). — La veuve DU Yves Le Quellec [dit un personnage] (J. CHAMPION,
Passion selon Martial Montaurian, p. 105). — Ex. DE Arnoux (Trésor, s. v.
comme) — De telles personnalités QUE André Malraux, Jacques Ruejf [...]
(DRUON, Circonstances, t. III, p. 123). [Il s'agit d'une énumération, et on peut
supposer qu'elle est précédée d'une pause légère.]
Assez souvent lorsqu'un prénom est réduit à l'initiale (comp. d ci-dessus) :
On peut ajouter [...] QUE A. Meillet disait [...] (M. COHEN, dans le Bull, de la
Soc. de ling. de Paris, 1936, p. 15). — Le chapitre DE A. Pézard (L. BLNET, dans
le Figaro litt., 21 avril 1951). — DE A. Artaud (Petit Robert, s. v. ombilic).
g) O n observe aussi une tendance à isoler par la disjonction
(comme le feraient des guillemets) un mot et surtout un
groupe sentis comme étrangers :
Dans LE off[= théâtre amateur], comme ailleurs, chacun veut vivre de son
métier (C. GODARD, dans le Monde, 8 août 1983). [C'est, en outre, un mono-
syllabe.] LA upa-upa (LOTI, Mariage de Loti, II, 3). [Danse tahi-
tienne. f l Y j — L ' éléphant représente [pour le Siam] quelque chose comme LE M A E n REMARQUE
Union Jack [= drapeau de la Grande-Bretagne] (GLDE, trad. de : Conrad, C e r t a i n s é criv e n t huppa - huppa (BOURCET,
Typhon, p. 28). — Cette moustache est l' emblème de LA Air-Force [= de l'avia- D a nse ur m o n d ain, I).
tion britannique] (CHARDONNE, Vivre à Madère, p. 22). — Vous nous parlez
[...] DU irish coffee (MARCEAU, Réponse au dise, de réc. de Déon à l'Ac.).
Notions de phonétique historique
Généralités.
• H E S REMARQUE.
L e français, dans son fonds essentiel, est issu du latin popu-
Les m o t s e m p r u n t é s a u latin o u à d'a u t r e s
l a n g u e s c o n n a iss e n t a ussi d e s m o d ific a t i o n s laire, accru de quelques survivances gauloises et de mots germani-
p h o n é t i q u e s, m ais celles - ci n e p e u v e n t ê t r e ques, surtout franciques. Les sons de ces mots dits populaires (par
e x p ri m é e s so us f o r m e d e lois.
opposition aux mots empruntés par la suite : cf. § 154) ont subi des
• m E n REMARQUE changements successifs qui se sont opérés de façon inconsciente et
Les n o m s, les a djectifs, les d é t e r m i n a n ts e t les selon des lois constantes (sauf accidents), c'est-à-dire qu'un même
p r o n o m s (les p r o n o m s p e rso n n els mis à p art)
son, les conditions (accentuation, voisinage) étant les mêmes, a subi,
d u fr. m o d e r n e vi e n n e n t , e n g é n éral, d u c a s
r é g i m e (cf. § § 8 - 9) d e l'a n c. fr., e t c e c a s quel que fut le mot, des modifications identiques. C B
r é g i m e d e l'accusa tif latin, n o u s d o n n o n s
d'o r d i n a ir e l'é t y m o n d e c e s m o ts so us la Par ex., [k] initial (écrit c en latin) suivi de a aboutit à U! en fr., écrit cb : caballu(m) >
f o r m e d e l'accusa tif, e n m e t t a n t e n t r e paren - cheval; cantare > chanter ; camisia(m) (mot sans doute gaulois attesté en latin au IVe s.
t h èses c e rt ai n e s lettres q u i n e se p r o n o n ç a i e n t après J.-C.) > chemise ; germanique *kampjo * lat. tardif campione(m) > champion. I H
plus d è s l'é p o q u e latin e, e t n o t a m m e n t m
final. — L'ast éris q u e distin g u e les f o r m e s n o n Les étapes successives de l'évolution phonétique ont parfois été
attesté es, m ais reco nstit u é es. nombreuses ; nous ne mentionnons, en général, que les deux étapes extrêmes.
I. LES VOYELLES
Certains mots latins faisaient corps phonétiquement avec le mot voisin et n'avaient
pas d'accent : aut, nec, et, si, ubi, de, sine, in, etc. Les uns, dits proclitiques, s'appuyaient sur
le mot suivant ; d'autres, dits enclitiques, s'appuyaient sur le mot précédent.
Une voyelle est libre quand elle termine la syllabe (syllabe ouverte) : mE, mA-re, in-
tE-gru(m). Une voyelle est entravée quand elle ne termine pas la syllabe (syllabe fermée) :
mOr-te(m), crEs-ce-re ; l'entrave peut remonter au latin ou s'être produite ensuite.
Dans certains monosyllabes accentués, côr, mél, très, etc., la voyelle suivie d'une
seule consonne terminant le mot a été traitée comme libre, parce que cette consonne était
rattachée à l'initiale vocalique du mot suivant et faisait syllabe avec celle-ci. Comp. § 41.
Dans la transcription du latin, nous opposons, lorsque cela est utile, ê,t,ô, w,
qui sont longs, à ê, i, ô, û, qui sont brefs.
VO YELLES A T O NES
VOYELLES INITIALES
[y] ; a(u)gustu(m) > aost > aoust > [u] (voir cependant § 91, b, 5°, N. B. 2) d uction d'u n y o d dans *b a t âre > b a ër > bayer
[bAje] ; — la voyelle initiale a im posé son tim bre
* écrit août (ou août : § 104, b). H dans p a u ô n e(m) > paon [pâ].
A latin.
a) A tonique libre devient [E] devant une consonne articulée :
fâba(m) > fève ; — il devient [e] à la finale : claritâte(m) > clarté ;
clâue(m) > [kle] écrit souvent clef ;fâta(m) > [fe] écrit fée.
Toutefois a tonique s'est maintenu dans la désinence des troisièmes per-
sonnes du singulier au passé simple des verbes en -er : cantâuit > chanta ; —
dans (h)âbes > as ; (b)âbet > a ; uâde > va ; uâdis > vas ; uâdit > va ; — dans
illac > là ; quâre > car ; mâle > mal.
b) A tonique entravé persiste en français : drbore(m) > arbre.
E ouvert latin.
a) E ouvert (e"du lat. class.) tonique libre devient [je] devant une
consonne articulée : pétra(m) > pierre ; — il devient [je] à la finale :
pe 'de(m) > [pje] écrit pied.
L'ancienne graphie pié, qu'on trouve encore en prose au XVIII e s. (DLD.,
Neveu de Rameau, p. 21), est utilisée plus tard comme licence poétique pour
que la rime soit satisfaisante à l'oeil : pié est associé à envoyé par MUSSET
(Prem. poés., Namouna, II, 48).
b) E ouvert devant une entrave latine persiste : (h)érba(m) > [cRb(o) ]
écrit herbe.
E f e r m é latin.
a) E fermé (e, f du lat. class.) tonique libre devient [ei], puis, par une
évolution complexe, [WE]. De là, généralement, il aboutit à [WA] écrit
oi : (h)abére > aveir > avoir [AVWAR]. Dans certains cas, [WE] s'est réduit
à [E], que l'Ac. écrit ai depuis 1835 ; crèta(m) > creie > croie > [ICRE]
écrit craie ; (h)abêbat >aveit > avoit > [AVE] écrit avait.
L'histoire de oi, qui concerne aussi d'autres situations (§ 65, a), est complexe.
La prononciation [WA] est attestée dès le XIV e s., mais elle était encore tenue pour
populaire au XVIIe s. : par fouas pour parfois est mis dans la bouche d'un paysan
(MOL., D.Juan, II, 1). Elle a triomphé à la Révolution : « En 1814, le Roi, en ren-
trant, se rendraridicule,en disant à l'ancienne mode : Moe, le Roe » (Brunot, Hist.,
O H C 9 REMAR QUE. t. X, p. 96). o n — L'évolution [we] > [WA] a entraîné certains mots où [we] avait
Cependant, [we] subsiste jusqu'à nos jours une autre origine : medulla(m) > moelle prononcé [mwAl] (la prononciation [mwcl],
dans le fr. pop. de certaines provinces du encore attestée par larimeavec elle chez BAUDEL., FL du m., Métamorph. du vam-
Centre et de l'Est, ainsi qu'au Canada fr. pire, passe aujourd'hui pour vieillie et provinciale) ; sud-ouest altéré en suroît pro-
noncé [ s y R W A ] dans les sens « vent du sud-ouest » et « vêtement de marin ».
D'autre part, boîte s'est écrit boéte (par ex., MONTESQ., L. pers., XXV), etc.
La réduction de [we] à [e] date aussi du XIV e s. Elle est admise par Vaugelas
« comme plus douce et plus delicate » (p. 98) dans je faisois, je connois, Anglois,
etc., mais aussi dans des mots où nous avons [WA] aujourd'hui : froid, croire, etc. De
là lesrimesestre / paroistre (MOL., D. Garcie, 1,1), laide /frede (var. -.froide) (VOI-
TURE, Poés., XCVI). Mais CORN, fait rimer connoi ( = connais) et toi (Ment.,
II, 3), parlois ( = parlais) et lois (Ulus., II, 2). — La répartition actuelle n'était pas
encore assurée au XIX e s. : Louis-Philippe disait les Hongrais, rapporte HUGO
(texte publié par H. Guillemin, dans le Figaro litt., 20 déc. 1952) ; un personnage
Le fr. pop. dit encore [ÎRE] pour froid dans de BALZAC disait «frait pour froid », mais « son langage était celui de la vieille
l'Ouest et [ f R e t ] au Canada : Q u a n d il fait b e n cour » (Lys dans la v., p. 96). — Il nous reste des doublets : roide et raide, barnois
FRET ( H É M O N , m . C h a p d elain e, X). et harnais, François et Français, Langlois et Anglais ; cf. aussi § 169,4 (-aie). B 3
b) E fermé tonique entravé devient [E] : lïttera(m) > lettre ;
crtsta(m) > crête.
/ latin.
I (i du lat. class.) tonique, libre ou entravé, se maintient intact :
uîta(m) > vie ; scrfptu(m) > écrit.
| O latin.
a) O ouvert (o du lat. class.) et o fermé (ô, « du lat. class.) libres
deviennent [œ] devant une consonne articulée : filiolu(m) > filleul;
Jlôre(m) > fleur ; gula(m) > gueule ; — ils deviennent [0] à la finale :
*potet > peut ; nôdu(m) > noeud.
Pour les deux sons dufr.moderne, on écrit ordinairement eu, parfois œu (bœuf,
nœud), parfois aussi ue (cueille, orgueil) et même œ (œil). Cf. §§ 93, b, 2° ; 94, b, 2°.
b) O ouvert entravé reste généralement intact : morte(m) > mort ; —
mais 0 fermé entravé devient [u] écrit ou : cô(n)stat > coûte (ou coûte :
§ 104, b, 2°) ; bucca(m) > bouche.
I U latin.
U long [u] tonique, libre ou entravé, devient [y] (écrit u) : mûru(m) > REM AR Q UE .
U d eva n t voyelle était u n e semi - voyelle et il est
mur ; bïna(m) > lune ;Juste(m) > fut. O
d eve n u u n e co nso n n e : cf. § 69, 5°.
I AU latin.
Au tonique, libre ou entravé, devient généralement [0] : âuru(m) >
or ;fâbrica(m) > lat. vulg. *fâurga(m) > forge.
INFLUENCES PARTICULIÈRES
I T e t D latins.
a) T et d devant une voyelle ou une consonne disparaissent : natiuu(m) >
naïf ; sudàre > suer ; test(i)môniu(m) > témoin ; mand(u)câre > manger.
Les groupes tr, dr entre voyelles, se réduisent à [R] (écrit rr, r) :
pétra(m) > pierre ; claûdere > clore.
b) Dans le groupe t + yod, le t devient [z] (écrit s) et le yod se com-
bine avec la voyelle précédente : potiône(m) > poison ; cf. § 65, a.
c) Dans le groupe d + yod, le d tombe et le yod se combine avec la
voyelle précédente : gaûdia > joie.
S latin.
a) S [s] entre voyelles devient [z] (écrit s) : ausâre > oser.
b) Devant une consonne, il tombe : dsperu(m) > aspre > âpre ;
tésta(m) > teste > tête ; respônsa(m) > response > réponse.
L's des mots comme aspre, teste, etc., qui ne se prononçait plus depuis la
fin du XII e s., n'a été supprimé dans l'écriture par ÏAcad. qu'en 1740. La chute
de l's a allongé la voyelle précédente ; cet allongement est souvent marqué dans
l'orthographe moderne par un accent circonflexe (§ 104). — L'orthographe a
maintenu l's dans la forme verbale est, dans le nom esche et dans beaucoup de
noms propres : Dufresnoy, Leconte de Liste, Asnières, Suresnes. — L's se pro-
nonce dans les mots d'emprunt : comp. bâton et bastonnade (empr. à l'ital.) ;
hôtel et bostellerie (repris à l'anc. fr.).
Labiales latines.
a) P, b, devant une voyelle ou devant r, deviennent v : lupa(m) >
louve; tabérna(m) > taverne; câpra(m) > chèvre ; fébre(m) > fièvre;
— [w] (écrit u ou v : cf. § 69, 5°) devient v : leudre > lever.
Toutefois b et [w] tombent devant o, u : tabône(m) > taon [ta ] ;
pauône(m) > paon [pô].
b) P devant ! devient b : dûplu(m) > double ; quant à b, devant I, il
reste intact : tdbula(m) > table.
c) Dans le groupe p + yod, le yod se transforme en [J] (écrit ch) et p
tombe : sàpia(m) > sache. — Dans les groupes b + yod, [w] + yod, le
yod se transforme en [3] (écrit j, g) et b, [w] tombent : rdbia(m) > rage ;
câuea(m) > cage.
d) P , b, et [w] devant une consonne autre que r, l tombent :
cdpsa(m) > châsse ; cûb(i)tu(m) > coude ; nau(i)gâre > nager.
R, L, M, N latins.
a) R, l, m, n, entre voyelles, restent intacts : cura(m) > cure ;
dolôre(m) > douleur ; plûma(m) > plume ; lâna(m) > laine.
SU est en contact avec un yod, il subit une mouillure, puis devient
[j] : ftlia(m) > fille ; meliôre(m) > meilleur. — Si « est en contact avec
un yod, il devient [ji] écrit gn, parfois ign : cf. § 67, a.
b) Devant une consonne, r reste intact : pérdére > perdre ; — 1 se
vocalise : cf. § 68 ; — m et n disparaissent après avoir nasalisé la
voyelle précédente : rûmpere > rompre ; sentir e > sentir ; cf. § 66.
Intercalation de consonnes.
a) Lorsque la chute d'une voyelle met en contact phonétique [z]
(écrit s) + r, l + r, n + r, un d s'intercale : cônsuëre > *côs(e)re >
cosdre > coudre ; môl(e)re > moldre > moudre ; pôn(e)re > pondre.
b) Dans les groupes [s] (écrit ss) + r, c'est un t qui s'intercale :
antecéss(o)r > ancestre > ancêtre.
c) Dans les groupes m + r, m + l, c'est un b qui s'intercale :
nûm(e)ru(m) > nombre ; sim(u)lâre > sembler.
C O N S O N N E ENTRE C O N S O N N E S
a) En général, les consonnes placées entre consonnes disparaissent :
uénd(i)ta(m) > vente ; mast(i)câre > mâcher ; gâlb(i)nu(m) > jaune ;
(b)osp(i)tâle(m) > ostel > [otcl] écrit hôtel ; dôrm(i)t > dort ;
diurn(o)s > jours.
b) Devant r ou l, la consonne persiste : circ(u)lum > cercle ;
ûng(u)la(m) > ongle ; âsp(e)ru(m) > âpre ; mémbru(m) > membre ;
ôstrea(m) > huître ; môrd(e)re > mordre.
D a n s le groupe sel, le c disparaît : mdsc(u)lu(m) > masle > mâle. — D a n s
les groupes ngr, rgr, rcr, Igr, le c et le £ sont remplacés par une dentale :
plâng(e)re > plaindre ; sùrg(e)re > sourdre ; càrc(e)re(m) > chartre ;
fùlg(e)re(m) > foldre > foudre.
Tendance générale.
Les consonnes finales en latin ou devenues finales par la disparition
de la syllabe finale se sont généralement maintenues en anc. fr., puis se sont
souvent amuïes par la suite.
Les exceptions sont nombreuses. E n particulier, des consonnes qui n'étaient
plus que graphiques s'articulent de nouveau dans des monosyllabes, soumis plus que
les autres m o t s à des h o m o p h o n i e s gênantes : cric [kni], but [by] et m ê m e mœurs [nui]
par ex. sont concurrencés aujourd'hui par [kRik], [byt] et [mœRs], P o u r août, cf. § 91, b,
5°, N. B. 2 ; pour quand, § 1075.
Les consonnes finales muettes reparaissent dans les liaisons : cf. §§ 4 1 - 4 3 .
N . B . N o u s parlons ci-dessus des consonnes devenues finales avant l'amuïs-
sement de [a]. E n effet, les consonnes devenues finales par cet amuïsse-
m e n t se maintiennent : grande [gRôd], perte [peRt].
Sur quatre p r o n o n c é familièrement [ k A t ] , voir § 36, c. — S u r l'assour-
dissement des consonnes sonores finales, dans le fr. régional, °[gRât]
pour grande, voir § 32, R I .
ipi Consonnes sonores devenues finales.
G, d, ainsi que v issu de [w] (§ 69, 5°), s'assourdissent en anc. fr. et
deviennent respectivement [k] (écrit c), [t], [f], puis disparaissent
généralement ; dans l'écriture, on a souvent restitué g et d : lôngu(m) > lonc >
[15] écrit long ; cdl(i)du(m) > chaut > [Jo] écrit chaud ; cldue(m) > clé (aussi écrit
clef). — Mais uiuu(m) > vif [vif], séruu(m) > serf, souvent prononcé [seR f].
B est tombé dès l'anc. fr. : plûmbu{m) > pion (réécrit plomb).
R latin.
R se maintient toujours en anc. fr., et souvent en fr. moderne :
cdrru(m) > char ; pûru(m) > pur. — Mais r est muet aujourd'hui dans les infi-
nitifs en -er (lat. -are) et dans la plupart des adjectifs ou noms en -ter ou -er [lat.
-ariu(m)] : chanter, panier, léger ainsi que dans monsieur (mais non dans sieur).
Il est muet aussi dans gars [gA], qui, appartenant surtout à la langue parlée, est
parfois écrit °gas (FARRÈRE, Petites alliées, XIX), °gâs (LA VARENDE, Centaure de
Dieu, p. 99 ; etc.), voire °gât (P. DUBUISSON et M. BONIN, Dict. du fr. rég. du Berry-
Bourbonnais) d'après le fém. gâte (§ 503, R6).
En moyenfr.,r s'est amuï, non seulement dans lesfinalesen -er et -ier qui viennent
d'être citées, mais aussi dans les infinitifs en -ir (lat. -ire), dans les noms en -oir [lat. -ato-
riu(m)] et dans les noms en -eur [lat. -atore(m)]. Ce dernier suffixe devenait donc homo-
phone du suffixe -eux [lat. -osu(m)], ce qui a entraîné des confusions (cf. § 169, 31) et
aussi le féminin menteur/menteuse (§ 502, H2). C'est au XVIIIe s. que r a été rétabli dans
ces troisfinales.BALZAC notait encore qu'une femme dont le « langage était celui de la
vieille cour » prononçait « porteux au lieu d e porteurs » (Lys dans la v., p. 96). Ces finales
se prononcent encore aujourd'hui sans r dans le fr. pop. de diverses provinces et du
Canada, ce que les romanciers régionalistes ne manquent pas d'observer : Je vas la QU'RI
[= quérir] (GENEVOIX, Raboliot, II, 4).
D'autre part, au XVIIe s., dans les infinitifs en -er, on prononçait l'r « en certaines
Provinces, particulièrement en Normandie », mais parfois aussi à Paris, à la fois chez les
dames et chez les orateurs de la chaire ou du barreau (cf. Vaugelas, pp. 437-438). Dans
une lettre dictée par M"" de Maintenon en 1676, on lit cererent au lieu de serrer (t. II,
p. 158). Le recours aux rimes dites normandes (Malherbe préférait « rimes de
Chartres ») était une licence poétique dont il a été fait usage jusqu'au XIX e s., mer rimant
avec blasphémer (HUGO, ContempL, IV, 15) ou avec aimer (BAUDEL., FL du m., Phares).
LES S I G N E S
GRAPHIQUES
S e c t i o n I
L'écriture
i Généralités.
Beaucoup de langues connaissent, à côté de leur forme
orale, qui est la forme primitive, une forme écrite. L a c o m m u -
nication entre un locuteur et un auditeur se double dans ce cas
d'une co mmu n ica t io n entre un scripteur et un lecteur.
Ordinairement le lecteur déchiffre le message par la vue, mais l'écriture
Braille, destinée aux aveugles, se lit par le toucher.
C e r t a i n e s l a n g u e s, c o m m e l e c h i n o i s o u l'a n c i e n é g y p t i e n , o n t d e s é c r i t u r e s
i d é o g r a p h i q u e s , c'e s t - à - d i r e t o t a l e m e n t o u p a r t i e l l e m e n t c o m p o s é e s d e s i g n e s q u i
r e p r ése n t e n t d es o bjets et, d e f a ç o n in d irect e, d es co n ce p ts ; ces écrit u r es s o n t à p e u
p r ès i n d é p e n d a n t e s d e l a p r o n o n c i a t i o n ré elle. C o m p . § 113.
L'alphabet. • Î F C I | HIS T O RI Q UE
L e français utilise l'alphabet dit latin. 003 L'a l p h a b e t fra nçais, c o m m u n à t o u t e s les lan -
g u e s r o m a n e s, au x la n g u es g e r m a n i q u e s, e tc.,
Les lettres en français sont au n o m b r e de vingt-six : a, b, p r o c è d e d e l'a l p h a b e t latin, l e q u e l est inspiré d e
l'a l p h a b e t g r e c, lui - m ê m e d é riv a n t d e l'al p h a b e t
c, d, e, f, g, h, i, j, k, 1, m, n, o, p, q, r, s, t, u, v, w, x, y, z. f39 p h é n ici e n ; les G r e c s a u r aie n t in tro d uit les let -
tres - voyelles.
Les unes sont appelées voyelles, parce qu'elles servent en principe
Si n o t r e a l p h a b e t r e m o n t e a u latin, les lettres
à représenter les sons-voyelles : a, e, i, o, u, y. Les autres sont appelées n'o n t p as n é c e ss a ir e m e n t les m ê m e s vale u rs
consonnes parce qu'elles représentent en principe les sons-consonnes. d a n s les d e u x syst è m es : le c, [k] e n latin, repré -
s e n t e [k] e t [s] e n fr. ; le u, [u] e n latin, [y] e n fr.,
Les lettres-voyelles servent aussi pour les semi-voyelles (§ 35) ; toutefois, e tc. — Po u r h, v o ir § 9 5.
w correspond souvent à la semi-voyelle [w] ;j, parfois à la semi-voyelle [j] (§ 49, E S É I J B HIS T O RI Q UE
V o i r § 8 5.
La lettre-consonne h n'équivaut plus à un son : cf. § 31 ; voir aussi § 95.
— La lettre-consonne x représente souvent une suite de sons : [ks] dans
Alexandre ; [gz] dans examen. C'est aussi le cas de y (§ 96, b). — D'autre part,
certains sons sont représentés par une suite de lettres, et un grand nombre de
mots contiennent des lettres qui ne correspondent pas à un son : voir § 91, b, 5°.
REMAR QUE. Il faut ajouter à ces lettres : les ligatures H Œ et JE, qui com-
O n a p p e l l e lig a t ure e n t y p o g r a p h i e la ré u - binent e et o, e et a (§ 91, b, 3°) ,* — des signes auxiliaires, comme les
n i o n d e d e u x o u plusie urs lettres e n u n se ul
b l o c . D a n s d ' a u t r e s c a s q u e Œ e t / £, c e l a
accents mis sur les voyelles, le tréma, la cédille, l'apostrophe, le trait
l a iss e a u x l e t t r e s l e u r v a l e u r o r d i n a i r e . d'union (cf. §§ 102-110) ; — des symboles, comme & (ancienne liga-
ture) pour et, § pour paragraphe, etc. (cf. § 113) ; — les signes de
ponctuation (§§ 116-136).
Notons aussi que les mots ne sont pas toujours écrits en
entier : M. pour Monsieur ; voir §§ 111-112.
Historique.
Notre alphabet n'a compté d'abord que vingt-trois lettres.
Ce n'est que dans la 4e éd. de son dict. (1762) que l'Acad. a séparé j (considéré
alors comme la 10e lettre de l'alphabet) de i (9e), et v (devenu la 22e lettre de l'alpha-
bet) de M (21e). Jusqu'alors les mots commençant par j et par i formaient une seule
suite, ainsi que ceux en M et v, quoique, à l'intérieur des deux suites, les j consonnes et
les v consonnes d'une part, les i voyelles et les u voyelles d'autre part fussent distingués
par des dessins particuliers, selon un usage qui s'est introduit dans l'imprimé au
XVI e s. Avant cette date, i et j, comme u et v, étaient employés indistinctement (iure
correspondait à ivre ou jure d'aujourd'hui) ; seule la place de la lettre dans le mot avait
| REMAR Q UE un certain rôle. L'écriture manuscrite au XVII e s. suivait encore l'ancien usage. EU
M M E DE SÉVICNÉ, p a r e x ., é c r i t v à l'i n i t i a l e La dernière venue est le w. Cette lettre (ou plutôt cette combinaison, que mon-
a u s s i b i e n d a n s v n ( = u n) q u e d a n s vo us e t u trent encore les dessins actuels de la lettre) servait au Moyen Âge dans les manuscrits
à l'i n t é r i e u r d u m o t a u ssi b i e n d a n s a u oir picards, wallons et lorrains, ainsi que dans les manuscrits anglo-normands (écrits en
( = avoir) q u e d a n s f u t.
Grande-Bretagne), pour rendre le son [w] fréquent dans ces régions. Les premières
éditions du dict. de l'Acad. ne citaient aucun mot en w-, quoique dans l'usage on eût
REMAR QUE. déjà un double v (imprimé souvent au XVII e s. Uv U J ) au début de noms propres,
C e q ui e x pliq u e certains n o m s n é erla n d ais notamment germaniques. En 1798 et en 1835, les quelques mots en w- prenaient
apparem ment im prononçables comme place à la fin de la section consacrée à V. En 1878, les mots en w- furent isolés, mais
Wtt erw ulg h e o ù l e w i n iti a l e s t e n r é a l i t é u n la lettre était définie ainsi : « Lettre consonne qui appartient à l'alphabet de plusieurs
d o u b l e u, r e p r é s e n t a n t [y :].
peuples du Nord, et qu'on emploie en français pour écrire un certain nombre de mots
empruntés aux langues de ces peuples, mais sans en faire une lettre de plus dans notre
alphabet. » Le texte de 1935 est à peu près semblable, sauf que l'on a supprimé le der-
nier membre de phrase (« mais sans en faire... ») tout en continuant à ne pas consi-
dérer le w comme une lettre de l'alphabet fr. Ces formules négligent le fait que le w
sert aussi à transcrire des noms propres appartenant au domaine linguistique fr. :
noms de personnes comme Watteau, Wace, Wilmotte, noms de lieux comme Wavre,
Woëvre, de même que des ethniques comme Wallon. — Le dict. de Robert (1964) est
le premier grand dict. à déclarer que le w est la 23e lettre de l'alphabet français.
V a r i é t é des formes.
C h a q u e l e t t r e n'a p a s u n d e s s i n u n i q u e.
pécheurs (MAURIAC, Souffrances et bonheur du chrét., Œuvres compl., p. 241). ble série d e Pater et d'A v e (|. B O R E I , Adoration,
p. 2 4). — Le M o y e n  g e était u n i m m e nse é difice
— Dans le chapitre IV de la Genèse (M. TOURNIER, Vendredi ou les limbes du d o n t les assises étaie nt le Pater, l'Ave, le Credo et le
Pacif., F°, p. 27). — Ayant dit ses avés (MUSSET, Prem. poés., Portia, I). Confiteor ( G R E E N , Journal, 3 0 juillet 1 9 4 0).
Mots que celui qui écrit considère comme n'appartenant pas à D a n s c e r t a i n s c a s , l e n o m c o m m u n n e f ait
p a s p a r t i e d e l' e n s e i g n e : À h a u t e u r d u c a f é
l'usage ordinaire, notamment mots empruntés à d'autres lan- La Cigogne (SABATIER, Trois sucettes à la men-
gues (en particulier, la terminologie scientifique de la botani- the, p . 8 6 ). C e l a e s t p a r t i c u l i è r e m e n t n e t
que, de l'entomologie, etc.), néologismes, mots populaires ou p o u r l e s e n s e i g n e s c o m m e n ç a n t p a r la pré -
p o s i t i o n à : Au Cheval blanc.
argotiques, mots régionaux ou dialectaux :
Mon gendre Saint-Loup connaît maintenant l'argot de tous les braves tom-
mies, il sait se faire entendre de ceux des plus lointains dominions et [...] fraternise
avec le plus humble private (PROUST, Rech., t. III, p. 789). — Allait-on s'asseoir
[...] sous le grand chêne du Puits-Philippe ? Nous apprenions immédiatement
que cet arbre n'était pas de la variété Quercus robur, mais bien le Quercus americana
(H. BAZIN, Vipère au poing XI). — Belle fonction à assumer : celle d'inquiéteur
(GIDE, Journal, 28 mars 1935). — Minette recevait de belles tripotées (PEISSON,
Hans le marin, VII). — Je suis homme à vous donner, tant seulement avec mon
pied de frêne [= bâton], un bon coup de main (BARBEY D'AUR., Ensorcelée, I).
Les mots étrangers vraiment entrés dans l'usage français s'écrivent
sans italique. Mais il y a de l'hésitation pour plus d'un cas, car les usa-
gers ne réagissent pas tous de la même façon.
Mot sur lequel on veut attirer l'attention à cause de son
importance pour le scripteur ou pour rendre dans l'écrit diver-
ses particularités de l'oral :
Il n'y a pas de comique en dehors de ce qui est proprement humain (BERG-
SON, Rire, I, 1). — Elle [= une gardienne de musée] m'a répondu avec
conviction : « C'est vrai qu'il [= un clocher] n'est pas beau. Mais d'en haut on a
une vue é-pou-van-table » (BEAUVOIR, Tout compte fait, p. 266). [L'italique se
justifie par le ton convaincu, qui explique également le détachement des sylla-
bes, mais aussi par le fait que l'adj. est pris ici dans un sens favorable.] —Je ne
crois pas beaucoup à la « hiérarchie ! » des arts [dit Swann] ;[...] quand il parlait
de choses sérieuses, quand il employait une expression qui semblait impliquer
une opinion sur un sujet important, il avait soin de l'isoler dans une intonation
spéciale, machinale et ironique, comme s'il l'avait mise entre guillemets, sem-
blant ne pas vouloir la prendre à son compte, et dire : « la hiérarchie, vous savez,
comme disent les gens ridicules » (PROUST, Rech., 1.1, pp. 97-98). — Les hom-
mes avaient besoin de moi : pour quoi faire ? (SARTRE, Mots, p. 145.)
S e c t i o n 2
L'orthographe
E l Définitions.
L ' o r t h o g r a p h e est l'en s emb le d es f o n c t i o n s q u e les scrip-
t e u r s d o n n e n t a u x let t res et a u x signes écrit s o u g ra p h i q u es .
O n dit aussi, e n in s is t a n t s u r la possibilité d e la faute, que c'est
la m a n i è r e d 'écrire c o r r e c t e m e n t les m o t s d'une lan g u e.
La nuance entre les deux définitions est concrétisée par un ex. comme celui-
ci : Il serait plus juste d' opposer à notre orthographe unique,fixée,des orthographes médié-
vales dont la multiplicité tient à divers facteurs : traditions d' écoles et d'ateliers, nature des
ouvrages et du public (J. CHAURAND, Hist. de la langue fr., p. 30).
L e m o t graphie désigne une façon d'écrire particulière :
Faulx (§ 91, H3) et poète (§ 105, H) sont des graphies archaïques ; °ortographe
est une graphie fautive. Dans les écrits du Moyen Age, on discerne des graphies lor-
raines, picardes, etc. : vielhe était une graphie wallonne pour vieille.
Les spécialistes se servent aussi du mot graphème : c'est, dans une
suite graphique, la plus petite unité pourvue d'une valeur phonétique ou
morphologique.
Cette unité peut être réalisée par une seule lettre (il y a trois graphèmes dans
ami), par une lettre pourvue d'un signe auxiliaire (é, ç), par un digramme (au) ou un
trigramme (eau). Le nom sens est formé de trois graphèmes : s-en-s ; le verbe sens
(indic. présent, l r e pers. du sing.) aussi, l's final étant phonétique dans le nom et mor-
phologique dans le verbe.
O n distingue l'orthographe d'usage, qui a pour objet les mots
pris en eux-mêmes, tels que les donne le dictionnaire, sans égard à
leur rôle dans la phrase, — et l'orthographe d e règle, qui concerne
les modifications grammaticales des mots, celles qu'ils subissent
pour jouer leur rôle dans la phrase.
L'orthographe de règle est exposée dans les grammaires.
Pour l'orthographe d'usage, la norme est traditionnellement fournie
par le dictionnaire de l'Académie ; voir cependant ci-dessous, § 90, c et e.
L'orthographe est une convention nécessaire pour la communi-
cation écrite. C o m m e on le verra dans la suite de ce chapitre, l'ortho-
graphe française est souvent compliquée. Il est permis d'espérer
certaines simplifications et, surtout, la suppression des disparates.
Bref historique de l'orthographe.
Quand les clercs commencèrent à écrire la langue vulgaire, ils
appliquèrent à celle-ci les lettres latines sans se préoccuper du fait que
l'évolution phonétique avait changé la valeur de ces lettres :
M = [y] ou [v], et non plus [u] ou [w] ; c = [s] ou [k], seulement [k] en latin ;
qu = [k], et non plus [kw] ;gn = [ji] et non loi, etc. — Il est vrai que le latin lui-
même était au Moyen Âge prononcé à la française : un mot comme dicton n'est
que le latin dictum tel qu'il était prononcé alors.
Pour le son nouveau [fj (d'abord [tj]), on utilisa un digramme nou-
veau, ch.
Au XII e s., malgré la polyvalence de certains signes (voir ci-dessus),
l'écriture était assez proche de la prononciation. Mais par la suite elle ne
suivit plus guère l'évolution phonétique.
C'est ainsi que nous avons gardé de nombreux digrammes (au, ai, ou, eu,
an, en, in, un, on) ou trigrammes (eau, ain, ein) qui représentaient au XII e s.
une suite de deux ou trois sons (au [au], etc.), laquelle s'est réduite à un son
unique. De même oi, qui se prononce [WA] aujourd'hui, était pour [oi] au
XII e s. Nous avons conservé aussi à la finale des mots un grand nombre de
consonnes devenues muettes depuis : porc, gant, les, léger, coup.
Très tôt, il y a eu une tendance à introduire dans les mots français
des lettres parasites du point de vue de la prononciation, mais qui se
trouvaient dans les mots latins correspondants :
Home (d'après le latin homo), déjà dans Alexis, au lieu de orne ; sept, bap-
toier (d'après le latin septem, baptizare) au lieu de set, batoier, etc.
Les mots d'origine grecque empruntés par le fr. au latin hésitent depuis le
début entre une graphie francisée (fisique, filosofe, batiser) et une graphie plus
proche du latin (phisique, philosophe, baptiser).
La relatinisation des mots devient systématique au XIV e , au X V e et
au X V I e s., en même temps que l'on emprunte force mots au latin (§ 154).
Introduction de consonnes parasites, soit des consonnes que les lois pho-
nétiques avaient fait disparaître : aBsoudre, aDvenir, corPs, douBter, tHresor,
sePmaine, etc., au lieu de assoudre, avenir, cors, douter, trésor, semaine ; soit des
consonnes que les lois phonétiques avaient transformées, et qui se trouvent
donc en quelque sorte deux fois :faiCt (i < c),fauhx et couLpe (u < l), nePveu
(v < p), etc., au lieu défait, faux, coupe (lat. culpa), neveu. — Remplacement
de o par au dans pAVvre, de e par ai dans Al!e, de t par d dans prenD et granD,
de c par g dans lonC, de ss par x dans soixante, etc. — Redoublement des
consonnes : elle, attendre au lieu de ele, atendre. — Réfections diverses :
meneur -*• mineur ; uitovre —>• octobre.
Certains rapprochements avec le latin sont faux : poids doit son d à pondus,
alors qu'il vient de pensum ; scavoir est écrit d'après scire (son étymon réel est
sapere) ; lais (qui dérive de laissier) est écrit legs comme s'il appartenait à la
famille du latin legare et du fr. léguer. Il y a même des rapprochements abusifs
avec le grec : disner (du latin disjejunare) devient parfois dipner au XVI e s.,
parce qu'on le croit issu du grec 8et7tvov.
Il ne faut pas assimiler ces erreurs aux lettres introduites pour éviter de
mauvaises lectures : unG pour un afin de distinguer le mot de uii [= VIL], nu,
vu (surtout dans des écritures confondant « et « et ne mettant pas de point sur
l'i) ; Huile (lat. oleum) afin d'éviter la confusion avec vile (cf. § 85) ; esbahir pour
esbair de peur que ai ne fut lu [e]. Le p de dompter (pour donter, lat. domitare)
s'explique peut-être par le souci d'empêcher la confusion avec douter.
WK*mm SKPVWH
Un certain nombre de ces additions ou modifications graphiques sont M mm REMARQUE
passées plus tard dans la prononciation : adjoindre, absoudre, septembre A u X VII e s., u n certain n o m b r e d e p erson nes,
[septabR] (en Belgique [setâbR]) à côté de sept [set] ; ou tendent à y passer : domp- m ê m e d u plus h a ut rang, avaie nt p e u d e so uci
ter, legs, cheptel, etc., prononcés [dôpte], [leg], LTeptel] au lieu de [d5te], [le], [/tel]. d e l'ort h o gra p h e. A lain D e c a u x d o n n e, d a ns
so n Histoire des Françaises, 1.1, p. 6 4 2, c e s quel-
Remarquer aussi que ces introductions de lettres étymologiques ont créé
q u es éch a ntillo ns : J'ai cru que Votre Altesse
des doublets (§ 146) : compter est devenu distinct de conter, alors qu'ils ont un
serèt bien èse de savoir sete istoire (La G r a n d e
seul étymon latin, computare ; ome, refait en homme, s'est séparé de on, qui était M a d e m oiselle , à so n p è r e).—Il lia sylontant que
son cas sujet (cf. § 8). je n'ay antandu parler de vous ( M m e d e Lau z u n).
Au Moyen Âge, la plus grande variété régnait, parfois à l'intérieur — Il auroit perdu le sans sil a voit pence à faire reu-
d'un même manuscrit. Au X V I e et au X V I I e s., dans l'usage particulier sir les brui qui ont couru... faitte moi honneur de
me mander quel conduitte vous voulez que jy
et même dans l'usage typographique, on admet souvent plusieurs maniè-
tienne (m ar q uise d'H u x elles, à F o u q u e t). — V oir
res d'écrire Q J ; cela permet d'ailleurs à certains imprimeurs du X V I e s. aussi Bru n o t, Hist., t. IV, p p. 1 5 0 et suiv.
d'apporter des modifications très heureuses, comme la distinction de i et
dej, de H et de y (cf. § 85) ou comme l'introduction des signes auxiliaires
(§ 102). On voit aussi des grammairiens, des lexicographes et des impri-
meurs préférer une orthographe proche de la prononciation tandis que
d'autres (comme R. Estienne) adoptent l'orthographe la plus fortement
marquée par l'influence du latin. Même débat encore au XVII e s. : des
auteurs comme Corneille, des grammairiens comme Ménage, des lexico-
graphes comme Richelet (1680) d'un côté ; l'Académie de l'autre, dont
le dictionnaire (1694) opte délibérément pour « l'ancienne Orthographe
receuë parmi tous les gens de lettres, parce qu'elle ayde à faire connoistre
l'Origine des mots ».
Pour montrer les différences considérables qui pouvaient exister à cette
époque, voici la forme que divers mots ont reçue dans Richelet : metode, méto-
nimie, mile, nape, noce, ocasion, pâte, tems (il signale aussi temps, mais ne
l'emploie pas) — et la forme adoptée par l'Acad. : metbode, métonymie, mille,
nappe, nopee, occasion, paste, temps.
On est en droit de regretter que les principes de Richelet n'aient
pas triomphé à une époque où la coexistence de divers usages aurait
permis de choisir le plus simple. Cela aurait rendu inutiles les très
nombreux essais de réforme qui se sont succédé jusqu'à nos jours (et
qui ont toujours avorté). — Mais, depuis le X V I I I e s., c'est le diction-
naire de l'Académie qui donne la norme orthographique aux autres
RAIIEL R E M A R Q UE dictionnaires, aux imprimeurs et, finalement, aux usagers. FEI
Il fa u t a t t e n d r e le X I X e s. p o u r q u e la n o r m e aca -
L'influence de l'Acad. est réduite aujourd'hui. Entre la fin de la
d é m i q u e s'i m p o s e a u p r è s d e c e s d e r nie rs. Pa r
e x., temps est e n c o r e é crit tems à la m a n i è r e d e 8 e édition (1935) et le début de la 9 e (1986) un intervalle considérable
Ric h e l e t p ar Sa i n t e - Be u v e (c f . Corresp., t. Il, s'est écoulé. Or le vocabulaire se renouvelle à un rythme qui s'est accéléré.
p. 2 9) e t p ar Sa n d (cf. Corresp., 1.1, p. XLLL).
L'usager a pris l'habitude de chercher la norme dans d'autres dict., plus
récents, plus répandus et qui suivent de plus près l'évolution du lexique,
d) Il faut signaler que, dans les éditions successives de son diction-
naire, l'Académie a admis un certain nombre de modifications. Voici
les principales.
Dans la 3e édition (1740), sous l'impulsion de l'abbé d'Olivet, elle a modifié
l'orthographe de plus de six mille mots, remplaçant s devant consonne par un
accent circonflexe (feste, maistre, etc.), y par i' dans ayeul, etc., supprimant les
voyelles en hiatus (l'e de deu, créa, beuveur) et diverses consonnes dont on avait
encombré les mots par souci étymologique (sçavoir, faict). On peut dire que cette
édition « instaure en France l'orthographe moderne qui est devenue la nôtre,
avec ses défauts et ses qualités » (N. Catach, Orthographe, p. 37).
Dans la 4 e édition (1762), les simplifications et les régularisations
continuent : beaucoup de lettres grecques sont écartées (déthrôner, paschal, pha-
nion, pklegmatique) ; l'accent grave remplace l'accent aigu dans mére, fièvre, etc. ;
le zfinal,marque du pluriel des noms et des participes passés en -é, est remplacé
par s (amitiez, aimez ->• amitiés, aimés).
Dans la 6 e édition (1835), qui marqueparfois un retour en arrière, on notera
surtout l'introduction du t dans les pluriels comme enfans et parens et, réforme
que Voltaire avait tant réclamée, le remplacement de oi par ai dans paroitre,
anglois.françois..., dans les indicatifs imparfaits et conditionnels (cf. § 60, a).
Dans la 7 e édition (1878), l'Acad. retrancha quelques lettres doubles : con-
sonance au lieu de consonnance ; supprima un des deux h dans phthisie et rhythme,
remplaça l'accent aigu par l'accent grave dans piège, etc., mit l'accent grave au lieu
du tréma dans poème, poète, etc., supprima le trait d'union après très et dans nom-
bre de noms composés : contre-fort, clair-semé, etc.
Dans la 8 e édition (1932-1935), elle a remplacé l'apostrophe par un trait
d'union dans les composés du type grand'mère (cf. § 107, H) et soudé un certain
nombre de composés (chienlit, toutou ; mots formés avec entre- et contre- : entracte,
etc.), mais de façon peu systématique. D'une manière générale, elle se montre
attachée à la tradition, la préface le déclare sans ambages : « La tradition ortho-
graphique s'est établie et, en dépit de ses imperfections, s'est imposée à l'usage.
C'est d'après elle qu'ont été imprimés des milliers de livres, qui ont répandu dans
l'univers entier l'admiration pour les chefs-d'œuvre de notre littérature. La bou-
leverser serait, pour un bien mince profit, troubler des habitudes séculaires, jeter
le désarroi dans les esprits. L'Académie se serait fait un scrupule de substituer à
un usage, qui a donné des preuves si éclatantes de sa vitalité, un usage nouveau,
qui mécontenterait la plus grande partie du public et ne satisferait certainement
pas ceux qui en proclament le pressant besoin. »
Dans le 1er volume (paru en 1992, nouvelle édition en 2001) et dans le 2e
(2000) de la 9e édition ainsi que dans les fascicules publiés ensuite, l'Acad. a
tenu compte des rectifications proposées par le Conseil supérieur de la langue
française en 1990 (voir e ci-dessous), mais non d'une manière uniforme. — Les
unes, considérées comme permises, et même recommandées, selon le titre
qu'elles reçoivent (Recommandations), font l'objet de listes séparées auxquelles
les articles renvoient par un signe conventionnel ; cela est signalé systématique-
ment dans le Bon usage, pour les faits qui concernent notre livre. — Les autres,
en quelque sorte imposées, sont enregistrées « à titre définitif », dit l'Acad., dans
les articles eux-mêmes, soit commeformeunique ; soit comme variante ; nous
les présentons comme la norme à enseigner (non sans signaler l'usage antérieur,
qu'il serait peu logique de traiter déjà comme fautif). Cette deuxième catégorie
concerne les faits suivants : 1) généralisation de è devant une syllabe contenant
un e muet (allègrement, etc., cf. § 103, a, 2°), notamment dans les futurs et con-
ditionnels du type régner (il régnera, etc., § 791, b) ; 2) remplacement de e par é
quand la prononciation est [e] (asséner, etc., § 103, a, 4°) ; 3) régularisation du s
à lafindes noms formés d'un verbe ou d'une préposition suivis d'un nom (un
essuie-main, des essuie-mains ; un à-pic, des à-pics, etc., §§ 530-531) ; 4) pluriel à
la française pour les noms d'origine étrangère (un graffiti, des graffitis, etc.,
§§ 534-538) ; 5) agglutination des mots composés dont ie premier élément est
entre (entrapercevoir, etc., § 45, RI ; entretemps, etc.) ou contre (§ 179, b, 2°). Pour
les points 2, 3 et 4, une partie des mots sont cités parmi les Recommandations.
L'intervention de l'Etat, qui s'est manifestée dans la lutte contre
les anglicismes (cf. § 157), n'avait guère joué jusqu'à présent pour
l'orthographe.
L'arrêté du ministre Leygues (26 févr. 1901) est simplement une liste de
« tolérances » : ce sont des cas pour lesquels « il ne sera pas compté de faute
aux candidats » dans les divers examens dépendant du ministère de l'Instruc-
tion publique. Ce document n'a pas eu, semble-t-il, un très grand succès. Une
nouvelle mouture, signée par le ministre René Haby (28 déc. 1976), a été
sévèrement critiquée par Joseph Hanse, dans le Bulletin de l'Académie royale
de langue et de littérature françaises [de Belgique], 1977, pp. 42-72 : la rédac-
tion comme l'information de cette liste sont peu satisfaisantes, en effet.
Le Premier ministre Michel Rocard a créé en 1989 un Conseil
supérieur de la langue française, chargé de veiller, dans divers
domaines, sur le destin et la qualité du français, et aussi de préparer,
non pas une réforme de l'orthographe, ce que M. Rocard excluait
explicitement, mais des rectifications portant sur cinq points. Ceci a
été réalisé, en grande partie, dans un rapport publié le 6 décembre
1990 dans le Journal officiel de la République française.
Ce document, préparé par un comité d'experts formé majoritairement de
linguistes et de lexicographes, avait été approuvé à l'unanimité par l'Acad. le
3 mai 1990 (cf. d ci-dessus). Dans cette 14e édition du Bon usage, un astérisque
ou un trait ondulé placés dans la marge indiquent les passages que concernent les
modifications.
C elles-ci p o r t e n t sur : 1 ) l'usage de l'accent aigu et de l'accent grave (§ 1 0 3 )
— n o t a m m e n t p o u r le futur et le c o n d i t i o n n e l des verbes c o m m e céder (§ 7 9 1 , b)
et p o u r la c o n j u g a i s o n des verbes d o n t l'infinitif est en -eler ou -eter ( § 7 9 1 , a) —,
de l'accent cir conflexe ( § 1 0 4 ) et du t r é m a ( § 1 0 5 ) ; — 2 ) le t r a i t e m e n t des n o m s
c o m p o s é s , p o u r ce qui c o n c e r n e t a n t l'agglutination (§ 109, N . B.) q u e les m a r -
q u e s du n o m b r e , a u singulier et au pluriel (§§ 5 3 0 - 5 3 1 ) ; — 3 ) l'usage d u trait
d'union dans les n u m é r a u x c o m p l e x e s ( § 110, c) ; — 4 ) la t r a n s c r i p t i o n des m o t s
étrangers, n o t a m m e n t p o u r le pluriel ( § 5 3 4 ) ; — 5 ) l'invariabilité d u participe
passé laissé suivi d'un infinitif ( § 9 5 1 , b) ; — 6 ) un certain n o m b r e d'anomalies
plus particulières ; élimination de p r o c é d é s gr aphiques anciens, p e u j u s t i f i é s o u
a m b i g u s (ce a u lieu de ç : § 9 3 , c ; ign au lieu de g » : § 9 2 , b ) ; u n i f o r m i s a t i o n de cer-
taines finales (joailler c o m m e conseiller, relai E U c o m m e délai, etc.) o u de certains E U K H I R E M A R Q UE
radicaux (charriot comme charrette ; imbécilité comme imbécile ; etc.) ; élimination Re/ai est déjà, sous la plume de C. PICON, dans
de suites graphiques exceptionnelles (eczéma ->• exéma ; sorgho sorgo);cor- H/st. des/i'tt, t. III, p. 1355.
rection de deux erreurs d'étymologie (nénuphar -> nénufar, comme dans l'Ac.
jusqu'en 1878 ; dessiller > déciller).
Phonologie et orthographe.
La lettre c.
Cette lettre a deux valeurs principales.
• [k] devant a, o, u ou une consonne, ainsi qua la finale : CAnif,
couleur, CUré, CRavate, bec.
• [s] devant e, i, y, ainsi que devant les ligatures JE et Œ, toutes
deux prononcées [e] : CE la, Citerne, CYgne ; et Cetera (et cetera
étant préférable), CŒlacanthe.
Elle se prononce [g] dans zinc (d'où le dérivé zingueur), dans second et dans
ses dérivés. M E U R E M A R Q UE
En outre, il est assez souvent muet à lafinale: franc, croc, un broc, etc., L e d i g r a m m e qu e s t f r é q u e m m e n t u sit é
ainsi que dans certaines suites de consonnes : sceau, fasciner. d e v a n t a e t o s o u s l'i n f l u e n c e d e s é t y m o n s
l a t i n s : antiquaire, qualité, quand, quoi, quo-
Pour indiquer la valeur [k] devant e, i, tient, reliquaire, reliquat, e t c . O n l e t r o u v e
a u ssi d a n s d e s m o t s d ' a u t r e o r i g i n e : car-
On utilise le digramme qu : quois, laquais, quai, narquois, e t c .
Il y a d'a u t r e s m o ts o ù o n att e n drait u n c : dis-
Comp. queue-,Turquie, turque ; bibliothèque ; communiquer ; — et caudal, quaire (A c. 2 0 0 1 ) , marquoir, moustiquaire,
Turc, bibliothécaire, communication. 0 piqûre ( o u piqûre : § 104, h, 3°), e tc. Po u r le pre -
N. B. 1. Le digramme qu est maintenu dans toute la conjugaison des verbes m ier, q u elq u es - u ns é criv e n t discaire, q ui serait
en -quer : Nous communiquons. En le provoquant. m e ill e u r (cf. bibliothécaire) : É . G I L S O N , Société de
masse et sa culture, p. 5 8 ; S A N - A N T O N I O , cit. Gil -
Mais les adjectifs ou les noms en -ant (§ 922, b) et -able s'écrivent par
b ert. — L e Robert laisse l e c h oi x e n t r e truquage
un c quand il existe un dérivé en -ation. — D'une part : Les vases com- (f o r m e d e l'A c. 1 9 3 5 ) et trucage, e n tr e toquade
municants. Une attitude provocante. Un fabricant de chaussettes. Une (A c .) e t tocade (p r é c o n is é p ar le C o n s e il supé -
réaction explicable, inexplicable. (Cf. communication, provocation, etc.) rie ur d e la l a n g u e fr. [§ 90, e], e n t r e toquard et
— D'autre part : remarquable, immanquable, une élève manquante, tocard, toquante et tocante (m o ts ig n orés d e
un pratiquant, des mots piquants, une attitude choquante, des biscuits l'A c. 1 9 3 5 ) . — Su r q sa ns u, v o ir § 9 1 , R 6 .
croquants. Un attaquant. Les piquants du chardon, etc. (puisque • n w HWH
& i m E U H IS T O R I Q UE
*remarcation, etc. n'existent pas). — Exception : (im)pratiCable (quoi- En fait, o n a c o n s e rv é j us q u'à n os jo urs, d a ns c e
que *pratication n'existe pas). cas p articulier, ainsi q u e d a ns orgueil (§ 94, b, 2°),
Remarquez aussi la conjugaison de vaincre, convaincre : Nous vain- u n e g r a p h ie justifié e p ar la p ro n o ncia tio n e n a nc.
fr. e t m a i n t e n u e e n m o y e n fr. n o t a m m e n t q u a n d
quons. En convainquant. — Mais l'adjectif est en -cant : Un argument
Vu d e eu risquait d'ê t r e lu [v] (cf. § 8 5), p ar e x. d a ns
convaincant. fueille (p o u r feuille) ; e n c o r e a u j o u r d'h ui d a ns u n
2. Qu ne pouvant se redoubler, on a la suite cqu dans divers mots : n o m d e lieu c o m m e Rueil. — D a n s œil, le rempla -
acquérir, becquée, becqueter, grecque, Jacques, socque, etc. — Certaines c e m e n t d e u p ar u n o pris a u lat. oculus évitait aussi
familles manquent de cohérence -.jaquette à côté de Jacques ; béquille à c e t t e co n f usio n. — D a n s cœur, u n o d e m ê m e ori-
g i n e (lat. cor) p e r m e t d e g ar d er a u c sa vale ur [k],
côté de becquée.
l i E S E U H IS T O R I Q UE
On intervertit e et M du digramme eu [œ] dans cercueil, cueillir et Ja d is, o n a utilisé e p o u r g ar d er a u c le so n [si,
sa famille, écueil. (SI c o m m e p o u r g a r d e r a u g l e so n [3] (§ 94, c) :
exerceant ( M A R C , D E N A V A R R E , Hept., L X X II) ;
Pour indiquer la valeur [s] devant a, o, u, on met une cédille sous le c. commence a ( A U B I C N É , 5a vie à ses enfants, p. 7 1 ) .
L'i n v e n ti o n d e la c é d ill e a fait disp araître le
Comp. Ça ; un cri perÇant ; nous perÇons-,aperÇu-,— et Cela, perCer, aper- d i g r a m m e c e (sa u f d a n s douceâtre), alors q u e g e
cevoir. — Voir aussi § 106. c o n t i n u e d'ê t r e e m p l o y é . T o u t e f o is J. -J. R o u ss .
é criv ait e n c o r e exerceais (Conf., Pl., p. 3 1 ). — O n
L'Ac. a maintenu une ancienne graphie dans douCEâtre, mais douçâtre est
a aussi utilisé c z , p ar e x. d a n s l'é d . p ri n ce p s d u
admis (cf. § 90, e). 0 0 C a rg. d e RAB. : enfonczoit, faczon (X XI), e tc.
La lettre g.
Cette lettre a deux valeurs principales.
• [g] devant a, o, u ou une consonne, ainsi qu'à la finale : GAmin,
Goûter, aiGU, maiGRe, aiGLe, groG.
• [3] devant e, i, y : GEndre, Gilet, Gymnastique.
Elle est souvent muette à lafinale: long, poing, rang... ; pour la liaison, cf.
§ 42, a.
Le digramme gn représente d'ordinaire le son [ji] : baigner, éloigner. —
Exceptions : [gn] dans igné, stagner, diagnostic, gnose, gnome, gnomon, outre
quelques mots pour lesquels l'usage est moins net ; — [n] dans signet, mais
cette prononciation est devenue archaïque.
b) Pour la valeur [g] devant e, i, y,
10 On utilise le digramme gu :
LonGVE, lonGUEur. NaviGUEr à côté de navigation. Du GUI. GUY de Mau-
passant.
N. B. 1. Le digramme gu est maintenu dans toute la conjugaison des verbes
en -guer, mais les adjectifs (ou les noms) en -ant (§ 922, b) et -able
s'écrivent par g.
Nous naviGVons. En naviGUant. — Le personnel naviGant. Un voyage fati-
Gant. Un intriGant. Un homme infatiGable. Un cours d' eau naviGable. 0 1
A insi q u e conjugable, irréfragable, irrigable. On trouve aussi gu [g] devant a dans quelques autres cas : baguage « action
E x c e p ti o n : l'a d j. distin g u a ble d a n s le Rob., de baguer », qui se distingue ainsi de bagage « ce que l'on emporte en
m ais i g n o r é d e l'A c., r é c u p é r é p ar Littré (d a n s
voyage » ; — aiguade « lieu où les navires s'approvisionnent en eau » ; —
u n e le ttre d e M m e DE LA FAYETTE) e t P. Lar.,
aiguayer « tremper dans l'eau » ; — aiguail « rosée », mot poitevin adopté
a b a n d o n n é p ar les g r a n d s Lar. a p r è s le Lar.
X X e s., r e l é g u é p ar l e Trésor d a n s u n e R e m . d e par les chasseurs et certains écrivains : C. LEMONNIER, Mâle, 1904, p. 6 ;
l'art, distinguer ( a v e c u n e x . tiré d 'u n e le ttre MONTHERLANT, Songe, V ; GENEVOIX, Dernière harde, II, 5 ; PIEYRE DE
f a m . d e FLAUB.). Indistinguable n'a p o u r lui MANDIARGUES, Motocyclette, F°, p. 157. — D'autres écrivent aigail :
q u e le Rob. ( a v e c u n e x . d e C . SAINT -LAURENT), VERHAEREN, À la vie qui s' éloigne, p. 189.
e t o n n e p e u t d ir e q u'il a é v i n c é indistinguible,
2. Il y a plusieurs cas où on peut se demander si gu doit se lire [g] ou
q u i n e d oit sa p r é s e n c e d a n s q u e l q u e s dict.
q u'à l'e x . d e B. PALISSY (X V I e s.) n o t é p ar Littré. bien [gy] ou [gq].
Un tréma indique la prononciation correcte dans aiguë, ambiguë, ambi-
guïté, ciguë, etc., que l'on peut écrire aussi aigiie, etc. : cf. § 105. —
Parmi les dérivés d'aigu, on prononce logiquement [egqij] dans aiguille
(de même pour aiguillon) ; mais presque plus personne ne dit [egqize]
pour aiguiser : [egize] l'a emporté. — On prononce aussi [gq] dans lin-
guiste et linguistique, dans lapsus linguae, dans le nom de localité Guise ;
[gw] dans guano, iguane, iguanodon, — Arguer doit se prononcer
[ARgqe], d'où l'intérêt de la graphie arguer, que l'Ac. avait admise en
1986 dans sa nomenclature, mais que, en 1992, trop prudemment, elle
met dans la liste des Recommandations (cf. § 90, d et e).
2° Dans orgueil et sa famille, les voyelles du digramme eu [œ] sont
interverties . Cf. § 93, H l .
c) Pour la valeur [3] devant a, 0, u, on utilise le digramme ge. E l
C e t t e utilisation d e g e re m o n te au M o y e n  g e : VenGEAnce, GEÛle [30I], nous naGEOns, une gaGEUre [ga3yR].
cf. § 93, H2. — Po ur le son [3], g e est e n concur -
r e n ce av ec j. En jôler a p erd u le co ntact, séman - Pour ce dernier mot, ainsi que pour les mots plus rares mangeure,
tiq u e m e nt et gra p hiq u e m e nt, av ec g e ôle. rongeure, vergeure, le Conseil supérieur de la langue fr. (cf. § 90, e) propose
d'empêcher la mauvaise lecture [3CER] par un tréma sur u : gageure, etc.
d) G dans les mots d'origine étrangère.
G = [g], quoique devant e, i, dans geisha, girl, yogi, Hegel et autres noms
REM AR Q UE .
propres allemands.
Po u r la localit é b e l g e q u i est à l'o ri g in e d u
n o m fr. o n p r o n o n c e sur p l a c e [âgjê]. (Le s
Gh = [g] dans ghetto, ghilde (préférer guilde), Enghien [âge] S ; et dans
d u cs d'E n g h i e n o n t a p p li q u é le ur n o m à u n e des noms propres italiens, ainsi que dans sorgho (sorgo est admis : § 90, e)
localit é q u i s'a p p e lait j u s q u'a l o rs M o n t m o - yoghourt (préférer yogourt), Birmingham, Afghan.
r e n cy : c o m p . R3.) G = [d3] dans gentleman, gentry, gin, a giorno et dans les noms propres ita-
liens Giotto, etc., mais on entend souvent des prononciations selon l'écriture.
Gl est en italien un l mouillé, auquel [Ij] correspond en fr. dans la pronon-
P h é n o m è n e asse z rare, c o m p a r a b l e a u c a s
d'Enghien (R2) : le n o m d e f a m ille a é t é d o n n é
ciation soutenue, mais l'usage ordinaire suit la graphie ; par ex., pour imbro-
à u n e localit é (d é p a r t , d e l'E u r e) ; d a n s c e t t e glio, [êbRDglijo] est plus fréquent que [êbRoljo]. — Le nom de famille Broglie [de
a p p lica tio n , la p r o n o n c . est s o u v e n t [bnogli]. l'ital. Broglio] se prononce traditionnellement [bRoj ]. £ 3
I La lettre h.
a) L'h dit aspiré assure la disjonction :
LE handicap. La peau DU hareng. Les \ héros. Cf. § 48.
Ancien phonème (§ 69, 6°), resté comme tel dans certaines régions et
comme son dans certaines circonstances (§ 31).
b) L 'h marque dans certains mots qu'une suite de voyelles n'est
pas un digramme :
Ahuri, cahier, cahute (ou cahutte : § 90, e), cohue, ébahir, envahir, prohiber,
tohu-bohu (ou tohubohu : § 109, N. B.), trahir. fTTf HIST ORIQUE.
C e t t e f o n c t i o n d e h r e m o n t e à l'a n c. fr. : o n écri -
c) Joint à c, p, parfois à 5, h forme les digrammes ch [J"], ph [f], sh [J"] : vait p a r e x . trahir (lat. tradere) e t trahitre (lat.
château, phrase, shoot [Jut], traditor) ; d a n s c e d e r n ie r, ai est p o u rt a n t d e v e n u
d i g r a m m e : traître, s é p a r é ainsi d e trahir, m algré
Quand il a la valeur de [k], ch fonctionne aussi comme un digramme le ur p a r e n t é é t y m o l o g i q u e . — C e r ô l e de h a é t é
devant e, i, y : orchidée, scherzo, tachycardie. [Pour les autres positions, Roch, r e n d u in u tile p ar l'i n v e n ti o n d u tré m a. — D a n s cer -
Christ, chaos, etc., voir / ci-dessous.] — En occitan, Ih représente / mouillé, tains m o ts é n u m é r é s d a n s l e h, h avait à l'origin e
qu'on prononce [j] en fr. : Graulhet [gnoje], Milhaud [mijo], Paulhan [pojô], sou- u n e a u t r e e x p lica ti o n : il est, p a r e x., d û à l'éty m o -
lo gie d a n s prohiber, e m p r u n t é d u lat. prohibere.
vent [polâ], Teilhard [tcjAn] de Chardin. — Dans la région liégeoise, surtout
dans les noms de lieux ou de personnes, xh représente un son particulier du
wallon (comme ch dans l'allem. ich, Bach) : Xhoris, sur place [hoRis], ailleurs
[oris]. Souvent la graphie a altéré la prononciation : Fexhe [feks],
LA MAJUSCULE
BIBLI O GRAPHIE . Généralités. Q Q
D e l'emploi des majuscules, Be r n e , Fichier
f r a n ç a i s d e B e r n e , 2 E é d . , 1 9 7 3 . — A. DOPPA-
L a m a j u s c u l e est u n e l e t t r e plus g r a n d e q u e les a u t res
CNE, Majuscules, abréviations, symboles et (ap p elées minuscules) et qui est p l a c é e au d é b u t (voir c e p e n d a n t
sigles, L o u v a i n - l a - N e u v e , D u c u l o t , 1 9 9 1 .
N . B.) d e c e r t a i n s m o t s .
HIST ORIQUE.
Elle apporte des informations très utiles : ou bien sur l'articula-
La m a j u sc u l e e xistait d é j à a u M o y e n  g e . Elle mar -
q u ait, s o u v e n t a v e c o r n e m e n t a ti o n , l e d é b u t d'u n tion du texte, quels que soient la nature et le sens du mot (§ 98) ; — ou
o u vr a g e , d'u n ch a p itre, d'u n vers. A v e c l'im prim e - bien sur la catégorie ou le sens du mot ; nous traiterons successivement
rie, la m a j u sc u l e p r e n d r a p r o g r essiv e m e n t l e r ô l e
q u'e ll e a a u j o u r d'h u i. V o ir aussi § 99, H. du nom (§ 99), de l'adjectif (§ 100), puis des autres catégories (§ 101).
Sur l'utilité des majuscules : une dépêche d'agence annonçait que la National
Gallery de Londres « venait d'acquérir un onzième poussin » (cité dans la Libre Bel-
gique du 28 sept. 1982, p. 1) ; il fallait lire Poussin.
N.B. Selon la traditionfrançaise,c'est une anomalie de placer une majuscule
à l'intérieur d'un mot.
Cela se trouve pourtant dans des marques déposées : CinèmaScope
(Grand dict. enc. Lar.), PetroFina mais cette façon d'écrire est heureu-
sement peu suivie.
N o t o n s a u s s i c e r t a i n s s y m b o l e s d ' u n i t é s ( § 1 1 3 ) : kW = kilowatt ; —
c e r t a i n s u s a g e s d a n s la d é s i g n a t i o n d e s l a n g u e s b a n t o u e s : Le KiSwa-
beli de la côte orientale (G. VAN BULCK, dans Langues du monde, 1952,
p . 8 4 9 ) ; — les n o m s d e f a m i l l e s é c o s s a i s o u ir landais c o m m e n ç a n t p a r
A p r è s u n point EU : K M E 2 S R E M A R Q UE
La nuit était noire. Quelques gouttes de pluie tombaient. Elle aspira le vent Il s'a g i t d u p o i n t c o m m e s i g n e d e p o n c t u a -
humide qui lui rafraîchissait les paupières. La musique du bal bourdonnait encore t i o n . L e p o i n t a b r é v i a t i f ( § 1 1 2 , a) a u n e a u t r e
à ses oreilles. (FLAUB., Mmc Bov., I, 8.) — La guerre est une maladie. Comme le f o n c t i o n e t p e u t ê t r e s u ivi d ' u n m o t c o m m e n -
typhus. (SAINT EXUPÉRY, Pilote de guerre, p. 76.) — Le cabinet d' un homme de ç a n t p a r u n e m i n u s c u l e : Un C. R. S. secoua
lettres. Une porte au fond, une autre à droite. À gauche en pan coupé, une fenêtre Bernard (CAYROL, Froid du soleil, p. 9 8 ) .
praticable. Tableaux, estampes, etc. (COURTELINE, Paix chez soi, Décor.)
Quand une parenthèse est précédée d'un point, elle commence
par une majuscule et elle se termine par un point ou par un signe de
ponctuation équivalent. Cf. § 132, a.
Le point d'interrogation, le point d'exclamation, les points de
suspension peuvent équivaloir à un point et ils sont alors suivis
d'une majuscule :
Depuis deux semaines qu ' on se trouvait là, pourquoi ne marchait-on pas en
avant i II sentait bien que chaque jour de retard était une irréparable faute (ZOLA,
Débâcle, I). — Ce sont des villes ! C' est un peuple pour qui se sont montés ces Alle-
ghanys et ces Libans de rêve ! Des chalets de cristal et de bois se meuvent sur des
rails et des poulies invisibles (RIMBAUD, Illum., Villes I). — Avidement, Meaul-
nes lui posait des questions... Il nous semblait à tous deux qu ' en insistant ardem-
ment auprès de notre nouvel ami, nous lui ferions dire cela même qu 'il prétendait
ne pas savoir (ALAIN-FoURNIER, Gr. Meaulnes, II, 4).
Mais le point d'interrogation, le point d'exclamation, les points de
suspension ne sont pas suivis d'une majuscule lorsque ces signes sont
utilisés à l'intérieur d'une phrase :
Un soir, t ' en souvient-il ? nous voguions en silence (LAMART., Médit., XIII).
— Pourquoi pas ? aboyait Droctuft (J. D'ORMESSON, Hist. du Juif errant,
p. 371). — Il opposa un « On ne passe pas ! » péremptoire à l'Empereur (Grand
dict. enc. Lar., s. v. Coluche). — Et quand tu t ' es levé, une main sur la poitrine, et
que tu t ' es précipité vers la maison... je n 'avais qu ' une pensée (SIMENON, Vérité
sur Bébé Donge, pp. 243-244).
Il arrive aussi que le point d'interrogation, le point d'exclamation ou
parfois les points de suspension soient suivis d'une minuscule alors qu'ils
paraissent marquer la fin d'une phrase. C'est que l'auteur leur donne la
valeur d'un point-virgule (ou d'un double point), ou même d'une virgule.
Qui vient ? QUI m'appelle ? (MUSSET, Poés. nouv., Nuit de mai.) — Qu ' était
cela ? DE l'amour ? (MAUPASS., Fort comme la mort, 1,1.) — C'est affreux ! OUI,
je suis né pour être domestique .'JE le vois .'JE le sens ! (VALLÈS, Enfant, VI.) — Il y
avait, posé sur le banc entre nous ou sur les genoux de l' un d' eux, un gros livre relié...
IL me semble que c ' étaient les Contes d'Andersen (N. SARRAUTE, Enfance, p. 64).
d) A u début d'une phrase (ou d'une suite de phrases) citée ou
reproduite après un double point, qu'il y ait ou non des guillemets :
Je lus : « Ci-git un adolescent qui mourut poitrinaire : vous savez pourquoi.
Ne priez pas pour lui. » (LAUTRÉAMONT, Maldoror, p. 51.) — Là elle me dit :
Laisse-moi regarder ta tête (N. SARRAUTE, Enfance, p. 222).
Si la citation est intégrée dans une autre phrase, et surtout si cette
citation ne forme pas grammaticalement une phrase, on ne met pas de
majuscule :
Il nous emmenait au triste Café de Flore « afin de jouer un bon tour aux Deux
Magots », disait-il en rongeant malignement ses ongles (BEAUVOIR, Mém. d' une
jeune fille rangée, p. 335). — II [= O. Pirmez] eût été touché par cet hommage de
REMAR QUE. ce qu 'il appelait « la jeunesse heureuse » (YOURCENAR, Souvenirs pieux, p. 207).
A . T H É R I V E n e suit p as c e t u sa g e , q u a n d c e q u i — Un vicaire rédige le télégramme pour Rome : « Cardinal X. décédé. » Un autre
vi e n t a p r è s l e d o u b l e p oi n t c o n stit u e gra m m ati -
vicaire voit le texte, le trouve trop bref et met : « pieusement décédé. » (GREEN,
c a l e m e n t u n e p h r a s e : On est presque tenté de
s'excuser quand on rappelle des vérités si
Journal, 18 févr. 1962.)
évidentes : Elles ruinent pourtant des préjugés En dehors du cas de la citation, on ne met pas de majuscule après
obscurs (.Libre hist. de la langue fr., p. 6 1 ).
un double point. G 3
J u s q u ' e n 1 9 3 5 , s e l o n u n v i e i l u s a g e , l e s d éfi -
Le singe : un homme qui n 'a pas réussi (J. RENARD, Journal, 18 août 1905).
nitio ns c o m m e n ç a i e n t p ar u n e m a j u sc u l e
d a n s le d i c t . d e l' A c a d . , m ê m e q u a n d la d é fi -
— À ce moment la porte s' ouvre : c'est un jeune homme avec un long manteau
n i t i o n f a i t p a r t i e d ' u n e p h r a s e : Il se dit, par (BUTOR, Passage de Milan, p. 62). — C' est un roman qui développe la thèse
extension et au figuré, de C e qui a un carac- même de Robinson : l'homme sans autrui sur son île (G. DELEUZE, Postface de :
tère prosaïque (s. v . prosaïsme). M. Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacif, F 0 , p. 259).
Une île perdue dans l'immensité de l' Océan (Ac. 1935). — Vous êtes, de l'autre
côté de l' Océan, au point symétrique de Nantuchet (Ph. SOLLERS, dans 1Express,
26 août 1983, p. 66). — L ' étude et la description des océans et des mers (Ac. 2004, s. v.
océanographie). — L ' océan Pacifique, l' océan Atlantique, l' océan Indien (cf. § 100, a).
En 1986, l'Ac. écrivait les Anciens « les gens de l'Antiquité » ; elle est
revenue à la minusc. en 2001, mais en ajoutant : « parfois avec une
majuscule » ; souvent conviendrait mieux, à voir l'usage et la plupart des dict.
Pour ciel comme désignation de la Divinité, l'usage est hésitant. L'Ac.
2001 écrit le mot par une minusc. à l'article ciel, mais par la majusc. à d'autres
endroits : Aide-toi, le CIEL t 'aidera (s. v. aider). Que le CIEL vous accorde, vous
donne sa bénédiction (s. v. bénédiction, dont la définition elle-même use de la
majusc. : Faveur particulière du CIEL).
Pour cour « tribunal », l'Ac. 2001 ne prévoit la majusc. que dans la Cour
de cassation (en 1932, Cassation, peu justifié), la Haute Cour de justice et la
Cour des comptes, qui concernent des juridictions uniques pour la France
entière ; cela peut s'appliquer aux institutions analogues des autres pays.
L'Ac. en 2000 ne garde plus la majusc. i faculté que quand le mot cons-
truit sans complément désigne la faculté de médecine d'une université, ou le
corps médical, ou encore, plaisamment, le médecin traitant : La FACULTÉ vou-
lait m envoyer à Vichy (PROUST, Rech., t. II, p. 965).
Employé sans complément, l'Histoire au sens « l'évolution de l'humanité
prise dans son ensemble » « s'écrit parfois et assez librement avec une
majuscule » (Ac. 2000). Suivent des ex. tantôt avec minusc., tantôt avec
majusc., notamment : Le rôle des grands hommes dans /'HISTOIRE. Philosophie
de /'HISTOIRE. Le sens de L'HISTOIRE. Le cours de /'HISTOIRE. Un tournant de
/'HISTOIRE. L'usage des auteurs est partagé lui aussi.
L'Ac. 1935 met une majusc. à ministère quand il désigne le département
géré par un membre du gouvernement ou les locaux occupés par ce
département : Il passa devant le Ministère de la Guerre. Elle y a renoncé en
2002 : Le ministère de la Justice. La cour d'honneur du ministère. Etc. En fait,
l'usage est pour la minusc. : Le ministère de la justice a saisi l'inspection générale
(dans le Monde, 10 avril 1991, p. 13). Q ] E L AUTRES EXE MPLES .
MALRAUX, cit é ci - co n tre ; a rr ê t é d u 2 8 d é c. 1 9 7 6 ,
On met d'ordinaire la majuscule aux noms désignant le domaine
ci t é ib. ; C A R R È R E D ' E N C A U S S F , Grand frère, p. 7 4 ;
traité par un ministre, un ministère, etc. : P F I S T E R , Dans les coulisses du pouvoir, p. 5 2 ;
L A C O U T I J R E , De Gaulle, t. Il, p. 1 4 ; e tc.
Sous la direction du ministre de l'Éducation nationale (Ac. 1935, s. v. univer-
sité). (De même, Ac. 2001, s. v. éducation, etc.) — René Pleven commissaire aux
Colonies, Emmanuel d'Astier à l'Intérieur, René Capitant à l'Éducation nationale
[...] (DE GAULLE, Mém. de guerre, t. II, p. 184). — Le président de la Républi-
que italienne et son ministre des Affaires étrangères (M. JOBERT, Mém. d'avenir,
L. P., p. 290). — Nombre de questions étaient encore du ressort du ministère de la
Guerre (MALRAUX, Antimémoires, p. 119). — Je me voyais confier le portefeuille
des Finances et des Affaires économiques (Edgar FAURE, Mém., 1.1, p. 592).
Avec minusc. : Le ministre de l' éducation (arrêté du 28 déc. 1976). — Du
ministère de l' éducation (ib.). — C'est l'usage constant du Monde (ex. ci-dessus).
Quand les noms de rues sont employés par métonymie pour dési-
gner une institution qui y siège, la majuscule s'impose :
Ribbentrop et son ambassadeur en France [...] sont reçus au Quai d' Orsay
[= ministère des Affaires étrangères à Paris] (SEGHERS, La Résistance et ses poètes, R U B 2 S REMAR QUE.
C a s a n a l o g u e (trait d'u n i o n e n plus) : Il est interné
p. 23). — Nous ne savions pas le Quai des Orfèvres [= policejudiciaire, à Paris] sou- au Mont-Valérien (Grand dict. enc. Lar., p. 5 2 2 7 ,
cieux à ce point de beau langage Q. CELLARD, dans le Monde, 17 juillet 1972). [3JJ 2 E col.), f o rt e r esse sit u é e sur le mont Valérien
Pour les périodes de l'histoire, l'Ac. écrit la Renaissance,
l'Empire IÎTW. et, depuis 1986, l'Antiquité, le Moyen Âge (en 1932, E H WSm R E M A R Q UE
l'antiquité, le moyen âge), mais, évidemment, le vingtième siècle. Li t t r é m e t t a i t la m i n u s c . , e t l' A c . 1 8 7 8 n e pré -
v o y a i t p a s e n c o r e e x p l i c i t e m e n t l e c a s. D ' o ù
Certains mettent la majuscule dans des formules comme les Alliés, la m i n u s c . d a n s l'e x . d e HUGO ( 1 8 7 4 ) c i t é
dans une guerre déterminée, le Parti, lorsqu'il s'agit d'un parti politique § 1 3 2 , a, N. B.
précis, souvent le parti communiste, ainsi que pour des personnalités en
vue Œ le Roi pour le roi régnant, le Général du vivant de de Gaulle, ou REMAR QUE.
même après, etc. Mais la minuscule est préférable puisque l'article défini a J o u e e n o u t r e l e c r i t è r e si g n a l é d a n s c, 4°.
On écrit avec minusc. traité, concile, guerre dans les désignations de traités,
etc. particuliers : le traité de Versailles, le concile du Vatican, la guerre de Cent y?.* K » REMAR QUE.
Ans. [Mais : la Grande Guerre (de 1914-1918) et, moins impérative- La première guerre mondiale, d a n s l e Monde,
ment ESB. la Première (ou Seconde, de 1939-1945) Guerre mondiale.] FTP! 1 7 d é c . 2 0 0 4 , p . 3 6 ; 1 2 j u ill e t 2 0 0 5 , p . 1 5 .
On met la majuscule aussi aux noms désignant des oeuvres d'art, REMAR QUE.
des livres, des maisons, etc. : D a n s u n a u t r e d o m a i n e : À l ' o m b r e d e s je u -
n e s fill e s e n f l e u rs (1918) reçoit le P R I X Con-
Le Discobole de Myron, les Glaneuses de Millet. L 'Écriture [= la Bible], le court en 1919 (Grand dict. enc. Lar., p . 8 6 2 8 ).
Code civil. — Voltaire a séjourné aux Délices.
Mais les noms de livres, de certaines œuvres d'art, comme aussi les noms
de certaines maisons, les enseignes, posent parfois des problèmes particuliers :
cf. § 101, d.
c) L a majuscule c o m m e m a r q u e d e d éféren ce.
1° Quand on s'adresse à une personne par écrit, on met ordinairement
la majuscule à Monsieur, Madame, Mademoiselle, Monseigneur,
Maître, Docteur, Sire et aux noms des dignités, titres, fonctions :
L 'auteur était bien jeune lorsqu 'il a écrit ce livre ; il le met à vos pieds,
Madame, en vous demandant beaucoup, beaucoup d'indulgence (LOTI, Mariage
de Loti, Dédicace). — Cher Monsieur, / Si séduisant qu 'il puisse paraître, il m' est
difficile de partager votre point de vue sur la Peste (CAMUS, lettre à R. Barthes,
dans Théâtre, récits, nouvelles, Pl., p. 1965). — Ma lettre précédente, mon cher
Monsieur l'Abbé, n ' était pas longue (BERNANOS, lettre à l'abbé Lagrange, dans
Œuvres roman., Pl., p. 1731). — C' est ce que j'ai osé venir vous demander, cher
Maître (VALÉRY, lettre à Mallarmé, dans Œuvres, Pl., 1.1, p. 1722). — Mon
cher Général, / Les informations que je reçois aujourd'hui de Paris me font penser
[...] (DE GAULLE, lettre à Eisenhower, dans Mém. de guerre, t. II, p. 497).
Avec minusc. : Je vous prie de croire, monsieur le président, à l'assurance de
mes sentiments distingués (Fr. MITTERRAND, lettre au président d'une chaîne
de télévision, dans le Monde, 6-7 févr. 1977).
On ne met pas souvent la majusc. aux noms de parenté : Mon cher papa, /
Un mot à la hâte pour t ' expliquer ma dernière lettre (J. RENARD, Poil de Car., Pl.,
p. 722). — J e t ' expliquerai tout, maman chérie (MARTIN DU G., Thib., Pl., t. II,
p. 672). — Ma chère tante, j'aurais dû vous écrire à l' occasion des fiançailles
d' Hélène (BERNANOS, Mauvais rêve, 1,1).
Lorsqu'on reproduit par écrit des paroles prononcées, l'usage est
assez flottant, mais la minuscule l'emporte.
Avec majusc. : Il est tard, Monsieur Coûture (MAURIAC, Asmodée, V, 2).
— Merci, Monsieur (ROBBE-GRILLET, Voyeur, p. 72). — Madame la Com-
tesse, cachez vos bras (JOUHANDEAU, Chaminadour, p. 228). — Comment vas-
tu, Père ? (MARTIN DU G., Thib., Pl., 1.1, p. 1272.) — Vous n ' êtes pas de trop
du tout, monsieur l'Abbé (CÉLINE, Voy. au bout de la nuit, F°, p. 434).
Avec minusc. : Aucune sorte de marchandise, monsieur, dit Rébecca (PIEYRE
DE MANDIARGUES, Motocyclette, F°, p. 47). — Je ne le pense pas, monsieur le
chanoine (BERNANOS, Journal d' un curé de camp., Pl., p. 1172). — Il y a un
autre amour, monsieur de Pradts (MONTHERL., Ville dont le prince est un enfant,
III, 7). — J e désirerais, monsieur le directeur, vous demander un conseil (PAGNOL,
Topaze, 1,15). — Très inattendu, monsieur le ministre (CURTIS, Saint au néon,
F°, p. 195). — Vous serez satisfait, monsieur Grégoire (CAYROL, Froid du soleil,
p. 55). — Mais comment la connaissez-vous, duchesse ? dit M. d'Argencourt
(PROUST, Rech., t. II, p. 223). — Oui, oncle,fitLucien (AYMÉ, Gustalin, VIII).
— Non, papa (H. BAZIN, Vipère au poing, XIX). — Ici même, mon général, vous
êtes loin d' être toujours obéi (BEUVE-MÉRY, dans le Monde, 5 févr. 1974). —
Regardez, docteur, comme le point de vue est ravissant (ROMAINS, Knock, I).
Monsieur, Madame, Mademoiselle, Monseigneur, Maître s'écrivent
souvent avec une majuscule à propos de personnes dont on parle, sur-
tout si on croit leur devoir de la déférence et quand ces mots ne sont
pas suivis du nom propre :
La directrice des classes élémentaires, Mademoiselle Fayet (BEAUVOIR,
Mém. d' une jeune fille rangée, p. 25). — Il est entendu que Monsieur et Madame
de C. ont des « inférieurs » (YOURCENAR, Souvenirs pieux, p. 31). — Prenons
toujours les hardes de Monsieur pour les brosser [dit un domestique] (LABICHE,
Affaire de la rue de Lourcine, I). — Il m'a conduit chez Monseigneur (BERNA-
NOS, Journal d' un curé de camp., Pl., p. 1043). — Les deux parents [...] regar-
dent Maître Darrier (CESBRON, Chiens perdus sans collier, p. 379).
Ex. avec minusc. : L ' étude de maître Bebomme (MAUPASS., C., Héritage, III).
— M. Sucre et madame Prune, mon propriétaire et safemme (LOTI, M"" Chrysanth.,
XIV). — Entre madame Rémy, portant des assiettes (ROMAINS, Knock, III, 7).
Mêmes hésitations pour les titres étrangers.
Avec majusc. : L ' esprit de Lord Halifax se peint dans cette lettre (GuiTTON,
L 'Église et l'Évangile, p. 17). — Il envoya prévenir Lady Helena (VERNE, Enfants
du capit. Grant, 1,1). — Une cliente de l'hôtel, Miss Béryl de Zoebe (GIDE, Car-
nets d'Egypte, 13 févr. 1939). — De Miss Mildred K. Pope (BÉDIER, Chanson de
Roi commentée, p. III). — Sa femme Dotia Catalina Valesco (BARRÉS, Greco,
1912, p. 34).
Avec minusc. : Elle s'appelait miss Harriet (MAUPASS., C., Miss Harriet).
— Nous entrons dans le parc désirJohn... [...]. J 'ai vu celui de lord Marlborough
à Blenheim (TAINE, Notes sur l'Anglet., p. 188). — Le mercredi 19 décembre
1787, sir, répondit-il (M. TOURNIER, Vendredi ou les limbes du Pacif., F°,
p. 235). — Pedro est marié à dona Inès (MONTHERL., Reine morte, I, 6).
L 'Acad. écrivait en 1932, aufiguré: Faire le Don Quichotte, mais elle écrit
en 2001 Faire le don Quichotte et Un don Juan de village.
Certains titres honorifiques ont toujours la majuscule : Sa
Sainteté, Sa Majesté, Son Excellence, etc.
Sans doute, Leurs Excellences espagnoles vont trouver que j'argumente bien
lentement (BERNANOS, Grands cimet. sous la lune, Pl., p. 476).
C'est sans doute par révérence qu'on donnait la majuscule aux
fêtes chrétiennes.
Le jour de Pâques. I:*M L 'Epiphanie. La Pentecôte. La Toussaint, etc., ainsi MHIWI««I | É M M A M M
E T T 3 W E M R E M A R Q UE
que les fêtes des saints : la Saint-Nicolas, L 'Ac. 1932 et 2001 écrit l'avent et le O n écrit d'o r d i n a ir e faire ses pâque s (= co m m u -
carême (ainsi que le ramadan, 1935 ; en 2000 s. v. jeûne), qui sont des périodes, n i e r à Pâ q u e s), m ais la m a j usc., g r a p h i e d e Littré,
mais les Quatre-Temps (autrefois périodes de jeûne pour les catholiques). s e r e n c o n t r e : GIDE, C a v e s du Vat., I, 4 ; LA
V A R E N D E , Centaure de Dieu, p. 1 8 ; C A B A N I S , Pro-
La minuscule l'emporte pour les fêtes païennes de l'Antiquité : Les saturnales
fondes années, p. 1 2 7 .
se célébraient à Rome au mois de décembre (Ac. 1935). — Tout le pays célébra dès
lors en commun le sacrifice des panathénées (FUSTEL DE COULANGES, cit. Trésor).
Une certaine tradition distinguait la pâque juive de la fête chrétienne homo-
nyme (dont, en outre, le nom se passe d'article : cf. § 587, a, 4°) : Notre-Seigneur
célébra la pâque avec ses disciples (Ac. 1935). — Mais l'usage tend à généraliser la
majusc. : P. LAR., t. XII, p. 34 (s. v.pain) ; LACRETELLE, Retour de Silbermann, I ;
MAETERLINCK, Marie-Magdeleine, 1,1 ; MAURIAC, Vie de Jésus, p. 210 ; Bible de
Maredsous, Év. s.Jean, VI, 4 ; MAUROIS, Byron, X X V ; J. et J.THARAUD,
Ombre de la croix, p. 175.
Beaucoup d'incohérence pour les fêtes non religieuses : en 1932-1935, l'Ac.
écrivait le Jour de l'An s. v. an, mais le jour de l'an, s. v.jour, graphie adoptée en
^ ^ ^ dans les deux articles. Le Mardi O
2000-2001 gras en 1932, le mardi Ogras en
1935. LUii Ces contradictions ne sont pas propres à l'Ac. : dans le Robert 2001, OU Éfc±JÉ R E M A R Q U E .
les fêtes du Carnaval sous fête, les fêtes du carnaval sous carnaval. D a n s l' é d . e n c o u r s , la p r é s e n t a t i o n n e p er -
Les noms des jours, des mois ne prennent pas la majusc. : Le deuxième m e t p a s d e v o i r l' o p i n i o n d e l' A c .
vendredi de décembre, le mercredi des Cendres, le 8 germinal an IV, — sauf
quand ils désignent, sans le millésime, des événements historiques : La monar-
chie de Juillet. Le coup d'Etat du 18 Brumaire (Trésor, s. v. état, mais avec
minusc. Ac. 2001, s. v. brumaire). f ® | — On écrit souvent le Quatorze Juillet E U E 3 I R E M A R Q UE
(par ex. Petit Robert) ou 14 Juillet (Ac. 2000) pour la fête nationale française. Massacres de Septembre [ 1 7 9 2 ] (.Grand dict.
enc. Lar., s. v. Terreur [première]), m a is de sep-
Certains auteurs emploient des majuscules quand ils parlent tembre (Trésor, Rob., s. v. septembre [ainsi
du pape, des évêques ou des ecclésiastiques, du chef de l'État, q u e d ' a u t r e s l o c u t i o n s]). — O n dit d a n s l e
Monde : Avoir vibré en Mai 68 ( 2 4 s e p t. 2 0 0 4 ,
roi ou président, des nobles, etc., mais ce n'est pas l'usage le
p . I) à p r o p o s d e la r é v o l t e é t u d i a n t e q u i e u t
plus fréquent ni celui des dict. li e u a l o r s ; — O u v r a g e sur le 11 -Septembre
Avec minusc. : Napoléon, empereur des Français (Ac. 2001). — Le roi est ( 2 2 o c t . 2 0 0 4 , p . V II) - a v e c u n trait d ' u n i o n
mort, vive le roi (Ac. 1935). — Il accuse ainsi avec violence le président américain i n h a b i t u e l - , à p r o p o s d e s a t t e n t a t s a u x États -
U n i s c e jo ur - là e n 2 0 0 1 .
[Roosevelt] (CARRÊRE D'ENCAUSSE, Grand frère, p. 52). — Le cardinal archevê-
que de Paris, Mgr Suhard (LACOUTURE, De Gaulle, 1.1, p. 835). — Le pape est
mort il y a trois jours (GREEN, Journal, 29 sept. 1958). — Le pape s' élève avec vio-
lence contre l'art modeme (CLAUDEL, Journal, 19 oct. 1932). — L 'intransigeance
du comte de Chambord (Grand dict. enc. Lar., p. 4481). — Autres ex. ci-dessus, 1°.
Avec majusc. : Le Pape semblait aspirer à la domination universelle. Les Rois
ne pouvaient que résister (MAUROIS, Hist. d'Angl., p. 120). — J 'aime relire une
page de mon vieil ami le Cardinal Saliège (GUITTON, L 'Eglise et l'Évangile,
p. 442). — Le Curé de R. a bien soixante-dix ans (JOUHANDEAU, Chamina-
dour, p. 225). — Benjamin écrit à sa tante la Comtesse de Nassau (Ch. Du Bos,
Grandeur et misère de B. Const., p. 91). — Le Colonel-Baron Charles Fabvier
(ARAGON, Semaine sainte, L. P., 1.1, p. 81). REMAR QUE.
Père o u mère, p o u r d e s laïcs, d a ns les désigna -
En particulier, pire, mère SU , frère, sœur, ainsi que dom, titres tio ns f a m iliè r es d e la l a n g u e c o u r a n t e , n e pren -
donnés à des religieux ou à des religieuses, s'écrivent assez souvent par n e n t p as la m a j u sc. : La mère Trépardoux est
la majuscule. chez la mère Eugène qui recevra le père Eugène
à coups de bâton ( J O U E I A N U E A U , Chaminadour,
Avec majusc. : C' était le Père Paneloux, un jésuite érudit et militant p. 2 0 1 ). — J'avais retrouvé [...] le père Janneau et
(CAMUS, Peste, p. 28). — Il en est fait une montagne par la Sœur Angélique de son fils ( V E R C O R S , Moi, Arist. Briand, p. 6 2).
Saint-Jean (MONTHERL., P.-Royal, Préf.). — Il reproche à Dom Rivet [...]
• S i m i AUTRES EXEMPLES ( B . CERQUIGLINI, N a i s s a n c e dufr., p. 1 7 ) . EQ
D e Pè r e suivi d u n o m : S . - B E U V E , Portr. contemp., Avec minusc. : Le père de la Brière était à la Société des Nations l' observateur
t. Il, p. 2 8 7 ; A . D A U D E T , Lettres de m. m., p. 2 4 5 ; de la Compagnie (BERNANOS, Grands cimet. sous la lune, Pl., p. 494). — La
B A R R E S , Maîtres, p. 1 2 7 ; G R E E N , Journal, 8 m a i
vieille dame consulte en cachette les supérieures de sœur Pathou (JOUHANDEAU,
1 9 5 7 ; B E A U V O I R , Force des choses, p. 2 0 ; e tc.
Chaminadour, p. 236). — Ce que je dois à la liturgie de dom Guéranger (BAR-
E S I E 3 I A U T R E S E XE M P L E S RÉS, Mes cahiers, t. IX, p. 273). fM
D e père suivi d u n o m : S T E N D H A L , Chartr., V I ; La majuscule de révérence est assez fréquente aussi pour les cho-
F R A N C E , lie des Pingouins, VI, 9 ; G I D E , C a v e s du
tales, notamment lorsque le point de départ est un nom propre : Pa r o m issio n d u n o m c o m m u n , certains d e
c e s a d j e c t i f s p e u v e n t ê t r e n o m i n a l i s é s : la
100 F (= francs). 6 A (= ampères). 230 V (= volts). 70 J (=joules). Une Méditerranée, le Pacifique, la Polaire ( p l u s
force de 50 N( = newtons). — Comp. :10 g (= grammes). 10 kW(= kilowatts). r a r e ; e x . d e VERNE d a n s l e Trésor), e t c . — m a is
Sont souvent aussi en majusc. les lettres utilisées comme symboles en c e l a n e s e f a it p a s si la f o r m e r é d u i t e e st
mathématiques ou ailleurs, comme désignation des manuscrits anciens, etc. : a m b i g u ë : *la Rouge, e t c .
Si une langue A s' étend sur un domaine où était parlée une langue B (J. PERROT,
E U B U R E M A R Q UE
Linguistique, p. 89). — A lui seul, le témoignage d' O a autant de valeur que celui L'A c. 2 0 0 3 , s. v. mont, a p r è s a v o ir d o n n é
de tous les autres textes (BÉDIER, Chanson de Roi. commentée, p. 86). l:Wci c o m m e e x . Le mont Blanc, a j o u t e : « En p ositio n
d e c o m p l é m e n t , Mont p r e n d la m a j u sc u l e e t se
Adjectif e t majuscule. lie a u m o t suiva n t. » Il fa u d rait d o n c é crir e : °Je
regarde vers le Mont-Blanc o u 0 La beauté du
L'adjectif suit le nom. Mont-Blanc ! C e l a n'e st vr a i q u e p o u r ce rt ai n es
L'adjectif prend la majuscule quand il accompagne, comme l o c. n o m i n al e s, c o m m e c e ll e q u i est cit é e
e n s u i t e : Le massif du Mont-Blanc.
terme caractéristique, un nom commun géographique. ED HISTORIQUE. — La sig nifica tio n p r e m i è r e e t
Le mont Blanc les montagnes Rocheuses, le lac Majeur, le fleuve Jaune, l'é t y m o l. d e blanc d a n s mont Blanc n'est p as
la mer Rouge, la mer Méditerranée, l' océan Pacifique, le golfe Persique, les îles For- inco ntesté e.
tunées, les îles Anglo-Normandes, le cap Bon, la roche Tarpéienne, l' étoile Polaire
E U B U R E M A R Q UE
(Ac. 2000). 0 1 — Mais la péninsule Scandinave, la péninsule ibérique (Ac. M ê m e g r a p h i e d a n s les gra n ds Lar. réce n ts.
1935), qui ne sont pas de vrais noms propres. M a is, au x d e u x e n tr é es, o n a l'étoile polaire d a ns
On écrit : le Pays basque, le Massif central, le Quartier latin (à Paris ; l'A c. 1 9 3 2 - 1 9 3 5, d a n s le Trésor et d a n s le Rob.
2 0 0 1 . L'u s a g e d e s s p écialist es s e m b l e av oir
Ac. 2000), la Voie lactée (ib.), — et, d'autre part, l'Asie Mineure, l'Ara- c h a n g é a u c o u rs d u XX' - s. (l e Lar. X X e s. é criv ait
bie Pétrée, etc., désignations traditionnelles où l'adjectif ne peut plus l'Étoile polaire).
guère être compris comme un véritable adjectif ; comp. : l'Asie anté-
rieure, l'Amérique latine. On distingue aussi le Nil Bleu et le Nil Blanc.
2° Dans les désignations géographiques, les noms d'associations,
etc., l'adjectif prend la majuscule s'il forme avec le nom une
unité qui n'est plus analysée.
Cela se fait lorsqu'il y a un trait d'union : les États-Unis, la Croix-Rouge, la
Comédie-Française, les Pays-Bas, les Provinces-Unies, le Royaume-Uni, le Pont-Neuf(i
Paris), le Palais-Royal (à Paris, mais le Palais royal à Bruxelles), les îles du Cap-Vert,
S I I S REMAR QUE. la Charente-Maritime (département), la Forêt-Noire (massif montagneux). CJJ
La Flandre occidentale, la Flandre orientale, dési -
Mais on ne met pas de majuscule à l'adjectif dans : les Nations unies, l'Aca-
g n a n t d e s p r o vi n c e s b elg es, so n t d e s g r o u p e s
p arf ait e m e n t a n alysa bles, e t il n'y a a u c u n e raiso n
démie française, l'Académie royale de Belgique, l'École militaire, l'École normale
d e suivre les dict. fr. q ui, sur le m o d è l e d e s dépar - supérieure, l'École polytechnique, la République fédérale d'Allemagne, les Émirats
t e m e n ts fr., é criv e n t la Flandre-Occidentale, e tc., arabes unis, la Chambre basse, l'Assemblée nationale, l' Université catholique de Lou-
c o n tr air e m e n t à l'usa g e o fficiel d e Be l g i q u e vain, l'Assistance publique, la Banque mondiale, le Crédit lyonnais (par ex. dans le
(C o nstit u tio n, e tc.). Monde, 24 sept. 1994, p. 17 ; mais le Grand dict. enc. Lar. écrit le Crédit Lyon-
nais), les Jeux olympiques (Ac. 2000, s. v.jeu), les Jeux floraux (ib. et s. v. floral), etc.
3° Il faut une majuscule aux adjectifs qui servent de surnoms :
Charles Quint. À plus forte raison, si l'adjectif est nominalisé par l'article :
Charles le Téméraire.
4" Majuscule de déférence dans : Son Altesse Royale (en abrégé,
S. A . R.), Votre Altesse Sérénissime.
Dans les titres de livres, de revues, de journaux, de films, etc., qui c m K m REMARQUE.
sont normalement imprimés en italique CEI on met d'habitude D a n s l e s e x . d u § 1 0 1, à p a r t ir d e d , n o s cita -
une majuscule au premier mot, de quelque nature qu'il soit. Q2 tio ns r e s p e ct e n t les c a r a c t è r e s r o m ai n s e t les
c a r a c t è r e s i t a li q u e s d e n o s s o u r c e s , a l o rs
Le plus retentissant de ses manifestes, De l'Allemagne (THIBAUDET, Hist. q u 'a i l l e u r s n o s ci t a t i o n s s o n t m is e s e n i t a li q u e .
de la litt.fr. de 1789 à nos jours, p. 48). —Je me consacrai [...] à Tous les hom- m m t a m m i m i nHinMi
mes sont mortels (BEAUVOIR, Force des choses, p. 24). — Un pastiche scanda- E 9 B a l R E M A R Q UE
leux des « romans noirs » américains, J 'irai cracher sur vos tombes (ROBERT, L'a r t i c l e q u i f a it p a r t i e d u t i t r e e s t c o n t r a c t é
Dict. universel des noms propres, s. v. Vian). (Ht a v e c l e s p r é p o s i t i o n s à e t de q u i p r é c è d e n t :
D a n s m a p r é f a c e au x Fleurs du Mal (GIDE, jour-
Beaucoup d'auteurs (ou imprimeurs) mettent en outre la majuscule nal, 1 " f é vr. 1 9 1 7). C f. § 580, b, 2°. - C e t article
au premier nom, ainsi qu'à l'adjectif qui le précède immédiatement : c o n t r a c t é n e se m e t p as e n italiq u e.
S e c t i o n 3
LES A C CE N TS
L'accent aigu e t l'accent grave. SB E S S I I & L H IS T O R I Q U E
L' a c c e n t aig u, i n tr o d u it p a r l'i m p ri m e u r Ro b e r t
a) L'accent aigu et l'accent grave se mettent sur la lettre e Es t i e n n e (1 5 3 0), fu t p l a c é d ' a b o r d sur [e] fin al :
sévérité, e tc. ; a u X V II e s., o n s'e n servait s o u v e n t
pour indiquer la prononciation : é pour [e], è pour [e].
p o u r r e p r é s e n t e r [e] fi n al : après, dés, e tc. —
1° Pour les voyelles toniques, l'opposition entre é et è est nette : L'a c c e n t g r a v e , i n tr o d u it a u X V I e s., fu t d 'a b o r d
d ' u n e m p l o i restrein t et i n c e rt ai n . J a c o b u s Syl -
Blé, allée, prés ; — père, sème, près. vi u s [ = J a c q u e s D u b o i s] (.in linguam gailicam
Il n'y a plus d'exception (cf. Hl) que pour certaines formes verbales sui- Isa gage, 1 5 3 2 ) le p laçait sur les e so u r d s : gracé,
vies de je : aimé-je, puissé-je, etc. ; cf. § 794, b — Aussi, le Conseil supérieur de vestèment. C 'e s t P. C o r n e ill e q ui, le p r e m ie r, e u t
l'i d é e d e distin g u er p a r les a cc e n t s [e] d e [c] :
la langue française (§ 90, e) recommande-t-il d'écrire aimè-je, etc.
vérité, après, e t c.
E n'est utilisé que devant un s final ou devant une syllabe contenant D e v a n t u n e sylla b e c o n t e n a n t u n e m u e t, è s'est
un e muet : exprès, aloès, manière. — On écrit poignée, aimée, etc., car e, g é n é r a lis é très l e n t e m e n t à la t o n i q u e : c'e st seu -
l e m e n t d e p u is 1 8 7 8 q u e l'A c. é crit sève, piège,
ne se prononçant pas dans cette position, ne constitue pas une syllabe. siège. À la p r o t o n i q u e , l'u n ific a t i o n a é t é plus
2° Pour les voyelles atones, où l'opposition phonétique est moins l e n t e e n c o r e et plus i n c o h é r e n t e : p a r e x ., d e p u is
1 8 7 8 , l'A c. écrit avènement, m ais e ll e g ar d ait
nette, on a en principe è quand la syllabe suivante est formée événement. — O n é crit o f f ici e ll e m e n t Liège et
d'une consonne et d'un e muet, et é dans le cas contraire EU : n o n plus Liège, à la suit e d'u n a rr ê t é d u Ré g e n t
( 1 7 se p t. 1 9 4 6 ) a p p r o u v a n t u n e d é li b é r a t i o n d u
enlèvement, discrètement, il sèmera ; — témoin, léser, téléphone. c o n s e il c o m m u n a l d e la vill e ( 3 j u i n 1 9 4 6 ) . Q u el -
L 'Ac., entérinant une proposition du Conseil supérieur de la langue fr. q u e s Li é g e o is r est e n t a t t a c h é s à l'a c c e n t ai g u ;
(cf. § 90, e), a généralisé cet emploi de l'accent grave : 1) dans les mots v o i r a ussi T H É R I V E , Libre hist. de la langue fr.,
p. 2 3 ; Y O U R C E N A R , Souvenirs pieux, p. 7 9 .
suivants : abrègement, afféterie, allégement, allègrement, assèchement, céleri (« on
écrit aussi céleri », dit l'Ac.), complètement (comme nom ; l'adverbe s'écrivait U H H L - I J R E M A R Q UE
déjà ainsi), crémerie (« on écrit aussi crémerie », Ac.), crènelage, créneler, crène- C e r t a i n s cr o i e n t d e v o i r é c r i r e °seizièmiste p o u r
lure (pour ces trois mots, l'Ac. fait la même remarque que pour crémerie), déré- d é si g n e r c e l u i q u i s' o c c u p e d u seizième siècle .
glementation, empiétement, événement, événementiel (ou événement, C e t a c c e n t g r a v e c o n t r e d i t la r è g l e g é n é r a l e . La
b o n n e f o r m e est seiziémiste : cf. Robert, Grand
événementiel, Ac. [mais événement est choisi dans les autres articles où inter-
Lar. langue, e t c. ; d e m ê m e , quinziémiste, e tc.
vient le mot : action, affecter2, affliction, etc.]),fèverole, vénerie (Ac., 1.1, p. X), "Ècher est u n e g r a p h i e a b e r r a n t e d u Robert ; e ll e
auxquels il faut ajouter (articles non encore parus) pécheresse, réglementer et c o n t r e d i t la p r o n o n c i a t i o n d o n n é e : [e j e]. Le s
autres dérivés de règlement, sécheresse, sècherie, sénevé, ainsi que séneçon, a u tr e s d ict. q u i m e n t i o n n e n t c e v e r b e l'é criv e n t
jusqu'ici sans accent ; — 2) dans les futurs et les conditionnels des verbes qui écher ( o u escher, g r a p h i e la plus f r é q u e n t e , o u
e n c o r e a / ch er, f o r m e s q u i so n t a ussi d a n s le
ont un é à l'avant-dernière syllabe de l'infinitif (§ 791, b) : léserai, céderait, etc.
Ro b e r t 2 0 0 1).
Exceptions. 1) les préfixes dé- et pré- : démesuré, prélever, etc. ; — 2) les
D a n s les r é g i o n s o ù o n p r o n o n c e [e] d a n s la syl-
é initiaux : échelon, écheveau, édredon, élever, émeraude, épeler, éperon, etc. ; — l a b e initiale m ê m e q u a n d il n'y a p as d e e m u e t
3) médecin et médecine. d a n s la sylla b l e s u iv a n t e , o n t r a n s p o s e p arf ois
N. B. Il faut prendre garde aux alternances qu'on observe dans une famille c e t t e p r o n o n ci a t i o n d a n s l'é cri t u r e : ° p è t e r a u
lexicale et dans la conjugaison à la suite des règles données ci-dessus : li e u d e péter, p a r e x . e n B e l g i q u e f r a n c o p h o n e .
5 il proposé en 1990 que l'accent circonflexe soit supprimé sur ces deux J u s q u ' a u X I X e s., o n a d isti n g u é , e n latin m ê m e ,
> lettres, sauf pour remédier aux homographies signalées ci-dessus dans le â d e l'a b la tif d u a d u n o m i n a tif : AmicitiÀ et
fœdere conjuncti (Trévoux, 1 7 5 2 , s. v. confédé-
< a, et sauf dans les passés simples, l r e et 2 e personne du pluriel, pour ne
rer). O n faisait d e m ê m e d a n s d e s c o n t e x t e s
* pas séparer vîmes, vîtes, sûmes, sûtes, vînmes, vîntes de aimâmes, aimâtes. fr a n ç a is. En 1 8 3 5 , M e . é criv a i t a ussi vice versâ
(vice versa d e p u is 1 8 7 8).
3° Dans piqûre, l'accent était destiné à montrer que l'on n'a pas le
digramme qu = [k], mais deux sons, [ky].
Cette indication n'est pas nécessaire, puisqu'on n'a jamais ce digramme
devant une consonne. Aussi le Conseil supérieur applique-t-il la proposition
* générale décrite ci-dessus et conseille-t-il d'écrire piqûre. (i£J
B » M É t l f e É HISTORIQUE
L'usage du tréma a été introduit en 1532 par Sylvius
LE TRÉMA, LA CÉDILLE, L'APOSTR OPHE (§ 103, H1). C e signe a servi notam ment sur i et u
voyelles pour les distinguer d e i et d e u consonnes,
B Le t r é m a , d c'est- à - dire c e q ue nous écrivons aujourd'hui j et v (cf.
§ 8 5 ) : O n les lo u e (LA F., C . , R e m o i s ) . — Sur l'o u a t e
Le tréma se met sur les voyelles e, i, u, le plus souvent pour indi- m olle (Bon., Lu trin, IV). — Lîo d[ = yo d] ( T U R C O T , Éty m o -
lo gic, p. 4 2). — D e là ïa m b e, avec un tré m a conservé
quer qu'on n'a pas affaire à un digramme. par \ 'Ac. jusq u'e n 1935, mais a b an d on né depuis
Maïs [nuis], à comparer à mais [me] ; Saiil [SAyl], à comparer à Saul [sol] ; ciguë 1998, à la suite des autres dict., ainsi q u e certains noms
d e familles, co m m e celui d e l'ingénieur Bie nve n u e,
[sigy], à comparer à digue [dig]. q u e l'o n retrouve dans Mo n t p arn asse - Bie nve n u e, sta-
Parfois, pour distinguer [oi] de [WA], [oë] de [wê] : héroïsme, à comparer à roi ; tion d e métro à Paris, et celui du minéralogiste H a uy,
coïncidence, à comparer à coin. d'o ù dérive le no m co m m u n h a uyn e loin]. Parfois la
fonction du tréma n'a plus été co m prise et le signe a
On écrit amuïr, quoique ui ne se prononce pas autrement que dans fuir. été mal placé co m m e dans le no m G érar d Ba u ër.
Le tréma se place sur la deuxième des voyelles qui se suivent ; toutefois, En 1878, l'Ac. a re m placé par l'acce nt grave l'ancien
reprenant une décision de l'Académie, le Conseil supérieur de la langue fran- tréma dans p o è m e, p o è t e (co m p. N o ël). Certains
auteurs restent fidèles a u tréma : C i A U D E L a intitulé un
çaise (cf. § 90, e) a proposé en 1990 de placer le tréma sur la voyelle u qui doit livr e Un poëte re g ar d e la croi x , e t u n a u t r e Pe tits p o è -
être prononcée (comme voyelle ou comme semi-voyelle) après un g : aigUE, m es d'a p rès le chin ois.
ambigUE, ambiguïté, cigUE, exiguE, etc., au lieu de aigUË, ambiguïté, etc. Comp. Ja dis o n m ettait parfois un tré m a sur y ; il perm ettait
d'évit er u n e m a uvaise lecture, c o m m e [t] dans le
le nom de lieu et de famille Vogué (l'accent aigu obligeait à mettre le tréma sur u). n o m du m usicie n liégeois Eu g è n e Ysaye (1858 -
D'autre part, il a proposé d'ajouter un tréma dans les mots suivants pour 1931) [izAi], so uve nt écrit Vsaye ; dans d'a utres cas,
l'e x plicatio n n'a p p araît pas. L'écrivain Pierre Louis a
écarter une mauvaise prononciation : argÛEr [angqe] ainsi que dans les diverses vo ulu d o n n er un air original à son p atro ny m e e n
formes de ce verbe ;gagEUre, mangEUre, rongEÛre, vergEÛre [ - 3 Y R ] . l'écriva n t Lo uys, p ro n o ncé llwisj.
Dans certains noms propres, le tréma se met sur un e que la prononciation ne
fait pas entendre : Saint-Saëns, M"" de Staël, Maëstricht (on préfère aujourd'hui Maas-
tricht, selon l'usage néerlandais). — Dans certains mots étrangers, on a un tréma sur
o (= [o]) : maelstrom (tourbillon de la côte norvégienne) [var. maelstrom, à préférer,
prononciation comprise], Bjôrnson. — L'Ac. 2001 entérine la graphie aberrante canoë,
qui contredit la prononciation [kAnae] ; les Québécois préfèrent avec raison canoë.
Les dict. ne sont pas toujours cohérents : par ex. l'Ac. écrit barbe-de-capucin
(chicorée sauvage), mais pet de nonne (beignet soufflé), que le Rob. écrit pet-de-
nonne.
On ne met pas de trait d'union quand la métaphore ne porte que sur un des
deux termes du syntagme : une LANGUE de terre, une taille de GUÊPE ; — ni non
plus quand il y a passage du concret à l'abstrait (il n'y a pas alors de confusion
possible) : Le christianisme est la CLEF DE VOÛTE et le fondement de l' édifice nou-
veau (FLAUB., Êduc., III, 1).
Spécialisation de sens.
Adverbes : avant-hier, après-demain, sur-le-champ. Conjonction : c ' est-à-dire.
Noms :fer-blanc, amour-propre, eau-forte, Notre-Seigneur (voir pourtant § 101, Rl),
On ne met pas de trait d'union s'il n'y a pas de syntagme homonyme : par ex.,
dans les locutions adverbiales commençant par tout : tout à l'heure, tout à coup, tout
à fait, et dans Moyen Age. [J] E S I V & J REMAR QUE.
Il faut reconnaître que les justifications ne sont pas toujours très nettes : L e trait d'u n i o n se r e n c o n t r e p o u r t a n t d a n s
pourquoi l'Ac. écrit-elle coffre-fort mais château fort ? c e d e r n i e r m o t : R. D E G O U R M O N T , Belgique
L'Ac. écrit : la Sainte-Alliance, le Saint-Empire, le Saint-Esprit, l'Esprit- littér., p . 1 2 ; B R U N O T , Pensée, p . 1 0 4 ; R.-
L. W A G N E R , Vocabul. fr., 1.1, p . 1 2 0 ; e t c .
Saint, le Saint-Office, le Saint-Père, le Saint-Siège, la Sainte-Trinité. Mais l'usage
n'est pas toujours bien fixé ; par ex., Esprit Saint et Sainte Trinité sont assez
fréquents ; inversement, certains mettent le trait d'union là où l'Ac. ne le met
pas, par ex., dans Saint-Sacrement.
Esprit Saint : HUYSMANS, Cathédrale, p. 1 3 1 ; MAURIAC, Souffrances et bonheur du
chrétien, Œ u v r e s compl., p. 2 6 0 ; Bible, trad. OSTY-TRINQUET, Ép. aux R om., V , 5. —
Esprit saint : PÉGUY, Mystère de la char, de J. d'Arc, p. 5 7 . — Sainte Trinité : GREEN, Jour- E U S B ! REMAR QUE.
nal, 4 févr. 1 9 6 9 . — Saint-Sacrement : HUYSMANS, op. cit., p. 8 5 ; MAURJAC, Pèlerins de Il y a e u a g g l u t i n a t i o n d a n s nonchalant ( § 8 7 8,
Lourdes, II ; GREEN, op. cit., 13 août 1 9 7 1 . 8), nonobstant (§ 2 5 8, H ), q u i n e s o n t p l u s a n a -
Dérivation sur un syntagme ou un composé : de la fausse lysa bles p o u r le l o c u t e u r d'a u j o u r d'h u i. — En
o u t r e , d a n s l' A c . 2 0 0 4 , nonpareil, c o m m e litt.
monnaie -*• un faux-monnayeur ; long cours —• long-courrier. Autres
e t vieilli. C ' e s t u n e é l é g a n c e : La reine de mon
ex. au § 556, a. cœur, au regard N O N P A R E I L ( B A U D E L . , FI. du m.,
Bas-allemand, bas-breton résultent aussi d'une dérivation (de basse Allema- B é a t r i c e ) . — Tous ces mets criaient des choses
gne, etc.), et le trait d'union, qu'exigeait Littré (s. v. bas), serait préférable. Mais N O N P A R E I L L E S ( A P O L L I N . , Aie., Pa l a is). — Petites
l'usage n'est pas bien fixé, comme en témoignent les contradictions des dict. : merises d'une s a v e u r N O N P A R E I L LE ( P O U R R A T ,
Gaspard des Montagnes, 1.1, p . 1 1 9 ). — A v e c
par ex., dans le Rob., bas-breton s. v. bas et bas breton s. v. breton. — Même chose
une vélocité NONPAREILLL (QUFNEAU, Chien-
pour les noms de langues : dans Le langage (Encycl. de la Pléiade), le trait
dent, L. P., p. 4 2 ). - L' A c . a j o u t e : « O n é c r i t
d'union est systématique : bas-allemand, bas-navarrais, etc. ; en revanche, dans a u ssi Non-pareil o u Non pareil. » Non pareil est
le Dict. hist. de la langue fr., le trait d'union que l'on observe dans l'encadré con- r e j e t é p a r H a n s e , C o l i n e t d ' a u t r e s ; c e l a est
sacré à La langue allemande disparaît ailleurs (art. garnir, gâteau, etc.). Il semble b i e n s é v è r e : v o i r d e s e x . d e M . n i GUERIN e t d e
pourtant que les formes sans trait d'union l'emportent : dans l'éd. en cours, CAMUS d a n s l e Trésor, d e FRANC E d a n s l e Rob.
l'Ac. écrit bas breton et bas latin s. v. bas, haut allemand s. v. haut et dans les notes L e tr ait d ' u n i o n a p p a r a î t s u r t o u t d a n s l e n o m
étymologiques (bretelle, etc.) ; voir aussi Trésor, s. v. allemand et aussi dans la (r u b a n , d r a g é e o i s e a u , e t c .), q u ' o n é cri t
d 'a i l l e u r s p l u s s o u v e n t e n u n m o t : Arabesques
liste des abréviations (ancien bas francique, ancien haut allemand, bas allemand,
de N O N P A R E I L L L ( F L A U B . , M""' Bov., I, 4 ) h t r è s
etc.) — On écrit toujours l'ancien français, le moyen français (pourtant, on lit
p e tit e d r a g é e , sur u n e c r è m e].
moyen-haut-allemand dans Le langage, op. cit., p, 579), le français moderne.
Non et quasi, normalement adverbes, s'emploient devant des noms, soit B E I I L Ï L R E M A R Q UE
par un phénomène de dérivation : non solvable non-solvabilité ; quasi D a n s u n m o u v e m e n t i n v e r s e d e la t e n d a n c e
total -* quasi-totalité ; soit comme calques (quasi-délit) [cf. 6°]. Dans cet h a b i t u e ll e , u n tr ait d ' u n i o n est i n t r o d u i t p a r cer -
tains a u t e urs p o u r m a r q u e r u n reto ur a u sens
emploi, ils sont suivis d'un trait d'union. Mais s'ils sont utilisés comme adver-
é t y m o l o g i q u e ( o u p s e u d o - é ty m o l o g i q u e) d e s
bes devant un adjectif | JJ ou un adverbe, le trait d'union n'a pas de raison
é l é m e n t s : Traité de la C O - N A I S S A N C E a u monde
d'être : non avenu, non seulement, quasi mort, quasi jamais. L 'Ac. 2004 écrit pays et de soi-même (t i t r e d ' u n e ss a i d e C L A U D E L ) . —
non-alignés, soldat non-combattant, troupe non-combattante, doctrine non- Ainsi cernée (...) entre l'engagement et I'A-
conformiste, partie non-comparante, etc. sans doute pour la raison, assez faible, T H E ' I S M E , l'écriture sera exposée à la clarté de
que ces syntagmes s'emploient aussi comme noms. — Presque + nom doit l'enquête scientifique (J. KRISTEVA, d a n s Tel quel,
s'expliquer de la même façon, et pourtant le trait d'union est absent d'ordi- a u t o m n e 1 9 7 1 , p . 3 7). — t a souveraineté fonde
naire. Cf. § 179, b, 2°. l'Etat parce qu'elle commande son commence-
ment. Elle le régit de part en part, il R E < ( > M M E N Œ
Le sens ancien n'est plus perceptible : belle-fille, grand-père, petits- sans cesse ( A . G L L J C K S M A N N , Cynisme et pas-
enfants. Comp. 3°. ffl sion, p . 5 5 ). [V o i r a u ssi § 1 7 3, 8, a.]
Adaptation de mots étrangers : franc-maçon, social-démocrate,
ainsi que tout-puissant, calque du latin. PTT1
Po u r les n o m s d e lieu x e m p r u n t és, b e a u c o u p les N. B. 1. En France (mais non en Belgique), l'administration des postes met
é criv e n t sans trait d'u n i o n , p ar e x. New York, m ais
le trait d'union, dans les noms de rues, entre le prénom ou le titre et le
o n n e voit p as p o u r q u o i il est n écessair e d e gar-
d e r sur c e p oi n t l'usa g e d e l'a n glais. Ex. d e New nom de famille.
York : M A R T I N D U G . , Souvenirs, Pl., p. L X X V I I ; Le but est de maintenir à ces noms une forme constante et de leur don-
G R E E N , Journal, 8 juillet 1 9 6 7 (m a is new-yorkais) ;
ner une place fixe dans l'ordre alphabétique. Cet usage est rarement
Et. G I L S O N , La société de masse et sa culture,
suivi sur les plaques indicatrices des rues. Mais, quoiqu'il soit « fautif »
p. 4 4 ; e tc. — D e New-York : Maigret à New-York,
titre d'u n r o m a n d e S I M E N O N ; T R O Y A T , C a s e de pour Dauzat (Gramm. raisonnée, p. 43), il est devenu fréquent dans les
l'oncle Sam, I, 4 ; f r é q u e m m e n t d a ns le Monde livres et les journaux de France, aussi bien pour des rues que pour des
(p a r e x., 1 8 j uille t 1 9 9 1 , p. 2 0) ; e tc. écoles, des fondations, etc. : Place Adolphe-Max (J. HLLLAIRET, Connais-
sance du vieux Paris, 1963, 1.1, p. 308). — L 'avenue Henri-Martin
(CÉLINE, Voy. au bout de la nuit, F°, p. 142). — Rue Louis-Blanc (SABA-
TIER, Trois sucettes à la menthe, p. 59). — La rue Guy-de-Maupassant
(MODIANO, Voy. de noces, p. 75). — Rue du Général-Foy (MARTIN DU
G., Souvenirs, Pl., p. XLIIL). — Rue de l'Aumônier-Hilaire (SARTRE,
Nausée, M. L. F., p. 77). — Impasse du Docteur-Barthès (DUTOURD, Au
Bon Beurre, p. 32). — Professeur au lycée Biaise-Pascal (BARRÉS, Union
sacrée, p. 200). — Au théâtre Sarah-Bernhardt (DUHAMEL, Désert de Biè-
vres, II). — Le prix Hugues-Capet (dans le Monde, 4 févr. 2000, p. VIII).
Sans trait d'union : Rue Julien Lacroix (TROYAT, Amélie, p. 273). — Le
12e prix Simone Genevoix (dans le Monde, 28 janv. 2000, p. x). [Avec
prix, usage fréquent dans le Monde.]
Le trait d'union s'est introduit en dehors du cas envisagé ci-dessus et en
dehors des noms propres de personnes : Avenue Van-Dyck (HÉRIAT,
Enfants gâtés, II, 1). — Rue François-I" (MORAND, Ouvert la nuit, F°,
p. 7). — Rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. — Rue du 14-Juillet.
2. On met ordinairement un trait d'union entre les éléments des pré-
noms doubles considérés comme la désignation usuelle de la
personne : Jean-Jacques Rousseau, l'impératrice Marie-Louise, le roi
Louis-Philippe, le pape Jean-Paul II.
L'usage anglo-saxon et parfois l'usage canadien sont différents : Pierre
Elliott Trudeau. Cela est parfois imité par des francophones de l'Ancien
Continent : Jean François Deniau.
Le trait d'union permet de distinguer le prénom double de la suite de
prénoms quifigurentà l'état civil, mais qui ne sont pas usités ordinai-
rement pour désigner la personne. Pour ceux-ci on laisse un blanc
entre eux selon l'usage actuel : Louis Philippe Joseph duc d' Orléans
M M K E 3 REMAR QUE. (Grand Lar. enc., t. VII, p. 1010). 5 0
N a g u è r e , o n m e tt ait s o u v e n t d e s traits d'u n i o n : On peut avoir aussi, pour diverses raisons, des noms de familles cons-
Orléans (Louis-Philippe-Joseph, duc d'), dit titués de plusieurs noms unis par un trait d'union : Irène Joliot-Curie
Philippe-Égalité [cf. 3] (Lar. XXe s.).
(fille de Pierre Curie et femme de Frédéric Joliot), Jeanne Emile-Zola
(fille d'Émile Zola), Claude Lévi-Strauss. Le trait d'union peut
manquer : Pierre Mendès France. Il manque nécessairement si le second
nom commence par de ou du : Martin du Gard, Carton de Wiart.
3. Lorsque le prénom est suivi d'un élément subordonné (épithète, appo-
sition, etc.), on ne met pas de trait d'union : Charles Quint (= cinquième :
§ 599, H4), Sixte Quint, Philippe Égalité, Charles Martel, saint Jean Chrysos-
ÏÏWÊ C G I REMAR QUE. tome, Frédéric Barberousse, Alexandre le Grand, Charles le Téméraire. | jjy
C'e s t , e n d e h o rs d u t y p e a v e c u n article, u n
u sa g e r é c e n t. O n a l o n g t e m p s é crit Charles- C) À cause d'irrégularités morphologiques ou syntaxiques (par-
Quint ( e n c o r e d a n s \'Ac. 1 9 3 5), c e q u i n'e st p as fois combinées avec des faits sémantiques).
plus d é f e n d a b l e q u e d e m e t t r e u n trait d'u n i o n
d a n s Charles V, c e q u e l'o n n e fait j a m a is.
Noms.
La tra d itio n faisait aussi é crir e Jésus-Christ ([k ni], • Nom précédé d'un adjectif ne respectant pas les règles ordinaires de
t a n d is q u ' o n p r o n o n ç a i t [kRist] d a n s le Christ), l'accord : nu-tête (§ 259, a, 1°), demi-bouteille (§ 561, a), grand-rue (§ 543).
saint Jean-Baptiste, sainte Marie-Madeleine, alors • Nom formé d'un nom + nom complément sans préposition : chef-lieu
q u e le d e u x i è m e é l é m e n t est u n e so rt e d e sur-
(§ 179, d), timbre-poste.
n o m . Po u r e ssa y e r d e r e n d r e à c e s d é si g n a ti o n s
le ur v a l e u r p r e m i è r e , d e s a u t e u rs c a t h o li q u e s La relation entre les éléments peut être complexe, l'élément juxtaposé
r é c e n ts p r é f è r e n t Jésus Christ (e n p r o n o n ç a n t équivalant à toute une périphrase : laurier-cerise (dont le fruit a la cou-
p arf ois [kRist] c o m m e d a n s l'Ég lise r é f o r m é e), leur de la cerise), laurier-sauce (dont les feuilles servent en cuisine), chou-
Jean Baptiste, Marie Madeleine. fleur (qui ressemble à unefleur),etc.
Quand le nom est suivi d'une apposition nonfigée,le trait d'union n'est
pas utile. C'est le cas des désignations des sciences naturelles : l'araignée
épeire, l'airelle myrtille. C'est aussi le cas de clé, modèle, pilote, limite et de
bien d'autres noms qui, dans le fr. actuel, se joignent librement à des
noms divers : région pilote, secteur clé, etc. ; ilfoutreconnaître que le trait
d'union est loin d'être rare dans l'usage.
Il y a pas mal d'autres hésitations : par ex., rave, soudé dans betterave, est
écrit avec (Ac. 2001) ou sans (Petit Rob.) trait d'union dans cèleri-rave.
• Nom formé d'un adjectif (normalement postposé) suivi d'un nom :
rond-point, basse-cour, sage-femme. Cf. § 330, a.
• Les composés au moyen des éléments empruntés ex-, extra-
(« très »), néo-, pseudo-, self-, vice- et d'un mot français : Son ex-mari.
Voyante extra-lucide. Le néo-colonialisme. Une pseudo-constitution. —
Cette mathématique dont la self-fécondité ne cesse de provoquer notre
émerveillement (J. ONIMUS, Connaissance poétique, p. 26). — Le vice-
roi. — Comp. : son ancien mari, le nouveau colonialisme, etc.
Pour les composés avec anti-, archi- (« très »), auto- (« de soi-même »),
co-, extra- (« à l'extérieur de »), inter-, intra-, para- (« à côté de »), sub-,
super-, ultra- (« extrêmement »), la tendance est nettement à l'aggluti-
nation ; le Petit Robert, par ex., écrit antimissile, archiplein, autocensure,
cogestion, extragalactique, intermariage, intraveineux, paramilitaire,
subatomique, superchampion, ultramoderne, mais ultra-royaliste, ultra-
son ou ultrason, etc.
Le trait d'union s'impose quand il y a un risque de confusion avec un
digramme : intra-utérin.
Adjectifs.
• Adjectifforméd'un pronom personnel normalement disjoint et d'un
participe présent : soi-disant (§ 665).
• Locution adjective composée d'un adjectif à valeur adverbiale suivi
d'un adjectif ou d'un participe : court-vêtu, long-jointé, demi-nu ; mais,
caprices de l'usage (qui portent aussi sur l'accord : § 963, b), grand
ouvert, large ouvert, frais cueilli. Pour nouveau, § 963, c, 7°.
On peut citer ici, à des titres divers, des expressions dont né est le
second élément : aveugle-né, mort-né, nouveau-né, premier-né, dernier-
né. — De même aufiguré: Il est le protecteur-né des sciences et des arts
(Ac. 1935). — Une artiste-née (MAUROIS, Lélia, p. 34).
Numéraux.
• Quatre-vingts, puisqu'on ne dit plus trois vingts, six vingts, etc. (§ 592,
H). S B B E I K E 3 remarque
On ne met pas de trait d'union dans les fractions : Un mètre trois quarts. A f i n d e si m p lifie r les c h o s e s (v o i r a ussi § 1 1 0 , c),
Portrait de trois quarts (Ac. 1935). Les cinq douzièmes de la population l e C o n s e i l s u p é ri e u r d e la l a n g u e fr. (§ 9 0, e ) a
(Ac. 2001). Les trois centièmes (ib.). — Mais un problème se pose p r o p o s é d'a li g n e r sur c e p o i n t l'u sa g e d e cent e t
d e mille sur c e l u i d e vingt. C f . § 5 9 4, a.
quand le dénominateur est un multiple de cent, de mille, etc. L'Ac. met
un trait d'union dans les emplois nominaux : Un trois<entième, deux
trois<entième. Un trois-millième. Pour les emplois adjectivaux (qui ne
sont pas ambigus), elle est moins constante : La deux centième, la trois
centième partie (ainsi que la deux centième année) s. v. centième, mais La
dix-millionième partie (s. v. mètre, 1935-2002).
mmmmm IMBiMiUi'yft
Adverbes. R B E U mvTi REMAR QUE.
Ici-bas, là-bas, là-haut. On a aussi un trait d'union quand là est suivi d'un D a n s les locu tio ns e m p r u n t é e s q u i j o u e n t le rôle
adverbe : là-dedans, là-dessus, là-dessous, là-devant, mais dans d'autres associa- d'u n a d v e r b e , il n'est p as d'u sa g e d e m e ttre d es
traits d'u n i o n : a giorno, con fuoco, up to date, ad
tions moins répandues (ce qui est particulièrement le cas après ici), l'usage est
patres, motu proprio, ex cathedra, ipso facto, e tc.
fort hésitant. Cf. § 1008, b. T o u t e f o is l'Ac. 2 0 0 0 c o n ti n u e à é crir e extra-muros,
Là, encore analysable comme adverbe, ne demande pas de trait d'union intra-muros, c o n tr air e m e n t à la plu p art d es a u tres
dans les syntagmes par là ou de là, etc. (l'Ac., qui écrivait jusque-là en 1935, dict., a u x q u els e ll e s'est rallié e p o u r grosso modo.
accepte aussi jusque là en 2000). En revanche, ci, ayant cessé de s'employer libre-
ment, est accompagné d'un trait d'union dans les locutions dont il fait partie :
non seulement ci-dessous, etc., mais aussi ci joint, ci-inclus, ci-présent ; ci-git ; de-ci,
de-là ; par-ci, par-là.
Il n'est pas facile d'expliquer pourquoi les locutions adverbiales ou prépo-
sitives formées avec au ou A vec par ont le trait d'union, alors que celles dont le
premier élément est en s'en passent : au-dessus, au-dedans, au-dehors, au-delà,
au-devant ; par-dedans, par-derrière, par-dessus, par-devant, par-delà, etc. ;
mais : en dedans, en dehors, en deçà, en delà, en dessous. Telle est la façon de faire
de l'Ac. (1932 et 2001), Mais le Robert d'une part écrit au-dessus, au-devant,
par-dessous, par-dessus, par-devant, et d'autre part prône au dedans, au dehors,
au delà, par delà, par derrière. Les usagers sont eux aussi divisés.
De devant, de dessous, etc. n'ont pas le trait d'union, parce que de y garde
toute sa valeur (§ 1036, c).
L e t r a i t d ' u n i o n signe d ' u n i t é g r a m m a t i c a l e .
Sectio n 4
Le symbole.
Au lieu d'écrire un mot au moyen de lettres, on le représente
parfois par un symbole, qui est le même quelle que soit la langue :
& est mis pour et dans un texte français, pour and dans un texte anglais, pour
und dans un texte allemand, etc.
Certains symboles concernent la langue courante.
&, en italique &• = et 2 0 ; $ = paragraphe ; l'astérisque : cf. § 114 ; les chiffres, HIST O RIQ UE .
romains et arabes : cf. § 115. — Le tilde (§ 102) et le tiret (§ 135, d) s'emploient dans &, p arf ois dit e t commercial (il sert s o u v e n t d a ns
un dictionnaire ou dans un index pour représenter le mot qui introduit l'article : voir les n o m s d e fir m es), est u n e lig a t ure (§ 8 4) d e
notre index à lafindu volume. — Une croix peut accompagner un nom de personne l' é p o q u e m é r o vi n g i e n n e , q u i servait d'a brévia -
t i o n a u M o y e n  g e : faz& = fazet « fasse » d a n s
pour indiquer qu'elle est décédée ou une date pour indiquer que c'est la date du décès :
le t e x t e é crit d e s Se r m e n t s d e Stras b o u r g . Il a
P. Imbs ( f ) dans le comité de rédaction du Fr. mod. (avril 1990,2 e page de couverture). p arf ois é t é c o n si d é r é c o m m e u n e le ttre d e
— Leroux (Gaston), romancier, 1868 fl927 (Hist. des litt., t. III, index des noms). l'a l p h a b e t , a p p e l é e é t é ; o n l'a p p e ll e aussi es per-
mette (e n r e g ist r é p ar l'A c. d e p u is 1 9 9 3, a bse n t
D'autres symboles concernent des langues spéciales ou techniques, d u Trésor 1 9 8 0), sa ns d o u t e alt éra tio n d e
mais certains peuvent pénétrer dans un usage plus général. pirouette, c o m m e les var. pirlouèt e, perluète (cf.
J. H e r b ill o n , d a n s les Dialectes de Wallonie,
En linguistique, > = a évolué en ; < = vient de ; la flèche (->) indique une trans- 1 9 8 4 , p p . 4 5 - 4 6). - O n l'a aussi a p p e l é e
formation. tranché : v o ir p. e x . Trévoux, s. v. e t caetera.
En mathématiques : X, + , - , : , = ,%, V, etc. Le signe = (en parlant, on dit : égale)
s'emploie en dehors des mathématiques, surtout dans des notes schématiques ou fami-
lières, pour indiquer une équivalence : Le christianisme = l' opération intérieure (GIDE,
Journal, 28 févr. 1912). — Le signe - (en parlant, on dit : moins) sert pour la soustrac-
tion ou bien pour une quantité négative ; de là aussi pour des températures inférieures
à zéro degré, ce qui pénètre dans la langue commune, où le même signe marque parfois,
en outre, les dates antérieures à l'ère chrétienne Q | : Il faisait très froid, - 15° (BEAU- E Q I I U I REMAR QUE.
VOIR, Force de l'âge, p. 187). — Si mal que nous connaissions l'histoire des Tcheou, nous C e sig n e est a p p a r e n t é a u tiret (§ 135), m ais m oins
savons que dès - 771 leur pouvoir s' effondra (ÉTIEMBLE, Confucius, 1,1). — Les symboles lo n g, et plus lo n g q u e le trait d'u n io n (§ 108). D a n s
des inconnues, N, X, etc., s'emploient aussi dans la langue commune : cf. § 221, b, 3°. l'usa g e littéraire (c o m m e d a ns les e x. cités), il se
c o n f o n d so u ve n t a v e c l'u n o u a v e c l'a utre.
En économie : £ = livre sterling ; $ = dollar ; € = euro.
En statistique : % = pour cent ; %o = pour mille.
Dans le courrier électronique, on met le symbole @ entre le destinataire et son E H B I S HIS T O RI Q UE
adresse : andre.goosse@duculot.be. CE0 Le s y m b o l e @ est aussi p ri m itiv e m e n t u n e
lig a t u re : p o u r la p r é p o siti o n ad. A u x États - Unis
° = degré s'emploie dans des sciences diverses : 10° de latit. N. (Grand dict. enc. e t a u C a n a d a , il sert e n c o m p t a b ilit é c o m m e
Lar., s. v. Antilles). — Situées autour de 25° C [= centigrades ou Celsius] en moyenne, les é q u iv a l e n t d e la p r é p o siti o n a n g laise a t « à »
températures varient peu (ib.). d e v a n t l'i n d ic a ti o n d'u n prix u nit aire ; d 'o ù la
Le signe appelé minute (') désigne l'unité équivalant à la soixantième partie d'un d é si g n a ti o n d e a commercial. En fr., a p r è s beau -
c o u p d e t â t o n n e m e n t s (arobas, arobe, e tc.), le
degré comme mesure d'angle (mais mn est le symbole reconnu pour l'unité de temps).
si g n e s e m b l e a v o ir r e ç u s o n n o m d éfinitif : ara -
En métrologie, comme en chimie, les symboles d'unités sont, à l'ori- b a s e (f é m .). Il n'est p as e n c o r e d a n s l'A c. 2 0 0 1 .
gine, des abréviations, mais ils ont perdu cette valeur et s'écrivent sans être REMAR QUE.
suivis d'un point : 200 F = deux cents francs ; 28mm = 28 millimètres. La m i n u t e a d ' a u t r e s r ô l e s : § 1 3 4, R7 e t R9.
Principaux symboles en métrologie.
Le s g r a p h i e s gr. = g r a m m e , m. = m è t r e s o n t Longueur : m = mètre ; km = kilomètre ; dm = décimètre ; cm = centimètre ;
d e v e n u e s d é s u è t e s. E n m ê m e t e m p s e st
mm = millimètre. — Superficie : a = are ; ha = hectare ; ca = centiare. — Volume :
d e v e n u e d é s u è t e l' h a b i t u d e d e m e t t r e l'in di -
c a t i o n d e l'u n i t é a v a n t l e s d é c i m a l e s . I = litre ; hl = hectolitre ; dl = décilitre ; etc. - Poids = gramme ; kg = kilogramme ;
C o m p. le Lar. XX e s. (1 9 2 9) : Pépin le Bref frappe les cg = centigramme, etc. ; t = tonne. — Temps : h = heure ; mn = minute (cf. ci-
deniers d'argent presque pur du poids de 18',10 à dessus) ; s = seconde. — Puissance : W = watt ; kW = kilowatt ; ch (CV dans la ter-
7«',30 (s. v. denier). Chez les Arabes, la coudée valait minologiefiscale)= cheval-vapeur. — Monnaies : F = franc ; c = centime, d l
de < / ",592 à 0m,444 (s. v. coudée), - au Grand dict.
enc. Lar. (1 9 8 2): Le premier denier d'argent au
poids de 1,3g apparaît sous Pépin le Bref. Chez les L'astérisque.
Arabes, la coudée valait de 0,444 m à 0,592 m.
Il est plus rare q u e la langue co ura nte suive ce t L'astérisque (*), en forme de petite étoile, remplit certaines
ordre q u a n d l'unité est écrite e n to utes lettres : Tu fonctions symboliques (a et h) ou typographiques (c). Q
mesurais 1,80 mètre. (Al. BOSQUET, Enfant que tu
étais, p. 148.) a) Il remplace un nom propre qu'on ne veut pas ou qu'on ne peut pas
faire connaître ; souvent l'initiale du nom est donnée ; généralement
K m REMARQUE. l'astérisque est triple, rarement simple :
Le m ot astérisq u e est m asculin, c o m m e le latin
asteriscus et le g rec actspiaKoç (p r o p r e m e n t, A la sœur Louise au couvent de *** (MUSSET, On ne badine pas avec l 'am.,
« p etite é t oile »). A c a u s e d e la fin ale, q uelq ues - III, 2). — Le docteur *** qui me soigne m'a dit de ne jamais me laisser ponctionner
u ns le fo n t fé m inin, a b usive m e n t : M É R I M É E , Cor- (JARRY, Les jours et les nuits, IV, 11). — Son amie, la comtesse V*" (FRANCE,
resp., 2 8 juillet 1 8 4 0 ; T R O Y A T , Dostoiewsky, Crainquebille, Pierre gravée). — Les trains ne vont pas plus loin que S* (LACRE-
p. 627 ; Vocabulaire de l'environnement, 1976,
TELLE, Bonifas, XI).
A vis a u lect e ur ; d a ns le Fr. mod., 2 0 0 4 , p. 2 0 5
(Les ouvrages affectés d'UNE astérisque). Cet usage est en recul ; on préfère aujourd'hui les points de suspension :
L'astérisq u e est p arfois a p p e l é étoile. C'e st pour - § 131, d.
q u oi l'o n dit plaisa m m e n t Monsieur (e tc.) trois Les astérisques se trouvent même parfois quand les noms propres sont
étoiles p o ur c e q ui est écrit M.*** : cf. § 3, R3.
représentés par les symboles X, Y, Z, N, qui ne sont pas des initiales :
M*" X***, elle est mariée ? (COLETTE, Maison de Claud., XXVIII.) — Acadé-
mie des beaux-arts / [...] / Cinéma et audiovisuel, 6 membres / Gérard Oury,
Roman Polansky, Pierre Schoendoerffer, X***, X***, X*** [trois sièges vacants]
(Petit Larousse illustré, 2001, p. 1770).
b) Dans les ouvrages philologiques ou linguistiques, l'astérisque
placé devant un mot indique qu'il s'agit d'une forme non attestée, soit
hypothétique, soit inexistante ; devant une phrase, il indique qu'elle
est agrammaticale, c'est-à-dire inacceptable pour les usagers.
Il représenteprob. l'a. b.fcq. [= ancien bas francique] *hukila « tas, monceau,
motte » (Trésor, s. v. houille). — Ce n ' est pas par une simple évolution phonétique
que upupa est devenu huppe en français ; il n 'aurait pu aboutir qu 'à "ouppe
(GRAMMONT, Traité de phonét., p. 401). — *Je ferai Jean lire ce livre [voir
cependant § 903, b, 1°J (N. RUWET, Théorie syntaxique et syntaxe du fr., p. 255).
c) Placé après un mot, l'astérisque indique un renvoi (à une note, etc.) :
On lui apporta du lanfois* [...] / [•••] * Le chanvre qu ' on met sur la que-
nouille (BARBEY D'AUR., Prêtre marié, Pl., p. 1006).
Un astérisque (ou plusieurs) est utilisé aussi pour marquer les
divisions d'un texte, par ex. pour séparer les strophes d'un poème.
Chiffres a r a b e s e t chiffres r o m a i n s .
H E 1 REMARQUE. a) Les chiffres arabes J-JJ appartiennent au langage mathématique.
O n a critiq u é l'a p p ella tio n chiffres arabes p a rc e
Lorsqu'il s'agit d'un texte ordinaire destiné à autrui, on ne les utilise
q u e l'a r a b e d o n n e à certains d e c e s sig nes u n e
a u tre vale ur, m ais l'usa g e est bie n éta bli e n fr. que dans des cas particuliers, notamment pour indiquer les dates, les
(d e p uis le X VII e siècle), ainsi q u e d a ns les a u tres heures (sauf midi et minuit), les numéros de pages, d'immeubles, et
la n g u es e u r o p é e n n es. — Su r la p rése n tatio n aussi pour transcrire des nombres très complexes :
ty p o g r a p h i q u e d es n o m bres, voir § 118, a, 3°.
II est mort le 21 janvier 1936, à 9 heures. — J 'habite rue de l' Observatoire,
au numéro 42. — Page 232. — La ville de Montréal compte 2900000 habitants.
b) Les chiffres romains ont été abandonnés par les mathématiciens.
Ils sont fondés sur sept signes :
I = 1 ; V = 5 ; X = 10 ; L = 50 ; C = 100 ; D = 500 ; M = 1000.
Les autres nombres sont formés par addition et/ou soustraction ;
un chiffre placé à la droite d'un chiffre qui lui est égal ou supérieur
indique l'addition ; un chiffre placé à la gauche d'un chiffre qui lui est
supérieur indique la soustraction :
III = 3 (I + I + I ) ; L X = 60 (L + X ) ; X L = 40 (L-X) ;
X C I I = 92 ( C - X + I + I).
Les chiffres que l'on soustrait appartiennent à la catégorie juste
inférieure à celle du chiffre dont on soustrait :
1999 s'écrit donc MCMXCIX = 1000 + (1000 - 100) + (100 -10) +
(10-1), et non *MIM.
Les chiffres romains s'emploient notamment pour les divisions
des livres, pour la numérotation des siècles, des souverains portant le
même nom :
L 'acte III de Phèdre. Le chapitre X. Au XXe siècle. Napoléon III.
Louis XIV. — François Ier, Élisabeth I" (voir c ci-dessous),
c) Les numéraux ordinaux s'écrivent de la même manière que les
cardinaux, la finale qui les caractérise étant mise en abrégé au-dessus
de la ligne (ou parfois sur la ligne), de la façon suivante :
1" ou Ier = premier ; 1" ou I" = première ; 1ers ou Iers = premiers ; l' a ou
F" = premières ; 2e ou IIe = deuxième ; 2" ou II" = deuxièmes ; etc. — 1er, 1er...
On écrit donc XIXe siècle et non °XIXième ou °XlXemc ou
°XIXme siècle. — Mais pour les ordinaux indéfinis, on écrit : 3c*Éme et niim.
Ecrire le suffixe sur la ligne, comme on le fait parfois, est un procédé peu
satisfaisant parce qu'il représente mal la prononciation : °Pour la nième fois
(H. BAZIN, Cri de la chouette, p. 172). — °Une Nème mutation
(R. TROUSSON, Voyages aux pays de nulle part, 2 ' éd., p. 237). M E S K O I REMARQUE
Dans les symboles des fractions, qu'ils s'écrivent avec une barre horizon- Autre transcription dans la langue courante :
taie ( | ) ou avec une barre oblique (1/5), le dénominateur, quoiqu'il soit un é m è m e ( P a r f o i s <™<eme> : cf. § 221, fa, 3°.
S e c t i o n 5
La ponctuation
Définition. M I F F L BIBLI O GR APHIE .
N. CATACH, La p o n c t u a t i o n , P., P. U. F., 1 9 9 4 .
La ponctuation est l'ensemble des signes conventionnels ser-
— J.-P. C O L I C N O N , La p o nct u a tio n. A rt e t
vant à indiquer, dans l'écrit, des faits de la langue orale comme les fin esse, P . , c h e z l'a u t e u r , 1 9 7 5 . — D A M O U R E T T E ,
pauses et l'intonation, ou à marquer certaines coupures et certains T rait é m o d ern e d e p o nct u a tio n, P., La r o u ss e ,
1 9 3 9 . — A . D O P I ' A G N E , La b o n n e p o nct u a tio n,
liens logiques. C'est un élément essentiel de la communication écrite. G e m b l o u x , D u c u l o t , 1 9 7 8 . — ) . D R I L L O N , T rait é
Le texte suivant illustre le rôle de la ponctuation dans ses rapports avec l'into- d e la p o nct u a tio n fra nçaise, P., G a l l i m a r d ,
nation, et par là avec le contenu même du message et les intentions du locuteur : « Les 1 9 9 1 . — B . T A N G U A Y , L'art d e p o nct u er, 2 E é d .,
adultes, qu'ils [= les adolescents] dérangent constamment dans leurs compromissions, M o n t r é a l, Éditio ns Q u é b e c A m é ri q u e , 2 0 0 0 .
ne savent que leur dire « à ton âge... » ou « à ton âge ! », l'expression étant à prendre — La n g u e fra nçaise, f é v r . 1 9 8 0 .
tantôt dans le sens du rabaissement vers l'enfance, ou au contraire pour indiquer que,
parvenus à cette étape, tout en n'ayant pas leurs droits, ils ont déjà tous leurs devoirs et
devraient s'en souvenir » (Alain MALRAUX, Marronniers de Boulogne, p. 125).
L'usage laisse une certaine latitude dans l'emploi des signes de ponc-
tuation. Tel écrivain n'use jamais du point-virgule. Une relation peut être
marquée au moyen d'une virgule par celui-ci, au moyen d'un point-virgule
par un autre, au moyen d'un double point par un troisième. L'abondance des
virgules peut s'expliquer tantôt par des raisons purement logiques, tantôt
par référence à un rythme oral qui multiplie les pauses.
N. B. A partir de novembre 1912, Apollinaire a renoncé à ponctuer ses poè-
mes, peut-être sous l'influence de Marinetti, qui, dans le Manifeste tech-
nique de la poésie futuriste (daté du 11 mai 1912), écrivait : « Les adjectifs,
les adverbes et les locutions conjonctives étant supprimés, la ponctua-
tion s'annule naturellement, dans la continuité variée d'un style vivant
qui se crée lui-même, sans les arrêts absurdes des virgules et des points. »
REMAR QUE. Mais déjà Mallarmé avait réduit à peu de chose, parfois au pointfinal,la
A r a g o n se j ustifie ainsi d a n s u n e i n t e rvi e w ponctuation de certaines de ses Poésies. En tout cas, l'exemple d'Apollinaire
p u b li é e d a n s les Nouvelles littéraires, le 7 m a i a été suivi par un grand nombre de poètes, même par des chansonniers. O
1 9 5 9 : « J e d é t e st e la d ic t i o n h a b it u e ll e d u v e rs :
La suppression de la ponctuation dans les textes en prose est plus tar-
o n n'e n t e n d p lus le v e rs c o m m e u nité. J e v e u x
q u ' o n s'a rr ê t e là o ù il y a u n e ri m e ; le p o è m e est
dive et moins fréquente. Elle s'observe surtout chez des adeptes du
d'u n se ul t e n a n t e t il n'y a p as d'a u t r e p o nct u a - nouveau roman (à partir de 1955). L'exemple de Joyce (Ulysses, 1922 ;
tio n q u e c e ll e d e la ri m e. » trad. fr., 1929) a sans doute joué un rôle.
HIST ORIQUE. D'autres auteurs, sans supprimer la ponctuation, ont pris avec elle de
C h e z les G r e c s , la p o n c t u a t i o n n'é t ait p as usit é e grandes libertés : par ex., Céline néglige beaucoup de virgules et multi-
à l'é p o q u e classi q u e ; s o u v e n t m ê m e les m o ts plie les points de suspension.
n'é t a i e n t p as s é p a r é s les u ns d e s a u tres. C'e s t Il n'est pas souhaitable que les recherches littéraires soient imitées
A ris t o p h a n e d e By z a n c e (l l l-ll e s . a v. J. - C.) q u i dans les écrits qui veulent avant tout communiquer une information.
i m a g i n a la p r e m i è r e p o n c t u a t i o n p r é cis e ; c e
g r a m m a iri e n e m p l o y a i t trois sig n es : le p o i n t par -
fait, e n h a u t (•), le p o i n t m o y e n , a u m ilie u (•), e t
m Les signes de ponctuation.
le sous - point, a u b as (.). C e s trois sig n es corres - Ce sont : le point (.), le point d'interrogation (?), le point
p o n d a i e n t r e s p e c t iv e m e n t à n o t r e p oin t, à n o t r e
p oint - virg ule e t à n os d e u x p oin ts. — Les sig n es
d'exclamation (!), la virgule (,), le point-virgule (;), les deux points (:),
d e p o n c t u a t i o n e n s e i g n é s p ar les p é d a g o g u e s les points de suspension (...), les parenthèses Q, les crochets [], les
d e l'A n ti q u it é n'é t a i e n t d'aille u rs p as e m p l o y é s guillemets (« »), le tiret ( — ) et la barre oblique ( / ) . Q
d a ns la p r a ti q u e , si c e n'e st q u e le p o i n t se pla -
çait s o u v e n t a p r è s c h a q u e m o t p o u r le s é p a r e r Avant d'étudier leurs emplois, nous parlerons des blancs (§ 118).
d u suiva n t, c o m m e c e l a p e u t s e v o ir d a n s les ins- D' autres signes typographiques pourraient être mentionnés : le pied-de-mou-
cri p tio ns latin es. — C'e s t a u IX e s. q u e l'o n co m -
che (C) , qui servait à marquer les paragraphes d'un texte ; l'accolade ({), qui réunit cer-
m e n ç a d e f air e u sa g e d e la p o n c t u a t i o n ; e n c o r e
est - elle m ise f o rt irr é g u li è r e m e n t j u s q u'a u X V I e s.
taines lignes d'un tableau.
C'e st , e n e ff e t, a p r è s l'i n v e n ti o n d e l'i m p ri m e ri e N. B. 1. Alcanter de Brahm (1868-1942) a imaginé un point d'ironie, qui n'a
q u e n o tr e syst è m e m o d e r n e s'est fi x é e t d éve - pas eu de succès. Il ressemblait à un point d'interrogation, mais ouvert
l o p p é . À la fin d u X V I e s., il c o m p r e n a i t la p l u p art vers la droite.
d e n os sig n es. S'y a j o u t è r e n t , a u c o u rs d u
X V II e s., le tiret e t les p oin ts d e s u s p e n si o n ; plus 2. Dans la typographie traditionnelle, les appels de notes se mettent
t ar d , les cr o c h e t s e t la b a rr e o b li q u e . avant les signes de ponctuation.
N o u s s o m m e s h a b it u é s à lire les a u t e u rs d u
X V II e s. d a ns d e s v e rsio n s m o d e r n is é e s. E n réa - Blancs et alinéas.
lité, les sig n es é t aie n t s o u v e n t utilisés a u t r e m e n t
q u'a u j o u r d'h u i.
On doit tenir compte, non seulement des signes écrits ou imprimés,
mais aussi des espaces laissés en blanc,
a) Les blancs.
EQIEEQI REMAR QUE. 1° Les blancs séparent les mots. Q ]
CLAUDEL a p r é c o n is é (e t e m p l o y é d a ns cert ains
Il n'y a pas de blanc avant et après l'apostrophe, avant et après le trait d'union.
d e ses o u vr a g e s) u n e disp ositio n t y p o g r a p h i q u e
q u'il a p p e ll e pause e t q u i co nsist e à laisser d a ns On peut cependant aller à la ligne après un trait d'union, mais non après une apos-
ce rt ai n es p hrases d e p etits intervalles e n bla nc. trophe. — Pour les espaces avant et après les signes de ponctuation, voir § 117, a.
« Les p oin ts et les virg ules, déclarait - il, n e d o n n e n t 2° On ne ménage pas d'espace avant le point, la virgule, les points de suspen-
e n e ff e t q u'u n e articulatio n d e la p h r ase grossière
sion (voir N. B. ci-dessous), la parenthèse fermante, le crochet fermant ; —
et p u r e m e n t lo giq u e. Sa n s n écessit é gra m m ati -
cal e , il y a d a ns le disco urs d e s p a uses e t d e s arrêts
après la parenthèse ouvrante, le crochet ouvrant.
q u i so n t a b sol u m e n t in disp e nsa bles a u sens. » Il y a une espace E U avant les guillemets ouvrants, la parenthèse ouvrante,
( D a n s C l a u d e l e t G i d e , Corresp., p. 7 1.) P e u d e le crochet ouvrant, le tiret ; — après le point, la virgule, le point-virgule, le dou-
lect e urs p araisse nt se nsibles à c e p r o c é d é . ble point, les points d'interrogation et d'exclamation, les points de suspension,
B j f l W T î l R E M A R Q UE
les guillemets fermants, la parenthèse fermante, le crochet fermant, le tiret.
Espace est f é m . c o m m e t e r m e d e t y p o g r a p h i e . II y a une espace, mais non sécable (c'est-à-dire que cette espace ne peut
coïncider avec le passage à la ligne) avant le point-virgule, le double point, les
points d'interrogation et d'exclamation, les guillemets fermants, — après les
guillemets ouvrants. — Autrement dit : une ligne ne peut commencer par un
point-virgule, un double point, un point d'interrogation ou d'exclamation, des
guillemets fermants, une parenthèse fermante, — ni se terminer par des guille-
mets ouvrants.
(Nous parlons ci-dessus des guillemets dits fiançais. Pour les guillemets
anglais, voir § 134, c.)
N. B. Nous laissons une espace avant les points de suspension quand ils
représentent des mots non exprimés entre les deux termes séparés
d'une locution : La négation absolue est exprimée par les deux mot ne ...
pas. — Ces points de suspension sont entre crochets pour les mots
supprimés dans une citation. Nous n'y recourons pas, ordinairement,
si la suppression concerne ce qui précède ou suit le texte cité.
3° Les métrologistes recommandent de séparer, dans l'écriture des nombres,
non par un point, mais par un blanc, les tranches de trois chiffres, tant dans la
partie décimale que dans la partie entière, mais il n'y a pas d'espace après la vir-
gule qui sépare ces deux parties: 3 96147 habitants ; 3125 428francs ;
2 743,127 4 ; 0,031 487 5, — Toutefois, on ne sépare pas en tranches de trois
chiffres l'indication des années, du code postal, des pages ou paragraphes d'un
livre : En 1914 ; en Van 2000. — 84200 Carpentras. — § 1080.
b) L'alinéa est la séparation que l'on établit en allant à la ligne, c'est-
à-dire en laissant incomplète la ligne en cours, et en commençant la
nouvelle par un retrait. On appelle aussi alinéas les passages ainsi déli-
mités dans un texte.
Selon une mode typographique récente, des imprimeurs suppriment le
retrait, ce qui a l'inconvénient de rendre l'alinéa peu visible — ou même invisible
si la ligne précédente est remplie en entier et s'il n'y a pas un interligne spécial.
L'alinéa, qui correspond à une pause très marquée, s'emploie sur-
tout quand on passe d'un groupe d'idées à un autre. Il marque aussi,
dans les dialogues, les diverses répliques fJfÊJ : • S i B U REMAR QUE.
Elle me dit : D a n s c e § 1 1 7 , n o u s r e s p e c t o n s les alin é as d e s
a u t e u rs. A ille urs, p o u r g a g n e r d e la p l a c e , n o us
— C'est ma faute.
les i n d i q u o n s p ar u n e b a rr e o b li q u e .
— Qu ' est-ce qui est de ta faute ?
— Ça, dit-elle. (RAMUZ, Vie de Samuel Belet, II, 6.)
Pour rendre claire une énumération complexe, on divise parfois
une phrase en alinéas. 0 3 • 2 1 H E 1 REMAR QUE.
Ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni Su r le r a p p o r t e n t r e ali n é as e t m a j u sc u les, v o ir
§ 98, b.
par personnes interposées,
Les tuteurs, des biens de ceux dont ils ont la tutelle ;
Les mandataires, des biens qu 'ils sont chargés de vendre ;
Les administrateurs, de ceux des communes ou des établissements publics confiés
à leurs soins ;
Les officiers publics, des biens nationaux dont les ventes se font par leur minis-
tère. (Code civil, art. 1596.)
On donne aussi le nom d'alinéa à chaque passage après lequel on va à la
ligne. Dans l'usage courant, on dit parfois paragraphe, mais il est préférable de
garder ce nom pour les divisions marquées par une numérotation explicite.
Dans la poésie, on va aussi à la ligne après chaque vers, que celui-
ci forme une phrase ou non. Ce procédé est appliqué dans le vers régu-
lier classique, dans le vers libre aussi bien que dans le verset (comme
chez Claudel) :
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l' océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ? (LAMART., Médit., XIII.)
A jeun perdue glacée
Toute seule sans un sou
Une fille de seize ans
Immobile debout
Place de la Concorde
A midi le Quinze Août (PRÉVERT, Paroles, Belle saison).
Le pain et le vin sont ces choses que le prêtre avec une profonde gravité
Présente l' une après l'autre à Dieu en lui disant : Accipe (CLAUDEL, Messe
là-bas, Offertoire, II).
c) On peut ménager aussi des blancs plus considérables. 0 3 KMïïm REMAR QUE.
Interlignes correspondant à une ou plusieurs lignes, entre les strophes C e s b l a n cs p e u v e n t ê tr e o c c u p é s p ar d e s sig n es
d'un poème ou les paragraphes d'un texte didactique, comme dans le présent d iv e rs : ast éris q u es e n tria n gle (.*.) d a n s le c o u rs
d'u n c h a p i t r e ; culs - de - la m pe (vi g n e t t e s) à la fin
ouvrage ; — blancs correspondant au reste de la page, à la fin d'un chapitre,
d'u n c h a p i t r e ; e tc.
d'un acte (dans une pièce de théâtre), d'un poème, etc. (les typographes appel-
lent cela commencer en page le chapitre suivant, etc.) ; — blancs correspondant
à une page entière, lorsqu'on veut commencer le chapitre, etc. sur une page de
droite (commencer en belle page).
LE P O IN T
Fonctions du point.
a) L e point a p o u r fonction normale d'indiquer la fin de la
B M W mmmm
phrase. EU K H I M U REMAR QUE.
D a n s les t é l é g r a m m e s, o ù il n'y a p as d e ponc -
En Jeanne d'Arc se reflète un village lorrain. Il est possible qu ' elle soit celtique. t u a ti o n , c'e s t le m o t st o p q u i i n d i q u e la fin d 'u n e
Elle est sûrement catholique. Inutile après tout de songer à la femme celtique, il y a p h rase.
la vierge Marie. (BARRÉS, Mes cahiers, t. XII, p. 161.) — Officiers français, sol-
L e titre d e s livr es, d e s c h a p i t r e s e t a u t r e s sub - dats français, marins français, aviateurs français, ingénieurs français, où que vous
d ivisi o n s, c e l u i d e s a r t icl e s d a n s les j o u r n a u x , soyez, efforcez-vous de rejoindre ceux qui veulent combattre encore. Un jour, je
n e se t er m in e n t p as p ar u n p oint, m ê m e vous le promets, nous ferons, ensemble, l'armée française de l' élite, l'armée mécani-
q u a n d c e s titr e s s o n t d e s p h r a s e s v e r b a l e s . que terrestre, navale, aérienne, qui, en commun avec nos Alliés, rendra la liberté au
M ais les titres interrogatifs e xigent le point d'inter -
monde et la grandeur à la Patrie, (DE GAULLE, Disc, et messages, 24 juin 1940.)
rogation soit dans leur rôle norm al, soit q u a n d o n
les cite : Aimez-vous Brahms ? d e S A G A N (voir Si la phrase se termine par un point d'interrogation, ou par un
ce p e n d a n t § 1162, f a , 1 O n peut avoir aussi un point d'exclamation, ou par des points de suspension, ces signes tien-
point d'e xcla m ation : Quel amour d'enfant ! d e
nent lieu d'un point ordinaire. — Le point-virgule et le double point
M m e D E S É G U R , Corrigeons-nous ! d e D E H A R V E N G , OU
d es points d e suspension : Ces plaisirs... d e C O L E T T E . peuvent aussi coïncider avec la fin d'une phrase grammaticale, mais en
Si les titr e s d e s s u b d ivisi o n s s o n t a li g n é s sur le marquant un lien logique avec la phrase suivante. CH
t e x t e m ê m e , il e st f r é q u e n t d e l e s f a ir e s u ivr e
b) Les écrivains contemporains emploient parfois le point (au lieu de
d ' u n p o i n t . ( C ' e s t l' u s a g e s u ivi d a n s l e pré -
s e n t o u v r a g e , p a r e x . sur la li g n e i n d i q u a n t l e
la virgule) pour détacher de la phrase un membre auquel ils veulent
titr e d e c e § 1 1 9 .) C e l a s'i m p o s e q u a n d le donner un relief particulier. [ U
t e x t e suit i m m é d i a t e m e n t sur la m ê m e li g n e . On avait donné dans le Nord un grand coup de pied dans la fourmilière, et les
fourmis s' en allaient. Laborieusement. Sans panique. Sans espoir. Sans désespoir.
C e q u ' o n p o u r r a i t f a i r e a ussi e f f i c a c e m e n t , Comme par devoir. (SAINT EXUPÉRY, Pilote de guerre, p. 111.) — Elle reste
e n g é n é r a l , p a r u n tir e t is o l a n t c e p a ss a g e : muette devant ce monde de l'inutile qu 'il lui découvre. Dont la beauté l'humilie. La
cf . § 1 3 5, b. trouble. (BENDA, Songe d'Éleuthère, p. 65.) — Montélimar et surtout Romans
ont aussi quelques mots à dire. Et lourds de sens. (LE ROY LADURIE, Carnaval de
Romans, p. 94.)
Péguy use de ce procédé systématiquement dans ses écrits poétiques, et
souvent en prose : Elle pleurait, elle pleurait, elle était devenue si laide. / En trois
jours. / Elle était devenue affreuse. / Affreuse à voir. / Si laide, si affreuse. / Qu ' on
se serait moqué d' elle. / Sûrement. / Si elle n 'avait pas été la mère du condamné.
(Myst. de la char, de J. d'Arc, p. 127.) — Tout le monde a une métaphysique.
Patente, latente. Je l'ai assez dit. Ou alors on n ' existe pas. (Argent, Pl., p. 1121.)
Dans l'usage ordinaire, il vaut mieux recourir à ce procédé avec parcimo-
me. CD
Il e st r e g r e t t a b l e q u e , d a n s d e s é cri t s d e s t i n é s
Le phénomène qui vient d'être décrit est à distinguer de la phrase
à i n f o r m e r , o n c o u p e p a r u n p o i n t les m e m -
b r e s d ' u n e p h r a s e ( o u , si l' o n e s t i m e q u'il y a averbale, laquelle n'a aucune fonction à l'intérieur de la phrase qui
r é e l l e m e n t p l u si e u rs p h r a s e s, q u ' o n les joi - précède (au contraire des syntagmes ci-dessus) :
g n e p a r d e s c o n j o n c t i o n s d e s u b o r d i n a t i o n) : Angers. Cinq minutes d'arrêt. Sa cathédrale Plantagenet. Sa maison d'Adam.
"Il paraît qu'aux Caravelles [ u n e m a i s o n d e (H. BAZIN, Vipère aupoing, XIV.) — Je vais m'allonger et me laisser glisser dans
r e t r a it e] c'était les cadences infernales pour
les ténèbres pour toujours. Étrange aliénation. (M. TOURNIER, Vendredi ou les
le personnel. Qu'il y avait toujours plus d e
limbes du Pacif, F°, p. 128.)
pensionnaires mais que les moyens n'aug-
mentaient pas, dans un souci de rentabilité. Si Sur le point devant une conjonction de coordination, voir § 1084, b.
bien que, faute de temps et de main-d'œuvre,
c) Autres utilisations du point.
seuls les plus valides pouvaient résister...
( D a n s l e Monde, 1 e r o c t . 2 0 0 4 , p. 3 5 .) • On indique par un point qu'un mot est abrégé (si l'abréviation
ne reprend pas la dernière lettre du mot) : § 112, a.
Lorsqu'une phrase se termine par un mot abrégé accompagné
d'un point, celui-ci se confond avec le point qui indique la fin
de la phrase : Les communistes se sont nécessairement rangés
dans le même camp que l' U. R. S. S. (BE A U V O IR, Tout compte
fait, p. 447.) Mais le point d'abréviation peut être suivi de cer-
tains autres signes de ponctuation : Il accuse René Dumont et
Karol d' être des agents de la C. I. A. ! (Ib., p. 454.)
Il ne convient pas de mettre un point à la suite des symboles :
cf. § 113.
• Les métrologistes recommandent de séparer par un point les
nombres indiquant le jour, le mois, l'année, quand on emploie,
dans l'indication des dates, les chiffres arabes : Le 28. S. 1999.
En revanche, on ne met plus de point, dans l'écriture des nom-
bres, entre les tranches de trois chiffres, mais on laisse un
blanc : cf. § 118, a, 3°.
• On appelle points de conduite, ou points conducteurs, ou points
carrés les points espacés servant à prolonger une ligne pour la
mettre en rapport, soit avec des chiffres en colonne (dans les
comptes), soit avec des indications de pages (dans une table
des matières), etc.
Une ligne de points peut aussi marquer une suppression importante à
l'intérieur d'un texte, par ex. un ou plusieurs vers dans un poème cité.
• Le point fait partie des lettres i etj quand elles sont en minuscule.
L A VIRG ULE
Valeur générale.
L a virgule m a r q u e u n e p a u s e d e p e u d e d u r é e à l'intérieur
d e la p h r a s e .
N o u s distinguons trois cas : t e r m e s c o o r d o n n é s (§ 1 2 5 ) , ter mes
s u b o r d o n n é s (§ 1 2 6 ) et t e r m e s libres (§ 1 2 7 ) . N o u s verrons aussi (§ 1 2 8 ) un
cas o ù la virgule s'introduit malgré les liens syntaxiques.
Lorsqu'une sous-phrase insérée dans une phrase exige un point d'interroga-
tion ou d'exclamation, ces signes remplacent la virgule que l'on aurait si la sous-
phrase était énonciative : voir §§ 120, b, 2°, et 123, b, 1°.
Selon une tendance apparue au X X e s., certains auteurs (ou imprimeurs)
doublent d'une virgule ce point d'exclamation et ce point d'interrogation : II me fit
« Chut ! », tandis qu 'il lançait ses regards partout (LA VARENDE, Sorcier vert, p. 19). —
La course au bonheur qui nous mène tous, n ' est-il pas vrai ?, dépendrait de cette supersti-
tion de base (POIROT-DELPECH, dans le Monde, 6 août 1976). — Sartre avait choisi
Flaubert, dont il avait dit grand mal dans Qu'est-ce que la littérature i, mais qui l'avait
séduit quand il avait lu sa correspondance (BEAUVOIR, Cérémonie des adieux, p. 18). —
Ce fut, hélas !, le mari qui prit les devants (A. LwOFF,Je«x et combats, p. 229).
Sur la virgule accompagnant le tiret, cf. § 135, c. — Avec la parenthèse, cela
est beaucoup plus rare : cf. § 132, R2.
L a virgule d a ns la coordination.
a) L a v i r g u l e s ' e m p l o i e o b l i g a t o i r e m e n t e n t r e les t e r m e s c o o r d o n -
nés sans conjonction (mo t s, syntagmes, propositions) :
Il reprit sa pirogue, s' éloigna, revint, aborda, recommença, énervé,
épuisé, sans pouvoir trancher ( M . TOURNIER, Vendredi ou les limbes du
U n e coordination particulière est celle qui unit
Pacif, F 0 , p. 8 3 ) . — Des hommes dont c ' était le devoir, l'honneur, la rai-
des m ots répétés pour marquer l'insistance
(c e q u'o n pourrait m entionner au § 127, a v e c son d' être, de servir et d' obéir (DE GAULLE, Disc, et messages, 23 avril
l e s t e r m e s r e d o n d a n t s) : R i e n n'arrê t e le ur 1 9 6 1 ) . — Mais si je me laisse distraire, si je rêve, si je te parle, l'auto fait
co urse, ils vo n t, ils vo n t, ils vo n t ! ( H u c o , Lé g., ce qui lui plaît (DUHAMEL, Querelles de famille, p. 2 3 8 ) . S I
XVII, 4.) — V oye z - le, voye z - le n o tre Boile a u
a v e c sa p erru q u e d essin é e p ar Bra q u e [a u r a i t H arrive que des phrases doivent être considérées c o m m e coordonnées
dit Léautau d à propos de Paulhan] (JOUHAN- sans conjonction et deviennent ainsi des sous-phrases englobées dans une
D E A U , C arn e ts de l'écrivain, p . 3 3 6 ) . — So n p er - phrase. C e l a se marque dans l'intonation, qui ne retombe pas après la
p é t u el, p er p é t u el m o uve m e n t d e t ê t e p o ur
sous-phrase c o m m e elle retomberait à la fin d'une phrase. La virgule sert
reje t er u n e m èch e e n arrière, co m m e u n ch eval
q ui e nce nse ( M O N T H E R L . , Ville dont le p rince à marquer dans l'écrit cette association. Le phénomène apparaît notam-
est u n e n fa n t, P e r s o n n a g e s). m e n t quand des actions sont présentées c o m m e se succédant rapidement.
H est constant si les sous-phrases s'appellent l'une l'autre par des termes
corrélatifs ou si la coordination est seulement formelle et que la sous-
phrase joue le rôle d'une proposition (de condition, etc.) [cf. § 263, b, 3°].
On monte, on descend, on débarque les marchandises (É d . PEISSO N , Écumeurs,
p. 103). — Plus on est de fous, plus on rit. — Pierre Louis m' eût-il encouragé dans
ce sens [= si P . L. m'avait encouragé], j' é t ais perdu (GIDE, Si le grain ne meurt, 1,8).
Certains auteurs mettent des virgules alors que les conditions
décrites ne semblent pas réalisées ; une ponctuation plus forte, point-
virgule o u double point par ex., servirait mieux la clarté de l'expression :
Le concept de propriété privée ne tient pas devant les anonymes, demain on
rentrera [sic] sans frapper dans votre chambre, on couchera dans votre lit (TRIO-
LET, Luna-park, L. P., p. 147). — Mon grand-père maternel, issu d' une famille
alsacienne de maîtres-verriers, le capitaine Binger, fut explorateur, il explora en
1887-1889 la boucle du Niger (BARTHES, dans Tel quel, automne 1971, p, 89).
N. B. O n ne sépare pas par la virgule les parties d'une somme : Une dépense
de vingt francs cinquante centimes. L ' espace parcouru en deux heures dix
minutes trente secondes. — Il s'arrêtera à Dijon et en repartira à onze heu-
res dix-huit (BUTOR, Modification, 10 / 18, p. 33). — Il en va de même
pour les dates : Le dix mai mil neuf cent dix. Le neuf thermidor an II.
Dans les nombres écrits en chiffres, la virgule s'emploie uniquement
pour séparer de la partie entière la partie décimale (sans espace) :
2 623,25 ; — 0, 2 7 5 42.
b) L a v i r g u l e s e m e t g é n é r a l e m e n t e n t r e les é l é m e n t s c o o r d o n n é s
p a r u n e a u t r e c o n j o n c t i o n q u e et, ou, ni :
Je me suis arrêté de souhaiterfranchement cette vie, CAR j'ai soupçonné qu ' elle
deviendrait vite une habitude (BARRÉS, Homme libre, p. 12). — Il est riche, MAIS
avare (Ac. 1935). — J e le connais, MAIS peu (Ac. 2 0 0 0 ) . — Les gens, selon leur
standing [...], désirent une voiture plus moderne ou une seconde, VOIRE une troi-
sième voiture (G. FRIEDMANN, La puissance et la sagesse, p. 100). — Ce sont
bien là deux systèmes de notation différents, C'EST-À-DIRE deux manières différen-
tes de comprendre l'analyse du réel (BERGSON, Énergie spirit, p. 194).
L o r s q u e les é l é m e n t s unis par mais s o n t brefs, la virgule p e u t
manquer :
K a conçu pour elle un sentiment ardent MAIS honorable (LABICHE, Gram-
maire, VIII). — Safaiblesse était immense MAIS douce (MAURIAC, Genitrix, p. 28).
Même parfois avec des éléments assez longs, mais ce n'est pas à
recommander : Il verse des redevances non négligeables MAIS moins lourdes que celles
qui frappent les catégories précédentes (LE ROY LADURIE, Carnaval de Romans,
p. 45).
Or a un statut particulier (§ 1 0 9 1 ) . C o m m e il sert à articuler un
discours et d o n c plusieurs phrases, d'une part, il est généralement
précédé d'une p o n ct u at io n plus forte qu'une virgule ; d'autre part, il
peut p o rt er un accent dans l'oral et être suivi d'une virgule dans l'écrit.
Et on ne fait pas ça pour n 'importe qui. OR Tremblet aurait pu s'appeler
Monsieur N 'Importe-Qui ! (SIMENON, Maigret et l'inspecteur Malgracieux,
p. 151.) — Cet ordre sacral des signes écrits pose la Littérature comme une insti-
tution et tend [...] à l'abstraire de l' Histoire [ . . . ] ; OR c ' est là où l' Histoire est refu-
sée qu ' elle agit le plus clairement (BARTHES, Degré zéro de l' écriture, Introd.). —
Il avait réclamé d' elle mille écus. OR, la Maréchale s' était peu souciée de savoir qui
payerait (FLAUB., Éduc., II, 4). 0 3
E 9 C E U REMARQUE
D'autres conjonctions q u e or peuvent avoir
c) L a c o n j o n c t i o n e s t et, ou, ni. u n e ponctuation plus forte q u'u n e virgule,
1° L a virgule sépare d'habitude les éléments c o o rd o n n és q uand ils lorsqu'elles unissent des phrases : cf. § 1084, b.
— Il y a aussi les dislocations q ue pratiquent
sont au n o m b r e de trois au moins et que la conjonction et, ou, ni est
certains écrivains : cf. § 119, b.
utilisée devant plusieurs éléments :
La terre était belle, et riche, et féconde (LAMENNAIS, Paroles d' un croyant,
III). — Il arrivait que [...] l' un de ces chiffonniers [...] aperçût une commode, ou
une potiche, ou un secrétaire de bois de rose (DUHAMEL, CRI des profondeurs,
p. 182). — Ces choses seules sont à soi que l' on a faites, ou prises, ou gagnées
(CLAUDEL, Ann. faite à M., II, 2). — Enfin ni toi, ni ton oncle, ni Alissa n 'aurez
à vous sentir gênés (GIDE, Porte étroite, II).
Règle non absolue : Une seule et obstinée et rayonnante pensée (A. DE
NOAILLES, Exactitudes, p. 153). — Et tout ton corps, à mon côté, se fait lourd et
souple et répandu (COLETTE, Voy. égoïste, p. 7). — Que Duhamel ou Benda ou
Alain aient employé de (HANSE, dans Mélanges Grevisse, p. 201).
2° Q u a n d et et ou n e se t r ouvent q u e devant le dernier t e r m e (ce qui
est le t o u r or dinair e), on ne m e t pas de virgule hab it uellement devant
la c o n j o n c t i o n , quel que soit le n o m b r e des t e r m e s :
Une manière commode de faire la connaissance d' une ville est de chercher com-
ment on y travaille, comment on y aime et comment on y meurt (CAMUS, Peste, p. 14).
C e p e n d a n t , la virgule est utilisée si le dernier t e r m e est précédé
d'une pause, ce qui arrive n o t a m m e n t : q u a n d on veut le m e t t r e en
évidence ; — p o u r la clarté, q u a n d les t e r m e s c o o r d o n n é s s o n t longs
et c o m p l e x e s ; — q u a n d leur c o n s t r u c t i o n est fort dissemblable (par
ex. si ce s o n t des p h r a s e s à sujets différents o u à m o d e s différents) ; —
q u a n d le dernier é l é m e n t c o n t i e n t un t e r m e qui lui est pr opr e (et qui,
sans la virgule, serait r a p p o r t é aussi aux autres é l é m e n t s ) ; — q u a n d
il y a plusieurs c o o r d i n a t i o n s distinctes.
C' était [une barque et des filets] ce que sur terre / J 'avais pour tout trésor,
ou pour toute misère (MUSSET, Prem. poés., Portia, III). — Elle avait transformé
le bas de ce vieil et magnifique hôtel de la rive gauche, et laissé le reste aux malades
civils (COCTEAU, Thomas l'imposteur, L. P., p. 8). — La tempête s' éloigne, et les
vents sont calmés (MUSSET, op. cit., Saule, II). — Dans le petit bois de chênes verts
il y a des oiseaux, des violettes, et des sources sous l'herbe fine (A. DAUDET, Lettres
de m. m., p. 153). — Il a de vilaines dents parce qu 'il est mal nourri et que son esto-
mac souffre, et de beaux yeux parce qu 'il a de l' esprit (HUGO, Misér., III, I, 9).
O n met ordinairement une virgule devant etc. (et cetera) : Il a visité l'Alle-
magne, la Hollande, l'Angleterre, etc.
3° Q u a n d il y a seulement deux ter mes et que et, o u bien ou, sont répé-
tés devant chacun, généralement on n e les sépare pas par une virgule :
Nomme-moi donc encore ou ta Sœur ou ton Dieu ! (VIGNY, Poés., Éloa, III.) —
La Révolution a été aussi féconde pour la langue que pour la nation elle-même, et par
ses résultats immédiats et par ses lointaines conséquences (BRUNOT, Hist., 1.1, p. XVI).
4° Q u a n d il y a s e u l e m e n t deux t e r m e s et que la c o n j o n c t i o n ni est
(selon l'usage or dinair e) répétée devant c h a c u n , ils ne s o n t pas séparés
par u n e virgule :
Ni Corneille ni Racine n ' ont encore été surpassés (S.-BEUVE, Caus. du lundi,
t. I X , p. 318). — Son regard ne marquait ni colère ni haine (MUSSET, Prem.
poés., Portia, II).
Mais la règle n'est pas absolue, surtout quand les termes sont longs (voir
aussi 1°) : Ni Alibert, ni moi, n 'avions jugé utile de la mettre au fait de cette
parenté (BOSCO, Mas Théotime, p. 73). — Car ni l'Allemagne ne triomphera de
nous, ni nous ne triompherons de l'Allemagne (GIDE, Journal, 3 mai 1917). — Il
monte d' un pas ni trop rapide, ni trop ralenti, se demandant comment finira tout
ça (YOURCENAR, Souvenirs pieux, p. 286).
Il arrive aussi, s u r t o u t dans la langue littéraire, que ni ne soit uti-
lisé q u e devant le dernier t e r m e ; dans ce cas aussi, on se passe géné-
r a l e m e n t de virgule :
Le temps ni les soins médicaux n 'apportèrent aucun soulagement (LLTTRÉ,
Études et glanures, p. 437). — Ne reculant devant fourrés ni marécages (GIDE, Si
legrain ne meurt, 1,6). — Avec le roi ni avec le peuple l'artiste ne songeait, autrefois,
flBNMKË flBRBMffiMB
E D I L E L L A U T RE S EXEMPLES. à jouer au plus fin (SARTRE, dans le Monde, 27 avril 1979). E Q
Voir § 1 0 8 5,6,3°. Avec une virgule : La possession, ni même la certitude de la réciprocité ne
l'affaiblissent (MALRAUX, Tentation de l' Occident, p. 55). — Le conflit n 'avait rien
d'inexpiable, ni d'irréductible (LE ROY LADURIE, Carnaval de Romans, p. 68).
O n s é p a r e p a r u n e virgule t o u t é l é m e n t a y a n t u n e valeur p u r e -
m e n t e x p l i c a t i v e . C ' e s t le c a s n o t a m m e n t
• D e l'apposition et de l'épithète détachées :
Saint-Malo, riche cité de pierre, ramassée sur son île entre ses nobles rem-
parts, était vers 1740 une ville prospire, vigoureuse et hardie (MAUROIS,
Chateaubriand, p. 14).
Mais l'épithète et l'apposition détachées sont parfois intégrées au
syntagme verbal sans ponctuation : voir §§ 333, c et 343, c.
A fortiori, si l'apposition et l'épithète détachées précèdent le n o m :
Tranquilles cependant, Charlemagne et ses preux / Descendaient la mon-
tagne et se parlaient entre eux. / À l'horizon déjà, par leurs eaux signa-
lées, / De Luz et d'Argelés se montraient les vallées (VIGNY, Poèmes ant.
et mod., Cor). — Derrière chaque croisée, écluse de velours, des triples
rideaux pesaient sur leurs embrasses (CESBRON, Souveraine, p. 11).
• D e la relative n o n déterminative (cf. § 1 1 1 3 , a, 1 ° ) :
Bérénice, qui attendait son amie de Nîmes, ne tarda pas à nous quitter
(BARRÉS, Jardin de Bérénice, p. 77). — Le Conseil constitutionnel com-
prend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n ' est pas renouve-
lable (Constitution fr. du 4 oct. 1958, art. 56).
• D e certaines propositions adverbiales. E U E S K E Ë S REMARQUE
Je le veux bien, puisque vous le voulez (Ac. 1935, s. v. puisque). Q u a n d il y a plusieurs co m plé m e nts adver -
Mais, dans des phrases telles que les suivantes, on ne met pas la vir- biau x n o n co ord o n n és, ils ne sont pas sépa -
rés ordinaire m e nt par d es virgules : Le
gule, parce que la proposition est intimement liée au verbe principal
ca pit ain e Pie t er V a n D eyssel se p e nch a p ar -
et qu'aucune pause n'est demandée : Il est tombé parce que le chemin
d essus so n ve n tre p o ur p oser le je u d e t aro t
est glissant. J 'irai le voir avant qu 'il parte. J 'irai vous voir quand je pour- d eva n t Ro binso n (M. TOURNIER, V e n d re di o u
rai. Je ne puis parler sans qu 'il m'interrompe (Ac. 1 9 3 2 - 1 9 3 5 , s. v. parce les li m b es d u Pacif., F°, p. 7).
que, avant, quand, sans). La virgule est utilisée, dans une lettre ou dans des
documents analogues, pour séparer l'indication de
P o u rt a n t , la virgule s'introduit facilement devant la proposition
la date de l'indication du lieu : Paris, le 78 ja nvier...
adverbiale non essentielle, m ê m e lorsque le lien paraît étroit :
Je vous aurais parlé, si je vous eusse trouvé (LLTTRÉ, s. v. avoir, Rem. 5).
Certains m et t en t une virgule devant la proposition corrélative
(cf. § 1 1 2 9 ) , mais cet usage paraît vieilli aujourd'hui :
Et elle fut prise d' une nausée si soudaine, qu ' elle eut à peine le temps de
saisir son mouchoir (FLAUB., M M E Bov., III, 8). — Le luxe de l'habille-
ment se développa même à ce point, que des lois somptuaires furent édic-
tées (VERNE, Pays des fourrures, I, 2).
P o u r d e s r a i s o n s d e c l a r t é , la v i r g u l e i n d i q u e q u ' u n t e r m e n e
d o i t p a s ê t r e r a t t a c h é à c el u i q u i le p r é c è d e i m m é d i a t e m e n t :
C' est le symbole unique de l'interrogation, dont la langue française avait
besoin (VENDRYES, Langage^p. 203). [Dont a pour antécédent le symbole uni-
que et non l'interrogation.] S U K H I REMARQUE.
D a ns l'ex. qui suit, l'a bse nce d e la virgule
L o r s q u e le c o m p l é m e n t a d v e r b i a l e s t p l a c é e n t ê t e d e la p h r a s e d evant à raiso n d e est fâch e use (la place du
o u d e la p r o p o s i t i o n , il e s t s o u v e n t suivi d ' u n e vi rg u l e, s u r t o u t co m plé m e n t introduit par cette locution est
critiq uable aussi) : °L'insista nce est m ise e n
s'il a l a f o r m e d ' u n e p r o p o s i t i o n :
classe t er m in ale sur l'a m o ur, la fid élit é, les
Dans les champs, c ' était une terrible fusillade. A chaque coup, je fermais les q u estio ns d e m orale co n j u g ale, la tra ns m issio n
yeux (A. DAUDET, C. du lundi, p. 221). — S'il pensait me mortifier par cette pra- d elà vie à raiso n d e di x à q uin z e h e ures p ar a n
tique, il y a pleinement réussi (DUHAMEL, Cri des profondeurs, p. 31). (dans la Lib re Belgiq u e, 29 ja nv. 1974, p. 1 ).
H L a v i r g u l e e t les t e r m e s libres.
L e s t e r m e s libres ( § § 3 7 6 - 3 8 0 ) s o n t g é n é r a l e m e n t e n c a d r é s d e
virgules ( s a u f s'il y a u n e a u t r e p o n c t u a t i o n ) . C ' e s t le ca s des m o t s mis
en a p o s t r o p h e , d es é l é m e n t s i n c i d e n t s (cf. c e p e n d a n t § 3 7 7 ) et des
incises, ainsi q u e des t e r m e s r e d o n d a n t s ( § § 3 7 0 - 3 7 4 ) :
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille (BAUDEL., FL du m., Recueille-
ment). — Cela n ' est pas général, bien entendu, mais cela se produit fréquemment
(H. MALOT, Sans famille, II, 2). — Allons, soupira le cochon, je vois bien qu 'il n 'y a pas
moyen d' échapper au saloir (AYMÉ, Contes du chat p., La buse et le cochon). — C' était lui,
Jasmin, le coq de la classe (ALAIN-FOURNIER, Gr. Meaulnes, 1,6). — Vos paupières, vous
avez du mal à les tenir ouvertes (BUTOR, Modification, 10 / 18, p. 14), — Trop, c ' est trop.
Si le terme libre commence par une voyelle et s'il est précédé de que,
l'élision de celui-ci entraîne la disparition de la virgule :
J 'avais annoncé qu ' évidemment, si quelque jour les Yanquis croyaient avoir rattrapé
leur retard [...] (ÉTIEMBLE, Parlez-vous franglais ? 1973, p. 232). [Comp. § 126, c.]
a) O n n e m e t p a s d e virgule, en p r i n c i p e ( c a r il n'y a p a s d e p a u s e) ,
e n t r e le sujet e t le p r é d i c a t , e n t r e le ve r b e et ses c o m p l é m e n t s
essentiels, e n t r e la c o p u l e et l'a t t rib u t , e n t r e le n o m o u le p r o -
n o m et leurs c o m p l é m e n t s n o m i n a u x .
Si on intercale un élément qui est séparé de ce qui précède par une
virgule (par ex., après le sujet, une relative n o n déterminative, un c o m -
plément adverbial), cet élément doit être suivi aussi d'une virgule de
façon qu'il soit t o u t à fait isolé, qu'il constitue une espèce de paren-
thèse par-delà laquelle le sujet peut être rattaché au verbe, etc. :
Cette lettre montre que mon grand-père, dès 1854 ou 1855, n ' était pas insen-
sible à l' enlaidissement du monde (YOURCENAR, Souvenirs pieux, p. 247). —
Voir aussi au § 126, a, les ex. de MAUROIS et de BARRÉS.
T o u t e f o i s , o n p e u t m e t t r e u n e vi r g u l e e n t r e le s u j e t e t le p r é d i c a t
Les d e u x points, m
Le d e u x - p oin ts e n term es d'im prim erie ; o n
dit aussi le d o u ble p oin t. a) Ils annoncent la citation d'un texte, la reproduction des paroles
Po ur l'usage d e la m ajuscule après les deu x ou des pensées de quelqu'un :
points : § 98, d .
Montaigne dit quelque part dans ses Essais : « N ' est rien où la force d' un che-
val se connaisse mieux qu 'à faire un arrêt rond et net. » (SIEGFRIED, Savoir parler
en public, p. 183.) — Hubert suppliait sa sœur : « Mais fais-le taire I fais-le taire !
On va l' entendre... » d' une voix entrecoupée (MAURIAC, Nœud de vip., X V I I ) .
— Tout le monde aussitôt se demandait : « Une visite, qui cela peut-il être ? »
(PROUST, Rech., 1.1, p. 14.)
Quand la citation est intégrée à la phrase du point de vue grammatical,
est un des termes de celle-ci, généralement on ne met pas les deux points :
Louis VI s' était réservé de tenir « dans la main de la couronne de France les forte-
resses, châteaux et remparts » (DUBY, Dimanche de Bouvines, p. 94). — Viens
m aider à mettre ma cape, au moins.../ Il fut choqué de ce que sous-entendait cet
« au moins » (COLETTE, Chatte, p. 11).
Usage différent : Rien ne me subjugue tant que la disparition totale de
Lautréamont derrière son œuvre et j'ai toujours présent à l' esprit son inexorable :
« Tics, tics et tics. » (A. BRETON, Nadja, p. 19.)
Le style indirect lié (§ 418) exclut le double point : Il m'a dit qu 'il viendrait
ce soir. — Pour dire oui, dire merci, etc., cf. § 1105, c.
N . B . La présence dans une même phrase de plusieurs doubles points est
gênante, car elle disloque cette phrase et rend peu visibles les rapports
logiques.
Il prononce surtout ce mot célèbre : La science enfle, mais la charité édifie :
mot admirable et d' une vérité frappante : car la science réduite à elle-même
divise au lieu d' unir (J. DE MAISTRE, Soirées de Saint-Pétersbourg, X ) .
C'est parfois entre les phrases qu'il y a, dans le débit, des arrêts
particuliers :
J 'ai reçu ce matin une lettre de Bertrand... Je voulais vous la montrer; il est
follement heureux chez vous... Il me parle de votre mère... Cela ne m' étonne pas
qu ' elle soit bonne et charmante... Tenez, il faut que vous lisiez... Il a déjà monté
votre poney... Il est émerveillé ! (MAURIAC, Asmodée, III, 10.)
C' est parfait... une vraie surprise, une chance... une harmonie exquise, ce
rideau de velours, un velours très épais, [...] d' un vert profond, sobre et discret...
et d' un ton chaud, en même temps, lumineux... Une merveille contre ce mur beige
aux reflets dorés... Et ce mur... Quelle réussite... On dirait une peau... Il a la
douceur d' une peau de chamois... (N. SARRAUTE, Planétarium, p. 7.)
Celui qui est à côté de la fenêtre s'appelle Andréa, mais vous n 'avez pas le
temps de déchiffrer plus loin [sur les passeports] ; le patronyme de l'autre se ter-
mine par ...etti (BUTOR, Modification, 10 / 18, p. 160).
LES PAREN T HÈSES ET LES C R O C H E T S
m Les parenthèses. • U L U S E HISTORIQUE.
a) Les parenthèses OES vont par deux. La première est dite Les parenthèses apparaissent déjà au Moyen
Âge, mais se généralisent vers 1530. Dans ses
ouvrante, et la seconde fermante. C e qui est mis entre les deux Vrais p rincip es d e la la n g u e fra nçoise (1747),
parenthèses s'appelle aussi parenthèse. l'abbé Girard estimait que ces signes n'étaient
plus en usage, « parceque la virgule suffit pour
N. B. L'élément incident par parenthèse {JJJ signale que l'on interrompt le les courtes parentheses ; et que les longues [...]
fil de ce que l'on dit, pour introduire quelque chose qui est présenté ne sont plus soufertes dans le stile » (t. Il, p. 432).
comme adventice, complémentaire : C e n'était qu'une désaffection passagère.
C' est de l' empire [cf. § 99, R12] que date, PAR PARENTHÈSE, l' obligation I J T L K S HISTORIQUE
imposée aux tribunaux militaires de ne recueillir les votes qu ' en commen- Le grec napévOemç et le latin p are n t h esis,
çant par le grade inférieur (HUGO, Quatrevingt-tr., III, VII, 2). — Nous emprunté du grec, ont été des termes de rhéto-
sommes remontés vite dans notre compartiment, où, PAR PARENTHÈSE, rique désignant une phrase insérée dans une
nous n 'avons retrouvé personne (ZOLA, Bête hum., III). — Elle allait jus- autre phrase et restant indépendante de celle -ci.
C'est d'abord avec ce sens que p are n t h èse a été
que-là [= accuser qqn de frasques], elle qui, PAR PARENTHÈSE, ne fait que
emprunté par le français. D e là vient l'expr. par
tourner autour des jeunes gens (BUTOR, Passage de Milan, p. 21). p are n t h èse : 'le vo us so u h ait e u n e sa n t é d ura ble
Dep uis le X I X E s., par parenthèse subit la concurrence de soif dit entre paren- e t m eille ure q u e la m ie n n e, car, PAR PARENTHÈSE, je
thèses, puis de entre parenthèses tout court. Q 3 Certains grammairiens ont m e m e urs (VOLT., C orresp ., 15 févr. 1752).
protesté, estimant que cette dernière formule n'était justifiée qu'à propos de
REMARQUE.
ce qui est écrit réellement entre les signes appelés parenthèses. Mais l'Ac. O n trouve parfois °entre p are n t h èse, mais cette
elle-même a entériné en 1935 le nouvel emploi, qui appartient au bon usage. graphie injustifiée est une pure négligence :
• Enfin, dis-je en m'approchant du feu qu 'il y avait malgré l' été (bonne coutume à la l'a p p ris [...] q u e les C oig ny [...] avaie n t p rié V al -
campagne, soit dit entre parenthèses), enfin, dis-je, à quoi puis-je être bon au Roi ? m orel e t le b ellâ tre a n archist e C y p rie n C ost e a u,
q ui, ENTRE PARENTHÈSE, n e vo n t p as d u t o u t e nse m -
(VIGNY, Stello, IX.) [1832] [Il s'agit d'une phrase prononcée, mais la transcrip-
ble (HERMANT, D iscor d e, p. 134). Com me on l'a
tion utilise réellement des parenthèses.] — C'est ainsi, SOIT DIT ENTRE PAREN-
vu plus haut, on trouve l's dans d'autres livres
THÈSES, que pour ne rien trahir et surtout pour ne pas se trahir lui-même, le
d'A bel Hermant.
narrateur a tendu à l' objectivité (CAMUS, Peste, p. 200).
• On eût deviné le gentilhomme, même sans savoir son nom, - un des plus anciens du
Roussilbn, ENTRE PARENTHÈSES ( B O U R G E T , Voyageuses, 1897, p. 215). — J e u de
scène, ENTR E P A R E N TH È S E S dont Molière a bien tort de rire ( H E R M A N T , Xavier,
p-17). — Les deux amis se réunissaient souvent chez Luc [ . . . ] . E N T R E PARENTHÈSES,
lejeune Manuel était parti ( J O U V E , Monde désert, VIII). — J e me sentais en exil et bou-
dais l'Amérique tout entière, ce qui me priva, ENTR E PARENTHÈSES, d' une année de bon-
heur que je ne retrouvai jamais (GREEN, dans Revue de Paris, sept. 1951, p. 19). H | AUTRES EXEMPLES
COPPÉE, So uve nirs d'u n Paris., p. 89 ; GIDE, Porte
Une application encore élargie se trouve dans la formule mettre entre
é tr., p. 114 ; DUHAMEL, N uit d e la Sain t - je a n,
parenthèses « oublier, écarter, négliger (dans sa pensée, dans sa vie) » : Elle p. 38 ; CLAUDEL, Prése nce e t p ro p h é tie, p. 19 ; etc.
commençait [...] à ne plus penser à vous [...], car si elle parvenait à vous
METTRE ENTRE PARENTHÈSES [...], à faire comme si vous aviez été absent
[...], alors ce voyage [...] lui apparaîtrait comme une réussite (BUTOR, Modi-
fication, 10 / 18, p. 224). — La préparation de l' examen m'avait fait MET-
TRE tout le reste, et même Dieu, ENTRE PARENTHÈSES (MAURIAC,
Adolescent d'autrefois, p. 155). — Aussi sous forme nominale : La MISE
ENTRE PARENTHÈSES d'idées philosophiques et politiques affirmées à lon-
gueur d'années atteint ici [dans le discours de réception à l'Acad.] l' escamo-
tage (A. REY, Littré, l'humaniste et les mots, p. 169). — Comp. déjà, avec
une parenthèse typographique : Nous, peuple civilisé, doux, humain (le
bagne et la guillotine ENTRE PARENTHÈSES) (HUGO, N.-D. de Paris, V I , 4).
Les crochets.
L e s c r o c h e t s ( a p p e l é s a u s s i crochets droits), q u i v o n t a u ssi p a r
d e u x , s e r v e n t a u m ê m e u s a g e q u e les p a r e n t h è s e s , m a i s s e u l e m e n t
d a n s des situations particulières.
a) L e s g u i l l e m e t s s ' e m p l o i e n t p r i n c i p a l e m e n t a u d é b u t e t à la fin
d'une citation, d'un d isco u rs direct (rep rés en t a n t des paroles,
•MUH aaMMM
H 9 RAI REMARQUE. des pensées). E S
O rale m e nt, si l'o n cite un texte, souvent o n en
On pense involontairement à la chanson de la tante Boisteilleul : « Un éper-
m arq ue le début par je cit e, et on le clôt par
vier aimait une fauvette... » (MAUROIS, Chateaubriand, p. 137.) — Un agent
Fin d e cit a tio n. La pre mière form ule corres-
p o n d à des guillemets ouvrants, la seco n d e à s'approchait : « Allez mon commandant, rentrez », dit-il gentiment au cavalier
des guillemets fermants. (NOURISSIER, Allemande, p. 127). — « Pourvu qu ' elle ne me téléphone pas », se
dit-il (J. ROY, Désert de Retz, p. 62).
Parfois aussi p o u r encadrer un discours indirect libre, plus rare-
m e n t p o u r un discours indirect lié :
•ainsi REMARQUE. Alors Trochut levait au ciel ses mains dodues, et larmoyait : « Il était un pauvre
Le q u e, évide m m ent, ne fait pas partie d u dis-
homme. Il avait eu si peur, quand Bourrel avait découvert les lapins, que la tête lui avait
cours rapporté, et c'est par inadvertance et
tourné [ . . . ] » (GENEVOIX, Raboliot, II, 2). [ = J e suis...] — Elle me répondit, d' un air
sans intention que, à un autre endroit, MAU-
RIAC a laissé passer cette présentation : La p a u -
de contentement, que « fa lui avait sans doute porté un coup... » (MAURIAC, Nœud de
vre f e m m e b o u g o n n a «QUE p e u t - ê tre elle viP.,xvn.)EH
finirait p ar e n avoir asse z » (Myst ère Fro n t e n ac, Dans l'ex. suivant, les guillemets encadrent une partie seulement du discours
VII). Dans le m ê m e livre, dix pages plus loin (X), indirect, sans doute pour marquer le caractère textuel de la citation : Elle répondit
le q u e est à la b o n n e place ; d e m ê m e ailleurs. avec douceur qu ' elle ne comprenait goutte àdes« ragots pareils » (FLAUB., Éduc., III, 1).
Dans les dialogues, on peut, soit placer les guillemets ouvrants au
début de la première réplique et les guillemets fermants à la fin de la
dernière réplique (ce qui est le procédé le plus clair) ; — soit se passer
de guillemets et n'utiliser que des tirets : voir les ex. au § 135, a.
N . B . 1. Si, dans le texte guillemeté, est inséré un passage de l'auteur qui cite,
les guillemets se ferment avant ce passage et se rouvrent après ; on
renonce ordinairement à isoler ce passage quand il s'agit d'une brève
incise comme dit-il.
« Ce n ' est pas par les résultats mais par les sentiments du cœur », écrit saint Ber-
nard, curieusement d'accord avec Abélard et son effort pour distinguer l'inten-
tion de l'acte, « qu ' un chrétien juge du péril qu 'il a couru dans une guerre et de
la victoire qu 'il y remporte. [ . . . ] » (D UBY, Dimanche de Bouvines, p. 146). —
« Cest une combe, murmura-t-il, une combe rose... » ( M . T O URNIER, Ven-
dredi ou les limbes du Pacif., F°, p. 127.) — [Dans le texte cité au § 135, a,
D E G A U LLE utilise successivement les deux présentations.] | £ l B U REMARQUE.
2 . Si le passage guillemeté, considéré isolément, demande après lui un Certains auteurs isolent davantage ce qu'ils insè-
signe de ponctuation (point d'interrogation, point d'exclamation, rent, en utilisant des parenthèses ou des tirets,
même pour des incises (ou encore des
points de suspension), celui-ci se place avant les derniers guillemets ; si
crochets : § 133, b) : « V o us p o urre z m e ttre vo tre
le passage guillemeté ne demande pas de signe propre, la ponctuation ch eval e n face, — e x pliq u a le co m m a n d a n t, — i
éventuelle se place après les guillemets. a là u n m aréch al - f erra n t [...]. » (ARAGON, Se m ain e
sain t e, L P., t. Il, p. 255.)
Mais quand le bois ne contenait pas de nœuds, il opinait : « On les aura ! »
(DUHAMEL, Civilisation, p. 33.) — « Mission accomplie ? » a-t-il demandé.
« Mission accomplie ! » a répondu Ben Saïd (ROBBE-GRILLET, Projet pour
une révolution à New York, p. 167).
M. Fellaire se donna beaucoup de mal pour échauffer « son cher insulaire, son
très honorable gendre ». (FRANCE, Jocaste, p. 53.) — « Rébecca »,prononce-
t-elle, prenant plaisir à se nommer (PIEYRE DE MANDIARGUES, Motocy-
clette, F", p. 178).
Comme on le voit par l'ex. de ROBBE-GRILLET, le point d'interrogation
ou le point d'exclamation rendent superflue la virgule qui précède d'ordi-
naire l'incise. Cf. cependant § 124. — Dans l'ex. de DUHAMEL, le point
d'exclamation dispense de mettre un point final à la phrase entière. Si la
E E I K H I REMARQUE.
citation (qui forme une phrase) demande simplement un point, on le met
I est plus rare q u e l'o n m ette le point après
aussi devant les guillemets : L 'auteur note : « Ève Francis admirable, Hervé
les guille m ets, e n faisant prévaloir le point
assez bon. » (G. ANTOINE, P. Claudel, p. 184.) E U final d e la p hrase e n glo b ante.
3 . Lorsque le passage guillemeté compte plusieurs alinéas, on répète
souvent les guillemets ouvrants au commencement de chaque alinéa. On
les répète parfois aussi au début de chaque ligne ou de chaque vers. 1:11 L Ï T I K E T F REMARQUE.
O n utilise parfois des guillemets f er m a n ts pour
« J 'ai toujours attaché pour ma part la plus grande importance à la ponc-
les guillemets chargés de montrer, au début des
tuation [...]. alinéas ou des lignes, que la citation continue.
« En particulier, l' usage du tiret ouvrant un paragraphe de dialogue et celui
du guillemet interrompant la phrase de dialogue pour laisser introduire une
remarque de l'auteur, me sont apparus comme les plus propres à éviter les
confusions. [...]
« Votre argument, que des guillemets ne peuvent se fermer s'ils n ' ont
d'abord été ouverts, est certes de nature à faire impression. [...] J ' estime être
au contraire un de ceux qui, par la constance et la précision avec lesquelles
ils la [= la ponctuation] manient, mériteraient d' être félicités. » (BLLLY,
citant une lettre de J . Romains, dans le Figaro litt., 9 mars 1957.)
2° D a n s les o u v r a g e s d e l i n g u i s t i q u e , les g u i l l e m e t s s o n t e m p l o y é s
ESiKiZl REMARQUE p o u r les s i g n i f i c a t i o n s . 0 3
Certains utilisent les apostrophes, l'u n e
ouvrante, l'autre ferm ante : II n e fa u t p as co n - Oreillon [...] existe depuis le XIII's. au sens de «coup sur l' oreille»
f o n d re amnistie 'm esure d e clé m e nce' e t (BLOCH-WARTBURG).
armistice 'in t erru p tio n d es h ostilit és'. Les minu -
tes (cf. § 113) ont parfois aussi cet e m p l o i; 3° L e s guillemets s 'emp lo ien t assez s o u v e n t s o u s c h a c u n des m o t s
certains les ap pellent d es d e m i - g uille m e ts. d ' u n e ligne qui p r éc èd e, p o u r m a r q u e r q u e ces m o t s s o n t virtuelle-
M m i REMARQUE m e n t rép ét és ; ces guillemets p e u v e n t ê t r e appelés guillemets itératifs.
Les chevrons sim ples ( > < ), V o u la m b da On ne veut rien faire pour vous.
m ajuscules renversés, in diq uent, dans les
» » » » » contre » .
o uvra g es d e linguistique, les évolutions
p h o n étiq u es : ca n t are > ch a n t er o u
c) Présentation des guillemets.
ch a n t er < ca n t are. — D a ns certaines éditions
critiques, les ch evro ns servent là o ù d'autres Il y a des guillemets de deux sortes : les guillemets français, formés de che-
m ettent les croch ets (§ 133, b). vrons (« ») S U , et les guillemets anglais, formés de paires d'apostrophes (ou
ESUHI REMARQUE de virgules), dont l'une présente souvent les apostrophes à l'envers (" "). —
Notons que ces derniers se placent sans blanc par rapport au texte qu'ils enca-
Dans une situation semblable, le recours à une
seule espèce de guillemets est peu satisfaisant : Et drent (contrairement à l'usage français : cf. § 117, N. B. 1.).
voici l'é piso d e su bli m e, [...] q u e Luc se ul ra p p ort e :
On n'a pas de raison de renoncer aux guillemets français. Cependant,
« L'u n d es m alfait e urs p e n d us à la croi x , l'in j uriait,
disa n t : « N'es - t u p as le C hrist ? Sa uve - t oi t oi - m ê m e quand une citation ou un discours direct sont insérés dans une autre citation,
e t sa uve - n o us. » Mais l'a u tre le re p re n ait e n il est utile que ces textes insérés aient leurs propres marques, comme les guille-
disa n t : « N e crains - t u p as D ie u, t oi q ui es co n - mets anglais, ou encore des apostrophes simples (ou des minutes : cf. § 113) :
d a m n é a u m ê m e su p plice ? Po ur n o us, c'est j us - « [...] Les juifs d' Occident [...] dirent aussi : "Nous ne connaissons pas ces hom-
tice, car n o us recevo ns ce q u'o n t m érit é n os mes-là." » (J.-D. BREDIN, Bernard Lazare, p 304.) — « [ . . . ] Comment peux-tu
cri m es ; m ais lui, il n'a rie n fait d e m al. » (MAURIAC,
Vie d e jésus, p. 268.) [C'est un enchevêtrement
dire : ' Montre-nous le père ' [...]. » (Bible de Jérus., Évang. Jean, X I V , 9.) —
de guillemets, avec la complication supplémen- Guiraud a fort bien caractérisé les deux chercheurs [ . . . ] : « M . Trier étudie avant
taire que les derniers guillemets concluent à la fois tout la vie spirituelle et morale en vue de ressaisir 'l' esprit ' d' une nation et d' une
les paroles du larron et la citation de saint Luc.] époque [...] ». (M. LEROY, Grands courants de la ling. moderne, p. 172.) E S
(SfiMSsHM
I nf Le tiret.
b) C o m m e les p a r e n t h è s e s ( § 1 3 2 , a), d e u x t i r e t s s e r v e n t à i s o l e r
d e la p h r a s e c e r t a i n s é l é m e n t s ; m a i s à la d i f f é r e n c e d e s p a r e n -
t h è s e s , les t i r e t s p e u v e n t m e t t r e e n v a l e u r c e qu'ils i s o l e n t ( p a r
e x . d a n s le t e x t e d e R O B B E - G R I L L E T c i t é p l u s b a s ) .
Si vous restez sourds aux avertissements des saints, nous écopons avec vous,
comme vous, plus que vous— s'il est permis d' employer cette expression familière.
(BERNANOS, Grands cimet. sous la lune, Pl., p. 518.) — Un autre homme est debout
devant la bibliothèque, un peu à l' écart, les mains dans les poches — une espèce de
voyou. (ROBBE-GRILLET, Gommes, IV, 3.) — D ' une voix un peu rauque, et avec une
rudesse inaccoutumée — la rudesse de quelqu ' un qui revient du combat : / « Oui, mais
on me l'a abîmée », dit-elle en souriant (ALAIN-FOURNIER, Gr. Meaulnes, III, 12).
Mon Dieu — mon Dieu que je n 'implore jamais que pour des fins incongrues,
— faites que je ne devienne pas aveugle avant d'avoir eu cette bouche large [de
contentement] (MONTHERL., Marée du soir, p. 31). — En tout cas, parlant
d' une époque où le Bascot était capitaine du château de Trigalet, — c ' était en
1373,17 ans après Poitiers — Espan du Leu le décrit à Froissart en 1388 comme
étant alors « ung escuier gascon » (L. FOULET, dans Romania, 1951, p. 4 8 1 ) .
Utiliser plus de deux tirets dans une phrase la rend peu claire, car,
au contraire des parenthèses, rien ne distingue un tiret ouvrant d'un
tiret fermant.
c) Le tiret peut suivre n'importe quel signe de ponctuation quand
le scripteur veut, pour des raisons de clarté ou d'expressivité,
rendre la pause plus nette.
Je suis le ténébreux, — le veuf, — l'inconsolé (NERVAL, Chimères, Desdi-
chado). — Rien de ce qui est beau n ' est indispensable à la vie. — On supprimerait
les fleurs, le monde n ' en souffrirait pas matériellement ; qui voudrait cependant qu 'il
n 'y eût plus defleurs ?Je renoncerais plutôt aux pommes de terre qu 'aux roses (GAU-
TIER, M11 ' de Maupin, Préf.). — Pourtant son bras s' engourdissait sous le poids de
cette tête lourde ; — mais elle était la mère qui, dans les nuits d'hiver, veillait parce
que l' enfant ne pouvait dormir qu ' en lui tenant la main (MAURIAC, Genitrix, X ) .
O n constate aussi une certaine tendance à remplacer la virgule ou d'autres
signes par un tiret, sans raison particulière, surtout dans les notes rapides que
l'on écrit pour soi et dans les lettres familières : Autres retours lassés — retours
trop tard — soleil déjà couché — tristesses (GIDE, Journal, 1.1, p. 103). — Souvent,
au lieu du point, dans la Corresp. de BALZAC : cf. éd. Pierrot, 1.1, p. XVI, note 2.
d) Dans les index, dictionnaires et autres répertoires, le tiret tient
Sur le signe (a p p are nté au tiret) servant e n
parfois la place du mot servant d'entrée. — Dans les tableaux, il rem-
mathé matiques pour indiquer la soustraction place les mots situés juste au-dessus pour qu'on ne doive pas les
(e n parlant, on dit m oins) et ailleurs, voir § 113. répéter ; comp. § 134, b, 3° (guillemets). H
L a b a r r e oblique.
geois]. — Autre ex. au § 262, b, 2°. — Cet usage a parfois pour résultat
un texte à la fois difficile à interpréter et impossible à lire à voix haute :
Une réflexion épistémologique qui sera le garant d' un discours « construit »
sur/à propos de l' enseignement/apprentissage des langues (S. MOIRAND,
Hist. du discours..., p. 717). — Vers 1980, le procédé est devenu à la
mode dans certains milieux érudits ; il confine souvent au jeu de mots.
La formule et/ou indique que ces conjonctions sont justifiées toutes deux
(formule traduite de l'anglais et critiquée à ce titre : cf. § 1081, c) : Il y a des
phrases pour la compréhension desquelles tout recours au contexte E T / O U à la
situation est inutile ( G . M O U N I N , Clefs pour la sémantique, p. 1 6 6).
La barre oblique est l'équivalent de par dans des contextes
techniques : Si l' on projette cette copie à 24 images/seconde (Grand dict.
enc. Lar., s. v. cinéma). — Un débit total de 700m3/s [= seconde] (ib.,
s / ou /s co m m e symboles de sur ou de so us con- s. v. Colorado). — La région d'Abidjan est densément peuplée
viennent aux notes que l'on prend pour soi- (100 hab./km2) (ib., s. v. Côte-d'Ivoire). — Dans la langue courante,
même, mais non à un livre. En voici pourtant un on se sert souvent du trait d'union (§ 110, d).
ex. imprimé, qui n'est pas à imiter : " H a n s / Lesse
(T h . BRAUN, Passio n d e l'A r d e n n e, 1 9 4 9 , p . 5 5).
Dans la langue com merciale, la barre oblique a
b) Nous utilisons la barre oblique dans les citations pour indiquer
servi dans des expressions abrégées : c / c ou C/ les endroits où l'auteur va à la ligne, notamment dans les vers.
C = co m p t e co ura n t ; v/c ou V / C = vo tre
La barre oblique sert aussi dans les fractions :
co m p t e, etc., cf. Bescherelle, 1.1, p. 502 ; N o u -
ve a u Lar. illustré, t. Il, p. 358. Le catalogue de 1/4 de mm (Grand dict. enc. Lar., s. v. corps). Dans les livres de
Manufrance utilisait encore, concurrem ment, mathématiques, on sépare les deux nombres par une barre
pour ce n ti m è tre et m illi m è tre, c / m et c m , m / m et
m m (par ex. 1962, p. 532).
horizontale : j . — Les symboles de pour cent et de pour mille sont %
et %o . ( 3 1
CHAPITRE III
LES MOTS
S e c t i o n I
Définitions et classifications
D É FI N I T I O N S
B Le mot.
Mais il faudrait préciser que, dans une même catégorie, comme les prépo-
sitions, il y a des mots plus ou moins vides : si de n'a pas de signification précise
dans II essaie de dormir, on ne dira pas la même chose pour devant dans II
s'assied devant la porte.
b) Observations particulières.
1° Il n'est pas toujours facile d'identifier le mot à l'intérieur d'une phrase.
• S i on p r e n d la langue écrite, on considère généralement le
m o t c o m m e caractérisé par la présence d'un b lanc (ou par un
signe de p o n c t u a t i o n : § 1 1 8 , a) avant et après. M a i s la réalité
n'est pas t o u j o u r s aussi simple.
D ' u n e part, à cause de l'apostrophe et du trait d'union.
L'apostrophe doit être considérée comme équivalant à un blanc, sauf
dans presqu 'île, quelqu ' un, s' entr'aimer, etc. (§ 45, b) : L ' espoir com-
prend deux mots ; Il m'attend trois mots. — Le trait d'union équivaut
à un blanc quand il est marque d'unité grammaticale : Dis-le, man-
geait-il, moi-même, etc. (cf. § 110), mais non lorsqu'il est marque
S U S K S I REMAR QUE. d'unité lexicale : pêle-mêle, presse-papier ( J J (§ 109).
Presse - p a pier est l'orthographe de Littré (Supp/.).
C'est aussi celle que préconise le Conseil supé- D autr e part, à cause des m o t s c o m p o s é s et des locutions et à
rieur de la langue fr. (cf. § 530, a, 1 cause des f o r m e s c o m p o s é e s des verbes.
Dans tout à fait, les blancs permettent d'isoler trois mots, mais on
serait bien en peine d'attribuer une fonction à tout ; dans chemin de fer,
l'analyse grammaticale defer est possible, mais elle ne s'accorderait pas
avec la constatation q u e f e r n'est plus guère analysable du point de vue
sémantique. — Dans Pierre A VENDU sa voiture, a vendu est considéré
comme une forme de vendre au même titre que vendrait ou vendit.
SHSKE31 REMAR QUE.
Littré notait déjà que ce champ est « pour ainsi E n f i n , les articles contr actés, sous leur apparence de m o t s
dire sans limite » et il précisait : « Pour ne citer que uniques, exer cent deux fonctions, celle des éléments qui les
la botanique et la zoologie, les espèces y sont, c o n s t i t u e n t ( p r é p o s i t i o n et article) : du = de + le dans Le
dans chacune, au nombre de bien plus de cent
chien du jardinier.
mille, toutes pourvues d'un nom spécifique » (Pré -
face, p. vin). Depuis, la science n'a fait que se • S i o n p r e n d la langue parlée, on n'y trouve pas les équivalents
développer : le D/'ct. fr. d e m é d ecin e e t d e biolo -
gie, d e A. et L. Manuila, M. Nicole et H. Lambert des b l a n c s que l'on observe dans l'écrit. D a n s une phrase, les
(4 vol., 1970-1974) définit 150 000 mots. O r le s o n s s'assemblent, n o n en m o t s , mais en groupes unifiés p a r
nombre de mots dans le dict. de l'Acad. est d'envi- l'accent t o n i q u e ainsi que p a r la liaison, l'enchaînement et
ron 35 000 ; de 74 000 dans le Gra n d Lar. la n g u e.
Sur le fait que le vocabulaire d'un auteur est riche l'élision -.J 'ai rencontré mon voisin foeRôkôtRe môvwAzê].
ou pauvre, il règne bien des idées fausses : on con- 2° Indépendamment de 1a difficulté d'identifier le mot, il n'est pas
tinue à dire que Racine a écrit ses tragédies avec
« mille mots triés pour plaire au Roi » (J.-P. Chabrol,
possible de préciser le nombre des mots français.
dans le Mo n d e, 10 janv. 1980). Ch. Muller a rap- Le lexique se renouvelle sans cesse ; il varie dans l'espace (le français régio-
pelé, à ce sujet (dans le Mo n d e du 16 juillet 1980), nal est aussi du français) ; d'autre part, les vocabulaires scientifiques et tech-
qu'il y a dans les tragédies de Racine 3263 mots
niques ont leurs propres nomenclatures, qui ne pénètrent que partiellement
différents, que le vocabulaire du C id était plus pau-
vre que celui de Ph è d re et surtout que celui dans les dictionnaires généraux, même à but encyclopédique.
d'Est h er, pièce com mandée par le roi. O n appelle h a p a x f H l'attestation unique d'un m o t (ou d'une
f o r m e o u d'une c o n s t r u c t i o n ) :
HIST ORIQUE.
Réduction de h a p a x le g o m e n o n [legomenon], Le féminin goinfresse n'a été relevé que chez SCARRON (§ 487, H3) ; dans
locution empruntée au grec « dit une seule fois ». l'état actuel de notre information, c'est un hapax en fr.
A u t r e s terminologies.
Quoique peu de linguistes renoncent tout à fait à se servir de
mot, la linguistique structurale a tenté des analyses plus rigoureuses,
en distinguant une unité entre le phonème et le syntagme, la plus
petite unité porteuse d'information.
D a n s l'école d ' A . M a r t i n e t , cette unité est appelée m o n è m e . Il y a des
m o n è m e s g r a m m a t i c a u x o u m o r p h è m e s , d o n t le rôle est plus gr ammatical
que s é m a n t i q u e , et des m o n è m e s lexicaux o u l e x è m e s , d o n t le rôle est plus
s é m a n t i q u e que g r a m m a t i c a l . Q n M BM Kt MmKJZ REMARQUE.
mm M.M
Nous travaillons comprend trois monèmes : [nu], [ t R A V A j ] et [5], le premier et le Plus a ncie n n e m e nt, on ap p elait sé m a n t è m e
troisième étant des morphèmes et le deuxième étant un lexème. Dans adorable, on le m o n è m e le xical, mais générale m ent en ne
consid érant pas co m m e tels les suffixes et les
aurait deux lexèmes : [ACIOR] et [AW].
préfix es, qui étaient rangés parmi les mor-
C e s catégories ne sont pas hermétiques, et les m o t s passent souvent de p h è m es (p ar ex. - able). C f. § 5, a, 3°.
l'une à l'autre (§§ 1 9 4 - 1 9 9 ) . E n particulier, il est fréquent qu'un lexème
devienne m o r p h è m e : lexème p r o p r e m e n t dit c o m m e moyennant, syntagme
c o m m e malgré ; on appelle ce p h é n o m è n e grammaticaltsation. Les deux statuts
coexistent souvent : pas c o m m e n o m et pas adverbe de négation ; le verbe aller
(Marie va au bureau) et aller c o m m e semi-auxiliaire (Le bébé va s' endormir) ; etc.
S o u s l'influence de la linguistique américaine, m o r p h è m e est souvent
pris aujourd'hui dans un autr e sens, p r é c i s é m e n t p o u r désigner cette unité
m i n i m a l e q u ' A . M a r t i n e t appelle monime. M a i s , p o u r r é p o n d r e à certaines
des difficultés signalées dans le § 1 3 7 , on considère le m o r p h è m e c o m m e
une n o t i o n abstraite, et le m o r p h e c o m m e sa réalisation c o n c r è t e .
« Aller » (ou « ail- ») est un morphème qui se manifeste dans les morphes ail-,
ir-, v-. Le morphème « pluriel », dans les noms, ne se concrétise pas, d'ordinaire, par
des morphes particuliers si on envisage le français parlé ; dans le français écrit, il se
réalise dans les morphes - s et -x.
D e s linguistes ressentent le besoin de dénommer l'unité supérieure au
mor phème et distincte du syntagme. Ils appellent cette unité lexie : la lexie sim-
ple correspond plus o u moins à ce que la tradition appelle mot (terré), et la lexie
composée à ce qu'elle appelle mot composé (couvre-lit) ou locution (en avoir marre).
L a linguistique quantitative o u statistique, exploitant s u r t o u t les
d o c u m e n t s écrits, r e p r e n d mot p o u r désigner l'unité séparée p a r deux blancs,
tandis que vocable désigne une u n i t é plus abstraite, r egr oupant les attesta-
tions d'un m o t sous ses diverses f o r m e s :
L'article 146 du Code civil II n 'y a pas de mariage lorsqu 'il n 'y a point de consen-
tement a 15 mots, mais seulement 10 vocables (il, ne, y, avoir, pas, de, mariage, lorsque,
point, consentement).
D a n s un ouvrage c o m m e celui-ci, qui ne s'adresse pas seulement aux spé-
cialistes, il ne nous a pas paru nécessaire d'introduire une terminologie aussi com-
plexe et, c o m m e on l'a vu, aussi mal fixée. N o u s gardons mot, en lui donnant la
définition signalée au § 137, malgré les difficultés auxquelles il est fait allusion à
cet endroit ; les inconvénients sont d'ailleurs réduits par le fait que nous envisa-
geons surtout la langue écrite. N o u s donnons à morphème le m ê m e sens que
Martinet, mais nous nous en servons assez peu, à cause de son ambiguïté. N o u s
n'employons pas o u guère monème, morphe, lexème, lexie, m ê m e vocable. Nous
distinguons, d'après l'écriture, les mots composés, qui sont soit agglutinés, soit unis
par le trait d'union marquant l'unité lexicale (§ 109), et les locutions, dont les élé-
ments sont séparés dans l'écriture, mais qui forment une unité syntaxique et / ou
lexicale (cf. § 182). N o u s parlons aussi d e s f o r m e s composées des verbes (ai mangé).
Lexique et vocabulaire.
Les m o t s variables.
a) Le nom ou substantif est porteur d'un genre, varie en nombre
(parfois en genre), est susceptible d'être accompagné d'un
déterminant ; — il est apte à servir de sujet, de complément
d'objet direct ou indirect, d'attribut, etc.
On réunit parfois sous l'appellation de nom à la fois le substantif
et l'adjectif.
b) L'adjectif varie en genre et en nombre (genre et nombre qu'il
reçoit du nom ou du pronom auxquels il se rapporte) ; — il est
apte à servir d'épithète et d'attribut.
La 11 e édition rangeait le déterminant (c, ci-dessous) sous l'adjectif, en
distinguant l'adjectif qualificatif (que nous appelons seulement adjectif) et
l'adjectif non qualificatif ou déterminatif (c'est notre déterminant). O n notera
aussi que certains adjectifs présentés comme déterminatifs, ou rangés avec
eux, ne sont pas en réalité des déterminants : c'est le cas des numéraux ordi-
naux (§ 599), de mien, tien, etc. (§§ 612-613) et de autre, même, quelconque
(§§ 644-648), que nous traitons dans le chapitre du déterminant (mais dans
des annexes) parce qu'ils ont des rapports avec le déterminant.
I L e s m o t s invariables.
S e c t i o n 2
L es d iverses origines.
Du point de vue de l'origine, les mots français peuvent être ran-
gés en trois grandes catégories : le fonds essentiel, appelé fonds pri-
mitif, est constitué par le latin, auquel il faut joindre quelques
survivances de langues antérieures et des mots pris aux Germains à la
suite des invasions (voir ci-dessous, Art. 2) ; — les mots empruntés à
des langues étrangères depuis le moment où le français est devenu une
langue distincte du latin (Art. 3) ; — les formations indigènes, c'est-
à-dire les mots fabriqués en français même, la plupart du temps à par-
tir des mots appartenant aux deux catégories précédentes (Art. 4).
Il faut ajouter que des mots existants peuvent aussi recevoir des sens
nouveaux, ce qui a été traité à part (Section 3, §§ 208-210).
Des spécialistes ont estimé que, chaque année, au moins 4 0 0 0 expressions ou
termes nouveaux viennent s'agréger au lexique français. Mais d'autres se raréfient,
puis disparaissent (§ 149).
sentis comme apparentés à cause de leur ressemblance formelle CÉCITÉ ; celui q ui h a bit e une VILLE u n CITADIN ; u n
collectio n n e ur de TI M B R E S - P O S TE - » u n PHILATÉLISTE.
et sémantique ; c'est ce qu'on appelle l'étymologie populaire.
Échec fonctionne comme le nom correspondant au verbe échouer (Le pro-
jet échoue, l' échec du projet) ; les forains fréquentent les foires ; les habits servent
à habiller ; le péage implique un paiement. — Autres ex. au § 164, R3.
Les doublets.
Les doublets sont des couples de mots issus du même étymon,
mais qui ont une forme différente.
a) La catégorie principale est constituée par des couples d'origine
latine, mais un des deux est un mot dit populaire, qui fait partie du fonds
primitif et a subi, par conséquent, une évolution phonétique et séman-
tique qui l'a écarté de son étymon, — tandis que l'autre est un mot dit
savant, emprunté par la suite et plus proche de l'étymon quant au sens
et quant à la forme. Il y a plus de 800 doublets de cette espèce. 0 1 REMARQUE.
N o us d onnons les no ms et adjectifs latins à
Formation Formation Formation Formation l'accusatif, p arce q u e c'est d e là q u e viennent
Latin Latin
populaire savante populaire savante les form es pop ulaires conservées [co m p. c, ci-
dessous], mais les form es savantes sont tirées
auscultâre écouter ausculter navigâre nager naviguer soit d e l'accusatif, soit du nominatif latins.
delicâtum délié délicat officinam usine officine
L e néologisme.
Depuis que le français existe, il n'a cessé d'intégrer à son lexique
de nouvelles unités ou de donner des sens nouveaux aux mots déjà en
usage. Ces innovations sont des néologismes. La tendance elle-
même est appelée néologie.
Mais le mot néologisme fait d'ordinaire appel au sentiment des usa-
gers, qui reconnaissent le mot comme non intégré au lexique. Cela veut dire
que des mots même assez récents peuvent cesser d'être ressentis comme tels,
lorsqu'ils sont entrés dans l'usage commun. Inversement, un mot relative-
ment ancien, mais peu usité, sera taxé de néologisme.
Par ex., automobilisable, employé par GIDE en 1927 (Journal, 1.1, p. 866), est resté
sans lendemain et garde sans difficulté l'étiquette de néologisme. — Dans La résistible
ascension d'Arturo Ui, titre français d'une pièce de B. Brecht, l'adjectif a fait l'effet (et fait
encore l'effet) d'un néologisme, alors qu'il est déjà chez BOSSUET et dans divers dict. Il est
d'ailleurs vraisemblable que l'auteur de ce titre a recréé le mot d'après irrésistible (à moins
qu'il n'ait été influencé par l'anglais) et n'a pas consulté les dict. — Album « pochette réu-
nissant plusieurs disques » était encore ignoré par le Petit Robert en 1977. Les locuteurs
qui ont appris à parler vers cette date ne sentent sans doute plus l'emploi comme nou-
veau, au contraire des gens appartenant aux générations précédentes.
La néologie rencontre souvent de la résistance parmi les usagers, et non
seulement parmi les grammairiens. En particulier, la dérivation française n'est
pas automatique (cf. § 162, N. B. 1), et les usagers préfèrent souvent à une
dérivation française un emprunt ou une formation sur une base étrangère : par
ex., kitchenette (de l'anglais) à cuisinette, liftier à ascensoriste (à peu près inusité).
a) U n g r a n d n o m b r e d e n é o l o g i s m e s , s u r t o u t les n o m s , s o n t d u s
à la n écessit é d e d és i g n er u n e réalité o u u n c o n c e p t n o u v e a u x :
hélicoptère, télégraphier, ferroviaire.
b) B e a u c o u p d ' a u t r es n e c o n c e r n e n t p a s u n e réalit é o u u n c o n c e p t
n o u v e a u x , m a i s r é p o n d e n t a u b e s o i n d e d és i g n er d es c h o s e s
déjà c o n n u e s p a r u n n o m j u g é p lu s efficace, et d a n s ceci il y a
d es d eg rés f o r t divers, c o m m e le m o n t r e n t les ex . s u iva n t s .
La terminologie scientifique ne peut s'accommoder des désignations
populaires et leur a substitué des termes formés d'après le latin ou le grec ; cela
est assez compréhensible quand la désignation populaire passait pour gros-
sière (anus, pénis), tandis que d'autres substituts n'ont guère comme justifica-
tion que de donner plus de prestige à la chose et aux personnes qui en parlent
(pédiluve pour bain de pieds).
Voulant construire une grammaire sur des principes nouveaux, Damou-
rette et Pichon ont estimé qu'ils devaient imaginer pour cela presque toute
une terminologie, remplaçant mode par mceuf, temps (du verbe) par tiroir, dis-
tinguant la diaschète (attribut à valeur nominale) de la diathète (attribut à
valeur adjectivale), etc.
Le souci de l'euphémisme amène à remplacer les mots jugés déplaisants :
cabinet(s) a perdu sa valeur euphémique et on préfère toilette(s), etc. —
Œuvres de charité paraissant aujourd'hui ressortir à un paternalisme désuet,
on lui préfère œuvres caritatives.
Le domaine de la mode abonde en néologismes ; une désignation nouvelle
est de nature à convaincre mieux les acheteurs que la chose est nouvelle.
Les utilisateurs de l'argot ont parfois comme but de ne pas être compris
des non-initiés, mais il est tout aussi important de se distinguer des usagers
ordinaires : l'argot étudiant a sûrement cette fonction, qu'on trouverait égale-
ment dans d'autres milieux.
c) Il y a d es n é o l o g i s m e s i n vo l o n t a i res o u i n c o n s c i e n t s .
Les uns sont dus au bilinguisme : un locuteur fait passer un mot ou
un sens de l'une à l'autre des langues qui lui sont familières.
D'autres s'expliquent par la tendance à la régularité, à la simplicité :
°Solutionner est tiré de solution, au lieu de résoudre (§ 170, a, 1). Quasiment
(de quasi) a reçu la finale qui caractérise la plupart des adverbes de manière
(§ 967). Des adjectifs en -able, -ent, -ant qui ne proviennent pas de verbes fr. don-
nent naissance aux verbes qui paraissaient manquer : urgent -*• "urger (§ 175, a).
Boni reçoit en Belgique un antonyme °mali, de formation tout à fait parallèle.
Les néologismes involontaires sont particulièrement fréquents dans le
domaine sémantique : cf. § 210.
Disparitions d e mots.
S i d es m o t s n o u v e a u x a p p a r a i s s e n t , d es m o t s s o n t s o rt i s d e
l'usage t o u t a u lo n g d e l'histoire d u fra n ça is.
Il y a là-dessus, dans les Caractères de La Bruyère ( X I V , 73), un développe-
ment célèbre, d'où nous tirons ce passage : « + L'usage a préféré [...] dans les verbes,
travailler à ouvrer, être accoutumé à souloir, convenir à duire, faire du bruit à bruire, inju-
rier à vilainer, piquer À poindre, faire ressouvenir à ramentevoir... ; et dans les noms,
pensées à pensers, un si beau mot, et dont le vers se trouvait si bien ! grandes actions à
prouesses, louanges à los, méchanceté à mauvaistié, porte à huis, navire à nef, armée à ost,
monastère à monstier, prairies à prées, »
Comme le notait déjà La Bruyère, il est souvent difficile de savoir
pourquoi tel mot a disparu. On invoque le besoin de mettre fin à une homo-
nymie gênante, à une brièveté excessive, à une surcharge sémantique, la pré-
férence pour un verbe régulier ou pour un mot plus expressif.
Ouvrer « travailler » avait une conjugaison en partie semblable à celle
d' ouvrir. — Aé « âge » devait aboutir à *é. — La surcharge sémantique entraîne moins
la disparition totale que la réduction de sens : ce fut le cas pour traire « tirer ». —
Choir, verbe irrégulier, a cédé la place à tomber. — Goupil sl été remplacé par renard,
d'abord nom propre répandu par le Roman de Renart, œuvre à succès.
Mais ces raisons ne sont pas des lois. Louer résiste à l'homonymie avec louer
« vanter » et à une polysémie qui devrait être gênante : « donner en location » et
« prendre en location », — Les mots très brefs ne manquent pas en fr. : eau, haut, haie,
hait, août, hie, an... — Un verbe comme tirer a hérité de la polysémie de traire. Etc.
La raison qui reste la plus sûre est la disparition de la réalité désignée :
par ex., hiivre ; son synonyme castor, empr. du latin, est un mot livresque, un
terme de zoologie. Cette raison est particulièrement efficace dans le
domaine de la civilisation : par ex., l'adoption du système métrique a rendu
progressivement désuètes les anciennes mesures.
La disparition peut aussi ne pas être totale : c'est le cas des archaïsmes
traités dans le § 150.
c) On parle aussi d'archaïsmes pour des mots, des formes, des cons-
tructions, etc. qui s'employaient librement dans une époque anté-
rieure et qui ne subsistent plus que dans des emplois isolés, figés :
Férir dans sans coup férir (§ 8 7 8 , 1 4 ) ; ce tonique dans sur ce, etc. (§ 703, c).
Autres ex. § 182, a, N. B.
Certains emplois appartiennent en même temps à plusieurs
catégories : avant que de reste vivant dans la langue parlée par les cam-
pagnards de l'Île-de-France et de l'Orléanais, tandis que des écrivains
y recourent à l'imitation des classiques (§ 1039, a, 2°) ; les féminins en
-eresse auraient pu être cités ici.
Article 2
Le fonds primitif
B O L e fonds latin.
Le fonds essentiel du français est constitué par le latin importé
en Gaule à la suite de la conquête romaine (cf. §7, a).
C'est le fonds essentiel parce que ce sont les mots qui existent
en français depuis que celui-ci existe, qui n'ont d'autre date de nais-
sance que celle du français même (alors que les mots d'emprunt et les
formations indigènes sont apparus dans l'histoire du français à un K 9 I U I REMARQUE
moment donné). 0 3 Le fait que les dict. donnent une date pour les
mots du fonds primitif ne doit pas induire en
C'est aussi le fonds essentiel parce que c'est de là que provien- erreur : c'est la première attestation dans un
texte et non une date de naissance (il en est
nent les mots les plus fréquents, presque tous les mots-outils indis- d'ailleurs souvent de même pour les emprunts
pensables et aussi les mots qui désignent les réalités fondamentales et pour les formations indigènes).
de la vie : naître, vivre, aimer, mourir, manger, dormir, boire... K E I I M L REMARQUE
Les vingt mots les plus fréquents du lexique français actuel sont tous venus du Il ne faut pas co n fo n dre le latin vulgaire avec
fonds primitif latin. Cest aussi le cas de 82 des cent mots les plus fréquents, les autres étant le bas latin o u latin postclassique.
pour la plupart (14) formés en français de mots venus du latin (oui, alors, dans, articles con-
E U B R I REMARQUE
tractés, etc.) ; restent les trois onomatopées ah, oh, hein (§ 200), et le cas complexe de petit.
Le le xique latin passé e n français par voie
Dans un théorème de géométrie comme LE CARRÉ construit SUR L 'hypoténuse p o p ulaire n'était pas constitué seule m ent de
D'UN triangle rectangle EST équivalent À LA somme DES CARRÉS construits SUR LES DEUX m ots pro pre m e nt latins.
AUTRES CÔTÉS, les mots appartenant au fonds primitif sont la majorité. Les Latins avaient conservé certains mots des
langues existant en Italie avant leur arrivée,
Le latin importé en Gaule est un latin parlé, qu'on appelle tra- notam ment de l'étrusque : on a expliqué ainsi
ditionnellement latin vulgaire. 0 3 les étymons de f e n ê tre, p erso n n e, p uits, t avern e,
etc. — Les Latins ont aussi emprunté des mots à
Du point de vue lexical, ce latin avait abandonné un certain nombre diverses langues, parfois difficiles à déterminer
de mots de la langue classique et littéraire et il connaissait d'autre part des (c'est le cas pour ca b allus). Il faut mentionner
spécialement les mots grecs intégrés au latin
mots et des sens qu'ignorait le latin littéraire. Ceux-ci se retrouvent en fran-
parlé et par suite transmis au fr. par voie orale :
çais et dans les autres langues romanes, tandis que les premiers ont disparu. b e urre, ch ère (d'abord « visage »), cor d e, e ncre,
Mots disparus : equus, remplacé par caballus, d'où vient cheval [ S ; puer, rem- ja m b e, m oin e, p er d ri x , p rê tre, etc. — Sur les mots
placé par infans, qui en lat. class. signifiait « petit enfant », d'où vient enfant ; crus gaulois et germaniques, voir le § 152.
remplacé par gamba « patte », d'où vient jambe ; pulcher, remplacé par les synonymes
formosus et bellus, en lat. class. «joli », d'où vient beau ; etc.
Mots propres au lat. vulg. : *amicitas (d'où amitié), lat. class. amicitia ; pausare
(d'où poser) ; culus (d'où cul) ; *cloppicare (d'où le verbe, clocher), dér. de l'adj. cloppus
« boiteux », lui-même populaire ; etc. — Sens propres au lat. vulg. : collocare
« placer » a pris le sens de coucher ; coxa « hanche » désigne la cuisse ; spatula
« cuiller » est appliqué par métaphore à l' épaule ; etc.
Le lat. vulg. a aussi réduit le nombre des formes irrégulières, substituant par
ex. *potére (d'oà pouvoir) kposse ; *éssere (d'où être) à esse ; "usâre (d'où user) à uti.
Ce latin parlé a subi de profondes modifications par l'applica-
tion des lois phonétiques (§§ 51-82) :
Augûstum > lat. vulg, *agosto (c'est e n c o r e la f o r m e de l'ital. et de l'espagnol) >
anc. fr. aost > fr. moderne [u] écrit août (§ 91, b, 5°, N. B. 2).
n u L e s u b s t r a t e t l e s u p e r s t r a t (cf. § 7, b, c).
a) T o u t en adoptant le latin, les habitants de la Gaule ont gardé
un certain nombre de mots de leur langue propre, le gaulois.
Voici quelques-unes de ces survivances passées dans le fr. : bassin, bouc,
cervoise, dru,jante, lie, marne, tan...
Quelques mots gaulois avaient été empruntés par le latin commun, ce qui
explique leur présence dans l'ensemble des langues romanes : lat. cambiare, fr.
changer ; lat. carrus, fr. char. — En mettant ensemble tous les restes (directs
ou indirects) du gaulois dans le fr. actuel, on n'arrive pas à cent mots.
À travers le gaulois et le latin de Gaule, nous avons aussi conservé
quelques mots de la langue qui y était parlée avant celles-là : ajonc,
motte, pot, roche...
b) Les mots que le français a gardés du francique, langue des
Francs, attestent l'importance de ce peuple en Gaule à la suite
des invasions. Ils concernent des domaines très variés :
Baron, blé, blesser, danser, épeler, étrier, gage, gant, gaufre, gravir, haie, haïr,
hareng, hêtre, laid, maint, moue...
Un certain nombre de mots d'origine francique ont disparu avec
le recul des institutions que les Francs avaient introduites et avec le
retour du droit romain notamment.
Il est souvent difficile de distinguer l'apport francique et l'influence ger-
manique que le latin avait subie avant les invasions et qui résultait notamment
de la présence de guerriers germains dans l'armée romaine. Du fait que les
mots suivants ont leur équivalent dans les autres langues romanes, on les con-
sidère comme appartenant à cette première couche : banc, blanc, braise,
épeautre, frais (adj.), garder, guerre, harpe, rôtir...
Si l'on met ensemble tous les restes du germanique ancien (mots
d'origine francique ou emprunts antérieurs aux invasions) dans le
français actuel, on arrive à près de 400 mots.
Article 3
Les emprunts
B Généralités.
O n appelle e m p r u n t s les éléments qu'une langue, au
cours de son histoire, a pris à d'autres langues.
emprunts sont passés ordinairement par l'intermédiaire des langues °Vulgum pecus paraît plutôt une maladresse,
peut-être par imitation des expressions d'Horace
en contact direct avec le français (§ 159). servum p ecus (= troupe servile) et p ro fa n u m vul -
g us (= foule ignorante). C e barbarisme associe
L e latin. deux noms neutres p ecus et vulg us, en donnant
à ce dernier la forme d'un adjectif neutre. O n
On trouve en français un très grand nombre de mots (dits peut regretter qu'il se soit fait une place même
savants) d'origine latine, mais qui n'ont pas suivi l'évolution phonétique dans la langue littéraire : A ssis sur les b arres d e
l'a m p hit h é â tre avec le VUIOUM PECUS (VERCORS,
des mots (dits populaires) qui constituent le fonds primitif (§ 151). R I Ba t aille d u sile nce, p. 33). — Autres ex. : C O U R TE -
Dans les mots savants, en général seule la terminaison est adaptée. UNE, Lin o tt es, VII ; CRITICUS, Style a u m icrosco p e,
Quand un même mot latin est représenté par deux formes, l'une populaire t . I V , p . 4 3 ; M . DE SAINT PIERRE, N o uve a u x p rê tres,
p . 1 3 3 ; G I O N O , D ésert e ur, p . 1 4 1 ; LE R O Y LADU-
et l'autre savante, on parle de doublets : cf. § 146, a. RIE, C arn aval d e Ro m a ns, p. 208.
Ces emprunts au latin apparaissent très tôt. Ils étaient d'autant plus
faciles que les ressemblances entre lefrançaiset le latin restaient très sensibles
et que les premiers textesfrançaiss'inspirent de sources latines. D'ailleurs, en
anc. fr, les emprunts se font au latin médiéval plutôt qu'au latin classique.
Dans la Vie de saint Alexis ( X I e s.), on a compté une quarantaine de mots
savants : afflictiun, celeste, chancelier, creature, deces, decliner...
En moyen français (XIV e -XVI e s.), au moment où notre langue con-
currence le latin dans des domaines réservés jusqu'alors à celui-ci, les
emprunts se font particulièrement nombreux. Ils servent à compléter certai-
nes lacunes du lexique, notamment du côté de l'expression abstraite. Cepen-
dant bien des latinismes s'expliquent, non par un besoin objectif, mais par le
souci de donner au français les qualités mêmes que l'on attribuait au latin :
1 1 1 B E I REMAR QUE ces emprunts-ci concurrencent des mots du fonds primitif. U J Ils pou-
Rabelais se moque des la tinise urs quand il fait vaient eux-mêmes avoir été empruntés au grec.
p a rl e r V esch ollier li m o u si n (Pa n t . , V I ) : N o us tra ns -
fré t o ns la Sé q u a n e a u dilucule e t cré p uscule ; C'est pour les mêmes raisons que l'orthographe des motsfrançaisest
n o us d é a m b ulo ns p ar les co m pit es e t q u a d rivie z refaite d'après la forme des mots latins : cf. § 90, b.
d e l'ur b e, etc. = Nous traversons la Seine à l'aube
et au cré p uscule ; nous d é a m b ulo ns par les carre- Cette mode passera, mais le latin continuera d'être jusqu'à nos
fours de la ville. (Co m m e on voit, deux des mots
dont Rabelais se moque sont entrés dans la lan- jours un réservoir où l'on puise largement, en particulier pour cons-
gue com mune.) tituer le vocabulaire moderne des sciences et des techniques.
Par l'intermédiaire des mots d'emprunt, des suffixes et des préfixes
sont intégrés au système traditionnel de la dérivation : -al, -ation, -ateur, in-,
etc. concurrencent et parfois remplacent les formes populaires -el, -aison,
-eur, en-. — On a aussi fabriqué des dérivés français sur des radicaux latins.
Par ex., g allicis m e « construction propre au français » est fait sur le latin g alli -
cus « gaulois » pris dans le sens de « français ». — Voir aussi § 167, b , 2° ; pour la
composition, §§ 183,185-186.
m L e grec.
Avant le X V I e s., le grec n'a donné des mots au fr. que de
manière indirecte, par l'intermédiaire du latin, que ce soient des mots
du fonds primitif (§ 151, R3) ou des emprunts savants (§ 154) ; cet
apport est important.
À partir du X V I e s., on puisera directement dans le grec. On en
tirera des mots : enthousiasme, phénomène... au X V I e s. ; plus tard, dyna-
mique, graphique, hippique... Mais surtout le grec va fournir des élé-
ments de composition fort nombreux, qui jouent un rôle considérable
dans le lexique moderne des sciences et des techniques : voir §§ 184-186.
Les éléments répertoriés à cet endroit servent aussi de base à beaucoup
de dérivés : gastrique, graphie, hippisme, thermique... — Il y a bien d'autres bases,
parfois avec des sens éloignés de leur sens originel : margarine de pâpyapov
« perle » ;pyélite « inflammation du bassinet du rein » dejtt>eAoç« baignoire ».
HQE13 L'italien.
Dès le Moyen Âge, le français a emprunté à l'italien des mots con-
cernant les finances (banque, million), le commerce (trafic), la diplomatie
(ambassade), l'armée (alarme, canon), etc.
Mais c'est au X V I e s. que l'italien a eu la plus forte influence, dans
les domaines déjà signalés, mais aussi pour tout ce qui concerne la façon
• S K M REMAR QUE de vivre : caleçon, appartement, parasol, sorbet, carnaval, moustache, etc. Q
Henri Estienne s'est moqué des snobs du temps Soit plus de 450 mots, d'après T.E. Hope, Lexical Borrotving in the
qui farcissaient leurs discours de mots italiens :
l'ay b o n n es ja m b es (d e q u oy D ie u soit RINCRATIÉ Romance Languages, t.1, 1971, p. 148 (91 mots au XV e s.), et les trois
[= remercié]), m ais j'ay b a t u la STRADE [= ruel d esja quarts auraient subsisté. Cela a entraîné l'emprunt de suffixes (§ 163, b , 2°).
t o u t ce m a tin, e t n'est oit cela, il m e BASTERET L'ANIME
[= il serait en mon pouvoir] d'acco m p a g n er vostre Par la suite, le français a continué à emprunter à l'italien, en particu-
seig n o urie (D ialo g u es d u n o uve a u la n g a g e fra n - lier pour la musique : opéra, piano, solfège, maestro...
çois it alia ni z é, cit. Br u n o t , Hist., t. Il, p . 2 0 2 ).
On évalue à plus de 800 les mots français d'origine italienne.
L'an glais. E S K S I M A REMARQUE.
Be a u co u p d e m ots e m pruntés à l'anglais
A date très ancienne, le français a pris quelques mots à l'anglo- avaie nt été pris par celui - ci au français o u au
saxon (ancêtre de l'anglais), surtout en rapport avec la mer : bateau, n or m a n d : cf. § 146, b .
mouette, noms des points cardinaux. Peu d'emprunts au Moyen Âge.
Au X V I I e s., le développement de la marine et du commerce anglais
explique l'introduction de paquebot, tonnage, flanelle, importer, etc.
Mais c'est à partir du X V I I I e s. que l'admiration pour le régime
politique anglais va provoquer une véritable anglophilie. On imite les
façons de vivre des Anglais et on leur emprunte leurs mots : redin-
gote, whisky, rosbif, whist, magazine, spleen, partenaire, sentimental, etc.
Ce mouvement continuera jusqu'à nos jours en s'amplifiant. Il
trouve des justifications nouvelles dans la prospérité économique de
l'Angleterre, relayée au X X e s. par les Etats-Unis. Il trouve aussi un
appui considérable dans le fait que l'anglais sert de langue de commu-
nication même pour des gens dont ce n'est pas la langue maternelle.
Tous les domaines sont touchés : la marine, le chemin de fer, le com-
merce, l'industrie, la finance, la politique, la mode, les sports (à partir du
X I X e s.), l'armée, l'aviation, la science, etc. Le Dictionnaire des anglicismes de
J. Rey-Debove et G. Gagnon (1980) compte plus de 2620 anglicismes, dont
1500 considérés comme vivants. Pourtant, ce répertoire n'était pas sans
lacunes, et, depuis, les importations ne se sont pas ralenties.
Une telle invasion ne favorise pas la communication, d'autant que, pour
l'usager moyen, beaucoup de mots anglais présentent des difficultés de pro-
nonciation et d'orthographe. Beaucoup de ces mots sont aussi d'une utilité
contestable, surtout lorsqu'ils concurrencent des mots bienfrançais(O. K.).
O n comprend que cela rencontre des adversaires énergiques, parmi lesquels
Etiemble, à la suite de qui on appelle souvent franglais ce français mâtiné d'anglais.
L'opposition est devenue officielle, d'abord au Québec, puis en France. Des listes de
substituts recommandés par des commissions ministérielles et faisant l'objet d'arrêtés
impératifs paraissent depuis 1973 dans le Journal officiel de la République française.
Voir le Dictionnaire des termes officiels de la langue française, 1994. Ex. : grande classe
[grand standing], salle de séjour [living-room], bouldozeur ou bouteur [bulldozer], conte-
neur [container], surjeu [play-back], palmarès [bit-parade], voix hors champ [voix off],
aéroglisseur [hovercraft], etc.
Certaines substitutions ont réussi, dans les sports notamment, parfois dans
des domaines où la technique américaine est en pointe, comme ordinateur, logiciel, dis-
quette (qui ont évincé computer, software, floppy dise). Remplacer les anglicismes n'est
pas toujours facile, surtout si les substituts proposés sont ambigus, polysémiques. f T I K E I K S 3 REMARQUE.
Le voisinage des Etats-Unis rend le Québec particulièrement perméa- Cf. : Elle se la ncerait d a ns u n e id é e d e t o urs -
PARKINGS. Su bit e m e n t soucieux d e la n g a g e
ble à l'introduction de mots anglais, lesquels y sont prononcés ordinaire-
n o ble, il rectifia : / « TOU/S-CARACES. / - Perso n n e
ment d'une manière plusfidèleà la prononciation anglaise que sur le Vieux n e co m p re n d ra. Les g ara g es e x ist e n t surt o u t
Continent. On observe en même temps une résistance plus organisée, même p o ur les ré p ara tio ns [...]» (J. ROY, Saiso n d es z a,
contre certains anglicismes bien introduits en Europe (week-end). p. 1 72).
Le goût de l'anglicisme va jusqu'à faire naître en France des mots qui
n'existent pas en Angleterre ou qui n'y ont pas le sens qu'ils ont en fr. : auto-
coat, footing, shake-hand, wattman... ; cf. aussi § 187, b. dl • H K S 3 REMARQUE.
Des mots français ont reçu des sens nouveaux sous l'influence des C eci est à distinguer des mots qui, après avoir
été empruntés en français, y ont subi des réduc-
équivalents anglais : tions qui les ont éloignés de l'em ploi anglais :
Pertes SÉVÈRES, CONTRÔLER le ballon, armes CONVENTIONNELLES, la s m o k in g - jac k e t, réduit à s m o k in g, donne à ce
PLATE-FORME électorale d' un parti, /'ADMINISTRATION ( = gouvernement) Bush, dernier un sens bien différent du sens anglais
(« action de fumer »).
DISPOSER d' un adversaire (= le vaincre), COUVRIR un événement (= s'en occuper, en
parlant d'un journaliste), etc.
Ces significations nouvelles sont surtout regrettables lorsqu'elles
rompent avec la sémantique du mot français et de sa famille.
°Montre DIGITALE ( = à affichage numérique), °un vendeur AGRESSIF
( = entreprenant), ° n é g o c i e r « réussir, venir à bout de » : Tu t ' exerces d'abord à l' échelle
horizontale, puis à la barre fixe. La corde à nœuds est moins aisée à NÉGOCIER
(Al. BOSQUET, Enfant que tu étais, p. 2 4 0 ) .
D autres innovations, même si elles se produisent sous l'influence de
l'anglais, auraient pu se faire sans cette influence.
Ainsi, réaliser doit à l'anglais (le premier ex. est traduit de cette langue) le sens
K 9 E E S REMARQUE. « prendre conscience (de) », mais ce n'est en somme qu'une application particulière
G i d e a plaid é plusieurs fois p our ce t e m ploi : (« dans son esprit ») du sens fondamental « rendre réel, donner la réalité ». L'usage lit-
« N o us e n avo ns b esoin » (In ci d e n ces, p. 75).
téraire a, en tout cas, pleinement admis le nouvel emploi C E I aussi bien avec une pro-
Il faut naturellement, éviter les ambiguïtés. Il paraît
que la phrase L'é t a t - m ajor fra nçais a plein e m e n t position qu'avec un syntagme nominal comme objet : Il me semblait [...] impossible de
RÉALISÉ les in t e n tio ns e n n e m ies, imprimée pendant RÉALISER le total de misères que j'avais endurées [...]. On se rappelle bien les incidents,
la guerre de 1914, a causé un scandale : cf. Nyrop, mais non plus les sensations (BAUDEL., trad. de : Poe, Aventures d'A. G. Pym, X I V , dans
dans les Méla n g es A . T h o m as, 1927, pp. 319-322. le Moniteur universel, 2 1 mars 1857). — Ce fut seulement en me retrouvant hors de la
chambre où j'avais reçu cette tragique confession que j' en RÉALISAI la conséquence immé-
AUTRES EXEMPLES.
BLOY, F e m m e p a uvre, p. 1 3 6 ; BOYLESVE, Elise, diate (BOURGET, Drames de famille, p. 55). — Quant à la perte quej'avais faite, comment
p. 186 ; SÉCALEN, Re n é Leys, 1962, p. 252 ; BOR- l' eussé-je RÉALISÉE ? (GIDE, Si le grain ne meurt, I, 3.) — Elle fit effort pour RÉALISER que
DEAUX, D éclassés, p. 48 ; BREMOND, Â m es reli - [...] rien ne serait différent dans ce décor (MONTHERL., Songe, X V I I ) . — Edward RÉA-
gie uses, p. 1 0 1 ; J A L O U X , Alcyo n e, IX; ESTAUNIÉ, LISA [...] son désastre (MAURIAC, La chair et le sang, V I I I ) . — Nous RÉALISONS que ce
La b yrin t h e, p. 276 ; J. et J. THARAUD, Marra k ech, monde extérieur et notre monde intérieur, ils correspondent (CLAUDEL, L ' œil écoute,
p . 6 3 ; V A U D O Y E R , Rein e éva n o uie, p . 2 5 ; GREGH,
p. 192). — J e n 'ai aucune envie. Sauf peut-être [...] de RÉALISER en silence toute l'impor-
 g e de f er, p. 1 5 5 ; ROMAINS, C o p ains, L. P . ,
p. 141 ; BERNANOS, Joie, p. 51 ; CENDRARS, O r,
tance de cet événement extraordinairè (SARTRE, Nausée, M. L. F., p. 195). — Bea B.
XXXVIII; DAUZAT, N o m s d e fa m ille d e Fr., RÉALISA que la question s'adressait à elle (LE CLÉZIO, Guerre, p. 208). H
p . 2 7 9 ; ARAGON, C loch es de Bâ t e, II, 6 ; C H A M -
SON, H érit a g es, I, 2 ; SCHLUMBERGER, Ma d . et
Opportunité dans le sens d'« occasion favorable » est enregistré par Littré et
A C id e, p. 106 ; SIEGFRIED , dans le Fig aro litt., l'Ac. (depuis 1718), mais a sans doute été revivifié par l'anglais : Paul VI avait aussi la
9 févr. 1952; A. F R A N Ç O I S - P O N Œ T , ib ., 22 oct. vertu d' espérance, et [...] il accueillait [...] toute OPPORTUNITÉ d' en témoigner
1 9 6 0 ; VAILLAND, D rôle d e je u, IV, 6 ; BEAUVOIR, (DRUON, dans le Monde, 27 août 1978). — C' eût été d'abord une OPPORTUNITÉ pour
F orce d e l'â g e, p. 498 ; etc. visiter la maison (RLNALDI, Roses de Pline, p. 292).
L e s a u t r e s la n g u es voisines.
a) L'allemand prend immédiatement le relais du francique (§ 152,
b). En effet, l'influence exercée par l'allemand s'étend sur toute la
durée de l'histoire du français, sans qu'il y ait de période vraiment
favorisée. Beaucoup de mots ont rapport avec les choses militaires :
hallebarde, bivouac, balte, bavresac, képi... D'autres concernent la vie
courante : choucroute, quenelle, trinquer, blottir, hase, valse...
Il faut mentionner aussi le rôle important joué par l'Allemagne,
surtout au X I X e s., dans la technologie moderne : gangue, zinc,
potasse..., — ainsi qu'en philosophie et dans les sciences humaines :
statistique, subjectivité... Au total, environ 150 mots.
b) Jusqu'au XVI e s., c'est par le comté de Flandre,fiefbilingue du roi
de France, que s'exerce surtout l'influence du néerlandais ou plus
exactement du flamand (néerlandais du Sud).
Ces mots concernent notamment la m e r : amarrer, cabillaud, dune...-, la
draperie : nope... ; les métiers et la vie quotidienne : brodequin, bière, vilebrequin...
A partir du XVII e s., le fournisseur est plutôt le néerlandais du
Nord et il introduit souvent des mots plus techniques, concernant
notamment la marine : accore, affaler... ; la diamanterie -.cliver... ; etc.
Le total de ces mots dépasserait 200, même si on néglige le fait que
le fr. du Nord et de Wallonie connaissent des emprunts qui ne se sont
pas répandus dans le fr. commun : drève « allée plantée d'arbres », etc.
c) L'espagnol a donné un assez grand nombre de mots (environ 300),
répartis sur l'histoire dufrançaiset qui concernent des domaines variés :
abricot, anchois, caramel, cigare, embarrasser, disparate,fanfaron, romance,
sieste... Il a surtout servi d'intermédiaire pour les mots provenant des
régions colonisées par l'Espagne, en Amérique principalement.
d) L'occitan (ou provençal) a donné des mots assez régulièrement au
français. Au Moyen Âge, la poésie des troubadours explique l'emprunt
d'un mot comme ballade. Après le déclin de la littérature occitane, les
emprunts concernent la vie quotidienne (comme ceux que l'on fait aux
dialectes d'oïl) : abeille, auberge, badaud, cadastre, cadenas...
• H 1 REMARQUE.
Au franco-provençal, le fr. doit notamment des mots en rapport avec les
C'est souvent p our des raisons p h o n étiq u es
q ue l'o n attrib ue tel o u tel m ot à un dialecte : Alpes et souvent d'origine pré-indo-européenne : avalanche, chalet, mélèze...
par ex. le m aintien d e c d evant a dans b ercail, e) Les dialectes ont fourni un petit contingent de mots, ordinaire-
câ ble, caillo u... ment par l'entremise des français régionaux. Q
Par ex., le normand : s' égailler [egAje], pieuvre, enliser..., ainsi que des mots
Scandinaves apportés par les Vikings installés en Normandie : agrès, cingler,
flâner, varech... ;
Le picard : caboche, badine, rescapé ;
Le wallon [WA15] : estaminet, faille, grisou, houille...
Au breton (dialecte celtique) le français doit une quinzaine de mots :
bijou, cohue, darne,goéland, mine (« apparence »).,.
f) L'argot (cf.§ 13, c), fournit surtout des mots à la langue populaire
(ou familière) de Paris, parfois de France, mais plus rarement au fran-
çais populaire au-delà de la frontière politique (le service militaire est
sans doute l'agent principal de diffusion). Certains mots pénètrent
cependant dans la langue commune, soit avec des sens en rapport avec
l'origine : cambrioleur, pègre ; — soit sans rapport sensible avec cette
origine : abasourdir, loufoque, maquiller, mégot, narquois,polisson...
A u t r e s langues.
Les autres langues, puisqu'elles ne touchent pas au territoire
français, ont d'ordinaire exercé leur influence par des intermédiaires.
a) Le portugais a donné au français des mots par voie écrite. Certains
désignent des réalités exotiques (Afrique, Asie, Brésil) ou d'abord
exotiques : caste, fétiche, pintade. Cela résulte du rôle important joué par le
Portugal dans la colonisation. De là aussi la transmission par le portugais
de mots eux-mêmes d'origine exotique : acajou, ananas, cobaye, tapioca...
b) L'arabe, auquel on attribue plus de 250 mots, nous les a fournis le plus
souvent par l'espagnol, l'italien, le provençal ou le latin du Moyen Âge.
Beaucoup de ces mots sont importants pour l'histoire de la
civilisation : azur, chiffre, coton, douane, hasard, luth, sucre, zénith... —
Les mots arabes passés par l'espagnol ont souvent gardé l'article
arabe : ALchimie, ALcool, ALgèbre, ËLixir...
Avec la conquête de l'Algérie, le français est entré directement en contact
avec l'arabe. L'argot militaire servant d'intermédiaire, ces mots appartiennent
souvent à un registre familier, parfois très familier : barda, bled, kifikif, maboul,
matraque, nouba...
c) L'hébreu a surtout une influence par les traductions de la Bible,
c'est-à-dire par l'intermédiaire du grec et du latin. Ces mots sont sou-
vent restés dans le domaine religieux : abbé, alléluia,pâque(s)... Quel-
ques-uns sont entrés dans la langue tout à fait commune : chérubin,
jubilé, samedi, zizanie...
D'autres influences sont moins visibles, parce qu'elles ont la forme de
calques : parabole, le démon de midi... ; un tour superlatif comme le roi des rois
« le plus grand des rois » (§ 1001, b) [il n'était pourtant pas inconnu de la tra-
dition latine] ; Dieu de majesté (§ 348, c).
d) La colonisation a mis les pays occidentaux en contact avec le
monde entier, mais la France et la Belgique n'y ont joué qu'un rôle tar-
dif et assez limité. C'est pourquoi les mots exotiques sont venus d'ordi-
naire par l'espagnol, par le portugais, plus tard par l'anglais, parfois par
le néerlandais. En particulier, la découverte de l'Amérique a révélé
beaucoup de produits qui se sont vulgarisés sur le Vieux Continent
sous des noms dont la forme est due à l'intermédiaire espagnol (parfois
portugais : cf. a) : cacao, caoutchouc, chocolat,patate, tabac, tomate...
e) Pour être complet, il faudrait mentionner bien d'autres langues
encore, comme les langues slaves et le hongrois, pour lesquels l'alle-
mand a souvent servi d'intermédiaire.
À l'époque toute moderne, les voies de pénétration sont
multiples : relations commerciales et politiques entre pays éloignés ;
traductions d'ouvrages en toutes langues ; transmission rapide des
informations ; etc. Les intermédiaires ne sont plus indispensables.
Le renversement du shah en Iran (1979) a eu pour conséquence de diffu-
ser aussitôt dans le monde entier des mots pour ainsi dire inconnus
jusqu'alors, comme ayatollah.
Article 4
Les formations françaises
Ë H I BIBLIOGRAPHIE. Généralités. Q
J. THIELE, La f or m a tio n d es m o ts e n fra nçais
m o d ern e, trad. A. Clas., Montréal, Presses de Les formations françaises, ce sont des innovations dues aux
l'Université, 1987. - G. HAENSCH et
A . LALLEMAND-RIETKÔTTER, Wort bild u n gsle hre locuteurs français eux-mêmes, ordinairement à partir des mots
d es m o d ern e n Fra n z ôsisch, Munchen, Hueber, préexistants (ou d'une base préexistante : § 167, b, 2°), ceux-ci pou-
1972.
vant appartenir au fonds primitif, être des emprunts ou être eux-
H H REMARQUE. mêmes des formations françaises. O
Lorsqu'il s'agit d e m ots form és sur des élé -
m ents d'origin e latine o u grecq u e, il est sou-
Ces formations peuvent résulter : soit de l'addition d'un élément non
ve n t difficile d e savoir dans q u elle langue autonome, d'un affixe, à un mot ou à une base préexistants ; c'est la déri-
occid e n tale ils sont nés. Se ules la chronolo - vation (§§ 161-176) ; — soit de la combinaison de mots préexistants ; c'est
gie et / o u l'histoire d es ch oses ainsi désig nées
p erm ettent d e dire q u e stylistiq u e (1 8 7 2, e n la composition, à laquelle nous rattachons la composition au moyen de
fr. ; 1800, e n alle m.) et d yn a m it e (1 8 7 0, e n mots étrangers (§§ 177-187) ; — soit de la modification d'un mot préexis-
fr. ; 1867, e n angl. [brevet pris e n A n gleterre
tant, dans sa forme (§§ 188-193) ou dans sa nature (§§ 194-199).
par le Su é d ois N o b e l]) sont des e m prunts.
O n pourrait aussi ranger parmi les form ations Il faut y j o i n d r e les m o t s tirés d ' o n o m a t o p é e s (§ 2 0 0 ) et les rares m o t s
françaises les fau x latinismes et les fau x angli- créés d'une m a n i è r e t o u t à fait arbitraire (§ 2 0 1 ) .
cism es dont il a été q uestion aux §§ 154, RI,
L e p h é n o m è n e de l'évolution s é m a n t i q u e est traité dans une autre
et 157.
section : §§ 2 0 8 - 2 1 0 .
• H 1 BIBLIOGRAPHIE.
D. CORBIN, Mor p h olo gie d ériva tio n n elle e t struc - I. LES DERIVES
t ura tio n d u le x iq u e fra nçais, Tubingen, Nie-
meyer, 1988, 2 vol.
O l Définitions. Q
REMARQUE.
Le m ot prée xistant est d'ordin aire un m ot La dérivation est l'opération par laquelle on crée une nouvelle
français. Mais il y a des d érivés français faits unité lexicale en ajoutant à un mot existant un élément non auto-
sur des m ots latins o u grecs : cf. § 1 67, b , 2°. nome ou affixe.
E X C M BIBLIOGRAPHIE
J. DUBOIS, Et u d e sur la d ériva tio n su ffi x ale e n
Si cet élément est placé après le mot existant O (ou la base :
fra nçais m o d ern e e t co n t e m p orain, P., Larousse, § 143), il s'appelle suffixe, et l'opération suffixation (A, ci-dessous). Si
1962. — É. PICHON, Les p rincip es d e la su ffi x a -
tio n e n fra nçais, P., d'Artrey, 1942. — cet élément est placé avant le mot préexistant, il s'appelle préfixe, et
Th. DEBATY, T h é orie f o nctio n n elle d e la su ffi x a -
tio n, P., Les Belles Lettres, 1986. l'opération préfixation (B, ci-dessous).
E S I M I REMAR QUE -ail [du lat. - a c u l u m ], très vivant en anc. fr., a donné des noms désignant des
D é p o uille ur est « rare », constate le Ro b . instruments : épouvantait, éventail,fermait, gouvernail.
2001 . M ais le lecte ur de l'e x. n'a pas cons- -ain [lat. -anum] a donné des noms désignant des personnes, notamment
cie nce d e se tro uver d evant un m ot étran g e : des habitants, et aussi des adjectifs : Américain, diocésain.
Les esclaves en f uit e, les DÉPOUILLEURS de -ain [du lat. -eni, avec influence du suffixe précédent] et son féminin -aine
ca d avres, les b rig a n ds d e la voie Salaria, les
(§ 598, c) ont donné des noms collectifs tirés de numéraux : quatrain, dizaine.
éclo p és du pont Su blicius (FLAUB., T e n t., é d .
-ange [d'origine obscure] a donné des noms d'action dérivés de verbes :
M., p. 221 ). — M ê m e ju g e m e n t d u Ro b . p our
t ort ure ur, q u e l'o n tro uve par ex. ch e z
louange, mélange, vidange.
DRUON (C irco nst a nces, t. III, p . 5 8 0 : TORTU- -é [du lat. -atum] a donné des noms désignant une dignité et le territoire sur
REURS d e la G est a p o), q u e son te m p éra m e n t lequel elle s'exerce : comté, duché, évéché [mais ces noms avaient aussi leur équiva-
n'inclin e pas au x aventures langagières. lent en latin tardif].
-il [du lat. -ile] a donné des noms désignant un endroit : chenil, fournil, chartil.
-oyer [du lat. -izare, empr. au grec -îÇetv ; forme savante -iser, § 170, a, 3] a
donné des verbes tirés de noms et d'adjectifs : guerroyer, rougeoyer. — Sur tutoyer,
vouvoyer, etc., voir § 167, b, 3°.
Parmi les suffixes peu productifs, on peut citer aussi -aste tiré de mots empr.
du grec comme gymnaste : cinéaste, téléaste (qui reste rare).
-ing [empr. à l'anglais] (pour la prononciation, voir § 32, b) est compris
comme suffixe dans parking, forcing, doping, camping, mais ne semble guère
encore s'appliquer à des radicaux purement français. — À plus forte raison, -er
[empr. aussi à l'angl.], comme équivalent de -eur dans les noms footballer, inter-
viewer, d'ailleurs concurrencés (plus systématiquement au Québec) par footbal-
leur, intervieweur. Voir aussi reporter et supporter au § 502, b, 3°.
N . B . Les locuteurs peuvent même être conscients de la dérivation dans des cas
REMARQUE.
où le suffixe n'a jamais été productif en français, mais où le français a
Il arrive aussi que les locuteurs sentent com me
emprunté le dérivé, alors qu'il possédait aussi le mot simple, soit comme
apparentés des mots qui ne dérivent pas l'un de
l'a u t r e : chie n, chio t ; r â t e a u , ra tisser ; fla m m e, appartenant au fonds primitif, soit comme emprunté : juste, justice ;
fla m m èch e ; p a n n e a u, p a n o nce a u. C f . § 1 4 5, b. avare, avarice ; offrir, offrande ; terre, terrestre ; alpe, alpestre (del'ital.). l : M
L A BASE
N a t u r e d e la base.
a) La base est dans la majorité des cas un nom, un adjectif ou un verbe.
Le nom est parfois un sigle: JOC [33k] (=Jeunesse ouvrière
chrétienne) -*• jociste, avec adaptation phonétique ; C. G. T. [se3ete]
(= Confédération générale du travail) ->• cégétiste, où les deux premières let-
tres sont remplacées par leur nom ; B. D. (qu'on écrit souvent bédé, § 191,
a) > bédéiste « auteur de bédés » (cf. Rob.). | jj REMAR QUE.
Certains suffixes s'emploient surtout avec des bases d'une catégorie D e U. L. B. ( = U niversit é lib re d e Bru x elles),
déterminée : par ex., -oir, -âge, -able, -eur et -euse s'attachent d'ordinaire à un o n a tiré ULBist e, d o nt la pro n o nc. [yelbist] —
verbe ; mais il y a des exceptions : bougeoir, pourcentage, etc. (§ 169, 3), charita- et n o n * [ylbist] — ne p eut être d evin é e par
les non - initiés.
ble, etc. (§ 169, 1), footballeur, etc. (§ 169, 30), bétonneuse (§ 165, a).
b) Autres cas.
Il y a quelques dérivés d'adverbes ou de mots appartenant à d'autres
catégories : quasi > quasiment (§ 968, j ) ; tu • tutoyer (§ 167, b, 3°) ; fichtre •
fichtrement (§ 968, j ) ; bis • bisser ; etc.
Le suffixe -ième transforme le déterminant cardinal en adjectif ordinal :
un * unième, etc. — Il s'applique aussi à des lettres servant de numéraux indéfi-
nis comme n, x, et, dans une langue considérée comme peu correcte, à l'interro-
gatif combien : n,ime ou énième, x' *" ' ou ixième,0combientième (§ 599, a, N. B.). —
Autres suffixes s'appliquant aux déterminants cardinaux : -ain, -aine (§ 164, b).
Nous traitons à part (§ 168) du cas où la dérivation se fait sur un nom
composé, une locution ou un syntagme.
F o r m e d e la base.
a) Il est assez rare que la base s'identifie au mot simple : poli
P O L I m e w f ; test ~> T E S T er.
S o u v e n t cette identité existe seulement du point de vue graphique :
fruit FRUITter ; courtois COURTOISie ; vin * VINasse ; — ou seu-
l e m e n t du point de vue p h o n é t i q u e : banane BANAN i e r .
ZAT, Noms de famille de Fr., p. 362 ; SIMENON, Vérité sur Bébé Donge, p. 105 ; HÉRIAT,
Famille Boussardel, X I ; GUTH, dans le Figaro litt., 16 juin 1951 ; DORGELÈS, Marquis de
la Dèche, p. 76 ; VAILLAND, Bon pied bon œil, II, 2 ; TROYAT, Grive, p. 115 ; CAYROL,
Corps étrangers, p. 58 ; DRUON, Bonheur des uns..., p. 73 ;J.-P. CHABROL, Bout-Galeux,
E 9 U & L REMARQUE.
p. 60 ; D. BOULANGER, Nacelle, p. 41 ; CESBRON, Traduit du vent, p. 162 ; BARTHES, O n em ploie aussi les périphrases dire t u, dire
dans Tel quel, automne 1971, p. 11 ; H. BAZIN, Qui j' ose aimer, XII ; REMACLE, 1.1, vo us : Si vo us m e dit es e ncore vo us, je m e fâch
p. 242 ; M. DE SAINT PIERRE, Écrivains, V ; IKOR, Semeur de vent, p. 161 ; LE ROY LADU- rai (HUGO, A n g elo, I, 2). — je vo us in t er dis d e m
RIE, Paris-Montpellier, p. 11 ; E. CHARLES-ROUX, Oublier Palerme, p. 307 ; etc. E 3 dire t u (MAURIAC, A s m o d é e, I, 3).
mand-français (non reçu par l'usage régulier) : Émile van Heurck m'a dit
qu 'il y avait vu pas mal de femmes FLAMANDES-FRANÇAISES (VAN GEN-
NEP, Folklore de la Flandre et du Hainautfr., 1.1, p. 49).
Dans les divers cas envisagés dans a et dans c, l'adjectif devient une épi-
thète par transfert, laquelle est logique seulement dans la locution ou
le composé de base (§ 323, b, 2°). — D'autre part, l'accord des adjectifs
pose des problèmes : La FRANC-maçonnerie (§ 556, b, 2°).
Des syntagmes presque total, quasi total, non belligérant, on a tiré aussi
par dérivation des locutions nominales : presque totalité, quasi-totalité,
non-belligérance. Mais ces adverbes s'emploient avec un nom en dehors
des cas où il y a eu dérivation : cf. § 179, b, 2°.
b) La dérivation peut se faire sur la base réduite à un seul de ses
éléments.
Volley-ball * volleyeur ; ping-pong - > pongiste ; seizième siècle *
seiziémiste ; Saint-Malo > Malouin ; Saint-]ean-de-Losne -> Losnais ; États-
Unis d'Amérique > Américain.
c) La dérivation se fait parfois sur le premier élément de l'ensemble,
surtout si ce premier élément a déjà donné un dérivé avec ce suffixe.
Conseil municipal conseiller municipal ; pot d' étain * potier d' étain ; jardin
d' enfants -* jardinière d' enfants ; résidence secondaire —> résidencier secondaire.
Cette dérivation fait perdre à l'adjectif sa justification première : cf. ci-des-
sus, a, 2°, N. B.
d) La base subit une inversion, le déterminant étant placé avant le
déterminé.
Afrique du Nord • Nord-Africain ; Corée du Sud • Sud-Coréen ; Allema-
gne de l'Est est-allemand comme adj. (le gouvernement est-allemand) ; Améri-
que latine Latino-Américain (pour -o, voir § 178, a).
Formation ancienne : valoir plus ->• la plus-value.
e) Ce qui est très fréquent, surtout au X X e siècle, c'est que la déri-
vation se fasse sur la forme latine de la base, — parfois même sur
une forme latine ou grecque (voire étrangère) qui n'est pas à l'ori-
wawm REMARQUE. gine des éléments constituant le syntagme ou le composé. (33
D a ns les form ations d écrites dans e, l'élé -
1° Le second élément (ordinairement nominal) reçoit une forme latine :
m ent suffixé tantôt e xiste aussi co m m e m ot
in d é p e n d a nt (n u p tial, co n j u g al, etc.) et tantôt Sous l'abdomen -* sous-abdominal ; sous la mâchoire * sous-maxillaire ;
n o n ("ce n triq u e, *éva /, *folier; *g est a tif, grand-père grand-paternel (admis dans Ac. 2 0 0 0 ) : Sur un ton d'amitié pres-
*p a gin ai', *p a trier, *st a t al). que GRAND-PATERNELLE (BEAUVOIR, Force des choses, p. 347).
C es procé d és, q ui ont leur origine dans le Il y a trois éléments : le bas Moyen Age bas-médiéval : Sur leur lancée
latin, se sont d évelo p p és a u XX e s., accen - BAS-MÉDIÉVALE et renaissante (LE ROY LADURIE, Carnaval de Romans, p. 60).
tuant, parfois sans nécessité, le caract ère 2° Le premier élément reçoit une forme latine ou grecque.
abstrait d u français.
Après de Gaulle->• le POST -ga u llism e ; plusieurs disciplines
PLURI dis c ipli n ai re ; de nombreux pays MULTInafiona/ ; contre les pellicules •
ANTI p e lli c u lai r e ; le Nouveau Testament > NÉO-testamentaire ; la Nouvelle-
Zélande NÉO - Z é la n dais ; la Gaule romaine -> GALLO -R o mai n (sur -o, voir
§ 178, a) ; autour du pôle ~> CIRCUM p o lai r e [siitkS-] ; hors de la patrie •
Expatrier ; au-dessus de la terre ->• SUPRAterrestre.
Les ex. sont innombrables : Politique pro-américaine ou anti-améri-
K M K E l REMARQUE
caine. Parti polycentrique (Robert 2 0 0 1 ) . Une commission extraparlemen- À l'art, p ro - , le Ro b . 2 0 0 1 m e ntio n n e
taire. !:<;! — Ex. individuel : L 'homélie postamoureuse [= après l'amour] (LA p ro - alle m a n d , p ro - a n glais. La suite - o a - (o u
VARENDE, Nez-de-Cuir, II, 2). — Voir aussi § 186, b (auto-). - o a n - ) paraît le g ê n er, mais il cite des ex.
3° Les deux éléments reçoivent une forme non française. a v e c p ro ara b e e t p ro a m éricain. Le T résor,
s. v. p ro - , m et un trait d'u nio n à tous les
• Tous deux ont une forme latine : sourd-muet • surdi-mutité J3jJ ; mort- co m p osés d o n t le seco n d élé m e nt est un
né -> mortinatalité (sur le -i-, voir § 178, a) ; deux fois par mois -> bimen- e t h niq u e à initiale v ocali q u e.
suel (§ 600, b) ; Moyen Âge ' médiéval ; avant le déluge » antédiluvien ;
E E I S C S I REMARQUE
avant le mariage > prénuptial ou préconjugal ; entre les feuillets * Le T résor (s. v. e x tra - ) d o n n e d e c e mot seule -
interfolier ; pour la grossesse progestatif; en deçà du Rhin ->• cisrhénan ; m ent des ex. avec trait d'u nio n ; le plus récent
lignes se faisant face > juxtalinéaire ; Charleroi ->• Carolorégien ; Trois- e s t d e 1 9 0 6 (BARRES, Mes ca hiers, t. V [e t n o n
Rivières (Québec) Trifluvien. — En outre, des mots techniques VI], p. 6 6), mais e x tra - est e n haut d e ligne.
absents des dict. ordinaires : par la bouche pérorai (lat. per os « par la 1 1 1 B E I REMARQUE
bouche ») ; en bas de page y infrapaginal (note infrapaginale). A v e c trait d'u nio n : A c. 1935, Gra n d dict. e nc.
Avec interversion des éléments : Pont-à-Mousson -*• Mussipontain ; Lar., Ro b . 2001. A gglutiné : Pe tit Ro b . 1998.
mots croisés -> cruciverbiste. — Latinisation erronée : Fontainebleau •
Bellifontain (-bleau n'est pas bellus .').
• Un élément a une forme latine et l'autre une forme grecque : Charleville >
Carolopolitain ; autour de la naissance —> périnatal ; à côté de l'État >
°parastatal (en Belgique ; en France : paraétatique) ; toute l'Allemagne •
pangermanisme ; deux fois par semaine • bihebdomadaire (§ 600, b).
• Les deux éléments sont empruntés à une langue moderne : Pays-
Bas -> Néerlandais (du néerlandais Neerland ou Nederland « Pays-
Bas ») ; six-jours • sixdaysman « coureur de six-jours » (de
l'angl.). n T H — Comp. chemin de fer "ferroviaire (del'it .ferroviario). (Mil REMARQUE.
» La base peut être en même temps réduite et latinisée : Saint- Le x est p ro n o ncé [ks].
Êtienne Stéphanois ; Saint-Dié • Déodatien.
N. B. Quand ces dérivés sont des adjectifs, ils varient comme des adjectifs :
Politique PROALLEMANDE. — Billevesées ANTIGAULLISTES (DE GAULLE,
Mém. de guerre, t. II, p. 114). — Voir aussi LA VARENDE cité e, 2°, etc.
— Cette observation oppose antipelliculaire à antipellicules, § 186, c, 2°.
PRI N C IP A U X SUFFIXES
i n « E a REMARQUE.
Su f fi x es f o r m a n t d e s n o m s et / ou d es adjectifs, m Les suffixes énu m érés dans le § 169 appartien -
nent à la langue co m m u ne. Les vocab ulaires
1. -able [du lat. -abilem, qui a souvent remplacé -ibilem en lat. scientifiques et tech niq ues donnent à certains
d'entre eux des valeurs particulières : par ex.,
vulg.; comp. -ible, 33], suffixe très fécond, sert surtout la no m enclature d e la chimie à - e u x , - iq u e,
aujourd'hui à faire des adjectifs exprimant une possibilité pas- - ure. C es vocab ulaires scientifiques et techni-
sive (« qui peut être... ») à partir de verbes : discutable, faisable. q ues ont aussi leurs suffixes propres, lesquels
résultent de l'e m prunt et s'ajoutent souvent à
Le verbe est d'ordinaire transitif ; remédiable (moins employé que des radicau x eux - mêmes em pruntés. Par ex. :
l'antonyme irrémédiable) est emprunté du latin. Le suffixe a pu avoir - acé e e n botanique [lat. - acea ; form e pop.
-assel : cucur bit acé e.
jadis un sens actif : convenable, périssable, secourable, valable. — Ces
- è m e e n linguistique [gr. -nua] : le x è m e.
dérivés formés avec -able sur des verbes sont parfois appelés adjectifs - ia en botanique [lat. - ia ; cf. -ie, 34], souvent
verbaux. — Il est plus rare que -able se joigne à un nom : corvéable, cycla- ajouté à des noms de personnes : f uchsia Id e
ble, ministrable. — Sur la concurrence avec -ible, voir ci-dessous, 33. F uchs] ; c'est un suffixe latin plutôt q ue fr., la ter-
minologie savante de la botanique étant latine.
2. -ade [du provençal et de l'italien ; forme pop. fr. -ée] forme des - id é e n z oologie [d'a b ord - id e, lat. - id a, du gr.
noms indiquant une action (à partir de verbes), un produit, -i8riç ] : é q uid é.
parfois une collection (à partir de noms) : bousculade, engueu- - it e e n m é d ecine [lat. - itis, du gr. -ï-uç] : n évrit e ;
— e n minéralogie [lat. - /tes, du gr. -vrnç] : lig nit e.
lade (très fam.), lapalissade, palissade. Cf. §481, a (genre).
- ol e n chimie [tiré d'alco ol, em pr. à l'arabe al
3. -âge [du lat. -aticum ; forme savante -atique, rare en dehors des k u h u h : p h é n ol.
mots d'emprunt] est resté très vivant pour former des noms -ose [oz] en chimie [lat. - osus ; form e pop. - e u x ,
indiquant l'action à partir de verbes : limogeage, parcage, ffl 311: cellulose (cf. § 4 8 1, a, à propos d e
glucose) ; — en m édecine [lat. -os/s, du gr.
Il a servi aussi à indiquer un état ou une collection et il a pu avoir -rncnç] : t u b erculose.
comme base un nom : veuvage, rouage. En outre, pourcentage.
• H D S I REMARQUE
4. -aie [e] [du lat. -eta, plur. de -etum] forme des noms désignant Sa uve t a g e a été for m é d'a près sa uve t é
le n co r e ch e z CHAT., cit. T résor ; e m pr. du lat.
une collection, une plantation des végétaux désignés par la
m é diéval salvit as], sa uva g e dans c e sens
base : chênaie, hêtraie, roseraie. ayant été éliminé à cause d e l'h o m o ny mie.
Forme élargie -craie : pineraie. — La variante -oie [WA] (§ 60, a)
subsiste dans charmoie (vieilli ; cf. cependant J. BOREL, Retour, p. 389)
REMAR QUE. et ormoie (rare ; var. ormaie, rare aussi). 1*1
La variante -ée [e] est régionale.
°Hêtrée : GIDE, dans G i d e et M o ck e l, Corresp., 1 2 oct. 5. -aille [Aj] [du lat. -alia, neutre plur. de -alis (voir -e/)] forme, sur
1 8 9 7 ; FLA UB, M m e
Bov., 1 , 1 e t 7, e t c . ; T h . BR A U N , Pas- des bases variées, des noms indiquant une action ou une
sion de l'Ardenne, p. 16. — °Saulée : SAND, Meunier
d'Angibault, III ; E. et J. DE GO N C, Ch. Demailly, XVII ; collection ; il est souvent péjoratif : trouvaille, ferraille, grisaille,
PÉROCHON, cit é Rev. de ling. rom., 1978, p. 119. rocaille, tripaille, valetaille.
6. -aire [empr. au lat. -aris, -arius ; forme pop. -ier] forme des
noms et des adjectifs qui ont avec la base des rapports variés :
moustiquaire, humanitaire, milliardaire, moscoutaire.
Var. -ataire, correspondant à des noms en -ation : protestataire,
contestataire. — Dans la langue du droit, s'oppose parfois à -ateur : le
donateur donne au donataire.
L'adj. p é c un iai r e [empr. du lat. pecuniaris] est parfois écrit °pécunière, avec
un nom féminin, par confusion avec le suffixe pop. -ier, et a reçu un masc. 0 p é c u -
nier. Ces formes analogiques, attestées dès le X V E s., restent exclues de la plu-
REMAR QUE. part des dict. (Ac., Dict. contemp., Grand dict. enc. Lar., Rob. 2001, etc.). fcJJ —
Littré notait cet usage sans le blâmer : « O n dit Ex. : Indemnités PÉCUNIÈRES (STENDHAL, Corresp., t. I X , p. 194). — Avantage
quelquefois pécunier ». PÉCUNIER (RAMUZ, lettre citée dans la Revue d'hist. litt. de la Fr., janv.-févr.
1970, p. 156). — Dommage PÉCUNIER (GLONO, Moulin de Pologne, p. 183). —
Difficultés PÉCUNIÈRES (LÉVIS-MLREPOIX, Aventures d' une famille fr., p. 84).
7. -ais [e] et sa variante -ois [WA] (cf. § 60, a) [du lat. -ensem] se joi-
gnent à des noms de villes ou de pays pour former des noms
désignant les habitants ou leur langue, ainsi que des adjectifs :
HIST ORIQUE. Marseillais, Namurois. EO
C e suffixe a a bsorb é l'a nc. fr. -ois, fé m. -esche -ois a donné aussi quelques autres mots : villageois, tapinois, putois.
[du fra nciq u e *-isk, cf. -esque, 25] : a nglois,
anglesche ; griois (« grec »), griesche (resté 8. -aison [du lat. -ationem ; forme savante -ation, voir -tion, 54] a
dans pie-grièche).
donné des noms marquant ordinairement l'action, à partir de
verbes : pendaison, inclinaison, crevaison. Il ne produit plus guère
E S B D S I AUTRES EXEMPLES
VIGNY, C in q - Mars, V I I ; E. R O S T A N D , Aiglo n, I, 8 ;
de mots nouveaux, car on préfère aujourd'hui la forme savante :
VALLÈS, En fa n t, XXI ; FRANCE, O r m e d u m ail, XVI ; Pâmoison conserve une variante ancienne. Une autre var. -ison [du lat.
P R O U S T , Rech., t . IL, p . 9 5 2 ; MARTIN DU G . , Je a n
Barois, p. 2 4 1 ; MAURIAC, A d olesce n t d'a u tre f ois,
-itionem] a servi pour faire des dérivés à des verbes en -ir : garnison, guérison.
p. 2 4 3 ; ROMAINS, H o m m es de b. vol., t. VIII, Pendant un certain temps, l'usage a distingué inclinaison « état de ce qui
p. 2 1 8 ; BILLY, Ma d a m e, p. 8 5 ; DORGELÈS, Tout
est incliné » : L 'inclinaison de ce mur est inquiétante ; — inclination « action
est à ve n d re, p. 41 ; AYMÉ, C h e m in d es écoliers,
d'incliner » : Une inclination de tête (encore chez CESBRON, Souveraine,
p. 5 5 ; B o s c o , Balest a, p. 1 9 3 ; DANIEL-ROPS,
M o r t , o ù est ta vict oire ? p. 1 5 4 ; V E R C O R S , p. 111) ; au figuré, avoir une inclination pour qqn ou qqch. — Cette distinction
Sile nce d e la m er, p. 6 5 ; AMBRIÈRE, Solit aire d e la (encore dans Ac. 2 0 0 0 ) est périmée, inclination étant réservé de plus en plus
C ervara, p. 1 7 9 ; H . BAZIN, Mort d u p e tit ch eval, au sens figuré et inclinaison désignant couramment l'action d'incliner, autant
p. 6 3 ; P. - H. SIMON, Hist. d'u n b o n h e ur, p. 2 8 2 ; que l'état : L 'hôtelier avait répondu à ces questions par de respectueuses INCLINAI-
C UR TIS, Rose a u p e nsa n t, p . 1 0 0 ; VAILLAND, D rôle
SONS de tête (GAUTIER, Cap. Fracasse, X I I I ) . — Faire [...] de grandes INCLI-
d e je u, lll, 2 ; ROBBE-GRILLET, So uve nirs d u T ria n gle
d'or, p. 1 8 8 ; PEREC, Vie m o d e d'e m ploi, p . 1 6 6 ;
NAISONS de tête et de corps (BARRÉS, Colline insp., 1913, p. 237). E Q
SABATIER, T rois suce tt es à la m e n t h e, p . 4 4 ; e t c. -al : voir ci-dessous, 21.
I REMAR QUE. 9. -an [empr. au lat. -anum OS ; forme pop. -ain, § 164, b, et -ien,
Sur -ana, voir § 162, R2.
ci-dessous, 36] se trouve dans quelques dérivés de noms
propres : mosan, mosellan,formosan.
10. -ance [du lat. -antia, qui a souvent remplacé -entia en lat. vulg. ;
comp. -ence, 23] s'ajoute à des verbes pour former des noms
marquant l'action ou son résultat : souffrance, vengeance, atti-
rance, rouspétance (fam.).
BIBLIO GRAPHIE . Ce suffixe a eu un grand succès dans la langue littéraire, spéciale-
A. FRANÇOIS,La désinence « ance » dans le ment à l'époque symboliste. On trouve par ex. chez GlDE : avisance,
vocabulaire français, Genève - Lille, Dro z , 1950. bruyance, remémorance, vagabondance, etc. O
11. -ant [du lat. -antem] n'est pas seulement la désinence des partici-
pes présents, éventuellement employés comme adjectifs (§ 199,
a) ou comme noms, mais est aussi un suffixe français formant
des adjectifs (parfois des noms) qui ne viennent pas d'une forme
verbale (comp. -isant, 4 4 ) : abracadabrant, itinérant, migrant.
-ard [détaché de noms propres d'origine francique, c o m m e Ber-
nard, Evrard, etc.] forme des noms et des adjectifs, souvent
avec une nuance péjorative : montagnard, richard, vantard,
chauffard, maquisard.
13. -asse [du lat. -acea ; forme savante -acte, voir R I ; d'abord -ace, con-
servé dans rosace] a eu une valeur augmentative : miUiasse (§ 598,
a) ; il a pris surtout une valeur péjorative, dans des noms et des
adjectifs tirés de bases variées : lavasse, paperasse, hommasse, fadasse.
14. -at [A] [empr. au lat. -atum ; forme pop. -é] forme des noms, par-
fois dérivés de verbes pour indiquer une action ou un produit :
assassinat, crachat ; mais le plus souvent dérivés de noms pour
désigner des fonctions (au sens large), parfois le territoire sur
lequel elles s'exercent : marquisat, syndicat, paysannat, artisanat.
T r è s souvent la base se p r é s e n t e sous une f o r m e savante : profes-
sorat, secrétariat. 133 E S I REMARQUE.
-atoire : voir -toire, 55. Par analogie avec des mots comme le dernier cité,
on a fabriqué au XX e s. ve d e tt aria t, de ve d e tt e.
15. -âtre [du lat. -as terum] a donné surtout des adjectifs exprimant
la diminution et l'approximation, souvent avec une nuance
péjorative : verdâtre, douceâtre ou douçâtre (§ 93, c), folâtre — et
aussi acariâtre, de Acaire, nom d'un saint invoqué contre la folie.
16. -aud [o] [tiré de noms propres d'origine germanique c o m m e
Guiraud, Arnaud (aussi dans le nom co mmu n héraut, venu du
francique)] se trouve dans des noms et adjectifs péjoratifs :
lourdaud, noiraud. Il n'est plus guère productif. E S E S H U REMARQUE.
Dans levra u t, il n'est pas sûr que l'on ait ce suf-
17. -e [du lat. -am, qui est la désinence habituelle du féminin
fixe dans sa graphie ancienne : cette valeur dimi-
(§§ 4 9 2 et 5 4 1 ) ] : géant, géante ; artisan, artisane. Il sert aussi à nutive serait exceptionnelle, et la première
former des noms communs tirés de noms propres : berline, mention présentait le suffixe -ot (cf. T résor). Le
Conseil supérieur de la langue fr. (cf. § 90, e) pré-
micheline, vespasienne (de Berlin, Michelin, Vespasien). conise la graphie levre a u (déjà utilisée par Littré,
H sert aussi à former des dérivés faisant partie de locutions adverbia- s. v. b riq u e t 2 ), com me ch evre a u, la p ere a u, etc.
adjectifs, surtout dérivés de noms en -ie : insomniaque, bosniaque. (dans le Mo n d e, 17 sept. 19 76). - En urin a n t sur u
rail électriq u e, le co ura n t re m o n t e le je t e t f o u d r
33. -ible [empr. au lat. -ibilis, qui avait été évincé en latin vulg. par le PISSEUX (M. TOURNIER, V a g a b o n d i m m o bile, p. 93)
-abilis, voir -able] forme des adjectifs exprimant une possibilité
passive (« qui peut être... ») à partir de verbes latins, soit sur
leur infinitif : amovible, compatible ; soit sur le radical du parti-
cipe passé: répressible, extractible, conductible, transmissïble ;
souvent, il existe déjà en français un nom en -ion, et en réalité le
dérivé en -ible est tiré de ce nom par substitution de suffixe.
-ible s est parfois attaché à des verbes français, rarement à des
noms : lisible, traduisible, nuisible (le sens est actif : « qui peut nuire »),
pénible. Il a parfois éliminé des formes en -able : nuisable, lisable. Inver-
sement, négligeable a évincé négligible (S.-BEUVE, P.-Royal, cit. Littré,
Suppl.). On constate encore des concurrences aujourd'hui : au lieu
d'inaccessible « qui ne peut être atteint », on trouve parfois inatteigna-
ble, plus rarement °inattingible. flffil REMARQUE.
Inatteignable : STENDHAL, Journal, 18 mars 1813 ; BOURGET, Voyageuses, 1897, Pour in distin g uible, voir § 94, R1.
p. 238 ; GIDE, Voy. au Congo, Pl., p. 832 ; HENRIOT, dans Fromentin, Dominique, Gar-
nier, p. XVI ; ARAGON, Aurélien, p. 364 ; VAILLAND, Écrits intimes, p. 491.
°Inattingible : JANKÉLÉVITCH, Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien, cit. Trésor ;
J. ONIMUS, Connaissance poétique, p. 163.
Susceptible est emprunté du latin ; sur le sens et la construction, voir C H 1 B U REMARQUE.
§ 3 6 3 , / NON Solu ble est aussi emprunté du latin.
34. -ie [du lat. -iam, accentué sur le i, venu du grec -ia ; le suffixe
proprement latin était atone] a formé de nombreux noms :
maladie, mairie. Il est en recul aujourd'hui comme suffixe
populaire, mais il est bien vivant co mme suffixe savant : syn-
chronie [tiré de synchronique), épigraphie. O n l'emploie aussi
pour des noms de pays et de régions : Wallonie, Yougoslavie.
-erie, f o r m e élargie de -ie, l'a supplanté dans la langue cour ante. Il
d o n n e , en s'ajoutant à des adjectifs, à des n o m s et à des verbes, un
g r a n d n o m b r e de n o m s indiquant u n e qualité, une action, le résultat
de c e t t e action, le lieu o ù elle s'exerce, une collection, une industrie :
fourberie, causerie, brasserie, argenterie, biscuiterie.
La concurrence de -ie et de -erie est ancienne : diablerie, orfèvrerie, factore-
rie, secrétairerie ont éliminé diablie, orfévrie, factorie (encore dans CÉLINE
pourtant : Voy. au bout de la nuit, F°, p. 222), secrétairie. Le peuple dit aussi
0pharmacerie pour pharmacie. °Idolâtrerie apparaît même dans la langue
écrite : A. DAUDET, Petite paroisse, cit. Trésor ; TEILHARD DE CHARDIN, lettre
du 16 mai 1925 publiéedans le Figaro, 18 févr. 1972 ; Fr. CHALAIS, dans le
Figaro, 30 mars 1974. [ J 0 — Ingénierie [ê3eniRi] a été tiré d'ingénieur pour tra-
- erie est souvent méconnu dans f é erie (de f é e) ; duire l'angl. engineering, mais la formation n'est pas particulièrement heureuse.
l'Ac., tout en maintenant l'orthographe nor- P o u r les n o m s de plantes, la f o r m e savante -ia (cf. R l ) est souvent
male, indique depuis 1994 : « La prononciation
f é - é - ri est d'usage » (= d'usage général, prédo- préférée à -ie -.forsythie, gardénie o n t à p e u près disparu d e v a n t f o r s y t h i a
minant, fréquent, recom mandé ?) ; le Pe tit Ro b . (la p r o n o n c . [-TJA] est préférable à [-SJA]), gardénia. C f . § 4 6 9 , a, 1°, N . B.
1998 (mais non le Ro b ert 2001) donne même
deux graphies, f é erie et f é érie. Il est difficile 35. -ième [d'origine discutée] sert à former les adjectifs ordinaux :
d'encourager l'innovation, contraire à la ten- voir § 599, a.
dance générale à l'haplologie (§ 1 9, R3).
36. -ien [jê] [du lat. -anum précédé d'une palatale : cf. § 66, b ; comp.
-ain au § 164, b ; -an forme savante] est devenu un suffixe auto-
nome marquant l'appartenance. H sejoint à des noms communs et
à des noms propres pour former des noms et des adjectifs : collé-
gien, musicien, faubourien ; cartésien, gaullien ; autrichien, norvégien.
-éen [eë] [sans doute croisement entre -ien et le lat. -aeus, -eus] a servi
d'abord à traduire des mots latins en -aeus, -eus : herculéen, européen, cyclo-
péen. H s'est ensuite employé dans d'autres cas : goethéen (on trouve aussi
goethien), nietzschéen, de Goethe, Nietzsche ; échiquéen « qui concerne le
j e u d'échecs ». — Lorsque la base se ter mine par -é(e), -éen se réduit par
haplologie à -en [e] : pyrénéen, lycéen, vendéen. — Nancéien : § 35, R4.
37. -ter [du lat. -arium ; forme savante -aire), fém. -l'ère, a fourni un
grand nombre de dérivés sur des adjectifs et surtout sur des
noms. Il forme des adjectifs exprimant une qualité, un rapport :
fruitier, minier, rancunier ; et des noms désignant des personnes
(qui ont une activité en rapport avec la réalité désignée par le
mot de base), des contenants, des arbres, des ustensiles divers :
cabaretier, prisonnier, cuirassier, barbier, vacancier, poudrier, pou-
drière, sapinière, bananier, gaufrier, jarretière, souricière.
-ier s'est réduit à -er après ch, g (§ 65, c) : pêcher, archer, lingère.
A p r è s l dit mouillé, l'usage est assez cont r adict oir e : houiller, bétaillère,
cornouiller, oreiller, conseiller, poulailler -, quincaillier, joaillier, marguillier,
ouillière « intervalle entre les ceps », serpillière ( q u e le C o n s e i l supérieur
de la langue fr. [§ 9 0 , e] p r o p o s e d'écrire quincailler,joailler, marguiller,
ouillère, serpillère), groseillier, médaillier, aiguillier, quillier, vanillier.
Notons aussi imagier, langagier, pistachier, fichier, ainsi que châtaignier.
I nver sement , -ier a a b s o r b é le suffixe -er de l'anc. fr. [du lat. -are et
-arem] : écolier, chandelier, régulier, anc. fr. escoler, chandeler, reguler.
38. -if [du lat. -ivum ; aussi dans des mots savants] forme des adjec-
tifs sur des bases verbales ou nominales : tardif, maladif, sportif.
A u j o u r d ' h u i , il sert s u r t o u t dans des f o r m a t i o n s savantes, -if cor-
respondant à des noms en -ion (-tion, -sion) : expansif, créatif, compéti-
tif, attractif.
39. -ille [ij] [du lat. -iculam ; -icule est savant, voir ci-dessous, 57] a
formé des diminutifs : béquille, brindille (outre des mots venus
du latin ou empruntés comme faucille, cédille, flottille). Sa vita-
lité est quasi nulle en fr. contemporain.
40. -in, -ine [du lat. -inum, -inam ; aussi dans des mots savants] for-
ment des adjectifs et des noms sur des bases nominales et ver-
bales. Dans les adjectifs, le suffixe marque un rapport
(ressemblance, matière, origine) : enfantin, argentin, alpin. Les
noms désignent des objets ou des personnes, parfois avec une
nuance diminutive, affectueuse ou péjorative : rondin, tétine,
Colin (de Nicolas), facqueline, blondin, calotin, trottin.
-ine est fort employé dans la langue de la technique et du
commerce : glycérine, brillantine.
41. -ique [empr. au lat. -icus (qui vient lui-même du grec) et au grec
-IKOÇ] est le suffixe le plus employé aujourd'hui pour former
des adjectifs, notamment dans la terminologie scientifique et
technique. L a base est souvent latine ou grecque, mais il y a
aussi des dérivés de mots français, de mots empruntés aux lan-
gues vivantes et de noms propres : vocalique, anesthésique, féeri-
que (de féerie, cf. R12), chimique, volcanique, touristique,
marotique, islamique, jurassique, soviétique.
La variante composée -istique s'est détachée de mots comme carac-
téristique (emprunté au grec) ou touristique : footballistique. — Autre
variante -atique, tirée de problématique, etc. : emblématique, initiatique.
42. -ique [empr. au lat. -ica et au grec -IKT|] et ses variantes servent à
former des noms féminins désignant des sciences, des arts, des
techniques : linguistique, casuistique, patristique, stylistique (d'abord
en allem.), informatique, bureautique (d'après le précédent).
43. -is [i] [du lat. - icium ], ajouté à des noms et surtout à des verbes,
sert à former des noms indiquant l'action ou son résultat, ainsi
que des collectifs ; la langue littéraire moderne y recourt
volontiers : roulis, éboulis, cailloutis, chuchotis.
Il a servi aussi à former des adjectifs : vent coulis, pont-levis. Le
féminin se retrouve dans coulisse. Ce suffixe a été souvent altéré :
couvi, champi (§ 497, H1 et Rl), massif, apprenti (§ 497, Hl).
44. -isant [terminaison des participes présents des verbes en -iser]
est devenu un suffixe autonome, il forme des noms désignant
celui qui étudie une langue ou celui qui est proche d'une doc-
trine sans y adhérer totalement : hébraïsant, communisant (dis-
tinct de communiste).
•ise : voir ci-dessus, 27.
45. -isme [ism] [empr. au lat. -ismus (qui vient lui-même du grec) et au
grec -loixôç] est un des suffixes les plus importants de la langue
actuelle. Il sert à former sur les bases les plus diverses (rarement des
verbes cependant) des noms masculins, indiquant soit une notion
abstraite, soit une doctrine, une activité, une attitude morale ou
politique, soit une tournure propre à (ou empruntée à) une langue
ou à un parler : héroïsme, chauvinisme, favoritisme, journalisme, com- C E I C M R E M A R Q UE
munisme, romantisme, défaitisme, féminisme, nudisme, gauchisme, Q uelques Français utilisent b elgis m e : BRUNOT,
Pe nsé e, p. 1 9 1 ; DUHAMEI, Bio gra p hie d e m es fa n -
scoutisme, cannibalisme, belgicisme (parfois belgisme [ f f i , anglicisme. t ô m es, p. 1 7 1 ; R. MARTIN, T e m ps e t asp ect, p. 1 0 2,
note. Mais la plupart emploient b elgicis m e,
Lorsque la base se termine par -y, il y a superposition àey et de i ; co m m e les Belges. Notons qu'au moment où
on écrit généralement -ysme : dandysme ; cf. -iste. celui-ci a été créé, b elgiq u e servait aussi d'adjectif.
-issime [empr. au lat. -issimus, mais surtout par l'intermédiaire
de l'ital.] forme des adjectifs indiquant un haut degré : § 570.
47. -iste [empr. au lat. -ista (qui vient lui-même du grec) et au grec
-I0ir | ç] est plus productif encore que -isme, auquel il est sou-
vent lié : journaliste, communiste, défaitiste, féministe, nudiste,
gauchiste. N e correspondent pas à des noms en -isme : congres-
siste, dentiste, généraliste, gréviste, chimiste, séminariste. Tous ces
noms (féminins lorsqu'ils s'appliquent à des femmes) désignent
des personnes qui ont une activité, une attitude ou une doc-
trine en rapport avec la réalité désignée par la base, -iste sert
aussi à former des adjectifs indiquant simplement une
relation : déflationniste « qui concerne la déflation ».
Il y a quelques dérivés de noms propres de lieux : Louvaniste (de
Louvain), Briviste (de Brive-la-Gaillarde). — Dans analyste et psycha-
nalyste, la finale de la base et l'initiale du suffixe se superposent
(haplologie). On écrit parfois °psychanaliste. Hautboïste est empr. de
l'allem. Hautboist (aujourd'hui oboist).
48. -itude [empr. au lat. -itudo] a donné quelques noms abstraits
tirés d'adjectifs ou de noms : décrépitude, platitude, négritude.
49. -o s'ajoutant au premier élément d'un nom ou adjectif compo-
sés ( anglo - américain), voir § 178, a.
50. -oir [du lat. -orium ; forme savante -toire], fém. -oire, s'attache à
des verbes, rarement à des noms, et forme des noms désignant
des endroits et des instruments : abreuvoir, mouchoir, présen-
toir, bougeoir ; baignoire, balançoire, pataugeoire.
51. -on [du lat. -onem] forme surtout des noms de personnes, d'ani-
maux ou de choses, auxquels il donne souvent une valeur dimi-
nutive (parfois affective ou péjorative) : ânon, chaînon,
SaBMfiBBBSS MgggMMgM
B U B U REMARQUE. mollasson, souillon, Madelon. HE
Le fr. du Midi a ses formations particulières.
-on a aussi une valeur augmentative, surtout dans des noms emprun-
" C h arre t o n « petite charrette » : A. DAUDET,
Im m ort el, IL ; CHAMSON, H érit a g es, I,1 ; P. REVERDY, tés de l'italien ou influencés par l'italien : ballon, million, médaillon ; mais on
interviewé dans le Fig aro litt, 5 mai 1956; avait déjà perron en anc. fr. — Formes élargies, -illon, -eron, -eton, -aillon,
C l . SEICNOLLE, F ol k lore d e la Prove nce, p. 127. —
-icbon [d'origine obscure] : négrillon, aileron, gueuleton, moussaillon, foli-
°C h a m b ro n« petite pièce » : GIONO, U n d e Ba u -
m u g n es, IX. — " Gra n g e o n c petite grange » : chon.
VAILLAND, Be a u Masq u e, II, 3 (en Savoie). — Fenes-
tron « lucarne » dans Rézeau. Etc.
52. -ot [o] [du lat. vulg. -ottum, de même origine que -ittum, voir
-et], fém. -otte, forme des diminutifs, parfois de nuance
affective : billot, pâlot, Pierrot. Il indique seulement une relation
E S S E S ! REMARQUE. dans culotte, Solognot. 0 ®
- o t est la forme du suffixe -et en Lorraine et en
Franche - Comté. O n y trouve aussi, ainsi que 53. -té [du lat. -itatem] a cessé d'être productif sous cette forme, à
dans les régions voisines, des dérivés inconnus laquelle nous devons fierté et cherté. Il subsiste sous la forme élar-
ailleurs. Cf. Ré z eau, pp. 712-716.
gie -été, qui s'ajoute aux bases françaises, et surtout sous la forme
savante -ité, la seule vraiment vivante, qui s'ajoute à des mots
empruntés ou à des radicaux savants. Les dérivés sont des noms
abstraits tirés d'adjectifs : brièveté, gaieté, mocheté (très fam.) ;
totalité, authenticité, actualité, inviolabilité, mondanité, créativité.
-ité a plus d'une fois remplacé -été. L'Ac., en 1878, donnait encore passiv e t é
et passivité ; en 1935, elle ne garde que le second. En 1935, elle ne connaissait
que lasciveté ; en 2 0 0 0 , elle accepte en même temps lascivité (qui est d'ailleurs
aussi ancien).
Lasciveté : [MARG. DE NAVARRE, Hept, I I I ; MONTAIGNE, I I I , 5 ; VOLT., Lettres
phil., X I ] ; D E COSTER, Ulenspiegel, I, 2 5 ; FLAUB., Sal, X V ; Lar. XX' s., s. v. danse ;
F. DESONAY, Ronsard poète de l'amour, 1.1, p. 59 ;J. POMMIER, Spectacle intérieur, p. 247 ;
PIEYRE DE MANDIARGUES, Marge, p . 2 2 7 ; S . LILAR, Confession anonyme, 1 9 8 0 , p. 2 0 .
Lascivité ( h a p a x d u X V E s. p o u r W a r t b u r g , t . V , p. 1 9 5 ) : [LEMAIRE DE BELGES,
Concorde des deux langages, p. 19 ; Du BELLAY, Deffence, cit. Huguet] ; FLAUB., l r e Êduc.,
p. 279 ; MORAND, Hécate et ses chiens, XLVII ; JOUHANDEAU, dans le Figaro litt., 10 oct.
1953 ; Rob. ANDRÉ, L 'amour et la vie d' une femme, p. 242 ; S. PROU, Ville sur la mer,
p. 195 ; CURTIS, dans l'Express, 24 juin 1983, p. 4 ; YOURCENAR, Anna, soror..., p. 59.
Au contraire, l'Ac., qui donnait en 1878 vilité et vileté, ne garde en 1935
que le second, qu'elle reconnaît d'ailleurs peu usité.
aussi dans des dérivés plaisants ou occasionnels : Des ARBRICULES IRfSB BCMAPCI!•=
StiflSI UUS A REMARQUE
poussiéreux (HUYSMANS, Sœurs Vatard, XI). — Le MINISTRICULE Résolu t oire est présenté par Wartburg (t. X, p. 304)
(titre d'un livre de R. ESCARPIT). com me un dérivé fr., mais ce doit être un emprunt.
58. -ure [du lat. -aturam] forme des noms tirés de bases nominales ou
verbales. Ils indiquent soit une action subie, soit le résultat con-
cret de l'action, ou un collectif : brûlure,froidure, chevelure, denture.
La forme savante -ature se trouve surtout dans des mots emprun-
tés. On considère pourtant comme de formation française arcature,
filature, ossature, signature.
Pour éviter de mauvaises prononciations, le Conseil supérieur de la lan-
* gue fr. (§ 90, e) propose de mettre un tréma sur gageure, mangeiire, rongeûre,
vergeiire — et aussi de supprimer le circonflexe sur piqûre.
Suffi xes f o r m a n t d es ve r b es.
Clôturer, rival de clore (devenu rare et défectif : § 878, 10), est accepté
par l'Ac. 2001 au sens d'« entourer d'une clôture, enclore », mais rejeté
explicitement au sens de « terminer » (un débat, une séance, un con-
grès). Plus libéral, Littré acceptait clôturer un compte, un inventaire et clô-
turer les débats. Ces emplois paraissent solidement installés dans l'usage,
même littéraire : La première partie [du spectacle] fut CLÔTURÉE par une
fort belle passe d'armes entre Jacques Rival et le fameux professeur belge
Lebègue (MAUPASS., cit. Grand Lar. langue). — Eussent-ils [...] suivi la
retraite pascale qui fut CLÔTURÉE par leur archevêque ? (MAURIAC, Jour-
nal, t. V, p. 122.) — n [= un concerto] CLÔTURAIT sur une note funèbre
une manifestation qui [...] (P.-H. SIMON, Hist d' un bonheur, p. 209). —
L 'instruction a été CLÔTURÉE (M. THIRY, Nouvelles du Grand Possible,
p. 144).
Mais il n'est pas recommandé de se servir de clôturer simplement au sens
de fermer : °Il s'aperçut que je le voyais et aussitôt CLÔTURA hermétique-
ment le grillage qu 'il avait laissé entrouvert (PROUST, Rech., t. II, p. 339).
Courser, verbe transitif, « courir après, poursuivre », était admis par l'Ac.
1992 si le complément est un nom d'animal, mais elle l'estimait vulgaire
si le complément est une personne. Elle a supprimé cette réserve en
2001. Les écrivains mettent le plus souvent courser dans la bouche de
leurs personnages : GENEVOIX, Raboliot, III, 6 ; BERNANOS, M. Ouine,
PL, p. 1428 ; etc. — Mais ce n'est pas toujours le cas : Dans la rue des
polissons excités en se COURSANT se jettent aux jambes des passants (BAR-
RÉS, Mes cahiers, t. IV, p. 92). — Museau [un chien] se sentait débordant
d'allégresse et tellement qu 'il COURSA les poules de chez Michelet (AYMÉ,
Gustalin, p. 92). — O héros de Maupassant qui viviez avec 3.000francs de
rente en vous tournant les pouces et en COURSANT de fiacre en fiacre les bour-
geoises portées à l'adultère (QUENEAU, Bâtons, chiffres et lettres, Id., p. 197).
— Autre ex., à propos d'un chien : RLNALDI, Roses de Pline, p. 40.
• S I K H S HISTORIQUE
La plupart des préfixes fr. sont d'origine latine, soit
qu'ils aient suivi la voie populaire, soit qu'ils résul- B. Dérivation préfixale
tent de l'emprunt. Aux préfixes cités au § 173,
ajoutons b é - (ou b es - ), qui a cessé d'être produc-
tif. Il remonte au lat. bis « deux fois » et il a souvent BE I Définition. Q
pris une valeur péjorative, « mal » : bévue ; sous
des formes altérées, dans b alo ur d , b arlo n g ; b er - U n p réf ix e est une suite de sons (ou de lettres, si on envi-
lu e vient peut-être d'un lat. vulg. *bisluca.
Pour a- négatif (§ 173, 1), le modèle peut être sage la langue écrite) qui n'a pas d'existence au t o n o me et qui
latin : a n or m al, empr. au lat. scolastique
a n or m alis ; mais le grec a dû aussi avoir une
s'ajoute devant un m o t existant p o u r former un m o t nouveau. GJ
influence directe : c'est ce qu'on appelle l'a A u cont r air e de ce qui se passe souvent p o u r la suffixation, 1) les pré-
(alpha) p riva tif.
fixes ne c h a n g e n t pas la n a t u r e des m o t s auxquels ils s o n t j o i n t s , mais seule-
O n a attribué à une origine francique m é -
(§ 173,6) et f or - (ou f o ur - ), qu'on a dans f orfaire, ment leur signification ; — 2 ) la préfixation n'entraîne aucune
f o ur b u (§ 850) et qui n'est plus productif. Mais modification f o r m e l l e de la base.
cela n'est pas incontestable : le rapprochement C e r t a i n s préfixes p r é s e n t e n t des variantes p h o n é t i q u e s et / ou graphi-
de m é p riser et de m é p re n d re avec l'espagnol
ques, soit à cause de la coexist ence de la f o r m e savante et de la f o r m e p o p u -
menospreciaret l'anc. provençal m e nsp re n d re est
plutôt en faveur de m in us ; pour f or - , la préposi- laire (ré-, re-), soit à cause d u son qui se trouve à l'initiale de la base (re-, r- ;
tion f ors suffit à l'expliquer. in-, im-, etc. : cf. § 1 7 3 ) .
Le préfixe péjoratif ca-, qui a cessé d'être pro-
ductif, a fait l'objet de plusieurs hypothèses ; il Des formations verbales comme abaisser, attirer, amener contiennent, histori-
pourrait avoir été détaché de mots com me quement, la préposition à et sont donc des composés, comme surestimer et sous-esti-
ca h u t e (ou ca h u tt e : § 90, e), lequel résulte d'un mer (§ 179, b). Mais, si l'on considère que a- n'est plus perçu comme identique à la
croisement (§ 193, b) entre h u tt e et ca b a n e. préposition, on aurait affaire à un préfixe. — Sur atterrer, cf. § 168, a, 2°.
Des éléments comme ceux que l'on observe dans ARCHI f o u , HYPER sensible,
EXTRA-fort, SUPER ma r c h é , VVTRA-cbic sont assez proches des préfixes, puisqu'ils ne
changent pas la nature du mot auquel ils sont joints et qu'ils en renforcent seulement
le sens. Mais certains sont aussi des mots en français (extra, super, ultra) et tous le
sont dans la langue d'origine ; super a même servi de base au dérivé supérette. — Voir
§ 186, b (ainsi que pour vice-roi, ex-empereur, etc.).
Principaux préfixes.
A- [cf. § 1 7 2 , H ] , q u i a p p a r t i e n t s u r t o u t à la l a n g u e é c r i t e ,
n o t a m m e n t scientifique, ind iq ue la privation, la négation, avec
d e s a d j ec t i f s e t d e s n o m s : amoral, areligieux, apesanteur. —
V a r i a n t e an- d e v a n t vo ye l l e : anorganique.
3. I l y a d e u x p r é f i x e s dé-,
extrêmement fréquent, et sous les meilleures plumes ; prévoir (MONTESQ., L p ers., XII). [Paravance a été remplacé
par d e loin en 1758.] — Je co nsacre m es d erniers
d'avance et prévenir d'avance ne sont pas rares ; prédire d'avance jo urs I . . . I à PRÉPARER D'AVANCE le co m p t e que je ne
et pressentir d'avance sont plus exceptionnels dans l'écrit. 2 3 t ar d erai p as à re n d re d e m oi (J.-J. Rouss., Rêver., I).
Avec préparer : Et puis ce paquet d'habits PRÉPARÉS D'AVANCE pour la
petite, tout cela était singulier (HUGO, Misér., II, III, 10). — J e ne pense
pas que don Andrès eûtfait PRÉPARER D'AVANCE les habits dont il se serait
revêtu plus tard (GAUTIER, Militona, VI). — Tous les jeudis, des habitués
venaient faire une partie de boston. Félicité PRÉPARAIT D'AVANCE les car-
tes et les chaufferettes. Ils arrivaient à huit heures bien juste (FLAUB., Tr.
contes, Cœur simple, II). — Coup monté, se dit d' une chose PRÉPARÉE À
L'AVANCE (LITTRÉ, S. V. monté, 8°). — Coup monté, Coup PRÉPARÉ A
L'AVANCE, prémédité (Ac., 1878 et 1932, s. v. coup). [Autre traduction
depuis 1989.] — lia étéfait justice de cette accusation d' un coup PRÉPARÉ
D'AVANCE (MAURIAC, dans le Figaro litt., 30 avril 1955).
Avec prévoir : Comment PRÉVOIR À L'AVANCE que telle découverte ou
8 5 0 1 K H AUTRES EXEMPLES
trouvaille sera importante ou capitale ? (S.-BEUVE, Nouv. lundis, cit.
Avec p ré p arer : STENDHAL, La m iel, I ; BALZAC,
D uch. d e La n g e ais, Pl., p. 250 ; SAND, H o m m e d e Deharveng, p. 35.) — André Chénier se proposait probablement de
n eig e, 1.1, p. 244 ; TOCQUEVILLE, D é m ocr. e n développer ce point, comme s'il PRÉVOYAIT À L'AVANCE les théories
A m ér., Introd. ; BAUDEL., trad. de : Poe, Œ uvres e n qu 'Ernest Havet allait exposer dans son ouvrage [1872] sur l'hellénisme
p r., Pl., p. 883 ; TAINE, N o t es sur l'A n gle t., 1890, (FAGUET, Hist. de la poésie fr., t. X , p. 134).
p. 96 ; MAUPASS., C., Horla ; ZOLA, Ma d el. F éra t, Il ;
LOTI, Ro m a n d'u n e n fa n t, XXIX; BARRES, Mes Avec prévenir : Je vous PRÉVIENS D'AVANCE que... (Ac. 1835, s. v.
ca hiers, t. VI, p. 117 ; BLOY, D ésesp éré, L. P., avance). — Dans combien de temps va-t-on annoncer ton retour ? [...]
p. 9 2 ; R.ROLLAND, / e a n - C hr., L.P., 1.1, p. 154; Fais-moi PRÉVENIR D'AVANCE, parce qu 'il faut que je prépare mon mari
BOURGET, Ea u p ro f o n d e, IV ; PROUST, Rech., t. Il,
(PAGNOL et NLVOIX, Marchands de gloire, 1964, I V , 4).
p. 112 ; BERNANOS, Jo urn al d'u n curé d e ca m p ., Pl.,
p. 1147; LARBAUD, A . O . Barn a b o o t h, Journal Avec prédire : La bulle Unigenitus, PRÉDITE À L'AVANCE, avec tous
intime, Pl., p. 87 ; MARTIN DU G., T hib ., Pl., t. Il, ses accidents (S.-BEUVE, P.-Royal, Pl., t. II, p. 401, note). — Si les
p. 215 ; ARAGON, Be a u x q u artiers, 1,25 ; VENDRYES, badauds de Paris avaient plus de culture scientifique, ils auraient pu PRÉ-
La n g a g e, p. 13 ; DE GAULLE, Mé m . d e g u erre, 1.1, DIRE D'AVANCE (ce n ' est pas un pléonasme) ce qui allait arriver (HER-
p. 209 ; VAN GENNEP, Ma n u el d e f ol k l. fr. co n t e m p .,
MANT, dans le Temps, 21 oct. 1921, cit. d'Harvé, Parlons bien 11923,
1.1, p. 3050 ; H. BAZIN, Q ui j'ose ai m er, XII ; DAU-
ZAT, dans Me et la n g a g e, août 1954, p. 3 5 9 ; p. 13). [Remarquez la parenthèse.]
PIEYRE DE MANDIARGUES, Marge, p. 153 ; BEAUVOIR, Avec pressentir : PRESSENTANT PAR AVANCE l'issue avec une entière luci-
Ma n d arins, p. 1 36 ; Cl. SIMON, Ba t aille d e Ph arsale,
dité (GRACQ, Au château d'Argol, Pl., p. 90). — Il PRESSENTAIT PAR
p. 9 6 ; M.TOURNIER, V e n d re di o u les li m b es d u
Pacif., F°, p. 119 ; Raym. ARON, Sp ect a t e ur AVANCE le démenti que celles-ci [= les contrées du socialisme réel] appor-
e n g a g é, p. 1 54 ; etc. — Avec p révoir : VIGNY, cit. teraient à ses rêves (LE ROY LADURIE, Paris-Montpellier, p. 57). EÉI
d'H arvé; TOCQUEVILLE, op. cit., I, i, 8 ; FLAUB.,
Si d'avance (à l'avance, par avance) est accompagné d'une indi-
M m e Bov., I, 7 ; A. DAUDET, Port - T ar., I, 4 ; MARTIN
DU ajo urn ai, 11 févr. 1920, cité dans Copeau et cation de t em p s (deux jours d'avance), la locution adverbiale
Martin du G., C orresp ., p. 861 ; G. MATORÉ, Hist. est n o n seulement admise, mais souvent obligatoire :
d es dict. fr., p. 1 44 ; CAYROL, Froid d u soleil, p. 95 ;
etc. — Avec p réve nir : BARBEY D'AUR., Vieille m a ttr., J ' obéis à des idées qui me viennent tout à coup, et que je ne puis prévoir
Pl., p. 275 ; WILLY et COLETTE, C la u d . à Paris, p. 38 ; UNE MINUTE à l'avance (STENDHAL, L. Leuwen, XX). — Elle est l'his-
DUHAMEL, dans le Mercure d e Fr., 16 juillet 1912, toire abrégée de la Rédemption préparée SI LONGTEMPS à l'avance
cité par M. Décaudin, Crise d es vale urs sy m b olis - (HUYSMANS, Cathédrale, p . 336). — Prévenez-nous DEUX OU TROIS
t es, p. 447 ; GRACQ, AU ch â t e a u d'A rg o t, p. 5 ; etc.
JOURS à l'avance (J. MLSTLER, Route des étangs, p. 222).
de choses qui s'emboîtent : Les tubes de cette lunette d'approche REN- q ui d ort, p. 86 ; ARAGON, Se m ain e sain t e, L. P.,
t . Il , p . 3 5 0 ; VAII IAND, Écrits in ti m es, p. 782.
TRENT les uns dans les autres (Ac. 1935) ; de même, par exagération :
Les jambes me RENTRENT dans le corps (ib.) ; au figuré : Le second arti-
cle de la loi RENTRE dans le premier (ib.). — L 'Ac. ne prévoit pas ren-
trer dans « heurter violemment ». Cet emploi, que le Trésor considère
comme pop. (« fam. » serait plus juste), surprend dans une définition
de ce dict. (s. v. casse-cou) : Interjection visant à prévenir un joueur qui
a les yeux bandés qu 'il risque de RENTRER DANS un obstacle.
Rechercher implique une idée d'insistance, d'effort, de difficulté
(RECHERCHER un malfaiteur, parce qu'il se cache, etc.), ce qui n'est
pas présent dans "Cette école RECHERCHE un instituteur.
Se rechanger « changer de vêtements » est fam. pour le Lar. XX' s. et
pop. pour le Trésor U J J . Dans Rézeau, cet emploi (qu'on a signalé
I U I U £ S REMARQUE.
aussi en Belgique, en Suisse, au Québec, en Louisiane) serait
Dans la définition du T résor, « changer ses habits
« aujourd'hui caractéristique d'une aire nord-est de la France ( Arden-
de nouveau », la présence de d e n o uve a u
nes, Champagne, Franche-Comté, avec quelques traces dans la amène la question : qu'y a-t-il de pop. dans
Loire) ». Ce repli est étonnant pour une formation aussi naturelle. — l'em ploi ainsi décrit ?
Le dérivé masc. rechange « vêtement de rechange » est, lui, localisé par
Rézeau dans le pays de Caux, en Lorraine et dans le Sud-Est du
domaine occitan. Un auteur normand fait ainsi parler la célèbre com-
tesse de Ségur (en reproduisant sa prononciation de l'r) : M"" la Com-
tesse de Ségur prie Monsieur [qui vient de sauver un enfant près de se
noyer] de bien vouloir déjeuner avec elle [dit un domestique]. / — Et
aussi pour le RRRECHANGE ! crie la dame (LA VARENDE, Centaure de
REMARQUE.
Dieu, p. 204). — Ex. extérieurs à la zone décrite : Tu es tout « trempe »
Dans le Nord (Belgique comprise) et dans l'Est
[cf. § 174, a, 1°]. Va te changer. [...] Je t 'ai préparé un « RECHANGE »
(Suisse comprise : cf. Thibault), le parler popu-
sur ton lit (MAURIAC, Genitrix, p. 94). — Habillez tous les enfants chau- laire dit °re/aver la vaisselle pour laver : Je sais lire
dement, que chacun d' eux ait un RECHANGE, j e ne sais le temps que nous e t écrire. [... 1 Je p e u x REIAVER la vaisselle (CL AUDEL,
serons sans revenir (HÉRIAT, Famille Boussardel, X V ) . So ul. d e sa tin, IV, 11). — Dans le Hainaut, la °rela -
verie est une arrière -cuisine ou une buanderie.
L a d é r i v a t i o n r é g r e s s i v e c o n s i s t e d a n s la f o r m a t i o n d ' u n m o t
n o u v e a u p a r suppression d'un suffixe o u d'un préfixe.
a) S u p p r e s s i o n d e suffixes. [ Q E 9 K S I REMARQUE
C as isolé : l'adj. p ré m a t uré est tiré d e p ré m a -
1° E lle d o n n e s u r t o u t n a i s s a n c e à d es d é v e r b a u x , à d es n o m s o u à d es
t uré m e n t, lui - même d érivé (a v e c suffixe
adjectifs c o n s t i t u é s p a r le rad ical d u verbe, rad ical tel quel p o u r les p lé o n asti q u e: § 165, R2) d e l'a dverb e p ré -
n o m s m a s c u l i n s , r a d i c a u x allongés d ' u n e d a n s l'écriture p o u r les m a t uré, qui avait é t é e m pru nté d u latin p ra e -
m a t ure.
n o m s f é m i n i n s et les adjectifs. C e p r o c é d é , e x t r ê m e m e n t f é c o n d
en a n c . fr., s'est b e a u c o u p res t rei n t , s a u f p o u r les n o m s f émin in s .
• N o m s masc. : accorder accord ; galoper ->• galop ; labourer
labour ; plier -*• pli ; reporter report ; choisir —> chois, écrit
plus tard choix 033 ; combattre combat ; etc. HISTORIQUE.
• N o m s fém. : adresser adresse ; attaquer > attaque ; nager —> Po ur u n e raison p e u visible : cf. § 91, H3.
nage ; neiger neige ; transir transe ; déprimer -* • déprime
(néologisme fam. [pop. p o u r l'Ac. 2 0 0 1 ] ) ; etc.
• Adjectifs (peu n o m b r e u x ) : combler -*• comble ; gauchir —>
gauche ; etc.
°Trempe « trempé » est usité dans bien des régions (Suisse et Québec
compris) : Tu es tout « T REMPE ». V a te changer (M A URI A C , Genitrix, p. 94).
Cf. Wartburg, t. X I I I , l r e partie, pp. 169-170, et Rézeau. — Les adjectifs
déverbaux sont particulièrement nombreux dans la zone franco-provençale :
cf. J . - P . Chambon, dans Rézeau, s. v. enfle, gâte, use. — Pattemouille, avec patte
« chiffon » et mouille « mouillé », vient de cette région.
Dans la formation des n o ms déverbaux masculins, l'élimination de la
terminaison peut amener des changements phonétiques dans le radical.
La voyelle devenue tonique est traitée comme telle : avouer -->• aveu. — La
consonne sonore devenue finale s'assourdit : relever relief ; ch devient c :
accrocher accroc UkRo] ; « tombe après r : retourner •* retour. — Les conson-
nes deviennent généralement muettes, les consonnes nasales nasalisant la
voyelle ; refuser ' refus ; maintenir • maintien ; gagner * gain.
Su b st i t u t i o n d e ruffixes o u d e préfixes.
C ' e s t u n p h é n o m è n e vo i s i n d e l a d é r i v a t i o n r é g r e s s i v e .
Au contraire d' expulser, impulser l!M. quoique ancien lui aussi, n'est rentré U S 1 5 3 3 HISTORIQUE.
dans l'usage que vers le milieu du X X e s. : Les chefs du personnel rabâchent le D ans leurs e m plois m odernes, ils ont été tirés
même refrain : « J 'ai besoin d' un jeune qui puisse IMPULSER (sic) mon service [...] » d'e x p ulsio n et d'i m p ulsio n, o u de l'anglais, plu-
(dans le Monde, 23 oct. 1966, cit. Gilbert). — Ce Comité dirige et IMPULSE la tôt q u e d u latin m é diéval e x p ulsare, i m p ulsare.
mise en œuvre de la politique du Parti (Statuts du Parti communiste fr., art. 27
[1964, mis à jour 1972], dans Duverger, Constitutions et docum. polit.). — Les
diverses micro-histoires qui IMPULSENT le roman (RLCARDOU, Problèmes du nou-
veau roman, 1967, p. 183). — Certains grammairiens (comme Hanse) et plus
d'un locuteur (voir le sic dans le 1CT ex.) gardent des préventions, peut-être parce
qu'ils sentent une influence de l'anglais. L'Ac. 2 0 0 0 s'est résignée sans façons.
L 'Ac. 2 0 0 0 a le même avis que sur indifférer. Léautaud, En tre tie ns avec R. Malle t, p. 298
(Léautaud critique son interlocuteur) ; Fr. V E R N Y ,
°Urger « être urgent » : La présence du matou n ' URGEpoint (COLETTE, Chats, D ie u n'a p as fait la m o n, p. 204.
p. 58). — Lorsqu 'il y a doute de droit ou défait, les pénalités canoniques «'URGENT
pas (M. RLQUET, dans le Figaro litt, 7 juillet 1969). — Rien N'URGEAIT (HEN-
RIOT, Vie de mon père, cit. Le Bidois, Mots trompeurs, p. 53). — J! URGE (non,
voyons), il est urgent queje rompe avec Isabelle (LARBAUD, Mon plus secret conseil, Pl.,
p. 709). [Le narrateur est entrain d'écrire une lettre et il cherche ses mots.]
E U K E I 1 REMARQUE
0Imminer
A u sens de « insister », c'est un latinisme indé-
(ignoré de l'Ac. 2000). Avec l'idée de menace : Mon existence se
pendant d'ur g e n t : L'o n n e d oit p as U R G E R [ . . . ] sur
corse. La cheminée IMMINE. Elle va choir sur mon crâne (COLETTE et WLLLY, le sy m b olis m e d e l'illu m in a tio n d e la gro tt e
Claud. à Paris, Pl., p. 346). — Les deux adversaires, face à face, se poussaient (F.-M. ABEL, Be t hlé e m , p. 10). Autre ex. du même
jusqu 'à l'âme les lances violentes de leurs regards, tous deuxfascinateurs etféroces. La auteur dans H. Vincent et F.-M. Abel, Jérusale m ,
lutte IMMINAIT, poignante, indécise encore (PERGAUD, De Goupil à Margot, L. P., t. Il, fasc. 3, p. 574.
p. 82). — C' est horrible, un pays où [...] on sent les fantômes, les tués en demi-som-
meil, [...] où IMMINENT toujours le revenant et le vengeur (GIRAUDOUX, Electre,
I, 3). — Simplement, proximité dans le temps E S : D 'autres numéros sont E U B U REMARQUE.
venus prendre leur place [...], car la revue [spectacle] IMMINE (COLETTE, Vaga- L'évolution concerne aussi i m m in e n t et i m m i -
bonde, PL, p. 1117). — Il ne s'agit [...] que d' une simple activité métaphysique ; n e nce, qui ont impliqué longtemps l'idée d'un
mais la tentation IMMINE déjà de la convertir en une suite d' œuvres pleinement ter- événement malheureux. L'Ac. 2000 accepte que
restres (A.-M. SCHMIDT, Poés. scientif. en Fr. au XVI' s., 1970, p. 143). ces deux mots s'emploient sans cette nuance.
3° Des phénomènes analogues s'observent avec des pseudo-partici-
pes passés :
Désemparé « qui ne sait plus que faire ni que dire » > désemparer qqn « le
E L B E I REM ARQUE. mettre dans cet état ». B 3 — De vermoulu a été tiré au début du X V I I e s.
Le ve r b e , d a ns c e sens, n'a pas d e ra p p o rt d irect l'infinitif vermouler : Du bois qui commence à SE VERMOULER (LITTRÉ). 0 9 —
a v e c d ése m p arer un bateau o u u n avio n ni a v e c Autres cas § 877, / . Voir aussi § 360, c, ainsi que § 179, RI (léser).
sa ns d ése m p arer.
E S I B E E S REM ARQUE
b) S u b s t i t u t i o n d e préfixes o u d e p seu d o -p réfixes.
Enclin, p ur adjectif, a ét é confondu p ar Atteler [du lat. vulg. *attelare, lui-même tiré de protelare, par substitution
R. VAILLAND a v e c d es p artici p es passés e n - ein t de l'élément initial] ->• dételer ; amarrer [du néerl. aanmarren] * démarrer (cf.
et a d o n n é u n v e r b e °e nclein d re (!) : °Le urs in j u -
§ 287, a, 6°) ; approprier [empr. du lat. appropriare] ' exproprier ; empêcher
res [...] ENCLEICNENT d ava n t a g e à la pitié q u'à la
rig u e ur (Bo n pie d b o n œ il, I, 4).
[du lat. impedicare] dépêcher ; empêtrer [du lat. *impastoriare] *
dépêtrer 1:11 ; interpolation [empr. du lat. interpolatio] • • extrapolation.
REM ARQUE.
N. B. À la substitution de préfixe, certains usagers préfèrent la préfixation
P o u r le T résor, d é t errer vien t d'enterrer, mais
ordinaire.
d é b aller d e b alle et d é b ar q u er d e b ar q u e (se l o n
le p r o c é d é d écrit d a ns le § 176). M a i s p o u r q u o i °Désagrafer concurrence dégrafer : La ceinture DÉSAGRAFÉE d' un cran
sé p a r e r c es trois c as ? O n peut, soit rattacher (CENDRARS, Bourlinguer, L. P., p, 290). — Le Trésor cite aussi la cor-
aussi d é t errer à terre, soit ( c e q ui s e m b l e plus
r e s p o n d a n c e d e M É R I M É E et les c a r n e t s de B A R B E Y D ' A U R .
vr a ise m b l a b l e) c o n si d é r e r q u e d a n s les trois c as
d é - a é t é substitué à e n - . V o i r aussi R7.
GIDE recourt plus d'une fois à des verbes de ce type : désembroussailler,
dans Si le grain ne meurt, I, 9 ; désembrouiller : Journal, 4 nov. 1927
REM ARQUE. (aussi chez A. DAUDET et A. ARNOUX, dans le Trésor) ; se déséprendre :
Selo n le T résor, o n aurait l'évolution inverse pour
ib., 30 mai 1930 ; désemmêler : ib., 5 févr. 1902 ; désembarrasser :
d é b arrasser, qui serait issu d e d ése m b arrasser ; sans
lmmor., III (aussi chez D'ESPARBÈS, dans le Trésor, s. v. débarrasser).
d o u t e cela se fonde - t - il sur la date d es attestations,
mais, les écarts étant faibles et n os relevés aléatoi - Désempêtrer (qui est ancien) est mentionné par peu de dict. Ex. : MÉRI-
res, partir d' e m b a r r a s s e r n e se m b le pas exclu. MÉE, Corresp., 10 août 1832 ; HERMANT, Discorde, p. 19. E 3
m Formation parasynthétique.
L a f o r m a t i o n p a r a s y n t h é t i q u e co n s is t e à créer u n m o t n o u -
veau, s u r t o u t u n verb e o u un ad jectif en -é, en a j o u t a n t à u n m o t pri-
m i t i f s i m u l t a n é m e n t un préfixe et un suffixe.
Êborgner de borgne ; effronté de front ; égrener de grain ; épurer de pur ; éreinter
de rein (comp. § 167, b, 3°) ; — imparable de parer ; inusable d' user ; — reculer de cul.
No u s ne considérons pas comme de véritables parasynthétiques :
1) les dérivés faits sur un syntagme (§ 168, a) : en terre -*• enterrer ; à rive
arriver ; sous terre -*• souterrain ; — 2 ) les dérivés faits sur un syntagme lati-
nisé ou partiellement latinisé (§ 168, e) : hors mariage -*• extraconjugal. —
Pour déterrer, débarquer, etc., voir § 174, b.
A. Eléments français
1° V e r b e 4- o b j e t d i r e c t , p r o c é d é e x t r ê m e m e n t féco n d . GH K L L I R A H .ST O R. Q UE
Les poètes du XVI e s. employaient volontiers
Abat-jour, cache-sexe, coupe-circuit, coupe-gorge, cure-dent, fait-tout, lave- co m m e épithètes les composés de ce type :
vaisselle, porte-bagage, pousse-café, prie-Dieu, remonte-pente, tord-boyaux (ou L'OSTE-SOIF éch a nso n (RONS., éd. V., t. IV, p. 68).
tord-boyau : § 530, a), etc. — Dans des locutions adverbiales : § 965, e. — So n tro u p e a u PORTE-LMNE (ib ., t. V, p. 268).
Selon Darmesteter, dont l'interprétation a été acceptée par beaucoup
de linguistes, l'élément verbal, dans les composés de l'espèce, serait à l'ori-
gine un impératif, alors que le sentiment actuel des locuteurs est qu'on a
un indicatif présent à la troisième personne du singulier. J . Marouzeau a
combattu avec d'excellents arguments la thèse de Darmesteter et conclut
que nous sommes « en présence d'un élément verbal extérieur au para-
digme, étranger aux notions de personne, de temps, de mode, ayant pour
base la forme la plus réduite du verbe » (ce que sont l'impératif à la
2 e pers. du singulier et l'indicatif présent à la 3 e pers. du singulier).
Si la forme verbale est homonyme d'un nom, on l'interprète souvent comme
un nom : de là les graphies soutien-gorge, appui-tête, et la règle compliquée du pluriel
des mots en garde- et en aide- (§ 530, a, 1°). — °Soutient-gorge, préconisé par Dau-
zat (dans le Monde, 5 mai 1948) et par Bruneau (dans le Figaro litt., 26 janv. 1952),
n'est pas entré dans l'usage. — L 'Ac. a opté franchement en 1988 pour appuie-tête,
REM ARQUE. appuie-main, etc., mais, en 2001, elle admet de nouveau aussi appui-tête, etc. [ J |
D u latin cri m e n la esae m aiest a tis, l i t t éra l e m e n t
2° V e r b e 4- s u j e t , p r o c é d é p l u s r a r e :
« c r i m e d e m a j e s t é b l essée », a é t é d é c a l q u é le
fr. cri m e d e lèse m ajest é. C e t t e e x p r essi o n a é t é Croque-monsieur, pense-bête, saute-mouton. Assez fréquent dans les noms
i n t e r p r é t é e c o m m e c o n t e n a n t u n v e r b e et s o n de lieux : Cbantemerle, Hurlevent, Pissevache (nom de ruisseau), etc.
o b j e t : d ' u n e part, o n e n a tiré le v e r b e léser ; Dans l'interprétation de Darmesteter, laquelle paraît plus défendable que
d ' a u t r e part, d è s le X V I I e s., o n a f a b r i q u é d e s
pour les ex. du 1°, on aurait un impératif suivi d'un nom en apostrophe : Cro-
c o m p o s é s , s o u v e n t o c c a s i o n n e l s e t plaisants,
que, monsieur.
sur c e m o d è l e , sa ns q u ' o n s e p r é o c c u p e d u
genre d u n o m (éventuellement d u p r o n o m). b) P r é p o s i t i o n ( o u a d v e r b e ) 4- n o m o u v e r b e .
A v e c d es féminins : [ C r i m e d e LEZE- facu / té (MOL.,
Mal. i m a g., III, 5). — C ri m e d e LEZE-SOc/été (DID., 1° V e r b e s f o r m é s d ' u n e p r é p o s i t i o n ( o u d ' u n a d v e r b e ) et d ' u n verb e.
Rêve d e d'Ale m b ., p. 1 5 7). — C ri m e d e LÈSE-nat/on À : apercevoir, attirer. Cf. § 172.
(BEAUMARCHAIS, d a ns G . v o n Pr osc hwit z , In tro d . à Contre : contrebalancer, contremander.
l'é t u d e d u voca b . d e Be a u m ., p. 1 4 1 ; f o r m u l e
Entre « à demi, un peu » : entrouvrir, entrevoir ; avec les verbes réfléchis,
officielle e n 1789 - 1 7 9 0 : cf. Br u n ot, Hist., t. IX,
marque la réciprocité : s' entraider, s' entredévorer ou s' entre-dévorer, etc., selon
p. 637).1 — C ri m e de List - religio n (S.-BEUVE,
P. - Royal, Pl., 1.1, p. 3 2 8 ; p assa g e traduit d ' u n le choix laissé par l'Ac. 2 0 0 1 (mais en marquant sa préférence, dans l'entrée et
p a m p h l e t latin d e 1 6 3 5 ). dans les ex., pour la forme agglutinée)..
A v e c d es masculins : [ D u s s é - j e ê tre co u p a ble de Sous (sou devant consonne dans les formations anciennes) : soumettre,
lèse - m ajest é o u d e LÈSE - cavagn oie [ = sorte d e j e u ] sous-estimer, sous-louer.
(VOLT., C orresp , t. Il, p. 1 0 4 8).] - C ri m e d e LÈSE-
Sur : surcharger, surexciter, surnager.
t a b ac [à p r o p os d ' u n f u m e u r qui j et t e sa p i p e à
terre] (BALZAC, C h a b ert, p. 72). — C ri m e d e LÈSE-
Outre, par, pour, tré [très était une préposition en anc. fr. ; lat. trans] ont
b u d g é tivore (H. DE ROCHEFORT, dans J. D u b o is, cessé d'être productifs : outrepasser ; parachever, parfaire, parsemer ; pourchas-
V oca b ul. p olit, e t social e n Fr. d e 7 8 6 9 à 1872, ser, pourlécher ; trépasser, tressaillir.
p. 3 3 1 ). — Le m oin d re d élit d e LÈSE-MO/ (LARBAUD,
2° N o m s f o r m é s d'une préposition ( o u d'un adverbe) et d'un n o m .
A . O . Barn a b o o t h, J o u r n a l intime, Pl., p. 2 2 3). -
C ri m e d e LÈSE- tourisme, c'est - à - dire d e LÈSE - o bscu - Arrière : arrière-boutique, arrière-pensée. — Pour le fils du petit-fils, pour le
ra n tis m e (BARTHES, Myt h olo gies, p. 1 3 1 ). père du grand-père, etc., on dit arrière-petit-fils, arrière-grand-père, etc. La langue
familière (ce que les dict. ne paraissent pas signaler) dit arrière-arrière-,.. pour
la quatrième génération et arrière-arrière-arrière-.,. pour la cinquième : On lui
a appris comme on a appris à son père comme on a appris à son grand-père comme
on a appris à son arrière-grand-père et à son ARRIÈRE-ARRIÈRE-grand-père que
[...] (Cl. SIMON, Histoire, p. 174). — Je dois avoir l'air d' une ARRIÈRE, ARRIÈRE,
ARRIÈRE [sic] grand-mère ? (SUPERVIELLE, Belle au bois, 1953, p. 147.) — Pedi-
gree, généalogie, ascendance complète d' un cheval, jusqu 'aux trente-deux ARRIÈRE-
ARRIÈRE-ARRIÈRE-grands-parents (L. ZLTRONE, Vie d' un cheval de course, p. 15).
Avant : avant-scène, avant-veille. — + adj. : avant-dernier. (Sur avant-
avant-dernier, voir § 599, d, 5°.)
Contre : contre-allée, contrordre, contre-courant, contrecoup. — L 'Ac. 2001,
tout en gardant dans sa nomenclature les inconséquences de 1932, accepte les
recommandations du Conseil supérieur de la langue fr. (cf. § 90, d) selon les-
* quelles les composés de ce type sont agglutinés, sauf contre-amiral et contre-ut.
Sous : sous-bail, sous-lieutenant, sous-vêtement. Avec l'idée d'insuffisance :
sous-équipement.
Sur : survêtement. Avec l'idée d'excès : surproduction.
Sous et sur s'ajoutent aussi à des adjectifs ou des participes, sous
ma rq u a n t l'insuffisance et sur le h a u t degré ou l'excès :
Sous-développé, pays sous-peuplé (dans l'Express, 1971, cit. Gilbert) ;
suraigu, surfin, surdéveloppé.
E E M Z I REM ARQUE. Dans certains cas, le groupe prépos. + nom pourrait être considéré comme
P o u r c e d e r n i e r , la g r a p h i e e t le s e n s l ' o n t un syntagme nominalisé (§ 180, a), n'était l'omission de l'article : contrepoison,
écarté du syntag me correspondant. contrevent, soucoupe. 0 9 — Avec entre, le fait que le nom soit au singulier
montre aussi que le composé est distinct du syntagme : entracte, entrecôte, entre-
cuisse, entrejambe (Ac. 2001 [Robert 2001 entrejambe ou entre-jambes]), entre-
pont, entrevoie (ou entre-voie, précise l'Ac. 2001), etc. l : t l ram REMARQUE.
Non, presque et quasi, qui sont d'abord et surtout des adverbes, E n o u t r e Ye n tr'ceil « e s p a c e e n t r e les y e u x »,
s'ajoutent à des noms, à l'origine soit par un phénomène de dérivation j o l i m o t r ess u sc i t é p a r M . THIRY, Œ uvres p o é t.
co m plè t es, t. III, p. 8 3 .
(§ 168, a, 2°, N. B.), soit dans des calques. Ces emplois se sont ensuite
développés à partir du X I X e s. Pour quasi, qui est aussi un mot latin,
il pourrait y avoir eu une influence savante.
Non, suivi d'un trait d'union, est d'une grande vitalité (soutenue par
l'influence anglaise), malgré la résistance de grammairiens qui trouvent, non
sans raison, que ces tours nominaux, parfois « lourds, abstraits, ambigus »
(R. Le Bidois, dans le Monde, sélect, hebdom., 5-11 mars 1970), concurren-
cent indûment des tours verbaux plus concrets : Le NON - ê t re [calque de
l'allem.]. Le NON -moi [id.]. NON-sens [calque de l'anglais 033]- Point de NON-
K M K L HISTORIQUE.
retour [calque de l'anglais]. NON-YIO/ENCE [calque du sanscrit, par l'intermé- N o nse ns a existé e n anc. fr. a v e c la signification
diaire de l'angl.]. — Il y a marque de NON -mi t o y e nn e t é lorsque la sommité du « m a n q u e d e b o n sens ».
mur [...] (Code civil, art. 654). — Cela est clairement déduit [...] de la NON-
apparition de certains résultats (BAUDEL., trad. de : Poe, Hist. extraord., Lettre
volée). — Tous ont bu des bouillons par ces temps de NON vente [sic] (HUYS-
MANS, Lettres inédites à J. Destrée, p. 142). — Le NON-Amowr est un des noms
du Père de l' orgueil [= Satan] (BLOY, Désespéré, L. P., p. 178). — Revenu de la
Biennale de Venise blessé par la NON-reconnaissance de son espace par les criti-
ques, les amateurs, la mode (VAILLAND, Écrits intimes, p. 777). — Dans le sec-
teur du livre broché de NON-fiction (Cl. ROY, dans le Monde, sélect, hebdom.,
27 nov,-3 déc. 1969). — Il faut des recommandations, des appuis, du piston, bref
toutes les formes du NON-droit (F. MARCEAU, Années courtes, p. 101). — Ma
messe quotidienne contredisait la NON-pratique de mon père (ib., p. 108),
Presque, ordinairement sans trait d'union (comme s'il était pris pour un
adjectif, mais il aurait été souhaitable qu'on le traitât comme quasi) :
PRESQl/île [calque ancien du ht. paeninsula]. 03 — La PRESQUE unanimité ; I U K S REM ARQUE.
ex. de 1791 dans Brunot, Hist., t. I X , p. 7 8 1 ; MlCHELET, Hist. de la Révolfr., S e u l c a s o ù l'e d e p resq u e est r e m p l a c é p ar u n e
1.1, p. 565 ; etc. — Astres, [...] / [..,] écrasez mon âme par votre PRESQUE éter- a p o s t r o p h e , se l o n l' u sa g e rég ulier. C f . § 45, R2.
nité (LAMART., Harm., IV, 9 [cité par Littré, s, v, presque, avec la mention
« par néologie »]). — Henri Dauvergne répéta [...] la PRESQUE certitude où il
était d'avoir [...] entendu les voix sourdes des deux accusés (ZOLA, Bête hum., V ) .
— Vivre dans une PKESQUE-intimité (LOTI, Vers Ispahan, p. 250). — Dans la
PRESQUE nuit (M. DONNAY, Torrent, III, 8). — Ces PRESQUE hommes [= les
préhominiens] (J. ROSTAND, Pens. d' un biol., p. 86). — Il en était arrivé déjà à
la PRESQUE fin du deuxième tiers du volume (R. ROLLAND, Péguy, t. II, p. 123).
— À ses PRESQUE débuts [d'un acteur] (Cl. ROY, Somme toute, p. 328). —
Cette comédie badine, ce PRESQUE vaudeville (J. LEMARCHAND, dans le Figaro
litt., 16 juin 1962).
Quasi, suivi d'un trait d'union : Un moment de QUASl-silence (HUGO,
N.-D. de Paris, X , 3). — M.Jean Reynaud ne se doutait pas [...] qu 'il serait le
surlendemain un QUASI-ministre au département de l'Instruction publique
(S.-BEUVE, Chat, et son groupe litt., 1861,1.1, p. 2). — La QUASl-totalité des épî-
tres (DANIEL-ROPS, Saint Paul, p. 107). — Dans une QUASl-ignorance (AYMÉ,
Confort intellect., p. 58). — Une QUASI-certitude (VIAN, Écume des jours, I). —
Dans l'ex. suivant, par la forme de l'article (§ 584, a), quasi est traité en
adjectif : Ils n ' étaient plus DE quasi-souverains (JAURÈS, Hist. socialiste de la
Révolfr., 1.1, l r e partie, p. 71).
Ce tour, jadis conforme à la syntaxe (fête-Dieu : cf. § 528, b), était P o u r g ar d e - m e u ble, etc., a p p uie - t ê t e, etc., so u -
tie n - g org e, traités c o m m e s'ils a p p a rte n aie n t à
devenu peu productif. Il a retrouvé de la vitalité au X I X e et surtout au c e t t e c a t é g o r i e , vo ir a, 1 — En r eva n c h e , ch e f -
X X e s. lie u aurait p u ê t r e m e n t i o n n é ici : cf. Ru m e
[= R o m e ] est chie f d e crestie n t é (Vie d e s. C illes,
Parmi les formations modernes, on trouve : 1) des calques de l'anglais :
cit. T o b ler - Lo m m a t z sc h). M a i s o n c o nsi d èr e plu -
timbre-poste, malle-poste, wagon-lit ; 2) des locutions réduites par la suppres- tôt q u e « ch e f a e u ici à l'origine la f o nc t i o n d ' u n
sion d'une préposition, surtout dans la langue commerciale : épingle de adj., a u sens d e « p ri nci p al », c o m p . chieve re n t e
nourrice épingle nourrice (AUDIBERTI, Maître de Milan, V) ; culotte de golf > à c ô t é d e chie f re n t e » (Bl oc h - Wa r t b u r g ) .
culotte golf (catalogue de Manufrance, 1956, p. 168) ; 3) des expressions
comme pause café, une télé couleur, où il ne s'agit pas d'un complément d'appar-
tenance et où la préposition omise est autre que de.
L'absence de trait d'union montre que l'on n'a pas un véritable composé, mais
une locution et même, dans la dernière série, une construction syntaxique par jux-
taposition (cf. § 354, b). — Le trait d'union s'est imposé dans bébé-éprouvette, qui
est à la foisfigé,seul de son espèce et de formation compliquée (= bébé conçu dans
une éprouvette). — Dans d'autres circonstances, il y a de l'hésitation dans l'usage,
ce que les lexicographes transposent parfois dans leur analyse : pour le Robert,
radarjuxtaposé à un nom est tantôt « en apposition » et tantôt « en deuxième élé-
ment de mots composés », avec un trait d'union dans le second cas. En quoi se dis-
tingue, trait d'union mis à part, couverture radar d' une région et contrôle-radar ! Ce
trait d'union traduit un sentiment d'anomalie syntaxique. — Centre-ville (qui
n'est pas mentionné dans le Rob. 2001) est assez fréquent (dans le Monde, 24 nov.
2000, p. 2, etc.) ; le composé n'a plus la nuance purement topographique de centre
de la ville, mais désigne le quartier le plus commerçant et le plus animé.
REM ARQUE. Le complément précède. OU
Certai ns c o m p o s é s sont constitués par un
Cet ordre, qui a été productif très anciennement ( c ha u f o u r , chien-
ver b e , u n p artici p e o u u n a d jectif p r é c é d é s
dent), se manifeste à notre époque dans deux cas : 1) dans des calques
d ' u n c o m p l é m e n t : b o uleverser, culb u t er, sa u -
p o u d rer ( d e sel) ; lie u t e n a n t ; clairse m é, co urt - de l'anglais : le Nord-Vietnam ; — 2 ) dans des composés français
vê t u, n o uve a u - n é ; t erre - plein ( e m p r . d e l'ital.), (que l'on peut considérer comme tels, mais souvent l'anglais est la
* q u e le C o n s e i l s u p é r i e u r d e la l a n g u e fr. pro - source) dont le premier élément est un mot résultant d'une apocope
p o s e d ' é c r i r e t erre plein (c f . § 1 0 9 , N. B.).
(auto <— automobile, etc. : § 188, a) :
Auto-école, autoroute, radio-reporter, ciné-roman,photocopie, télédistribution.
Ce mot fr. résultant d'une apocope est antéposé dans la composition fr.
(auto-école) comme l'élément latin ou grec qui est son homonyme est antéposé
dans la composition latine ou grecque ( a u t o m o b il e = mobile par lui-même,
1 3 1 1 I E 1 REM ARQUE. etc. : §§ 183-184). E l
D a n s a u t orail, a u t o est le m o t c o m p l é t é ( = a u t o
Selon des tendances récentes, qui s'inspirent, directement ou indirectement,
sur rails) ; c e l a fait u n e f â c h e u s e e x c e p t i o n .
de l'anglais d'Amérique, certains éléments, rares en fr. comme mots autonomes,
E S I K H I REM ARQUE sont plutôt des réductions en vue de la composition : cybercafé, cyberculture, etc.
In f oro u t e a été p r é c é d é d'in f o d uc ( d a n s le (cf. R o b . 2001) de cybernétique; infogérance (cf. ib.), inforoute (qui n'est pas dans
titre d ' u n livre d e L. DE BRABANDÈRE, 1985), Rob-) ES d' informatique ; internaute (cf. Rob. 2001) dinternet. Cela est à rappro-
f ait d ' a p r è s olé o d uc, etc. cher des mots-valises (§ 178, d).
REM ARQUE. Le cas extrême, qui se rapproche des préfixes et des sigles, et qui ne peut dissi-
C f . Ro b . 2 0 0 1 : « N o n m o t ivé et d e pronon - muler son origine anglo-saxonne, est e-, tiré d' electronic et concurrent de cyber- et
ciati o n a b e r r a n t e e n français, c e t élément d'info-. Il se prononce généralement [i] à l'anglaise, parfois [0] ou [œ] E 3 , toujours
p o u r r a i t ê t r e r e m p l a c é ( p a r f o i s p a r cy b er - ). » avec disjonction. Il apparaît d'abord dans e-mail, mot emprunté EÇJ ; puis il se
joint à des noms français : e<ommerce, e-médecine, e-pharmacie (ces deux-ci dans le
E S I B E I REM ARQUE
Monde, 22 sept. 2000, p. 1), etc., pour désigner des choses qui se font grâce àl'inter-
S u r l es c o n c u r r e n t s d e e - m ail, v o i r § 103, R2.
net. 0 — On écrit parfois i- (l r e lettre d'internet) : L '1-génération (dans le Monde,
BIBLIOGRAPHIE. 14 oct. 2005, p. 15) pour désigner les gens dont l'internet a transformé les activités.
M. TOURNIER, Pré fi x es « b ra nch és » d e la co m m u -
nica tio n, d a ns Liaiso ns - AIRO E, févr. 2002,
pp. 183 - 188.
d) M o t s coordonnés sans pause ni conjonction.
* N o m s formés de deux noms : Un sourd-muet. Un bracelet-montre.
Une montre-bracelet. Une porte-fenêtre. Un bar-tabac (cf. § 189).
Un wagon-restaurant. Une canne-parapluie. L 'Alsace-Lorraine.
Erckmann-Cbatrian (deux auteurs écrivant en collaboration).
Comme le montre le genre de bracelet-montre et montre-bracelet, il y a
toujours un des deux noms qui l'emporte sur l'autre. — Il est souvent
difficile de distinguer ce cas de la construction nom + nom apposé,
solution qui s'impose lorsque le second nom est une métaphore :
chou-fleur, oiseau-mouche. Comp, § 109, c, 1°.
• No m s formés de deux verbes ou d'un verbe répété (les verbes
sont à la même forme que dans les composés du type couvre-
lit : cf. a, 1°, ci-dessus) :
• U L 8 B 0 I HISTORIQUE. Chantepleure, chausse-trape f j f j , virevolte, cache-cache, passe-passe,
A l t éra ti o n d e l'anc. fr. ch a uch e tre p e, formé des pousse-pousse. — Cf. aussi prêchi-prêcha, avec un jeu de sons i-a fré-
v e r b e s ch a uchier « f o u ler au x p ie ds » et tre p er
quent dans les onomatopées (§ 200).
« f r a p p er d u p i e d ».
Le Conseil supérieur de la langue fr. [cf. § 109, N. B.] recommande
d'écrire en un mot chaussetrappe, passepasse, poussepousse, prêchiprêcha.
HISTORIQUE. » Adjectifs formés de deux adjectifs : aigre-doux, sourd-muet.
Fra nco = fra nçais ; g er m a n o = alle m a n d ; s / no =
chin ois ; a ustro = a u trichie n. La bio est e m p r u n t é
Le premier adjectif reçoit souvent une finale en -0 et un radical
d u latin la biu m « lèvre ». parfois éloigné des mots français habituels E S (cf. § 178, a).
L 'alliance franco-russe, le pacte germano-soviétique, la guerre sino-japo- O U S E S REM ARQUE.
naise, l' empire austro-hongrois. — Combat politico-culturel (LE ROY La t e n d a n c e a c t u e l l e est d e r e m p l a c e r le trait
LADURIE, Carnaval de Romans, p. 401). Consonne labiodentale. SB d ' u n i o n p a r la s o u d u r e ( m a i s l ' u s a g e reste
m a l f i x é), sa u f 1 ) s'il y a u n d a n g e r d e mau -
• Verbes formés de deux verbes synonymes (le premier à la
v a i s e l e c t u r e (a p p areil g é nit o - urin aire) ; 2 ) si
même forme que dans les composés du type couvre-lit : cf. a, l es d e u x é l é m e n t s c o o r d o n n é s s o n t d e s eth -
1°, ci-dessus) : tournevirer, virevolter. n i q u e s . C f . § 1 0 9, R2.
parfois des mots rares ou disparus : A BEAU mentir qui vient de loin (cf.
§ 305,1°). À bon ENTENDEUR salut. OIGNEZ vilain, il vous POINDRA.
Cela ne gêne pas le locuteur, car le sens est en quelque sorte global et
ne dépend pas des mots pris en particulier.
Éléments grecs.
Les éléments grecs sont extrêmement nombreux, surtout dans
le domaine des sciences et des techniques ; ils représentent la part la
plus importante du grec dans les langues modernes.
Les mots énumérés ci-dessous ne sont pas tous nés en français : le
vocabulaire des sciences et des techniques a un caractère international ; cf.
§ 160, R. — Nous nous bornons à citer des éléments parmi les plus com-
muns. Il y en a beaucoup d'autres. On a calculé que l'édition 1960 du Petit
Larousse contenait 971 mots composés dont le premier élément est d'origine
grecque (cf. Fr. mod., avril 1960, p. 101). Cela contribue à donner au langage
scientifique et technique un caractère ésotérique et parfois pesant : voir
Étiemble, Le jargon des sciences. — Les mots entrés dans l'usage courant sont
souvent allégés par la réduction : cf. § 188, a.
Ces éléments grecs sont parfois pris dans des applications éloignées de leur sens
d'origine (comp. § 155) : dans philatélie, on a le grec azëkaa « exemption d'impôt » (le
timbre-poste dispense le destinataire de payer le port). [On a d'abord essayé timbropbilie.]
Certains de ces éléments peuvent aussi servir de radical : graphisme, — voire cons-
tituer un mot à eux seuls : gramme.
a) Eléments nominaux.
La plupart peuvent être soit antéposés, soit postposés ; dans le
REM ARQUE. premier cas, ils reçoivent d'ordinaire la finale -o (§ 178, a) ; dans le
Pa n ora m a, m o t d û a u p ei ntre écossais R o b e r t second cas, ils reçoivent un e muet ou un suffixe (-ie, -iste, -isme...).
Ba k e r ( 1 7 8 9 ) , q ui inventa d e vastes ta b lea u x L'ordre habituel est mot complément + mot complété. Cf. cependant
circulaires représentant des villes, des
philatélie à côté de xénophilie.
c h a m p s d e bataille, etc. D e s perfection ne -
m e n t s s u i vi r e n t : il y e u t e n 1 8 0 7 u n c o s m o - Air- (air ) : AÉROlitbe, AÉROphagie. M e s - (milieu) : MÉSOcarpe.
ra m a, p u is, e n 1 8 2 2 , u n diora m a. De - ora m a
Alg- (douleur) : gastrALCie. M é t r - ( m e s u r e ) : MÉTROnome, fioroMÈTRE.
est v e n u p a r r é d u c t i o n ( o n a p ris o p o u r la
A n t h r o p - ( h o m m e ) : ANTHROPO / ogie, M o r p h - ( f o r m e ) : MORPHO / ogie,
finale d u p r e m i e r é l é m e n t ) l'é l é m e n t - ra m a,
ANTHROPOmétrie, anthropo MOR PHE.
q u ' o n a p a r e x . d a n s C in éra m a, m o t a n g l a is,
marque déposée pour un procédé co nsis - pitfcécANTHROPE. Nécr- (mort) : NÉCROlogie.
t a n t à p r o j e t e r u n f i l m su r p l u s i e u r s é c r a n s B a r ( y - ) ( p e s a n t e u r ) : BAROmètre, B A R Y m é t r i e . N e u r - , n é v r - ( n e r f ) : NEUROlogie,
j u x ta p osés (variante d isp arue : C in é ora m a). Bib li- (livre) : BIBLIOphile. NÉVROtomie, NÉVRalgie.
C h e z BALZAC, d es p e nsi o n n a i res d e M M E Vau -
B i - (vie) : Bio / ogie, Biographie, aéroBIE. N o m - (règle) : métroNOME.
q u e r se f o nt u n j e u d e « p arler e n ra m a », acco -
C a r p - (fruit) : gymnoCARPE. O d o n t - ( d e n t ) : ODONTOïife, ODONTOfogie,
lant la finale à t o u t es sortes d e n o m s : Com ment
C ép h a l - (tête) : CÉPHALOpode, doli- orthO DONTie.
va ce tt e p e tit e SANTÉRAMA ? [...] Il fait u n fa m e u x
FROITORAMA ! (G o r i o t , p p. 55 - 56.) - V e r s 1960, cfcoCÉPHALE. Onym- (nom) : topONYMie.
so us l'i n fl u ence d e l'anglais, - rama a e u u n g r a n d C h r o m - (couleur) : CHROMOlithographie, Ophtalm- (œil) : OPHTALMOlogie.
s u cc ès d a n s la l a n g u e c o m m e r c i a l e p o u r dési - C H R O M O s p h è r e , hélioCHROMie. O r - (montagne) : OROgraphie.
g n er d es magasins, d es ex p ositions, d es émis - C h r o n - ( t e m p s ) : CHRONOmètre,
sions d e radio, etc. : D / scorama, m usicora m a,
Orama (vue) : panORAMA. O ]
diaCHRONie.
etc. C e t t e m o d e est a u j o u r d ' h u i r e t o m b é e . P a t h - ( d o u l e u r , maladie) : PATHOgèwe,
Chrys- (or) : CHRYSOcale.
névroPATHie. 0 9
E S I E E H REM ARQUE Ciném(at)-, cinés-, kinés(i)- (mouvement) :
CINÉMATOgraphe, CINÉMOmètre, P é d - ( e n f a n t ) : PÉDiatn'e, PÉDO / ogie I K 1 .
Par une confusion regrettable, - pathe
caryoCINÈSE, KINÉSIffcérapie ( e m p r . orthoPÉDie.
s ' e m p l o i e d a n s c e r t a i n s m o t s ( v e n u s d e l'alle -
m a n d ) p o u r d é s i g n e r c e l u i q u i s o i g n e : a/ /o- de l'angl.). P h i l - ( a m i ) : PHILharmonique, PHlLOtechnique,
p a t h e, h o m é o p a t h e. C o s m - ( m o n d e ) : COSMOnawte, xéKoPHILE.
c) L es élémen t s verb a u x s o n t o r d i n a i r e m e n t p o s t p o s és .
-gène (engendrer) : fcjydroGÈNE (« qui produit de l'eau »). Formation irrégulière : iatroGÈNE
a) N o m s f o r m é s d'un n o m c o m p l é m e n t H- m o t c o m p l é t é .
• Le premier élément est français ; il reçoit généralement la finale -o :
boulodrome, cocaïnomane, gazomètre... — Formations plaisantes
comme soûlograpbie « ivrognerie », de soûlaud, -aud étant assimilé à
-o, comme -eau dans bureaucratie, où la graphie n'a pas été modifiée.
— Francophone « qui parle français », anglophone, etc., dans lesquels
le premier élément a été usité en latin, ont servi de modèles pour néer-
landophone, etc. ; on a critiqué, non sans raison, la valeur donnée à
-phone dans ces mots, mais ils sont entrés dans l'usage.
• Le second élément est français : héliogravure, pyrogravure.
Il faut mettre à part des éléments comme auto, ciné, photo, radio,
télé ( = télévision), qui sont, par réduction (§ 188), des mots français.
De là autoroute, radio-reporter, etc. Cf. § 179, c.
K O I D U RE M ARQ UE.
Cyclo-, aéro- (d'après cycle « vélo » et aéro « aéroplane » ?) s'emploient de En outre, b é d é p hile (Ro b . 2001 ) « amateur de
m ê m e p o u r bicyclette ( o u vélo), avion : cyclotourisme, aérogare. R I b é d és ou B. D., bandes dessinées ».
U n é l é m e n t g r e c o u latin f o n c t i o n n a n t c o m m e a d v e r b e o u
c o m m e a d j e c t i f ( s e l o n la n a t u r e d u m o t a u q u e l il s'ajoute) est
j o i n t à u n m o t f r a n ç a i s s a n s en c h a n g e r la n a t u r e . C e s é l é m e n t s
so n t fort p r o c h e s des préfixes.
A n t i - [var. lat. de ante, avant] : antidater.
A r c h i - [du grec] s'emploie librement avec des adjectifs pour mar-
quer un haut degré :
Espérance ARCHlfolle (STENDHAL, Cbartr., X I X ) . — Au coucher du soleil,
la verdure devient ARCHI verte (FLAUB., Voy., t. II, p. 82). — Mots ARCHIsainfs
(GIRAUDOUX, Bella, I). — Quel monde, c ' est ARCHIplein (CHAMSON, Hérita-
ges, 11,2).
A u t o - [du grec] indique que l'action est réfléchie. Il est assez rare
avec des verbes, car ils ont p o u r cela leurs moyens propres (§ 7 7 7 ) :
La plupart des automobilistes [...] prétendent être capables de s'AUTOcontrô-
ler en buvant et en conduisant (dans le Monde, 15 août 1974, cit. Gilbert).
D'ordinaire il s'ajoute à des noms dérivés, qui n'ont pas les
moyens des verbes pour exprimer la réflexivité :
C' est un AUTO-confesseur qui s'absout (BAUDEL., Art romant., X X I I I ) . —
Assia [... ] pratiquait l'AUTO-analyse, avec cette âpre volupté qui soulève les derniers
voiles (R. ROLLAND, Ame enchantée, L. P., t. II, p. 485). — Nous retrouvons ici
la dérivation à partir de syntagmes (cf. e, ci-dessous) : s'analyser > auto-analyse.
Certains noms ne correspondent pas à des verbes : AUTObiographie,
AUTOportrait. — AUTO-ironie (BOURGET, Monique, cit. Trésor). — Il oublia
d' être AUTO-psychologue [...]: il vécut sans se regarder vivre (FARRÈRE, Civilisés,
XVI).
Parfois avec des adjectifs :
Étiquettes AUTO collantes (ou AUTOadhésives). E J
C r y p t o - [du grec] (caché) :
CRYPTOcalviniste (employé au X V I e s., selon Littré). — On accusait
Dubreuilh [...] d' être un CRYPTO communiste [imprimé en deux mots] (BEAU-
VOIR, Mandarins, pp. 469-470).
E x - [lat. ex, hors de] se place devant n'importe quel n o m de pro-
fession ou d'état pour indiquer que la personne dont il s'agit a quitté
cette profession, cet état ; plus rarement, devant un adjectif.
Ex-député, EX-ministre, EX-mari. — Ces EX-merriers (BALZAC,
Pierrette, V). — Les greniers de l' édifice EX-jésuitique [= de l'ancien collège des
jésuites] (LE ROY LADURIE, Paris-Montpellier, p. 195). — Les écrivains EX-
engagés (POIROT-DELPECH, dans le Monde, 30 déc. 1983).
E x t r a - [lat. extra, en dehors] sert à marquer un haut degré
( c o m m e réduction d' extraordinaire) :
EXTRAJW, EXTRA - r apid e . — Un sourire EXTRA -gracieux (FLAUB., Éduc.,
II, 1).
H y p e r - [du grec] (au-dessus) marque un haut degré, ou un degré
excessif, avec des noms, surtout dans les vocabulaires techniques, et
avec des adjectifs :
HYPERacidité, HYPERmarcbé, HYPERsensiWe. — Il pouvait enfin contempler un
parfait modèle d' édition critique. Lesjaloux et les sceptiques qualifièrent même cette édi-
tion d'HYPERcritique [en italique] (Ant. THOMAS, Essais de philologie fi., p. 199).
H y p o - [du grec] (au-dessous) marque un degré faible avec des noms
et parfois des adjectifs. H est propre à la langue scientifique : HYPO tension.
Dans l'argot scolaire de France, ÏHYPOkhâgne est la classe qui précède la
khâgne (ou cagne), laquelle est l'année préparatoire à l'École normale supérieure.
I n t e r - [lat. inter, entre], avec des verbes : INTERc / asser.
J u x t a - [lat. juxta, à côté de], avec des verbes : JUXTA^oser.
M a c r o - (grand) et sur tout m i c r o - (petit) [tous deux du grec],
avec des n o m s :
MACRO économie et MICRO économie ; MICROonde « ou MICRO-onde »
(Ac. 2002), MICROfiche.
Mini- [forme réduite du lat. minimus, très petit], avec des noms :
MlNljupe, MINIcasseffe. — Mini sert aussi d'adjectif invariable et
d'adverbe : Une robe très MINI. S'habiller MINI.
Mini- a entraîné l'antonyme maxi- [du lat. maximus, très grand], surtout
employé en corrélation avec mini- : MAXIjupe, MAXImanteau.
Né o - [du grec] (nouveau), avec des noms et des adjectifs :
Un mouvement NÉO nazi. Le NÉO colonialisme. — Ces NÉO-féodaux (BAR-
RÉS, Appel au soldat, 1900, p. 314).
1 1 3 REM ARQUE.
Poly- [du grec] (nombreux), avec des noms : POLY c o pi e . (Comp. Le fait q u e l'o n c o o r d o n n e parfois un adjectif à
ci-dessous, d.) pse u d o m o n t r e c o m b i e n celui - ci est p r o c h e d e
l'ép it hète : "Po ur q u oi p ro p oser à c e q ui est in e x -
P o s t - [lat. post, après], avec des verbes : POST da t e r .
plica ble [...] ces PSEUDO et d érisoires j ustifica tio ns
Pseud o- [du grec] (faux) s'emploie librement avec des noms et a n t hro p o m or p hiq u es ? (Cl. MAURIAC , dans le
avec des adjectifs : Fig aro H tt, 1 3 j a n v . 1 9 5 1 ) . - D e m ê m e , le fait
q u e parfois l'article indéfini pluriel reçoit d eva n t
Une PSEUDO membrane. — Cela a encombré ma vie de PSEUDO-amitiés
pse u d o - la f o r m e q u e cet article a d eva n t un
(GlDE, Journal, 25 nov. 1905). — Une théorie PSEUDO-scientifique. ® adjectif ( § 584, a, 1 ° ) : °DE pse u d o - résist a n ts
Semi- [lat. semi-, à demi], avec de nombreux adjectifs ou noms : (P. RUELLE, d a ns la Revu e g é n érale, mai 1990,
p. 7 9 ) . — V o i c i m ê m e pse u d o traité c o m m e un
SEMI-jjrédeHX, SEMI-rigide ; SEMI-conserve, SEMI-consonne.
adjectif n o m i n alisé o u d u m o i ns e m p l o y é sans
Simil(i)- [lat. similis, semblable], qu'on pourrait assimiler à n o m ex plicite : °T u n e p e u x p as t o uch er les vrais,
pseudo-, s'emploie avec des noms : ils so n t h ors d'a tt ein t e, [...] e t les a u tres, les PSEU-
DOS, les fa u x , les p ro f essio n n els d e la so u ffra nce
SlMILor, SIMILI-marbre, SIMILIgravure. — Ce SIMILI -parlement (BARRÉS,
d es a u tres, c'est tro p trist e (GARY, C hie n bla nc,
Dérac., p. 314). H J IV). — C o m p . aussi m ini ci - contre et si m ili dans R4.
Super- [lat. super, au-dessus] marque un haut degré avec des P o u r c e s ra iso ns et p o u r le fait q u e pse u d o sert
noms et des adjectifs : l i b r e m e n t p o u r d e s f o r m a t i o n s in divi d uelles, le
trait d ' u n i o n résiste m i e u x (sa u f d a n s les c o m -
SuPERmarcbé, SUPER/m. — Les survérités et les SUPERmensonges (GIRAU- p o s é s e n t r é s d a n s l ' u s a g e g é n é r a l ) . C o m p . la
DOUX, Littérature, p. 292). liste d e s m o t s d a n s le Ro b . 2001 et d a n s le
T élé- [du grec] (loin), avec des verbes et des noms : Gra n d dict. e nc. Lar., q u i a g g l u t i n e plus sou -
v e n t . L e trait d ' u n i o n est o b l i g a t o i r e d e v a n t u n
TÉLÉgHi'der, TÉLÉpointage. n o m p r o p r e d e p e r s o n n e : le PSEUD o P l u t a r -
U ltra- [lat. ultra, outre] marque un haut degré avec des noms et q u e ( œ u v r e f a u s s e m e n t a t t r i b u é e à Pl u t a r q u e) .
structure. — D'autre part, pneumatique est un dérivé et non un composé ; de On e x p li q ue so uve n t le n o m c o m m u n fra nc
( 1 3 6 0 ) c o m m e issu d e l'inscription Fra ncoru m re x
même accumulateur. — Ultra comme nom a été tiré à la fois de ultraroyaliste
figurant sur les m o n n aies. C e serait u n e lecture
et de ultrarévolutionnaire, à l'époque de la Révolution. e r r o n é e plutôt q u ' u n e ré d uctio n véritable. — D e
Pour les mots empruntés à l'anglais, la réduction est une vraie simplifica- m ê m e , aval « garantie » serait issu d ' u n e abrévia -
tio n g r a p h i q u e d e à valoir (cf. T résor).
tion phonétique et graphique : smokingtjacket), water(-closed) et même
Mons [m5sl, f o r m e g é n ér a l e m e n t familière et
tram(way), dont la forme complète n'avait pourtant que deux syllabes. m é p risa nte d e m o nsie ur (mais les rois s'en ser-
Il y a peu d'ex., dans la langue commune, de l'ablation des syllabes vaient e n s'adressant aux évê q u es et aux arche -
vê q u es) , est la transformation e n m o t ( XVII e s.)
initiales (aphérèse) : ( a u t o ) b u s, (auto)car. E H
d ' u n e a b réviati o n gra p hi q ue. C e t t e désig nation a
ét é usitée j us q u'a u d é b u t d u X I X e s.: 'Eh bie n !
b) D a n s les a r g o t s , le p h é n o m è n e est en p a rt ie différent. m e dit - il 1= u n maître à u n d o m esti q u e], MONS
Jaco b , co m m e n t se co m p ort e vo tre je u n e m aître ?
Les réductions sont plus nombreuses ; elles n'affectent uniquement
(MARIV., Paysa n p arv., p. 2 5 . ) - O n n'a p p elait le
ni des noms ni des mots d'une longueur particulière ; elles recourent à Roi [en 1 7 9 2] q u e m o nsieur V e t o o u MONS C a p e t
l'aphérèse comme à l'apocope ; elles ne respectent pas la structure du (CHAT., Mé m . , I, IX, 1 ). - MONS Philip p e [= Philip pe
mot composé et terminent souvent la forme réduite sur une consonne ; Bri d a u] [...] f u t d o nc p rése n t é [...] a u d a u p hin [d e
C h a rl es X] (BALZAC, Ra b o uill., III, 4).
il ne s'agit pas vraiment d'économie (comme dans a) : comp. § 192, d.
E S H H HISTORIQUE
Apocopes : baccalauréat), ciné(ma),fac(ulté), manifestation), mathéma-
Faits a ncie ns, ressortissant plutôt à l'acci d e n t (cf.
tiques), occase <— occasion), professeur), récré(ation), sous-off(icier) -, sympathi- § 193) : m âch e d e p o m ach e ; j usq u e d e e n j us -
que), sensas [ S Ô S A S ] de sensationnel. — Avec modification de la prononciation : q u e ( § 1 0 6 5 , H1). V o i r aussi m o niale § 503, H3.
béne/tbenef] de bénéfice ; colon [kolô] de colonel
Aphérèses : (ca)piston, (mas)troquet, (garde municipal.
Apocope et aphérèse à la fois : margis de maréchal des logis.
Emprunts à l'anglais :fan [fAn] de fana tic ;pop àtpopular.
Les verbes sont très rarement l'objet d'apocopes : Pas touche ! <— Ne pas • J i H':f;"I R E M A R Q U E
toucher ! Cf. § 806. — C' est astap est la réduction de la phrase C' est à se taper le der- M e n t i o n n o n s ici le n o m masculin a b a c o s [A b A k as],
rière par terre. Comp. aussi T' occupe pour Ne t ' occupe pas de ça au § 1022, RIO. 0 q ui désignait a u Z a ï r e (a u j o u r d 'h u i R é p u b l i q u e
Certaines de ces formes réduites pénètrent dans la langue d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) u n e veste destinée à
r e m p l ac e r le c o s t u m e e u r o p é e n : c'était la réduc -
commune : bac, etc.
tion d e la p hrase : À b as (le) cos(t u m e).
m Les sigles.
E U H S E U REM ARQUE
Le sigle w. - c. est p r o n o n c é e n France [vese], alors
q u 'e n Belgique, o n dit surtout [dubbvese] o u [wese],
a) L es sigles s o n t des abréviations qui s o n t co n st it u ées d'initia- — E se p r o n o n c e [s] e n France ordinairement : Les
P. M. E. [peeirra] = les petites et m oye n n es
les E l mais qui s o n t traitées c o m m e des m o t s , soit qu'on
entreprises ; souvent [e] e n Bel gi q ue : [pecme].
d o n n e a u x lettres leur n o m H : une H. L. M. [Ajelem], — soit
E U U & I REM ARQUE
qu'on leur d o n n e leur valeur habituelle : l' OTAN [otâ]. S J Quoiqu'il s' a g i ss e d'une désignation fran -
ç a i s e (c f . b , 2 ° ) [ o n d i t N A T O e n a n g l a is] , cer -
D a n s le s ec o n d cas, o n parle d ' a c r o n y m e s . U n e esp èce p a rt ic u -
tai ns, le président CHIRAC notamment,
lière d ' a c r o n ym e s consiste à g a rd er n o n s eu lemen t l'initiale. p r o n o n c e n t [An] p o u r la f i n a l e d'O T A N .
mais une ou deux autres lettres, de façon à obtenir une suite
prononçable c o m m e un m o t ordinaire :
Un radar = angl. RAdio Detecting And Ranging ; 1e Bénélux (qu'on devrait
écrire Bénélux : cf. § 87, b, 1°) = BElgique, NEderland, Luxembourg.
b) Caractéristiques.
1° Le sigle ne tient pas compte, ordinairement, des mots grammaticaux :
Le CÉRES [seRes] = Centre (d')études, (de) recherches (et d')éducation
socialistes ; la T. V. A. = taxe (à la) valeur ajoutée. — Il y a des exceptions,
souvent pour éviter un sigle trop court : la S. D. N. = Société des nations ; le
R. P. R. = Rassemblement pour (la) République. Voir radar dans a, fivète
dans 2°, etc.
2° Les sigles servent notamment à désigner des sociétés, des partis,
des organismes, etc., parfois des pays, — dont la dénomination com-
plète serait trop longue :
U. R. S. S. = Union des républiques socialistes soviétiques ; OTAN =
Organisation du traité de l'Atlantique nord.
Mais les sigles peuvent aussi équivaloir à des noms communs :
Un P.-D. G. = président-directeur général ; une H. L. M. = habitation à
loyer modéré i'gl ; le SIDA ou sida = syndrome immuno-déficitaire acquis ;
Sur le g e n re d es sigles et, n o t a m m e n t , d ' H . L. M . , le Q. I. = quotient intellectuel ; la fivète [fivet] = fécondation in vitro et trans-
voir § 477, b . fert d'embryon. — Ils correspondent parfois à des adjectifs : voir K.-O., v toi
dans 4° ; — parfois à des phrases : C. Q. F. D. = ce qu'il fallait démontrer ;
O. K. — I. V. G. (= interruption volontaire de grossesse) sert d'euphémisme
à avortement. Autre euphémisme : w.-c., voir 4°.
3° D'ordinaire, les sigles sont constitués de plusieurs lettres, ont
comme fondement plusieurs mots. — Mais on a parfois une seule lettre :
Il savait se tirer de tous les pas difficiles grâce au système D (HERMANT, Xavier,
p. 132) [de débrouiller ou débrouillard], — Monsieur K à propos de Khrouchtchev.
4° Les sigles se sont répandus à l'imitation de l'anglais. Plusieurs
sont d'ailleurs empruntés à cette langue ou formés sur des mots
empruntés à cette langue :
K.-O. = knock-out ; laser = ligbt amplification by stimulated émission of
radiations ; w.-c. = water-closet. — Le soutien des U. S. A. [= United States of
America] était acquis à la France (Edgar FAURE, Mémoires, t, I, p. 465). —
L ' UNESCO = United nations educational, scientific and cultural organization.
— La bi-fi [ifi] = bigb fidelity, haute fidélité.
L'épellation à l'anglaise explique des prononciations comme : Une jeep
[djip] = G. P. = généralpurpose ; O. K. [oke] = sans doute oll korrect, altération
de ail correct. — La C. B. [sibi] = citizen band, d'où le dérivé cibiste.
Acronymes : Un radar, voir a ci-dessus ; vtol = vertical take offand landing
donne une suite graphique étrange en fr. L'organisme économique qui grou-
pait l'U. R. S. S. et ses alliés portait en Occident le nom de Comecon
[komekon] = COuncilfor Mutual ECONomic assistance. f j |
La N o uvelle revu e in t ern a tio n ale, p u b liée à Pra g u e
Des sigles sont empruntés à d'autres langues : S. S. = allem.
e n fr., ap pelait cet organism e le C. A. E. M. = Con -
seil d'a i d e é c o n o m i q u e mutuelle. Schutzstaffel.
5° L a réduction ordinaire (§ 1 8 8 ) et la siglaison sont parfois en
K Ë H REM ARQUE
En Bel g i q u e, o n p r é f èr e so uve n t le si g l e ; la concurrence : la télé ou la T. V. ; les water(s) ou les w.-c. G !
ré d ucti o n y est t e n u e p o u r u n p r o c é d é plutôt N . B . La prolifération des sigles dans la langue contemporaine et leur succes-
p o p ulaire. T . V. est aussi plus f ré q u e n t e n Suisse sion rapide dans certains domaines (notamment dans l'administration
r o m a n d e (cf. T hi b a ult) et a u Q u é b e c (cf. Poirier).
française f 3 2 ) ne sont pas sans poser des problèmes aux usagers.
1 3 1 E L REM ARQUE Comme la valeur de ces formations ne peut pas être devinée, le déchif-
Ex. : ig a m e, qui a e u u n e vi e b r è v e : § 191, b. frement de sigles inconnus du lecteur ou de l'auditeur est impossible.
• 3 H R U REM ARQUE
C'est peut-être payer cher l'avantage de la brièveté. |Jjj|
U n a u tre d é f a u t est la p o l ys é m i e : d a n s le Q u i d Duhamel ironisait déjà à ce sujet en 1920 : Ce n ' est pas seulement l'appui
2 0 0 5 , P. I. B. = p ro d uit intérieur b rut o u p la n tes du P. D. M. que je vous apporte ; c ' est encore celui du J. D.f. et de la
issues d e la b i o t ec h n o l o g i e ; etc. M. M. A. Je peux à peu près compter sur la Société des R. C. D. Q. (Œuvre
des athlètes, II, 11). — Il n'y a d'ailleurs pas toujours une brièveté bien
sensible ; par ex. quand on dit aujourd'hui à Bruxelles : Je vais au T. R. M.
[= théâtre royal de la Monnaie], alors qu'on disait naguère : Je vais à la
Monnaie. — De même, la Croix-Rouge est concurrencé aujourd'hui par le
C. I. C. R. (= Comité international de la Croix-Rouge).
Les rédacteurs du Monde reçoivent cette sage directive : les sigles doivent
être expliqués au moment où ils apparaissent dans un article.
For mes écrites des sigles.
Lorsqu'on donne aux lettres leur nom, on les écrit, traditionnel-
lement, en grandes capitales et on les fait suivre d'un point, ffl M E N REMARQUE.
grande capitale : l'U NESC O . Cette présentation est rare, quoique plus
élégante que les mots en grandes capitales.
N ominalisation des infinitifs, m BAISSER d u soleil d e l'h e ure d e la re trait e (J.-J. Rouss.,
Rêveries, V).
Malgré le fait que l'infinitif est la forme nominale du verbe et Brunot (P e n s é e , p. 205) explique le recul de l'infinitif
est apte à exercer les fonctions du nom (§§ 904-917), la langue com- substantivé par l'amuïssement de r final et par
l'homop honie avec le participe passé. D es confu -
mune n'a aujourd'hui Cl qu'un nombre limité d'infinitifs substanti- sions se sont produites en tout cas : p ar o uï - dire est
vés, c'est-à-dire construits avec un déterminant et variant en nombre. l'altération de p ar o uïr dire ; les classiques écrivaient
souvent dîn é pour dîn er, et BE'RANCER fait encore
Un aller et retour. Tout son avoir. Le boire et le manger. Un baiser. Le déjeuner, le dîner, rimer dîn és et d o n n és (V e n tru): en termes de
le goûter, le souper. Faire son devoir. Au dire des témoins (cf. § 511 ,f). Un être cher. Le lâcher chasse, le laisser - co urre a été concurrencé par le
laissé < o urre et aussi par le laisse z - co urre (cf.
d' un ballon. Le lever et le coucher du soleil Un parler archaïque. Tous les pouvoirs. Le repentir.
G. Tilander, Méla n g es d'é ty m olo gie cyn é g é t.,
Au revoir (§ 1105, d, 1°). Le rire, le sourire. Un savoir étendu. Les souvenirs. Le toucher. Le pp. 294 - 303). Voir aussi à la fin du § 197.
vivre et le couvert (§ 182, a, N. B.). Avoir des vivres en suffisance. Le bon, le mauvais vouloir. —
En outre, des infinitifs anciens qui n'existent plus que comme noms : loisir, manoir, plaisir.
K39 KE9 remarque. L'infinitif est accompagné d'un complément : le pis aller i&j ; le laisser-aller, le
O r t h o g r a p h e d e l'Ac. 1 9 3 5 , s. v. pis. Le Ro b . savoir-faire, le savoir-vivre ; un faire-part.
2 0 0 1 a u n article pis - aller ( o ù il m e n t i o n n e aussi
Sortir ne s'emploie plus comme nom que dans la formule au sortir de... servant
l'autre f a ç o n d 'écr i r e).
de complément adverbial : Au SORTIR DE l' école des Arts et Métiers, [...] il avait choisi
ce métier de mécanicien (ZOLA, Bête hum., II). — La langue littéraire construit
d'autres infin. sur ce modèle : Au TINTER de l'Ave Maria (CHAT., Mém., IV, II, 16).
— Au TOUCHER de mon aile (MUSSET, Poés. nouv., Nuit de mai). — Au CROISER
d' un enterrement (BARRÉS, Appel au soldat, 1.1, p. 11). — Au TOMBER du jour
(A. SUARÈS, Livre de l' émeraude, LIV). — Jusqu 'au VENIR de l'artillerie (HERRIOT,
Dans la forêt normande, p. 177). — Sur au débarquer, voir ci-dessous.
Autres infinitifs nominalisés de la langue littéraire : Des tableaux d' un sentiment
brutal et d' un FAIRE obstiné (FRANCE, Pierre Noziére, I, 10). — Un monde en perpétuel
DEVENIR (POMPIDOU, Nœud gordien, p. 84). — Le BAISSER du rideau est un tour fréquent
à propos du théâtre : voir, par ex., ZOLA, Nana, 1 ; HERMANT, dans la Revue de Paris,
1er mai 1937, p. 87 ; J. SARMENT, M™ Quinze, V ; TROYAT, Grandeur nature, Nouv.
biblioth. Pion, p. 173 ; MoNTHERL., P.-Royal, Notes de théâtre, p. 213 ; J. ROY, Saison des
za, p. 125. — Archaïsmes : penser (§ 150, b), nonchaloir, disparu comme verbe (§ 878,8).
Au fait et au prendre « à l'exécution » est vieilli : Il en était arrivé AU FAIT ET
AU PRENDRE (BOURGET, Divorce, VIII). — L'expr. a été altérée parfois en au FAIRE
et au prendre : Au FAIRE ET AU PRENDRE, elle [= la première version du Dict.] ne fut
qu ' un canevas (LITTRÉ, Études et glanures, p. 402). — Quand il se trouvait AU FAIRE
AASGBTTBUN •MGAGGNGG
H L I M RE M ARQUE. ET AU PRENDRE avec les réalités (L. WEISS, Sacrifice du chevalier, pp. 40-41). O
En Suisse r o m a n d e , o n e n t e n d et o n lit m ê m e la Certains vocabulaires techniques ont leurs infin. nominalisés. L'hippisme par
formule ° à l' emporter co m m e complément de
ex. : le cabrer, le ramener, le rassembler, etc. La langue cynégétique : Il ferait temps de
n o m . Elle a peut - être so n ori g i n e d a n s l'expres -
sion b i e n c o n n u e ailleurs à e m p ort er, à la q u elle
beau CHASSER (GENEVOIX, Dernière harde, p. 201). — Le RAIRE assourdi d' un dix cors
o n aurait a j o u t é u n e c o n s o n n e e n t r e les vo ye l l es (ib., p. 105). — Les médecins emploient moucher : cf. G. LAURENS, Oto-rhino-laryn-
e n hiatus. Ma is, alors q u e d a n s l'e x pressio n habi - gologie du médecin praticien, 8 e éd., p. 181.
tuelle le n o m q ui p r é c è d e sert d ' o b j e t d irect à
l'infinitif, les relations synta x i q ues so nt plus co m -
Certaines nominalisations semblent purement individuelles, quoique
ple x es e n Suisse : Ré d uctio ns à l'e m p ort er = si des usages régionaux ne soient pas exclus :
i'o n emporte (la m a rc h a n d ise) ; St a n d à
Le PASSER sur les flots, le DORMIR sur la mousse (CHAT., Mém., I, VII, 8). — Nous
l'e m p ort er = d ' o ù l'o n p e u t e m p o r t e r ( c e q u ' o n
y v e n d ) . Cf. Thibault, p p. 354 - 355.
étions occupés du VIVRE et du MOURIR (ib., II, II, 4). — Ce FLAIRER [en italique] qui fait res-
sentir aux cœurs encore jeunes et généreux la portée de ces actions indifférentes aux yeux de la
masse (BALZAC, Lys dans la v., p. 263), — Les affections [...] qui ne résistent pas au LAISSER
VOIR (Je toutes les heures (ib., p. 202). — Une glace dépolie par /'USER (ID., Fille aux yeux d' or,
Pl., p. 276). — Quand l'inévitable VIEILLIR ne les a pas trop atteints (LITTRÉ, cité par
J.-Fr. Six, Littré devant Dieu, p. 52). — Pour qu 'il ait [...] / Le MOURIR le plus doux
(E. ROSTAND, Princesse loint., II, 7). — Sa figure [...], son MARCHER, toute sa contenance
avaient une dignité naturelle et noble (BOURGES, Les oiseaux s' envolent..., Bibl. Pion, 1.1,
p. 105). — Un REVENIR en de certains lieux (HENRIOT, dans Fromentin, Domin., Garnier,
p. XIV). — Hya une joie dans le VIEILLIR (BERNANOS, Sous le soi de Satan, II, 14). — Le
GÉMIR des innocents (GlONO, Un de Baumugnes, X). — Un processus qui n ' est rien de moins
que le rythme même de son SENTIR (Ch. Du BOS, Grandeur et misère de B. Const., p. 286).
— Et il serait au MOURIR, que je filerais encore (LA VARENDE, Roi d'Êcosse, p. 35). — Ils
maigrissaient à force de fièvre soutenue par le MANGER p eu, le VOMIR beaucoup, l' énormément
de vin, et le TRAVAILLER quand même (CÉLINE, Voy. au bout de la nuit, F°, p. 422).
Dormir se lit chez des auteurs variés, outre CHAT., cité plus haut : Elle se plon-
geait en l'immense et total vertige du DORMIR (C. LEMONNIER, Maison qui dort, I). —Je
heurte d' un pied mince etfroid le DORMIR léger de mon ami (WILLY et COLETTE, Claud. en
ménage, p. 171). — C' en était fait du DORMIR (GIDE, Retour du Tchad, 1er mars 1926).
— Entre ces éveils délicats et ce faible DORMIR (BOSCO, Hyacinthe, p. 156). [Voir aussi H.]
Il y a parfois des confusions avec le participe passé (cf. H, à la fin). Au lieu de
au débarquer (par ex., BARRÉS, Mes cahiers, t. XI, p. 81), on trouve au débarqué :
PÉGUY, Ève, p. 322 ; CHARDONNE, Vivre à Madère, p. 44.
A u tres nominalisations.
Les autres nominalisations sont moins fréquentes.
• Déterminants numéraux, soit par ellipse (notamment quand ils se
substituent aux ordinaux), soit autrement : Retourne vite dans la salle.
Sinon, tu vas manquer le début du DEUX [= deuxième acte] (TROYAT,
Cahier, p. 184). — Le SIX mars <— Le sixième (jour) de mars. — Faire
du CENT à l'heure. Le NEUF de pique. Cf. §§ 597, d ; 685, b. — Autres
déterminants : § 597, d.
• Pronoms : Le MOI .Je le considère comme un autre MOI-MÊME. Un RIEN.
Un petit QUELQUE CHOSE. — Emplois littéraires occasionnels,
comme : Ils [= les autres] sont des MOI-MÊME assez proches pour me mon-
trer ce quej'aurais pu être (J. FOURASTIÉ, Long chemin des hommes, p. 95).
• Adverbes, prépositions, conjonctions : Le POURQUOI et le COM-
MENT. Le MIEUX. Le POUR et le CONTRE. Prendre les DEVANTS.
L'ARRIÈRE, /'AVANT. — Avec un SI on mettrait Paris en bouteille
(prov.). — La représentation n 'ajoute rien à l'image ; elle ne lui commu-
nique aucun caractère nouveau, aucun PLUS (SARTRE, cité Grand Lar.
langue, s. v. plus*). [Un plus « un avantage » a été répandu par le lan-
gage de la publicité. O ] À distinguer de l'emploi autonymique,
E U 1 3 1 REM ARQUE.
§ 195.] — Nominalisations occasionnelles : Entre le TROP et le PAS-
S a n s d o u t e i n f l u e n c é p a r l ' a n g l a i s : cf. Bo u -
ASSEZ (GIDE, cité ci-dessous) ; autres ex., § 520, b. l a n g e r p o u r le Q u é b e c .
• Mots-phrases : Un OUI, un NON. Les BRAVOS. Un MERCI chaleureux.
Le moment des ADIEUX. — Ce n ' est qu ' un AU REVOIR.
• Syntagmes (§ 180, a) : Un TÊTE-À-TÊTE. L'APRÈS-MIDI. Une DEUX-
CHEVAUX. — Cas particulier, gardénal : quelqu'un aurait dit qu'il fal-
lait « garder nal de véronal ».
• Phrases | 3 J : voir § 180, b. En outre : Un TIENS vaut mieux que deux H 9 I K Ë H REM ARQUE.
TU L'AURAS (prov.). — Prière d'insérer, cf. § 479, b. La f o r m u l e le fait q u e p e r m e t a ussi d e n o m i -
• Suffixes et éléments de composition : -isme, cf. § 520, a ; -ana : La n a l ise r u n e p h r a s e : § 3 71, b , 4 °
table est couverte de brochures, de livres et d' ANA de toutes sortes
d'auteurs (GAUTIER, cité ib.). — Emploi occasionnel : Tous les degrés
entre la haine et l'amour, entre /'HYPO et /'HYPER, entre n 'importe quel
sentiment et son contraire, comme en physiologie entre le trop et le pas-
assez (GIDE, Journal, 6 févr. 1932). — De névralgie, odontalgie, la lan-
gue médicale a tiré le nom algie « douleur ». — À distinguer de la
réduction : les ultras ; une auto, etc. Cf. § 188, a.
dit encore, pour l'Ac. 1935, « des animaux et de certaines choses dont
le mouvement est rapide. Cheval vite, fort vite, vite comme le vent. Il a
le pouls fort vite ». La langue des sports lui a rendu une certaine vita-
lité. Ex. littéraires : Vous est-il défendu de la [= une embarcation de
fortune] rendre plus VITE ? (FRANCE, île des Pingouins, I, 3.) — Son
parler est déplus en plus VITE et indistinct (GIDE, Journal, 2 janv. 1923).
— La seconde balle [de tennis], quoique plus VITE que la première [... ]
(FARRÈRE, Civilisés, X V ) . — Il [= un aviateur] réclame sans cesse des
appareils plus VITES et plus puissants (BORDEAUX, Vie héroïque de Guy-
nemer, III, 5). — Le plus VITE des diablotins ne l' eût pas rattrapé à la
course (POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1.1, 1931, p. 73). —
L 'Amérique est le pays le plus VITE du monde (MORAND, Papiers
d'identité, p. 291). — Il ne faudrait pas [...] décréter que tous les Yan-
kees sont [...] congénitalement VITES (A. ARNOUX, Poésie du hasard,
p. 129). — J 'ai accepté des fatigues inutiles, comme de poursuivre un
K H I A UTRES EXE M P L ES . homme plus VITE que moi (MONTHERL., cit. Grand Lar. langue). Q
Appliqués aux chevaux : Al. DUMAS, Rein e Marg o t, III ;
H. HOUSSAYE, 7875, t. II, p. 263 ; PESQUIDOUX, Sur la Adverbes employés adjectivement :
glè b e, p. 43 ; — aux chiens : VIALAR, Gra n d e m e u t e, I, 7.
Legiletier était l'homme le plus distingué, le MIEUX qu ' elle eût jamais vu
(PROUST, Rech., 1.1, p. 20). — Comme pseudo-prépositions : AUS-
SITÔT le jour (dans Littré), cf. § 255, b.
Sur les prépositions employées adverbialement ou plutôt sans
régime explicite, voir § 1040.
Syntagmes devenus adverbes :
Cependant (§ 258, H) ; maintenant, du lat. manu tenendo « en tenant
par la main ». — Cf. § 964.
Des verbes conjugués se vident de leur sens et deviennent des
introducteurs, des conjonctions, des mots-phrases :
VOICI votre manteau. — Elle prendra SOIT le train SOIT l'avion. —
SOIT '.j'accepte votre proposition.
No ms, adjectifs, adverbes employés comme mots-phrases :
Attention ! Bon ! Non.
Onomato pées.
E S I RE M ARQUE. L es o n o m a t o p é e s s o n t des m o t s censés reproduire des bruits. 0
L'Ac. a introduit e n 2 0 0 2 le sy n o n y m e m i m o - Le caractère approximatif apparaît quand on compare les onomatopées dans
lo gis m e. C el a est inatten d u : le m o t n'est ni
diverses langues. Ainsi le cri du canard, comme le note Nyrop (t. III, § 14), est rendu en
dans le T résor ni dans le Ro b ert 2 0 0 1 .
français par couin couin (couan couan, cancan), en danois par rap rap, en allemand par gack
gack (gick gack, pack pack, quack quack), en roumain par mac mac, en italien par qua qua, en
russe par kriak, en anglais par quack, en catalan par mech mech.
On observera que pas mal d'onomatopées sont construites avec l'alternance i/a:
tic-tac ; trictrac ; piflpaf!
Les onomatopées servent de mots-phrases :
CHUT ! — Le coq lance « COCORICO » (APOLLIN., Poèmes à Lou, XV). — Un grand
bel ange [...] écrivait, CRACRA, dans un grand livre (A. DAUDET, Lettres de m. m., p. 128).
Mais elles peuvent aussi être nominalisées pour désigner, soit le bruit
lui-même, soit l'animal ou l'objet qui le produisent :
Le TIC-TAC de l'horloge. Le GLOUGLOU de la bouteille. — Un CRICRI. Un
CRINCRIN. Le ping-pong (ou pingpong, § 109, N. B.). — Coq, ouistiti, matou, cochon,
canard sont d'origine onomatopéique. — Coucou (du lat. cuculus) a été soustrait à son
évolution phonétique normale afin que soit maintenu le rapport avec le cri de l'oiseau.
Certaines onomatopées peuvent aussi s'employer comme adverbes :
Aller C A H I N - C A H A . — D' autres donnent naissance à des verbes : caqueter,
O E S H HISTORIQ UE. chuchoter, claquer, craquer, croasser, miauler, ronronner, roucouler... 0
Les poètes du XVIE s. ont voulu donner un carac -
À côté des onomatopées proprement dites, il y a des mots expressifs,
tère plus suggestif aux verbes en redoublant la
première syllabe : La bie n h e ure use Sein e / En qui représentent, non plus des sons, mais des mouvements, des formes, etc. :
FLOFLOTANT u n e joie d e m ein e [= montre] (RONS.,
éd. V., t. III, p. 411). - D es ailes il BA-BAT (DU
Bobine, bouder, boudin, chatouiller (cf. § 143), dandiner, dondon, tomber, vite (?),
BARTAS, Se m ain e, V). zigzag. — Petit remonterait à « un radical pitt-, du langage enfantin, exprimant la
petitesse » (Bloch-Wartburg). — Les interjections sont aussi parfois des sortes de
cris traduisant des sensations, des sentiments : Ah ! Oh ! Hein ! Ouille !
Créations pures.
Les créations pures, ex nihilo, sont très rares.
Kodak (marque déposée), perlimpinpin résulteraient de combinaisons arbi-
traires de sons. Les lettres de S. O. S. ont été choisies parce qu'elles formaient en
morse un signal aisé à émettre et à interpréter, H — Au moment où les juifs ont dû
M M REM ARQUE.
prendre un nom de famille en France (1808), certains, paraît-il, auraient choisi leur
L ' e x p l i c a t i o n s e l o n l a q u e l l e o n a u r a i t u n si gle
nom en tirant des lettres au hasard. à p artir d e s m o t s a n g l a i s S a v e o ur so ûls est
On peut citer ici certains refrains vides de sens : Tra deri dera ; Lon Ion laire ; s a n s f o n d e m e n t . C f . T résor, etc.
La faridondaine, lafaridondon, etc. — Le verbe dorloter dérive du nom dorelot « boucle
de cheveux, ruban » en anc. fr. ; ce nom « paraît être un emploi plaisant de l'ancien
refrain dorelo » (Bloch-Wartburg).
Sect io n 3
Définition.
Le sens EU ou la signification d'un mot n'est pas la réalité mmmmm
W M M REM ARQUE.
qu'il désigne, mais la représentation men t a le que l'on se fait de L e sig nifié p e u t ê t r e d i s t i n g u é d u sens. L es
mots grammaticau x, un su f fi x e comme
cette réalité, elle-même appelée réfèrent p a r les linguistes.
- m e n t, l es n o m s p r o p r e s , o n t u n sig nifié, m a i s
ils n ' o n t p a s p r o p r e m e n t u n se ns, n e p e u v e n t
Peu de mots sont monosémiques, c'est-à-dire pourvus d'un
p a s f a i r e l ' o b j e t d ' u n e d é f i n i t i o n : p a r ex., le
seul sens. La plupart sont polysémiques, c'est-à-dire pourvus de plu- si g n i f i é d e - m e n t est l ' a p p a r t e n a n c e à u n e
sieurs sens. Chacun de ces sens s'appelle acception. E S c l a ss e g r a m m a t i c a l e , la c l a ss e d e l ' a d v e r b e ,
c e q u i d i f f é r e n c i e Elle a g a g n é FACILEMENT d e
Le langage, ne pouvant avoir autant de mots qu'il y a d'objets à dési- Elle a e u u n e vict oire EACILE.
gner ou d'idées à exprimer, doit suppléer à cette insuffisance en donnant à
RAI rai REMARQUE
un même m o t plusieurs sens. S u r le nomb r e des mots, voir § 137, b, 2°.
N e pas c o n f o n d r e a vec acce p t a tio n.
Littré distingue 24 sens ou emplois différents de coup, 67 de main, 82 de faire.
— Mais les lexicographes, depuis le Dict. général, ont renoncé à grouper les sens en
une chaîne continue. L'article coup, dans le Petit Robert, est divisé en trois parties (I,
II, III) : le I contient quatre sections (de 1° à 4°) ; le II cinq sections ; le III quatre
sections. Cela fait mieux apparaître les relations historiques et logiques entre les
acceptions et cela décrit plus exactement le développement sémantique, lequel se fait
selon la forme d'un arbre et non d'une ligne.
Sèmes.
Les linguistes ont essayé d'établir les composantes d'un sens ou
sèmes (ou traits sémantiques).
L'ex. classique est celui de chaise, qui, dans son acception ordinaire, contient les
sèmes « avec dossier » + « sur pieds » + « pour une seule personne » + « pour
s'asseoir ». — Mais on observera : 1) que certains emplois de chaise ne coïncident pas
avec cet inventaire (voir dans une chaise au § 1049, c, 1°) ; — 2) qu'il est plus difficile
d'établir la liste des sèmes lorsqu'il s'agit d'un mot qui ne désigne pas une réalité concrète.
O n rapprochera de cette analyse la distinction plus ancienne entre
co mp réh en sio n (ou intension) « ensemble des éléments qui constituent le
sens » et extension « ensemble des êtres ou des choses (ou des événements,
pour un verbe) auxquels il s'applique ».
La compréhension et l'extension sont en raison inverse. Plus la compréhension
est grande, plus l'extension est restreinte, et vice versa : passereau a plus de compréhen-
sion et moins d'extension que le mot oiseau. — Les linguistes appliquent extension, non
seulement au mot en soi, hors d'un contexte, mais aussi à ses réalisations particulières :
ils disent que le déterminant (cet oiseau), l'épithète (un oiseau bleu) et les autres éléments
subordonnés (l' oiseau du clocher, l' oiseau qui passe) restreignent l'extension du nom.
La définition idéale est celle qui fournit une liste complète des sèmes de
l'acception. Mais, pour des raisons pratiques, les dict. se contentent souvent de
donner un ou des équivalents, un ou des synonymes : Fier-à-bras, fanfaron ; —
ou de renvoyer à un mot de la même famille : Incapable, qui n'est pas capable.
RELATIONS LEXICALES
L'Ac. écrivait en 1878 Poser DE CHAMP des briques (c'est-à-dire sur leur côté
M I S ! RE M A R Q UE étroit). Elle s'est corrigée en 1932 : Mettre DE CHANT des pierres, en ajoutant : « On
Les attestations d e m o n t er le co u p sont nom - écrit abusivement champ. » En effet, l'étymon est le latin canthus, auquel sont appa-
breuses dans la littérature : HUYSMANS, Là - b as, rentés aussi chanteau, canton.
VII ; LÉAUTAUD, A m o urs, F°, p. 6 7 ; H. BATAILLE, Plan « dessin d'une contrée, etc. » est une altération de plant sous l'influence
Polich e, II, 4 ; PERGAUD, G u erre d es b o u t o ns, III,
de plan « surface plane ». De même, laisser qqn en plan ( X I X e s.), tiré de planter là
8 ; GIDE, trad. d e : C o n ra d , T y p h o n, 1 9 7 6 ,
qqn, devrait s'écrire [...] en plant, comme le note Littré ; quelques auteurs ont suivi
p. 1 7 ; ARAGON, Be a u x q u artiers, II, 3 3 ; HER-
MANT, dans le Fig aro, 1 5 nov. 1 9 3 0 ; MARTIN DU
son conseil : MARTTAIN, Carnet de notes, p. 267 ; M. BLANCPAIN, Fiancés d' Olomouc,
G., T hib ., Pl., t. Il, p. 1 6 2 ; TROYAT, T ê t e sur les p. 183. Mais l'usage s'est établi d'écrire laisser en plan, rester en plan, comme le fait l'Ac.
é p a ules, X ; HÉRIAT, In n oce n t, 1 9 5 4 , p. 3 0 1 ; Dans l'expression monter le coup à qqn « lui en faire accroire, donner des
M.NOËL, N o t es in ti m es, p. 1 5 1 ; B. CLAVEL, illusions », coup est parfois Q remplacé par cou, surtout dans la construction prono-
V oy. d u p ère, III ; SARTRE, Idio t d e la fa m ille, t. III, minale (sans doute sous l'influence de se monter la tête, etc.) : Jean-Louis le supplia [...]
p. 7 7 ; etc. — 1 RE attestation selon Wa r t b u r g ,
de ne pas se monter le COU [après avoir envoyé des poèmes à une revue] (MAURIAC,
t VI, 3 E partie, p. 1 1 5 : 1 8 6 7 , D elvau, D ict. d e
Mystère Frontenac, p. 74). [Corrigé en coup, dans les Œuvres compl, t. IV, p. 30.] —
la la n g u e vert e. Ma is la locution est déjà (sous
u ne f o r m e qui sem ble un hapa x) en 1 8 4 6
L'Ac., avec une hardiesse qui surprend, donne seulement se monter le cou (2001, s. v.
dans des Ma x i m es sur l'a m o ur p u bliées e n cou ; 2003, s. v. monter). — MONTHERLANT écrit même col : Vous vous installez [...]
revue par BAUDEL. : Le tort le plus grave d e la sur des sommets si sublimes, que je doute de vous y pouvoir suivre. Je vous traitais [...]
je u n esse m o d ern e est d e SE MONTER DES COUPS comme une camarade intelligente, avec naturel. Maintenant il va falloir se monter le col
[en italique]. Bo n n o m b re d'a m o ure u x so n t (Jeunes filles, pp. 40-41). [Le sens est ici « prendre un air important, se prendre au
d es m ala d es i m a gin aires (Pl . , p. 1 2 7 0 ) . sérieux ».]
Paronymes.
L es p a r o n y m e s so n t des m o t s p ro c h es l'un d e l'autre p a r la forme.
Il est sans intérêt de considérer comme des paronymes des mots
comme poire et foire. En réalité, on ne parle de paronymie que s'il s'agit de
mots que les usagers risquent de confondre, comme :
Acception, acceptation ; allocation, allocution ; armistice, amnistie ; allusion,
illusion ; anoblir, ennoblir ; collision, collusion ; conjecture, conjoncture ; criant, criard ; déno-
ter, détonner ; éminent, imminent ; impassible, impavide ; justesse, justice ; luxure, luxation ;
précepteur, percepteur ; prodige, prodigue ; recouvrer, recouvrir (cf. § 822, Hl) ; etc.
Ex. de confusions paronymiques : °H lui faut fermer les yeux pour oublier le jardin
LUXURIEUX [= luxuriant] et surtout un parterre d'agapanthes, la lisière de la forêt [en Afrique
du Nord] (DÉON, Déjeuner de soleil, p. 258). — "Le saurait-il par hasard qu 'il ne lui
ÉCHOUERAIT [= échoirait] aucune fonction particulière (ÉL. BADINTER, Amour en plus,
pp. 158-159). — 0Cette douceur PUERPÉRALE [= purpurine] du teint (ALMIRA, Fuite à
Constantinople, p. 133). — °Circonvolution CERVICALE [= cérébrale] (DUTOURD, Prin-
temps de la vie, p. 217). — °Paul Claudel avait inscrit, en sous-titre d' une de ses pièces les plus
célèbres, /'ÉPIGRAMME [= épigraphe] : « Le pire n ' est pas toujours sûr » (GISCARD
D'ESTAING, dans le Monde, 19 févr. 1999, p. 15).
°lî FAUT mieux pour II vaut mieux est une confusion assez répandue et très
fâcheuse, malgré quelques répondants illustres : Dans malgré que, il FAUDRAIT mieux
écrire en deux mots mal gré que (LITTRÉ, s. v. malgré, Rem. 2). — Il FALLAIT mieux le laisser
• 9 E S I HISTORIQUE.
ici (DRIEU LA ROCHELLE, Chiens de paille, p. 226). — H aurait mieux FALLU tuer dès le début D éjà au XVII e s. : *// FAUT m ie u x les laisser d or m ir
le fou furieux [Hider] (GRAINVILLE, Abime, p. 112). — Autre ex. : FLAUB., SaL, I, éd. ori- é t ern elle m e n t (Boss., Œ uvres oral, t. III, p. 524).
gin. (mais valait remplace fallait dans les éd. suivantes : voir éd. M., pp. 9 et 380). d — MOL., cité au § 912, H1.
Synonymes.
L e s s yn o n ym e s s o n t des m o t s qui, a p p a r t e n a n t à la m ê m e
classe g r a m m a t i c a l e , o n t à p eu p r è s la m ê m e signification.
Dénué, dépourvu, dépouillé et privé expriment, dans leur sens général, l'idée de man-
que, mais chacun d'eux se prend avec une nuance particulière : dénué marque un manque
absolu de ce qui, en général, est bon ou commode ; — dépourvu marque l'insuffisance des
choses qui seraient nécessaires pour agir, de telle sorte que celui qui est dépourvu est faible
ou impuissant ; — dépouillé indique que la chose manquante a été possédée, et se dit en
parlant d'un être auquel on a enlevé ce qui l'ornait ou ce qui était sa propriété ; — privé
présente le sujet comme ne jouissant pas de ce qu'il devait normalement posséder.
Ordinairement, ce n'est que pour une partie de leurs acceptions que
les mots sont synonymes : selon les sens, large a comme synonymes ample,
généreux, etc.
Antonymes.
L e s a n t o n y m e s o u contraires s o n t des m o t s qui, a p p a r t e n a n t à
la m ê m e classe g ra m m a t i c a l e, s o n t co n sid érés c o m m e s 'o p p o s a n t l'un
à l'autre p a r le sens :
Chacun des deux mots implique la négation de l'autre : riche, pauvre ; grand,
petit ; beaucoup, peu ; mâle, femelle ; marié, célibataire ; loin, près. — Mots impliquant
la réciprocité : acheter, vendre. — Autres cas : entrer, sortir ; naître, mourir ; mariage,
divorce ; longueur, largeur.
Co mme pour la synonymie (§ 206), l'antonymie ne concerne souvent
qu'une partie des acceptions des mots :
Si l'on considère que blanc a ordinairement noir comme antonyme, vin blanc
s oppose à vin rouge, arme blanche à arme à feu. — Femme a pour antonymes (si on peut
parler d'antonymie dans ces cas) soit mari, soit homme, soit jeune fille ou petite fille.
N. B. Ne pas confondre antonyme et autonyme (§ 460).
L'ÉVOLUTION SÉMANTIQUE
E L Généralités.
L e vocabulaire français s'enrichit n o n s eu lemen t d e m o t s n o u -
veaux (p ar e m p r u n t s , p a r dérivation, p a r c o m p o s i t i o n ) , d e f o r m e s
nouvelles ( p a r réd u c t i o n o u altératio n ), d'emplois n o u vea u x ( c h a n -
g e m e n t s d e ca t ég o rie) Q , mais aussi d e s e n s n o u v e a u x . 2 U RE M ARQUE.
Les causes de l'évolution sémantique rejoignent celles du néologisme Sur tout cela, voir la section 2 de c e chapitre
en général : voir § 148. ( § § 143 - 201).
Procédés logiques.
a) Spécialisation (ou restriction), par l'introduction d'un sème
(§ 2 0 3 ) supplémentaire :
Lat, ponere, « poser, déposer » > fr, pondre « déposer ses œufs ». — Braire
« crier » « crier, en parlant de l'âne ».
P a r m i les e m p l o i s arbitraires, il y a n o t a m m e n t
a) L ' é t y m o l o g i e p o p u l a i r e o u attraction paronymique a pour d e s d ési g n a t i o n s d ' a p r è s le n o m d ' u n person -
résultat qu'un m o t est influencé p a r le sens d'un a u t r e m o t qui n a g e o u d ' u n lieu q u i so n t d 'ac t u a l i t é et a v e c
l es q u els l' o b j e t n ' a p a s d e lien o b j ec t i f : b o ur d a -
lui ressemble p a r la f o r m e .
lo u e « v a s e d e n uit d e f o r m e o b l o n g u e » ( d e
Pylône « portail monumental des temples égyptiens » « poteau en Bo ur d alo u e, prédicateur célèbre) ; bi k ini
ciment ou support métallique », sous l'influence de pilier. — Errements [dér. ( a b s e n t d ' A c . 2 0 0 1 ) « m aill o t d e b a i n d e dimen -
d'errer, du lat. iterare, voyager] « manière d'agir » -> « habitude blâmable », sous si o ns r é d u i t es » ( d e Bi k ini, atoll o ù ava i e n t lieu
l'influence d'erreHr [qui appartient à la famille du lat. errare], glissement accepté les e x p é r i e n c e s a t o m i q u e s a m é r ic a i n es) . — Les
é t y m o l o g i s t e s a m a t e u r s s' éve r t u e n t à reconsti -
par l'Ac. 2000, mais non l'assimilation complète à erreurs. — Mièvre « vif,
t u e r c e lien l o g i q u e , p a r t ic u l i è r e m e n t a l é a t o i r e
espiègle » au X V I I e s. -> « d'une gentillesse affectée, exagérément délicat »,
s'il s'agit d ' u n p a ssé é l o i g n é ; a u t r e ex. : p ain à la
sans doute sous l'influence de mignon, mignard. — Souffreteux « indigent, grecq u e, n o m d ' u n e p âtisserie b el g e .
nécessiteux » [dérivé de l'anc. fr. soufraite « disette »] « maladif, malingre »,
sous l'infl. de souffrir. — Tabagie « festin » [d'un mot algonquin] « lieu où
l'on a beaucoup fumé », au Canada « débit de tabac », sous l'infl. de tabac.
LA PHRASE
C H APITRE I
Généralités
C H A P I T R E ii
Les éléments fondamentaux de la phrase verbale
C H A P I T R E LLI
La proposition absolue
C H APITRE IV
La coordination
C H APITRE ¥
La subordination
C H APITRE VI
Autres éléments dans la phrase
C H APITRE VII
Particularités des divers types de phrases
C H APITRE VIII
Le discours rapporté
C H APITRE I X
L'accord
C H APITRE X
La mise en relief
CHAPITRE I
GÉNÉRALITÉS
S e c t i o n I
Définition et classifications
Définition.
L a p h r a s e est l'unité d e c o m m u n i c a t i o n linguistique,
c ' e s t - à - d i r e qu'elle n e p e u t p a s ê t r e subdivisée e n d e u x o u
p lu sieu rs suites ( p h o n i q u e s o u g r a p h i q u e s ) c o n s t i t u a n t
c h a c u n e u n a c t e d e c o m m u n i c a t i o n linguistique.
Le plus souvent, la communication comprend plusieurs phra-
ses. Chacune d'elles a son intonation propre et est suivie d'une
pause importante. 0 1 Dans le langage écrit, cette pause impor- E U Bill R E M A R Q U E
tante est généralement représentée par un point. D a n s la c o n ve rsa t i o n c o u r a n t e , le débit et les
p a u ses d é p e n d e n t aussi d 'a u t res facteurs, par -
D'autres signes de ponctuation peuvent marquer la fin d'une
fois d ' u n e l o g i q u e p e u p erce p ti b le. C e l a p e u t
phrase : les points de suspension, le point d'interrogation, le point r e n d r e la n o t i o n d e p h r ase difficile à co ncrétiser.
d'exclamation, le point-virgule, le double point, mais ces divers signes
peuvent aussi se trouver à l'intérieur d'une phrase : voir ci-dessus les
développements consacrés à la ponctuation (§§ 116 et suiv.). La virgule
peut même séparer des phrases, que nous appelons sous-phrases dans E 9 E S I REM ARQUE
E n c o r e faut - il q u e c e t e r m e puisse se rattacher à
ce cas : cf. § 213, b, 2°. — Il arrive aussi que le point ne coïncide pas
u n é l é m e n t d e la p hrase. L'ex. suivant m a n q u e
avec la fin d'une phrase, certains auteurs mettant un terme en relief en d e c o h é r e n c e syn ta x i q u e : "S'il est d es vérit és
le séparant par un point de la phrase dont il fait partie O (§ 119, b) : q ui vo n t sa ns dire, il e n est d'a u tres q ui vo n t
La guerre est une maladie. Comme le typhus ( S A I N T E X U P É R Y , Pilote de m ie u x en les disa n t Surt o u t PAR LE PAPE
(H. FESQUET, d a ns le Mo n d e, 3 0 oct. 1963).
guerre, X). [ = surtout si elles so nt dites...]
Oui a pour fonction ordinaire de reprendre une phrase qui précède, sou-
vent prononcée par l'interlocuteur.
je renvoie à la personne qui parle, tu à celle à qui l'on parle, ici et maintenant
au lieu et au moment où se déroule la communication. On appelle ces éléments
des embrayeurs (cf. § 3). — L'impératif a comme sujet implicite la ou les person-
nes à qui l'on parle. Pour les phrases formées d'un seul mot, voir c ci-dessous.
Cela s'applique notamment à l'ordre des mots : les éléments qui se réfè-
rent à ce qui précède la phrase sont souvent placés en tête de celle-ci ; cf. par
ex. §§ 301, i ; 350, a, 2°. — Voir aussi plus loin la notion de thème (§ 229),
ainsi que la suppléance (§ 220) et l'anaphore (§ 222).
N. B. Une phrase est une phrase, même si ce qu'elle dit est faux, ou absurde,
ou incompréhensible (parce qu'elle contient des mots propres à
l'auteur par ex.), du moment qu'elle respecte les règles essentielles de la
•HIHHI ANMTTHH
E S i 8GFFI REM ARQUE. syntaxe et de la morphologie françaises. E l
U n e p h rase reste u n e p hrase, m ê m e si elle con -
tient d es i ncorrectio ns, à c o n d i t i o n q u e celles - ci
La Suisse et la Belgique ont une frontière commune. — Le couloir de la cuisine était
ne touchent p as au x structures syn ta x i q u es clair, vitré des deux côtés, et UN SOLEIL BRILLAIT DE CHAQUE COTÉ, car Colin aimait
f o n d a m e n t a l es : la lumière (VIAN, Écume des jours, I). — D 'incolores idées vertes dorment furieuse-
C'é t ait m oi q ui m'ÉTAIT allo n g é e n u e sur la t a ble ment (phrase donnée par Chomsky comme contraire aux lois de la grammaire, ce
(M. CARDINAL, Mo ts p o ur le dire, p. 1 2 6 ) . — Si vo us qui a été contredit par Jakobson, Essais de linguist. génér., pp. 204-205). — Il
m'AURIEZ e n n uyé e, je vo us l'a urais dit [dit une prosti - l' emparouille et l' endosque contre terre ; / Il le rague et le roupète jusqu 'à son drâle ; /
tuée! (PROUST, Rech., 1.1, p. 373). Il lepratèle et le libucque et lui barufle les ouillais ; / Il le tocarde et le marmine, / Le
manage rape à ri et ripe à ra. / Enfin il l' écorcobalisse. / L 'autre hésite, s' espudrine, se
défaisse, se torse et se ruine. / C' en sera bientôt fini de lui (H. MICHAUX, Qui je fis,
Grand combat). — Touteptérosynaptique qu ' elle est, la subordonnée, qui est uneper-
contative, est substantiveuse, et repère du verbe (DAMOURETTE-PLCHON, § 3046).
Principes de classement.
D'après les éléments qu'elles contiennent, on peut distinguer les phra-
ses simples et les phrases complexes (§ 213), les phrases verbales et les phrases
averbales (§ 214). — D'après la nature de la communication, on distingue
notamment les phrases énonciatives, les phrases interrogatives et les phrases
injonctives, ainsi que les phrases exclamatives (§ 215). — No u s rappelons
aussi les distinctions faites par certains grammairiens et que nous ne croyons
pas devoir développer ici (§ 216).
E N B E I RE M ARQUE. P h r a s e s a v e r b a l e s e t p h r a s e s v e r b a l e s.
La phrase averbale est souvent appelée
p h r a s e inco m plè t e. Cette dénomination est
a c c e p t a b l e si l ' o n c o n s i d è r e q u e la forme
L e s p h ra s es a v e r b a l e s H J s o n t , soit des p h ra s es simples qui ne
o r d i n a i r e est la p h r a s e c o n t e n a n t u n v e r b e à c o n t i e n n e n t pas d e verb e prédicatif, soit des p h ra s es c o m p l ex es qui
u n m o d e personnel. C e l a n e ve u t p as dire q u e
o n t u n verb e p r é d i c a t i f ( o u des verbes prédicatifs) u n i q u em en t dans
c e s p h r a s e s s o i e n t n é c e s s a i r e m e n t elli p t i q u es,
c'est - à - dire q u'il y m a n q u e u n é l é m e n t que la p r o p o s i t i o n ( o u les p r o p o s i t i o n s ) :
l'esp rit d o i t s u p p l é e r o u e n c o r e q u e la f o r m e
Attention !—Ah ! lesfemmes !... — A chacun son métier. — Entrée interdite. — Oui.
a c t u e l l e r és u l t e d e la d is p a r i t i o n d ' u n é l é m e n t
Heureux celui qui peut d' une aile vigoureuse / S' éhncer vers les champs lumineux et
q u i était p r é s e n t à l'o r i g i n e . C f . § § 410 - 412.
sereins ! (BAUDEL., FL du m., Élévation.) — A droite, la porte d' entrée et une fenêtre dont les
volets sont clos (SARTRE, Mains sales, I, Décor).
Si l ' o n c o n s i d è r e voici, soit, vive comme de
n a t u r e v e r b a l e d a n s V o i c i vo tre ch a p e a u ou
O n appelle p h r a s e v e r b a l e u n e p h r a s e d o n t le p réd ic a t c o m -
Soit u n tria n gle rect a n gle o u W v e le roi ! o n a p o r t e u n verbe, qu'elle soit simple o u c o m p l e x e . E U
d e s p h r a s e s v e r b a l e s . M a i s il n ' es t p a s i n ter d it
d e p e n s e r q u e c e t t e n a t u r e v e r b a l e est f o rt
N. B. On peut coordonner une phrase averbale et une phrase verbale (ou
o b litérée et d e co nsi d érer c es p hrases c o m m e plutôt des sous-phrases) :
a v e r b a l e s (su r la n a t u r e d u p r e m i e r é l é m e n t , Deux mots déplus, duègne, | | vous êtes morte ! (HUGO, Hem., 1,1.) — Répondras-
d a n s c e t t e c o n c e p t i o n , v o i r § § 1096 - 1101 ).
HH Distinctions selon la nature de la communication
a) P a r la p h ra s e é n o n c i a t i v e o u déclarative o u assertive, le locuteur ( o u
le scripteur) c o m m u n i q u e simp lemen t u n e in fo rmatio n à autrui.
J ' étais en rhétorique en 1887 ( V A L É R Y , Œuvres, 1.1, p. 1134). — Il n 'y a
pas de dignité qui ne se fonde sur la douleur ( M A L R A U X , Condition hum., p. 399).
b) L a p h r a s e e x c l a m a t i v e o u interjective est, q u a n t a u c o n t e n u d u
m es s a g e, u n e p h r a s e én o n c ia t ive, m a i s le l o c u t e u r ( o u le s crip -
t e u r ) e x p r i m e ses s e n t i m e n t s a vec u n e f o r c e p a rt i c u l i ère.
Comme il fait noir dans la vallée ! (MUSSET, Poés. nouv., Nuit de mai.) —
Quel courage ! Quel esprit indomptable ! (LAUTRÉAMONT, Maldoror, p. 121.)
— Eh bien '....je suis ruinée, Rodolphe ! (FLAUB., Mmc Bov., III, 8.)
c) P a r la p h r a s e i n t e r r o g a t i v e , o n d e m a n d e u n e i n f o r m a t i o n à
l ' i n t er l o c u t eu r .
Quand viendrez-vous nous voir— Vous savez la géographie ? ( V A L L È S ,
Enfant, XIV.) — Qu ' est-ce que Dieu fait donc de ce flot d'anathémes / Qui monte
tous les jours vers ses chers Séraphins ? ( B A U D E L . , Fl. du m., Reniement de s. Pierre.)
Information est pris au sens large : Puis je entrer ?
d) P a r la p h r a s e i n j o n c t i v e o u impérative, on demande ou on
i n t er d i t u n a c t e à a u t ru i , o u à u n a n i m a l , v o i r e a u x c h o s e s d a n s
u n c o n t e x t e s u r n a t u r e l o u a vec p e r s o n n i f i c a t i o n .
Taisez-vous. — Ah ! ne me parlez pas de ma gloire (MONTHERL., Reine
morte, III, 1). — Dieu dit : « QUE LA LUMIÈRE SOIT ! » Et la lumière fut (Bible
de Maredsous, Genèse, I, 3). — Qui m'aime me suive !
O n y j o i n d r a la phrase optative, dans laquelle la réalisation de
l'acte ne dépend pas de la volonté de l'interlocuteur (ni de la volonté
humaine en général).
Soyez heureux. — Portez-vous bien. — Qu 'ils reposent en paix ! — Puissent
se réaliser les espérances que je vous ai laissées [sic] concevoir ! (VERNE, Enfants
du capit. Grant, I, 3.)
O n y j o i n d r a aussi la phrase interpellative, par laquelle on établit
la communication avec autrui.
Allô ! — PSITT ! Venez ici. — Hep ! — Le mot en apostrophe (§ 376)
équivaut à une phrase ou plutôt à une sous-phrase interpellative.
N. B. 1. Les phrases sont réparties entre ces types d'après un point de vue
formel, syntaxique, d'après des particularités concernant l'intonation et
la ponctuation, l'ordre des mots, l'absence de sujet, le mode du verbe,
etc., particularités étudiées plus loin dans le Chapitre VII. — Le point
de vue n ' est pas sémantique.
Un ordre, par ex., peut s'exprimer par une phrase interrogative : Voulez-
vous sortir ? — De même, une interrogation indirecte (Je me demande qui
est venu) n'est pas une phrase interrogative, mais une phrase contenant un
verbe de sens interrogatif, verbe qui est suivi d'une proposition interroga-
tive. Même chose pour l'exclamation indirecte : Je sais combien vous êtes
susceptible ; pour l'injonction indirecte : Je vous dis de sortir. Cf. Chap. VIII.
2. Ces types de phrases sont exclusifs l'un de l'autre : une phrase ne
peut être simultanément interrogative et énonciative (toutefois, la
phrase exclamative est une sorte de variante de la phrase énonciative). • A M REMARQUE
La coordination laissant chacune des phrases autonome, il est possible Il a r r i v e q u e , p a r a n a c o l u t h e ( § 2 2 6), le locu -
de coordonner des phrases (ou plutôt des sous-phrases) de types dif- teur rompe le m o u v e m e n t commencé et
p a ss e , e n c o u r s d e p h r a s e , d e l ' é n o n c i a t i o n à
férents (§ 266, b) :
l'interrogation, par ex. :
Demandez et l' on vous donnera (Bible de Jérus., Matth., VII, 7). N e plus a tt e n d re, c'est co n trib u er à fra p p er de
st érilit é l'ê tre dont o n n'a tt e n d plus rie n, c'est
De même, une sous-phrase incidente peut être d'un autre type que 1a
d o nc e n q u elq u e m a nière le p river, lui re tirer p ar
phrase dans laquelle elle s'insère : ava nce — q u oi e x act e m e n t, sin o n une cert ain e
La poésie produit parfois des nuages inouïs, sanglants, QUI SAIT ? heureux p ossibilit é d'inve n t er o u d e cré er ? (G. MARCEL,
( R . CHAR, Bâton de rosier, II). O Homo via t or, p p. 66 - 67.)
FUI A u t res distinctions.
S e l o n la f o r m e d e la p h r a s e , c e r t a i n s g r a m m a i r i e n s d i s t i n g u e n t
encore
a) L a p h r a s e a f f i r m a t i v e o u p o s i t i v e e t la p h r a s e n é g a t i v e :
La chienne a aboyé. — La chienne n 'a pas aboyé.
N o u s c o n s i d é r o n s q u e cette distinction concer ne, n o n la phrase,
mais le verbe, quels q u e soient son m o d e et s o n rôle :
Un employé SACHANT l'anglais me conviendrait. — Un employé NE SACHANT
PAS l'anglais me conviendrait. — PARLER est dangereux, NE PAS PARLER est lâche.
N o u s avons étudié la négation dans le c h a p i t r e de l'adverbe :
§§ 1 0 1 0 - 1 0 3 0 . — Elle p e u t aussi p o r t e r sur un adjectif, sur un syn-
t a g m e pr épositionnel, etc.
b) L a p h r a s e a c t i v e e t la p h r a s e p a s s i v e :
Marie a interrogé le facteur. — Le facteur a été interrogé par Marie.
C e t t e distinction concerne, n o n seulement la phrase, mais n'importe
quel verbe susceptible d'être employé au passif (cf. §§ 7 7 1 - 7 7 2 ) :
AYANT INTERROGÉ le facteur, Marie a constaté que la lettre avait disparu.
— AYANT ÉTÉ INTERROGÉ par Marie, le facteur a reconnu qu 'il n 'avait pas
retrouvé la lettre.
c) L a p h r a s e n e u t r e e t la p h r a s e e m p h a t i q u e , d a n s l a q u el l e o n
m e t u n él ém en t en évidence (cf. C h a p . X ) :
Luc travaille. Luc travaille, lui. — Marie a perdu son sac. C' est Marie qui a
perdu son sac.
S e c t i o n 2
L'ellipse et la suppléance
L'ELLIPSE
BO Définitions et distinctions.
D ' u n e m a n i è r e g é n é r a l e , o n a p p e l l e ellipse l'absence d'un o u d e
p l u s i e u r s m o t s q u i s e r a i e n t n é c e s s a i r e s p o u r la c o n s t r u c t i o n r é g u l i è r e
E U J I F F I I REM ARQUE d e la p h r a s e o u p o u r l ' e x p r e s s i o n c o m p l è t e d e la p e n s é e . [ 3 J
Le m o t b r a c h y l o g i e a u n sens plus g é n é r a l N o u s distinguerons la fausse ellipse, l'ellipse étymologique et l'ellipse
q u'ellipse e t d é s i g n e le f ait d ' e m p l o y e r une
p r o p r e m e n t dite.
f o r m u la ti o n plus c o u r t e q u ' u n e autre sans
q u e le s e n s so i t m o d i f i é : a) D a n s la f a u s s e e l l i p s e , le m e s s a g e est c l a i r e t c o m p l e t : ni le l o c u -
le p e nse p artir d e m ain par ra p p o rt à Je p e nse
t e u r n i l ' i n t e r l o c u t e u r n ' o n t le s e n t i m e n t qu'il m a n q u e q u e l q u e
q u e je p artirai d e m ain. — M a i s certains linguistes
d ési g n e n t p ar b rachylo gie d es e s p è c e s particu - c h o s e d a n s la c o m m u n i c a t i o n . C e n ' e s t q u e p a r c o m p a r a i s o n
lières d'ellipses. P o u r d'a u tres, c'est u n e expres -
a v e c la p h r a s e c o n s i d é r é e c o m m e n o r m a l e , c ' e s t - à - d i r e la p h r a s e
sion t r o p b r è v e et, par là, o b sc u r e o u irrégulière.
v e r b a l e é n o n c i a t i v e , q u e l'o n c o n s t a t e l ' a b s e n c e d e c e r t a i n s élé-
m e n t s . E t , d ' a u t r e p a r t , la f o r m e c o m p l è t e n ' a j a m a i s e x i s t é .
C'est le cas de bien des proverbes : Loin des yeux, loin du cœur. A père avare,
fils prodigue. — Dans la phrase injonctive, introduire le sujet serait contraire à
l'usage: Venez, phrase injonctive, est autre chose que Vous venez, phrase
énonciative ; en outre, la première formule n'est pas, historiquement, issue de la
deuxième. — Les grammairiens ont souvent abusé de l'explication par l'ellipse.
On pourrait dire que le sujet dans la phrase injonctive reste implicite. De
même, nous parlons de coordination implicite (§ 262, b) lorsque les termes
coordonnés ne sont pas joints par une conjonction : cela ne veut pas dire que
celle-ci manque ou qu'elle se soit effacée. De même encore, nous voyons un élé-
ment implicite pour expliquer des coordinations comme II est parti, mais sans
regret (§ 268, d, 2°).
En dehors des cas traités dans le § 218, voir les §§ 233-235 pour les phrases
ou propositions sans sujet ; les §§ 410-412 pour les phrases averbales ; le § 1109
pour les propositions averbales.
Dans l'ellipse étymologique, il y a eu effectivement une réduction,
un effacement : par économie, on a fait disparaître des éléments
qui ne paraissaient pas indispensables à la communication, ffl E S I E S 3 RE M ARQUE.
Po ur N y r o p (t. V, § 20), l'ellipse étymologiq ue
Le 16 janvier est issu de Le 16e jour du mois de janvier. — Adieu est sorti
est l'ellipse pro prement dite ; c'est un point d e
d'expressions comme Va à Dieu, Soyez à Dieu, etc. : Je m' en vois [= vais], A
vu e d'historien.
DIEU DEMOURÉS (J. BODEL, Jeu de s. Nie., 4 3 5 ) .
Mais le locuteur d'aujourd'hui ne sent plus adieu ou le 16 janvier comme
incomplets ; il serait difficile pour lui ou tout à fait artificiel de rétablir la for-
mule complète. — Voir aussi §§ 188-189 (réductions lexicales).
S i la formule complète et la formule réduite continuent à coexis-
ter, les locuteurs peuvent prendre conscience de l'effacement. Q ] E U B E I RE M ARQUE.
Ex. : Faut pour il faut dans la langue parlée familière : § 235, c. — Diverses Il y a aussi des réductions occasionnelles dans
un débit rapide ou négligé : T re z pour En tre z . Cf.
omissions de la préposition : §§ 1045-1047. — La construction sans verbe de cer-
§ 37, R2.
taines propositions : comme convenu (§ 1142, b, 2°) ; propositions de cause, etc.
(§ 1133). — La réduction de ne... pasàpas(§ 1026) peut aussi être mentionnée ici.
3° P o u r les c a s o ù l'ellipse c o n s i s t e à n e p a s e x p r i m e r d e s é l é m e n t s
déjà p r é s e n t s d a n s le c o n t e x t e , v o i r le § 2 1 8 .
1° L o r s q u e d e s p h r a s e s o u d e s p r o p o s i t i o n s c o o r d o n n é e s o n t le
B U S H » REM ARQUE m ê m e verb e, celu i-ci n 'est p a s r é p é t é . 0
C e t t e ellipse p articulière est parfois appelée
La plus âgée AVAIT PEUT-ÊTRE huit ans, la plus jeune six ans (MAUPASS.,
zeugma ( o u z e u g m e). M a i s c e t e r m e reç o i t d es
a cc e p t i o n s différant sel o n les g r a m m a i r i e n s et C., Châli). — Le soleil ÉTAIT un peu sirupeux, l'herbe crépitante de sauterelles
n o u s p r é f ér o ns n e p as n o u s e n servir. (SIMENON, Vérité sur Bébé Donge, I). — Cet essor PEUT être excessif, l' espèce se
développer démesurément (PROUST, Rech., t. II, p. 603). — Pour comprendre le
monde, IL FAUT PARFOIS se détourner ;pour mieux servir les hommes, les tenir un
moment à distance (CAMUS, Été, p. 13).
D e s grammairiens exigent que le verbe non exprimé ait la m ê m e
personne et le m ê m e n o m b r e que le verbe exprimé. Mais, pas plus que
IIIFE K U I HISTORIQUE. dans le passé 031 , les auteurs, m ê m e scrupuleux, ne tiennent c o m p t e
Les classi q ues s ' a c c o m m o d a i e n t fort b ie n d e de cette restriction.
c e s d isc o r d a n c es : La co u p a ble EST p u nie, e t vos
m ains in n oce n t es (CORN., Ro d o g., V, 4). — N os Tu SERAS dame, et moi comte (HUGO, Lég., X V , III, 11). — La petite
a m is ONT gra n d t ort, e t t ort q ui se re p ose / Sur de RETOURNERA chez elle, nous à Paris (MUSSET, Il ne faut jurer de rien, III, 3). —
t els p aresse u x (LA F., F., IV, 2 2 ) . — Le c œ ur EST On ne distinguait qu ' un large amas où les chairs humaines FAISAIENT des taches
p o ur Pyrrh us, e t les v œ u x p o ur O rest e (RAC.,
blanches, [...] le sang des fusées rouges (FLAUB., Sai, X I V ) . — Son sourire EST
A n d r., II, 2 . ) — D e m ê m e : T es d e u x ONT plus
tranquille et ses yeux assurés (BAUDEL., Fl. du m., À une dame créole), — Les
d'écla t, t o n sol plus d e ch ale urs, / T o n soleil EST
plus p ur, plus suaves t es fle urs (CHÉNIER, Élé g., Ll). boutiques ÉTAIENT closes, la rue muette (MAUPASS., C., Boule de suif). — La
nuit ÉTAIT claire, les étoiles avivées de froid (A. DAUDET, Lettres de m. m.,
p. 192). — Il était déjà singulier que je ne Î'EUSSE pas cherché, ni lui [= ni lui moi]
(HERMANT, Discorde, p. 280). — J'AVAIS vingt-trois ans ; toi, dix-huit (MAU-
RIAC, Nœud de vip., I).
Le verbe non exprimé peut être afiîrmatif alors que le verbe exprimé est
négatif : Je N'AI PAS assez d'invention pour imaginer les embûches et trop peu de
prudence pour les déceler à temps (BOSCO, Mas Théotime, 1947, p. 104). —
L ' esprit N'Y EST pour rien et la matière pour beaucoup (CAMUS, Été, p. 49). —
Ceci est tout à fait courant (et plus clair) avec mais : Sa puissance N'EST PAS
diminuée, mais accrue (Ac. 1935, s. v. mais). Voir aussi § 220, h, 2°.
L'attribut non répété peut avoir un autre genre (ou un autre nombre) que
l'attribut exprimé : Aucune femme n ' est MÉCONTENTE d' être regardée, ni aucun
homme d' être écouté (TAINE, Vie et opinions de Fr.-Th. Graindorge, p. 21). — Tu
as été CHOQUÉ, murmure-t-elle, par les pilules de Salomé. Moi aussi (H. BAZIN,
Cri de la chouette, p. 105). — Je suis VEUF. Bertille [une femme] aussi (ib., p. 92).
2° Si d e u x s y n t a g m e s n o m i n a u x n e diffèrent q u e p a r le d é t e r m i n a n t ,
le n o m p e u t n'être e x p r i m é q u e d a n s le s e c o n d s y n t a g m e E S : E U RE M ARQUE.
À c ô t é d e ce n t e t q u elq u es ( o u ... et des)
Mouvement à deux ou à trois TEMPS (Ac. 1935, s. v. valse). — Laisser sur la
fra ncs, o n e n t e n d d a ns la lan g ue familière,
branche que l' on coupe deux, trois BOUTONS À FRUIT (ib., s. v. œil). — Espace res-
a v e c le n o m e x p ri m é dans le premier
serré entre deux ou plusieurs MONTAGNES (ib., s. v. vallée). — Trente et quelques syn t a g m e : D e u x ce n ts fra ncs ET QUELQUES
COLLÈGES donnaient à ce quartier sa physionomie particulière (BARRÉS, dans Paris ( d a ns le Ro b ., s. v. q u elq u e). — C e t t e f e m m e
illustré, 27 juillet 1889, p. 539). — C' était un homme de cinquante et des ANNÉES q ui fait la je u n e a cin q u a n t e a ns ET DES (ex.
(ARAGON, Aurélien, X X V I I I ) [cf. § 581, A], — Nous inviterons mes et tes AMIES. f or g é par M. ROQUES, cité dans Nyr o p , Ét u d es
d e gra m m . fr., n ° 2 9 ) . Cf. § § 5 8 1 , R1 ; 6 3 2 , b .
Cela se fait même si le nombre des n o ms est différent et même si
D 'a u t r e part, le cardinal (peut - être parce qu'il
le pluriel et le singulier se prononcent différemment ; le pluriel vient sert aussi d e p r o n o m ) se prête à des ellipses
ordinairement en dernier lieu : qui n e sont pas permises avec les autres déter -
minants, par ex. e n d eh ors d e la coordination :
Répétition continue d' une ou deux NOTES (Ac. 1935, s. v. trémolo). — Sur un
D e p uis d e u x MEURES j usq u'à trois (APOLLIN., A n ec -
ou plusieurs REGISTRES tenus doubles (Code civil, art. 40). — Sur un ou plusieurs
d o tiq u es, 1ER mai 1 9 1 8 ) . — D e q u a t or z e à di x -
PIEDS (LLTTRÉ, S. V. table, 2 ° ; Ac. 1 9 3 5 , ib.). — Il prendra son ou ses PERSONNA-
se p t ANS (ID., Flâ n e ur d es d e u x rives, p. 53).
GES à une certaine période de leur existence (MAUPASS., Pierre et Jean, Introd.). —
Louise ne se dévoua plus qu 'à son, puis ses ENFANTS (CAMUS, L ' exil et le royaume,
Pl., p. 1631). — Quelles différences [...] y a-t-il entre ces langues de départ et la ou
les LANGUES d'arrivée [...] ? (G. MOUNIN, Langue franç., pp. 132-133.)
Traînée par un ou plusieurs CHEVAUX (LlTTRÉ, s. v. chaise, 3°).
Cela se trouve même parfois, alors que le genre des noms est différent :
Par son ou sa CONCIERGE (COLETTE, Chambre d'hôtel, p. 42). — Cette cons-
truction est moins acceptable si le masculin et le féminin ne sont pas
homographes : 0 Ell e avait peine à frapper de langueur un ou une RIVALE (MAL-
LET-JORIS, Trois âges de la nuit, L. P., p. 274). — Elle serait impossible si le
masculin et le féminin n'étaient pas homophones.
Quand le nom est à initiale vocalique, le déterminant employé sans nom
prend la forme qu'il a quand il y a disjonction (§ 47) : Ne nous cherchons plus
d'autre nid / Que MA, que ton étreinte (VERL., Chans. pour elle, III) [et non
*mon]. —Je cherche LE ou les auteurs de cette farce (et non : *l').
Faisons plutôt des vers [...] !Ily a plus de gloire à en attendre que de nos malheu-
reuses toiles [dit un peintre] (BALZAC, Maison du Chat-qui-peL, Pl., p. 32) [= qui!
• 9 B U RE M ARQ UE.
n 'y a de gloire à attendre de nos malheureuses toiles]. — M. de Norpois n ' estimait
D a n s c e s p ro p ositio ns elliptiq u es, l'o b j e t direct est
pas moins le tact du prince que le prince le sien (PROUST, Rech., t. II, p. 261) p arfois r e m p l a c é p ar u n sy n t a g m e pré p ositio n n el :
[= ... que le prince n ' estimait le tact de Norpois]. ( J . J — Êtienne réussit mieux que O n s e m it à p arler alle m a n d , avec la m ê m e
sa sœur [= ...que sa sœur ne réussit], — Le malade allait moins bien que la veille aisa nce q u e t o u t à l'h e ure POUR le fra nçais (LOTI,
[= que le malade n 'allait la veille]. — Voir un cas particulier ci-dessous, e, 4°. M m e C hrysa n t h., II). - Cf. § 775, a, 3°.
Quand l'ellipse porte seulement sur l'attribut, on peut aussi le représenter MM WSM RE M A R Q UE
par le pronom neutre le : Sa vie fut plus dissipée qu ' elle ne L 'avait été jusqu 'alors D a n s l'e x . suivant, u n é l é m e n t c o m m u n , l'é pit h è t e
(MAURIAC, Mystère Frontenac, p, 208). [Comp. : Yves parut plus amer qu 'il inco nsola bles, est e x p ri m é se ule m e n t d a ns la
p ro p ositio n : °ll y a [...] plus d'a m a n ts q u e d e m aris
n 'avait jamais été (ib., p, 226).] — Riche comme il L ' est (ou ... comme il est), il
inco nsola bles (PROUST, Rech., t. Il, p. 507). Il e û t é t é
devrait être plus généreux. plus ré g ulier e t plus clair d'e x p ri m er d e u x fois
Phénomène analogue pour un infinitif ou une proposition qui servent l'a d jectif.
d'objet direct : cf./.
L e verbe non exprimé peut, dans la meilleure langue, être à une
autre personne, à un autre nombre, à un autre mode, à un autre temps
que le verbe exprimé ; de même, les participes passés ou les adjectifs
peuvent être à un autre nombre et à un autre genre que les participes
ou adjectifs exprimés.
Vous ÊTES ici chez vous plus que moi-même (HUGO, Misér., I, II, 3), — J'AI
plus de souvenirs que si j'avais mille ans (BAUDEL., Fl. du m., Spleen). — Au lieu
de S'EN RETOURNER en même temps qu ' eux, il avait été s'adjoindre à la garde
nationale (FLAUB., Éduc., III, 1). — Mon âme ATTEND le Seigneur plus que les
veilleurs l'aurore (Bible, trad. Crampon, Ps., C X X X ) . — Des baisers [...]
ENVOLÉS des lèvres comme des bulles de savon d' un fétu de paille (J. RENARD,
Sourires pincés, Ciel de lit, I). — Mon père, quej' APPELAIS M. Seurel, comme les
autres élèves (ALAIN-FOURNIER, Gr. Meaulnes, 1,1). — Pour que je la CONSOLE
[subjonctif] comme un frère aîné une petite sœur sans amant (LÉAUTAUD, Petit
ami, IV). — Elle croyait citer textuellement les paroles, tout en ne les DÉFORMANT
pas moins que Platon celles de Socrate ou saint Jean celles de Jésus (PROUST, Rech.,
1.1, p. 697). — Des passereaux CRIBLAIENT le ciel, comme les merlettes un blason
(MORAND, Flèche d' Orient, p. 126). — Dieu sait pourtant si je les CONNAISSAIS,
aussi bien qu ' un curé son bréviaire I (GENEVOIX, Derrière les collines, p. 112.) —
Nous CONNAISSONS nos signaux mieux qu ' un prêtre son bréviaire (CHAMSON,
Superbe, p. 27). — J e n 'ignore pas que tout cela est [...] RONGÉ par ce qui entre
temps s' est amassé en nous comme une pierre [= ...comme une pierre est rongée]
par le lichen ou du métal par la rouille (YOURCENAR, Souvenirs pieux, p. 12).
2° Applications particulières.
• S I I S 9 HISTORIQUE.
• Ressembler à ... comme deux gouttes d' eau = ... comme deux gout-
Ex. classi q ues : II luy fa / ut élargir sa cein t ure ; / tes d'eau se ressemblent. La formule est ancienne f j f ï , et elle a résisté
Puis m e ttre a u jo ur p e tit e cre a t ure, / Q ui resse m - à toutes les critiques (voir notamment Littré), mais elle appartient
bloit co m m e d e u x g o û t es d'e a u / [...] à la s œ ur plutôt au langage familier :
jo uve nce a u (LA F., C., Lu n ettes). — D e m ê m e :
MOL., Mar. f orcé, I ( 1 6 6 8 ) , et Mal. i m ., III, 7 ; SÉv., J ' en ai trouvé une [= une pomme de terre] gonflée, violette, [...] qui ressem-
5 a o û t 1 6 7 6 ; MAINTENON, C orresp ., d a n s Littré ; ble à grand' tante Agnès comme deux gouttes d' eau (VALLÈS, Enfant, II). O
S.-SIMON, Pl., 1.1, p. 5 3 8 ; MARIV., Paysa n p arv.,
Forme plus rare, non moins illogique : Tu me ressembles COMME LA
p. 4 9 ; VOLT., C orresp ., 3 1 d éc . 1 7 4 0 ; DID., Est - il
G O U T T E D ' E A U ( D R I E U LA R O C H E L L E , Chiens de paille, p. 2 3 6 ) . E S
b o n ? Est - il m éch a n t ? IV, 7.
Les formules régulières continuent d'être utilisables : Il arrive que
H F J A UTRES EXE M PLES
deux mots se ressemblent comme deux gouttes d' eau et n 'aient aucune
STENDHAL, C h artr., VII ; BALZAC, G orio t, p. 5 5 ; RENAN,
Fra g m e n ts in ti m es e t ro m a n esq u es, p. 2 0 3 ; BAIN- parenté (HERMANT, Chron. de Lancelot, 1.1, p. 10). — Une démocra-
VILLE, C hro niq u es, p. 2 1 5 ; ROMAINS, 6 oct, p. 2 7 0 ; tie imposée par la force [...] ressemble à la dictature comme une goutte
L. GOLDMANN, Po ur u n e sociolo gie d u ro m a n, Id.,
d' eau à une goutte d' eau (Th. MAULNIER, Sens des mots, p. 61).
p. 6 5 ; DUTOURD, Para d o x e d u critiq u e, p. 3 5 0 ; etc.
AMOASABB <FIII^II"I»NRII '
On ne dit pas, avec d'autres noms : *Il me ressemble comme deux frères, etc.
m m E D 3 HISTORIQUE
• La langue familière emploie comme si sans proposition :
O n a d é j à u n e f o r m u l e a n a l o g u e a u X V e s. :
Vo us luy [ = à vo t r e p è r e] rese m ble z m ie ul x q u e Elle ne s' est aperçue de rien ;je ne puis croire qu ' elle ait fait COMME SI
g o û t e / D'e a u e (Pa t h elin, 1 6 9 - 1 7 0) [ = mieu x [en italique] (P.-H. SIMON, Raisins verts, p. 184) [= comme si elle ne
q u ' u n e g o u t t e n e resse m ble à u n e a u tre g o u tt e].
s' était aperçue de rien].
De faire comme si on rapprochera l'expression synonyme et plus rare
faire celui qui, où c'est un pronom relatif qui est construit sans
proposition : Dort-il vraiment, ou ne ferait-il pas CELUI QUI ? (MON-
THERL., Théâtre, Notes de 1948 sur Fils de personne, Pl., p. 380.) —
Comp. aussi à tant faire que, § 736, a, 2°.
• Tout comme s'emploie avec cette valeur de comme si, surtout après
c ' est, mais parfois après d'autres verbes, parfois aussi sans que la for-
mule dépende d'un verbe.
Il ne s' est pas tué, mais c ' est TOUT COMME : il s' est laissé mourir (GLDE,
Journal, 21 nov. 1923). — Nous n 'avons pas d'amant. [...] Nous avons
des maris successifs. / - C' est TOUT COMME ; vous légalisez l'adultère
S U S B E I HISTORIQUE. (BEDELJérôme 60 °lat. nord, VII). — Il l'avait vu de ses yeux ou c ' était
MOL. faisait d é j à d ire a u p aysa n A l a i n : C'est j us - T O U T C O M M E ( M A U R I A C , Pharisienne, VI). d J
t e m e n t TOUT COMME (£C. d es f., Il, 3 ) .
Je doute que beaucoup de gens s'y laissent prendre ; mais ils font TOUT
E E H E E Q REM ARQUE COMME (GIDE, École des femmes, II). — Les deux charlatans venus
C er t a i ns g r a m m a i r i e ns c o n si d è r e n t q u'il ne d'Arabie sans diplômes, [...] qui ne portaient [...] ni le bonnet carré, ni
s'agit plus d ' u n d ét er m i n a n t , mais d ' u n p r o n o m . la robe garnie d'hermine, mais agissaient TOUT COMME et usurpaient le
N o t o n s p o u rta n t q u e l'é p i t h èt e sans n o m p e u t sacerdoce médical (H. GHÉON, Jambe noire, p. 106).
aussi ê t r e sans d é t e r m i n a n t : cf. e, 3°, N. B. Christian. Ciel ! / Vous, son frère ? - Cyrano. Ou TOUT COMME : un
HMMHAA SNGHGAN
EUS KiliS REM ARQUE cousin fraternel (E. ROSTAND, Cyr., II, 10). — Les agitateurs, religieux
Le n o m sous - enten d u p e u t ê t r e d ' u n a u t r e nom - ou politiques T O U T COMME ( G . BELMONT et H . CHABRIER, trad. de :
b r e q u e le n o m e x p r i m é : Le XIV e SIÈCLE et LES
A. Burgess, Homme de Nazareth, p. 15).
SUIVANTS.
E n particulier, c'est le c as q u a n d u n superlatif
relatif (ainsi q u e p re m ier, d ernier, se ul) est d) Épithète sans nom.
e m p l o y é sans n o m p a r c e q u e c e n o m est
e x p r i m é d a ns le c o m p l é m e n t q ui suit : 1° Un nom accompagné d'une épithète peut ne pas être exprimé
Le plus BEAU d e t o us les t a n g os d u m o n d e 1= le
plus b e a u ta n g o]. — Vo us êtes la MEILLEURE d es
s'il a déjà été mentionné antérieurement. L'épithète sans nom
f e m m es. — Le DERNIER d es j ust es (titre d ' u n livre est accompagnée du déterminant 0 2 que le nom aurait eu. Ce
d'A . SCHWARZ-BART). — La PREMIÈRE ( o u U n e SEULE)
d e m es p e nsé es a é t é p o ur vo us. — P o u r le g e n re ,
tour appartient surtout à la langue écrite lorsqu'il s'agit d'épi-
vo ir § 3 3 5 , fa. thètes de relation (§ 323, b, 1°). OU
— Le syntagme complet et le syntagme elliptique sont coordonnés : Le
Cardinal [...] faisait le distrait pendant le premier ACTE et LE SECOND (VIGNY,
Cinq-Mars, X X V I ) . — Un second COUP DE SONNETTE, puis UN TROISIÈME,
puis UN QUATRIÈME emplirent de vacarme le petit logement (MAUPASS., C., Sur-
prise). — J e ne considère ni la RÉPUBLIQUE romaine, ni LA BATAVE, ni L'HELVÉ-
TIQUE, mais seulement LA FRANÇAISE (FRANCE, Orme du mail, X I I I ) . — Les
juifs, exclus de la SOCIÉTÉ féodale et de LA LÉGISTE qui ont précédé notre temps
(BARRÉS, Ennemi des lois, 1927, p. 146). — Entre les LIGNES allemandes et LES
FRANÇAISES (ROMAINS, Hommes de b. vol., t. X V , p. 83). — Les mérites respec-
tifs de la VIANDE bouillie et de LA RÔTIE (BILLY, dans le Figaro litt., 7 janv. 1950).
— Après le huitième VERS et après LE DERNIER (Ac. 1935, s. v. rondeau). E l E S I B E I RE M ARQUE.
Il est assez rare q u e l'ellipse d u n o m se pro -
— Le syntagme complet et le syntagme elliptique ne sont pas
d uise alors q u e l'épithète est suivie d'u n
coordonnés : Waterloo est une bataille du premier ORDRE gagnée par un capi-
complément :
taine DU SECOND (HUGO, Misér., II, I, 16). — Mon premier SOUVENIR date
C'est Virie u q ui fit le tri p o ur les MÉDITATIONS. Q u a n d
donc d' une fessée. MON SECOND est plein d' étonnement et de larmes (VALLÈS, il lui [= à Lamartine] fallu t u n seco n d volu m e, il le fit
Enfant, I). — Certaines CHOSES que je comprenais, je ne les comprends plus, et à I...] avec I ES DÉDAIGNÉES PAR VlRIEU (BARRES, MeS
chaque instant DE NOUVELLES m' émeuvent (J. RENARD, Journal, 28 oct. 1896). ca hiers, t. X, p. 56). — Ces d e u x classes d e PRODUITS :
— Il faudra [...] inventer un nouveau CANCAN, L'ANCIEN ayant été amené [...] LE FAIT À LA MAIN, q ui est e n p rincip e plus solid e I...],
et le p ro d uit fait e n série p ar la m achin e (Ét. GILSON,
au rang des danses hiératiques (APOLLIN., Anecdotiques, 1 er avril 1914). — Ce
La socié t é d e m asse e t sa cult ure, p. 21 ). — Malgré
n ' était pas mon premier DOUTE relatif à la vertu d'Albertine que les paroles de l'opposition des puristes, on préfère reprendre le
M. de Charlus venaient d' éveiller en moi. BEAUCOUP D'AUTRES y avaient déjà nom par le pronom démonstratif : ... avec CELLES
pénétré ; à CHAQUE NOUVEAU on croit que la mesure est comble (PROUST, Rech., d é d aig n é es p ar Virie u. Cf. § 700, fa.
t. III, p. 223). — Madame Léa, après vous ce CHAPEAU-/», quand vous le
jetterez ? [...] Madame Charlotte, vous vous souvenez, VOTRE BLEU ! Il m'a fait
deux ans (COLETTE, Chéri, M. L. F., p. 69). — Une hypothèse plus sérieuse [...]
fut celle qui rattachait notre LANGUE à LA GRECQUE (BRUNOT, Hist., 1.1, p. 2).
— Sprat [...] voulait aussi l' établissement d' une ACADÉMIE Anglaise sur le modèle
de LA FRANÇAISE (LANSON, dans Volt., Lettres phil, S. T . F. M., t. II, p. 178).
— La grande LITTÉRATURE antique [...], c'est LA GRECQUE (DAUZAT, dans le
Fr. mod., janv. 1946, p. 2). — Remarques générales sur la SOCIÉTÉ - LA RELI-
GIEUSE surtout, mais aussi LA CIVILE (L. HALPHEN, Charlemagne et l' empire
carol., 1949, p. 264). — L'HYMNE NATIONAL serbe fut suivi de L'ITALIEN
(QUENEAU, Rude hiver, I V ) . — Quand tu fais l'aumône, ta MAIN gauche ne doit
i î T f i l I T T I RE M ARQ UE.
pas savoir ce que fait TA DROITE (Bible de Maredsous, Matth., V I , 3). [Voir
Dans les ex. suivants, au lieu d'une épithète, on
aussi trad. SEGOND.] — Créer une LITTÉRATURE nationale, égale en dignité à a un nom com plément sans préposition, ce qui
LA FRANÇAISE (R. POMEAU, Europe des Lumières, p. 140). — Elle allait déserter est plus rare et senti co m m e fam., voire peu
le RÈGNE minéral et sauter par-dessus LE VÉGÉTAL (PIEYR E DE MANDIARGUES, régulier : M. Lé o n D a u d e t I...] s'é t o n n ait d e le
Motocyclette, F 0 , p. 20). — On avait les YEUX presque les uns sur les autres, SES voir p re n d re a u série u x /'ACADÉMIE Fra nçaise. [...]
La p rovince [...] finira p e u t - ê tre p ar avoir la m ê m e
VER TS sur MES NOIRS ( M . MOREAU, Moreaumachie, p. 1 3 0 ) . S3B
co nsid éra tio n p o ur I A GONCOURT (THIBAUDET, Vie
Dans les ex. ci-dessus, le nom exprimé était accompagné d'une épithète. d e M. Barrés, p. 244). — D es CHAMBRES d'a m is : la
vert e, LA LOUIS XIV (SABATIER, T rois suce tt es à la
Cette condition n'est pas impérative : Le livre est divisé en trois CHAPITRES ; LE
m e n t h e, p. 3 2).
PREMIER s'intitule [...]. — J 'ai vu vos TABLEAUX ; LE PLUS BEAU est le portrait
de votre sœur. m UE9139 H IST O RI Q UE
Ex. classiq u e : *je n e vo us co nseille p as d ésor m ais
L e n o m qui n'est pas répété p e u t n'être e x p r i m é qu'avec la s e c o n d e I...1 d e m'a d resser d es I ETTRES p o ur les a u tres [...]. J'ai
épithète, s'il s'agit d'adjectifs d o n t la place or dinair e est devant le n o m . écrit a u C h evalier e n lui e nvoya n t VOTRE DERNIÈRE
(SÉV., 2 6 a o û t 1 6 7 5).
— Le syntagme complet et le syntagme elliptique sont coordonnés : LES BONS
et les mauvais ANGES (CHAT., Mém., II, VU, 2). — H définit LA VRAIE et la fausse
DÉVOTION (S.-BEUVE, P.-Royal, III, 16). — Quand un complément est joint au sujet
de LA I E OU de la I I e PERSONNE (BRUNOT, Pensée, p. 2 8 1 ) . — Entre LE QUINZIÈME
et le seizième SIÈCLE (COCTEAU, Maalesb, p. 187). — Quand LE BON et le mauvais
PARTI étaient si difficilement discernables (Th. MAULNIER, Jeanne et les juges, IV). —
Qui comprend [...] L'ANCIEN et le Nouveau TESTAMENT (Dict contemp., s. v. bible).
D'autres constructions sont possibles : le déterminant n'est pas repris
(§ 576, b : La sixième et septième leçon) ; — le nom et le déterminant sont au
pluriel, et les adjectifs s'accordent d'une manière distributive (§ 337 : Les
sixième et septième LEÇONS).
— Le syntagme complet et le syntagme elliptique ne sont pas coordonnés :
Qui développa MES BONNES et dessécha mes mauvaises QUALITÉS (BALZAC, Lys
dans la v., p. 39) [les deux syntagmes se trouvent dans des propositions coor-
données], — D u I er au IV' SIÈCLE (THÉRIVE, Libre hist. de la langue fr., p. 36).
— De MA SEIZIÈME à ma vingtième ANNÉE (GREEN, Journal, 25 mai 1949).
Certains auteurs mettent abusivement le nom au pluriel lorsque les déter-
minants sont au singulier : cf. § 512, d.
REM ARQUE. Les ellipses décrites ci-dessus peuvent se produire aussi alors que
Tours figés : d e t e m ps à a u tre, d e p art e t d'a u tre le nom n'a pas de déterminant :
( § 7 4 1 ,FA,N. B.). D a ns u n e h e ure e t d e m ie ( § 5 6 1 ,
Trente ans de VIE privée et trois ans de PUBLIQUE (PÉGUY, Myst. de la char,
a), o ù le d éter m i n a n t n'est pas repris d eva n t l'épi -
t h ète sans n o m , o n a aussi u n e co nstructio n figée. de J. d'Arc, p. 155), — La confusion entre RADICAUX toniques et ATONES (BRU-
NOT, Hist., t. II, p. 351). — Des bribes de souvenirs reçus de SECONDE ou de
HISTORIQUE. dixième MAIN (YOURCENAR, Souvenirs pieux, p, 12). [ J Q
Les constructions décrites d a ns e re m o n t e n t aux
origines d e la la n g u e : C /'st co / p e s t DE BARUN (Roi., e) Devant un complément prépositionnel, un nom déjà exprimé peut
1 2 8 0 ) [= C e c o u p est d e b ar o n] ; etc. ne pas être répété, ni remplacé par un pronom démonstratif. E S
Les c as o ù le n o m d éjà e x p ri m é n'était pas repris
d eva n t u n c o m p l é m e n t n o m i n al étaient beau - 1° Dans la langue littéraire, lorsque le n o m (ou le p ro n o m
c o u p plus n o m b r e u x jadis : Si OÏL resa m ble n t DE démonstratif) omis aurait été attribut :
FAUCON (fabliau, d a ns To b ler, Mél., p. 1 4 0). [= Ses
yeu x ressem blent à d es ye u x d e f a uco n .] — D es - Son sourire semblait D'UN ANGE (MUSSET, Poés. nouv., Lucie) [= ... semblait
d aig n a n t t o u t a u tre l o u e q u e DE LA V E R T U ( M O N T A E le sourire d'un ange, ou : ...semblait celui d'un ange]. — Mes premiers vers sont
GNE, 1,25). — A u X V I I e s. e n c o r e , o n t r o uve d es ex. D'UN ENFANT, / Les seconds D'UN ADOLESCENT, / Les derniers à peine D'UN
c o m m e ceux - ci : Mo n p ere [...] / Q uitta t o us
HOMME (ID., Prem. poés., Au lecteur). — Sa maigreur était D'UN ASCÈTE
a u tres SOINS q u e DE SA SEPULTURE (CORN., Mé d é e, III,
(BORDEAUX, Pays sans ombre, p. 41).
3). — Pre n o ns [...] / Vo us LA PLACE d'H ele n e, e t m oy
D'AGAMEMNON (RAC., A n d r., IV, 3). — *LA GLOIRE OU Selon Nyrop (t. V, § 264), la langue contemporaine verrait ici un complé-
LE MÉRrTE d e cert ains h o m m es est d e bie n écrire; e t ment d'origine.
DE QUELQUES AUTRES, c'est d e n'écrire p oin t (LA BR.,
I, 5 9). — O n pourrait sans d o u t e relever d es tours
2° Dans les phrases averbales (cf. a, ci-dessus) de la conversation
a nalo g u es c h e z certains auteurs d'a u j o u r d'h ui. familière :
En particulier, o n écrivait : En m o n n o m e t d e m o n
Et mes bottines ? / - Lesquelles ? / - DE DAIM ! (COLETTE, Chéri, M. L. F.,
p ère. Les gra m m airiens (p ar ex., Va u g elas,
pp. 12-13.)
pp. 2 0 9 - 2 1 0) o n t critiq ué cette co or d i natio n ,
q u ' o n t r o uve e n c o r e a u XVIII e s. : *D o n n e z - m oi 3° Lorsque les deux noms [ou plus] (l'un exprimé, l'autre omis,
[...] de v o s n o uvelles [ . . . ] ET DE TOUTE VOTRE FAMILLE
(J. - J. R o u s s . , lettre, cit. Bru not, Hist., t. VI, p. 1 6 4 1 ).
chacun accompagné d'un complément) sont coordonnés. C 3
[ C o m p . § 270, fa.] Pécuchet [... ] fit sauter LE COUVERCLE de la première, puis DE LA SECONDE,
DE LA TROISIÈME (FLAUB., BOUV. et Péc., p. 115). — L 'invasion allemande boule-
HISTORIQUE.
versa LA FACE de la France et DU MONDE (DUHAMEL, Civilisation, L. D., p. 34).
L e n o m q ui n'était pas r é p é t é p o u va i t e n a n c . fr.
— En ayant soin de créer pour chaque sorte de valeur un journal distinct ; c ' est ainsi
être r e p r ése n t é p ar l'article défini : L'AME Ut er -
p a n d ra g o n so n p ere e t LA so n fil [ = cel l e d e so n
qu ' on peut rencontrer dans une comptabilité : un JOURNAL ORIGINAIRE des achats,
fils] e t LA sa m ere (CHRÉT. DE TR., cit. Tobler - Lom - DES VENTES, [ . . . ] D'EFFETS À RECEVOIR, D'EFFETS À PAYER, DECAISSE, D'OPÉ-
m at z sch , t. V, col. 2 7 6 ) . — O n t r o u v e d éjà , m ais RATIONS DIVERSES ( G r a n d Lar. enc., s. v. journal). — Oran et Alger se rejoignent,
asse z rare m e n t , le p r o n o m d é m o nstrati f : L'u n e luttent et s'injurient sur le TERRAIN du sport, DES STATISTIQUES et DES GRANDS
est la co n t esse d e Blois / Et l'a u tre est CELLE d e
TRAVAUX (CAMUS, Été, p. 38). — Selon qu ' elles sont la FEMME de X ou DE Y
Soisso ns (GAUTIER DE COINCI, ib ., t. II, co l . 9 0 ) . —
On p o uva i t aussi, n a t u relle m e n t , répéter le
(M. CARDINAL, Autrement dit, p. 44). — Une autre partie était gâtée par /'EAU de
n o m : Su n m esfait e LE MESFAIT d e Su n p o ple pluie ou DE MER (M. TOURNIER, Vendredi ou les limbes du Pacif, F°, p. 46). —
(Livres d es Rois, cit. N y r o p , t. V, § 2 6 4 ) . Sans doute l' échec n ' est-il pas seulement au NIVEAU de la forme mais aussi DE LA
THÉORIE (BARTHES, Degré zéro de l' écriture, II, 3) [comp. § 1043, b, 5°].
De meme avec des pronoms démonstratifs (l'un exprimé, l'autre omis) : Le
Comité national français ne sépare en rien l'intérêt supérieur de la France de CELUI
de la guerre et DES NATIONS-UNIES (DE GAULLE, Mém. de guerre, cit. Trésor,
t. 5, p. 370). — L 'amateur de masques a pu porter de temps à autre CELUI du
joyeux drille, DU ROUÉ DÉSINVOLTE, ou, tout simplement, DU BON BELGE, faux
nez plus factices encore que son loup de jeune prince romantique (YOURCENAR, Sou-
venirs pieux, p. 192).
Sur les problèmes que pose l'accord du verbe, voir § 445, a. — Dans l'ex. de
M. Yourcenar , f a u x nezfactices renvoie en fait à trois celui, dont deux ne sont pas
exprimés. Pluriel analogue dans cet ex. de COLETTE : Cette fixité qui rend
REDOUTABLES l'attention de l' enfant perplexe et du chien incrédule (Chéri,
M. L. F., p. 170).
Le tour décrit ci-dessus est parfois ambigu, puisqu'il pourrait se
confondre avec le cas où un nom (désignant un seul être ou objet) est
accompagné de plusieurs compléments : J 'ai rencontré l'ami de Pierre
C E S K H I REM ARQUE. et de Gaston. [30
D a n s la lan g ue littéraire, o n ré p ète d'ailleurs par - Dans l'ex. du Grand Lar. enc., si le contexte ne l'excluait pas explicite-
fois le n o m , alors q u e la réalité d ési g n ée est
ment, on pourrait comprendre que les commerçants tiennent un journal con-
u n i q u e : Et ce fle uve d e sa ble e t ce fle uve d e gloire
f= la L o i r e J / N ' e s t là q u e p o ur b aiser vo tre a u g ust e
cernant à la fois les achats, les ventes, etc.
m a n t e a u (PÉGUY, Morce a u x ch oisis, Poésie, p. 9 4). Certains auteurs mettent le nom au pluriel (un pluriel constitué
par la somme des singuliers auxquels correspond chacun des
compléments) ; mais l'ambiguïté peut subsister. D'autres ajoutent un
numéral cardinal ou un multiplicatif :
LES ROIS de Naples et de Hollande, Joachim et Louis, doivent également refu-
ser lesdits cierges (CHAT., Mém., II, I, II, 8). — LES GARES d'Austerlitz et
d' Orsay étaient menacées par l' eau (dans Brunot, Pensée, p. 165).
LES TROIS AVIONS POSTAUX de la Patagonie, du Chili et du Paraguay reve-
naient du Sud, de l' Ouest et du Nord vers Buenos-Ayres (SAINT EXUPÉRY, Vol
de nuit, II). — Jeune marié, j'ai enduré LE DOUBLE CAPRICE de la mode et de ma
femme (COLETTE, Voy. égoïste, p. 143).
N. B. Contrairement à ce qui se passe avec des épithètes (voir d, ci-dessus), il
n'est pas correct d'exprimer le déterminant devant le complément ou
la relative quand le nom est omis : ° L e s robes en soie et LES en laine.
Cependant, cette construction est permise avec les numéraux : Deux robes en soie
et DEUX en laine. Cf. § 571, b. — Sur le tour avec le démonstratif critiqué, mais
d'emploi très général (...et CELLES en laine), voir § 700, b.
— Autre cas : Elle m'a écrit que j' étais adorable. Elle PEUT bien. Ce sont de
beaux cadeaux (ARAGON, Mentir-vrai, p. 275).
Avec certains verbes, cela se dit surtout quand ils sont accompa-
gnés d'une négation : Je ne dis pas. Je ne peux pas. Je n ' ose.
S a u f dans les propositions relatives, l'infinitif et la proposition
omis pourraient être représentés par le pronom personnel neutre le
ou par cela. — O n notera que l'infinitif omis correspond à un verbe
exprimé généralement à un autre mode.
N. B. Dans les sous-phrases incidentes, il serait impossible d'exprimer une
seconde fois la proposition, puisqu'elle fait partie de l'entourage immé-
diat, mais on pourrait la représenter par le ou parfois par cela.
Elle est, JE CROIS, incapable de mentir. — Ainsi, pas de danger, v o u s COMPRENEZ ?
(FLAUB., Êduc., II, 3.) — C' est un sujet qui m' est pénible, TU SAIS BIEN (ib., 1 , 5 ) . — Ce
qui me divertissait le plus, JE DOIS RECONNAÎTRE c ' était de parler d' égal à égal avec des
capitaines et des commandants, moi qui étais caporal (VOLKOFF, Rumeurs de la mer,
Intersection, p. 2 7 2 ) . — Vous voyagerez dans le couloir, JE CRAINS, dit Êlisabetb (BEAU-
VOIR, Invitée, L . P., p. 4 7 9 ) . — Vous me faites bien plaisir, SAVEZ-VOUS, si vous croyez
m'atteindre ! ( H . BAZIN, Mort du petit cheval, X X X V I I . ) — A u t r e s ex. au § 121, b.
Semble-t-il est beaucoup plus fréquent que ce semble (§ 703, a). — Dans les incises
comme dit-il, le discours direct ne peut être représenté par un pronom personnel ou
démonstratif, mais ce dit-il a existé : § 380, Hl.
EB2 L'haplologie.
M W Û M • MMMM
L'haplologie est un phénomène qui ressortit à la phonétique (et
1 9 K H I REMARQUE qui n'est pas sans ressemblance avec l'élision) : elle consiste à n'expri-
D a n s le p arler p o p . q u é b éc o i s , à c a u s e d e la fai -
b le articulation d u so n [I], à la se réd uit s o u ve n t
mer qu'une fois des sons ou des groupes de sons identiques (ou par-
à à : ° J ' é t a i s e ncore À crèch e (M.-CL. BLAIS, U n tiellement identiques) qui se suivent immédiatement.
jo u alo n ais sa jo u alo nie, I). — °J'ai m e m ie u x m ar -
ch er j usq u'À'st a tio n Pa pin e a u (M. TREMBLAY, cit.
Voir §§ 19 (manifestations occasionnelles) ; 167, b, 3° (dans la
Kli n k e n b er g , D es la n g u es ro m a n es, p. 2 4 2 ) . dérivation) ; 178, d (dans la composition). — Applications syntaxiques :
[L' a p o s t r o p h e a p rès à m o n t r e q u e l'a u teu r a
Il écrit dans LE Monde, pour *... dans LE LE monde : § 588, c, 2°. O — J'IRAI,
c o n s c i e n c e d e l'ellipse.]
pour "J ' Y IRAI ; Il Y a, pour 'Il Y Y a : § 659, e, 3°. — Il EN remplit un, pour "Il EN EN
• IIW U U HISTORIQUE remplit un : § 659, e, 4°. — °I1 M'ENTRE pas moins, pour II M'EN ENTRE pas moins :
A v'o us s'est dit p o u r A ve z - vo us : cf. § 659, H3. § 676, R3. — °Je LUI dirai, pour J e LE LUI dirai : § 659, e, 1°. — ° Y a UA], pour IL Y a :
MSM E U HISTORIQUE
§ 235, c. 031 — La victoire D ' ennemis si dangereux, pour "La victoire DE DES ennemis
L' a n c i e n n e la n g u e présentait u n phénomène si dangereux : § 583, N. B. 2 — Une troupe DE vingt à trente personnes, pour... DE DE
curieu x d o n t T o b l e r (Mé / ., p p. 1 7 4 - 1 7 7) a d o n n é vingt... : § 602, R3. — Quant À présent, pour *Quant À À présent : § 1097, d, 1°. —
tro p d'ex , p o u r q u ' o n y v o i e d e sim ples fa u tes d e Jusqu ' K présent, pour *Jusqu ' kk présent : § 1065, b. — Je ne demande pas mieux Qu 'il
c o p i e . L'h a p l o l o g ie y p o r t e sur u n syn ta g m e, q ui reste, pour °QUE Qu 'il reste : § 1079, c. — Archaïque ou régional : Il ME faut lever, pour
a u n e d o u b l e f o nc t i o n : M e s si vus plest q u e je o
*Il ME ME faut lever. On dit plutôt : Il ME faut ME lever. Cf. § 781, b, 3°.
vus die / M'AVENTURE vus cu n t erai (MARIE DE
FRANCE) [ = M a i s s'il v o u s plaît q u e j e v o u s dise Phénomène analogue, mais qui concerne une suite de mots I.M : Plus tôt que
m o n ave n t ure v o u s c o n t era i , o ù m o n ave n t ure plus tard, pour ' Plutôt plus tôt que plus tard, cf. § 964, b.
est à la fois c o m p l é m e n t d e dise et d e contera;'].
— C e l a n'est p ossi ble a u j o u r d ' h u i q u e par j e u , C'était sans doute au début une plaisanterie que la formule savoir jusqu ' où on
ainsi q u a n d J a c q u e s CELLARD p astic h e u n livre peut aller trop loin, pour savoir jusqu ' où on peut aller (en allant loin) sans aller trop loin :
sans ponctuation ni m a j u sc u l e (P a r a d i s de Il faut donc que, d'incartade en incartade, M. Garaudy ait simplement mal calculé, faute
P h . Sollers) : [...] d a ns le se ns d es aig uilles d'u n e d' un mentor bienveillant, J U S Q U ' O Ù IL P O U V A I T ALLER T R O P LOIN ( F r . GLROUD, d a n s
MONTRE-mo/' ta plu m e ( d a n s le Mo n d e d u 3 0 j a nv.
l'Express, 16 févr. 1970, cité par Le Bidois dans le Monde du 1 er juillet). On emploie
1 9 8 1 ). — T o b l e r a p p e l l e c e t t e c o nst r uct i o n HJIÔ
KOIVOÛ, d é n o m i n a t i o n que d'a u tres gram mai -
aussi une formule négative. La voici dans un contexte sérieux, dans un article inspiré
riens utilisent p o u r d es c o o r d i n a t i o n s c o m m e II par la mort du président Mitterrand : Sentant d'instinct JUSQU'OÙ NE PAS ALLER
ai m e le vin e t à rire ( c e qui est asse z différent). TROP LOIN (R. DEBRAY, dans le Monde, 12 janv. 1996).
LA SUPPLÉANCE
Une chatte et SES petits (= ...et les petits DE LA CHATTE). Elle et SON mari
nous accompagnent.
répète éventuellement etc. deux fois, o u m ê m e trois fois. £ 9 B E S E S I A UTRES EXE M PLES
Jamais ces mots [= père, tel, mer] ne riment ou n 'assonent avec elle (de illa), D e e tc. répété : [DID., N eve u d e Ra m e a u, p. 102] ;
STENDHAL, Rouge, I, 29 ; GIDE, t o urn ai, 13 févr. 1908 ;
vert (de viridem), belle (de bella), ETC., ETC. (SAUSSURE, Cours de ling. gén.,
etc.
p. 60). — Bijoux anciens, pierres précieuses, meubles d' époque, ETC., ETC. (Ac.
C E I P H B HISTORIQUE
2000). — C' est une oeuvre satirico-poétique [...] sur les méfaits du colonialisme,
O n a dit et haïe au bout « et q u e l q u e c h o s e d e
l' outrecuidance des opportunistes de tout poil, le cynisme de ceux qui exploitent et
plus » : C e cor ps a d ora ble / Po ur q ui tout le
la pauvre candeur de ceux qui sont exploités, la profonde misère morale des civilisés monde a p ar t o u t / T a n t d e resp ect ET HAYE AU
et, en particulier, des Occidentaux, la navrante mentalité de la bourgeoisie, ETC., BOUT : / H aye a u b o u t n'est q u e p o ur la ri m e, /
ETC., ETC. (J.-J. GAUTIER, dans le Figaro, 2 4 févr. 1973). FFL Mais, si vo us tro uve z q u'il e x p ri m e / C e q u'o n n'a
p as le d roit d e p e nser, / II est aisé d e l'e ffacer
Comme équivalent fr. d' et cetera, on peut mentionner la locution et ainsi
(SCARRON, Po és., t. II, p. 1 0 1 ). [ A u t r e ex. : p. 19.1
de su,te. BB — S o n e m ploi lui va u t p ar a n m ille fra ncs, ET HAÏE
N. B. Pour et cetera, le Trésor et d'autres dict. parlent de locution adverbiale AU BOUT (Ac . 1 8 7 8 , c o m m e « vieilli »).
(alors qu'il est très rare qu'on puisse y substituer un adverbe indiscuta-
L I A HISTORIQUE
ble). Le Robert dit simplement locution. C e m o t fr. est e m p r u n t é d u latin co nsors, qui signi -
2° Et consorts U S t i e n t lieu d'une é n u m é r a t i o n de p e r s o n n e s dans la fiait n o t a m m e n t « cohéritier, associé, c o m p l ic e ».
C o nsort a e u divers sens e n fr., notamment
langue j u r i d i q u e et de là dans la langue c o m m u n e .
« c o m p l i c e », « é p o u x ». II s'est cristallisé dans
Dans la langue juridique (où l'on dit aussi les consorts x = x et consorts : cf. d e u x ex pressions : et co nsorts, ét u d ié ci - contre, et
Mimin, Style des jugements, § 29), cela concerne les « plaideurs qui se trouvent p rince co nsort, repris à l'anglais (cf. § 344, H).
du même côté de la barre » (Cornu, Vocab.jurid.), et pas seulement les accu-
sés. Dans la langue commune, la formule est presque toujours dépréciative :
Je sais que le parti socialiste réclame sa tête à cor et à cri [...]. Mais je pense que
nous n ' en sommes pas encore réduits à passer sous les fourches caudines de
MM. Gérault-Richard ET CONSORTS (PROUST, Rech., t. II, p. 245). E l
Le singulier est irrégulier : °En d é pit d es Z ola ET
Selon un usage récent, d'origine anglo-saxonne, les érudits emploient
CONSORT je crois q u e la f e m m e q ui n'a p as é t é
m ère co nserve u n e ro b ust esse d o n t la plu p art le syntagme latin et alii [etAlii] (écrit souvent et al.) « et autres » dans les
d es a u tres so n t p rivé es (Al. DAVID-NÉEL, Jo urn al indications bibliographiques pour les ouvrages écrits en collaboration :
d evoy21 mai 1918).
Deux [...] de ces livres, celui de Van de Velde et celui de Chiss ET AL. [en
italique] (Cl. HAGÈGE, dans le Fr. mod., oct. 1978, p. 361). — Ducrot (O.), ET
ALII / 1980 Les mots du discours, Éd. de Minuit, coll. Le sens commun, Paris
(dans Langue fr., déc. 1981, p. 22). — Plus rarement, alors qu'il ne s'agit pas
d'auteurs collaborant à un même ouvrage, au lieu de etc. : Il semble bien que
Dujardin, Joyce ET AL. [en italique] [...] aient choisi d'ignorer quelques œuvres
considérables 0 . PARIS, dans Europe, janv.-févr. 1984, p. 56).
Tutti quanti EEJ [tutikwôti] se rapproche davantage des pronoms,
Locution italienne signifiant « tous tant qu'ils car la conjonction de coordination qui l'introduit se prononce [e] à la
sont », avec le pluriel d e t u tt o « tout » et d e
française. Il prolonge une énumération de noms de personnes, plus
q u a n t o « com bien grand, com bien nombreux ».
rarement de noms de choses, plus rarement encore d'adjectifs :
On voyait reparaître la cohorte, Jean Amrouche, Denoël, Herbart, le chauf-
feur et TUTTI QUANTI [en italique] (JOUHANDEAU, Carnets de l' écrivain,
p. 321). — Ils promettent que Babrak Karmal [...] va restaurer la démocratie, la
religion, la liberté, la propriété et TUTTI QUANTI (A. FONTAINE, dans le Monde,
8 janv. 1980). — Avec influences étrusques, celtes, africaines et TUTTI QUANTI
(dans Femme pratique, mai 1984, p. 98).
Et patati, et patata indique que l'on interrompt une citation, un
discours souvent présentés, au contraire d'et cetera, comme fastidieux.
K 9 S I 3 I HISTORIQUE. Les auteurs usent de ponctuations variées. 0 0
Formation onomatopéique. Cela tient lieu de tout
L 'interrogatoire commence : / - Comment va-t-il ? Qu ' est-ce qu 'il fait ? Pourquoi
un discours bavard chez BÉRANCER : II e n tre e t
so u d ain dit : Prechi ! prêcha ! / Et patati, et patata,
ne vient-il pas ? Est-ce qu 'il est content ?... / ET PATATI ! ET PATATA ! Comme cela
/ Prê t o ns bie n l'oreille à ce disco urs - là (Ju g e d e pendant des heures (A. DAUDET, Lettres de m. m., Vieux). — Vous vous faites de la
C h are n t o n) [1816]. — C o m p . : T o u jo urs là à vie defamille, vous autres prêtres, une idée naïve, absurde. Il suffit de vous entendre [...]
ca user I PATAPI, PATAPA / (CLAUDEL, Part a g e d e m idi, aux obsèques. Famille unie, père respecté, mère incomparable, spectacle consolant, cellule
1 r e version manuscr., éd. G.Antoine, p. 183.) sociale, notre chère France, ET PATATI, ET PATATA... (BERNANOS, Journal d' un curé
Comp. aussi " faire PATIAPATIA «b avar d er» chez
de camp., PL, p. 1149.) — Accompagnent tous leurs actes de commentaires : « Alors,
WILLY et COLETTE, C la u d . à Paris, p. 85. — Il y a eu
d'autres var. : + [...] q u'elle allait travailler p o ur cela ; j'ai fait ceci, j'ai fait cela. Je me suis dit que ceci et que cela. Et maintenant je vais faire
q u e je verrai, PATI, PATA ; que sais - je, m oi (MARIV., ceci et cela. ET PATATI. ET PATATA... » (SABATIER, Trois sucettes à la menthe, p. 75.)
D o u ble inco nst., Il, 11 ). Etc. Variantes régionales : Elle [= la cuisinière] dit que monsieur le fait à la pose ;
qu 'il lui faut à chaque repas un plat chaud [...]; qu 'il se plaint toujours qu 'il n 'y a pas
assez de sel ; ET PATINE, ET PATAINE... (TOULET, Mon amie Nane.Vl.) — La pho-
tographie ne saurait rendre la peau blanche, les cheveux noirs. Et c ' est une âme si char-
mante. .. / ET PATIA-PATIA ! (WLLLY et COLETTE, Claud. à Paris, pp. 55-56.) —
EUe a toujours quelque chose à dire, que je ferme mal les portes, et PATATATIPALA
(PROUST, Rech., t. III, p. 749). — H [= le curé] a dit que ceux de Crespin, c ' étaient
nos frères, aimez-vous les uns les autres, et PATIN-COUFFIN (PAGNOL, cit. Rézeau,
p. 738).
S e c t i o n 3
Phénomènes divers
I L'anaphore.
No u s distinguons de la suppléance l'anaphore, qui consiste à
renvoyer à un élément déjà présent dans le contexte, mais sans qu'il
wrn m w g e t M u w m t mL
y ait nécessairement une substitution et une économie, ffl • S B B a l RE M ARQUE.
L e d é p l a c e m e n t d u c o m p l é m e n t d ' o b j e t , ainsi
C'est un des rôles du déterminant démonstratif : J 'ai rencontré un homme qui
q u e c e l u i d ' a u t r e s s y n t a g m e s , c o m m e a u ssi la
avait l'air de chercher son chemin ; CET homme m'a dit... — Ledit (ou susdit, etc.) a une
t r a n s f o r m a t i o n p a ssi v e , e t c . , p e u t e n t r a î n e r
fonction proprement anaphorique, mais il devient parfois suppléant : cf. § 697, b , 2°, d e s m o d i f i c a t i o n s e n c e q u i c o n c e r n e les m o t s
N. B. Ledit appartient à la langue écrite et surtout juridique. — En question (fem., pour a n a p h o ri q u e s et les su p plé a n ts :
l'Ac. 1835-1935) est d'un emploi plus général et peut renvoyer à qq. ch. de plus A ch a q u e jo ur su ffit SA p ein e • UNE p ein e su ffit
éloigné 0 J : Voici [...] deux chambres [...] qui donnent sur le carré de monsieur Bernard. à ch a q u e jo ur. (SA p ein e su ffit... serait a m b i g u .)
C' est le vieux monsieur E N Q UE S T I O N , un homme bien comme ilfaut [dit une concierge, qui
• S » E 5 S RE M A R Q UE
a parlé un peu auparavant de ce locataire] (BALZAC, Envers de l'hist. cont., Pl., p. 344).
La p r o p o siti o n relative é q uivala n t à ce t
Divers adverbes ont un rôle anaphorique : ensuite, auparavant, pourtant, donc, e m p l o i d e e n q u estio n e s t d o n t il est q u estio n
etc. Cf. § 958. — L'article défini est souvent anaphorique lui aussi. p l u t ô t q u e q ui est e n q u estio n, c e ll e - ci signi -
On parle de cataphore quand il s'agit d'annoncer ce qui vient après dans le f i a n t « q u i e s t c o n t e s t é , m e n a c é » : N os f ort u -
contexte : Le datif mihi est ancien, à CECI près que l'i de mi- est issu de e ( E R N O U T et M E I L L E T , n es so n t FN QUFSTION, so n g e z - vo us à l'é t e n d u e
d e c e m alh e ur ? (BALZAC, G orio t, p . 2 7 2 . )
Dict. étym. de la langue lat, s. v. me). — Considérons la phrase S UIV A N T E : Je ferai ce qui me
passera par la tête, sans que personne en souffre ou s'en inquiète ( B R U N O T , Pensée, p. 830).
N. B. Par le mot anapkore, certains désignent simplement la répétition d'un
mot ou d'un groupe de mots.
L'anaphore, dans ce sens, est un procédé fort exploité par PÉGUY :
HEUREUX CEUX QUI SONT MORTS pour la terre charnelle, / Mais
pourvu que ce fût dans une juste guerre. / HEUREUX CEUX QUI SONT
MORTS pour quatre coins de terre. / HEUREUX CEUX QUI SONT MORTS
d' une mort solennelle [etc.] (Eve, p. 113).
m Le pléonasme et la redondance.
N o u s a v o n s d i s t i n g u é le pléonasme, p h é n o m è n e c o n c e r n a n t le
s e n s d e s m o t s (§ 1 5 ) , et la redondance, p h é n o m è n e syntaxique étudié
d a n s les § § 3 7 0 - 3 7 4 .
L'hypallage.
L'e x pressio n de guerre lasse (a t test ée d e p u is
SAINT-SIMON : W a r t b u r g , t. XVII , p. 5 6 7 ) p o urrait
L ' h y p a l l a g e c o n s i s t e à a t t r i b u e r à u n m o t d e la p h r a s e c e qui
s'e x p li q u er par u n e so rte d ' h y p a l l a g e : D e g u erre s'ap p liq u e l o g i q u e m e n t à u n a u t r e m o t d e c e t t e p h r a s e . E H
LASSE [a p rès u n e a t t e n t e vaine], je q uitt e l'e n d roit
Leuwen [...] se promenait à pas INQUIETS sur un bout de rempart SOLITAIRE
(ALAIN-FOURNIER, C r. Me a uln es, p. 3 3 8 ) . — M a i s il
est plus vr a ise m b l a b l e q u e la g r a p h i e lasse repré - (STENDHAL, L. Leuwen, X X I X ) . — Dolorida n 'a plus que ce voile incertain, / Le pre-
se n t e u n e s u rviva n c e d e la p r o n o n c i a t i o n [IAS] mier que revêt le PUDIQUE matin (VLGNY, Poèmes ant. et mod., Dolorida). — Ce mar-
d e l'a d jectif masc., p r o n o n c i a t i o n e n c o r e attes - chand accoudé sur son comptoir AVIDE (HUGO, Ch. du crép., X I I ) . — Les hommes ont
t é e d a n s d e n o m b r e u x patois e n d e h o rs d e c e t t e construit, CHÉTIVEMENT, des maisons que le temps fit branlantes (F. DESONAY, Images
ex pression, ainsi q u e d a ns h élas ( § 1 1 0 4 , H6). La
et visages de Meuse, p. 103).
s u rviva n c e a é t é facilitée par l'inversion d u n o m
c o m p l é m e n t et p ar so n vo isi n a g e a v e c l'adjectif, L'hypallage est ordinairement une recherche littéraire. Cependant, on dit dans
ainsi q u e par l'o b litératio n d u sens primitif. — la langue courante Une place ASSISE, qui a été critiqué, mais que l'Ac. a admis depuis
Écrire °d e g u erre las, c'est s'écarter d e l'usa g e : 1986. — Rendre quelqu ' un à la vie, à la liberté, rendre un bâtiment à sa destination, etc.
En 1 8 8 0 , d e g u erre LAS, H e nri Bru n p artit p o ur sont des expressions reçues dans la langue soignée. — Comp. aussi §§ 286 ; 276, R3.
Paris (HENRIOT, A ricie Bru n, III, 2 ) .
N. B. On peut voir une espèce d'hypallage dans des tours comme les sui-
RAI E L REM ARQUE vants, qui ressortissent à la langue spontanée et que l'on critique sou-
L e l o c u t e u r o r d i n a i r e ve r r a i t aussi u n h y p a l l a g e vent au nom de la logique. Q
d a n s u n e p h r a s e c o m m e Elle e n revin t avec un Je traînais de méchants souliers éculés qui SORTAIENT à chaque pas de mes pieds
lo ur d p a q u e t d a ns les b ras [...]. C'é t ait la p e tit e (CHAT., Mém., 1,1,7). J ® — La feuille détachée du cahier fut EMBROCHÉE DANS
C laire PLIÉE DANS u n e co uvert ure (BORDEAUX, une pique de fer (ZOLA, Bonheur des D., IV). — Cas plus personnel : Les oreilles
Honnête f e m m e, I). M a i s , si h y p a l l a g e il y a e u , lui tintaient comme si des pièces d' or, S'ÉVENTRANT DE leurs sacs, eussent sonné tout
il est i n t é g r é à l ' u s a g e d a n s les r é g i o n s p r o ve n - autour d' elle sur le parquet (FLAUB, Mmc Bov., III, 5).
ç a l e e t f r a n c o - p r o v e n ç a l e , o ù plier s'e m p loie
c o u r a m m e n t p o u r e m b aller (cf . R é z e a u ) .
L'inversion et le chiasme.
C E I w m HISTORIQUE
O n t r o u ve d es ex. d ès l'anc. fr. : A esp ero ns d'or EN a) O n a p p elle i n v e r s i o n ( p a r f o i s anastrophe) le fait q u ' u n t e r m e
ses piés ( 1 r e contin. d e Perceval, L 8 4 1 4). — Littré d e la p h r a s e n ' o c c u p e p a s la p l a c e qu'il o c c u p e le p lu s s o u v e n t .
c o nsi d ère q u e e n f o ncer so n ch a p e a u d a ns la tête
On dira par ex. qu'il y a souvent inversion du sujet dans l'interrogation :
est u n e « m é t o n y m i e q u e l'usage a c o n s a c r é e »
(s. v. e n f o ncer). — S. v. hy p alla g e, l ' A c 1 9 3 5 n o t e IL part Part-Il. ? — L'inversion peut être obligatoire pour certaines catégo-
qu'« o n dit parfois » ( c e qui n'est pas u n b l â m e ries de mots : par ex., le complément d'objet direct, qui suit d'ordinaire le
très a p p u y é) II n'avait p oin t d e so uliers d a ns ses verbe, le précède nécessairement (sauf avec un impératif non négatif) quand il
pie ds ; En f o ncer so n ch a p e a u d a ns sa t ê t e. a la forme d'un pronom personnel : Je sais MON RÔLE -» Je LE sais.
b) O n a p p e l l e c h i a s m e le fait q u e les t e r m e s s o i e n t in versés d a n s
d e u x p h r a s e s o u d a n s d e u x s y n t a g m e s qui d e v r a i e n t se p r é s e n -
ter de façon symétrique :
Leur origine est très diverse, divers aussi leurs buts et leur financement (SAR-
TRE, Situations, t. VII, p. 172). — Se justifier [...] de son origine et de son passé par
une conduite irréprochable, une irréprochable tenue (BERNANOS, Imposture, p. 79).
On parle aussi de chiasme à propos d'une simple interversion de mots : Il
faut MANGER pour VIVRE et non VIVRE pour MANGER.
L'anacoluthe.
L ' a n a c o l u t h e e s t u n e r u p t u r e d a n s la c o n s t r u c t i o n d ' u n e p h r a s e .
Cela se produit notamment quand la phrase (ou la sous-phrase) commence par un
élément qui fait figure de sujet, mais en perd par la suite la qualité : Ce monde est un grand
rêve, / Et le peu de bonheur qui nous vient en chemin, / Nous n 'avons pas plus tôt ce roseau
dans la main / Que le vent nous l' enlève (MUSSET, Poés. nouv., Souvenir). — Cf. § 229.
Autre type, passage de l'énonciation à l'interrogation : § 215, R2. — Autre type
encore : Qui a pris une épouse, ils ne sont plus qu ' une âme en une seule chair (CLAUDEL) :
§ 1112, b, 1°.
C H A P I T R E II
LES É L É M E N T S
FONDAMENTAUX
DE LA P H R A S E
VERBALE
S e c t i o n I
Le sujet
Caractéristiques.
N o u s avons vu au § 2 2 7 les difficultés que l'on a à définir le
sujet, quoique ce soit une notion fondamentale et admise à peu près
par tous les linguistes. O ] • 3 1 E U REM ARQUE.
S e l o n u n e d é f i n i t i o n t o u t à fait s é m a n t i q u e , le
O n retient le plus souvent deux traits. s u j e t est c e l u i q u i fait o u s u b i t l ' a c t i o n expri -
m é e p a r le v e r b e . M a i s e l l e s ' a p p l i q u e diffici -
» L e sujet donne au prédicat ses marques de personne, de nom- l e m e n t à c e r t a i n e s p h r a s e s . Q u i fait o u su b it
bre et, dans certains cas, de genre : NOUS dormons. LA TROUPE l'action dans Fra ncin e est jolie ? Dans Ce
ch ê n e a é t é pla n t é p ar m o n p ère, c'est mon
défilera. LES MARCHANDISES sont arrivées.
p ère q u i fait l ' a c t i o n , q u i est l ' a g e n t , e t il n ' es t
Il faut ajouter trois réserves. 1) Cela ne peut s'appliquer ni à p a s s u j e t ; o n a p p e l l e sa f o n c t i o n co m plé -
l'infinitif ni au participe présent, puisqu'ils sont invariables. ment d'a g e n t ( § 3 1 7 ; c o m p . a ussi § 9 0 3 ) .
L e sujet p e u t êt re u n m o t o u un g r o u p e d e m o t s : cf. § 2 3 2 .
b) M a i s il y a d ' a u t r e s ver b es i m p e r s o n n e l s o u e m p l o y é s i m p e r -
s o n n e l l e m e n t , Ils s o n t a c c o m p a g n é s d'une s é q u e n c e q u e l'on
appelle t r a d i t i o n n e l l e m e n t sujet r é e l ( o u l o g i q u e ) , par o p p o s i -
t i o n à il, a p p e l é sujet a p p a r e n t ( o u g r a m m a t i c a l ) 0 3 :
Les verbes exprimant des phénomènes
Il est arrivé UN MALHEUR. Il convient DE PARTIR. Ilfaut QUE VOUS PARTIEZ.
m é t é o r o l o g i q u es so nt parfois a c c o m p a g n é s
d ' u n « s u j e t r é e l » : II ple u t DE CROSSES GOUT- On en rapprochera certaines constructions où les pronoms personnels ou
TES. C e l a est p l u s f r é q u e n t q u a n d le v e r b e démonstratifs sont redondants par rapport au sujet nominal (cf. § 237, a, 2°),
i m p e r s o n n e l est p ris f i g u r é m e n t : II ple u t DES notamment : C' est un crime de trahir. C' est une belle fleur que la rose. Certains
BALLES. - V o i r § 7 8 4, a, 2 ° . grammairiens voient dans c' aussi un sujet apparent qu'ils opposent à un sujet
réel (de trahir, la rose).
Cette question est controversée. Pour certains, la séquence qui suit
le verbe impersonnel est un prédicat (De Boer) [ou propos : § 229] ; pour
d'autres, « un véritable complément d'objet » (Brunot, Pensée, p. 289),
même dans II est Utile Q U E V O U S L E F A S S I E Z L E P L U S T Ô T P O S S I B L E . G. et
R. Le Bidois considèrent que le pronom il est le sujet tout court et que ce C I B U HISTORIQUE
qui suit le verbe est un terme complétif du sujet. Cette théorie ne paraît P o u r II ple u t d u sa n g, o n disait e n latin Pluit SANCUI-
pas tellement éloignée de la distinction traditionnelle entre sujet appa- NEM, a v e c l'accusatif, c e qui appuierait l'interpréta -
tion d e Brunot, — o u Pluit SANGUINE, avec l'ablatif.
rent et sujet réel, à laquelle sont revenus, avec des nuances diverses, beau- — En anc. fr., la sé q u e n c e n o m i n ale se mettait soit
coup de linguistes, certains par résignation, d'autres de manière plus au cas sujet, soit a u cas régi m e (cf. § 8).
décidée (notamment les partisans de la grammaire générative). jjjJJ Cas sujet: Ain z q u'il i m uirc TANT C.ENTIII OME SAGE
[= Avant qu'il y meure tant de gentilshommes sages]
Plusieurs grammairiens accepteraient la notion de sujet réel quand on peut (C o uro n n. de Lo uis, 4 4 4 ) . — A p re s si n o m m ero ns les
transformer la séquence en véritable sujet (Il est arrivé une catastrophe * Une catas- vesq u es [ = é v ê q u e s l q ui y f ure n t. Il y t u il VESQUES NEVE-
trophe est arrivée), mais non quand cela est impossible (Il y a du bruit, Il faut de LONS d e Sesso ns [...] (R OBER T OF C I ARI, I). — lln e f usti m s
SEUX IORS AIORNÉS [ - il ne se serait pas passé un jour]
l'argent). Pour falloir, K. Togeby (Mélanges A. Lombard, pp. 220-226) discute q u'il n e f ust as b a u x ] p ort es (A ucassin e t Nie., II).
cette façon de voir avec des arguments divers, notamment historiques -.falloir était Cas régime : Il n'a 1= y al s/ Rit E 1= richel HOME en
un verbe intransitif en anc.fr.,et il pouvait avoir un sujet personnel Cela n'ajamais Fra nce, se t u vi x [ = v e u x ] sa fille avoir, que tu n e l'aies
été vrai pour il y a, mais on pourrait invoquer la similitude avec être (cf. § 786, a). (A ucassin e t Nie., II). — Et lui sa m bloit q u e il i eu/'sf
[= eût] UN GRANT TO U R N O I E M E N T (I-KOISS., C hro n.,
En faveur de l'interprétation de Brunot, il y a le fait que le pronom S. H. F., t. IX, p. 42).
substitué à la séquence se met à la forme qu'il a comme complément Il arrivait m ê m e q u e le v e r b e s'acc o r d â t a v e c le
d'objet : sujet réel : En p ara dis n e vo n t f ors [= q u e] tex
[ = tels] g e ns co n [ = c o m m e ] je vo us dirai. Il i VONT
QUE lui faut-il ? Il ne sait pas ce Qu 'il lui faut. Il LE faut. Il me LES faut. — cil [ = ces] viel p restre et cil vie! clo p [= boiteu x]
Lucie. Il n ' est pas loin de 11 heures. / M m e Pruneau. Il LES est (Tr. BERNARD, (A ucassin e t Nie., VI). — Il SONT III ch oses, se n z
École du piston, II). — QUE reste-t-il ? Ce Qu 'il en reste. j U j m e n tir (C o n t es d évo ts, cit. Br u n ot, Hist. 1.1,
p. 3 4 6). — E n c o r e a u X V I e s. : Il SONT n e u f h e ures
D'autres observations contredisent l'interprétation de Brunot. p assé es ( M . CORDIER, cit. ib ., t. Il, p. 4 4 1 ).
La plupart des verbes impersonnels sont des verbes manifestement O n p o urrait soutenir q u e dans c e t ex. d'A ucassin
e t Nie, c o m m e d a ns cel u i d e R o b e r t d e Clari cité
intransitifs : S'il naît un enfant pendant un voyage en mer (Code civil, art. 59).
plus haut, il n'est pas u n p r o n o m i m perso n nel,
— Certaines constructions impersonnelles sont au passif, ce qui est incompa- mais u n p r o n o m p erso n n el r e d o n d a n t (cf. § 373,
tible avec la notion d'objet direct : Il a été décidé que la réunion serait remise. — fa). Le p h é n o m è n e n e serait pas essentiellement
Si le verbe est transitif, il peut parfois avoir un objet direct distinct de la différent : c e serait le b eso i n d e faire p r éc é d e r le
séquence envisagée ici : Quand il ne M 'amusera plus de me déguiser en groom ou v e r b e d ' u n p r o n o m sujet.
en toréador (Fr. PARTURIER, cit. dans le Fr. mod., oct. 1970, p. 396). — Le
• 3 E U REM ARQUE
participe passé ne s'accorde pas avec ce qui est censé être un objet direct : Les O n n o t e r a q u'il y a d 'a u t res c i rc o n st a n c es o ù le
efforts qu 'il a FALLU. Les intempéries qu 'il y a EU. sujet est r e p r ése n t é par la f o r m e r é g i m e d u pro -
n o m p e rs o n n e l : le sujet d e la p ro p ositio n infini -
En conclusion, nous garderons l'appellation sujet réel (ou logique), à
tive (Il M'a fait p er d re mon cal m e : § 903), les
cause de la similitude avec des phrases où la séquence en question est sujet sujets aya n t la f o r m e d ' u n p r o n o m p erso n n el
tout court et parce que l'on peut considérer que les tours impersonnels disjoint (L u i n'a p as o u blié : § 660).
Le sujet réel (ou logique) d'un verbe impersonnel suit le verbe, sauf s'il
a la forme d'un pronom personnel conjoint, d'un pronom relatif, d'un pro-
nom interrogatif ou s'il est accompagné d'un déterminant interrogatif :
Il faut MILLE FRANCS. — Il me LES faut. Prenez le vêtement Qu 'il vous faut.
QUE faut-il ? QUEL VÊTEMENT vous faut-il ?
Rien se place entre l'auxiliaire et le participe passé dans les temps
composés : Il n 'y a RIEN eu. Comp. § 300, d.
Le nom accompagnant il y aie précède parfois dans des proposi-
tions introduites par si ou par puisque.
D'ordinaire, le nom lui-même a déjà été exprimé: [...] ne dépassent en
immoralité, puisque IMMORALITÉ il y a, les productions les plus échevelées [..,]
(GAUTIER, A # de Maupin, Préf.). — Le danger - si DANGER il y avait - deve-
nait, par ce jeu, cent fois pire (BOYLESVE, Meilleur ami, II). — Le néofrançais, si
NÉO-FRANÇAIS il y a, doit s' entendre de variétés très diverses de l'idiome
(H. MLTTERAND, Motsfr., p. 99). — J ' espère que tu n 'as rien fait pour aggraver
ma gaffe. - Si GAFFE il y a, elle est complète (BUTOR, Emploi du temps, II, 2).
Le nom n'a pas été exprimé auparavant : L 'historien de métier, ou, plus
généralement, le lecteur désireux d'aller au fond des choses, a moins lieu d' être satisfait
[d'un livre de H . Guillemin] que l'habitué des cours d'assises. Puisque PROCÈS il y
a, et réquisitoire, qui sont les accusés ? (Dans le Monde, 29 nov. 1974, p. 17.)
Plus rarement, il ne s'agit pas d'une proposition introduite par si ou
puisque : Il va sans dire qu ' une telle perspective entraine une nouvelle conception de
la discipline, car DISCIPLINE il y aura (M. BARLOW, Enseigner lefr. aujourd'hui,
p. 130).
3 La séquence nominale (ou pronominale) est introduite par de
K M I M HISTORIQUE. après certains verbes impersonnels C 0 :
II s'a git d e est u n c a l q u e ( X V I I e s.) d e la construc -
Il suffit D ' un instant de distraction. — Il ne s'agit pas DE cela. — Il lui souve-
tio n passive d u v e r b e latin a g ere : A git ur DE fa m a,
il est discuté, il y v a d e la rép utation. — La cons -
nait DES MOTS un peu ridicules et presque touchants qu 'il lui avait dits (FRANCE,
tructio n II su ffit d e q q . ch., rare ava n t le X V I e s. Lys rouge, I V). — La séquence peut être représentée par dont, en : Ce DONT il
( o n disait surtout Q q . ch. su ffit), paraît d u e à u n e s'agit. — Il doit m EN souvenir (MÉRIMÉE, Colomba, II).
a n a l o g i e ( a v e c il est b esoin d e ?). — E n r eva nc h e , Dans II en va de qq. ch., Il y va de qq. ch., Il en est de qq. ch., de qq. ch. est un
II m e so uvie n t DE q q . ch. existe d e p u is les plus
complément de même type que au sujet de qq. ch. : Il s' en trouve plus libre. Ainsi
a nci e ns textes : DE gra n t d ulor li p o ust suve nir
en va-t-il DE ces sensations électives dont j'ai parlé (A. BRETON, Nadja, p. 22). —
(Roi, 3 4 8 8 ) Itrad. d e BE' DIER : II lui so uvie n d rait
D'u n e gra n d e d o ule ur]. P o u r W a r t b u r g (t. XII, Il y va DE son honneur. — Il en est DES organes linguistiques comme DES organes
p. 3 7 8 ) , la p ré p ositi o n aurait sans d o u t e repré - corporels : ils ne peuvent fournir qu ' une somme déterminée de travail (Ch. BALLY,
sen té à l'origine le surgissement d u so uve n ir hors cit. Sandfeld, 1.1, p. 164). — On peut d'ailleurs avoir une autre préposition
d e l'inco nscient. En anc. fr., m e m b rer, re m e m b rer que de : Il en va de même ensuite POUR le troisième volet (ROBBE-GRILLET, Projet
( d u latin m e m orare, re m e m orari), sy n o n y m es d e
pour une révolution à New York, p. 40). — Comp. aussi il = cela : § 668, c.
se so uve nir, se construisaient d e la m ê m e f aç o n .
Dans d'autres cas, la séquence est celle que le verbe aurait s'il n'était pas
construit impersonnellement : Il n ' était parlé DE LA FRANC-MAÇONNERIE
qu 'avec une extrême prudence (ROMAINS, cit. Rob., s. v. fréquenter).
Le fait que l'infinitif soit assez souvent introduit par de (Il convient DE cor-
riger cela) n'est pas particulier à la construction impersonnelle. Cf. § 1098, a, 2°.
Nature du sujet.
a) Le sujet est exprimé le plus souvent par un nom ou un p ronom
(nominal ou représentant : §§ 6 5 0 - 6 5 1 ) :
Le C H I E N est l'ami de l'homme. J É S U S a été crucifié. N o u s mourrons tous.
O N ne peut être et avoir été. TOUT est perdu. Q u i a raison ? — L 'absurde dépend
autant de l'homme que du monde. IL est pour le moment leur seul lien (CAMUS,
OMGMBG GNMFIBI
• U S N A REMARQUE- Mythe de Sisyphe, Pl., p. 113). [ H
S u r les p h r a s e s a v e r b a l e s d u t y p e Pa uvre de Il faut ranger parmi les noms les éléments nominalisés (§§ 195-198).
m oi I cf. § 4 1 2 , a.
• Mots, syntagmes et même phrases construits avec un déterminant :
Le MOI qui l'avait aimée [...] resurgissait (PROUST, Rech., 1.1, p. 642).
— Votre AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES [en italique] est une bêtise
( H U G O , Misér., 1,1,14).
2° L'infinitif s'emploie souvent comme sujet réel (ou logique) des ver-
bes impersonnels, ce que la langue courante préfère aussi à l'infini-
tif sujet quand le verbe n'est pas essentiellement impersonnel.
Il ne faut pas uniquement INTÉGRER. Il faut aussi DÉSINTÉGRER. C' est ça la
vie (IONESCO, Leçon, p. 69). — Il est doux, à travers les brumes, de VOIR naître /
L ' étoile dans l'azur, la lampe à la fenêtre (BAUDEL., Fl. du m., Paysage). Pour la
construction, voir § 912.
N. B. On peut rapprocher de la construction impersonnelle certaines phra-
ses commençant par c ' est : C' est un plaisir (que) de BAVARDER avec vous.
Cf. § 702, c, 2°.
On dit sans distinction de sens i : * I C' est à moi à parler ou ...de parler,
L'Ac. (1 9 3 2 , s. v. à, 1°) estime q u e à s'e m p loie mais la seconde formule est plus fréquente dans la langue écrite.
q u a n d le sens est « V o t r e to ur d e parler est ve n u »,
Cest à vous À parler, ce n ' est pas à moi. Je n 'ai pas, moi, d' explications à vous
et d e q u a n d le sens est « C'est à vo u s qu'il co nvie n t
d e parler ». C e t t e distinction n'est pas f o n d ée, Lit-
donner (FRANCE, Lys rouge, X X I I ) . — Vous pensez, n ' est-ce pas, plombier,
tré le disait déjà, s. v. à, R e m . 6. Mais, s'il reconnais - que c ' est bien au propriétaire À payer les dégâts ? (Tr. BERNARD, cit. Trésor,
sait q u e les deu x tournures sont « autorisées par t. V, p. 338.) — Ce n ' était pas à lui À aller ainsi quémander en quelque sorte
l'usage », il voyait dans C'est à vous à p arler « u n e une récompense. C' était à eux DE venir (VAN DER MEERSCH, ib., t. VIII,
incorrection c a u sé e par l'oreille, q u e le premier à
p. 290). — À vous DE jouer, capitaine (A. DAUDET, C. du lundi, p. 18). —
d éci d a à e n vouloir un s e c o n d ».
La généralisation, c ' est au lecteur, au critique DE la faire (GIDE, Paludes,
p. 101). — Que voulez-vous donc queje fasse ? dit-elle [...]./- Vous, rien, ma
K H I H S S HISTORIQUE. bien-aimée, dit Gwinett. Cest à moi D 'agir (P. BENOIT, Lac Salé, p. 167). I f f l
L'hésitatio n e n t r e à et d e a p rès C' es t à m oi n'est L'infinitif qui suit C'est à mon tour ou C' est mon tour (§ 245, e) est le
pas r é c e n t e : *ll a q u a tre la q u ais, e t je n'e n ai
plus souvent construit avec de ; à est vieilli.
q u'u n, [...] c'est à m oi À cé d er (PASCAL, Pe ns.,
3 0 2 , Pl.). — * C' es t a u x rois À a gir (Boss., Œ uvres C' était le tour à Juancho D E tuer ( G A U T I E R , Militona, I I ) . — C' était au
ora t.,t. IV, p. 2 1 5). — C'esto / t à vo us DE suivre, a u tour de Jean D E l' écouter (A. D A U D E T , Sapho, p. 310). — Ce fut son tour
vieillar d DE m o n t e r (LA F., F., III, 1). — * C' es t a u
D 'avoir le trac ( S I M E N O N , Maigret s'amuse, p. 160). — C' est à mon tour
t e m ps À a g u errir les tro u p es (VOLT., C h. XII, II).
D E poser cette question ( I K O R , Tourniquet des innocents, p. 174). —
Quand ce fut au tour de l'abbé A parler ( S A N D , Mauprat, X X V ) . — Ce
fut le tour du noir À trouver folles et extravagantes les propositions du blanc
( M É R I M É E , Mosaïque, Tamango, Pl., p. 224).
— Ça s' est passé comme ça. Comme ça ou autrement, mais PEU IMPORTE (SAR- p. 2 6 8 ) . C f . § 315, R9.
TRE, Nausée, M. L. F., p. 248). — Le ton enjoué adoucissait un peu l'injure ; mais
QU'IMPORTAIT à Daniel ? (MAURIAC, Fleuve de feu, I.) — Un homme comme lui
se laisser abattre, quelle sottise ! PASSE ENCORE dans la jeunesse, mais plus tard,
c ' est perdre son temps (FLAUB,, Éduc., 1,5). — J 'ai gardé plusieurs jours cette lettre
avant de l' envoyer, et BIEN M'EN A PRIS (MARTIN DU G., dans C opeau et M a r t i n
du G., Corresp., 2 août 1922). — J e m'attendais aux remerciements d' usage. MAL
M'EN PRIT [ . . . ] . Je subis une leçon de catéchisme islamique ( G . SORMAN, Enfants
de Rifaa, cit. le Monde, 14 févr. 2003, p. V il). — QUE TE SEMBLE de cette nou-
velle acquisition, dit M. de Rénal à sa femme ? [sic] (STENDHAL, Rouge, 1,6.) —
Et QUE SERVIRA à l'homme de gagner le monde entier s'il le paie de sa vie ? (Bible,
trad. OSTY et TRINQUET, M a t t h . , X V I , 2 6 . ) — À QUOI SERT (littér. : QUE
SERT) d'amasser tant de richesses ? (Dict. contemp.) — RIEN NE SERT de récri-
miner (GIDE, Journal, 1 2 mai 1 9 2 7 ) . — AUTANT VAUDRAIT dire que [...]
(BRUNOT, Observ. sur la gramm. de l'Ac.fr., p. 2 4 ) . — MIEUX VALAIT perdre
connaissance (CÉLINE, Voy. au bout de la nuit, F ° , p. 2 4 2 ) . — DE LÀ VIENT que,
parent pauvre, il ait conquis la première place (ARLAND, dans les Nouv. litt.,
18 sept. 1947). — D'O Ù VIEN T qu ' on ne s' en soit pas aperçu ? (Dict. contemp.)
L 'Ac. signale aussi ce type de phrase où tant adverbe est suivi d'un passé
simple passif, mais cela est désuet : TANT FUT PLAIDÉ qu 'ils se ruinèrent de part
et d'autre (Ac. 1935, s. v. tant).
Outre diverses phrases optatives citées dans le § 408, il faut mentionner
des propositions et des sous-phrases incidentes : Il m'a offert de me seconder SI
BESOIN ÉTAIT (SIMENON, Vérité sur Bébé Donge, p. 67). — Comme si de rien
n ' était : § 245, g. — L 'incident a dû se produire comme il le rapporte, SI TANT EST
qu 'il dise la vérité (Dict. contemp.). — Il travaille SI (COMME, QUAND) BON LUI
SEMBLE (ib.). — Nous allons procéder COMME SUIT : d'abord une enquête, puis
une discussion (Grand Lar. langue, s. v. suivre). — Vous pouvez bénéficier de cet
avantage, moyennant un léger supplément de prix S'ENTEND (Dict. contemp.). —
Quant à l' organisation typographique, nous l'avons respectée AUTANT QUE FAIRE
SE POUVAIT (M. DÉCAUDIN, dans Cocteau, Œuvres poét. complètes, p. LVL).
[Autant que faire se pourrait (NERVAL, cit. Rob., s. v. matineux).]
Dans certaines des expressions énumérées plus haut, il est possi-
ble d'exprimer le pronom sujet :
Je ne sais pas bien ce qui donna lieu à leur querelle, TANT IL Y A qu 'ils se battirent
(Ac. 1935, s. v. tant). [Admis déjà par Littré, s. v. tant, 22°.] Q — IL M'EST AVIS AUTRES E XE MPLE S .
quej'aurais peine à changer d'avis (NODIER, Contes, p. 168). — IL N'EMPÊCHE qu 'à MÉRIMÉE, C olo m b a, V I ; SAND, Fr. le ch a m pi, XVI ;
cause de vous, mes petits auront plus de peine à se faire une place dans la maison etc.
(MAURIAC, Mystère Frontenac, p. 2 2 ) . — Que SERVIRAIT-IL à un homme de
gagner le monde entier, s'il vient à perdre sa vie ? (Bible de Maredsous, Matth., XVI,
26.) Etc.
Plus rarement : Le voici qui parle comme IL SUIT : Seigneur, je vous remercie de
m'avoir ainsi attaché (CLAUDEL, Soul. de satin, cit. Trésor, s. v. comme). — Un pays
apte à produire des corps aussi audacieux [...] devait offrir bien d'autres révélations
capitales au sens biologique IL S'ENTEND (CÉLINE, Voy. au bout de la nuit, F°, p. 74). • ailSa H.ST OR. Q UE_
Il est f orce d e s'est dit jusq u'a u XVIII'' s. : *IL m e
Dans d'autres expressions, il serait difficile ou impossible d'intro- sera bie n f orce de la laisser là (MARIV., Paysa n
duire le pronom sujet, par ex. dans Force est de l!H. parce qu'elles sont p arv., p. 1 3 0).
figées, voire inanalysables pour le locuteur moyen, d'autant plus
qu'elles présentent souvent d'autres archaïsmes, syntaxiques, mor-
phologiques ou lexicaux.
Si l'on fait disparaître ces autres archaïsmes, les pronoms il ou cela
reparaissent ordinairement :
IL n ' était pas besoin [...] de nous en dire si long (MUSSET, On ne badine pas
avec l'am., I, 1). — IL s' en fallut de peu que tout échouât (GAXOTTE, Révol.
franç., L. P., p. 496). — I l ne sert à rien de récriminer. — IL valait mieux perdre
connaissance. — Si (comme, quand) CELA lui semble bon. — Plus rare : IL LUI
PRENDRA MAL un jour d'avoir montré tant d'insouciance. S'il ne se corrige, IL LUI
EN PRENDRA MAL (Ac. 1 9 3 5 , s. v. prendre).
Dans d'autres cas, la séquence qui suit le verbe peut être sentie comme
sujet pur et simple. Cela est confirmé par le fait que, si le verbe servir n'est pas
accompagné d'une séquence, il se passe difficilement d'un pronom sujet. Un
ex. comme celui-ci n'appartient pas à l'usage normal : Si tu n ' es pas riche, ne fais
pas avec moi semblant d' être riche. A quoi SERT ? (SAND, Homme de neige, t. III,
p. 82.) — On en rapprochera aussi le fait que le verbe importer, lorsqu'il pré-
cède son sujet, s'accorde ou non avec celui-ci (§ 936, b), c'est-à-dire, dans la
seconde éventualité, comme s'il était impersonnel.
Reprise du sujet.
Le sujet peut se trouver exprimé deux fois, par redondance (§§ 370-
373), dans la même phrase ou la même proposition. Ordinairement, une
des deux fois il prend la forme d'un pronom ou d'un nom de sens vague,
a) P o u r des raisons g ra mma t ica les.
1° Sous la forme du pronom personnel.
— Le sujet autre que il, ce, on est repris par un pronom personnel immé-
diatement après le verbe dans les phrases interrogatives (§ 396) : La vérité est-
ELLE toujours bonne à dire ? — dans les phrases énonciatives commençant par
peut-être, sans doute, etc. (§ 384) : Peut-être votre sœur vous accompagnera-t-ELLE.
— Le il impersonnel forme une redondance avec le « sujet réel » (§ 231) :
IL manque mille francs.
— Le sujet formé d'un pronom personnel coordonné à un autre mot est
ordinairement repris par un pronom personnel devant le verbe (§ 660, c) : Ma
femme et moi, NOUS sommes heureux de vous féliciter.
2° Sous la forme des pronoms démonstratifs neutres ce ou cela.
— Le sujet qui n'est pas de laformela plus habituelle, c'est-à-dire qui n'est pas
un nom ou un pronom (cf. § 232), est souvent repris devant le verbe par ce ou cela
(parfois par un nom de sens vague : la chose, etc.) : Se tromper, CE n ' est pas un crime.
Qu 'il ait reconnu sa faute, CELA (ou : la chose) mérite un compliment. Trop, C'est trop.
De même quand une indication numérique est considérée comme un tout,
comme une unité : Soixante ans, CELA compte !
Sujet repris par tel : § 232, b, 1°.
— Le sujet postposé est annoncé par ce (parfois cela) devant être + attribut
lorsque le sujet est un infinitif ou une proposition (§ 702, c, 2°) : C' est un plaisir (que)
de le voir. Cest dommage qu 'il se soit trompé ; — lorsque le sujet nominal est précédé
de que, construction mettant l'attribut en évidence : C'est un trésor que la santé.
Si l'attribut est un adjectif, la langue soignée préfère il : IL est évident qu 'il
a raison ; cf. § 702, c, N. B. — Elle emploie aussi IL est dommage (§ 786, b, 2°) :
IL est dommage qu 'il se soit trompé.
S e c t i o n 2
Le prédicat
I. G E N ER A L I TES
Définition.
N o u s avons, au § 2 2 7 , considéré que les deux termes consti-
tuant la phrase minimale Jean rougit sont l'un le sujet et l'autre le p r é -
d i c a t . 0 N o u s avons en même temps montr é que sujet et prédicat REMARQUE.
ne sont pas aisés à définir, sinon l'un par l'autre, et réciproquement. C ertains gra m m airiens e m ploie nt p ré dica t
dans le sens q u e nous d o n n o ns à a ttrib u t.
On peut retenir pour le prédicat trois caractères, mais chacun des trois
a ses limites : 1) le prédicat (ou du moins son noyau : voir ci-dessous) reçoit du
sujet ses marques de personne, de nombre et parfois de genre : Vous RÊVEZ.
L 'armée DÉFILERA. Les hirondelles SONT PARTIES ; voir cependant § 230 ; —
2) le prédicat est ce qu'on dit du sujet ; mais cette définition convient au propos,
qui est parfois distinct du prédicat ; cf. § 229 ; — 3) dans la phrase verbale, le
prédicat est un verbe (ou en contient un) ; mais il y a des prédicats sans verbe
dans la phrase (ou la proposition) averbale ; cf. §§ 412 et 1109.
En utilisant la notion de prédicat, on fait disparaître l'inconvénient qui con-
siste à prendre le mot verbe tantôt comme une catégorie de mots, tantôt comme une
fonction dans la phrase. On donnait d'ailleurs la même définition pour les deux appli-
cations, une définition partiellement sémantique et partiellement fonctionnelle : le
verbe est le mot qui exprime l'action, l'existence ou l'état du sujet, ou encore l'union
de l'attribut au sujet. Jankélévitch dit que les verbes « désignent les opérations, rela-
tions et changements du sujet » (Leje-ne-sais-quoi et le presque-rien, Points, 1.1, p. 28).
Le plus souvent, le prédicat n'est pas un mot, mais un groupe de mots,
un syntagme : Socrate A BU LA CIGUË. — Le policier SAIT QUI A FAIT LE COUP.
Dans ces syntagmes prédicatifs, on distingue un noyau, qui est le verbe
(a bu, sait) et des éléments subordonnés (voir chap. V).
N. B. Ce ne sont pas seulement les phrases qui contiennent un sujet et un
prédicat, mais aussi les sous-phrases, ainsi que la ou les propositions
d'une phrase complexe et ainsi que la proposition infinitive et que la • ! • BEEI HISTORIQUE.
proposition absolue. Cf. § 227, N. B. Les gra m m airiens logiciens du XVII e et du
X VIII e s. ra m enaient le typ e sujet + verb e au
For mes du prédicat. ty p e sujet + co p ule + attribut : il écrit = il est
écriva n t. C e tt e analyse a été contredite par la
linguistique historique, qui m ontre q u e le
a) L e p r é d i c a t m i n i m a l p e u t se p r é s e n t e r s o u s d e u x f o r m e s . E l ty p e sujet + co p ule + attribut n'est pas du
t° L e prédicat est un verbe : Le moineau PÉPIE. tout le ty p e primitif. V oir par ex. Brunot, Pe n -
sé e, p. 10 ; Le Bidois, §§ 663 - 666.
2° L e prédicat est un élément nominal ou adjectival (cf. § 2 4 6 ) uni C e s gra m m airiens de l'é p o q u e classique
a p p elaie nt le verb e ê tre « ver b e substantif » et
au sujet par l'intermédiaire d'un élément verbal : Mon mari est
les autres verb es « verb es attributifs » (c'est-à-
MÉDECIN. L ' enfant paraît MALADE. dire co nte n a nt l'attribut co m bin é avec ê tre).
O n appelle cet élément nominal ( m é d e c i n ) ou adjectival
N E £ 3 REMARQUE (malade) a t t ri b u t O , et cet élément verbal (est, paraît) copule.
D e l'a t tri b u t d u su j e t d o n t il est q u e sti o n d a n s
c e t t e s e cti o n , il c o n v i e n t d e distin g u er l'attri -
Selon la définition sémantique traditionnelle, l'attribut exprime la manière
b u t d u c o m p l é m e n t d 'o b j e t : § § 304 - 309. — Il d'être que l'on affirme du sujet par le moyen d'un verbe exprimé ou sous-entendu.
y a a ussi l'a t tri b u t d u c o m p l é m e n t d e voici, N. B. L'attribut se distingue du complément d'objet direct (lequel d'ordinaire
voilà (§ 1 1 0 0, a, 1 °). — L'a t tri b u t d e la pro p o - suit aussi le verbe et s'y joint sans préposition) : 1) l'attribut peut être un
sitio n a b s o l u e (§ § 2 5 3 et suiv.) p e u t ê t r e con - adjectif ; — 2) l'attribut a avec son sujet un rapport de consubstantialité,
si d é r é c o m m e u n a ttrib u t d u su je t. c'est-à-dire qu'il représente une qualité qui fait partie intégrante du sujet
(voir cependant § 243, a, 1°, N. B.) ; dans certains cas, la consubstantialité
est totale ou présentée comme totale : Benoit XVI est le pape actuel ; de là
les interversions signalées dans le § 242 ; — 3) il y a souvent une identité
de genre et de nombre entre le sujet et l'attribut ; mais si cette identité est
de règle quand l'attribut est un adjectif, elle est moins constante quand
l'attribut est un nom ; cf. §§ 248-251 ; — 4) la phrase avec attribut du
sujet ne peut être mise au passif.
Si l'on met au passif les verbes qui ont à la voix active un attribut du
complément d'objet (§ 2 9 8 , f ) , cet attribut devient attribut du sujet :
On l'a nommé président > Il a été nommé président. — De même : L 'accusé
EST PRÉSUMÉ innocent. Elle EST CONSIDÉRÉE COMME incapable d' une telle
action. Il FUT CHOISI pour chef. Il FUT PRIS pour juge. Bossuet FUT SURNOMMÉ
l'Aigle de Meaux. Etc.
Quoique censer n'existe plus à l'actif, être censé se comporte
comme ces verbes passifs :
Les bestiaux et ustensiles servant à faire valoir les terres, SERONT CENSÉS
compris dans les donations entre vifs ou testamentaires desdites terres (Code civil,
art. 1064). — Il ÉTAIT CENSÉ le lien entre le comité directeur de Provins et le
comité directeur de Paris (BALZAC, Pierrette, VII). — Celui qui est trouvé avec
les coupables EST CENSÉ complice (Ac. 1932). E l E S I E £ H REM AR Q UE .
O n peut j o i n d r e à ces verbes les verbes pr onominaux à sens En 2 0 0 1 , l'A c. n e d o n n e plus q u e d e s e x. o ù
c e n s é est suivi d'u n infinitif. Po u r q u o i a - t - elle
passif (§ 7 8 0 ) :
é c a r t é u n e c o n s t r u c t i o n q u'e ll e m e n tio n n ait
Cette rivière S'APPELLE le Loir. — Ce paysjadis prospère S'EST CHANGÉ en désert. d e p u is 1 6 9 4 e t q u i est r e s t é e e n u sa g e ?
Règles générales.
a) L e s a t t r i b u t s d u s u j e t s o n t le p l u s s o u v e n t j o i n t s d i r e c t e m e n t à
être e t a u x ver b es a n a l o g u e s :
Un père est UN BANQUIER DONNÉ PAR LA NATURE (Ac. 2001, s. v. banquier).
— Il est devenu UN HOMME CÉLÈBRE. Il est resté CÉLIBATAIRE. Il parait MALADE.
c) L e s a t t r i b u t s d u c o m p l é m e n t d ' o b j e t d i r e c t , qui d e v i e n n e n t
d a n s la c o n s t r u c t i o n passive des a t t r i b u t s d u s u j e t (§ 2 4 3 , c),
1 2 1 E Z 1 REMARQUE. s o n t assez s o u v e n t i n t r o d u i t s p a r u n e p r é p o s i t i o n o u p a r
Dans cette phrase : "Pre n o ns - les p o ur ce comme. V o i r §§ 3 0 6 - 3 0 7 .
QU 'ils ve ule n t ê tre p ris (R. ROLLAND, Pé g uy, t. II,
p. 156), p o ur ce q u' semble mis par erreur au Il A ÉTÉ PRIS POUR arbitre. Il A ÉTÉ TRAITÉ DE f o u . — Les peuples ÉTAIENT
lieu de p o ur ce p o ur q u oi. C'est une sorte [...] PRIS officiellement À témoin dans une langue intelligible à tous
d'haplologie (§ 219). - Com p. § 218, e, 4°. (L. HALPHEN, Charlemagne et l' empire carol, 1949, p. 311). — La terre EST
CHANGÉE EN un cachot humide (BAUDEL., Fl. du m., Spleen). — J u s q u 'al o r s, le
• H ! E S I HISTORIQUE verbe suivi du nom sans article ne pouvait ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME une locution
Au XVIIe et au XVIIIe s., la préposition d e précé-
dait souvent l'adjectif attribut du sujet dans une verbale composée véritable (BRUNOT, Pensée, p. 163). TÎL
proposition relative introduite par ce q ui (comp., Pour considérer sans comme, voir § 307, a.
en fr. moderne, Ce q u'il y a DE m eille ur) : V oila ce
q ui est DE b o n (MOL., G. D a n din, I, 2). — + Ce q ui d ) L'adjectif et surtout le participe passé qui accompagnent, c o m m e
lui p araissait DE plus ch ar m a n t, c'est m o n a bse nce
attributs d u « sujet réel », il y a, il est Oïl, il reste, il se trouve, peuvent
(SÉv., cit. Haase, § 107, B). — *Ce q ui est DE vrai,
c'est q u e [...] (MARIV., Vie d e Mar., I, Avertiss.). être introduits par de, n o t a m m e n t q u a n d le n o m sujet réel est
accompagné d'une indication de quantité (article indéfini, numéral,
déterminant indéfini). C e tour est fréquent dans la langue parlée ;
il n'a rien d'incorrect, et se trouve d'ailleurs parfois dans l'écrit.
Il y eut cent hommes DE tués (dans Littré, s, v. de, 7°). — Il y eut encore quel-
ques mots D ' échangés (STENDHAL, Chartr., XIV). — Il n 'y aurait pas un cou-
teau DE levé sur moi (MUSSET, Lorenz., III, 3). — Il y avait eu six mille Barbares
DE tués (FLAUB., Sal., IX). — Il y eut [...] je ne sais combien de moutons DE tués
(A. DAUDET, C. du lundi, Décoré du 15 août). — Il faut qu 'il y ait quelque
enfant DE malade (PROUST, Rech., 1.1, p. 55). — Il y a eu des fautes DE commises
(ib., t. III, p. 227). — Il y a un pari D ' engagé (ROMAINS, Copains, p. 8).
Sur cent habitants, il y en a deux DE riches (dans Littré, s. v. de, Rem. 5). — 5 ) . — T// lui rest e e ncore u n b ras DE lib re (LA BR., XI,
9 5 ) . — je co n t e les jo urs d e n ostre sé p ara tio n; en
Sur dix, il n 'y en avait pas un DE bon (Ac. 1935, s. v. sur). — C' est incroyable où voilà di x DE p assés (MAINTENON, Le ttres, 28 sept.
est allé ce peloton. Je n ' en ai qu ' un DE jaune, et il faut qu 'il s' envole (MUSSET, Il 1 6 9 7 ) . — II y a e ncore
+ u n e place DE vid e à la p ortière
ne faut jurer de rien, II, 1). — On en [= des ladies] voyait D ' étalées dans des voi- (MARIV., M e d e Mar., p . 5 4 1 ). — II n'y e u t p as di x m ille
tures (FLAUB., Mme Bov., I, 6). — En voilà encore une [= une nuit] DE passée ! h o m m es DE t u és (VOLT., Le ttres p hi!., XXV, 5 0 ). - *Si
la m er b o uillait, il y a urait [...] bie n d es p oisso ns DE
(SAND, Homme de neige, t. II, p. 250.)
cuits (DID., jacq u es le fa t., Pl . , p . 5 1 1 ).
Assez rarement avec un nom : Des membres de cette assemblée, il y en a trois S a n s d e : *Les h e ures q u'il avait lib res (B o s s . , O r. f u n.,
DE ministres (dans Martinon, pp. 192-193). Le Tellier).
Sans de : Sur quatre femmes, il y en a toujours trois frisées (TAINE, Voy. en Q u a n d il y avait e n, Va u g elas (p. 1 7 2) préconisait
It., t. II, p. 188). — Sur neuf prises, il m' en reste deux bonnes (COCTEAU, La le d e. M ais son a bse nce n'était pas rare : II y e n a
belle et la bête, p. 90). plusie urs a ttra p é es à ce pie g e (FURETIÈRE, Ro m a n
b o ur g., cit. Brunot, Hist., t. IV, pp. 849 - 850).
Le de est obligatoire : 1) quand l'adjectif attribut précède son sujet
et que le verbe est construit avec ne ... que ; — 2) quand l'adjectif se
rapporte à quelqu ' un, quelque chose, personne, rien, à que relatif, à que et
quoi interrogatifs, à ceci et cela.
Il n 'y a D ' universel que ce qui est suffisamment grossier pour l' être (VALÉRY,
Mauvaises pensées et autres, Pl., p. 881). — Il n ' est sans doute DE purs que les
solitaires (BOSCO, Mas Théotime, 1947, p. 338). — Majorien. Cimber vous a
battus. / L'homme. Nous n 'avons DE battu que le fer de nos casques (HUGO, Lég.,
V, 8). — J e ne sais DE reçu par elle que notre ami Thureau-Dangin [,..], et aussi
Gaston Boissier (PROUST, Rech., t. II, p. 1056). — Sur l'accord de l'adjectif,
voir §§ 249, b, 1°, et 308, a, 5°.
Il y a quelqu ' un DE malade. — Un des traits que le paysage avait DE remar-
quable (ROMAINS, cit. Le Bidois, § 1831). — Qu 'a-t-il DE remarquable ? — Il y
avait ceci D ' étrange dans ces négociations que les concessions successives ne rappro-
chaient pas de l' état de paix (MAUROIS, Bernard Quesnay, p. 81).
Cependant, avec un verbe comme trouver, le de sert à introduire l'épithète,
tandis que l'attribut du complément d'objet se construit sans préposition : Il
a trouvé ceci DE remarquable. Il a trouvé ceci remarquable.
HIST O RI Q UE . 113 Expressions particulières. S J
O n disait au XVIIE s. Il est DE b esoin d e : J'a uray
soin / De vo us e nco ura g er, s'il e n est DE b esoin a) L'attribut est introduit par de dans la formule familière Si j' étais de «si
(MOL., F. sav., V, 2). C e t usage subsiste régionale - j'étais à la place de » (selon Littré, aussi dans Quand je serais de). La variante
m e n t : Ç a serait bie n DE b esoin q u e M. C ar d o n n e t
fit u n ch e m in (SAND, c i t . T résor, s. v . b esoin). — O n
Si j' étais QUE DE est devenue rare. On trouve parfois aussi Si j' étais QUE.
e n ra p proch era la locution en t a n t q u e DE b esoin Si j' étais DE vous, j' enlèverais plutôt la reine de Portugal (MUSSET, Con/., I,
d ont les juristes, et parfois d'autres, usent 8). — Si j' étais DE votre président, je ferais comme Bridoie (FRANCE, Les dieux
e n co r e : EN TANT QUE DE BESOIN, le m inist ère, lui, n e
faillira p as à sa t âch e (Edgar FAURE, dans le Mo n d e,
ont soif, p. 121). — Si jetais DE toi, je ferais un roman de ta vie (LÉAUTAUD,
3 1 m a i 1 9 6 9 ) . — O n tro uvera d o nc ici le t e x t e de
Petit ami, VII). — Si j'avais été D ' elle, j'aurais été la nuit mettre le feu à la maison
l'é ditio n origin ale, corrig é EN TANT QUE DE BESOIN du vieux cabot (THÉRIVE, Sans âme, p. 92). — Si j' étais DE Philippe, je montre-
p ar l'A p p e n dice (R. GARAPON, dans Se d aine, Phi - rais moins de patience (AMBRIÈRE, Galerie dramatique, p. 199). fcll
los. sa ns le savoir, S. T. F. M., p. xxxix). — Var. e n Si j' étais QUE DE sa mère, [...] je te l' enverrais se coucher, moi ! (WLLLY et
B e l g i q u e : Ai - je été a bse n t ? je m'e n e x cuse, à
COLETTE, Claud. à l' école, p. 239.) — Si j' étais QUE DE toi, je chasserais le rat
t o u t h asar d e t POUR AUTANT QUE DE BESOIN (GHELDE-
RODE, C orresp ., t. V II , p . 9 2 6 ) .
d' eau, ce printemps (G. GuÈVREMONT, Survenant, cit. Trésor, t. VI, p. 733).
— Si j' étais QUE DE vous, je m'y prendrais de cette manière (Ac. 1935, s. v. que).
R J 1 B E H AUTRES EXEMPLES [Avec cette remarque : « On dit plus ordinairement : Si j' étais DE vous. »]
D e Si j'é t ais DE VOUS : FLAUB., M m e Bov., II, 7 ;
Si j' étais QUE vous, je me déferais de ça [une tumeur] (E. et J. DE GONC.,
R. BAZIN, T erre q ui m eurt, I.
Sœur Philomène, XXXII). — Si j' étais QUE vous, je recevrais le Bon Dieu
C S H K £ f e f HISTORIQUE (R. BAZIN, Mémoires d' une vieille ftlle, cit. Deharveng, p. 263). — Si j' eusse été
Pour Tobler (Mél., p. 17), le tour primitif était le QUE lui, je n 'aurais pas soufflé mot (FRANCE, Vie littéraire, ib.). B 0
tour avec q u e ( = [ce] q u e vous [êtes]) : Se je f usse
q u e le roy (Ma nière d e la n g a g e) [ X I V E s .!, e t l e d e Confusions de ce que avec ne... que : °Si je N ' étais QUE toi (dans Bauche,
se serait introduit abusivement. Pour R. Martin p. 138). — °Pour ce qui vous concerne, vous, maintenant, je NE serais QUE vous, que
(ouvr. cité au § 761, B, p. 92), d e aurait juste m ent je commencerais ma confession (G.BELMONT et H.CHABRIER, trad. de:
pour fonction d e distinguer l'ex pression e x a minée
A. Burgess, Puissances des ténèbres, p. 704).
d e celle qui signifie « si nous pouvions e n tout
échan g er nos personnes ». — A l'é p o q u e classi- On dit également, en donnant à l'attribut sa forme ordinaire : Si j' étais vous,
que, o n e m ployait d e et q u e d e. O n les tro uve tous [...] je ne sourirais pas (GREEN, Chaque homme dans sa nuit, p. 103). — Mais cette
deu x che z MOL., par ex. : T a n., 1,1, et F. sav., IV, 2. expression signifie proprement « Si j'étais la personne que vous êtes » : Si j' étais
D e si j'é t ais d e vo us, D a m o urette et Pichon, Dieu, j'aurais pitié du cœur des hommes (MAETERLINCK, Pelléas et Mélisande, IV, 2).
§ 3 0 3 3 , rap prochent O n dirait d'u n f o u ( § 3 0 3 , c)
et l'ex pression faire d u m u e t, qui a co ncurre ncé b) On entend, dans le Nord et l'Est de la France ainsi qu'en Belgi-
jusq u'au XVIIE s. (et e n co r e aujourd'hui en wal- que, des phrases comme ° N o u s étions à huit à table, °À combien êtes-
l o n ) faire le m u e t ( § 4 8 9 , c , 3 ° ) : Il fait DE l'inse nsible,
afin d e m ie u x sur p re n d re (CORN., Ro d o g., IV, 6 ) . —
vous ? — L'usage régulier ne met pas la préposition dans ce cas :
l'ay o ûy dire [...] q u e vo us faisie z DE vostre d rôle Vous serez au moins quarante à table (A. DAUDET, Lettres de m. m., p. 190).
[= gaillard] avec les plus g ala n t es d e ce t e m ps - là
— Nous étions quatre avec Clemenceau (BARRÉS, Mes cahiers, t. XII, p. 3). —
(MOL., F o ur b ., I, 4 ) . — D'autres expressions, o ù il
est plus difficile d e voir un attribut, ont peut - être
Nous étions dix ou douze autour de la longue table (GREEN, Journal, 26 août 1944).
été faites par analogie avec les précédentes : faire — Nous étions, des fois, une dizaine (RAMUZ, Vie de Samuel Belet, 1,4). QOI
DE la p e tit e b o uch e (LA F., C., Calen drier des Notez l'expression vieillie (où la préposition a une autre valeur) Être à deux
vieillards) ; °faire DE so n n e z « faire des e m barras », de jeu, être à égalité.
0 faire d e ses e m b arras e n fr. familier d e Belgique.
On continue d f à dire C' est ma faute, comme C' est mon erreur ou HIST ORIQUE.
C' est mon défaut. Mais il y a une tendance très forte à utiliser C' est de C'est ma fa u t e est l'usa g e traditionnel et classi-
ma faute, construction ignorée de Littré et que l'Ac. a reçue seulement q u e. M ais d e a p p araît d éjà au X VIII e s. : C e n e
sera p as DE m a fa u t e (DID., C orresp ., 10 mai
depuis 1994 ; cela modifie la valeur de la formule, de ma faute expri- 1 7 5 9). V oir aussi ID., Est - il b o n ? Est - il m éch a n t ?
mant la cause, comme dans C' est par ma faute. I, 4 ; Jacq u es le fa t., Pl . , p . 6 1 6 .
Sans de : Ce n ' est pas sa faute (CLAUDEL, dans le Littéraire, 14 déc. 1946).
— C' est en partie ma faute (BEAUVOIR, Tout compte fait, p. 134). — S'ils ont
changé, ce doit être en partie ma faute (CABANIS, Profondes années, p. 33).
Avec de : C' est DE sa faute (RENAN, Prêtre de Nemi, I, 3). — Est-ce DE sa
faute, s'il pleut toujours ? (A. DAUDET, Port-Tar., II, 1.) — Ce n ' était pas DE
notre faute (COLETTE, Étoile Vesper, p. 126). — Que ce soit ou non DE sa faute,
la thèse est plus agaçante à l' écran que dans le livre (ROMAINS, Lettre ouverte con-
tre une vaste conspir., p. 109). — Ce n ' est ni DE votre faute, ni DE la mienne (DE
GAULLE, Mém. de guerre, t. II, p. 4 7 5 ) . FFL AUTRES E XE MPLE S .
Certains grammairiens condamnent particulièrement C' est de la faute de NERVAL, Mar q uis d e Fayolle, 1 , 1 0 ; FLAUB., C orresp .,
1 8 oct. 1850; VEUILLOT, C orresp ., t. I V , p. 1 3 2 ;
ta mère. Il est préférable, dans l'écrit, d'éviter ces de successifs.
MAUPASS., C., Marq uis d e Fu m erol ; E, et J. DE
Inversement, TOUT est DE ma faute (ainsi que d'autres tours où GONC., C h. D e m ailly, X X X ; J. RENARD, Éco m ifle ur,
l'on n'a pas c ' est) est concurrencé par ... est ma faute ; on introduit un XXVI ; FRANCE, C ri m e d e S. Bo n n ar d , p. 209 ; BAR-
RES, D érac., p . 3 7 5 ; LARBAUD, F er m in a Mar q u e z ,
attribut là où il y avait un complément. XVIII ; CHÂTEAUBRIANT, M. d es Lo ur din es, 1,5 ; MAUR-
Avec de : TOUT est DE ma faute ! (HUGO, Le roi s'amuse, V, 4.) — Voilà RAS, cit. D eharveng, p. 13 6 ; MAURIAC, Fin d e la n uit,
pourquoi j'ai l'air triste, mon ami, et non pour RIEN QUI soit DE votre faute (GAU- p . 1 7 1 ; GIRAUDOUX, Electre, I, 2 ; ARLAND, O r d re,
t . Il , p . 2 2 1 ; MONTHERL, Pitié p o ur les f e m m es,
TIER, M11 ' de Maupin, X V I ) . — CEUX-CI [ = des incidents] [...] furent à peu
p. 1 2 5 ; BILLY, dans le Fig aro litt., 1 7ja nv. 1 9 4 8;
près tous DE la faute de Valentine (P. BENOIT, Toison d' or, p. 148). Bosco, O u bli m oins p ro f o n d , p. 135 ; CAMUS, Jus -
Sans de : L'UN ET L'AUTRE [= que je sois votre fils et votre colonel] ne sont t es, p. 9 8 ; R.-L. WAGNER, Gra m m aire fr., t. Il,
pas ma faute (prince DE LIGNE, Mém., p. 3 7 ) . — T O U T est ma faute (MARTIN p . 1 7 5 ; CABANIS, Pro f o n d es a n n é es, p. 1 6 6 ; etc.
DU G., Thib., Pl., 1.1, p. 1069). — CES ANOMALIES ne sont la faute de personne
(SARTRE, Mots, p. 2 3 ) . S U K 9 E S H REMARQUE
Tour franch e m e nt incorrect : " C'est t oi la fa u t e d e
On a le choix entre C' est mon tour ou C' est le tour de (ou à, moins t o u t cela (M. ALEXANDRE, trad. d e : Hoffm ann, Vase
distingué : § 352, b, 2°) Jeanne, — et C' est à mon tour ou C'est AU tour d'or, dans Ro m a n tiq u es alle m ., Pl., 1.1, p. 850).
D a ns II y a d e vo tre fa u t e « vous êtes en partie
de Jeanne : responsable », le d e a u n e tout autre justification
Aujourd'hui c ' était LEUR TOUR (MLCHELET, Hist. de la RévoLfr., V , 10). — Ce et n e peut être supprimé.
fut SON TOUR d'avoir le trac (SIMENON, Maigret s'amuse, p. 160). — C' est AU TOUR AUTRES E XE MPLE S .
de Christophe (R, ROLLAND, Jean-Christ., 1.1, p. 2 0 9 ) . — Quand ce fut AU TOUR Sans à : Tamango, Pl., p. 224 ;
MÉRIMÉE, Mosaïq u e,
d'Anatole France de triompher (MAURIAC, dans le Figaro litt., 10 oct. 1959). S i GAUTIER, Milit o n a, IL ; PROUST, Rech., 1.1, p . 8 1 7 ;
CAYROL, C or ps é tra n g ers, p . 7 1 ; IONESCO, A m é d é e,
Pour chacun (à) son tour, voir §§ 748, d, et 749. p. 282, —A v e c à : SAND, Ma u p ra t, X X V ; A. DAUDET,
L'Ac. 1935 (ainsi que divers grammairiens) distingue Cet homme Sa p h o, p . 3 1 0 ; DORGELÈS, Mar q uis de la D éch e,
p . 1 1 5 ; IKOR, T o urniq u e t d es in n oce n ts, p. 1 7 4.
ne m' est rien « Il n'est point mon parent » et Cet homme (ou Cela) ne
m' est de rien (familier) « J e n'y prends aucun intérêt ». CEI On trouve 1 1 3 E S I HISTORIQUE
pourtant dans la langue soignée n ' être de rien à aussi bien dans le sens L'Ac. est plus rigoureuse q u'elle n e l'était en 1694,
car elle ad m ettait alors q u e n'ê tre d e rie n indique
« être sans lien (de parenté, etc.) avec » que dans le sens « ne pas
l'a bse nce d e parenté. Les deu x locutions étaient
compter pour » ou, plus rarement, « être inutile à ». vraim ent co nfo n d u es à l'é p o q u e classique.
— Celui-ci répondit [...] qu ' une de ses locataires était morte '[•••], n 'ayant ni
parents ni amis [.,.] et que, par pure bonté d'âme, lui, concierge, allait à l' enterre-
ment d' une personne qui ne lui était DE RIEN (MÉRIMÉE, Ars. Guillot, I). — Hip-
polyte ne M'ÉTAIT DE RIEN. Il était le fils de l'autre, de l' étrangère, de cette
inavouable première épouse (HERMANT, Confidences d' une aïeule, XVII). —
J 'ai vu les Assomptionnistes, les Capucins, les Lazaristes, [...] soigner des enfants
qui ne leur sont DE RIEN (BARRÉS, Enquête aux pays du Levant, t. II, p. 159).
— Ta, ta, ta, ta, dit le tonnelier [...], lefilsde mon frère par-ci, mon neveu par-là.
Charles ne nous est DE RIEN, il n 'a ni sou ni maille (BALZAC, E. Grandet, G.-F., p. 80).
—Je crois au monde spirituel, et tout le reste ne m' est DE RIEN (GIDE, Journal, 15 mai
1949). — Voir Martin, ouvr. cité au § 761, pp. 102-103 (FRANCE, CLAUDEL).
— [...] le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera DE
RIEN (PROUST, Rech. 1.1, p. 4 5 ) .
D'autre part, ne m' est rien est surtout employé dans le sens « ne
compte pas pour moi », comme antonyme de est tout pour moi :
Une seule personne [...] paraissait regretter encore la rue des Carmélites [...].
Quant à moi, les lieux ne m' étaient plus RIEN (FROMENTIN, Dom., IX). — Il est
toute ma vie, tout le reste ne m' est RIEN (R. ROLLAND, cit. Colin). — Vous ne
m' êtes RIEN. Depuis le jour où vous vîntes ici pour la première fois, sachez que vous
m'avez déplu (GREEN, Varouna, II, 7).
g) L'expression figée comme si de rien n ' était « comme si rien ne
s'était passé » date du X V I I e s. ; plus d'un auteur la met en italique, la
sentant comme familière.
Le Pape [...] excommunia les bourgeois de Londres. Ceux-ci [...]firentsonner
les cloches et célébrer la messe COMME SI DE RIEN N'ÉTAIT (MAUROIS, Hist. d'Angl.,
p. 161). — En italique : BALZAC, Urs. Mirouët, IV ; GIDEJournal, 25 oct. 1938.
Certains grammairiens voient dans de rien un sujet, d'autres un attribut. En
laveur de la première analyse, la variante, d'ailleurs exceptionnelle et critiquée,
°comme si rien n ' était : J 'ai rendu mes comptes comme si RIEN n ' était (CÉLINE, lettre
à ses parents, 1909, dans F. Gibault, Céline, 1.1, p. 97). — Autre ex. : P. BENOIT,
cit. Le Bidois, § 1160. — R. Martin (ouvr. cité au § 761, B, p. 92) considère que
le de sert à indiquer que l'expression doit être prise comme décrivant une situa-
tion particulière et non dans le sens « comme si rien n'existait ». Cf. § 1052, a.
Dans les phrases comme : Je puis partir, rester... Personne ne m'attend. Et
si ce n ' était D'ALAIN... [je resterais] (MAURIAC, Anges noirs, p. 137), où le de
est facultatif, le syntagme qui suit le verbe être sera considéré plutôt comme un
sujet, car on pourrait dire :... s'il n 'y avait Alain. Le de sert à distinguer notre
formule de Si ce n ' était {pas) Alain « si c'était un autre qu'Alain », à éviter que
l'on prenne Alain pour un attribut (cf. § 1052, a).
h) Il est difficile d'analyser les tours littéraires La peste soit de...,
Peste soit de... :
LA PESTE SOIT DE cette tempête qui nous jeta sur la côte d'Afrique
(CLAUDEL, cit. Grand Lar. langue). — Mais PESTE SOIT, dans la vie, DE ces
E A Œ I HISTOR.QUE colosses manqués [...] ! (S.-BEUVE, Mes poisons, p. 143.) [33
A l'é p o q u e classiq ue, o n construisait aussi ces i) On peut voir aussi un attribut dans l'expression être à charge
e x pressions sans d e : PESTE S O I T le C o q uin, d e b a t -
« être une charge » (comp. à devant l'attribut du complément d'objet :
tre ainsi sa F e m m e (MOL., Mé d . m algré lui, I, 2).
§ 306, b, 1°) ; on trouve rarement d'autres noms.
Le désœuvrement m' est À CHARGE (GIDE, Ainsi soit-il, Pl., p. 1177). — Il
serait À HONTE de refuser l' entrée du pressoir, du moins aux hommes, honteux
aussi de se refuser à y goûter (VAN GENNEP, Manuel defolkl.fr. contemp., 1.1,
p. 2661). [Ceci semble peu naturel à la plupart des locuteurs consultés.]
A preuve, figé dans des phrases (ou sous-phrases) averbales, y joue le rôle
d'un prédicat. Ce tour, taxé de populaire par des grammairiens, a perdu ce
caractère : La mule du Pape en avait mené plus d' un à la fortune, À PREUVE Tistet
Védène et sa prodigieuse aventure (A. DAUDET, Lettres de m. m., Mule du pape).
— Rappelez-vous donc ! c ' était à la foire de Cluis, À PREUVE que M. Grouard, le
maire, était là (SAND, Meunier d'Angibault, XX). — Si fruste a passé de l'acception
« usé » à sa valeur actuelle, c ' est à la suite d' un accrochage avec rustre, À PREUVE la
prononciation frustre qu ' on entend souvent (DAUZAT, Génie de la langue fr., p. 73).
— Cet emploi ne provient-il pas d'un tour avec attribut d'objet ? Cf. § 306, b, 1°.
N. B. Faut-il mentionner ici devenir à rien « se réduire considérablement
(d'une chose), maigrir excessivement (d'une personne) » ? Ex. : Un che-
min de fer, faisant une courbe, diminuant les derniers jardins [des corons]
qui DEVIENNENT A RIEN (Z OLA, Carnets d' enquêtes, p. 450). — Cette U S E U HISTORIQUE.
expr. semble tombée en désuétude, lîtfl — L' Ac., qui la donnait L'Ac. a signalé l'expr. de 1694 à 1878 sans la
comme pop. en 1932, n'en parle plus en 2001. Wartburg, t. III, p. 60, r é s e r v e d e 1 9 3 2 . E x c l a s s i q u e s : T o u t es ces g a l e r e s
l'a relevée dans des parlers de l'Ouest de la France. q ui o n t fait p artir Mr d e C rig n a n so n t DEVENUES A RIEN
L 'Ac. 1935 signale avec des sens analogues (et sans réserve, mais l'expr. (SÉV., 12 juillet 1690). — *L'or DEVIENTÀRIEN [dans les
mains du joueur] (RECNARD, cit. Haase, § 123, B).
n'est guère plus courante) venir à rien, où la préposition est plus natu- D eve nir d e serait un gasconisme, chez MONTES-
relle, comme dans tourner à rien (ex. de POURRAT dans le Trésor, 1.14, QUIEU : Sans cela, DE QUOI serio ns - n o us d eve n us ?
p. 1147), etc. (Hist vérit a ble, p. 3 3 .)
N ature de l'attribut.
N. B. 1. Certains verbes énumérés au § 243 se construisent surtout avec des
adjectifs (tomber amoureux) ; d'autres seulement avec des noms (constituer).
2. L'attribut est souvent un syntagme, dont le noyau est un nom, un
adjectif, etc. :
Le poète est U N M O N DE EN FERMÉ D A NS U N H O MME ( H U G O , Lég.,
XLVII). — L'attribut peut être aussi un pronom démonstratif accom-
pagné d'une proposition relative : Vous êtes CE QUE J'ÉT AIS AUTREFOIS.
A C C O R D DE L'ATTRIBUT
A cco r d de l'adjectif (et du participe) attribut.
a) L'adjectif attribut ( c o m m e l'adjectif épithète), auquel on
p e u t a s s i m i l e r le p a r t i c i p e p a s s é c o n j u g u é avec l'auxiliaire
être, s ' a c c o r d e en g e n r e et e n n o m b r e avec le m o t a u q u e l il
se r a p p o r t e , c ' e s t - à - d i r e le s u j e t :
Plaie d'argent n ' est pas MORTELLE (prov.). — Les enfants sont PARTIS. G J
N o t o n s u n e c e r t a i n e t e n d a n c e à laisser inva - Pour les détails, voir §§ 424-454, notamment § 428 pour l'accord
ria b les l'a d j e ctif e t le p a r tici p e q u i p r é c è d e n t distributif (Pierre et moi sommes l' un PREMIER, l'autre DEUXIÈME). —
le su j e t (cf . § 4 2 9).
Certains cas particuliers sont traités dans le § 249.
O n considérera les cas suivants co m m e des inad-
N. B. On prendra garde au fait que, selon la situation, nous et vous représen-
vertances, souvent favorisées par l'éloignement du
sujet : °Et c'est ainsi q u e se tro uvait RÉALISÉ a u gra n d tent un pluriel ou un singulier, un masculin ou un féminin (cf. § 655, a,
sca n d ale d es b o ursiers d e N e w Yor k e t d e Phila d el - 2° et b, 2°), le verbe étant toujours au pluriel. Un auteur écrira, selon
p hie, la p ro p h é tie d e Jose p h Sm it h (P. BE N o rr, Lac que c'est un homme ou une femme : Nous sommes PERSUADÉ ou PER-
Salé, p . 5 4 ) . — "Il y a q u elq u es a n n é es, j'e us l'h o n -
SUADÉE que... C f . §§ 4 3 7 , a, et 4 3 8 , a, 1°.
n e ur q u e f û t DONNÉ co m m e su je t d e co m p ositio n à
l'e n tré e à l'Ecole n or m ale su p érie ure ce tt e m ie n n e Il en est de même, quant au genre, pour certains noms (§§ 493-494),
p ro p ositio n (BENDA, d a n s l e Soir [Br u x .], 2 9 j u ille t pour je et tu (§ 437, a), quiconque (§ 437, b), personne (§ 755) ; quant au
1949). — °A u roi é t ait DONNÉ la n o m in a tio n e ff ective nombre et au genre, pour on (§ 438, b, 1°) et qui (§§ 708, b, et 730, a),
à t o us les évêch és e t t o u t es les a b b ayes (P. GOUBERT,
Initia tio n à /'h /st d e Fr., p. 1 1 7).
le verbe étant toujours au singulier avec on.
C ette ten d ance se réalise d'u n e manière correcte b) D a n s les verbes impersonnels, l'accord se fait avec il sujet gram-
dans certaines propositions absolues : N u - t ê t e, etc.
matical (ou apparent) et non avec le sujet logique (ou réel) :
Cf. § 259. — D ans le cas d e la phrase averbale : voir
§ 249, a. Il est VENU deux enfants. — D a n s II y a ÉCRIT : tendresses (MAURIAC,
Nœud de vip., X), tendresses ne peut déterminer l'accord, à la fois parce qu'il
constitue une phrase et parce que nous avons une autonymie (§ 460) comme
le montre l'italique de l'auteur. f!Tl
Ex. a b e rr a n t : "Il se tro uve une co n -
RÉALISÉE
c) Q u a n d le sujet n'est pas exprimé, l'adjectif ou le participe passé
tractio n m usculaire ( d a n s l a Presse Mé dicale,
1 9 3 1 , cit. D a m o u r e t t e - Pic h o n , § 1 4 9 1 , a v e c s'accordent avec le sujet implicite, d'après le contexte ou la
d e u x e x . d e "Il est m ort e... d us à u n e l o c u t ric e situation :
d e la r é g i o n p a risi e n n e). • Soyons J U S T E S (s i l'o n s'a dresse à p l u si e u rs p e rs o n n e s). — Soyons J U S T E
(s i l'o n s'a dresse à s o i - m ê m e). — Soyez G E N T I L L E (s i l'o n s'a dresse à u n e
f e m m e). — Soyez G E N T I L L E S (s i l'o n s'a dresse à p l u si e u rs f e m m e s). —
Le plus fol bonheur est d' être FOUS de confiance [il s'agit d'un couple]
(VF.RHAEREN, Heures claires, XXVII). ® — Ma tante m'a appris qu 'il I Ï 1 Œ I REMAR Q UE .
fallait être POLIE avant tout [dit Albertine] (PROUST, Rech., t. II, p. 799). Le suje t i m p licit e p o u rrait ê t r e o n, e t le sing.
— La récompense de ceux qui savent aimer est d' être AIMÉS (MAUROIS, serait alors p ossi b le : cf. § 4 3 8, b , 1°.
dans les Nouv. litt., 15 déc. 1966). — Elle se sent anxieuse, n ' étant pas
ACCOUTUMÉE à diriger une maison (PÉROCHON, cit. Hoybye, § 141).
• La soirée s' est passée comme CONVENU (= comme il était convenu).
L 'attente a été plus longue que PRÉVU. Les réunions auront lieu dès que
POSSIBLE (= dès que ce sera possible). Cf. §§ 1131, c, 3° ; 1133, b.
Si le sujet est un infinitif ou une proposition conjonctive (élé-
ments qui, en soi, n'ont pas de genre), l'attribut est au masculin, qui
tient lieu du neutre que l'on a dans d'autres langues :
Être roi est IDIOT ; ce qui compte, c ' est de faire un royaume (MALRAUX, Voie
royale, 1,4). — Que vous vous soyez trompés est CERTAIN à mes yeux.
Pour le cas où il y a coordination, voir § 446.
Dans la formule être égal prise dans le sens de « être indifférent, lais- KSI MM REMARQUE
ser indifférent », l'usage ancien était d'accorder égal avec le sujet. Mais, Cette substitution semble impossible pour l'ex.
de LE ROV LADURIE, ex. d'ailleurs peu naturel : la
sous l'influence de ça m' est égal et pour éviter la confusion avec égal signi- formule normale est à courte vu e.
fiant « de même valeur », des auteurs modernes laissent égal invariable,
Ex. avec accord graphique : Toutes femmes nous sont ÉGALES, / Que leurs
cheveux soient bruns ou blonds (HUGO, Lég., VI, II, 7). — Leur ignorance m' était
bien ÉGALE (M. ARNAUD, trad. de : C. Pavese, Bel été, L. P., p. 177). — Autre
ex. : PROUST, Rech., 1.1, p. 586.
Ex. où égal est invariable : Moi tout m' est égal. Mais il y a une chose qui ne
m' est pas ÉGAL (QUENEAU, Derniers jours, XXXVI). — Les autres me sont
ÉGAL (R. NIMIER, Épées, L. P., p. 93). [Le masc. plur. serait particulièrement
déroutant.] l;M E U MM REMARQUE
L'adjectif qui suit faire « avoir l'air » dans la langue familière, tan- Notons l'accord dans : L'u n e o u l'a u tre d evait l
ê tre INDIFFÉRENTE I...]. T o u t ce q u'il d evait ch er -
tôt est laissé invariable et tantôt s'accorde avec le sujet. ch er, c'é t ait d'e n avoir u n e (LÉAUTAUD, A m o urs,
L'adjectif ne varie pas : Elle faisait si drôle, si AFFREUX à voir (PÉGUY, F°, p. 42), alors que le sens est « le choix entre
l'une et l'autre... », « que ce soit l'une ou
Myst. de la char, de J. d'Arc, p. 129). — Elle ne fait pas VIEUX ! Quel âge a-t-elle ? l'autre... » ; on attendrait donc, logiquement,
(TROYAT, Eygletière, p. 119.) que l'attribut soit au masc., genre indifférencié.
L'adjectif varie : La maison faisait GRANDE: il y avait assez de place pour [...]
(ARAGON, Blanche ou l' oubli, F°, p. 395). — Vue d' en haut, la pla ce [du village]
faisait encore plus ÉTRIQUÉE (H. BAZIN, Chapeau bas, L. P., p. 38). — Elle avait
toujours l'air de sortir d' une boîte, alors que Josée faisait ÉTRIQUÉE, GUINDÉE, dans
ses faux tailleurs Chanel (MALLET-JORIS, Allegra, p. 221). — Après de si fabuleux
récits, [...] mes aventures faisaient PÂLOTTES (J. HOUGRON, Anti-jeu, p. 219). —
Elle fait LOYALE, DÉVOUÉE, elle respire l'honnêteté (A. STIL, Seize nouvelles, p. 169).
E S E Ë H BIBLI O GR APHIE . « A cco r d » en genre du nom attribut. Q
B. HASSELROT, Les vert us d evraie n t ê tre s œ urs,
ainsi q u e les vices so n t frères, d a n s Revu e Le genre étant inhérent au n o m en soi, il ne peut être question
ro m a n e, 1 9 6 7 , p p . 35 - 44. d'accord en genre à propos du n o m attribut, mais tout au plus d'une
certaine coïncidence entre le genre du sujet et le genre de l'attribut.
a) Quand le sujet et l'attribut sont l'un et l'autre des noms inanimés,
la coïncidence des genres est purement fortuite, et la discordance
fréquente ; en effet, il n'y a aucune relation logique entre le genre de
l'un et le genre de l'autre.
Ex. avec discordance : Erreur n ' est pas compte (prov.). Pauvreté n ' est pas
vice (id.). — La vieillesse est un naufrage (DE GAULLE, Mém. de guerre, t, I,
p. 79). — Une langue est un instrument de communication (A. MARTINET, Elé-
ments de ling. génér., 1-14). — Le nominalisme est une doctrine un peu courte
(BEAUVOIR, Deux, sexe, 1.1, p. 12).
b) Quand le sujet et l'attribut sont l'un et l'autre des noms animés
(§ 462, b), il n'y a de véritable coïncidence que si l'un et l'autre des
noms appartiennent à la catégorie des noms ayant ou prenant un
genre en liaison avec le sexe de l'être désigné :
Les femmes sont les égales de l'homme (BEAUVOIR, Deux, sexe, 1.1, pp. 27-28).
— Votre sœur est une menteuse. — S'il y a plusieurs sujets de genres différents,
l'attribut se met au masc. (comp. § 442, a) : Jean et Luce sont mes MEILLEURS AMIS.
Même dans ce cas, il n'y a pas coïncidence : 1) lorsque le nom attribut
(ou le pronom) ne se réfère pas au sexe de l'être désigné par le sujet ; —
U U I I & L RE M A R Q UE . 2) lorsque le nom attribut est un emploifigédans un genre particulier. CH
Q u e le n o m attrib ut, a u c o n t r a ir e d e l'a d j ectif, Les femmes sont ^'EXCELLENTS APPRÉCIATEURS des choses délicates
n e s'a c c o r d e p as g r a m m a tic a l e m e n t a v e c so n (SAND, Mauprat, XXV). — La femme est, dans les choses de ce monde,
sujet est m o n t r é p ar d e s o p p o siti o n s c o m m e /'ENNEMI de la raison (RENAN, Eau de jouvence, 1,6). — Anna de Noailles était
celle - ci : 5a Majest é est sa tisfait e. — Sa Majest é
UN GRAND POÈTE [on la range dans un ensemble formé d'hommes et de fem-
est LE PROTECTEUR d es faibles. C f . § 438, c, 1°.
m e s ] . J e a n n e est UN GARÇON MANQUÉ. Jeun est UNE VRAIE FILLE. E U
E S I U S REMARQUE Ma voisine est UN CHAMEAU (fam.). Ce professeur est UNE VACHE (très
O n p e ut co nsid érer q u e, d ans un ex. c o m m e le fam.). — Il me trouverait indiscrète et je tiens beaucoup à son estime, je suis très
suivant, le fé m . fait un co ntrese ns (cf. § 489, a) :
« HONNÊTE HOMME », vous savez (PROUST, Rech., t. II, p. 271). — Sa mère
lulia Krist eva [...] est act u elle m e n t LA p hiloso p h e
LA plus RIGOUREUSE et LA plus REPRÉSENTATIVE d u
[= de Louis XIV] fut, à cet égard, SON MAITRE, son exemple (Ph. ERLANGER,
gro u p e T el q u el (M. QUAGHEBEUR, d ans les Le t - Louis XIV, p. 58). — Madame Lysiane regretta cette époque où la femme était
tres ro m a n es, n ov. 1 9 7 2, p. 3 6 0). ROI Q. GENET, Querelle de Brest, p. 161).
Lorsque le sujet et l'attribut ne sont pas l'un et l'autre des noms
ayant ou prenant un genre selon le sexe de l'être désigné, la coïnci-
dence est fortuite, et la discordance fréquente.
Ex. de discordance: Perken était /'INCARNATION [...] du héros négatif
(MALRAUX, Antimémoires, p. 380). — Tout ÊTRE humain femelle n ' est donc
pas nécessairement une femme (BEAUVOIR, Deux, sexe, 1.1, p. 11). — L ' écrivain
a cessé d' être un témoin de l' universel pour devenir une CONSCIENCE malheureuse
(BARTHES, Degré zéro de l' écriture, Introd.).
c) Quand le nom attribut est un nom animé ayant ou prenant un
genre dépendant du sexe de l'être désigné et qu'il est appliqué par ana-
logie ou par métaphore à un sujet non animé, on considère générale-
ment qu'il est préférable que cet attribut ait le genre du nom sujet.
Mais cela n'est pas nécessairement respecté, pour des raisons diverses.
Il y a concordance : L ' oisiveté est LA MÈRE de tous les vices (prov.). La colère est
MAUVAISE CONSEILLÈRE (prov.). — J 'ai bien peur que la vérité ne soit UNE DÉMA-
GOGUE, que la logique ne soit UNE ROUGE (HUGO, Avant l' exil, Nelson, p. 346). —
L ' espérance est BONNE FILLE (GHELDERODE, Hop signor I Gallimard, p. 2 5 ) . — Si
l' expression était facile, elle demeurait toujours LA SERVANTE de la pensée (SIEGFRIED,
Savoir parler en public, p. 84). — La langue humaine est UNE INFIRME (GREEN, jour-
nal, 29 déc. 1950). — Toutes ces cultures étaient VOISINES et COUSINES de la civili-
sation dauphinoise du XVIe siècle (LE ROY LADURIE, Carnaval de Romans, p. 337).
Il y a discordance : Toutes les gloires sont FRÈRES (BALZAC, Bourse, Pl., p. 344).
— La mer fut là UN GRAND ARTISTE (MLCHELET, Mer, 11,11). —La solitude [...]
est LE MEILLEUR DES CONSEILLERS (FROMENTIN, Domin., IX). — Elle était BON
PRINCE, la science moderne (PÉGUY, Esprit de système, p. 241). — L ' oreille est UN
TRAÎTRE ( A . BLANCHE-BENVENISTE et C. JEANJEAN, Fr. parlé, p. 102). — Pour
maître, cf. § 499, a ; avant<oureur, § 501, b.
E l « A cco r d » en nombre du nom attribut.
a) Le nombre du nom étant déterminé par le contexte, par les besoins
de la communication, le nom attribut est souvent au même nom-
bre que le nom sujet, pour des raisons logiques plus que par un
véritable accord : Les conseilleurs ne sont pas LES PAYEURS.
Quand le sujet est formé de plusieurs noms coordonnés, le nom attri-
but est souvent au pluriel. Dans la mesure où les règles données au § 250
peuvent s'appliquer, l'attribut est au féminin pluriel si les sujets sont tous
féminins et au masculin pluriel si l'un au moins des sujets est masculin :
Léon Blum et moi étions SES INVITÉS dans sa villa de Neuilly (MALRAUX,
Antimémoires, p. 137). — Marie-Thérèse et Lucienne sont DEUX COUSINES. —
Elle savait bien que l' ennui et la solitude étaient de MAUVAIS CONSEILLERS (FRO-
MENTIN, Domin., XIII).
b) La discordance n'est pas rare, notamment quand le nom sujet
n'est pas un véritable pluriel du point de vue sémantique, quand il est
considéré comme un ensemble, quand le nom attribut a un sens col-
lectif ou quand il désigne une réalité non nombrable ou non nombrée.
Les Pays-Bas sont L'ÉTAT EUROPÉEN le plus densément PEUPLÉ (Grand Lar.
enc., s. v. Pays-Bas). — Les yeux sont LE MIROIR de l'âme (prov.). — Les collections
de poche ont été LE SEUL ARTISAN de cette victoire (B. DE FALLOIS, dans le Figaro,
10juin 1972). — Les d' Orléans étaient UNE BELLE FAMILLE (FLAUB., Êduc., II,
4). — Nous autres qui sommes L'EUROPE (DE GAULLE, Disc, et messages, 25 mars
1959). — Les femmes ne sont pas [...] UNE MINORITÉ (BEAUVOIR, Deux, sexe,
1.1, p. 17). — Ceux qui ressemblaient à Le Rantec étaient LÉGION (PLLHES, Impré-
cateur, p. 81). — Les textes qui composaient ce premier ouvrage étaient L'EXPRES-
SION SPONTANÉE d'impressions très vives (N. SARRAUTE, Ère du soupçon, Préf.).
c) Lorsque l'attribut d'un nom ou d'un pronom pluriels est formé de
plusieurs noms coordonnés, chacun de ceux-ci est au singulier, par
distribution (§ 428), lorsque le sens le demande : Nous sommes M A R I
et F E M M E . — Le cas se présente aussi quand le sujet est lui-même
formé de plusieurs noms coordonnés (cf. § 261) :
La ménagère allemande, l' écolier allemand, le ramoneur allemand, l'homme d'affai-
res allemand étaient plus MÉNAGÈRE, plus ÉCOLIER, plus RAMONEUR, plus HOMME
d'affaires que leurs homologues français (M. ToURNIER, Roi des aulnes, p. 192).
Cet accord par distribution peut même se faire quand l'attribut est
constitué par un seul nom, qui est au singulier parce qu'il est rapporté sépa-
rément à chacun des êtres (ou à chacune des choses) désignés par le sujet
pluriel. D'habitude, un mot spécial comme chacun sert à disloquer le sujet,
à isoler chacun des ces êtres : Vous êtes chacun le responsable d' une section.
Mais on trouve des exemples de distribution, même en l'absence de chacun.
Les quatre évêques français qui ont là leur statue, Bossuet, Fénelon, Fléchier
et Massillon, n ' ont pas été CARDINAL (GUITTON, Journal de ma vie, 6 sept.
1966). — Les deux livres récemment publiés par Jean-Louis Curtis [...] ne sont
ni l' un ni l'autre ROMAN (P.-H. SIMON, dans le Monde, 16 juin 1972). [Ni l' un
ni l'autre joue le rôle de chacun.) — Sont promus : GÉNÉRAL de division, les géné-
raux de brigade Raymond Boissau.Jean Gilard, [...] ; GÉNÉRAL de brigade, les
colonels Léopold Basteau.Jean Barrat, [...] (dans le Monde, 21 août 1981, p. 7).
d) Cas particuliers.
1° Dans être cause de ou que (§ 1124, d), l'attribut reste invariable :
Ces événements sont CAUSE de tous les désordres qui sont survenus (Ac.
2001). CD O i E S I HISTORIQUE
2° Dupe se rapportant à un sujet pluriel reste au singulier, selon Littré, V o ir d éjà MOL., D. Ju a n, I, 3 : Les C o n q u éra n ts,
« quand il s'agit d'un seul et même moyen employé pour tromper » : Nous Ale x a n d re, e t les a u tres Mo n d es so n t CAUSE d e
n ostre d é p art. (L e Ro b . cite cet e x. a v e c ca uses.)
fûmes LA DUP E de son stratagème, — mais se met au pluriel « quand il s'agit
de tromperies successives » : Nous fûmes LES D U P E S de ses stratagèmes.
Le Trésor note à juste titre que « cette règle, d'ailleurs difficile à vérifier,
ne paraît pas toujours respectée », et il cite VALÉRY : Les auteurs de confessions
ou de souvenirs ou de journaux intimes sont invariablement LES DUPES de leur
espoir de choquer, et nous dupes de ces dupes. — Ex. plus nets : Ni Thuillier, ni
E S E E 9 REMAR Q UE . sa sœur, ni Théodose, n ' étaient LES DUPES de cette comédie [= un prétexte pour
D a ns ce t ex., le pluriel d oit résulter d'u n lapsus : justifier une visite] (BALZAC, Petits bourgeois, Pl., p. 176). — Être LES DUPES
"Soyo ns DUPES [se dit Ju li e n! (STENDHAL, Ro u g e, ou les complices d' une semblable erreur est une position trop fausse pour que de
II, 1 5). [D e s cin q é d. consultées, u n e seule (Pl., vrais amis veuillent y rester (ID., Contrat de mar., p. 105). — Ayant reçu d' elle
p. 5 3 7) prése nte le sing. d u p e, co n f or m e à la
une invitation, nous crûmes prudents, chacun de notre côté, de nous assurer que
« rè gle » (co m p . § 2 4 8).]
nous n ' étions pas LES DUPES de quelque poisson d'avril (PRO UST , Rech., t. II,
WSM EEfV REMARQUE p. 571).
D a ns ê tre j u g e e t p artie, j u g e est parfois traité Le Trésor considère qu'être la dupe est une locution stéréotypée invariable,
c o m m e p artie : Les h o m m es so n t JUGE e t PARTIE
(BEAUVOIR, D e u x , se x e, 1.1, p . 2 9 ) .
tandis qu'on met le pluriel quand « dupe reprend la vigueur d'un substantif à
sens plein ». Cette distinction est mal fondée : avec un sujet pluriel, 1' « expr.
E S I I ® ! HISTORIQUE
stéréotypée » la dupe est aussi rare que sa dupe ou dupe sans déterminant. Q j
L'invariabilité pourrait s'e x pliquer par u n e ten -
d a nce g é n érale : l'accor d se fait plus difficile - Partie, en termes de droit, est un collectif virtuel : la partie plai-
m ent q u a n d le mot q ui le d éter min e suit le mot gnante comprend, éventuellement, plusieurs personnes ; de même, la
q ui le subit (cf. § 429). M ais ordinaire m ent les
observateurs considèrent q u e t é m oin a ici le sens
partie adverse. Le singulier est donc parfaitement normal dans ces ex.,
« pre uve, té m oig n a g e » et est construit elliptique - le second présentant un sens élargi :
m ent (= à p re uve) : cf. par ex. Wart b urg, t. XIII, 1,
Les plaignants ne seront réputés PARTIE CIVILE s'ils ne le déclarent formelle-
p. 2 8 4. L'invariabilité d u n o m dans p re n d re à
t é m oin (§ 308, b , 2°) a p p uie cette e x plication. —
ment (Code d'instruction crim., art. 66), — J e voulais [...] que notre armée entrât
Po ur E. Lerch (d ans les N e u p hilolo gisch e Mitt ei - en territoire ennemi, [...] c ' était pour nous le seul moyen assuré d' être PARTIE à la
lu n g e n, 1944, p p. 105 - 111), la co nstructio n capitulation, à l' occupation et à l'administration du Reich (DE GAULLE, Mém. de
serait plutôt un calq u e d u latin, n ota m m e nt d e guerre, t. III, p. 178). P I
l'ablatif absolu T est e D avid cu m Sib ylla (« T é m oin
D avi d avec la Sibylle ») d u D ies ira e. En fr. aussi, Quand témoin est employé comme attribut dans les phrases (ou
o n pourrait penser à une proposition absolue les sous-phrases) averbales du genre Témoin les philosophes, il reste
(§ 253), q u oiq u'il n e soit pas habituel q u e le pré-
invariable, selon la tradition. E S Cependant, des auteurs sont tentés,
dicat d'u n e proposition absolue soit u n no m. Les
auteurs isolent so uve nt le syntag m e d e c e qui depuis longtemps, de voir ici témoin au sens ordinaire (« personne qui
p récè d e par u n e p o nctuatio n plus forte q u'u n e témoigne ») et de le faire varier.
virg ule o u par u n e parenthèse et m ontrent ainsi
q u e c e sont plutôt d es phrases o u des sous- phra- Témoin invariable : Les hommes qui m'avaient été d'abord les plus adverses
ses q u e d es co m plé m ents. — Q u o i q u'il e n soit, sont devenus mes amis ; TÉMOIN MM. Benjamin Constant, Béranger et Cartel
la t e n d a nce à m ettre t é m oin au plur. si le no m (CHAT., Mém., III, II, V, 10). — Suivant le diplomate, i! n ' était pas difficile
q ui suit est au plur. n'est pas récente, mais
d'affronter la mort, TÉMOIN ceux qui se battent en duel (FLAUB., Êduc., III, 2). —
l'usage classique était plutôt pour l'invariabilité.
T é m oin i n v a r i a b l e : Les b est es m es m es se voye n t
Les puristes eux-mêmesfigurentau tableau, TÉMOIN Paul Bourget et Abel Hermant
co m m e n o us su b ject es à la f orce de l'i m a gin a tio n. (DAUZAT, Précis d'hist. de la langue et du vocab.fr., p. 133). — Ce mot n ' existait
TESMOING les chie ns, q ui se laisse n t m o urir de due/7 pas au XVIIe siècle, TÉMOIN les dictionnaires de l' époque (Dict. contemp.).
d e la p ert e d e le urs m aistres (MONTAIGNE, I, 2 1 ) . —
Témoin varie : L 'histoire de France et d'Angleterre (TÉMOINS Essex, Biron,
Quand avo ns - n o us manqué d'a b oier au larro n. /
TÉMOIN trois Procure urs dont iceluy C itro n [ = le
Strafford, Montmorency, Charles 1er, Louis XVI) est remplie de ces exécutions
chien que défend l'avocat] / A d échiré la ro b b e (CHAT., Mém., II, IV, 9). — On peut lui [au droit rationnel] faire dire tout ce
(RAC., Plaid ., III, 3). - Autres ex. : LA F., F., VIII, 25 ; qu ' on veut. TÉMOINS les codes les plus cruels (A. SUARÊS, Vues sur l'Europe, p. 73).
Boss., Œ uvres ora t., t. III, p. 370. — Beaucoup de lecteurs tiennent encore plus à ce qu 'ils s'imaginent qu 'à la vérité.
T é m oin v a r i e : le lo u e j usq u es es h a ul x cie ul x l'a n ti -
TÉMOINS ces cimetières d' éléphants (A. DEMAISON, Vie privée des bêtes sauvages,
que instit u tio n d es G er m ains, les q u el z [...] reve -
roie n t le co nseil d es vieilles [...]. TESMOINGS la vieille
p. 76).
A urinie e t la b o n n e m ere V elle d e (RAB., III, 1 6 ) . — Per -
so n n e n'a a u t a n t d'h u m e ur
d e survivre a sa ré p u t a tio n
[...] q u'u n a u t e ur
: TÉMOINS Mariva u x
m e n acé
e t C re -
Œ A cco r d du pronom attribut.
billo n le fils (DID., N eve u d e Ra m e a u, p. 6). a) Sur l'accord du pronom personnel attribut, voir § 673.
b) Les autres pronoms sont rarement employés comme attributs. Si
le pronom a des formes qui s'y prêtent, il a le genre et le nombre du
sujet, son antécédent : Cette voiture est LA MIENNE.
Selon les critères définis au § 242, le pronom est sujet dans des phrases
comme Ma voiture est CELLE-CI. Le coupable est CHACUN d' entre nous.
K S I H I RE M A R Q UE . c) Remarquer l'invariabilité de l'attribut dans les cas suivants. O
" T o us c e s noms q u e j'a d ditio n n e n e so n t ja m ais
1° Elle deviendra QUELQU'UN. Ils deviendront QUELQU'UN. Cf. § 758,
LE SIEN (DUR AS, D o ule ur, p. 2 4). [Elle n e t r o u v e
p as le n o m d e so n m ari sur la liste d es r e sca p é s b, 1°.
d e s c a m p s d e co n ce n tr a tio n .) H a r d iesse indi- 2° Que tous soient UN, [...] qu ' eux aussi soient UN en nous. [...] pour
vid u elle. O n atte n drait plu t ô t : A ucu n d e ces qu 'ils soient UN comme nous sommes UN. [...] pour qu 'ils soient parfaite-
noms q u e j'a d ditio n n e n'est le sie n.
ment UN (Bible de Jérusalem, Év. selon s.Jean, X V I I , 21-23). Q — Le
• I L ( U 3 I HISTORIQUE passé, le présent, l'avenir, ne sont qu ' UNpour Dieu (LAMART., cit. Rob.).
D a ns la V ulg ate, u n est re prése nté par le n e utre
singulier u n u m .
Un est traité comme adjectif dans cet ex., d'ailleurs exceptionnel :
Les mondes, monstrueux et beaux, UNS et divers (HUGO, Dieu, I, II, 22).
[Chacun des mondes forme une unité.]
Hardiesse de la langue parlée : Je voudrai être toujours NOUS DEUX
(E. DE GONC., Fille Élisa, X L I V ) .
LA PROPOSITION
ABSOLUE
Définition. Q BIBLIOGRAPHIE.
La proposition absolue se caractérise par le fait qu'elle est S. H A N O N , Les constructions a bsolu es en fra n -
çais m o d ern e, L o u v a i n - Pa r is , P e e t e r s , 1 9 8 9 .
constituée d'un sujet et d'un prédicat, mais sans mot introducteur
et sans verbe conjugué, et qu'elle a une fonction dans la phrase Q : H Q E REMARQUE.
D IE U AID A N T , j e vaincrai. C ertain es propositions absolues ont le rôle
Cette dénomination s'inspire de la grammaire latine, dans laquelle on appelle abla- d'élé m e n ts incid ents (§ 378, h).
tif absolu laformuleéquivalant à laformulefrançaisedonnée ci-dessus : DEOIUUA N TE,
uincam. (En grec, il y a un génitif absolu.) — Absolu a ici le sens « qui n'a pas de liaison
explicite avec le support du complément », mais cela ne rend pas bien compte de la spéci-
ficité de cette construction. Complément absolu, que nous employions dans la 12e éd., cou-
vre mal l'étendue des fonctions (§ 256). — On parle souvent de participe absolu ou de
proposition participe, mais cela convient seulement à un certain type : voir § 254.
N. B. D'ordinaire, le sujet du verbe principal n'est pas le même que celui de
la proposition absolue. JJÏ Plutôt que La ville prise, elle fut incendiée par HISTORIQUE.
les soldats, on dira, avec une épithète détachée : Une fois prise, la ville fut Le sujet du verbe principal pouvait autrefois être
incendiée... — Voir pourtant certains ex. du § 254, b, et celui de le même que celui de la proposition absolue : U n
DUTOURD, § 257, a. — Quand il y a une coordination dans la propo- d'e u x voya n t la t erre [. . .], / I... 1 IL e u t la m es m e
e nvie (LA F., F., I X , 1 2 ) . — * Mo nsie ur le Prince aid a n t
sition absolue, il est possible qu'un de ses deux sujets coïncide avec
à s e tro m p er lui - m ê m e, IL recevait l'e m p resse m e n t
celui du verbe principal : Quand je trouvais une difficulté je la lui expo- d u C ar din al co m m e u n e m ar q u e d e so n a m itié (LA
sais, MOI ÉTANT AU TABLEAU [...] et M. Dupuy dans son immense fau- ROCHEF., t. Il , p . 1 5 7 ) . - Le cor ps lé gisla tif aya n t la
teuil (STENDHAL, Vie de H. Brulard, XXXII). co n fia nce d u p e u ple, e t é t a n t plus éclairé q u e lui, IL
p o urroit le faire reve nir d es m a uvaises i m p ressio ns
Mais il n'est pas anormal que le sujet de la proposition absolue soit
q u'o n luia uroit d o n n é es (MONTESQ., Esp r., X I X , 2 7 ) .
représenté auprès du verbe principal par un pronom complément, ou — Cela est aujourd'hui archaïque : Jésus, p re n a n t
qu'un pronom complément du prédicat de la proposition absolue l'in fir m e p ar la m ain, IL lui dit : Lève - t oi e t m arch e I
représente le sujet du verbe principal : Les oies saignées, on LES ouvre (CLAUDEL, Seig n e ur, a p p re n e z - n o us à p rier, p . 1 2 2 . )
(J. DE PESQUIDOUX, Chez nous, 1.1, p. 49). — L ' ennemi LA menaçant, La ponctuation semble montrer qu'on a plutôt ici
la ville fut incendiée par les habitants. le phénomène de redondance décrit au § 373, fa.
N ature du prédicat.
a) Participe présent (actif ou passif) ou participe passé composé :
Aussi espére-t-il bien, Dieu AIDANT, ne développer jamais sur la scène [...]
que des choses pleines de leçons et de conseik (HUG O, L. Borgia, Préf.). — Les
parts É T A N T F AITES, on se mit à manger. — Ma mère A Y A N T A C H EVÉ sa lec-
ture, la conversation s' engagea. — La nuit ÉTANT VENUE, il fallut allumer les
phares. — Les dossiers AYANT ÉTÉ COMPLÉTÉS, la décision fut prise. Q ] — Le E U D H REMARQUE.
prédicat peut être plus complexe, notamment être constitué d'un participe E x p r e s s i o n s r é g i o n a l e s : En 1 9 0 1 , se f o n d era - DIEU
suivi d'un attribut ou accompagné de compléments : En 63, Cicéron ÉTANT VOULANT - à La usa n n e, u n Asile p o ur e n fa n ts in fir -
m es e t incura bles ( d a n s Encycl. illustré e d u p ays de
CONSUL, Catilina brigue le consulat pour l'an 62 (Grand dict. enc. Lar., s. v. Cati-
Vaud, t . V , p . 2 2 5 ) . — TEMPS PERMETTANT, il errait
lina). — Le sénat LES AYANT CONDAMNÉS À MORT, Cicéron fait sur-le-cbamp avec so n rafio t e n d eçà d'O u essa n t ( H . QUEFFÉLEC,
exécuter la sentence (ib.). — Les hommes, en ciré, le visage et les mains DÉGOULI- En fa n ts d e la m er, p . 2 9 4 ) .
NANT DE PLUIE, s'immobiliseraient un moment (SIMEN O N, Chat, I).
Lorsque l'auxiliaire est étant, ayant été, il se supprime souvent (cf. h), ce
qui rend l'expression plus légère.
b) Participe passé ou adjectif (éventuellement accompagnés d'un
K S I 1 H 1 REMARQUE. complément) attributs sans copule. ®
M a is n o n un n o m, sauf peut - être t é m oin (§ 2 5 1 ,
d, 4°). Hier soir, ces lignes ÉCRITES, je me suis mis à genoux (BERNANOS Journal
d' un curé de camp., Pl., p. 1056). — Elle mangeait délicatement, le petit doigt
ÉCARTÉ (SIMENON, Vérité sur Bébé Donge, p. 18). — Gil [...] / Parvint, la
lance HAUTE et la visière BASSE, / Aux confins du pays (HUGO, Lég., V I , II, 1).
— J ' étais étendu dans mon lit, les yeux LEVÉS, l' oreille ANXIEUSE, la narine
RÉTIVE, le cœur BATTANT (PROUST, Rech., 1.1, p. 8). — Les mains toujours
LIÉES, le chèche [= écharpe servant de coiffure] maintenant POUSSÉ en arrière,
REMARQUE.
il regardait vers la fenêtre. [...] Les mains LIBRES, il frotta l' un contre l'autre ses
C o n t a m i n a t i o n e n t r e U n e f ois q uitt é Ra ncy (c f .
§ 2 5 5 , a ) e t Ro binso n aya n t q uitt é Ra ncy (c f . a ci -
poignets gonflés (CAMUS, L ' exil et le royaume, Pl., pp. 1611-1612). E l
co n tre), c e q ui d o n n e au p articip e passé un Avec les adjectifs, on a souvent des expressions figées : les unes
o b jet direct co n traire m e n t aux princip es : °UNE
tout à fait (bouche bée [d'ailleurs originairement participe]), d'autres
FOIS ROBINSON QUITTÉ RANCY, j'ai bie n cru q u'elle
allait d é m arrer la vie (CÉLINE, V o y . a u b o u t d e la avec variantes (nu-tête, tête nue, la tête nue).
n uit, F°, p. 4 3 7 ) . Notons particulièrement l'emploi de l'adjectif ordinal comme
HIST ORIQUE. prédicat d'un pronom personnel. Ce tour est aujourd'hui vieilli. C l
Le to ur m oi troisiè m e était fort fré q u e nt e n a nc. L 'aimable et belle frégate [...] nous coula [...], laissant quelques canots pêcher
e t m o y e n fr. : Et l'e n d e m ain q u a n t jors a p ert / les prisonniers, desquels je fus, MOI DIXIÈME, sur deux cents hommes que nous étions
Mo n t a ses o ncles LUI SEPTIME [= Et le le n d e m ain au départ (VIGNY, Serv. etgr. mil, III, 6). — M. le prince de Joinville était obligé de
q u a n d le jo ur se leva, son o ncle m o nta lui sep -
coucher, LUI VINGTIÈME, dans une chambre commune, sur une table (HUGO, Cho-
t i è m e ) (HUON LE ROI, V air Pale froi, 5 0 6 - 7 ) . - U n e
n e f e n u n p ort tro uva, / SEI [ = s o i] DOZIME d e d e n z
ses vues, p. 32). — Il joue le whist avec trois morts, LUI QUATRIÈME (A. SUARÈS,
e n tra (WACE, Bru t, 2 5 6 1 - 6 2 ) . - Et si y alai, MOI Sur la vie, 1.1, p. 100). — Monsieur le curé, d'ailleurs, s' en régala, LUI, TROISIÈME
DISIESME d e ch evaliers (JOINVILLE, § 1 1 2 ) . (POURRAT, Gaspard des Montagnes, p. 186). — Il admit immédiatement, LUI
Le fait q u e le pro n o m p erso n n el n e présentait TROISIÈME, mon point de vue (LA VARENDE, Amour de M. de Bonneville, p. 129).
pas la for m e to niq u e ordinaire, il et je, m o ntre
q u e l'o n a u n e pro p ositio n a bsolu e et non u n e — Il arriva LUI TROISIÈME (Ac. 1935, s. v. lui). [Ex. supprimé ensuite.] — Eux
sim ple re d o n d a nce (§ 373, c). PREMIERS ils prennent le ciel de force (PÉGUY, Myst. des saints Innoc., p. 175). —
Le to ur n'a pas disparu ensuite : l'Ac. 1 718 cit e On m' excusera d'avoir, MOI PREMIER à Liège, peut-être, pris fugitivement la défense
s a n s c o m m e n t a i r e II arriva luy troisiè m e (s. v . de ce Français (A. SOREIL, dans la Vie wallonne, 1er trimestre 1966, p. 65). H —
troisiè m e), ce q u'elle gardera jusq u'e n 1878 e n La virgule, dans l'ex. de Pourrat, montre que le tour n'est plus compris.
ch a n g e a n t l'orth o gra p h e, ainsi q u e le te m ps d u
ver b e. Et e n 1878, s. v. lui, elle introduit l'e x. Il
Le tour se rencontre aussi avec un nom comme sujet : Je suis tombé sur Ara-
arriva LUI TROISIÈME, LUI QUATRIÈME. gon et sur Tzara avec qui, MONNEROT QUATRIÈME, j'ai fondé la revue Inquisi-
tions (R, CAILLOIS, dans Europe, janv. 1973, p. 84). — Ils se mirent en route,
B 3 J AUTRES EXEMPLES GASPARD NEUVIÈME (POURRAT, cit. Damourette-Pichon, § 2 5 8 6 ) .
BERLIOZ, Mé m oires, t. Il, p . 1 9 5 ; A l. DUMAS,
T r. m o usq ., Ll ; 8ARBEY D'AUR., C h ev. d es T o uch es,
c) Adverbe (ou locution adverbiale) ou syntagme prépositionnel. E l
V ; BOURGET, cit . D a m o u r e t t e - Pi c h o n , § 2 5 8 2 . L ' ennemi DEHORS, on respira. — Il faut le saluer CHAPEAU BAS (PROUST,
En sus ([sys] ou [sy]) de, qui date de la fin du XVIII e s., n'est pas critiqué Q u ' à la n uit, u n p e u, quand les b als m use tt e
[...] g é m isse n t l'invit a tio n à la java (AYMÉ, Aller
(Littré l'enregistre sans réserve, à la suite de l'Ac. 1835) : L 'honoraire est ce que
re t o ur, I). S'agit - il d 'u n la psus ?
le client doit, EN SUS DES fiais, à son avoué pour la conduite plus ou moins habile
HISTORIQUE. — F ors q u e s'est e m p l o y é ja dis d e
de son affaire (BALZAC, Illus. perd., Pl., p. 914). — Il lui arrive d' en porter encore c e t t e f a ç o n (il y e n a d es restes d a ns le dialect e
deux autres, EN SUS DE ces deux-là (DURAS, Douleur, p. 114). — Les langues ont p icar d) : Q ui le p ra tiq u e ainsi FORS QUE les se uls
souvent recours, pour se renouveler, à toute une gamme de procédés EN SUS DE C re g e ois [= G r e cs) ? (MONTCHRESTIEN, cit. Bru -
l' emprunt (HAGÈGE, Lefr. et les siècles, p. 76). n ot, Hist., t. III, p. 3 8 1.) Est - ce u n e c o ï n ci d e n c e ?
Au contraire, en outre de, qui n'est guère plus récent, est qualifié de barbare par
Littré, parce qu'il concurrence inutilement outre seuL Malgré ce défaut peu contes- AUTRES E XE MPLE S .
table, la locution a reçu un large accueil, même dans la langue littéraire. Une tren- A.-M. AMPÈRE, lettre d e 1818, dans A. - M. et J. -J.
taine de mille francs restait toujours à payer EN OUTRE DE mes vieilles dettes (CHAT., A m p è r e , C orresp . e t so uve nirs, 1.1 , p . 1 4 3 ; Code
Mém., IV, II, 9). — EN OUTRE DU bon vouloir, le savoir-faire n 'y gâterait rien (MUS- rural, 1 8 3 7 , p . 6 4 ; NERVAL, Le ttres d es Fla n d res, II,
1 ; BALZAC, Biro tt e a u, Pl . , p. 5 5 5 ; FROMENTIN,
SET, Chandelier, 1,6). — EN OUTRE DU musicien, la direction Imaginative du philoso- D o m., VII ; VEUILLOT, cit. D e h arve n g ; GOBINEAU,
phe contentait ses plus secrets mouvements (BARRÉS, Ennemi des lois, p. 178). E 0 N o uvelles asia t., p . 3 6 ; FRANCE, Sur la pierre bla n -
On trouve dans tous les styles en plus de, attesté vers la fin du XIX e s. (et ch e, p. 2 2 8 ; MAURRAS, cit. D e h arve n g ; FAGUET,
ib . ; R. ROLLAND, le a n - C hr., t . IV, p. 1 7 6 ; BLOY,
donc après en outre de) et que l'Ac. 1935 ne signale pas (quoiqu'elle l'emploie s. v.
Me n dia n t in gra t, 1.1 , p . 1 5 0 ; PÉGUY, Esp rit d e sys -
outre) : EN PLUS DE Paul [...] et de mon oncle Charles, Tancrède Gide avait eu plu- t è m e, p. 1 2 3 ; BERGSON, É vol. cré a tr., p. 91 ;
sieurs enfants (GIDE, Si le grain ne meurt, 1,2). — EN PLUS DES fumoirs, des salons CLAUDEL, Sous le signe d u d ra g o n, p. 43 ; BOR-
de jeu, des vestibules [...], ily a trois grands buffets fort bien servis (LOTI Japoneries DEAUX, Lac n oir, p . 1 0 ; DUHAMEL, C o m b a t co n tre
d'automne, p. 97). — L ' envahisseur s'attribuerait quelques denrées EN PLUS DE cel- les o m b res, III ; MONTHERL., R e i n e m ort e, I, 3 ; e t c .
les qu 'il prenait tous les jours (DE GAULLE, Mém. de guerre, 1.1, p. 150). 0 3 AUTRES E XE MPLE S .
En plus de avec un infinitif, rarement signalé, est de niveau pop. dans un ex. MIRBEAU, D in g o, I; COURTELINE, C o nversio n
comme celui-ci : On lui avait abîmé sa femme, EN PLUS DE l'avoir baisée avant, d'Alcest e, I V ; BARRÉS, Mes ca hiers, t. IL, p . 7 7 ; HER-
MANT, D iscor d e, p. 1 0 6 ; PROUST, Rech, 1.1,
sauf vot ' respect (G. CHEVALLIER, Clochemerle, XVIII). Il surprend dans un
p. 8 5 9 ; ROMAINS, H o m m es d e b . vol., t. VI, p. 1 2 6 ;
écrit technique : EN PLUS DE déclarer que le prédicat est vrai pour toute la classe, BAINVILLE, Bis m arc k e t la Fr., p . 1 3 4 ; GIRAUDOUX,
c ' est précise que cette classe vérifie la relation avec le prédicat (J.-M. LÉARD, Galli- Litt éra t ure, p. 4 9 ; MAUROIS, Bern. Q u esn ay, p. 8 1 ;
cismes, p. 85). — Cela est courant au Québec : Je l'avais déçue, moi [...] qui, EN DUHAMEL, N uit de la Sain t - le a n, p. 1 9 1 ; DANIEL-
PLUS DE tourner le dos à la prêtrise, avais trouvé le moyen de me faire mettre à la ROPS, Mala die d es se n ti m e n ts, p. 9 ; MAURIAC, dans
l e Fig aro litt., 1 7 n o v . 1 9 6 6 ; TROYAT, Les se m ailles
porte du collège pour outrage à la religion (A. MAJOR, dans Les écrits, août 2001,
e t les m oisso ns, p. 3 9 0 ; GREEN, Partir ava n t le jo ur,
p. 55). — EN PLUS D ' enseigner, elle fait une émission à la radio (BOULANGER). p. 2 9 9 ; J. ROY, A m o ur fa uve, p. 4 8 ; e t c .
On rencontre aussi en surplus de (avec le nom surplus) : J 'ai EN SURPLUS
DE mes occupations ordinaires, dû corriger deux épreuves de mon prochain livre
(BLOY, lettre, dans le Mercure de Fr., 1er juin 1951, p. 209).
Approchant de est blâmé par Littré : "Nous partîmes APPROCHANT DE six
heures pour approchant six heures. Approchant de est attesté pourtant dans
Ac. 1694-1878, mais dans d'autres fonctions : Il est APPROCHANT DE huit heures.
Il lui a donné APPROCHANT DE cent écus (d'abordpistoles). — Approchant a servi
aussi d'adverbe : cf. § 998. — Ex. où il est prédicat : Jean Choinart [...], APPRO-
CHANT l'août, va voir ses blés (P.-L.COURIER, Gazette du village, p. 101). —
APPROCHANT deux heures, il sera chez moi (BALZAC, Chouans, Pl., p. 1010). 0 3 • »f EU HIST O RIQ UE .
L'élément qui suit excepté, sauf, y compris, etc. peut avoir des for- V oir d éjà : On le 1= M é n a n d r e ] t e nsa t, APPRO-
CHANT / e jo ur a u q u el il avoit p ro m is une co m e -
mes grammaticales assez différentes de celle qui caractérise le sujet.
die, d e q u oy 1= d e c e q u e : c f . § 7 1 9 , H 6 ] il n'y
Tant qu ' excepté, etc. ont été perçus comme des attributs de pro-
positions absolues, leur sujet se construisait naturellement sans la
préposition qui introduit le terme corrigé ou complété :
Carlotta fut blâmée PAR tous, Y COMPRIS son propre mari (MAUROIS, Lélia,
p. 329). — Son art ne devait rien A personne, EXCEPTÉ Rimbaud (G. ANTOINE,
P. Claudel, p. 59). — Me désintéresser DE tout le reste, Y COMPRIS mon propre
travail (CABANIS, Profondes années, p. 100).
L'effacement de la valeur primitive fait que l'on reprend souvent
la préposition du terme corrigé ou complété :
Un enfant [...]/ Abandonné DE tous, Y COMPRIS DE su mère (HUGO, F. d'aut.,
Ce siècle avait deux ans). [Comp. :... sa mère comprise.] — La pierre de taille [...]
ne peut manquer d' en imposer À tous, Y COMPRIS AU X jeunes fauves (IKOR, Tourni-
quet des innocents, p. 194). — Je n 'ai assisté À aucune des représentations de La
Reine morte FORS À celles de Paris (MONTHERL., Tragédie sans masque, p. 32). —
Il [= Mitterrand] perd SUR tous les tableaux, FORS [imprimé en italique] SUR celui
de l'honneur socialiste (A. PEYREFITTE, Quand la rose se fanera, p. 124). — Quel
livre contemporain autant que Le roi des Aulnes joue-t-il DE l'ambiguïté, Y COMPRIS
DE celle que la guerre porte en son sein ? (DEL CASTILLO, dans le Figaro, 17 nov.
1981.) — Il se sent aujourd'hui tout disposé à présider la V' [République], CONTRE
les institutions de laquelle il a toujours voté, Y COMPRIS CONTRE l' élection du chef de
l'État au suffrage universel (M. DROIT, Clartés du jour, p. 218).
Il faut reconnaître que la reprise de la prépos. permet d'éviter les
ambiguïtés : Des hommes libres DE tout, SAUF DE leurs femmes (COLETTE, Étoile
Vesper, p. 176). — La liberté ne survivrait POUR personne dans le monde, Y COM-
PRIS POUR les États-Unis (DE GAULLE, Disc, et messages, t. II, p. 575). — La pré-
sence de la préposition va de soi quand elle n'a pas été exprimée auparavant : Une
belle tête d'homme n 'a pas besoin de comporter, EXCEPTÉ, peut-être AUX yeux d' une
femme, [...] cette idée de volupté (BAUDEL., Fusées, XVI). — Elle avait chaud par-
tout, EXCEPTÉ DANS le dos 0. RENARD, Journal, 28 sept. 1903). —Je vous fais
V U I U I HIST O RI Q UE . confiance, oui, FORS SUR sur ce point-ci (MONTHERL., Reine morte, II, 2). G 0
Voir déjà chez MONTESQ. : + On ré gla q u'EXCEPTE' Le fait que la préposition soit la même pour les deux termes caractérise
DANS q u elq u es cas p articuliers, o n suivrait, d a ns mieux la coordination que la subordination (cf. 2°, et § 257, b). Comp .Je n 'ai
les su ffra g es, la divisio n p ar trib us (C o nsid ér.,
assisté À aucune des représentations, MAIS BIEN À celles de Paris.
VIII).
— Propositions conjonctives adverbiales :
Il était d'ailleurs fort poli, EXCEPTÉ LORSQU'ON PARLAIT D'ARGENT
(STENDHAL, Rouge, I, 3). — Le couplet sur « les petits » réussit souvent [à la
C h a m b r e des députés], EXCEPTÉ SI L'ORATEUR EST MEMBRE D'UNE MINORITÉ
PAR TROP FAIBLE 0. RENARD Journal, 6 févr. 1903). — Son apparence était des
plus respectables, SAUF [...] LORSQU'IL SE PROMENAIT [...] vêtu d' un peplum
noir (MONTHERL., Démon du bien, pp. 78-79). — A son sommet s'attachait le
drapeau d' un grand pan d'azur, sauf, naturellement, QUAND ARRIVAIT LA PLUIE
(AUDIBERTI, Dimanche m'attend, p. 209).
— Autres cas.
• Epithètes, rarement : La bourgeoisie viennoise, y compris JURIDIC-
TIONNELLE (LE ROY LADURIE, Carnaval de Romans, p. 108) [= y
compris la bourgeoisie juridictionnelle, les gens de justice],
« Gé r o n d i f s : SAUF EN LUI DEMANDANT LA PETITE PHRASE DE VLN-
TEUIL [...], Swann ne cherchait pas à lui faire jouer les choses qu 'il aimât
(PROUST, Rech., 1.1, p. 240).
• Propositions conjonctives introduites par que : voir § 257, b.
N ature du sujet.
C'est souvent un nom ou un syntagme nominal, — ou un pro-
nom. E S S M U S A REMARQUE.
LE CAFÉ bu, L'ÉPOUX servi, LES ENFANTS à l' essor, maman m'habilla chaude- L e p r o n o m p e rs o n n e l n'é t a n t p as p ossible
ment (DUHAMEL, Notaire du Havre, XII). — Eventuellement sans article, sur- a v e c u n v e r b e i m p e rs o n n e l a u p artici p e, o n a
tout dans des formulesfigées: Se retirer FORTUNE jâife (Ac. 2000). Etc. p arf ois d e s p r o p o siti o n s a b s o l u es sans sujet,
si n o n a v e c l e suje t l o g i q u e ( o u r é e l) : voir d es
CELUI-CI ayant soutenu que des armures dispensaient d' être brave, l'autre avait
e x . a v e c s'a gissa n t, y aya n t a u § 782, b, 2°.
pris cela pour une injure (FLAUB., Educ., II, 1). — PERSONNE ne s' étant présenté,
l' élection n 'apas eu lieu. — VOUS partis, j'ai perdu le sommeil, lagaité (HUGO, Voix
int, XXII). — J ' ai dû l' entendre pour la première fois prononcé par mon père vers
1928, MOI ayant huit ans (DUTOURD, Ecole des jocrisses, p. 10). — Lui troisième :
§ 254, b. — Rarement avec un pronom relatif comme sujet (construction
archaïque) : §§ 705, c et H3 (lequel passé et passé lequel), 719, a (passé quoi). EB E U E ^ HIST O RI Q UE .
Le pro n o m ce était le sujet d'u n e proposition
Parfois une proposition conjonctive introduite par que. E 9 a bsolu e dans C e d essus d esso us, altéré e n sens
Etant admis QUE NOUS POURRONS TOUT, qu 'allons-nous faire de cette d essus d esso us (§ 694, c), ainsi q u e dans ce
omnipotence ? (J. ROSTAND, Inquiétudes d' un biolog., p. 12.) — Je ne peux pas n o n o bst a n t, ce p e n d a n t ( § 2 5 8, H).
arriver à faire mon article [...]. Ça n ' est pas bien étonnant, étant donné QUE JE N'AI 1 2 9 E 5 3 REMARQUE
JAMAIS ÉCRIT (MAUPASS., Bel-Ami, 1, 3). — Etant donné QUE LES THÉORIES Sur sa u f à ce q u e, voir § 1124, R4.
[ . . . ] SONT DESTINÉES À ÉVOLUER, on risquerait de voir [...] les théories emporter
dans leur ruine la terminologie elle-même (MAROUZEAU, Lexique de la terminol.
ling., Avant-propos). — Il étaitfort dangereux de soutenir une vérité en astronomie,
étant donné QUE LE POUVOIR POLITIQUE IMPOSAIT UNE COSMOLOGIE D'ÉTAT
(ROMAINS, Lettre ouverte contre une vaste conspiration, p. 143). — Ces deux
paquets sont exactement semblables, excepté QUE CELUI-CI EST PLUS LOURD QUE
L'AUTRE (Dict. contemp.). — Supposé QU'EN DEHORS DU RÉGIME DIRECT OU
INDIRECT IL Y AIT DANS UNE PHRASE D'AUTRES RÉGIMES [ . . . ] et supposé QUE
L'UN QUELCONQUE DE CES RÉGIMES SOIT PLACÉ EN TÊTE DE LA PHRASE, l'inver-
sion se produit (FOULET, § 450). — Il fallait l' excuser chez lui, supposé QU'ELLE
L'EÛT REMARQUÉ (MONTHERL., Pitié pour les femmes, L. P., p. 6 1 ) . — Supposé
[...] QUE TOUT FÛT VRAI, Théorème se trouvait dans la situation d' un homme qui
peut témoigner d' une vérité absurde (AYMÉ, Passe-muraille, L. P., p. 42).
À part que ... est fam., voire pop., pour les dict., ce qui convient à cet ex. :
A PART qu ' elle volait trop et qu ' elle manquait un peu de décence, elle était tout de
même une drôle de fille (ZOLA, Terre, IV, 3). — Mis àpart que ... n'est signalé
que par le Grand dict. enc. Lar. (1984). — Joint que... est littéraire : Il est parfois
moins admirable d' user de son pouvoir, que de se refuser d' un user. JOINT QUE la
sensation d' un pouvoir dont on n ' use pas est [...] une des plus fines qui soient au
monde (MONTHERL., Reine morte, II, 3). — Leur réflexion se porte avec prédilec-
tion sur le domaine politique et social [...] ; JOINT QUE c ' était le seul domaine qui fût
resté fermé à l' esprit critique (V.-L. SAULNIER, Litt.fr. du siècle philos., p. 11). —
Il y avait aussi quelque chose de propice à un véritable retour à Dieu [.,,], JOINT QUE
la France me manquait (GREEN, Terre lointaine, p. 60). — °Advenant que ...
survit (voir H2) au Québec : ADVENANT QU'il neige, nous serons immobilisés
REM AR Q UE . dans le chalet (BOULANGER, comme fam.). 0 3
Po u r a d ve n a n t + n o m , v o ir § 2 5 8. Lafonctionde sujet reste perceptible dans les cas ci-dessus, spécialement pour
les prédicats qui sont mobiles avec des sujets nominaux et, pour étant donné, pré-
dicat non mobile, mais qui s'accorde souvent avec son sujet nominal (§ 259, b, 2°).
Cette fonction est moins perceptible quand les mots servant de
prédicat n'y ont plus leur sens habituel et/ou ne sont pas susceptibles,
avec le sens qu'on a ici, de servir d'attributs en dehors de la proposi-
tion absolue (cf. § 256, b).
Cest le cas de sauf, vu, attendu, hormis, outre, qui s'emploient aussi avec une
suite nominale ou un infinitif; loin (et bien loin) [langue soignée] seulement avec
que + subjonctif ou avec un infinitif (cf. c) : De noirs Éthiopiens semblent,
silencieux, / Des spectres de guerriers dont les âmes sont mortes, / SAUF Qu'un éclair
rapide illumine leurs yeux (LEG DE LLSLE, Poèmes trag., Apothéose de Mouça-al-
Kébyr). — Il est bien remis de son accident, SAUF Qu'il se fatigue rapidement à mar-
cher (Ac. 1935). [Absent des éd. précédentes.] — OUTRE Qu'il était trèsriche,il des-
cendait en ligne directe de Jean sans Terre (AYMÉ, Passe-muraille, p. 38). — LOIN
QUEje conclue à l' exaltation du conformisme, [... ] l' essentiel de mon effort est de démon-
trer que ce nihilisme [...] est générateur de conformisme (CAMUS, Actuelles, Pl.,
p. 731). — LOIN qu ' elles nous eussent aidés, ce fut Serrail qui dut aller leur porter
secours (VERCORS, Moi, Arist Briand, p. 170). — BIEN LOIN QU 'ils [= les chré-
O U I RE M A R Q UE . tiens] aient le droit de fuir les hommes en Dieu, il leur est enjoint de retrouver Dieu dans
les hommes (MAURIAC, Cahier noir, Œuvres compl, p. 366). — BIEN LOIN QUE
La pro p ositio n c o n j o n ctiv e est p arfois a v e r b a l e
(c o m p . § 1 1 3 3 , b , 2 °) selo n u n e t e n d a n c e
son entreprise soit prospère, il se trouve aujourd'hui au bord de la ruine (Ac. 2000). L i J
r é c e n t e e t d'a p p a r e n c e n é glig é e : C'est u n e le t - Attendu que ... est surtout de la langue écrite : ATTENDU qu 'il s'agit d' une
tre ig n o ble, OUTRE QUE DÉCOUSUE ( C h r . ROCHE- affaire importante, je ne saurais décider seul (Ac. 2001). — Vu que... est déclaré
FORT, Re p os d u g u errier, L . P. , p . 1 2 8 ) . — C h acu n vieux ou régional par le Robert 2001. Cette opinion n'est pas partagée par les
p o uva n t ê tre co nsid éré co m m e un dialect e autres dict., et des ex. comme les suivants ne la confirment pas : Elle en a bien
p ar m i d'a u tres (SAUF QUE PLUS EXOTIQUE) (Gra n d besoin la race française, VU QU ' elle n ' existe pas l (CÉLINE, Voy. au bout de la nuit,
dict. e nc. Lar., s. v . cré ole).
F°, p. 16.) — J ' ai pas pu les empêcher de l' emmener, VU QU 'ils prétendaient que
H É S E I AUTRES EXEMPLES c ' est elle qui a contaminé toute la classe [dit un homme du peuple] (TRIOLET,
J.-É. HALLIER, Éva n gile d u f o u, p . 3 3 ; C l . SARRAUTE, Roses à crédit, I). — C' est sur les vieux théâtres à l'italienne qu ' ont lieu toutes les
d ans le Mo n d e, 1 5 m ars 1 9 9 0 ; Ec HEN O z Je m'e n créations intéressantes VU QUE le talent n 'a que faire des contingences matérielles
vais, p . 6 2 ; e t c . (DUTOURD, Paradoxe du critique, pp. 23-24). — Il faut bien dire oui, VU qu 'il
C E S G ' M M HISTORIQUE n 'y a plus rien à faire (Grand dict. enc. Lar.). Q
E x ce p t é q u e..., sa u f q u e... et su p p osé q u e...
re m ontent au M o y e n  g e : La n ostre cure a u tresi
En revanche, hormis que ... et hors que... sont devenus fort rares : Des
[= aussi], EXCEPTÉ se ule m e n t QUE cest e [= celle - ci] péchés, je ne m' en connais guère, HORMIS QUE je suis fait de chair (AUDIBERTI,
n e d evee [= interdit] n ule f ois la p ocio n (C hirurgie Dimanche m'attend, p. 202). — Ignorant tout du monde de l'argent, HORS QUE
d e H e nri d e Mo n d eville [1 3 1 4], S. A . T. F., § 9 2 0). s'y brassaient d' obscures affaires (CHÀTEAUBRIANT, M. des Lourdines, 1,4). ITH
— Selo n War b ur g , t. XI, p. 135, sa u f q u e... a Quand la formule exceptive corrige un objet direct, son verbe prend le
co n n u u n e éclipse entre 1628 e t 1 8 7 0 (= Littré mode exigé par le verbe dont dépend l'objet direct, donc le subjonctif
1 8 7 0, mais celui - ci m e ntio n n e seule m ent, pour le
critiquer, le sens « à m oins q u e », voir ci - dessous).
éventuellement : J 'accepte tout, sauf qu 'il PARTE, à côté de Je sais tout, sauf qu 'il
— O u tre q u e... d ate d u X VI e s. D e m ê m e join t PART. Cela confirme que nous sommes logiquement dans le domaine de la
q u e..., mais cet e m ploi est vieilli d e p uis le X VII e . coordination. Comp. J 'accepte tout, MAIS non qu 'il parte.
A d ve n a n t q u e... est attesté au X VII e s. : ADVENANT
La valeur primitive est si bien effacée que nous rangeons simplement dans
QUE D ie u d e ce m o n d e m'ost ast IRe m . le subj.],
j'e n t e n d ois [...] que luy se ul h erit ast (MOL., les conjonctions de subordination durant que et pendant que (temps), nonobstant
Ét o ur di, I V , 1 ). — H ors q u e..., h or m is q u e... e t loin que (concession), moyennant que ex pourvu que (condition). Voir aussi § 258, H.
q u e... a u ssi. À p art q u e... e t é t a n t d o n n é q u e... n e
C) Un infinitif :
sont pas antérieurs à la 2 e m oitié d u XIX e s.
C o m m e sa u f q u e..., h ors q u e... e t h or m is q u e..., sui - Je ne veux rien / Rien, EXCEPTÉ L'AIMER, L'ADORER EN SILENCE (S.-BEUVE,
vis d u subjonctif, ont eu en outre le sens « à moins Poés., cit. Trésor). — Qui ne savaient rien, HORS CULTIVER LES CHAMPS
q u e » (e x ce ptio n hyp othétiq ue) : cf. § 1153, H2. (J. BOULENGER, Merlin l' enchanteur, XXXIV). Dans ces deux ex., la construction
de l'infinitif peut s'expliquer par sa dépendance par rapport au verbe principal. —
La présence d'un de n'empêche pas que l'infinitif ait la fonction d'un sujet (cf.
§ 911) : Il n 'avait cessé d' entretenir avec elle des intelligences secrètes, étant toujours bon
DE MAINTENIR UN ESPION DANS LA PLACE (GAUTIER, Cap. Fracasse, X I I I ) . [Cf.
§ 782, b, 2°.] — HORS DE LE BATTRE, il ne pouvait le traiter plus mal (Ac. 1 8 3 5 -
2000 [comme vieilli en 2000]). E l — Dans cet ex. de BALZAC, le de s'explique E Q Ç S E T U HISTORIQUE
par le fait qu'il accompagne nécessairement l'infin. dépendant de supporter :Je puis C o m p . ces ex. cités par Littré (s. v. h ors, 3 °) :
tout supporter, HORS DE PLEURER LOIN DE TOI ( P e a u de ch., Pl., p. 2 4 2 ) . C omp. 'HORS DE s e tro uver a u co nseil, il n'avait a ucu n e
f o nctio n (S.-SIMON) ; *T o u t est cri m e HORS D'ê tre
dans la coordination : Je supporte tout, MAIS non DE pleurer... — Après loin (et
m usul m a n (VOLT.).
bien loin) [cf. b ci-dessus], de est constant : LOIN DE ME REMERCIER, il s' est montré
ingrat (Ac. 2 0 0 0 ) . — BIEN LOIN D'APPROUVER SA THÈSE, j e la combats (ib.). EU E U E S I REMARQUE
N. B. D'autres constructions s'expliquent par la nature quasi prépositionnelle ou Su r sa u f à + infinitif, v o ir § 9 1 5, b , 3°.
pseudo-prépositionnelle qu'ont prise certains prédicats antéposés : § 255, b.
d) Parfois, une proposition d'interrogation ou d'exclamation indirectes :
Je sais tout, SAUF SI ELLE COMPTE L'ÉPOUSER. — On sait tout [...],
EXCEPTÉ COMBIEN LA CURIOSITÉ EST ENNUYEUSE ( E . de GUÉRIN, Corresp.,
cit. Trésor, s. v. excepté, B)
de l' un des deux. Advenant antéposé reste usité au Québec : ADVENANT la victoire du oui La pré p osition n o n o bst a n t était aussi à l'origine
le pré dicat d'u n e proposition a bsolu e : n o n o bs -
ils opteraient pour un accommodement (R.LÉVESQUE, Attendez que je me rappelle...,
t a n t « n e faisant pas o bstacle ». TOULET l'e m ploie
p. 409). e ncore, par archaïsm e, co m m e seco n d term e
À part est mis soit devant, soit, moins souvent, après : À PART quelques bourgeois a v e c un n o m : Le p rover b e NONOBSTANT, m o n
[...], c ' étaient des ouvriers, des gens de boutique avec leurs femmes et leurs enfants (FLAUB., a m ie Nane p ro f essait p o ur les a m is de ses
Éduc., 1,1). — Dans chacune des rues rayonnantes, À PART celles qui mènent directement « a m is » u n e h ain e o piniâ tre e t so urn oise (Mo n
a m ie N a n e, I V ) . — L a f o r m u l e c e n o n o bst a n t (p a r -
aux gares (BUTOR, Emploi du temps, 1,2). [Dans cet ex., la longueur du sujet ne permet
fois n o n o bst a n t ce) subsiste dans la langue juridi-
pas le choix.] — Au XVIII' siècle, les patois d' oïl ne sont plus parlés que par les paysans, q u e et dans la langue littéraire co m m e
qui comprennent partout le français, Wallonie et Vosges À PART (DAUZAT, dans Où en syn o ny m e d e « néan m oins, malgré cela ». Elle a
sont les études defr., p. 189). — Formulefigée: Blague à part. d o n n é par ré d uctio n l'a dverb e n o n o bst a n t : cf.
Mis à part placé en premier lieu n'est pas signalé dans les dict. avant le Grand § 1 0 3 2, 1°.
dict. enc. Lar. 1984 ; ex. au § 259, b, 2°.
Tel est toujours en tête de la proposition absolue, que celle-ci soit ou non au
K M T F S L REMARQUE
début de la phrase : Elle avançait majestueusement, TELLE une reine (Rob. méthod.) ou
D a n s l'e x . suiva n t, la suit e d e c e t t e e x pres -
TELLE une reine, elle avançait majestueusement. Autres ex. de ce tour littér. au § 259, a, 2°. sio n a é t é t r a it é e a b u siv e m e n t c o m m e u n
Eu égard est figé : EU ÉGARD à l'amitié qui le liait à Fernand Gallien, Charles su j e t : "Il n o us p aru t tro p t ech niq u e EU ÉGARD
n 'avait pas fait montre de beaucoup de vaillance (AYMÉ, Uranus, XXII). Q le but que n o us n o us p ro p osio ns (L. WEISS,
Pour excepté, étant donné, etc., voir § 259, b ; pour nu et sauf, § 259, a, 1°. C o m b a ts p o ur l'Euro p e, 1 9 7 9 , p. 2 7 9).
— Des écrivains accomplis TEL que Guy de Maupassant (DUHAMEL, tres revê t us (A t h., II, 5 ) .
Chron. des saisons amères, p. 31). — Un serpent d' une grosseur prodi-
gieuse, TELS qu ' on en voit en Amérique (GREEN, Terre lointaine, p. 269).
Pour ôté, entendu et ouï, on doit faire des réserves sur la vitalité de
leur emploi comme attributs antéposés et invariables.
Ôté antéposé est invariable, selon les grammairiens et les lexicographes,
mais ils ne produisent que des ex. fabriqués pour la circonstance et d'ailleurs
stéréotypés : Ô TÉ deux ou trois chapitres, cet ouvrage est excellent (Littré).
[Comp. Ac. 1935, Lar. XX' s., Robert, Grand Lar. langue, Trésor, etc.]
On ne saurait blâmer les auteurs qui s'émancipent d'une règle si peu
assurée : ÔTÉE la verve qui était exceptionnelle, il ne reste pas grand-chose (GREEN, I M H 3 3 HIST O RI Q UE .
Vers l'invisible, 8 juillet 1959). E 0 D éjà au XVII e s. : +ÔTÉS ce u x q ui so n t in t éressés p ar
Il faut ajouter que c'est seulement dans le sens « excepté » qu'on laisserait les se n ti m e n ts d e la n a t ure, il n'y a p oin t d e chré tie n
ôté invariable, et non dans un ex. comme celui-ci : Ô TÉE la casserole, la chevelure q ui n e s'e n d oive réjo uir (PASCAL, cit. Littré).
du patient apparut curieusement crénelée (PAGNOL, Temps des secrets, p. 23). {jU K m WBBWVÊt
E U I S S L REMARQUE
Entendu et ouï sont propres à la langue juridique : ENTENDU toutes les D a n s le la n g a g e d e l'arith m étiq u e, ô t é reste
parties (Littré). — Ouï les témoins (Littré, Ac. 1935, Trésor, etc.). — Vu les ordin aire m e n t invaria ble m ê m e q u a n d il est
conclusions des parties et OUÏ leurs conseils (jugement du tribunal de commerce p ost p osé : Se p t ÔTÉ d e di x , rest e trois. Cf.
de Bruxelles, 7 e chambre, 19 mars 1997). § 440, a. ( D e m ê m e, m ultiplié, divisé, e tc.)
Pour entendu, cela n'est même plus mentionné dans le Robert et dans le
Trésor. Pour ouï, le Lar. XX' s. rédige la règle au passé (« a été longtemps... »)
et ajoute : « Aujourd'hui l'accord est admis dans ce cas. »
D'autres participes sont occasionnellement laissés invariables
m m m m UPVW
quand ils précèdent le sujet de la proposition absolue. 7TB! E U E 5 I HIST ORIQUE.
Sitôt QUITTÉ les États du prince, [...] nous ne campâmes plus dans les villes D'a u tres participes antéposés étaient laissés jadis
(GLDE, Retour de l' enfant prod., p. 73). — QUITTÉ l' enceinte, nous venions de rega- invariables, par ex. co m p t é, co nsid éré, réservé.
O n peut y join dre su p p osé (cf. 1 ° ci- dessus).
gner la voiture (ARLAND, Mais enfin qui êtes-vous ? p. 246). — Il n ' était séant de
trotter qu ' une fois DÉPASSÉ la limiterituelle(FARRÈRE, Seconde porte, p. 252). —
VENU la fin de l'hiver, la troupe tout entière partit pour l'Angleterre (DUHAMEL,
Temps de la recherche, XVI). — Quand elles se prenaient par la main pour tourner
sous le tilleul, sitôt MANGÉ le pain et les noisettes (POURRAT, Sous le pommier,
p. 124). — Enfin, SONNÉ trois heures,j' entendis le bruit de moteur queje guettais (P.-
H. SIMON, Raisins verts, p. 118). — Sitôt DOUBLÉ [= dépassé] les digues, [...] tous
les passagers sensés voulurent revenir (ORSENNA, Exposition coloniale, p. 87). — Il
est possible que certains de ces auteurs aient pensé à une ellipse (comp. § 234, a).
LA COORDINATION
..
Définition. 0 ffl K H I BIBLIOGRAPHIE
C . ANTOINE, La co or din a tio n en fra nçais, P. ,
L a c o o r d i n a t i o n e s t la r e l a t i o n , e x p l i c i t e o u i m p l i c i t e
d'Artrey, s. d., 2 vol.
(§ 2 6 2 ) , qui unit des éléments de m ê m e statut : soit des
E 9 I E E 3 9 REMARQUE
p h r a s e s , s o i t , à l ' i n t é r i e u r d ' u n e p h r a s e , d e s t e r m e s q u i o n t la La coordination occu p e souvent p e u d e place
m ê m e fonction par rapport au m ê m e m o t . dans les gram maires, qui parlent surtout, pour
des raisons logiques, d e la coordination entre
— Phrases coordonnées : Je trouve mon habillement aussi barbare que le phrases. O r, il s'agit d'u n p h é n o m è n e impor-
leur [= celui des Gaulois]. Mais je ne beurre pas ma chevelure (RIMBA U D , Saison en tant, nota m m ent à cause de sa fré q u e nce (et,
enfer, Mauvais sang). par ex., se classe dixième parmi les mots les
plus fréquents d u fr.) et de ses répercussions
L 'hiver est fini et les hirondelles sont revenues. Dans cet ex., nous avons aussi
dans le d o m aine d e l'accord.
deux phrases : L 'hiver est fini et Les hirondelles sont revenues, qui ne sont pas subor-
E & L E E 3 REMARQUE
données l'une à l'autre, que l'on peut intervertir, dont chacune peut être suppri-
Le n o m bre d es élé m ents co ord o n n és est
mée. Mais elles sont réunies dans un seul ensemble du point de vue de la é g a l o u s u p é r i e u r à d e u x : D éjà il e n trevoyait
modulation (la voix redescend seulement sur revenues) et de la ponctuation (un une e x plica tio n PLATE ET ENNUYEUSE ET FREU-
seul point à la fin). C'est pourquoi nous les appelons des sous-phrases (§ 213, b, 2°). D I E N N E ET P S Y C H O L O G I Q U E d e sa pièce (SAGAN,
V e u x d e soie, p. 1 9 9).
— Termes coordonnés à l'intérieur d'une phrase : Jean est GRAND et
E U E S I REMARQUE
BLOND. Les adjectifs grand et blond sont tous deux attributs du sujet Jean ; ils
La suppression d'u n élé m ent co ord o n n é (o u
n'ont l'un par rapport à l'autre aucun lien de dépendance ; il est possible de les
d e plusieurs élé m ents s'il y a plus d e deux élé-
intervertir ou de supprimer n'importe lequel des deux (et leur lien et) sans que la m ents coord o n n és) ne modifie pas la structure
phrase soit modifiée dans sa structure. L t l d e la phrase, avons- nous dit ci-contre. Mais elle
Dans la redondance (§ 370) et dans l'apposition (§ 340), on a aussi deux ter- chan ge le sens. En outre, elle entraîne parfois
des m odifications d u point de vu e de l'accord.
mes qui sont dans une certaine mesure interchangeables, dont l'un peut être supprimé Par ex., si on supprime un des deux termes coor-
et que l'on peut considérer comme ayant la même fonction par rapport au même mot. d o n n é s d e Je a n e t Pierre so n t p artis, l e v e r b e d o i t
Mais, dans le premier cas, les deux termes apportent la même information ; dans le être mis au singulier : le a n (ou Pierre) E S T P A R T I .
second cas, il y a entre les termes un lien de dépendance et un lien de solidarité, de La suppression d'un des deux sujets singuliers
consubstantialité, analogue à celui qui unit l'attribut au sujet (§ 239, a, 2°, N. B.). est impossible si le prédicat exige un sujet
p l u r i e l : le a n e t Je a n n e f or m e n t u n co u ple u ni.
La frontière n'est pas infranchissable : il y a parfois consubstantialité entre les
Jules e t Julie se so n t e m b rassés.
termes coordonnés ; par ex., lorsqu'ils sont joints par c ' est-à-dire. D u point de vue logique, les éléments introduits
Phrases contenant plusieurs coordinations. par ma/s, car, o u ne peuvent permuter librement
avec les éléments auxquels ils sont coordonnés.
a) T a n t ô t ces coordinations sont dans une relation multilatérale,
c'est-à-dire que les phrases gardent leur sens si l'on intervertit les
éléments dans chacune des coordinations ou si l'on supprime un
des éléments, soit dans l'une, soit dans chacune des coordinations.
Ainsi le proverbe En moisson et en vendange, il n 'y a ni fête ni dimanche
(dans Littré, s. v. moisson) * En vendange, il n 'y a ni fête ni dimanche ou En
moisson, il n 'y a pas de dimanche, etc.
b) T a n t ô t ces coordinations sont dans une relation unilatérale,
c'est-à-dire que chacun des éléments d'une des coordinations
est en relation logique seulement avec un des éléments de
l'autre coordination. C'est ce qu'on appelle d i s t r i b u t i o n .
— Celle-ci peut être indiquée par des ternies dits distributifs. Ce
REMARQUE. sont, soit des mots spécifiques (respectif, respectivement O ) , — soit
D a ns le fr. d u grand - duché d e Lu x e m b o urg res -
p ective m e n t (so uve nt a bré g é e n resp .) é q uivaut
des termes corrélatifs (c'est-à-dire qui fonctionnent en liaison l'un
plus o u moins à e t ainsi q u e : "La C hin e R E S P . avec l'autre) : ordinaux ou bien pronoms (le premier ..., le second
l'In d e so n t d es p ays sé d uisa n ts. C f . M . N o p p e n e y , celui-ci..., celui-là ... ; l' un ..., l'autre ... ; qui..., qui...), qui du point
C o m ple x e d'Éso p e, p p. 60 - 63. - C e t e m ploi n'est
de vue syntaxique sont redondants par rapport au sujet ou à un autre
pas incon n u e n Belgiq u e : 0Les ré gle m e n t a tio ns
suiva n t es d u statut d u p erso n n el, R E S P E C T I V E M E N T terme, ou bien mots-outils (soit..., soit... ; selon que ... ou que ...).
d u st a t u t syn dical, [...J so n t fi x é es co n f or m é m e n t Pierre, Jeanne et Louis ont RESPECTIVEMENT 15,12 et 8 ans. — La mous-
à la p rocé d ure visé e à l'article 3 5 (D ocu m e n ts p ar -
tache et la culotte, quoique représentées par des substantifs féminins, ont été le sym-
le m e n t aires, C h a m bre, 1287 / 1, 89 - 90, p. 2 1 6).
D ans cet ex., il suffirait d e d é placer resp ective - bole, L'UNE de la virilité, L'AUTRE de l'autorité maritale. — La pluie, la neige, la
m e n t pour ren dre l'e x pression correcte : Les gelée, le soleil, devinrent ses ennemis ou ses complices, SELON Qu'ils nuisaient OU
ré gle m e n t a tio ns suiva n t es, resp ective m e n t d u st a - Qu 'ils aidaient à sa fortune (MAURIAC, Destins, XII).
t u t d u p erso n n el e t d u st a t u t syn dical...
— Mais il n'est pas rare que les auteurs ne donnent aucune mar-
que de la distribution et la laissent déduire par le lecteur :
Les bonnets empesés, les croix d' or et les fichus de couleur paraissaient plus blancs
que neige, miroitaient au soleil clair, et relevaient de leur bigarrure éparpillée la sombre
monotonie des redingotes et des bourgerons bleus (FLAUB., M"" Bov., II, 8). — Elle
demandait la permission d' envoyer [...] chercher la recette ou regarder l' espèce par son
cuisinier ou sonjardinier en chef (PROUST, Rech., t. II, p. 437). — Tout le monde sait
et attend qu 'il [= le Premier ministre] procède de mon choix et n 'agisse que moyen-
nant ma confiance (DE GAULLE, Mém. d' espoir, L. P., 1.1, p. 342). [Savoir entraîne
l'indicatif et attendre le subj.] — La bande de galets que recouvre et découvre chaque
vague en se brisant puis en se retirant (Cl. SIMON, Leçon de choses, p. 108). — Avec
chiasme : Et Mmc de Staël et lui [= B. Constant] sont le père et la mère du libéralisme
politique (THIBAUDET, Hist. de la litt.fr. de 1789 à nos jours, p. 57).
Sur le problème de l'accord, voir § 428.
tour [dit un menuisier] (A. DAUDET, C. du lundi, p. 67). — Vial, accoté car dia q u e, T O U S LES DEUX PIC I I O N , . . . T O U S LES TR O I S
• Objets directs : J ' espérais refermer le passage, ET que les bleus, quand ils
entreraient, ne trouveraient plus personne, et n 'y comprendraient rien
(HUGO, Quatrevingt-tr,, IV, IV, 12). — Prouve-moi tes talents, dit-elle,
ET que je ne me suis pas trompée (MLCHELET, Oiseau, p. 249). — Elle
aimait les voyages, le bruit du vent dans les bois, ET à se promener tête nue
sous la pluie (FLAUB., Êduc., II, 2). — Elle m'a aidé à vivre, à sentir que
je suis ET ce que je suis (BAUDEL., Pet. poèmes enpr., XXXV). — Il sen-
tait non pas le remords, mais la méfiance, ET qu ' une dissimulation si
facile pouvait cacher un piège, n ' était peut-être qu ' une trêve (BERNANOS,
Imposture, p. 199). — Je veux bien mourir, MAIS pas qu 'ils me
touchent ! (ANOUILH, Antigone, p. 60.) — Il avait cru s' être empoi-
sonné ET qu 'il allait mourir (VAILLAND, Drôle de jeu, III, 1). — Au
collège N..., les prêtres [...] semblent [...] craindre le silence ET de se
retrouver seuls avec eux-mêmes (G. FRIEDMANN, La puissance et la
sagesse, p. 201). — N 'attendez donc pas de lui des discours qui bannis-
sent les emprunts à l'anglais, NI qu 'il prenne part au combat pour la pro-
motion du français (HAGÈGE, Le fr. et les siècles, p. 11). — Coordin.
d'un discours direct et d'un discours indirect : ex. de FLAUB. au § 415.
• Autres cas : Aussi Fabrice passait-il toutes ses journées à la chasse OU à courir
le lac sur une barque (STENDHAL, Chartr., I). — Je m' étonnai de trouver
tout si dissemblable, ET qu ' une seule influence eût pu changer la physionomie
des choses (FROMENTIN, Domin., VI). — Je ne manquerai pas à mes devoirs
de catholique, NI de faire ce qui est écrit dans mon règlement (E. DE GONC.,
Chérie, XI). — Alain se souvenait du souffle accéléré de Camille ET qu ' elle
avait fait preuve d' une chaude docilité (COLETTE, Chatte, p. 55). — Iljouait
avec ses deux enfants au loup, à la flèche, aux osselets, OU à les soulever l' un
après l'autre au-dessus de sa tête (AYMÉ, Maison basse, p. 207). — Etc.
N. B. Dans les coordinations qui viennent d'être décrites, l'élément le plus court
est généralement en tête, et c'est le cas, habituellement, pour l'adjectif et le
syntagme nominal par rapport aux autres éléments, et pour l'infinitif par
rapport à la proposition. Cet ordre n'est pas respecté si l'auteur veut met-
tre en évidence un des éléments ou reproduire la succession des faits :
Son érudition se bornait à savoir qu 'il fait chaud en été, froid en hiver, ET le
prix des grains au dernier marché (MUSSET, Nouvelles, Margot, II). — Ils
apprirent comment on clarifie le sucre, ET les différentes sortes de cuite
(FLAUB., Bouv. et Péc., p. 112). — A peine entendions-nous remuer la paille
des étables OU le souffle haletant des chiens sous les portes (A. DAUDET, C. du
lundi, Alsace ! Alsace !). — Ilfut heureux de ce qu ' elle était faible ET de se sen-
tir assezfort pour la défendre (FLAUB., Êduc., III, 1). — Il aurait voulu qu ' elle
ne vint pas, que personne ne vint, ET rester là, seul, toute la nuit, rêvant à son
amour, comme on veille près d' un mort (MAUPASS., Notre cœur, II, 7). — Je
voudrais que le mur soit transparent, ET suivre, autrement que par bribes, cette
cérémonie si savante, qu ' on dirait liée à des croyances primitives (BUTOR, Pas-
sage de Milan, p. 96). — Pour se faire valoir, OU par une imitation naïve de
cette mélancolie qui provoquait la sienne (FLAUB., M"" Bov., III, 1). — Il
s'irrita de ne pouvoir placer un mot, ET de la façon, quoique flatteuse, dont
Anne lui coupait la parole (RADIGUET, Bal du comte d' Orgel, p. 63).
j Divers cas d'asymétrie.
D e s grammairiens obsédés par la symétrie ont multiplié les exi-
gences. V o i c i des cas où la coordination ne fait aucune difficulté.
a) Phrases dont les verbes sont à des modes différents :
CONSERVONS-K dit Sénécal, mais qu 'ils SOIENT CONFÉRÉS par 1e suffrage uni-
versel (FLAUB., Édue., III, 1). — Il VOULAIT faire entendre qu 'il était [...]«« ami des
enfants, mais le petit Lorrain de RÉPONDRE [...] (BARRÉS, CoL Baudocke, Pion,
p. 50). — Tu me VOUDRAIS là, mais comment FAIRE ! (A. DAUDET, Immortel, VII.)
b) Phrases d'espèces différentes :
Veillez donc, CAR vous ne savez ni le jour, ni l'heure (Bible de Jérus., Matth.,
XXV, 13). — Souffrir et remuer la souffrance en soi et dans les autres a pour elle
de la vertu, CAR n ' est-ce pas par ce mauvais chemin que l' on va vers une
purification ? (JOUVE, Hécate, F°, p. 10.) — Qu ' Hélène nous soit rendue dans
l'heure même. Ou c ' est la guerre (GIRAUDOUX, La guerre de Troie n 'aura pas
lieu, II, 11). — J e passerai l'inspection régulièrement, ET gare à vous si je trouve
une toile d'araignée ! (H. BAZIN, Vipère au poing, VI.) — Je pense qu 'il s'agit
d'hallucinations ET que peut faire un malheureux chrétien contre les hallucinations
du diable ? (GREEN, Journal, 28 déc. 1966.) — Un regard à peine, ET nous reve-
nons, les yeux pleins d' une belle vision 0. RENARD, Journal, 22 août 1902).
c) Propositions dont les verbes sont à des modes différents.
1° Dans la proposition conditionnelle, cela est tout ce qu'il y a de
plus classique :
Si le film INTÉRESSE et qu ' on le SUIVE avec attention, on n ' entend pas la
musique (Ét. GlLSON, Société de masse et sa culture, p. 62). Cf. § 1157. | i | O I I % ! L REMARQUE
2° Après des verbes déclaratifs, il arrive, dans la langue parlée (cf. Dans l'ex. suivant, qui ressortit à une syntaxe
plus populaire, la seconde proposition n'est
Remacle, t. III, pp. 187-188) et dans la langue écrite, que l'on coor- pas introduite par une conjonction de subor-
donne une proposition à l'indicatif et une proposition au subjonctif dination et est mise au conditionnel : Si vo us
(la première équivalant à une phrase énonciative et la seconde à une AVIEZ EU d e u x nez, e t je vo us en AUR AIS A R R A C H É
injonctive ; comp. ci-dessus, h, pour les phrases) : u n... co m bie n vo us e n rest erait - il m ain t e n a n t ?
(IONESCO, Leço n, p. 70.)
Donne de notre part six piastres à ce drôle. / [...] Et dis-lui [...] / Qu 'il les
BOIVE bien vite et qu 'il en AURA d'autres (HUGO, Ruy Blas, IV, 3). — Madame
de Chaverny rassembla toutes ses forces pour dire d' un air naturel à sa femme de
chambre qu ' elle «'AVAIT pas besoin d' elle, et qu ' elle la LAISSÂT seule (MÉRIMÉE,
Double méprise, XIV). — J 'ai répondu que C'EST incommode, en effet, mais que je
n 'ÉTAISpas dans le secret [...] et qu 'il VOULÛT bien s'adresser à qui-de-droit (BLLLY,
dans le Figaro litt., 29 déc. 1966). — Elle s'assit [...] pour écrire [...]«« billet aver-
tissant qu ' elle ALLAIT faire une randonnée en moto et qu ' on ne ('ATTENDIT pour
déjeuner ni pour dîner (PIEYRE DE MANDIARGUES, Motocyclette, F°, p. 39). H AUTRE E XE M P L E .
APOLLIN., Ench a n t e ur p o urrissa n t, p. 55 (l'a ute ur
3° Après sembler que, qui admet les deux modes, ceux-ci sont parfois
suit e x acte m e nt, sur c e point, un te xte du
réunis, pour distinguer des degrés dans la vraisemblance ou pour X VI e s. : cf. M. -J. D urry, G uilla u m e A p ollin aire,
d'autres raisons : Alco ols, 1.1, p. 3 0 3).
Il semblait que cette masse ÉTAIT DEVENUE monstre et n ' EÛT qu ' une âme
(HUGO, Misér., II, 1,9). — J amais je ne saurai dire combien ma grand'mère était
vieille. [...] Il semblait qu ' elle «'EÛT jamais ÉTÉ jeune, qu ' elle ne POUVAIT pas
l'avoir été (GIDE, Si le grain ne meurt, I, 2). — Il semble bien [...] que dans ces
jours-là, [...] le siècle, la nation se BRISÈRENT et qu 'ils SOIENT à l' origine de nos
malheurs (GuÉHENNO, cit. Antoine, p. 504). ffl E S I E U S RE M A R Q UE .
Les articles suivants signalent e n co r e d'autres
d) Phrases ou propositions ayant des verbes à des temps différents : cas : L. C. H ar m er, La varié t é gra m m a ticale e n
Un homme qui FUT mon guide dans les lettres, et de qui l'amitié A ÉTÉ un des hon- fra nçais, d ans Méla n g es P. Im bs, p p. 343 - 362 ;
neurs comme une des consolations de ma vie (CHAT., Mém., I, XI, 4). — NOMS A . Lorian, L'a tt ela g e m o d al, d ans H o m m a g es à
1 . Po hl, p p. 131 - 144.
AVONS QUITTÉ le pays depuis bientôt quinze ans et nous n 'y REVIENDRONS certaine-
ment jamais (ALAIN-FOURNIER, Gr. Meaulnes, 1,1). — Ac. citée dans/ci-dessous.
e) Compléments adverbiaux concernant des domaines sémantiques
différents :
Sous ton domino noir, ET d' un pied clandestin, / Vas-tu [...] / Baiser
d'Endymion les grâces surannées ? (BAUDEL., Fl. du m., Lune offensée.) — Ce
personnage [...] agenouillé dans la boue, au même lieu, à la même heure ET pour
la même raison durant tant d'années (MALRAUX, Antimémoires, p. 27).
f) Syntagmes prépositionnels introduits par des prépositions diffé-
rentes, propositions introduites par des conjonctions ou pronoms
relatifs différents, etc. :
Au printemps ET en été. J 'irai à Paris OU en Suisse. — Sorte de bureau ou de
table longue et étroite sur laquelle le marchand comptait autrefois l'argent ET où
maintenant le vendeur étale sa marchandise (Ac. 1932, s. v. comptoir). — John
Mangles ne savait plus comment évoluer, dans quelle direction fuir (VERNE,
Enfants du capit. Grant, III, 16).
Chandelier, III, 4). — Il est préférable d'éviter la construction car ... et que, qui § 1079, a, 3°.
Est - ce q u e... e t q u e... ? C f . § 3 9 7 , H i.
est critiquée par les grammairiens : voir, notamment, R. Georgin. On ne peut
pourtant pas la considérer comme d'origine populaire, car appartenant surtout 0 E U AUTRES EXEMPLES
à la langue écrite. cit. Le Bidois, t. II, p. 754; JAIOUX, LA
KESSEI,
D'habitude, si la sous-phrase commençant par car a besoin d'avoir une sous- VARENDE, |.-J. GAUTIER, M. PONS, cit. R. Georgin,
Prose d'a u jo ur d'h ui, p . 1 0 1 , e t Po ur u n m eille ur
phrase coordonnée, celle-ci est jointe à l'autre sans mot de liaison particulier ou
fr., pp. 151-152.
par et, ni, ou : Carj'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais (BAUDEL,, Fl. du m., A une
passante). — Car il croyait V [= vertueux] avoir été, OU plutôt il aurait voulu se le
faire accroire (FLAUB., Educ., II, 2). — Car NI l'Allemagne ne triomphera de nous,
NI nous ne triompherons de l'Allemagne (GIDE, Journal, 3 mai 1917). — On peut
aussi répéter car (sans autre conjonction) : Grenade est seule aujourd'hui, CAR les
autres villes du royaume sont déjà perdues, CAR les musulmans des autres contrées
restent sourds à nos appels (MAALOUF, Léon l'Africain, p. 54). Q 3 K O I E U REMAR QUE.
Georgin (Je u x d e m o ts, p. 91) a relevé q u e
d) Eléments paraissant coordonnés au mot auquel ils sont subordonnés. comme substitut de t a n t, qui marque aussi la
1° Cela est dû à la place des mots corrélatifs coordonnants. cause : "J'a urais volo n tiers surn o m m é ce tt e
Tantôt je portais mes regards amont, sur le rivage ; tantôt AVAL, sur l'île qui fe m m e [...] la rein e d es m o uch es vert es [...] TANT
partageait les eaux (CHAT., Mém., I, VII, 8). — Tantôt elle souffrait au cœur, s a p rése nce m'h orripilait ET QUE t o u t se flé trissait
d a ns so n silla g e (CENDRARS, T ro p , c'est tro p).
puis DANS LA POITRINE, DANS LE CERVEAU, DANS LES MEMBRES (FLAUB.,
Mmc Bov., II, 13). — J 'aim e le son du Cor [...] / Soit qu 'il chante les pleurs de la
biche aux abois, / Ou L'ADIEU DU CHASSEUR (VIGNY, Poèmes ant. et mod.,
Cor). E Q — Tomber dans ce défaut de proportion est non seulement une faute I HIST ORIQUE.
contre l'art, [...] mais CONTRE LA MÉTHODE (BRUNOT, Hist., 1.1, p. XIX). — Ex. de SÉV. § 1093, H3.
Voir aussi § 975, e et l'ex. de HUGO au § 759.
E H I E S J HIST ORIQUE. En réalité, on a, dans le second terme, l'ellipse des éléments communs aux
Les faits décrits dans d , 2° sont anciens dans la deux termes : ...tantôt JE PORTAIS MES REGARDS aval... ; etc. — Il est préfé-
langue; voir Tobler-Lommatzsch, III, 1511, qui rable de placer ces mots corrélatifs devant les termes effectivement
ci t e n t n o t a m m e n t : }e ai e n fa ns, ET d e gra n t p ris coordonnés : . . . tantôt amont... tantôt aval...
Re p e n t és vo us, ET tost (GILLES LI M U I S I S ) .
(Re n art).
Ils étaient connus au XVIIe s. On a souvent imité Autres cas. fJËl
(voir dans ce 2° l'ex. de Mauriac) la phrase célè- Par rapport à un nom : Vous n ' êtes plus qu ' un homme aujourd'hui, ET com-
bre qui ouvre les C aract ères de LA BR. : * Tout est bien laid ! (GHELDERODE, Théâtre, 1943, p. 66.) — La Casamance est un fleuve-
dit, e t l'o n vie n t tro p t ar d d e p uis plus de se p t
lac, un Niagara, ET tout bordé de courtes vagues marines (MALRAUX, Antimémoi-
m ille a ns q u'il y a d es h o m m es, ET q ui p e nse n t.
On explique parfois cet ex. par la prononciation res, p. 76). — Certains esprits, ET même qui admettent la réalité de l' évolution orga-
[ki] de q u'ils, mais cela ne s'impose pas. nique, voient dans l' espèce humaine un chef-d' œuvre prémédité et de longue haleine
En anc. fr., on trouve des coordinations qui nous 0. ROSTAND, Pens. d' un biol., p. 87). — Il y a toujours eu des querelles des
paraissent particulièrement hardies, comme : La Anciens et des Modernes, des Classiques et des Romantiques depuis qu 'il y a des
p uchielle e n o n t aresnie, / ET q ui a u cu er e n fu mout hommes, ET qui peignent, chantent ou écrivent (MAURIAC, dans le Figaro litt.,
lie (So n e d e N a nsai, cit. T o b l e r - Lo m m a t z sc h) [= Ils
24 déc. 1960). — En haut sur le pont, au frais, il y a les maîtres ET qui ne s' en font
ont adressé la parole à la jeune fille, et q ui en fut
très joyeuse dans son cœur]. — Comp. pourtant pas (CÉLINE, Voy. au bout de la nuit, F°, p. 18). — Desfloconsde neige, MAIS qui
c e t e x . d e FLAUB. : °Il s avaie n t fait trois p as d e h ors, brillaient d' un feu éblouissant et qui brûlaient comme des bouffées de vapeur, pas-
q u a n d u n p elo t o n d e g ar d es m u nicip a u x e n ca p o - saient devant ses yeux (PIEYRE DE MANDIARGUES, Motocyclette, F°, p. 100). £ 3
t es s'ava nça vers e u x , ET q ui, re tira n t le urs b o n n e ts
Par rapport à un verbe : Il aime les femmes distantes, MAIS de près
d e p olice, e t d éco uvra n t à la f ois le urs crâ n es u n
p e u ch a uves, salu ère n t le p e u ple très b as (Éd uc., III,
(GIRAUDOUX, Guerre de Troie, 1,4). — J 'ai demandé, MAIS si bas qu 'ils n ' ont pas
1 ). La conjonction paraît tout à fait superflue. entendu : « Et le bonheur ? » (DUHAMEL, Les plaisirs et les jeux, VI, 16.) — Il va
humilierJulien, ET par ma faute ! (STENDHAL, Rouge, I, 7.) — Il marchait cepen-
REMAR QUE dant, MAIS sans rien voir, au hasard (FLAUB., Educ., II, 3). — Le Tancrède de
Dans l'ex. suivant, l'épithète détachée se rapporte M. Léon-Paul Fargue a paru cette année, ET en cachette de l' écrivain (APOLLIN.,
à u n s u j e t i m p lici t e : Lors m ê m e q u'o n n'est p as t e
Anecdotiques, 16 juillet 1911). — Mais voilà-t-ypas que [...] un régiment se met
ch ê n e o u le tille ul, / N e p as m o n t er bie n h a u t,
p e u t - ê tre, MAIS t o u t se ul ! (E. ROSTAND, C yr., IL, 8 . )
à passer, ET avec le colonel par-devant sur son cheval (CÉLINE, Voy. au bout de la
nuit, F°, p. 18). — Depuis lors se tenait à l' ombre, MAIS s' exaltant déplus en plus
• E I & L REMAR QUE
(FLAUB., Educ., II, 4). — J 'irai vous voir, MAIS quand il fera beau. — Autres ex.
Cela ne se fait pas, normalement, pour les com-
pléments essentiels du verbe : voir § 276, a, N. B. au § 391, e.
Par rapport à un adjectif : Je m' en suis rendue malade, OU presque (BEAU-
VOIR, Belles images, F°, p. 30).
Le phénomène est particulièrement fréquent quand l'élément
coordonné est la négation de l'élément auquel il est rattaché :
Romanesque OU non, elle était le soir consternée (A. DAUDET, Sapho, VIII). —
Civile OU pas, mon œuvre prétend ne concurrencer rien (GIDE, Faux-monn., p. 237).
— Le capitaine Sturtmeyer devait se moquer que sa cause fût juste OU pas 0. ROY,
Métier des armes, p. 243). — Le charretier avait été tué, MAIS pas exprès (HUGO,
Quatrevingt-tr., III, IV, 4). — On peut ensuite agir, OU non, mais en connaissance de
cause (CAMUS, Eté, p. 54). — Stupide,je sais que je le suis, MAIS pas quand je parle
de lui (DURAS, Petits chevaux de Tarquinia, p. 35). — Autres ex. § 1030, b, 1°.
Dans ces constructions, qui existent aussi dans la langue parlée
(notamment dans les dialectes : voir par ex. Remacle, t. III, p. 15), on
a un phénomène d'ellipse.
Au lieu d'écrire : L ' économie n ' est qu ' une partie, et une partie subalterne, de
la politique (Chr. PERROUX, dans la Pensée nationale, n° 11, 1976, p. 61), on
peut écrire, comme dans les ex. cités plus haut : L ' économie n ' est qu ' une partie,
et subalterne, de la politique, en supprimant les termes identiques (cf. §§ 218, b,
et 269), qui sont justement les mots auxquels les éléments conservés sont
subordonnés. Cette suppression met d'autant mieux en évidence l'élément
E £ S E S I REMAR QUE.
coordonné. Si on rétablit la phrase dans son intégralité, la coordination se fait,
Car introduit normalement une phrase (ou une selon la règle générale, entre éléments de même fonction (et de même nature).
sous-phrase). Un usage un peu aventureux le
fait suivre d'un adjectif ou d'un participe : Dans les formules réduites, l'épithète peut être précédée d'un mot, article
A die u beau x ye u x , quand même inviolés, CAR
ou préposition, qui est demandé par le nom implicite : La lutte s' engage. J 'ai des
in a p p rivoisa bles d'O p h élie I (LAFORGUE, Moralit és alliés, heureusement, et DE bons (DUHAMEL, Les plaisirs et les jeux, V, 2). —
lé g e n d aires, cit. Damourette-Pichon, § 3156.) — C' est la main d' un homme et D ' un vrai (ID., Œuvre des athlètes, III, 7).
A p ein e p o è m es CAR tro p p e u articulés, ces b re fs Dans la langue tout à fait générale, Un litre et demi, Départ et d'autre, sont
t e x t es [...] (M. LEIRIS, La n g a g e t a n g a g e, p. 1 3 5).
des restes de l'époque où demi et autre pouvaient se construire sans détermi-
Cette construction n'est pas due à l'influence de
m ais, o u, e t ; c'est un autre cas (cf. b, 2°) où car nant (§ 585). EÈI
a subi l'analogie avec p arce q u e, pour lequel e) Pronom coordonné à une phrase.
cette façon de s'exprimer est tout à fait 1° Ce, ceci | £ J , cela, ça sont régulièrement coordonnés à une phrase
courante : § 1133, b .
qu'ils sont justement chargés de représenter, — soit pour que puisse s'y
• 3 9 E £ i l REMARQUE ajouter une précision supplémentaire, éventuellement mise ainsi en évi-
C eci ne renvoie pas, dans ce cas, à qq. ch. qui va
suivre, mais à qq. ch. qui précède immédiate- dence, — soit pour montrer que la précision concerne la fin de la phrase
ment. Cf. § 697, b , 2°. et non la phrase entière, ou l'inverse dans le cas de la formule tout cela.
Il nous fallait utiliser les water-closets de la tourelle de droite, eontigus à la
chambre des maîtres. ET CE, en pleine nuit, à la lueur d' une lampe Pigeon
(H. BAZIN, Vipère au poing, VII). — Les Allemands comme les Français avaient
considéré comme irréalisable l'idée de fabriquer en quelques années une bombe ato-
mique et y avaient renoncé, ET CECI non par des scrupules moraux, comme on a
depuis parfois cherché à le faire croire (B. GOLDSCHMIDT, cit. Trésor, t. 5,
p. 345). — Avec quelle joie Henriette se prêtait à me laisser jouer le rôle de son
mari, à me laisser occuper sa place à table, à m envoyer parler au garde ; ET TOUT
CELA dans une complète innocence (BALZAC, Lys dans la v., p. 202).
Sans conjonction de coordination : En plusieurs fois, sans le vouloir, elle lui
apprit des détails sur elle-même. Elle avait été « demoiselle dans un magasin »,
avait fait un voyage en Angleterre, commencé des études pour être actrice ; TOUT
CELA sans transitions, et il ne pouvait reconstruire un ensemble (FLAUB., Êduc.,
III, 1). — J e n ' usais de mes médailles que pour rester en poste dans cette ville. CE,
pour la petite histoire, qui n 'a apparemment rien à voir avec le fait et le sentiment
de ce jour (Y. NAVARRE, Portrait de Julien devant la fenêtre, p. 11).
2° Dans le langage familier, et tout et divers équivalents, souvent dif-
ficiles à classer (et cetera, et patati et patata), certains étant plus nette-
ment nominaux (et le reste), se joignent, non seulement à des noms,
mais aussi à des syntagmes prépositionnels, à des adjectifs, et même à
des verbes, à des propositions, pour tenir lieu d'une énumération que
l'on estime superflue ou même de la suite d'une phrase que l'on juge à
propos d'interrompre. Voir § 221, a.
Coordination et économie.
Quand, dans les termes coordonnés, il y a des éléments identi-
ques, la tendance naturelle est de ne pas répéter ces éléments communs.
Par ex., J ' enlace et je berce son âme (BAUDEL., Fl. du m., Pipe) est pour J ' enlace
SON ÂME etje berce son âme. — Philippe revient des champs, et le Paul, sonftls, du chemin
de fer 0. RENARD, Journal, 2 sept. 1902) est pour... et le Paul, sonfds, REVIENT du
chemin de fer. — Cf. § 218, surtout b.
On doit faire à ce sujet certaines observations.
a) On peut presque toujours répéter les éléments communs, si l'on
veut ou insister ou éviter une ambiguïté (cf. § 218, R l), cette reprise
étant surtout fréquente dans les coordinations implicites.
Il marcha trente jours, IL MARCHA trente nuits (HUGO, Lég., II, 2). — Votre
monde est superbe, et votre homme EST parfait (MUSSET, Poés. nouv., Rolla, IV).
— Un critique, qui mériterait absolument ce nom, ne devrait être qu ' un analyste
sans tendances, SANS préférences, SANS passions (MAUPASS., Pierre et Jean, Préf.).
— Le IIIe corps et le Xe CORPS vont se heurter à l'armée française (DE GAULLE,
Discorde chez l' ennemi, p. 20). — L 'auto avait traversé la ville, TRAVERSÉ le fleuve
et gagné la rive gauche (DUHAMEL, Cri des profondeurs, p. 110). Q m m t m REMARQUE
b) Il y a des cas où la suppression est moins courante qu'elle ne l'a été U n e autre possibilité, dans certains cas, est d e
re pre n dre l'élé m e nt co m m u n par un pro n o m o u
dans le passé. C'est le cas surtout de mots très courts à fonction plus par un autre substitut (voir § 220) : La rive allait se
grammaticale que sémantique. co ur b a n t e t EI I E é t ait b or d é e de toute une ra n g é e
Les déterminants : § 576. Les pronoms personnels conjoints sujets (spé- d e h a u ts p e u pliers d roits (RAMLJZ, Vie d e Sa m u el
Bele t, I, 3 ) . — V o us n e vo ule z p as, m ais m oi si.
cialement il impersonnel) ou compléments : §§ 669 et 674. Les pronoms
relatifs : § 711. On : § 754, c. Les adverbes de degré : § 986, d. Les prépositions
à, de, en : § 1043, a. Les conjonctions que et si (de l'interrogation indirecte) :
§ 1078, b, 1°. Voir aussi § 1013, H1 (ne).
c) Lorsque l'élément commun à deux syntagmes (ou plus) coordon-
nés est l'élément final des syntagmes complets, il est exprimé d'habi-
tude dans le dernier syntagme :
Je lis et je parle L'ANGLAIS .Je suis et je serai toujours DÉMOCRATE. La porte
et les fenêtres DE LA MAISON. J E prendrai la ou les PLACES RESTANTES. — C' est
le monde libre qui [...] dictera la paix, avec ou sans LA GUERRE (DE GAULLE,
Disc, et messages, 10 juillet 1950).
Cependant peuvent être exprimés avec le premier syntagme :
• Le régime d'une préposition susceptible d'être employée sans régime
(§ 1040) : Pendant LE REPAS ou après, aussi bien que : Pendant ou
après LE REP A S. — [Mais : De et à P A R I S , et non : *De P A R I S et À.]
• La proposition d'interrogation indirecte introduite par un interroga-
tif susceptible d'être employé seul (§ 1160, N. B.) : Il m'a demandé où
J'IRAIS et avec qui, ou : ...et quand, aussi bien que : ...où et avec qui
J'IRAIS, où et quand J'IRAIS.
• Le nom précédé d'un déterminant numéral : Un JOUR ou deux, aussi
bien que : Un ou deux JOURS. (Remarquez le changement de nom-
bre.) — Pour cent FRANCS et quelques ou ... et des, voir § 218, R3.
• Le nom précédé d'une épithète et d'un déterminant : L 'ancien TESTA-
MENT et le nouveau, aussi bien que : L 'ancien et le nouveau TESTAMENT.
Lorsque l'élément commun n'est pas l'élément final du syntagme,
il est exprimé dans le premier syntagme :
JE LE crois et espère (cf. b). APRÈS ma sœur et monfrère.Paule EST veuve etJeanne
célibataire. Il n 'A ni tué ni volé. LE ROI règne et ne gouverne pas. NOS parents et amis.
L ' esprit qui l'anime [,..]fera triompher le pays AUX CÔTÉS et sur LE MÊME U N « T O » HISTORIQUE
RANG que ses vaillants et chers alliés (DE GAULLE, Disc, et messages, 6 juin 1943). U n co m plé m e n t pouvait autrefois être co m m un
— Le maître d'hôtel [...] n 'aurait pas OSÉ [...] et N'AURAIT même PAS EU ASSEZ à d es verb es d e constructions différentes : *Les
vers q ui o n t é t é inve n t és à T h è b es bie n d u t e m ps
D'IMAGINATION pour prédire une guerre longue et indécise (PROUST, Rech., t. III, a p rès, c'est - à - dire les vers lyriq u es, ACCOMPAGNENT,
p. 748). — J 'app e ll e r ai [...] hypothèse scientifique, toute proposition [...] non o u ré p o n d e n t à la flû t e (RAC., t. V I , p . 4 6 ) . — La
démentie par le savoir scientifique, mais non (encore) INCLUE [sic] ou exclue DE CE dig nit é d e l'h o m m e co nsist oit d a ns so n in n oce nce
SAVOIR (J. FOURASTIÉ, Ce que je crois, p. 1 9 ) . — Autres ex. : §§ 1 0 4 2 ; 746, N. B. a USER e t d o m in er SUR les cre a t ures (PASC., Pe ns.,
p . 1 2 5 ) . — + L e b o n a b b é a p e nsé p érir e n AI I.ANT e t
En particulier, °entrer et sortir de est un tour fréquent : [...] pour recevoir reve n a n t DE la T ro usse (SÉv., 1 ER m a i 1 6 8 0 ) . — * C e t
ceux qui ENTRENT et ceux qui sortent DE CE ROYAUME des douleurs (CHAT., esp rit in q uie t e t i m m o n d e, q ui SORT e t re n tre DANS
Génie, IV, I, 8). — On le voyait au passage ENTRER ou sortir DE SON CABINET l'h o m m e d'o ù il est sorti (MASSILION, cit. Littré). —
(PAGNOL, Temps des secrets, p. 360). 0 3 Va u g elas e xige pourtant (p p. 79-81 et 585) q u e
« les deu x verb es ayent m esm e regim e », mais en
4° Le mot non répété a une forme orale unique, mais deux formes reconnaissant : « II y a fort p e u [d e te m ps] q u e
écrites distinctes (ce qui est particulièrement critiquable) : l'o n co m m e n ce à practiq uer cette reigle ».
"Il ironisait sur des chefs [= cuisiniers] du pays qui ont ou vont ŒUVRER en
E 9 B U AUTRES EXEMPLES
Helvétie et servir là-bas un feuilleté de homard sauce papale et des filets de mérou .'.'.'
STENDHAL, C orresp ., t. VIII, p. 1 5 9 ; SAND, C or -
(LA REYNIÈRE, dans le Monde, 23 août 1975.) resp ., t. I V , p . 8 4 0 ; DORGEIÈS, Réveil d es m orts,
5° Le mot à suppléer n'a pas été exprimé (ce qui est vraiment peu p. 42 ; MAURIAC, d ans le Fig aro litt., 4 avril 1959 ;
MALLET-JORIS, Re m p art d es Bé g uin es, p. 6 8 ; etc.
recommandable) :
°N ' empêche que le Voyage [de Céline] est le premier livre important où l' usage du
français parlé ne soit pas limité au dialogue, mais aussi au narré (QUENEAU, Bâtons,
chiffres et lettres, Id., p. 55) [= ... mais soit utilisé aussi dans le narré]. — "Cet ancien
ministre que nul ne vit jamais à la prière du vendredi, et bien rarement à celle du diman-
che (G. PERRAULT, Notre ami le roi, p. 362) [= ...et qu'on vit bien rarement...].—
Cest souvent le passage du négatif au positif qui entraîne ces incohérences.
LÏÏL M HISTORIQUE
La coordination différée (nota m m ent des sujets)
BZ3 Coordination différée. était co ura nte dans l'a ncie n n e langue jusq u'à la
fin d u X VIII e s. C'est alors q u'o n a co m m e ncé à
D a n s la coordination différée, les éléments coordonnés, au lieu critiquer cette construction : voir Brunot, Hist,
de se suivre immédiatement c o m m e c'est l'usage ordinaire, sont sépa- t. VI, p. 1959.
Le sujet ainsi postposé n'était pas nécessaire m ent
rés par d'autres termes étrangers à la coordination, introduit par une co njo nctio n : L'e m p ere ur est
a) Cette séparation est déterminée généralement par le mouvement m ort, D o o n d e N a n t u elh, N al m e e t t o us les a ultre z
p rinces (JEAN D'OUTREMEUSE, é d . G., p . 3 7 ) . — *So n
même de la pensée : l'élément postposé est une addition après coup, d evoir m'a tra hi, m o n m alh e ur e t so n p ère (CORN.,
une précision supplémentaire, et cela se produit dans la langue parlée Pol., II, 1 ). — + Presq u e t o us les jo urs, les e n fa n ts d e
Fra nce dîn aie n t ch e z le m aréch al de Bo u fflers,
(comp. Remacle, t. III, p. 16) comme dans la langue écrite. Celle-ci q u elq u e f ois M m e la d uch esse d e Bo urg o g n e, les
peut, en outre, avoir le souci de mettre en évidence l'élément postposé Princesses e t les d a m es (S.-SIMON, Pl., 1.1, p . 5 5 3 ) .
ou le souci d'équilibrer les membres de phrase, quand l'élément post- — C ela est d eve n u fort rare par la suite : M. d es
A uln ays t âch a d e l'a d o ucir, le co usin Jose p h, le
posé est beaucoup plus long que l'autre. I l i l p réce p t e ur, F orch a m b e a u x lui - m ê m e (FLAUB,
La pluie venait les interrompre, OU une connaissance qui passait (FLAUB., Éd uc., II, 4 ). — Le lit d e ch ê n e é t ait là, l'ar m oire à
MMC Bov., 1,1). — Mais unefatigue l' envahissait, ET une impuissance de se tromper glace, le lava b o (PLISMIER, Me urtres, 1.1, p . 8 6 ).
et de le tromper plus longtemps (MAUPASS., Notre cœur, II, 6). — Bernard s'atten-
drit, ET Blum, ET Coolus, ET ses anciens amis 0. RENARD, Journal, 3 déc. 1902).
— Dans ces points de rencontre du génie latin et du génie germanique, les légendes
fourmillent, ET la sorcellerie (BARRÉS, Maîtres, p. 260). — Un bon déjeuner /' [= la
mort] a précédée, ET la même sortie que font les gens bien portants (PROUST, Rech.,
t. II, p. 315). — Mais la logique le veut, ET la nécessité (BAINVILLE, NapoL,
p. 315). — La nuit lui donnait du courage, ET de ne pas le regarder (MONTHERL.,
Jeunes filles, p. 85). — Enfin !... Puisque sa famille l'avait toujours appelée ainsi, ET
ses amies, ET tout le monde !... (SIMENON, Vérité sur Bébé Donge, p. 13.) — Gras
et jaune il était cet homme ET myope tant qu 'il pouvait (CÉLINE, Voy. au bout de la
nuit, F°, p. 243). — Les profondeurs varient, ET lesfilets,ET les proies (MALRAUX,
Antimémoires, p. 151). — Elle avait aussi de minuscules trous de nez, ma vipère,
ET une gueule étonnante (H. BAZIN, Vipère au poing, I). — Les enterrements ne
m'inquiétaient pas NI les tombes (SARTRE, Mots, p. 77). — Que les soirées me sem-
blaient longues, ET les dimanches I (BEAUVOIR, Mém. d' une jeune fille rangée,
p. 224.) — Les cassolettes ne doivent pas coûter cher, NI les parfums qu ' on y chauffe
(ÉTIEMBLE, dans la Nouvelle revue fr., 1 er avril 1969, p. 523). — Les vertiges vont
M M E S S REMAR QUE
cesser ET cette envie de dormir (DURAS, Douleur, p. 39). [ 3 1
V oir aussi §§ 1085, b , 4° (ni), e t 444, a (accor d).
Pour cause « pour une bonne raison, souvent évidente » ne s'emploie
En effet, le sujet ainsi sé p aré n e p articip e pas à
l'accor d d u verb e, c o m m e le m ontrent les ex. qu'en coordination différée, avec la conjonction et (le Trésor y voit une locu-
ci - contre q u e cela co ncer n e. tion interjective) : Même dans les Contemplations, ajouta la duchesse, que ses
interlocuteurs n ' osèrent pas contredire ET POUR CAUSE, il y a encore de jolies cho-
1 3 9 E B 9 REMAR QUE ses (PROUST, Rech., t. II, pp. 4 9 3 - 4 9 4 ) . £ 9 — Ils se méfient, ET POUR CAUSE
D a ns l'ex. d e Proust, la virg ule atte n d u e d eva n t (GIDE, Voy. au Congo, 3 0 nov. 1 9 2 5 ) . C 9
et risquait d e brouiller les rap ports logiques.
La dislocation peut aussi être une de ces libertés que se permettent les
E U HIST O RIQ UE poètes : Tes ris sont maintenant ET tes pleurs superflus (MUSSET, Prem. poés.,
D é j à a u X V II e s. : Parler le p re m ier, HT P O U R Quand je t'aimais). — Un Manteau [...] / Non de Perles brodé, MAIS de toutes
CAUSE ( L A F., F., I, 7). M a is e t n'é t ait p as obli - mes Larmes ! (BAUDEL., Fl. du m., À une madone.)
g a t o ir e à c e t t e é p o q u e : Tiro ns - n o us u n p e u
En général, la langue courante préfère, soit utiliser une conjonction
plus loin, P O U R C A U S E ( M O L . , Bo urg., III, 6 ) .
de subordination comme ainsi que ou la préposition avec (cf. N. B.) — soit
transformer la partie postposée en sous-phrase averbale, par ex., lorsqu'il
s'agit d'un sujet, en rappelant le prédicat par aussi ou d'autres formules :
Les petites se mirent à rire et les vaches et le chien AUSSI (AYMÉ, Contes du
chat p., Vaches). — Les pyramides égyptiennes semblent chez elles ici ; et PLUS
ENCORE les perspectives géométriques de Monte Alban, les petits temples anguleux
de la place de la Lune (MALRAUX, Antimémoires, p. 68). — Dans ou bien, mais
bien, bien a souvent cette justification.
N. B. Qu'un syntagme introduit par avec soit parfois considéré comme une
annexe du sujet est montré par les faits suivants.
1) Le verbe se met parfois au pluriel quand le sujet est un nom singu-
lier suivi de avec et d'un autre nom : voir § 262, a.
2) Un verbe pronominal réciproque, lequel exige nécessairement plusieurs
agents, peut trouver ceux-ci, l'un sous la forme d'un sujet singulier, l'autre
sous la forme d'un syntagme nominal postposé introduit par avec : Ma let-
tre s' est croisée AVEC la vôtre (Ac. 1932-2001, s. v. croiser). Cf. § 778, N. B.
3) La construction Nous l'avons fait avec mon frère = ... mon frère et
moi, connue dans beaucoup de langues, consiste à expliciter après coup
(parfois, avant) un pronom sujet pluriel, en indiquant celui des agents
qui n'est pas déjà connu par le contexte. Ce tour spontané est venu de
la langue de tous les jours, mais il n'est pas si rare qu'on croirait dans
des écrits qui n'ont rien de populaire :
Nous sommes toujours bons amis AVEC monsieur Mouret, bien qu ' on le dise
furieux, depuis que je me suis intéressée à cette maison rivale (ZOLA, Bon-
heur des D., XIV). — Hier, AVEC Léon Daudet, nous nous demandions si,
de nos jours, un pamphlet avait quelque chance de réussir (J. RENARD, Jour-
nal, 18 déc. 1894). — Nous remontions l'avenue des Champs-Élysées
AVEC le docteur V... (A. DAUDET, C. du lundi, p. 38). — Nous marchons
côte à côte AVEC Norette, la main dans la main (P. ARÈNE, Chèvre d' or,
X X I X ) . — Nous avions, je l'ai dit, parlé de ce grave problème AVEC mon
ami Georges Rebière (DUHAMEL, Temps de la recherche, XI). — Elle
[= Thyde Monnier] a un tempérament de romancière ardent et juteux.
Nous en parlions AVEC André Billy, qui est de mon avis (R. KEMP, dans les
Nouv. litt., 20 déc. 1956). — Nous sommes déjà d'accord AVEC Solange
qu 'il n 'y aura pas de bagues dans notre affaire (MONTHERL., Démon du
bien, p. 107). — AVEC MARIE, nous nous sommes éloignés (CAMUS,
Etranger, 1,6). — C' est là que j'ai lu la Vie de Jésus, « sous l' œil des dieux »,
comme nous disions AVEC J.J. Frappa 0. POMMIER, Spectacle intérieur,
p. 336). — Nous ne nous quittions plus AVEC Fernand (VERCORS, Moi,
Arist. Briand, p. 35). — Moins souvent à la 3e personne : AVEC sa pre-
mière femme, ils battaient les enfants (DUHAMEL, Vue de la terre promise,
XVI). — Elle allait à Saint-Mouezy. [...] AVEC Madame Trévins, elles
allumaient un feu dans la cheminée (PEREC, Vie mode d' emploi, p. 132).
Je ne passerais d'ailleurs à Paris que pour mon plaisir, c ' est-à-dire que pour vous voir ET t o u t le g e nre h u m ain (PASCAL, Pe ns., p . 2 1 ) . —
* J'e usse p u le faire, e t m ê m e sa ns p éch er co n tre la
ET deux ou trois amis (LACORDAIRE, lettre, cit. Damourette-Pichon, § 3139). — discré tio n, n o n plus q u e d e sava n ts h o m m es ET très
Était-ce pour les trahir OU bien la République ? (FLAUB., SaL, II.) — Rachel l'avait com- C a t h oliq u es I...] q ui l'o n t fait a u tre f ois (ID., Prov.,
pris, ET que son amabilité condescendante donnerait [...] la réputation [...] (PROUST, X I) . — + C e u x q ui p asse n t le voie n t ET q u'il se m ble
Rech., t. IH, p. 1014). — Ce que j' en dis, ET de l'absence de liberté laissée à l'homme, t o u jo urs p re n d re u n p arti (LA BR., IL, 4 0 ) .
reste fort au-dessous de la vérité (GIDE, Ainsi soit-il, PL, p. 1212). — Biaise le savait L e t o u r En vostre a bse nce, ET d e Ma d a m e vostre
m ere n'était guère apprécié non plus par Vaugelas
peut-être ET qu ' elle n 'aspirait qu 'à ce refuge (MAURIAC, Pascal et sa sœur Jacqueline, (p p. 209-210). [C f. § 218, Hb.L
VI). — Elle le dit à Marcel ET qu ' on pouvait laisser la malle à l'hôtel (CAMUS, L ' exil et
le royaume, Pl., p. 1566). — Du triomphe [...] qui m' était offert ET à mes troupes à
chaque retour de nos campagnes (M. THIRY, Romans, nouvelles, contes, récits, p. 416).
Je rends ces lettres À VOUS ou à lui (VIGNY, Maréch. d'Ancre, III, 3). — J e
veux conserver la liberté de peindre sans flatterie et MOI et eux-mêmes (TOCQUE-
VILLE, cf. § 1085, a). — Elle pourrait en ce moment LUI téléphoner, À LUI ou à
quelque autre (A. BRETON, Nadja, p. 106). — Il est parti, LUI et son père. —Je
le déteste, LUI et ses théories. — Je le déteste, AINSI QUE ses théories. — Il est parti
AVEC son père. — Il est parti et son père AUSSI. — Ilfut troublé, et tout Jérusalem
AVEC LUI (Bible, trad. CRAMPON, Matth., II, 3).
Moi, je V [= le Rhône] aurais voulu encore plus large ET qu 'il fût appelé : la
mer ! (A. DAUDET, Petit Chose, II.) — Je la savais heureuse ET que ce bonheur
seul la rendait aveugle à mes peines (BOURGET, cit. Sandfeld, t. II, p. 22).
L ' on offrit à son avidité de savoir le plus vaste champ ET le plus varié qui pût tenter
la curiosité d' un jeune homme né pour la gloire (L. BERTRAND, cit. Blinkenberg,
Ordre des mots, t. II, p. 132). — Il y a de légers changements dans les mœurs ET que je
n 'aurais pas aperçus sans l'aide d' Harrow (CHARDONNE, Vivre à Madère, p. 21). —
Cétait une jolie robe, ET qui lui allait bien (SAGAN, Merveilleux nuages, L. P., p. 89).
— Cétaient [...] de jeunes artistes ET peu connus (SENGHOR, Ce que je crois, p. 221).
Ce cas est parfois difficile à distinguer de celui qui a été traité dans le § 268, d, 2°.
Coordination anticipée.
La coordination est anticipée quand une sous-phrase, au lieu de sui-
vre la phrase à laquelle elle est coordonnée, est insérée dans celle-ci, comme
sous-phrase incidente.
Nous avons perdu - ET c ' est peut-être un grand malheur - le sens de l'indignation
et du dégoût (MAURIAC, Roman, V). — J e regrette, MAIS je n 'y puis rien, que ceci passe
peut-être les limites de la crédibilité (A. BRETON, Nadja, p. 95).
Distinctions diverses.
a) D u point de vue sémantique, on distingue traditionnellement
quatre espèces principales.
1° La coordination copulative marque la simultanéité, l'addition :
Mon frère ET ma sœur sont absents. Deux ET deux font quatre. — Ni
mon frère N I ma sœur ne sont absents.
2° La coordination disjonctive marque un choix : Il veut être avocat
OU médecin.
3° La coordination adversative marque l'opposition : Elle est petite,
MAIS vigoureuse.
4° La coordination causale : Partons, CAR il se fait tard.
On ajoute la coordination consécutive : Je pense, DONC je suis ; — la coor-
dination transitive : Tout homme est mortel ; OR je suis un homme ; donc je suis
mortel ; — la coordination comparative : MOINS il travaille, PLUS i! est fatigué.
Ces distinctions logiques ne recouvrent pas tous les cas.
b) C as particuliers.
1° Le second des termes coordonnés, surtout par ou ou sans con-
jonction, peut parfois être considéré comme remplaçant le premier,
jugé insatisfaisant, trop faible par ex. Cela est montré par le fait que le
second terme seul intervient dans l'accord (§ 448, a) :
Dans son ménage, le malaise, même la mésentente sexuelle avec une femme
qui lui a déjà donné ses quatre enfants, EST une des causes de sa liaison [...] avec
[...] Juliette Drouet (THIBAUDET, Hist. de la litt.fr. de 1789 à nos jours, p. 147).
Certaines coordinations sont très proches de la redondance
(§ 373, a) : Pierrotte m' envoya un grand coup de coude et se mit à rire,
MAIS à rire... (A. DAUDET, Petit Chose, II, 9.) Cf. § 1089, b.
Sur la coordination pléonastique ( l e s us et coutumes), cf. § 15, e.
2° Le point de vue que nous avons adopté dans ce chapitre est fondé
sur la forme. Mais il faut reconnaître que certaines sous-phrases coor-
données ne sont pas de même niveau du point de vue logique, et que
l'une d'entre elles peut équivaloir à une proposition. Cf. § 263, b, 3°.
De même, par la figure littéraire appelée hendiadys, on coor-
donne deux noms, alors que l'expression normale ferait de l'un d'eux
un complément ou une épithète :
Comme un temple rempli de voix ET de prières (LAMART., Harm., I, 1)
[= de voix qui prient], — Voir d'autres ex. au § 448, b.
Un autre hendiadys consiste à coordonner deux impératifs, le second
tenant lieu d'un infinitif complément. Cela se produit surtout avec aller :
Mais ALLEZ, DITES à mes disciples, et spécialement à Pierre, qu 'il vous pré-
cède en Galilée (Bible, Marc, XVI, 7, trad. OSTY-TRINQUET). [Trad.
SEGOND : Mais ALLEZ DIRE...] — VA et FAIS un tour à la cuisine (E. BRIEUX,
cit. Sandfeld, t. III, p. 153).
LA SUBORDINATION
EB Définition.
Marie aime la pluie et le vent : pluie et vent sont des objets directs, et ils sont
coordonnés l'un à l'autre ; cela implique la possibilité de les intervertir sans que soient
changés la structure et le sens de la phrase : Marie aime le vent et la pluie.
S e c t i o n I
La struct ure d es p hrases si m ples. C o nstruc - Les compléments sont essentiels : 1) quand leur construction
tio ns in tra nsitives, G e n è v e - P., D r o z , 1 9 7 6 . —
(présence ou non d'une préposition, choix de la préposition)
W . BUSSE et J. - P. D U B O S T , Fra n z ôsisch es V er -
ble x ico n. D ie K o nstru k tio n d er V er b e n /m Fra n - dépend du verbe lui-même ; — 2) quand le verbe ne peut
z ôsisch e n, Stuttg art, Klett - C otta, 1 9 7 7 . - constituer sans eux le prédicat. EU
H. HAPP, T h é orie d e la vale nce e t e nseig n e m e n t
L e verbe résulter appelle un complément introduit par la préposition de :
d u fra nçais, d a n s l e Fr. m o d ., avril 19 78, p p. 9 7-
L 'accident résulte DE VOTRE IMPRÉVOYANCE ; on pourrait dire que la préposi-
134. — D. WILLEMS, Syn t a x e, le x iq u e e t sé m a n ti -
q u e. Les co nstructio ns ver b ales, G e n t , Rijksuni - tion se rattache au verbe et non au complément. L a suppression du complé-
versiteit, 19B1 . - J. POHL, Le « C . O . D . », d a n s m e n t rend la phrase agrammaticale : *L 'accident résulte.
Ro m an / ca g a n d e n si a , 1 9 8 3 , p p. 1 3 5 - 1 4 5 . — P o u r la plupart des compléments adverbiaux essentiels (§ 312, a),
M. HERSLUND, Le d a tif e n fra nçais, Louvain -
le premier critère ne j o u e pas, mais bien le second :
Paris, Pe e t ers, 1 9 8 8 . — M. LARJAVAARA, Pré -
se nce o u a bse nce d e l'o b je t, H elsin ki, A ca d e - Je vais DANS le jardin, DERRIÈRE la haie, VERS le fond du jardin, etc., mais
mia Sci e n tia r u m F e n n ica , 2 0 0 0 . *Je vais t o u t court est inusité (ou aurait un t o u t autre sens).
• B S S REMARQUE
E n revanche, pour beaucoup de compléments d'objet (§ 278), il
Les v e r b e s a y a n t d e s c o m p l é m e n t s esse n tiels est assez fréquent que la seconde condition ne soit pas remplie parce
p e u v e n t a v o ir e n m ê m e t e m p s d e s co m p lé - que la situation ou le contexte rendent superflue l'expression de ces
m e n ts n o n esse n tiels : Je vais à G e n ève TOUS compléments, qui restent implicites, sous-entendus :
LES ANS. — U n v e r b e d o n t l e c o m p l é m e n t
esse n tiel est rest é i m p licit e p e u t, n aturelle - J 'ai essayé de l' empêcher de BOIRE = (selon la s i t u a t i o n ) . . . de boire
m e n t, a v o ir d e s c o m p l é m e n t s n o n esse n tiels : n'importe quoi, ou de boire la chose précise qu'il était sur le point de boire, ou
Je l'ai e m p êch é de b oire ENTRE LES R EPAS. de boire des boissons alcoolisées. — Je comprends ou J 'accepte peuvent avoir
pour complément implicite ce qui vient d'être dit par l'interlocuteur. O u bien
la situation suffit : J 'arrive ! - Elle [ = la vache que les enfants ont fait entrer
dans la cuisine] ne pouvait détacher son regard d' un fromage et d' un pot de lait, qui
lui firent murmurer à plusieurs reprises : « Je comprends maintenant, je
comprends... » (AYMÉ, Contes du chat p., Éléphant.)
P o u r d'autres verbes, le complément dit essentiel est exprimé seulement
quand le verbe a une application qui n'est pas l'application ordinaire : Pisser du
sang (Ac. 1935) ; spécialement quand le verbe n'a pas le sens habituel, comme
pleurer « regretter » : Pleurer ses fautes.
Le besoin qui est réalisé le plus souvent par un complément essentiel est
parfois satisfait autrement : f 'habite seul. — Qui aime bien châtie bien (prov.). —
Il aime ailleurs (= une autre femme). — Le professeur allait et venait. Cf. § 312, a.
La construction absolue ne se réalise pas ou se réalise rarement pour certains
verbes : avoir, posséder, battre, comporter, concerner, contenir, détester, entourer,
déchirer, ébranler, rencontrer, persécuter, alléguer, féliciter, redouter ; appartenir, raf-
foler, attenter ; provenir, habiter, etc. — Pour d'autres, au contraire, elle est très
fréquente : fumer (Défense de fumer), lire, coudre, tricoter, etc.
L'emploi absolu peut être dû à l'euphémisme -.faire et aller pour « déféquer ».
Parmi les emplois absolus venus à la mode à la fin du X X e s. dans une langue
très familière, on cite souvent Ça craint « il y a du danger » E S et assurer « être à U S E 5 3 REMARQUE.
la hauteur de la situation » : P. Desgaupes n ' est pas tombé de la dernière pluie : il C o m p . § 7 8 3 , b , 2°. D a n s u n e x . c o m m e l e sui -
ASSURE, comme on dit aujourd'hui (dans le Nouvel Observateur, 1982, cit. Colin et va n t, la p r o p o si t i o n p o u rr a it ê t r e c o n s i d é r é e
c o m m e l e s u j e t l o g i q u e : Le Port asse [c'e s t l e
Mével, Dict. de l'argot).
c u r é ] p e u t bie n dire t a n t q u e ça lui plaît d a ns
N . B . 1. Un moyen assez commode de distinguer les compléments essentiels so n é glise, ÇA CRAINT p a s q u e t u le d éra n g es I
est la dislocation : f e vais à Paris toutes les semaines f e vais à Paris, et ( G . C H E V A L L I E R , C loch e m erle, I X . ) = II n ' y a pas
cela toutes les semaines, mais non *fe vais, et cela à Paris. d e d a n g e r q u e t u a i l l e s à l' é g l i s e .
En règle générale, les compléments qui n'admettent pas la dislocation sont
des compléments essentiels, à l'exception, toutefois, de la négation, qui ne
peut pas faire l'objet d'une dislocation : *fe mange, et cela non. — Quant à
ceux qui l'admettent, beaucoup sont malgré cela essentiels ; il s'agit de ver-
bes qui, s'accommodant d'une construction absolue, peuvent ne recevoir
qu'après coup leur complément : L ' enfant s' était attablé et buvait. Du cognac
(cit. Pohl). — Les femmes fidèles rêvent parfois, et qu ' elles ne sont pas dans les
bras de leurs maris (GIRAUDOUX, Amphitryon 38, II, 5). — Toute œuvre
d'art est amputée, et d'abord de son temps (MALRAUX, cit. Lar. des citations).
En particulier, le lien de l'objet indirect avec le verbe est moins étroit
que le lien de l'objet direct : cf. § 276, a.
2 . Des compléments non essentiels selon les critères syntaxiques don-
nés ci-dessus peuvent être très importants pour le destinataire du
message : Vous serez interrogés DEMAIN À 9 HEURES.
C e t t e opposition est établie en f o n c t i o n des syntagmes n o m i n a u x . Les verb es e x primant l'id é e d 'abondance se
co nstruise nt sans objet quand le sujet
En effet, l'infinitif est souvent construit avec préposition même si le com-
é n o n c e c e q u i a b o n d e e t a v e c u n o b j e t in di -
plément nominal correspondant est construit de façon directe : Il craint LA rect quand le sujet é n o n c e le li e u (s o r t e
MORT. Il craint DE MOURIR. d ' h y p a l l a g e : § 2 2 4 ).
De même, le pronom personnel placé devant le verbe est construit sans C e q ui m'é t o n n e [...[, c'est le n o m b re in fini d es
préposition, même quand il correspond à un complément nominal construit g e ns q ui PULLULENT et CROUIIIENT en ces ru es
avec préposition : Il parle À SON FRÈRE. Il LUI parle. — Le relatif dont corres- (GAUTIER, C a p . Fracasse, XI). — C e t a n tre o ù n e
FOURMILLAIENT q u e d es N oirs (M. - CI. BIAIS, E x ilé,
pond aussi à un syntagme prépositionnel : La chose DONT je me souviens.
Bi b l i o t h . q u é b é c . , p. 5 9). — Les ch a m pig n o ns
D'autre part, lorsque le complément est une proposition, il a ses propres
ABONDENT c e t t e a n n é e ( A c . 1 9 9 2 ). — Les vers
mots de liaison, les conjonctions. Comp. : f e crains QU'IL NE PARTE. J e crains GROUILLENT d a ns ce fro m a g e (Ac. 2 0 0 0 ).
SON DÉPART. — f e doute QU'IL PARTE. J e doute DE SON DÉPART. C e p ays ABONDE EN vestig es ro m ains (Ac. 2 0 0 1 ).
N . B . 1. L'opposition direct / indirect est surtout utile pour les compléments [A b o n d er d e est vi e illi : ABONDER DE bie ns (Ac.
d'objet : § 278. 1 9 3 2 ).] — Les m aiso ns n o bles FOISONNAIENT DE
p a g es (TAINE, Philos, d e l'art, t. II, p . 2 5). — C e t t e
2 . Il ne faut pas prendre pour des syntagmes prépositionnels les syn- p rovince FOISONNE EN blés e t EN vins, FOISONNE DE
tagmes nominaux contenant des articles partitifs ou indéfinis : J e bois lie u x ch arg és d'hist oire (Ac. 2 0 0 0 ). [E n 1 9 3 2 ,
DU VIN, DE LA BIÈRE, DE L'EAU .fe mange DES ÉPINARDS, DES NOIX. Il e l l e n e p r é v o y a i t q u e e n.] — C e tt e tra d uctio n
FOURMILLE D'in e x actit u d es (Ac. 2 0 0 0 ). — C e t t e
n 'a pas DE PAIN. — Cf. aussi § 583, b, N. B. 1.
f o ur m ilière GROUILLE DE larves (ib .).
P o u r pulluler, o n c o n d a m n e g é n é r a l e m e n t la
Compléments adverbiaux et compléments non adverbiaux. s e c o n d e co nstructio n (o n n e voit p as bie n pour
q u e l l e r a i s o n) : Ici ça PUI LUI E DE gig olos (PROUST,
Certains compléments sont des adverbes ou peuvent être rem-
Rech, 1.1, p . 8 7 9 ). — La ville PULLULE D'espio ns
placés par des adverbes : (Gra n d dict. e nc. Lar.).
J e vais À UN AUTRE ENDROIT ->• f e vais AILLEURS. — Il partira DANS
QUELQUES MINUTES -> Il partira BIENTÔT. — f e la vois MALGRÉ CELA f e la
vois CEPENDANT.
N o u s les a p p e l o n s compléments adverbiaux, t a n d i s q u e les com-
pléments non adverbiaux n e p r é s e n t e n t p a s c e t t e équivalence.
S u r l'appellation compléments circonstanciels, voir § 312, a.
DÉFINITIO N ET TYPES
EEZ3 Définition.
L e c o m p l é m e n t d ' o b j e t est u n c o m p l é m e n t essentiel (§ 2 7 6 ,
a), n o n adverbial (§ 2 7 6 , c). Selo n qu'il est in t ro d u it o u n o n p a r u n e
préposition, il est appelé d i r e c t o u i n d i r e c t . Q m f S l REMAR Q UE
O n disait autrefois régime direct, régime indirect, termes qui peuvent être, à Sur l'emploi absolu des verbes appelant d'ordi-
l'occasion, fort commodes à employer parce qu'ils se réfèrent à la forme gramma- naire un complément d'objet, voir § 2 76, a.
ticale. La définition traditionnelle se fondait sur le sens : le complément d'objet
énonce la personne ou la chose sur lesquelles passe l'action du sujet ; cette per-
sonne ou cette chose sont présentées comme supportant l'action, comme étant
l ' objet de l'action, comme marquant l'aboutissement, l'achèvement du procès.
On ne peut nier que cette définition ne convienne à des ex. commeJ ' éteins LE FEU.
Le menteur nuit À SA RÉPUTATION. — Mais elle s'applique assez mal à d'autres cas : J 'ai
reçu UNE GIFLE. Berthe a LA ROUGEOLE. — D'autre part, on pourrait parler d'aboutisse-
ment du procès à propos d'un ex. comme Je vais À MONTRÉAL, où la tradition ne voyait
pas un complément d'objet (et où nous reconnaissons un complément adverbial essentiel).
O n appelle patient l'être ou la chose qui subissent l'action, et qui sont
souvent (mais non toujours) exprimés par le complément d'objet. — À la
voix passive, le sujet représente souvent le patient.
Le c o m p l é m e n t d'objet interne.
Je les laisse TREMBLER leurs FIÈVRES (HUGO, Châtim., VI, 6). — Ils [= des
prisonniers] étaient là, neuf cents hommes, entassés dans l' ordure, pêle-mêle, [...]
GRELOTTANT la FIÈVRE, criant de rage (FLAUB., Éduc., III, 1). — [...] qui dans
sa robe de chambre GRELOTTAIT la FIÈVRE (FRANCE, Sept femmes de la Barbe-
bleue, p. 82). Comp. aussi crever la faim, péter la santé au § 297, b, 14°.
Le complément d'objet indirect.
L e c o m p l é m e n t d ' o b j e t i n d i r e c t ( o u s i m p l e m e n t objet indirect) est
rattaché au verbe indirectement, c'est-à-dire par l'intermédiaire
d'une préposition :
Nuire À SON PROCHAIN. Se souvenir DE SON ENFANCE. Les cambrioleurs
ont profité DE MON ABSENCE.
R a p p e l o n s q u e le m o t indirect est e m p l o y é en f o n c t i o n des syntag-
mes nominaux.
Il n'y a pas de préposition quand le complément d'objet indirect se pré-
sente sous la forme d'un pronom personnel conjoint : Cette habitude VOUS
nuira. Votre patron est de bonne humeur : profitez-EN pour LUI demander une
augmentation. O — L'infinitif peut se construire sans préposition : Je ne me M RAI REMARQUE
souviens pas AVOIR fréquemment TOURNÉ les pages de ces volumes (GREEN, Par- En Suisse ro m a n d e, profiter s'e m ploie sans
tir avant le jour, p. 147). — La proposition est jointe au verbe par une conjonc- o b jet in direct (l e fr. régulier dirait p ro fit er d e
l'occasio n), soit sans a ucu n co m plé m e nt :
tion de subordination : Je me souviens QU'IL ÉTAIT RENTRÉ FORT TARD.
Pro fit e z ! - soit a v e c un infinitif introduit par
L e c o m p l é m e n t d ' o b j e t i n d i r e c t p e u t ê t r e le s e u l c o m p l é m e n t
d e o u p o ur : Si « Alb a » n'est p as sur la p h o t o,
e s s e n t i e l , c o m m e d a n s les e x . d o n n é s c i - d e s s u s . M a i s il p e u t a u s s i c'est q u'elle PROFITAIT j ust e m e n t d e se re p oser
accompagner u n c o m p l é m e n t d'objet direct, q u e l'on appelle alors u n p e u. Il fa u t PROFITER q u a n d o n a u n ch e f
o b j et p r e m i e r , tandis q u e l'objet indirect est a i t o b j et s e c o n d ( o u so us la m ain p o ur lui p oser la q u estio n. (Ex.
secondaire) : e m pru ntés à T hibault, p p. 600 - 601.)
Donner quelque chose À QUELQU'UN. — Séparer le bon grain DE L'IVRAIE.
L a p r é p o s i t i o n i n t r o d u i s a n t l ' o b j e t i n d i r e c t e s t le p l u s s o u v e n t à o u
de . A u t r e s p r é p o s i t i o n s :
Croire EN Dieu. Je compte SUR vous. Le travail consiste DANS un simple relevé.
Causer AVEC un ami. Sefâcher CONTRE son fils. Je n 'attends pas APRÈS cette somme.
Discerner le bien D'AVEC le mal. — Comp. aussi § 1073, b, 5 (auprès de, près de).
Il est rare (en dehors de la coordination) qu'un verbe soit accompagné de
deux objets indirects : Un secret DONT j'ai hérité DE MON GRAND-PÈRE (§ 285,
b, 5°). Voir aussi : Il s' excusa DE SA FAUTE SUR SA DISTRACTION (§ 293, c).
N. B. 1, La frontière entre le complément d'objet indirect et le complément
adverbial n'est pas toujours très nette. Il n'est d'ailleurs pas indispensa-
ble de trancher dans les cas douteux. Cf. § 297.
Le procédé que l'on donne traditionnellement pour reconnaître l'objet
indirect est peu pertinent. Il consiste à poser après le verbe l'une des
questions : . . . à qui ? ... à quoi ? ... de qui ? ... de quoi ? etc. O n ne fait
ainsi que reprendre la préposition qui est déjà présente dans la phrase
et que remplacer le nom par un pronom interrogatif. Des complé-
ments que la tradition rangeait parmi les compléments circonstanciels
(et que nous appelons compléments adverbiaux) acceptent la même
substitution : Il travaille pour ses enfants. Il travaille pour qui ! — Car-
reler avec de la brique. Carreler avec quoi ? Etc.
O n constate d'ailleurs que l'objet indirect est souvent lié au verbe d'une
façon moins étroite que l'objet direct. Il est plus facilement déplacé (cf.
§ 301, d) ; la dislocation dont nous avons parlé au § 276, a, N. B. 1, est
possible. — Le caractère essentiel de certains objets indirects est même
contestable : comp .Jean sourit et Jean sourit À LUCIE.
2 . Un même verbe peut, selon les sens, appeler, soit un objet direct,
soit un objet indirect :
Abuser QQN, abuser DE QQN. Compter DE L'ARGENT (de l' est l'article
partitif), compter SUR DE L'ARGENT.
3. Lorsque deux verbes coordonnés ont le même complément, celui-ci est
d'habitude exprimé une seule fois. Il convient que les deux verbes aient la
même construction : °Cet enfant aime et obéit À ses parents. Cf. § 269, e.
4 . La tradition grammaticale de France (mais non de Belgique) con-
naît la notion de complément d'attribution, que H . Bonnard définit
ainsi : « le complément du verbe pouvant être remplacé par un pronom
conjoint au datif » (Code du fr. courant, § 218), c'est-à-dire, à la troi-
sième personne, par lui ou leur.
Cela regroupe en une seule catégorie des emplois qui sont assez
différents : des compléments essentiels uniques comme dans Cela
M 'appartient ; — des objets seconds comme dans donner une pomme A
UN ENFANT ; — des compléments non essentiels comme dans J 'ai
cueilli des fleurs POUR VOUS ; — etc.
b) Un cas particulier.
Des verbes comme trouver, voir, connaître, supposer, peuvent se
construire avec un objet direct et avec un objet indirect introduit par à
et marquant l'appartenance, ce qui équivaut à une proposition con-
jonctive dont le verbe serait avoir et où l'objet indirect deviendrait sujet.
Je ne TROUVE qu ' un défaut À CET OUVRAGE (Ac. 1 9 3 5 ) ->• Je trouve que cet
ouvrage n 'a qu ' un défaut. — Il imagina l'ami sur le modèle de ceux qu 'il AVAIT déjà
CONNUS À SA SŒUR (HOUGRON, cit. Togeby, § 1 5 9 8 ) . — Ne DÉCOUVRANT
point de raison À LEUR CONDUITE (FLAUB., Êduc., II, 3). — J amais notre vanité ne
RECONNAÎTRA À UN HOMME, même de génie, deux aptitudes (CHAT., Mém., III, II,
IX, 12). — Un véritable chagrin pour elle était de SAVOIR À SON MARI des opinions
peu chrétiennes (BALZAC, Double famille. Pl., p. 975). — On SUPPOSE toujours trop
dépensée AUX BÊTES, et même AUX HOMMES (ALAIN, cit. Rob., s. v. royal). — On
M'AVAIT jamais VU À MARGUERITE d'autres fleurs que des camélias (DUMAS fils,
Dame aux cam., II). — On VOYAIT À VERMILLON des attitudes paresseuses (E. et
J. DE GONC., Man. Salomon, X L VII). — Il gardait cet air de jeunesse prolongée que
J'AVAIS VU À TANT DE SCANDINAVES SUR LE RETOUR (GREEN, Autre, p. 74).
C O N C URRE N C ES ET SUBSTITUTIONS
m Observations générales.
La distinction établie entre le complément d'objet direct et le
complément d'objet indirect est surtout formelle ; elle est fondée sur
les habitudes de la langue, lesquelles ont connu un certain nombre de
changements (cf. § 283).
D e nos jours encore, on observe que plus d'un verbe a simultanément
les deux constructions (§ 284), éventuellement avec des nuances de sens. Il
IG/AMTGGMM H
f MHMSHi
MM E Œ S REMARQUE y a aussi des concurrences et des substitutions (§§ 285-287). — Voyez de
Il y a a ussi d e s c h o i x q u i s'i m p o s e n t. Pa r e x ., même la construction des verbes synonymes : Je me LE rappelle. Je m' EN sou-
compter a v e c, c'e s t t e nir c o m p t e d e ; co m p - viens. —Je raffole DES ÉPINARDS. J 'adore LES ÉPINARDS. E t c .
t er sur, c'e s t e s p é r e r q u e q q n f e r a c e q u ' o n En outre, on constate des hésitations concernant le choix de la prépo-
a t t e n d d e lui, q u e q q . c h . s e ré alisera : Il
sition (§§ 2 8 8 - 2 9 5 ) . •
co m p t e SUR l'in t ellig e nce d e ses colla b ora -
t e urs, m ais AVEC celle d e ses a d versaires. — N . B . D a n s tous ces commentaires, il s'agit du complément de nature nomi-
C o m p t e d essus o u là - d essus ! s e dit iro niq u e - nale ou de nature pronominale. P o u r la construction de l'infinitif, voir
m e n t q u a n d o n j u g e l'e s p é r a n c e p e u f o n d é e . §§ 9 0 4 - 9 1 0 .
iiil _ ., ,
du Historique.
a) Nombre de verbes ont changé de construction au cours de leur
histoire.
Verbes ayant eu un objet indirect :
+ / ESPÈRE fort [...] A la présence des Grignans (SÉV., 2 7 sept. 1 6 7 1 ) . — Pour
EVITER A tout soupçon (LARIVEY, cit. Huguet). — Les Bœotiens FAVORISOIENT
À ceux de Lesbos (AMYOT, Alcib., XIV). — Orne voldraipas OUBLIER [...] DE
tous mes pekiés [ = péchés] (GILLES U MUISIS, cit. To b l e r - L o m m a t z s c h ) . —
Amour, qui veut toujous [cf. § 82] SECOURIR A ses vrais servons [= ceux qui le ser-
vent] (Cent nouvelles nouv., LIX).
Verbes ayant eu un objet direct :
L ' enfant [...] ne s'avise / Qu 'il MARCHE la beste surprise, / Qui le mordit par
le talon (BAÏF, cit. H u g u e t ) . — Vous m'avez MORT par le veu que vos avezfet
(Queste dei Graal, p. 17). — Il ameroit miex que li Sarrazin les eussent touz
MORS (JOINVILLE, § 302). — +L 'Infante lui dit que la plus grande beauté d' une
femme était d'OBÉIR son mari (MALHERBE, cit. Haase). — Vous le [= le roi]
verrez demain, d' une force nouvelle, / (...)/ Faire OBEÏR les loix (MOL., Fâch.,
Prol.). — +Vous pouvez PROFITER les bons exemples que vous avez remarqués
(GUEZ DE BALZAC, cit. Littré). — +On a puni autrefois un Grec à Athènes pour
avoir SERVI les Perses de truchement (ID., cit. Haase). — La grossesse qu 'a allé-
guée cette femme condamnée, a fait SURSEOIR son execution (FURETIÈRE, 1690).
— + Ce que je trouve de surprenant, c ' est que Canaples [...] SURVIVE ses frères
(SÉv., G. E. F., t. VIII, p. 22). [Vaugelas admet aussi la construction avec à,
p. 162 ; cela « depend [...] de l'oreille ».] — Pour ressembler, voir § 285, a, 17°.
Les dict. modernes signalent encore en termes de marine : ÉVITER au
vent, à la marée, — Ex. apparemment isolé: Le gendre [...] reprenait une
importance À laquelle peut-être il «'ESPÉRAIT plus (PlLHES, Imprécateur, p. 75).
Le verbe obéir continue à s'employer au passif : § 772, d. Ex. étonnant :
Quelqu ' un QU ' on OBÉIT au doigt et à l' œil (GRACQ, Rivage des Syrtes, p. 302).
On dit encore dans le Midi : "marcher le chat, c'est-à-dire sur sa patte. H REMARQUE.
V e r b e s a y a n t la c o n s t r u c t i o n d i r e c t e e t la
construction indirecte.
Certains verbes connaissent la construction directe et la cons-
truction indirecte, ordinairement avec des nuances de sens.
1. Aider, dans la langue commune, a un nom de personne (ou
son équivalent) comme objet direct ou un nom abstrait
comme objet indirect introduit par à :
Il aide SA FEMME dans les travaux du ménage. — Après avoir présenté
la main à Feliciana et à son amie pour LES aider à monter, il prit place
sur le devant de la calèche (GAUTIER, Militona, III). — Aider À un
accouchement. — Ces mesures pourront aider AU rétablissement de l' éco-
nomie (Petit Robert). — Il aidait À ma recherche (MAURIAC, Mal,
p. 60). — Au Parlement européen, tous les postes ne sont-ils pas répartis
à la proportionnelle ? Cela aide À un fonctionnement plus démocratique
(S. VEIL, interviewée dans l'Express, 14 sept. 1984, p. 43).
O n a dit aussi aider À qqn liil. Quand il y a en outre un infini- 1 U I HIST ORIQUE.
tif introduit par à, ce tour reste encore assez employé, confor- L e t o u r aid er à q q n, su rt o u t q u a n d o n a e n o u t r e à
e t u n infinitif, é t a it tr è s f r é q u e n t a u X V II e e t a u
mément aux usages provinciaux ou par fidélité à la tradition.
X V III e s. : A ucu n n'aid e AUX ch eva u x à s e tirer
Aidez-LUI à soulever cefardeau (Ac. 1932). — À moins qu 'ils n 'aient besoin d'affaire (LA F., F., VII, 8). — Le lo n g disco urs q u e je
d' une ménagère pour LEUR aider à tenir leur terre (SÉBILLOT, Coutumes luy fais p o ur LUY ay d er à ré ussir (MAINTENON, Le t -
popuL de la Haute-Bret., cité par van Gennep, Manuel defolkLfr. contemp., tres, 2 0 o c t . 1 6 8 5). — *Sa f e m m e LUI aid a f ort e n
cela (S.-SIMON, Mé m ., C . E. F., t. III, p. 2 0 3). - / / v e u t
1.1, p. 257). — 71 LUI aide à se vêtir (CLAUDEL, Ville, l r e version, p. 117).
q u e les e u n u q u es LUI aid e n t à t u er c e t i m p ost e ur
— C' est pour de telles créatures, pour LEUR aider à supporter la souffrance, à (MONTESQ., L p ers., C X LI). — II s'a git [...] d'aid er À
supporter la vie que sont faits les chapelets, Us prières (GIDE Journal, 15 août m a f e m m e q u a n d elle n o us fait u n m orce a u à m a n -
1926). — fe LEUR ai même aidé à suivre le soleil (JOUHANDEAU, Lettres g er(SADE, In f ort u n es d elà vert u, p. 6 5 ). — V o i r aussi
Littré (CORN., LA BR., MOL., FÉN., J.-J. R o u ss . , e tc.).
d' une mère à son fils, p. 392). — Cest madame Érard qui LUI aidait à cou-
dre et qui faisait les essayages (R. PlNGET, Quelqu ' un, p. 92). m H M I R I I L AUTRES EXEMPLES
Quand il n'y a pas d'infinitif, cela est plus nettement régional A . SUARÈS, Sur la vie, 1 . 1 , p . 7 9 ; MALÈGUE, A u g us -
• Croire en : Je crois EN moi, parce que je sens au fond de mon cœur une
puissance secrète [répond Stello à la question Êtes-vous Poète ?]
(VIGNY, Stello, VII). — Il faut lutter contre les tentations du pessi-
misme, ilfaut arriver à croire EN l'homme (MARTIN DU G., Thib., Pl.,
t. II, p. 372). — H croit EN l'avenir (R. ROLLAND, Vie de Tolstoï,
p. 1 7 7 ) .
D a n s la tradition catholique, croire en Dieu, c'est aussi être sûr de
son existence : Credo in unum Deum...,Je crois EN un seul Dieu...
— S i D i eu est coordonné à un terme pour lequel en n'est pas
imposé par la tradition, on retrouve à: Il ne croit ni À Dieu ni À dia-
ble. — L e Credo, plus loin, disait, sans préposition : . . . et unam,
sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam, où il ne s'agit pas de
l'existence (c'est un fait historique). O n a pourtant traduit : . . . et EN
l'Église... De là aussi des ex. comme : Elle croyait en Dieu et EN la vie
éternelle (MAUROIS, Lélia ou la vie de G. Sand, p. 43). — Tu ne crois
pas EN la résurrection de la chair ? (CURTIS, Roseau pensant, p. 229.)
Il faut aussi tenir compte du fait que en ne peut être, normalement,
suivi de le ou de les (§ 1050, b) ; on doit recourir à au ou à aux :
Credo... in Spiritum Sanctum est traduit tantôt Je crois AU Saint-
Esprit, tantôt J e crois EN l'Esprit Saint. — De même : Il ne croyait pas
AUX dieux de Rome. — En dehors de la religion : Mon père, qui ne
croyait point AUX médecins, croyait AUX charlatans (CHAT., Mém., I,
II, 6). — J e ne crois pas AUX médicaments (DUHAMEL, Cri des pro-
fondeurs, p. 243).
• Croire dans, autre moyen d'éviter en le, en les, est rare : Je crois
DANS le Grand Berger!... et DANS le Diable aussi!... (CHÂ-
TEAUBRIANT, Brière, XIV.) — Nous ne croyons guère DANS les rai-
sonnements abstraits (H. QUEFFÉLEC, Enfants de la mer, p. 7).
6. Entendre, à côté des divers sens où il se construit avec un objet
direct, présente un complément introduit par à dans l'expres-
sion familière ne savoir auquel (ou à qui) entendre « ne savoir à
qui prêter attention » (comp. 5 ci-dessus) :
C' était Lestiboudois, le fossoyeur, qui charriait dans la multitude les chaises
de l' église [...] ; et son idée lui réussissait, car il ne savait plus AUQUEL
entendre. En effet, les villageois [...] se disputaient ces sièges (FLAUB.,
M""' Bov., II, 8). — Nous [= des montreurs de marionnettes] ne sûmes
À QUI entendre. Tout le monde voulait nous avoir (SAND, Homme de
neige, 1.1, p. 285). — On ne sait AUQUEL entendre. C' est un tumulte
effroyable (BORDEAUX, Lac noir, p. 256). — Il produit des extraits des
chroniques, [...] des œuvres iconographiques [...] et [...] de ces témoins
inertes que sont contrats, documents comptables, statuts royaux ou corpora-
tifs. Rassemblement un peu déconcertant pour le lecteur qui ne sait plus tou-
jours AUQUEL entendre (A. LATREILLE, dans le Monde, 3 0 août 1 9 7 1 ) .
En interrogation directe: Le plus beau jour de la vie. [...] Le second
vicaire de la paroisse affirme que c ' est le jour de la première communion et
M. Prudhomme dit [...] que c ' est un sabre. « Ce sabre fut leplus beau jour
de ma vie. » A QUI entendre ? (BLOY, Exégèse des lieux communs, Nouv.
HIST ORIQUE. série, C X X I V . ) B E
En t e n d re s'est c o n st r u it a v e c la p r é p o si t i o n à
7. Insulter a un objet direct, généralement un nom de personne,
d a n s d e s se ns v a ri é s j u s q u 'a u X V II e s. L'Ac. 2 0 0 1
si g n al e e n c o r e e n t e n d re à « c o n s e n t ir à»: Il n e dans la langue ordinaire : Insulter un adversaire. La langue soi-
v e u t e n t e n d re À a ucu n arra n g e m e n t. C e t o u r gnée l'emploie en outre dans un sens plus faible et plus abs-
p a r aît a u j o u r d'h u i sorti d e l'u sa g e . Ex. d u d é b u t trait, « être comme un défi à », avec un objet indirect
d u X I X e s. : L'a m b assa d e d e Lo n d res avait e n fin
introduit par à et qui est souvent un nom abstrait :
é t é accor d é e à M. d e Polig n ac : Lo uis XVIII n e
vo ulait p as Y e n t e n d re (CHAT., Mé m ., III, II, v , 1 8). Je ne capitule pas devant un enfant qui insulte À mon autorité
- O n r e l è v e a ussi a u X I X e s. n'e n t e n d re à rie n (H. BAZIN, Vipère au poing, X V I I ) . — Le luxe des riches insulte À la
« n e rie n e n t e n d r e , n e rie n é c o u t e r » : Elle dit t o u t misère des déshérités (Petit Robert).
ce q u'elle p u t i m a gin er p o ur le co nsoler. Il n e vo u -
lait e n t e n d re À rie n (SAND, Pe t. Fa d e tt e, IV). — En Insulter à, au sens ordinaire, est un archaïsme : Je ne laisserai jamais
vain, il h ara n g u a le p e u ple ;[...] ce u x - là n'e n t e n - [...] personne insulter en ma présence À l'adorable Isabelle (GAUTIER,
d aie n t À rie n (MICHELET, Hist. d e la Révol. fr., Il, 9). Cap. Fracasse, IX). — Pas un seul n ' osa insulter À la misère de celui qui
avait causé la leur (MÉRIMÉE, Mosaïque, Tamango).
8. Le complément de satisfaire, d'ordinaire construit directe-
ment, prend la préposition à quand il s'agit d'une obligation :
Satisfaire À ses devoirs, À ses engagements. — L'usage littéraire emploie
à dans d'autres occasions : Ravi [...] de lui voir un désir et de pouvoir
Y satisfaire (HERMANT, Serge, X).
1 3 9 1 3 3 3 1 REMAR Q UE 9. Servir à « être utile », à propos de choses, est la construction
P o u r servir d e, v o i r § 2 9 0 , g. ordinaire EU, notamment dans les formules Cela ne sert À
C E I E E 2 X HIST ORIQUE. RIEN et À quoi cela sert-il ? La langue littéraire garde G 0 des
C e so n t d e s c a l q u e s d u latin Q u i d p ro d est... ? e t variantes où le pronom a la forme de l'objet direct : QUE vous
Nihilp ro d est... La s u r v i v a n c e d e s c o n s t r u c t i o n s a
é t é f a v o ris é e e n fr. p a r le ur p r é s e n c e c h e z LA F.
sert [...]/ De n 'avoir pas connu ce que pleurent les morts ? (BAU-
(F., VI, 1 0 : RIEN n e sert d e co urir) e t d a n s les tra - DEL., Fl. du m., Remords posthume.) — QUE me sert de repren-
d u c t i o n s d e la Bi b l e . dre ce journal, si je n ' ose y être sincère [ . . . ] ? (GLDE Journal, 20
sept. 1 9 1 7 . ) — RIEN ne sert de récriminer (ib., 12 mai 1927).
de la bioL, Id., p. 93). — Rien ne contredit plus puissamment À cette restriction péjo-
rative que le livre où Malraux [...] (A. ROUSSEAUX, dans le Figaro litt., 18 sept.
1948). — Ex. de ne pas Y contredire : BERNANOS, Nouv. hist. de Mouchette, Pl.,
p. 1281 ; CAMUS, Peste, p. 258 ; CESBRON, dans le Monde, 5 déc. 1975.
A u lieu de la construction habituelle empêcher qqn de faire qq. ch.,
on trouve parfois dans la littérature empêcher à qqn de faire qq. ch. ou
même, avec un complément nominal, empêcher qq. ch. à qqn. C'est un
archaïsme 8 0 , mais aussi un régionalisme. E U E S HIST ORIQUE.
Les douceurs de son tempérament LUI empêchaient de sentir trop rudement les Em p êch er q q . ch. à q q n, q u i r e m o n t e a u M o y e n
souffrances du mutisme et de l'immobilité (ZOLA, Th. Raquin, X X V I ) . — Cette pen- A g e , a é t é b l â m é p a r V o l t a i r e c h e z C o r n e ill e et
a d m is p a r Littré, q u i ci t e : 4 C e t org u eille u x esp rit
sée [...] que personne ne pouvait plus LUI empêcher de dire (PROUST, Jean Santeuil,
[...] / Pe nse bie n d e t o n c œ ur n o us e m p êch er
dans le Figaro litt, 3 nov. 1951). — Le travail de chaque jour LUI empêchait de l'accès (CORN., Nico m ., II, 4). — *La je u n esse à
s'abandonner aux soucis du lendemain (CHAMSON, Hommes de la route, p. 167). — q ui la viole nce d e ses p assio ns e m p êch e d e co n -
Ils LUI empêchaient de voir le mendiant (G.-E. CLANCIER, Fabrique du roi, p. 131). n aître ce q u'elle fait (Bo ss., Ser m . Q uin q ., 2). —
Tu M ' empêches des affaires (BARRÉS, Dérac., p. 133). — Des scrupules suffisent Philip p e [...] s'é cri e : t u e z , t u e z ce tt e rib a u d aille
q ui n o us e m p êch e le ch e m in (CHAT., Hist. d e Fr.).
à NOUS empêcher le bonheur (GIDE, Journal, 13 sept. 1893).
[C h a t , s'i n s p ir e tr ès v r a is e m b l a b l e m e n t d ' u n e d e
O n dit correctement enjoindre à qqn de faire qq. ch. et non ° enjoin- ses s o u rc e s.! — A u t r e s e x . d a n s H a a s e , § 1 2 5, A .
dre qqn de.
°Il écrivit à sa sœur pour l'avertir de ses dispositions testamentaires, L ' enjoi-
gnant d'avoir à les faire exécuter (M. GALLO, Les hommes naissent tous le même
jour, 1.1, p. 43). [Phrase négligée.] — "La narratrice remonte [...] le chemin des
sécrétions que la censure mâle L 'a ENJOINTE de taire (POIROT-DELPECH, dans le
Monde, 27 mai 1977). — Autre ex. : Th. MALINIAK, ib., 16 août 1985.
Équivaloir se construit avec à :
La jalousie, qui en amour équivaut À la perte de tout bonheur [...] (PROUST,
Rech., t. III, p. 460). — Votre silence équivaudrait À un aveu de culpabilité (Dict.
contemp.).
La construction ° C e c i équivaut cela, venue par l'analogie de Ceci
vaut cela, « est une grosse faute », selon Littré.
La mensualité qu ' elle m' octroyait équivalait ou dépassait les revenus de mon avoir
(GIDE, Si le grain ne meurt, II, 2). [On a plutôt, dans cet ex., une coordination
E U E U S HIST ORIQUE.
D é j à c h e z DIDEROT : L'a p p ro b a tio n d e t o u t l'u ni -
irrégulière : § 269, e, 3°.] — Une simple mention de lui équivaut son pesant d' or (CRI-
vers sur u n e ch ose a ussi in diff ére n t e q u'u n e TICUS, Style au microscope, t. IV, p. 195). — De telle sorte que la voix de l'Allemagne
co m é die, n'é q uiva u t p as [...] u n m o m e n t d e y équivale celle de la France (DE GAULLE, Disc, et messages, t. II, p. 189). [L'auteur
vo tre p ein e (C orresp ., t. Il, p. 2 1 ).
s'est aussi écarté de l'usage régulier pour la conjugaison d ' équivaloir : § 872.] [ J J j
E S I E 3 H IS T O R I Q UE 9° Pallier s'emploie traditionnellement avec un objet direct. j J B
E m p r u n t é d u b as lat. p alliare « c o u vrir d'u n man - Je n 'aurais pas eu chaque matin à pallier des fautes (CHAT., Mém., I, X, 9).
t e a u , d'u n p alliu m », p uis « c a c h e r ». En fr., le v e r b e
— Pauline apporte tous ses soins à pallier les insuffisances et les défaillances d' Oscar,
a d'a b o r d e u c e d e r n i e r se ns ( q u e p r ése n t e n t
e n c o r e c e rt ai n s d e s e x. d o n n é s ci - dessus), p uis, e n à les cacher aux yeux de tous (GIDE, Faux-monn., p. 351). — Les deux grandes lois
m é d e ci n e , il a sig nifié « g u érir e n a p p a r e n c e » ; d e que je viens de citer, notamment, s' efforcent à pallier certaines infortunes (DUHA-
là l e se ns élargi « r e m é d i e r à » et les a n al o g i es q u i MEL, Paroles de médecin, p. 18). — Avantages qui, dans les firmes importantes,
m e n a c e n t la c o n str u cti o n tra d itio n n elle. pallient un peu la modicité des salaires (BEAUVOIR, Tout compte fait, p. 287). —
Parmi les expériences de communication locale, enrichissant les relations existantes
ou palliant un manque de relation (P. EMMANUEL, dans le Monde, 9 avril 1979).
La construction ° palli e r à, due à l'analogie de parer à, remédier à, cher-
che à s'introduire, mais l'opposition des grammairiens (et celle de l'Acad. :
mise en garde du 5 nov. 1 9 6 4 ) freine sa difiusion dans la langue écrite :
Tout ce que l'homme a inventé pour essayer de pallier AUX conséquences de ses fau-
tes (GIDE, Isabelle, p. 98). — Dans toutes les armées du monde, on pallie généralement
AU manque de matériel par des hommes (CAMUS, Peste, p. 169). [Ce passage a été
corrigé, gauchement : . . . on remplace ...le manque de matériel par des hommes (Pl.,
p. 1339).] — Les chefs de quartier [...] gueulaient de proche en proche pour pallier K
toute défaillance du service (H. BAZIN, Tête contre les murs, p. 60). — S' étant aperçu
de la mésestime dans laquelle je le tenais, il tentait d' Y pallier (F. MARCEAU, Années
courtes, pp. 112-113). — Il faudrait au contraire pallier A la cherté des produits par une
AUTRES EXEMPLES. main-d' œuvre à bon marché (M. FOUCAULT, Hist. de la folie, 10/18, p. 239). E 9
BORDEAUX, C roisé e d es ch e m ins, p . 2 3 5 ; MARTI-
10° O n dit le plus souvent persuader qqn de qq. ch. ou de faire qq. ch.,
NEAU, Pr é f. d e : St e n d h a l , Ro m e, N a ples e t Flo -
ou que . . . ; la langue soignée connaît aussi persuader À qqn de faire qq.
re nce, p. x vi ; DANIEL-ROPS, V a tica n II, p . 1 5 4 ;
GARAUDY, Alt ern a tive, p . 6 8 ; DHÔTEL, Je ne suis ch., o u que ...
p as d'ici, p. 2 5 5 ; A. SARRAZIN, Travers / ère, V I ; e t c. Il a persuadé les juges de sa bonne foi (Dict. contemp.). — On avait chambré
le ministre de l'Éducation Nationale, en le persuadant de ne tenir aucun compte de
l'avis de son Conseil supérieur (DAUZAT, dans le Fr. mod., juillet 1950, p. 161).
— lia persuadé Tamati que je voulais le faire mourir de peur (MAURIAC, Anges
noirs, p. 246).
Il persuada AU Cabinet de l'Empereur d' envoyer à Tirpitz le télégramme sui-
vant (DE GAULLE, Discorde chez l' ennemi, pp. 37-38). — Le difficile serait plutôt
de persuader A mon ancien maître d'abandonner son mouton (AYMÉ, Contes du
chat p., Mouton). — On LUI a persuadé de prendre du repos pour ménager sa santé
(Dict. contemp.). —J 'ai eu du mal à LEUR persuader que ma solution était plus
avantageuse (ib.). — Nous LUI persuaderons qu ' on ne peut célébrer notre mariage
avant 1e vôtre (GIDE, Porte étr., III).
Persuader qq. ch. À qqn est devenu archaïque : On ne persuade AUX hommes
que ce qu 'ils veulent (JOUBERT, cit. Rob.). — C' est du moins ce qu 'il parvint à per-
suader A son amie (STENDHAL, Chartr., VI). — Siron [...] m'a affranchi des vai-
nes terreurs et détourné des cruautés que la religion persuade AUX hommes ignorants
(FRANCE, lie des Pingouins, III, 6). — Il se l'affirma : il ne SE le persuada pas
(HERMANT, cit. Grand Lar. langue). — Persuader une vérité A quelqu ' un (Ac.
1935). — De même, sans objet indirect : Il faut être bien maladroit [...] pour
tant redouter de ne pouvoir persuader ce qui est si vrai I (STENDHAL, Chartr., VII.)
11° Prendre (et reprendre), ayant pour sujet un nom désignant une
m a l a d i e , u n e s e n s a t i o n , u n s e n t i m e n t , se c o n s t r u i t d i r e c t e m e n t ou
S 3 9 E & 3 HIST ORIQUE. i n d i r e c t e m e n t ( t o u r plus l i t t é r a i r e ) . E 3
Le to ur direct n e d a t e q u e d u X V II e s., alors q u e Les douleurs [de l'accouchement] LA prirent l'après-midi (ZOLA, Assomm.,
l'a u tre est b e a u c o u p plus a n ci e n : Wa r t b u r g , t. IX,
IV). — Une personne indifférente n 'aurait pas eu l' espèce de syncope qui L 'a prise
p. 3 4 1. L'u sa g e classiq u e h ésitait : L'esp o uva n t e LES
p re n d à d e m y d esce n d us (CORN., C id , IV, 3).— La
(FLAUB., Educ., II, 6). — ELLE FUT PRISE d' une nausée si soudaine, qu ' elle eut à
fai m LE p rit (LA F., F, VII, 4).—*L a fièvre d e Mo nsie ur peine le temps de saisir son mouchoir (ID„ M"" Bov., III, 8). — Une sorte de
le D a u p hin, q ui LE p re n d d a ns ce tt e saiso n à Sain t - panique LES prenait à la pensée qu 'ils pouvaient, si près du but, mourir peut-être
G er m ain (SÉv., 2 2 juillet 1 6 7 1 ). — *Le frisso n LUI p rit (CAMUS, Peste, p. 297). — La frayeur, la colère, l' ennui, l' enthousiasme, etc. LE
à V ersailles (EAD., 1 8 se p t. 1 6 7 6). - *La fa n t aisie
prit (Ac. 1935). — La goutte, la fièvre, etc. L 'a repris (ib.).
LEUR a p ris d'aller à G e n ève (EAD., 2 5 d é c . 1 6 7 5).
Un soupçon LUI prit (GREEN, Mauvais lieu, p. 209). — La fièvre, la goutte,
etc. LUI a repris (Ac. 1935). — La fièvre, la goutte LUI a pris (ib.).
Selon Littré, s. v. prendre, Rem. 3, L 'idée LES a pris d'aller à la campagne
n'est pas bon ; il faut dire : L 'idée LEUR a pris... On ne voit pas pourquoi la
présence de l'infinitif oblige à distinguer cet ex. des précédents (pour lesquels
Littré admet la construction directe). On trouve en tout cas non rarement le
pronom conjoint sous sa forme d'objet direct : Il suffisait que Raboliot l'interro-
geât pour que l' envie LA prît de se taire (GENEVOIX, Raboliot, III, 3). — L ' envie
LA prit de se coucher (S. GERMAIN, Livre des nuits, p. 249).
Dans l'interrogation directe ou indirecte, Qu ' est-ce qui LUI prend ?
e t . . . ce qui LUI prend paraissent les tours les plus fréquents, et même
les seuls possibles quand le complément est un nom.
Qu ' est-ce qui LUI prend, À CETTE ENRAGÉE-LÀ ! (ZOLA, Assomm., I.) —Je
ne sais pas ce qui prend À MADAME AGATHE (MAURIAC, Galigaï, p. 84). —
Mais qu ' est-ce qu 'il a, hein ? qu ' est-ce qui LUI prend ? (AYMÉ, Contes du chat p.,
Bœufs.) [Certaines éd. portent : LE prend.] — Qu ' est-ce qui LUI prenait de nous
torturer ainsi ? (ORSENNA, La grammaire est une chanson douce, p. 66). —
Autre ex. : BERNANOS, M. Ouine, Pl., p. 1410.
Qu ' est-ce qui LES prend ? (TROYAT, Tant que la terre durera..., p. 585.) E U mp'wm w w w
K O I E U S REMARQUE.
12° Regarder se construit ordinairement avec un objet direct, notam- Si le verbe est impersonnel, il n'admet que la
ment au sens propre : construction indirecte : Il LUI a p ris u n e f ure ur
so u d ain e.
Regarder son voisin. Regarder un tableau. — Regarder sa montre (pour voir
l'heure). Regarder l'heure à sa montre (à l'horloge, etc.). Parfois, avec l'objet direct
non exprimé : Vous regardez A votre montre : il n ' est que trois heures et demie
(BUTOR, Modification, 10 / 18, p. 156).
Au figuré, regarder à qq. ch., être attentif à, tenir compte de : Regarder À la
dépense. Regarder A un franc. Ne regarder A rien, être dépensier ou négligent. J J J E U E U S REMARQUE.
Regarder se construit directement dans le sens « concerner, avoir rapport Re g ar d er à et re g ar d er après « veiller sur,
à » : Mes affaires ne LE regardent pas. — °Cela ne LUI ou LEUR regarde pas est du surveiller » sont du fr. pop. de Belgique :
°N'o u blie p as d e re g ar d er à la m aiso n, d e re g ar
fr. populaire. — L'ex. suivant, qui n'a rien de populaire, est surprenant : °fai
d er à (ou après) l'e n fa n t ; de même, " N e
donc cru pouvoir le [= le mot poétique] reprendre dans un sens qui regarde A l' éty- re g ar d e p as A P R È S m oi, ne te soucie pas de moi.
mologie (VALÉRY, Variété, Pl., p. 1342).
13° On dit indifféremment rembourser sesfraisà qqn ou rembourser qqn de ses frais.
14° Renoncer, dans l'usage ordinaire d'aujourd'hui, se construit avec
la préposition à, et c'est la seule construction enregistrée par le Dict.
contemp. Pourtant, les écrivains continuent à donner un objet direct à
ce verbe, spécialement dans un contexte religieux. | &J
K M E£23 REMARQUE.
L'objet direct est un nom de chose : J 'aspire à ne rien renoncer, à tout absorber En outre, on dit en Belgique °renoncer u n
pour faire avec tout de l'idéal (BARRÉS, Dérac., p. 202). — Quant à l' explication b ail, le résilier ; "re n o ncer u n loca t aire, lui don-
que j' en donne, je suis prêt à la renoncer, dès que vous m' en baillerez une meilleure ner son congé ou, ce qui est belge aussi, son
re n o n (qui correspond à re n o nç de l'anc. fr.).
(GIDE, Corydon, p. 112). — Renoncez cette pensée à jamais (BERNANOS, Sous le
soi de Satan, Pl., p. 228). — Elle avait [...] renoncé toute pratique, et même toute
croyance (DUHAMEL, Nuit d' orage, II). — Il semble que sa vie, orientée, soit plus
facile : la vie d' un homme qui a tout renoncé (DANIEL-ROPS, Péguy, p. 138). —
Comme si l'auteur, pris de vertige devant cette œuvre qui à travers lui s'invente,
renonçait le pouvoir créateur de son écriture (P. RlCARDOU, Problèmes du nouveau
roman, p. 118). — Elle ne renonça rien de sa superbe (NOURISSIER, Histoire fran-
çaise, II). — On croit entendre une mélodie de Mozart, à la fois ample et délicate,
sans rien renoncer pour cela de son charme coquet (M. BRION, Goethe, p. 45).
L'objet direct est un nom de personne, et l'équivalent ne serait pas renoncer
à, mais tantôt désavouer, renier, tantôt abandonner, délaisser : Jamais saint Louis
et même le sire de Joinville ne 1' [= Jésus] auraient abandonné. Jamais nos Français
ne l'auraient renoncé [comme a fait Pierre] (PÉGUY, Myst. de la char, de J. d'Arc,
p. 175). — Ce stupide succès de récitation, et la réputation de poseur qui s' ensuivit
déchaînèrent l'hostilité de mes camarades ; ceux qui d'abord m'avaient entouré me
renoncèrent (GIDE, Si le grain ne meurt, 1,4). — [À une amie divorcée et rema-
riée] Il faut que tu t ' en ailles. [...] Ce n ' est pas à cause de moi que je te renonce
(MAURIAC, Mal, p. 45). — Dieu nous délaisse ! Dieu nous renonce ! (BERNANOS,
Dialogues des carmél., II, 9.)
15° Alors que dans la langue commune on renseigne qqn sur qq. ch., on
dit et on écrit couramment en Belgique ° r e n s e ig n e r qq. ch. (ou qqn) à
qqn pour indiquer, signaler :
Il lia connaissance avec Cachaprès [...], lui renseigna mystérieusement un
endroit giboyeux (C. LEMONNIER, Mâle, X X X I ) . — Cinq ans plus tard, on me ren-
seigna que notre peu banal aventurier avait revendu son fonds de commerce
(R. GOFFIN, Souvenirs à bout portant, p. 112). — Sans objet second : °Aucun lexi-
que [...] ne renseigne le mot Q. MERCIER, dans la Libre Belgique, 2 4 juillet 2 0 0 2 ,
p. 3 9 ) . Cela n'est pas inconnu dans certaines régions de France : cf. Pohl, pp. 158-
1 5 9 . Il semble qu'on doive expliquer de cette façon un ex. c o m m e : C' est des gros
[poux] ? / - « Des à la croix de fer », renseigne vaniteusement le camarade (DORGE-
LÈS, Croix de bois, IV). [Ex. analogue : LA VARENDE, Roi d'Êcosse, p. 125.]
Enseigner avait ce sens chez les classiques, et il l'a encore dans la littérature,
par archaïsme ou sous des influences régionales : On nous enseigna la maison du
consul (CHAT., Itinér., Pl., p. 858). — Un vieux chasseur [...] nous enseigne une
caille pour nous détourner d' un lièvre (J. RENARD, Journal, 30 août 1904). — Il
enseigne volontiers aux profanes des adresses de cafés-concerts et de tripots (BAIN-
VILLE, Chroniques, p. 4 8 ) .
L a langue administrative de Fr ance (d'abord à l'armée ?) emploie rensei-
gner au sens de compléter, à propos d'une carte, d'une rubrique, d'un formu-
laire, etc. Cela a été critiqué par l'Acad. (mise en garde du 2 9 mai 1 9 8 6 ) . Le
Grand dict. enc. Lar. signale le participe passé : carte renseignée, croquis rensei-
gné, « où sont reportées les indications nécessaires au tir, au combat », défini-
tion trop étroite, car cela peut concerner aussi les points d'eau en Afrique, etc.
— L e m ê m e dict. signale clavier renseigné (en informatique), qui peut être con-
trôlé immédiatement par impression sur papier ou affichage sur écran.
16° Sous l'influence de dégoûter et d'autant plus facilement que les
pronoms de la l r e et de la 2 e personne ont la même forme pour l'objet
direct et pour l'objet indirect (Cela me répugne, etc.), ° répugner qqn fait
concurrence à répugner à qqn, parfois même dans la langue littéraire :
Et il ne trouvait toujours rien à dire, RÉPUGNÉ PAR LES DÉTAILS de cette mort
qui lui semblait abominable (ZOLA, S. Exc. Eug. Rougon, X) [1876], — Elle ne vou-
lait même plus lui montrer ses bras nus, tant il LA répugnait (ID., Pot-bouille, XVII).
— n écoutait, intéressé, RÉPUGNÉ (R. ROLLAND, Ame enchantée, L. P., 1.1, p. 352).
— Celui-ci, QUE cette besogne répugnait particulièrement (SEGALEN, Fils du ciel,
E U RAI AUTRES EXEMPLES
D e le ré p u g n ait : HUYSMANS, Là - b as, XIII ; U
1975, p. 161). — Se traînant, le plus loin possible, comme physiquement RÉPUGNÉ
VARENDE, M. le d uc, p . 4 0 0 ; C . DETREZ, D ra g u e ur PAR LEUR VUE (MONTHERL., Relève du matin, Pl., p. 28). — Bruno, QUE le travail
d e D ie u, p. 17. manuel répugne (M. BRAUDEAU, dans le Monde, 2 6 avril 1 9 9 1 ) . E U — Comp. 1°.
17° °Ressembler qqn, jadis régulier, est aujourd'hui un régionalisme,
I S S mm HISTORIQUE parfois un archaïsme, f j f l O n dit normalement : ressembler à qqn.
Resse m bler q q n a précé d é resse m bler à q q n Ses mains ressemblent celles d' une philing (Al. DAVID-NÉEL, Voy. d' une
(X V e s.), et il n'était pas e ncore éliminé d e la lan-
Paris, à Lhassa, 1972, p. 99). — Vous ressemblez mes filles, dit-il, surtout ma
gue régulière au X VII e s. ; il reste fréquent che z
Boss. : *N o us n e p o uvo ns resse m bler D ie u d a ns plus jeune (AYMÉ, Gustalin, p. 222). — Le vieillard et ses deux écuelles de hari-
so n in d é p e n d a nce (Œ uvres ora t, t. III, p. 666). cots [...] ressemble [sic] « le Temps au sablier » (JOUHANDEAU, Prudence Hau-
[Voir aussi p. 443, etc.l - Pourtant, dès 1647, Vau - techaume, 1980, p. 87). — Ces deux enfants dans les buissons de France /
gelas notait : « II y a b eauco u p d'autres Autheurs [il Ressemblent l'Ange et la Vierge Marie (ARAGON, Yeux d'Eisa, p. 61). — II
vient d e citer Malh erb e et Bertaut] qui luy donnent
[= un chapeau] coumence à cobir [= se bosseler] pis [= puis] finit par ressem-
l'accusatif, mais ce sont les vieu x, et non pas les
m odernes » (p. 4 8 1 *). — La construction subsiste
bler une crêpe de boqouite [= sarrasin] (A. MAILLET, Sagouine, p. 50).
dans b eauco u p d e dialectes (cf. Wartb urg, t. XI, 18° Substituer A à B, c'est mettre A à la place de B .
pp. 624 - 625) et d e là dans les fr. régionau x popu - °Substituer B par A est la construction de remplacer et aussi de l'anglais to
laires. Ré z eau (o u son collaborateur) conteste le
substitute. À ne pas imiter : ° L ' e spa c e primitif était SUBSTITUÉ par un espace
che mine m ent q u e nous proposons et soutient le
contraire : « archaïsm e qui s'est conservé dans le intelligible (VALÉRY, Eupalinos, Pl., p. 102).
français d e ces régions et a pénétré les dialectes ». 19° Emplois régionaux divers.
• "Suivre à se dit en Suisse là où le fr. c o m m u n recourt à un objet
direct : °Suivre à une décision.
• Inversement, on dit au Québec ° é c h o u e r un examen, un travail (cf.
Boulanger).
• D a n s le S u d - O u e s t du domaine occitan, dans des phrases où l'on a
deux objets directs — soit par redondance (§ 301, d et e), soit par la
présence d'une proposition averbale de comparaison — , le second de
ces objets directs est souvent introduit par à : °Tu l'as vu, À ton père ?
(Dans Séguy, Fr. parlé à Toulouse, § 68.) — "Je vous embrasse bien
affectueusement, ainsi qu 'A Tante Marie (ib.).
L e p h é n o m è n e est attesté aussi dans le fr. négligé de Bruxelles et des
environs : °Le médecin qui m'a soigné, À moi (un docteur en droit
d'origine flamande, 8 sept. 1 9 8 6 ) . — ° A moi, elle ne m' écoute pas (une
f e m m e de ménage du B r a b a n t wallon, 5 janv. 1 9 9 0 ) .
20° Emplois occasionnels de commencer.
°Commencer à qq. ch. : J 'ai commencé À MA CONFÉRENCE sur mon vieil ami
R. R. [= Rolland] et peu à peu elle prend forme dans ma tête (CLAUDEL, lettre,
6 juin 1948, dans Claudel et Rolland, Amitié perdue et retrouvée). Claudel a
voulu éviter la confusion avec le cas où il s'agit d'exécution et non de
préparation : En se levant [...] quand un orateur nationaliste avait COMMENCÉ
UNE CONFÉRENCE (PROUST, Rech., t. II, p. 477).
°Commencer qq. ch. à qqn : C' était le curé de son village qui LUI AVAIT COM-
MENCÉ le latin. (FLAUB., M"" Bov., I, 1). Tour présenté comme normal dans
le Trésor, qui ne cite que cet ex. |JJ3 C O I HIST ORIQUE.
M i e u x a t t est é , m a is a u j o u r d'h u i vieilli ( p o u r le
La préposition est de. T résor e t p o u r l e Ro b . 2 0 0 1 ; cl a ssi q u e p o u r l'A c.
2 0 0 1 ), co m m e ncer u n e n fa n t ( q u e l'o n instruit)
Attester qq. ch. est parfois concurrencé par le tour ° a tt e s t e r DE qq.
o u u n ch eval ( q u e l'o n d r e ss e). A p p li c a t i o n
ch., sans doute par analogie avec le verbe synonyme témoigner de : p a r t ic u li è r e : LES FEMMES o n t é t é la plu p art d u
Sans que le nom d'aucun soit resté attaché à une œuvre qui pût attester DE leur t e m ps si m al COMMENCÉES p a r le ur m ari, q u'elles
n'o n t p as le co ura g e d e reco m m e ncer t o u t d e
existence (H. MURGER, cit. Trésor). — Cinq portraits du Roi et les grandes
suit e avec u n a u tre (FRANCE, lie d es Pin g o uins, VII,
œuvres qui emplissent les Musées de Gênes, de Munich, de Vienne et de Madrid, 3). [T r a d . d u T résor : « initier à la v i e c o n j u g a l e ».)
attestent DE cette fécondité (H. DAVIGNON, Tout le reste est littérature, p. 33).
— Les ruines attestent DE la violence de l'incendie (Dict. contemp.). JjjJ C H K & D HIST ORIQUE.
Attester qqn de qq. ch. « prendre qqn à témoin de qq. ch. » est un tour lit- Littré c i t e c e t e x . d e CALVIN : Po ur a tt est er DE
téraire vieilli : Ce reproche était immérité. J ' en atteste tous les témoins de ma vie n ostre re p e n t a nce.
proteste (MUSSET, On ne saurait penser à tout, IX). — Renée ne lui avait RIEN P.-H. SIMON, d a n s l e Mo n d e, sélectio n h e b d o m .,
21-27 n o v. 1 9 6 8 ; MAULNIER, d a ns l e Fig aro,
protesté de ce qu 'il avait craint : « Je t 'aimerai toujours, tu dois m'aimer » (THÉ-
1 0 d é c . 1 9 7 1 ; J.-J. GAUTIER, ib ., 2 4 n o v . 1 9 7 3 ; BAR-
RIVE, Le plus grand péché, p. 211). — Sur protester que... voir § 416, b, 3°.
THES, Élé m e n ts d e sé m iolo gie, C o n c l . ; C l . BLANCHE-
9° Se rappeler se construit, selon la règle, avec un objet direct : Se rap- BENVENISTE et A . CHERVEL, O rt h o gra p h e, p. 133;
e tc.
peler son enfance, son instituteur. Je me le rappelle. La chose que je me rap-
pelle. — °Se rappeler DE, dû à l'action analogique de se souvenir de £ 9 , U S E 3 3 R E M A R Q UE
est fréquent dans la langue parlée : il échappe à un écrivain qu'on L e v e r b e s e remémorer, q u i a p p a rti e n t à la lan -
interroge (E. BERL, Interrogatoire par P. Modiano, p. 126), à un Pre- g u e littéraire, é c h a p p e m ie u x à la c o n t a g i o n d e
s e so uve nir. C e p e n d a n t °s e re m é m orer d e ap pa -
mier ministre qui improvise à la télévision (L. FABIUS, voir le Monde, raît q u e l q u e f o is : C e DONT elle se re m é m ore
1 sept. 1 9 8 4 , p. 7). Par écrit, cela reste relativement exceptionnel, si (Br. GAY-LUSSAC, C h a m b re d'inst a nce, p. 128). —
l'on met à part la correspondance familière et les journaux intimes. C elle DONT il se re m é m ore (J. MOULIN, F ern a n d
C ro m m elync k , p. 2 5 8 ) .
Ex. tirés de textes que les auteurs destinent à la publication et où ils ne In v e rs e m e n t , la l a n g u e p a rl é e d o n n e p arfois à s e
font pas parler des personnages : Peut-être un pochard qui ne S'EN rappelait plus souvenir la c o n st r u cti o n r é g u liè r e d e se ra p p eler :
le lendemain (SÉVERINE, dans le Journal, 27 mai 1893). — Les anciens habitants "QU'EST-CE QUE t u t e so uvie ns e n d ernier, t oi ?
(J. DEVAL, Â g e d e Julie tt e, Pe t i t e Illustratio n, p. 27.)
de Fumes se rappelaient D ' un cercueil porté par des pèlerins (C. LEMONNIER, Petit
— Avec une proposition d'interrogation indirecte,
homme de Dieu, X X I ) . — Elle se rappelait DE sa demande (JAMMES, Roman du même averbale, cela n'a rien de remarquable : Je
lièvre, p. 146). — Un départ d' un quart d'heure, une parole sur sa mère, la firent co m m is u n cale m b o ur, je n e m e so uvie ns plus
se rappeler DE trois mois de mensonges (Ch.-L. PHILIPPE, Marie Donadieu, II, 2). LEQUEL (J. - p. CHABROL, Bo uc d u d ésert, p . 1 4 0).
— Il recommanda à safdle [...] de se bien rappeler DE tout ce qu ' elle aurait vu à
ftiJf E E 3 AUTRES EXEMPLES
Versailles (P. DE NOLHAC, Louis XV et Marie Leczinska, p. 229). — Quand il M. GARÇON, A ffaire Girar d , p. 3 2 2 (p l a i d o iri e) ;
m'arrive de me rappeler DE mon âme (CLAUDEL, La rose et le rosaire, p. 111). — SARTRE, d a n s l e Mo n d e, 2 5 a o û t 1 9 8 4 (r e p o r t a g e
Se rappelle-t-on seulement D ' un pauvre chemineau ? (LA VARENDE, Heureux les d 'a b o r d p u b li é d a n s C o m b a t, 1ER se p t. 1 9 4 4 ) ;
humbles, 1942, p. 58.) — Coutume DONT on ne se rappelait même plus (VAN AUDIBERTI, Maître de Mila n, L. P . , p . 1 8 6 ; GRAIN-
GENNEP, Manuel defolkl.fr. contemp., 1.1, p. 2528). 0 3 VILLE, Lisière, p. 3 0 2 ; P.-J. REMY, En fa n ts d u p arc,
p. 2 5 9 ; J. LARTÉCUY, T a m b o urs d e b ro n z e, p. 2 1 5 .
L'emploi de se rappeler comme transitif direct n'est pas possible avec les — Ex. tirés d e c o r r e s p o n d a n c e s : STENDHAL, 1 5 m ai
compléments me, te, nous, vous (§ 682, b, 1°) : on ne peut pas dire :*Jemete rap- 1811 ; FLAUB. , t . II, p . 1 3 6 ; SAND, 1 . 1 , p . 8 6 5 ; G O B I -
pelle, *Tu te me rappelles, *Il se nous rappelle, *Je me vous rappelle, etc., et cela NEAU, d a n s P. -L. Re y , U nivers ro m a n esq u e d e
favorise le progrès des tournures "Je me rappelle DE toi, °Tu te rappelles DE moi, G o bin e a u, p. 7. — VAILLAND, Écrits in ti m es, p. 8 0 0 .
etc. E S
E S I E 3 REMAR Q UE
Quand se rappeler est suivi d'un infinitif, la construction avec de est vieillie, Frei, p. 130, note que, dans une phrase
mais nullement incorrecte : voir § 908, b, 1°. c o m m e Je n e m e le ra p p elle p as, « la répéti-
10° L'Ac. 2 0 0 1 distingue écoper qq. ch., fam., « être frappé d'une peine tion de la même voyelle entraîne une bouillie
imprononçable » ; « d'où, ajoute-t-il : je n e
pour une infraction, un délit » : Le malfaiteur a écopé trois ans de pri-
m'EN ra p p elle p as ». Raison bien spécieuse I
son, - et écoper de qq. ch., pop., « subir des reproches, endurer des — Claudel s'est fait l'apologiste de la forme se
épreuves, recevoir des coups sans pouvoir se défendre » : Le malheu- ra p p eler d e, « la seule vraiment correcte, et
reux a écopé D ' un mois d'hôpital. — Cette répartition paraît peu sûre. en même temps beaucoup plus élégante »
(Jo urn al, 1.1, p. 9 0 3 ) . C ' e s t d e la g r a m m a i r e
Pour le niveau de langue, le Trésor se contente d'une seule étiquette, fam., de poète I
et le Robert 2 0 0 1 n'en met aucune. Quel que soit le sens, les deux construc-
tions sont attestées. Ecoper qq. ch., usité d'abord Hifcl a dominé longtemps, à
C E S E 3 H IS T O R I Q UE
voir les ex. du Trésor. Ajoutons-y : Ils [= les prêtres suppléants dans les Éco p er s' e m p l o i e a ussi d e m a n i è r e a b s o l u e : Elle
paroisses de villes] écopent LES CORVÉES : moyennant cinq ou dix francs, ils rem- m érit erait d'éco p er sec, la sale p e tit e g arce (FAR-
placent [...] des collègues mieux appointés que leur service ennuie (HUYSMANS, RÈRE, Pe tit es allié es, X V I). — II a d ' a b o r d é t é e t est
Là-bas, XIV). — Il est sorti par la fenêtre [...], écopant dans le doigt UNE e n c o r e u n t e r m e d e m a ri n e : éco p er u n b a t e a u,
éco p er l'e a u d'u n b a t e a u, vi d e r, p a r t ic u li è r e m e n t
ÉCHARDE (Fr. BASTIA, Cri du hibou, 5E éd., p. 2 8 ) . — Plusieurs de nos
a u m o y e n d ' u n e éco p e, l'e a u q u i s'est acc u m u -
témoins ne connaissent plus qu ' écoper de, qui semble donc prédominer. l é e a u f o n d . L e v e r b e a pris e n a r g o t l e se ns
fig uré « b o i r e », q u i a p e u t - ê tre se rvi d'in t er m é -
11° Certains auteurs modernes emploient jouir avec un objet direct
d i a ir e p o u r les se ns d o n n é s ci - co n tre (c o m p .
ou au passif (archaïsme ou recréation H E •) '• trin q u er), q u i d a t e n t d e la 2 e m o i t i é d u X I X e s.
QUE jouissons-nous du texte ? (BARTHES, Plaisir du texte, 4 e p. de couver-
CI Ï 3 E££9 H IS T O R I Q UE
ture.) — Il ne s'agit point [...] de la liberté JOUIE sitôt sauté le mur de la caserne Jo uir s'est c o n st r u it j a d is a v e c u n o b j e t d ir e ct : Ils
(AUDIBERTI, Dimanche m'attend, p. 101). — Je veux parler de l' exemption par- JOUYSSENT les a u tres plaisirs (MONTAIGNE , III , 13).
ticulière des tailles, qui EST JOUIE par les deux ordres privilégiés (LE ROY LADU- — *F ort u n e n e n o us b aille rie n à IOUIR e n p ro -
RIE, Carnaval de Romans, p. 59). — Rhéa ! La sœur-déesse JOUIE par le frère p rié t é (MALHERBE, cit. H a a s e , § 5 9).
(S. GERMAIN, Nuit-d'Ambre, p. 178). — Le français fait ce QUE l'anglais jouit
(H. ClXOUS, dans le Monde, 11 juin 2004, p. x). — Ex. tout à fait bizarre :
°Sitôt JOUIS, sitôt endormis (SOLLERS, Femmes, p. 561).
12° Grincer les dents, construction primitive, concurrencé par grincer
DES dents (dans l'Ac. depuis 1 7 9 8 ) , est encore mentionné par l'Ac.
2 0 0 0 (comme vieilli). Ex. de M . N o Ë L § 449, b, 2°.
13° Emplois régionaux.
Abuser d' unefemme, c'est, dit le Robert 2001, « la contraindre à des relations
physiques qu'elle n'est pas en situation de pouvoir refuser ». Au Québec, le verbe,
dans ce sens, se construit avec un objet direct : ° M o n père nous ABUSAIT sexuelle-
C F H M I H IS T O R I Q U E ment (cit. Poirier). jJfEf Mais, depuis peu, abuser au passif se rencontre dans les
C e t t e c o n s t r u c t i o n tr a n sitiv e serait - elle u n journaux fr. et belges : Lui-même ABUSÉ lorsqu 'il avait treize ans, l' ecclésiastique ne
a r c h a ïs m e ? En e f f e t, l'A c. a e n r e g is t r é d e 1 6 9 4 réalise pas la gravité de ses actes (dans le Soir [Brux.], 12 janv. 1998, p. 22). — Il a
à 1 8 7 8 a b user u n e fille « la s é d u ir e , la
été ABUSÉ par son père dès cinq ans (dans le Monde, 13 févr. 2004, p. 9).
s u b o r n e r », q u 'e l l e d istin g u ait d e a b user d'u n e
fille « e n j o u ir sa n s l'a v o ir é p o u s é e » [c e q u i °Ne savoir de rien (au lieu de ne rien savoir, ou, avec insistance, ne savoir
n'é q u i v a u t p a s à « vi o l e r »]. Po u r l e Q u é b e c , u n e rien de rien), dans le parler des Flamands et des Bruxellois, est un calque du
i n f l u e n c e d e l'a n g lais n'e s t p as e x cl u e , c a r o n y néerlandais van niets weten. Nous avons aussi entendu l'expression en Alsace.
c o n n a î t aussi a b user q q n « l e m altrait e r », c e q u i
est c e r t a i n e m e n t u n a n g licis m e .
c) L a préposition est contre.
t° Déblatérer, pour l'Ac., est intransitif et appelle la préposition con-
tre. un
D é bla t érer est a t t e st é p o u r la p r e m i è r e f o is e n
Il ne cesse de déblatérer CONTRE vous (Ac. 2001). — Déblatérer CONTRE la reli-
1 7 9 8 (D ict. d e l'Aca d .). C 'e s t u n e m p r u n t a u
latin d e bla t erare « cri a ill e r ».
gion (ib.). — Il ne faut pas que la misanthropie [...] déblatère CONTRE l'homme sans
donner ses raisons (SARTRE, Idiot de la famille, t. III, p. 417). Etc. — Al' encontre de
n'est qu'une variante (cf. § 1073, b, 1), d'ailleurs exceptionnelle : Ce valeureux soldat
[...] s' est laissé aller à déblatérer À L'ENCONTRE DE ma politique (DE GAULLE, Mém.
d' espoir, p. 83).
Déblatérer sur est moins régulier et moins fréquent : Il a déblatéré SUR l'impôt,
SUR les pauvres (HUGO, H. qui rit, II, VI, 1). — Tout en déblatérant SUR ses confrères
(LAFORGUE, Pages de la Guêpe, p. 140). — Une petite cour, où l' on entend continuel-
lement les bonnes [...] déblatérer SUR leurs maîtres (Lar. XX' s., s. v. Pot-Bouille). —
Le brave Reyvil [...] déblatère à qui veut l' entendre SUR l'insondable muflerie des cour-
tisanes (MARTIN DU G., Thib., PL, 1.1, p. 838). [°Déblatérer à qqn est une construc-
tion contraire à l'usage.] — Nous déblatérons à l' envi SUR Pétain (VERCORS, Bataille
du silence, p. 195). — Autre ex. : HUYSMANS, cit. Trésor. — Comp. § 291, e.
En Belgique, on dit souvent °déblatérer qqn ou qq. ch., comme critiquer,
dénigrer : Rien de ce QUE je déblatère n ' est tout à fait inutile [une énumération suit :
la beauté, la bêtise, etc.] (Al. BOSQUET, Un parc, une femme, quelques mensonges,
P. 165).
L'Ac. 2 0 0 1 atteste déblatérer qq. ch. « débiter, dire avec violence ». Cela est
rare : Qu 'avait-il bien pu déblatérer ? Des injures pires que dans son Journal ?
(H. GUILLEMIN, Regards sur Bernanos, p. 234.)
2° L'Ac. 2 0 0 0 , s. v. gagner, II, 2, considère comme vieilli gagner qqn
au jeu, à la course. O n dirait gagner contre qqn ou battre, vaincre qqn.
Ex. de gagner qqn : Il m'a donné tant de leçons [de trictrac], que je suis en
état de vous gagner (BALZAC, Urs. Mirouêt, V). — Vous le gagnez aux échecs
(SAND, Mauprat, XI). — Je me laissai gagner [au billard] (NERVAL, Voy. en
Or., PL, p. 421). — Elle me bat à tous les jeux, même aux échecs où je vous ai par-
fois gagné (BOURGES, Les oiseaux s' envolent..., Biblioth. Pion, 1.1, p. 204). —
Pour avoir gagné Protos aux échecs (GIDE, Caves du Vat., II, 2). — Cette cons-
truction est courante en fr. d'Afrique.
Tours vivants : Gagner qqn de vitesse, être plus rapide que lui ; —
L 'inquiétude le gagna, s'empara de lui ; — Gagner qqn à sa cause, à ses idées,
E U E l i HIST ORIQUE. obtenir son assentiment.
Invectiver, a p p a r u a u X V I e s., est u n d é r i v é d'invec -
tive. Po u r V a u g e l a s, il n'é t ait p as « d u b e l usa g e »
3° Invectiver se construisait avec contre dans l'usage classique, et cer-
(p . 119). — La c o n str u cti o n p ri m itive p araît av oir tains écrivains y restent fidèles. Mais invectiver avec un objet direct,
é t é invectiver co n tre, q u o i q u e l e v e r b e se re nco n - condamné par Littré, accueilli par le Dict. gén. et par l'Ac. depuis 1 9 3 5
tr e p arfois a v e c u n o b j e t d ir ect a u X V I e et a u
(alors avec la réserve « quelquefois », disparue en 2 0 0 0 ) , est parfaite-
X V II e s., s e l o n Wa r t b u r g , t. IV , p. 787, e t le T résor.
C'e s t d a n s la d e u x i è m e m o iti é d u X V III e s. q u e c e ment reçu par le bon usage. [ Q B
t o u r d e vi e n t plus f r é q u e n t : cf. Br u n o t, Hist., t. VI, Invectiver contre : Elle se mit à invectiver CONTRE son Dieu (BLOY, Désespéré,
p p. 1 7 4 6 - 1 7 4 7 (DID., MIRABEAU, e t c . ); a j o u t o n s
p. 380). — J e ne parle pas d' un Menken, qui invective chaque jour CONTRE l'Amé-
SADE, In f ort u n es d e la vert u, p. 1 1 3 . — PASCAL a
e m p l o y é invectiver avec u n o b j e t i n t e r n e : */ / ricain (DUHAMEL, Scènes de la vie future, p. 73). — Chouettes et chevêches invecti-
invective plusie urs m alé dictio ns co n tre le ur fa usse vent librement CONTRE la grande clarté incongrue (COLETTE, Journal à rebours,
n e tt e t é in t érie ure (d a n s H a a s e , p. 134). p. 57). — DutiUeul [...] ne se contentait plus d'invectiver CONTRE le sous<hef
(AYMÉ, Passe-muraille, L. P., p. 9). — La radio de Moscou n 'avait pas cessé d'invec-
tiver CONTRE « les impérialistes anglais » (DE GAULLE, Mém. de guerre, t.1, p. 242).
Invectiver avec objet direct : Le voilà qui invective [...] les nouvelles écoles d'art
et de poésie (HUGO, Pierres, p. 143). — Quand je le verrai [...] invectivant les dieux
(GAUTIER, M k de Maupin, X). — Il invectivait Charles I" (FLAUB., Êdac., II, 3).
— H invectivait volontiers les royalistes du département (FRANCE, Orme du mail,
p. 242). — Tandis qu 'il invectivait Versailles (BARRÉS, Dérac., p. 158). — Adeline
Moreau invectiva ces sales socialistes (HERMANT, Grands bourgeois, II). — Je
l'invective à bouche close (COLETTE, Entrave, p. 102). E U E U S E S I AUTRES EXEMPLES
4° Vitupérer [empr. du lat. vituperare, blâmer] est, normalement, S . - B E U V E , VEUILLOT e t R . DE G O U R M O N T , c i t . Dehar-
v e n g , t. Il, p. 5 6 ; J. LEMAITRE, J. Racin e, p. 1 1 5 ;
transitif :
LOTI, Maria g e d e Lo ti, 1,4 6 ; R. BAZIN, T erre d'Esp .,
Il vitupérait le Prince et la Monarchie (CHAMSON, Suite pathétique, p. 363). — p . 3 0 5 ; A . D A U D E T, N a b a b , p . 5 0 6 ; PROUST, Les
H vitupérait les salauds qui exploitent les ouvriers (P.-H. SIMON, Somnambule, plaisirs e t les jo urs, p. 3 8 ; CLEMENCEAU, D é m os -
p. 134). — Tous ces messieurs de la mairie durent vitupérer la femme qui avait pris t h è n e, p. 6 8 ; G. LANSON, Essais d e m é t h o d e, d e
critiq u e e t d'hist. litt ér., p. 4 2 9 ; e t c.
cette initiative inconcevable (CURTIS, Miroir le long du chemin, p. 125).
La construction vitupérer contre (soutenue par l'analogie de se fâcher contre,
invectiver contre, etc.) tend à pénétrer dans l'usage : Des hommes de grande valeur ont
vitupéré, par erreur, CONTRE la tradition du classicisme (L. DAUDET, Stupide XIXe s.,
p. 204). — La presse universelle a beau vitupérer CONTRE eîîe [= l'Allemagne] (<J. et
J. THARAUD, Quand Israël n ' est plus roi, p. 143). — Un furieux en tout cas, qui vitu-
père CONTRE l' univers (R. KEMP, dans les Nouv. litt., 29 août 1946). — [...] vitupé-
rait volontiers CONTRE les Jésuites (P AGNOL, Jean de Florette, p. 11). Q 3 K V H F E M AUTRES EXEMPLES
MADELIN , c i t . Ro b . ; P É R O C H O N , G ar die n n es, p. 1 7 0 ;
d) La préposition est après, qui, en l'occurrence, sert surtout C.-E. CLANCIER, Pain n oir, p. 2 3 3.
dans la langue parlée, familière ou populaire.
1° Attendre après est ordinairement admis par les lexicographes et les
grammairiens quand il s'agit de marquer le besoin qu'on a de la personne
ou de la chose, ou l'impatience ; mais dans la littérature moderne cela se
trouve seulement quand la situation justifie le registre familier. IîWi! C S 3 E E 3 3 HISTORIQUE
Comme j'attends APRÈS lui !Je compte les heures quand il est sur le point de A tt e n d re a p rès a a p p a r t e n u a u style n o b l e :
+ N o tre â m e a tt e n d APRÈS le Seig n e ur, p arce q u'il
rentrer (VALLÈS, Enfant, II). — On ne pouvait pas s' empêcher d'aller chercher là
est n o tre p ro t ect e ur e t n o tre s e c o u rs (Boss.,
[= au Mont-de-Piété] de la monnaie, lorsqu ' on attendait APRÈS un pain de qua- Œ u v r e s orat., t. III, p. 1 9). IBo ss u e t se r é f è r e
tre livres (ZOLA, Assomm., IX). — Si vous venez ici pour dire des choses aussi e x p lici t e m e n t a u p s a u m e X X XIII, 2 0, q u e CRAM-
spirituelles, vous pouviez rester sur votre sable, on n 'attendait pas APRÈS vous ! PON tr a d u it : N o t r e â m e a t t e n d Ya h ve h . V u l g a t e :
(WlLLY et COLETTE, Claud. à l' école, p. 219.) — Et que je n 'attende pas APRÈS A n i m a m e a sustin e t D o m in u m .I
vous, quand nous serons prêts (SALACROU, Frénétiques, II). — On attend APRÈS
les décorateurs (ib.). — Aucun éditeur n 'attend APRÈS mon manuscrit (TROYAT,
Front dans les nuages, p. 175). — Faut que je redescende, mon père attend APRÈS
moi pour la fournée (Y. QuEFFÉLEC, Noces barbares, p. 39).
L'Ac., qui mentionnait cet emploi sans réserve en 1932 (Ily a longtemps
qu ' on attend APRÈS vous. C' est un argent APRÈS lequel il attend pour partir. Cette
somme est une bagatelle, et je n 'attends pas APRÈS, s. v. attendre), le considère
comme fam. en 2001, s. v. après.
Quand attendre signifie simplement « rester en un lieu où l'on compte E S I E S I REMAR Q UE
qu'une personne viendra, qu'une chose sera apportée », attendre après est senti D a n s l'Est d e la F r a n c e e t e n Suisse, so us
nettement comme relâché : c J 'a tt e n d r ai après vous jusqu 'à telle heure. °J 'attends l'i n f l u e n c e d e l'a ll e m a n d , o n dit : 0 V o i l à u n e
h e ure q u e j'a tt e n ds SUR t oi ! V o i r T h i b a u lt. C e l a
après le bateau. Au lieu de : Je vous attendrai... J 'attends le bateau. BJ
s'e n t e n d a ussi a u C a n a d a .
2° °C hercber après n'est pas, semble-t-il, dans les dict. O n trouve rare-
E U E U REMAR Q UE
ment dans la littérature ce tour de la langue parlée, surtout populaire.
En Be l g i q u e , o n dit aussi "voir a près d a n s le m ê m e
L ' espérance, c ' est Dieu, même au sein de l' orage ; / Je suis roseau, je trem- se ns : O ù allais - t u ? / A la m org u e, voir APRÈS VOUS
ble... et je cherche APRÈS lui ! (DESBORDES-VALMORE, Pleurs, XVI.) — Tout [à q u e l q u'u n q u ' o n cr o y a it m o r t] (GHELDERODE,
en cherchant APRÈS un torchon, un linge, n 'importe quoi pour empoigner la cafe- T rois act e urs u n d ra m e, G a lli m a r d , p. 1 4 7).
tière brûlante (DECOIN, John l'Enfer, p. 175). — Dans la langue soignée : Je le N M L O I REMARQUE
cherche. Je cherche un torchon. EsJ O u co urre le cerf d a n s la l a n g u e d e s initiés : cf.
§ 855.
3° Courir peut avoir un objet direct dans le langage des chasseurs :
Courir le cerf, le lièvre LILJ ; d'où l'expression proverbiale Courir deux liai HÙA H IS T O R I Q UE
lièvres à la fois. — Il a aussi un objet direct dans divers emplois C o urir a p rès q q n o u q q . ch. e xistait d é j à d a ns la
l a n g u e classi q u e : 'je n e co urs p oin t APRÈS d e t els
figurés : Courir les honneurs, les filles, les magasins, un danger, etc. —
co q uins q u e t oi (CORN., C lit., I, 7). — T u crois q u e
Courir après qqn ou, surtout au figuré, après qq. ch. appartient à la lan- p rest à l'e x cuser, / Mo n c œ ur co urt APRÈS elle (RAC,
gue commune, depuis longtemps ITflU : A n d r., Il, 5). — Q u i n e co u rt APRÈS la F ort u n e ?(IAF.,
F., VII, 1 1 .) — t e gra n d - ve n e ur e t t o us les a u tres o ffi -
Les chiens courent APRÈS le lièvre (Ac. 2001, s. v. après, 2). — Ce mauvais ciers co uraie n t APRÈS lui I = u n c h e v a l] a v e c a u t a n t
débiteur vous fera longtemps courir APRÈS votre argent (ib.). — Tous les jeunes gens d'in q uié t u d e q u e le p re m ier e u n u q u e APRÈS la
courent APRÈS cette demoiselle (ib.). — Le second laquais [...] se mit à courir APRÈS chie n n e (VOLT., C o n t es e t ro m ., Z a d i g , p p. 1 2 - 13).
lui (FRANCE, Rôtisserie de la Reine Pédauque, p. 219). — J 'ai vu l'illustre Poincaré
courir soudain APRÈS un tramway qu 'il ne voulait point prendre (ALAIN, Propos de
littér., V).
On peut aussi dire Courir derrière qqn ou qq. ch.
Sur Je cours après sans complément, voir § 1040 ; — sur Je lui cours après,
§ 672, d ; — sur Courir sus à qqn., ih.
Le Trésor mentionne °courir qqn au sens d'« importuner » (pop.), mais les
ex. donnés contiennent : Tu me cours, Elle me court, et d'autres observateurs
reconnaissent dans ce me un objet indirect, comme dans l'expression complète
Elle me court sur le haricot (ou sur le système, etc.). Ex. où l'on a manifestement un
objet direct : Ça [= cuisiner] LA court ! (Dans ESNAULT, Dict. hist. des argots fr.)
4° ° D ema nder après, que l'Ac. ne signale pas, n'appartient pas à
l'usage distingué ; il est, selon le Dict. contemp., « très familier ».
Il n 'a pas demandé APRÈS moi ? (DUMAS fils, Femme de Claude, III, 4.) —
D 'ici là, certainement personne ne demanderait APRÈS lui (Tr. BERNARD, Affaire
Larder, p. 15). — lî entre de nouveau et demande APRÈS Gallimard (LÉAUTAUD,
Journal littér., 19 mai 1926). — Je me rendis à sa librairie, demandai APRÈS lui
(VERCORS, Bataille du silence, p. 248).
On dit aussi, dans le même registre, ° r é c lam e r après : Elle [ = une moribonde]
ne réclame jamais APRÈS ma mère (LÉAUTAUD, lettre citée par M. Dormoy, Vie
secrète de Léautaud, p. 167) [= elle ne réclame jamais sa présence],
M I HIST ORIQUE. 5° Languir « attendre avec impatience » se construit ordinairement
La n g uir a p rès est d é j à c h e z SÉv. : *Je la n g uis avec après i If-W. parfois avec de. [ f f l
APRÈS les jo urs d e vo us écrire ( 2 3 m ars 1 6 7 1 ).
L 'âme païenne qui languit APRÈS le baptême (CLAUDEL, Cinqgr. odes, III). —
E S I I R A REMAR Q UE H y a des jours où je languis APRÈS Port-Royal (GREEN, dans le Figaro litt., 14 avril
°La n g uir q q n est u n m é ri d i o n a lis m e (cf. R é z e a u ) :
1951). — Vous craignez que la « Ville éternelle » vous semble désormais bien vide et
C o m m e n t va N o ël ?... e t M. Massé glia ?... Je v o u s
la n g uis é n or m é m e n t (L. NUCERA, C h e m in d e la que vous y languissiez APRÈS cette femme qui vous y attirait et vous y retenait (BUTOR,
La n t ern e, p. 2 0 0). Modification, 10 / 18, p. 86). — Elle languissait APRÈS une lettre de son ami (Ac.
2001, s. v. après). — Elle languit DE vous (Rob.). — Comp. § 779, c, 2° (se languir).
O n dit fourrager qq. ch. (des papiers, etc.) ou dans qq. ch.,
« manipuler sans soin, le mettre en désordre, y fouiller » :
J 'y étais à l'abri des incursions de Séraphie qui [...] venait, quand elle avait le
diable au corps [...], visiter mes livres et FOURRAGER mes papiers (STENDHAL,
Vie de H. Brulard, X I X ) . — Mme Amparat baissa les yeux, FOURRAGEA sa che-
velure blanchefrisée, essaya d' écarter la confidence (COLETTE, Chatte, p. 112). —
Les trois copains FOURRAGENT les dessous des trois femmes (ROMAINS, Copains,
VI). — Pour un oui ou pour un non, la police FOURRAGE DANS vos papiers
(DABIT, Hôtel du Nord, I). — Il FOURRAGEA DANS sa chevelure (CESBRON,
C' est Mozart qu ' on assassine, p. 77). — Il FOURRAGE DANS sa toison aux bou-
cles châtaines (S. GROUSSARD, dans le Figaro, 30 déc. 1969).
E 3 REMAR QUE. EH Cas particulier : effacement de l'objet premier. O
Pa r u n p h é n o m è n e i n v e rs e d e c e l u i q u i est
d é c ri t d a n s c e § 2 8 6, la p r o p o si t i o n c o n j o n c t i v e L'objet second devient objet premier à la suite de l'effacement
q u i sert d e c o m p l é m e n t d ' o b j e t d ir e c t à jurer (Je
de l'objet premier.
j ure q u e je suis in n oce n t) d e v i e n t o b j e t i n d ir e ct
q u a n d o n i n tr o d u it u n c o m p l é m e n t d ir e c t no mi - a) A l'art, consigner, l'Ac. écrivait en 1932 : « Je l'ai consigné à ma
n al i n d i q u a n t c e q u e l'o n p r e n d à t é m o i n o u e n
porte, J'ai donné ordre qu'on ne le laissât point entrer. On dit aussi par
g a g e : Je j ure D ie u q u e je vo us arrach erai la p e a u
ava n t q u e n o us sortio ns d e ce tt e écurie (BLOY, extension, Consigner sa porte. » Par une nouvelle extension, que l'Ac.
cit. T résor). — Fré d éric j ura sa p arole d'h o n n e ur signale depuis 1988 (tout en présentant comme vieilli Je l'ai consigné
q u'il n'avait ja m ais p e nsé à M m e A rn o u x (FLAUB., à ma porte), on dit aujourd'hui consigner sa porte à qqn : Ma Mère, un
Ed uc., III, 1 ). —Jurer ses gra n ds die u x q u e...
L o r s q u'o n a c e t y p e d e c o n s t r u c t i o n , la pro p osi -
jour, me fit CONSIGNER SA PORTE (MONTHERL., Jeunes filles, p. 114).
t i o n c o n j o n c t i v e est, e n e ff e t, s u p p l é é e p a r e n : Consigner qqn à la porte est vieilli, en effet : Le valet de chambre du prince lui a
J'affir m e q u e t u t e tro m p es I V e u x - t u q u e je T'EN dit de ne plus revenir et de dire à Mme Beausire qu ' on L'AVAIT CONSIGNÉE A LA
j ure m a p arole ? (FLAUB., Éd uc., II, 2.) — Je p artirai
d ès d e m ain. J'EN j ure m o n a m o ur p o ur vo us
PORTE des Tuileries (HUGO, Choses vues, 1847-1848, F°, p. 211). — Le sénateur,
(H. BERNSTEIN, A p rès m oi, 1,14). fort assidu auprès d' elle, et qui venait assister presque chaque matin à son lever, s' était
un beau jourfâché de SE VOIR CONSIGNÉ A LA PORTE de son cabinet, lorsqu ' elle fai-
D a n s je t e CROIS q u'elle est b elle, q u'elle est
sait sa toilette (ZOLA, S. Exc. Eug. Rougon, XII).
b elle est u n e p s e u d o - p r o p o s i t i o n , à laquelle il
serait difficile de donner une fonction pré- De même consigner qqn : Je me suis forcé de LE consigner, et je crois qu 'il a fini
cise. Cf. § 1121, a. par comprendre, car il a cessé de venir depuis deux ou trois mois (BLOY, Désespéré,
L. P., p. 27).
Autre extension (langue militaire et administrative), au X X e s., consigner un
lieu, un objet, en interdire l'accès, l'utilisation : La taule sera consignée aux légionnai-
res (MAC ORLAN, cit. Rob.). — Toute une série de coucous et de zincs étaient consi-
gnés aux élèves pilotes à cause de leur mauvaise navigabilité (CENDRARS, cit. Trésor).
b) Couper qqn pour couper la parole à qqn, « l'interrompre » est, selon
un communiqué de l'Acad. (13 nov. 1969), une « négligence de style
trop fréquente chez les écrivains contemporains ». — Comme cela se
trouve aussi chez des écrivains qui ne sont pas négligents, on peut
penser que couper qqn est en passe d'entrer dans l'usage le plus général,
malgré le silence de l'Ac. 2001.
Je réprouve les injures : la violence des polémiques parfois m'attrista. / - Je
VOUS coupe, s' écria Renan ; c ' est les injures que je préfère dans le mouvement bou-
langiste (BARRÉS, Jardin de Bérénice, 1891, p. 11). — Ça me paraît impossible
puisque... / M™ Dubernet LE coupa (MAURIAC, Galigaï, X). — Il [= Churchill]
s' écria avec fureur : « Vous dites que vous êtes la France ! Vous n ' êtes pas la France !
[...]. » Je LE coupai : « Si, à vos yeux, je ne suis pas le représentant de la France,
pourquoi [...] traitez-vous avec moi de ses intérêts mondiaux ? » (DE GAULLE,
Mém. de guerre, t. II, p. 44.) — Ils détournent vite la conversation, à moins qu 'ils
AUTRES EXEMPLES. ne VOUS coupent brutalement (MONTHERL., Le chaos et la nuit, p. 123). H j
PROUST, Rech., t. Il, p . 1 8 8 ; H . BAZIN, Vip ère au
p oin g, VI ; HÉRIAT, Grilles d'or, XI ; R . MALLET,
c) Eclairer qqn se dit abusivement, selon Littré, pour éclairer À qqn,
GENEVOIX, A R A G O N , c i t . H a n s e . quand il s'agit de lui donner de la lumière, de lui permettre de voir
clair. Cet abus est devenu la norme, et dès 1835 l'Ac. déclarait vieillie
HIST ORIQUE. la construction avec à. UJJ
Eclairer à q q n é t ait l o g i q u e , p u is q u'il s'a git d e lui
Madame veut sortir, prends une torche, ÉCLAIRE madame (GAUTIER, Alber-
é cl a ir e r u n e n d r o i t , m a is l'e x p r e ssi o n s'est alté -
r é e p a r c e q u 'e l l e é t ait t r è s s o u v e n t e m p l o y é e tus, cit. Trésor). — Elle se leva, bâilla, tendit la main à Paul [...], et je /'ÉCLAIRAI
sa ns l'i n d ic a t i o n d u lie u. dans notre appartement (MAUPASS., C., Sœurs Rondoli, II).
Par un phénomène analogue, on dit couramment (« extension abusive et
familière », Ac. 1986, s. v. allumer ; simplement fam. en 2001 ; l'emploi n'est
pas mentionné s. v. éteindre) allumer ou éteindre un lieu (pour ... dans un lieu,
1 3 9 E C U HIST ORIQUE. où l'on a plutôt un complément adverbial) : La chambre était allumée (BEAU-
W a r t b u r g , t. X XI V , p. 3 4 3 , r e l è v e allu m er u n lie u VOIR, Mandarins, p. 536). — Mariette mourait de peur chaquefois qu ' elle entrait
t o u t a u l o n g d u M o y e n  g e , p uis à p artir d e Bes - dans une pièce éteinte (COCTEAU, Enfants terribles, Sel., p. 23). — Quelqu ' u
ch erelle ( 1 845).
un valet sans doute, avait éteint tout le bas [de l'hôtel] (HÉRIAT, Enfants gâtés,
l i t l E 9 HISTORIQUE I V , 3 ) . — A u t r e s ex. : B U TO R , ARAGON, MODIANO, cit. H a n s e ,
V o l t a i r e a a t t a c h é l e g r e l o t et s'e n est pris plu -
d) Effacer le tableau est admis par l'Ac. depuis 1992 (ainsi que, en
sie urs f ois (D ict. p hil., art. la n g u e fra nçoise ; e t c.),
à c e t e m p l o i , d é j à f r é q u e n t d a n s la d e u x i è m e 2001, effacer une bande magnétique), qui voit ici une métonymie plutôt
m o i t i é d u X V III e s. : Je m'a m usois à les p arco urir qu'une réduction de effacer le texte sur un tableau.
[...], m'arrê t a n t q u elq u es f ois à FIXER d es pla n t es
d a ns la ver d ure (J. -J. Ro uss., Rêver., II). — *H la FIXE
De 1835 à 1932, l'Ac. signalait un cas analogue : effacer l' empreinte d' une
a v e c d es ye u x sévères (SADE, In f ort u n es d e la médaille, ou, simplement, effacer une médaille.
vert u, p. 1 3 5 ) . — Ses ye u x n'é t oie n t p as m oins
e) Fixer qqn ou qq. ch. au lieu de fixer les yeux (ou le regard) sur qqn ou
co n tin e n ts q u e so n g o ust. Ja m ais il n e FIXOIT u n e
f e m m e, q u elq u e jolie q u'elle f u t [s / cl (BERN. DE sur qq. ch. (où l'on a plutôt un complément adverbial qu'un objet indi-
SAINT-P., M e e t o uvr. d e J. - J. Ro uss., p. 53). rect) est « certainement une grosse faute » pour Littré. IIE1 Aussi
l'Ac. 1 9 3 2 n'a-t-elle pas accueilli cet emploi, du moins à l'article fixer
(voir ci-dessous). Les dict. plus récents ( R o b e r t , etc.) n'ont pas eu ce scru-
pule, et c'est ajuste titre, car l'emploi a la caution des meilleurs auteurs,
surtout depuis la fin du X I X e s. L'Ac. 2 0 0 0 conseille pourtant de l'éviter,
ce qu'elle ne fait pourtant pas toujours elle-même (voir ci-dessous).
Il n 'avait pas ce regard universel de l'aigle, qui peut tour à tour FIXER le soleil
ou marquer [= apercevoir (arch.)] de loin un insecte caché sous l'herbe (NODIER,
Rêveries littér., morales et fantast., Bruxelles, 1832, p. 52). — Je FIXAI mon
homme avec un étonnement muet (BAUDEL., trad. de : Poe, Hist. extraord., G.-F.,
p. 71). — Elle FIXAIT longuement le carré noir (E. DE GONC., Faustin, X X I I ) . —
Elle me FIXA avec ses larges yeux étonnés (MAUPASS., C., Marroca). — Les boeufs
seuls vous FIXENT d' un gros œil immobile (A. DAUDET, C. du lundi, Moisson au
bord de la mer). — Oh ! cette porte, je la FIXAIS maintenant de mes pleins yeux
(LOTI, Roman d' un enfi, II). — Sans bouger, je FIXE le pleutre, en silence (BLOY,
Mendiant ingrat, 1.1, p. 39). — Ses yeux dilatés FIXÈRENT au plafond l'auréole
vacillante (MAURIAC, Genitrix, I). — Elle FIXAIT la lumière des flambeaux
(R. ROLLAND, Jean-Chr., t. IX, p. 180). — Il FIXA longuement un jeune homme
placé en face de nous (VALÉRY, M. Teste, p. 38). — Regarder dans les yeux, dans
le b l a n c des yeux, e n t r e les d e u x yeux, Regarder en face, FIXER (Ac. 1 9 3 5 , s. v.
œil). — FIXER quelqu ' un dans le blanc des yeux (Ac. 1987-2001, s. v. blanc). H • E H E H AUTRES EXEMPLES
VALLÈS, Insurg é, X X XI V ; E. ROSTAND, Aiglo n, III, 2 ;
f) A côté du tour habituel interdire qq. ch. à qqn, le droit connaît inter-
BARRÉS, D érac., p. 1 9 0 ; GIDE, tra d. d e : C o n r a d ,
dire qqn « lui interdire l'exercice de sa fonction ou l'usage de ses biens » : T y p h o n, p. 73 ; JAMMES, C lairières d a ns le ciel,
Je fis interdire le père de Cécile, qui la ruinait (GIRAUDOUX, cit. Rob.). p. 4 5 ; HERMANT, D iscor d e, p. 6 0 ; BERNANOS,
M. O uin e, p. 8 6 ; HENRIOT, A rid e Bru n, II, 7 ;
Le droit connaît aussi interdire qqn de qq. ch. : On l'a interdit DE sa charge
P R O U S T , Rech., 1.1, p . 1 2 5 ; DUHAMEI, C ivilisa tio n,
pour deux ans (Ac. 2000). — Les étudiants en théologie qui ont interdit les fem- E n t e rr e m e n t ; MORAND, C h a m pio ns d u m o n d e,
mes d' éducation [en Afghanistan] (D. VERNET, dans le Monde, 13 oct. 1998, p . 2 5 2 ; LACRETELLE, Â m e cach é e, p . 2 2 5 ; GIR AU-
p. VIII). — Au passif : Il a été pour cinq ans interdit de séjour à Paris (Ac. 2000). DOUX, C o n t es d'u n m a tin, p. 5 0 ; GENEVOIX,
2° Obtenir qq. ch. à qqn, c'est le lui faire obtenir E U , c'est le lui procu- E S I E S I REMAR Q UE
rer. D e même avoir qq. ch. à qqn, qui a peu retenu l'attention des dict. Faire o b t e nir e t faire avoir so n t d e s sy n t a g m es fré -
q u e n t s (e t s o u v e n t l'a g e n t d e l'infinitif r é g i m e est
et des gramm. et qui se trouve surtout à l'infinitif et dans des écrits in tro d uit p ar à o u r e ç o it la f o r m e d u d a tif) : Le
proches de l'oral. m ar q uis eut le b o n h e ur d e I u i TAIRE OBTENIR u n b el
Ce tour est surtout fréquent avec un pronom personnel datif (c'est-à-dire qui ava nce m e n t (STENDHAL, C h artr., II). — C h acu n e
d'elles [= d e s lorettes, p a r so n é l é g a n c e] ve u t FAIRE
correspond ordinairement à un objet indirect : fe LUI parle, § 670, b), plus rare
OBTENIR le p ri x À SON MILLIONNAIRE [ q u i l ' e n t r e t i e n t ]
avec un autre complément. (BALZAC, C o us. Be tt e, C XIi l). - La place q u e M. d e
Avec un pronom pers. : Hulot [...] LEUR AVAIT OBTENU cette fourniture des C h arlus [...] avait ré ussi à LUI FAIRE OBTENIR ( P R O U S T ,
fourrages en Abace (BALZAC, Cous. Bette, VII). — En lâchant ce Fraisier dans Rech., t. III, p. 7 6 7). — D e p uis q u e le rayo n [d'u n
l'arrondissement de Balbec, il NOUS OBTIENDRA la majorité (ID., Pons, LIII). — m a g asi n] s'é t ait lig u é p o ur LUI FAIRE AVOIR la place
d e Ro bin e a u (ZOLA, Bo n h e ur d es D ., IX). Etc.
Tâchez de M*OBTENIR un rendez-vous (VAILLAND, cit. Trésor). — Tâchez de
M'A VOIR de mon volume plus de 6 000francs (SAND, Corresp., 29 avril 1847). —
Tâchez de M'A VOIR des détails (BARBEY D'AUR., Vieille maitr., 1,3). — Tu ne pour-
rais pas M'AVOIR des bêtises rouges [= dessins faits au crayon rouge dit sanguine]
comme ça?... Est<e cher ? (E. et J. DE GONC., Ch. Demailly, XXII.) — Un beau-
père tâche [...] de LUI [= à son gendre] AVOIR un petit fauteuil à côté de lui, sous la
coupole [= à l'Académie] (ID., Man. Salomon, CXI). — fe pourrai VOUS AVOIR
tous les renseignements que vous voudrez (PROUST, Rech., t. II, p. 1114). — Avec
un complément nominal : Vous profiterez de votre influence auprès du prince de
Wissembourg pour OBTENIR A MA COUSINE une place honorable (BALZAC, Cous.
Bette, XCI). BEI E Ë K E S I H IS T O R I Q U E
Dans ces ex., il est possible de considérer que la prépos. à (sous-jacente dans V o i r d é j à : *Le cré dit d e la rein e OBTINT AUX
le cas du pronom personnel) est employée au lieu de pour (comme dans d'autres CATHOLIQUES c e b o n h e ur sin g ulier [...] d'ê tre g o u -
circonstances : § 672, b). C'est l'explication proposée au sujet d' obtenir par vern és successive m e n t p ar trois n o nces a p ost oli -
q u es (Bo ss. , cit. Littré s o u s la d é fi n i t i o n « f air e
Togeby, § 1596, 9. O n trouve pour en effet, surtout avec un complément
q u'il o b t i e n n e u n e c h o s e »).
nominal :[...] qui OBTINRENT la pairie POUR LEUR GENDRE (BALZAC, Béatrix,
Pl., p. 394). — Le Capitaine [...], AYANT OBTENU POUR CHARLES une demi-
bourse, le mit au collège de Sens (FLAUB., Educ., I, 2). — Le représentant [...]
OBTIENT POUR LUI [ = un jeune compatriote] le commandement de l'artillerie
(VOX, cit. Togeby).
Cependant, la substitution de pour semble parfois moins naturelle, voire dif-
ficile, et il est préférable de voir dans la construction une sorte d'effacement de
faire (comp. § 774, e, 3°) : Ces six semaines de comédie si pénible [...] M'OBTIEN-
DRONT un instant de réconciliation (STENDHAL, Rouge, II, 28). — Je puis VOUS
OBTENIR la statue du maréchal Montcornet, que l' on veut ériger au Pére-Lachaise
(BALZAC, COUS. Bette, X X I I I ) . — Cette vie aristocratique me semble [...]la seule qui
NOUS OBTIENNE le respect, l'amitié d' une femme (lD„ Contrat de mar., Pl., p. 87).
— Ce qui LUI AVAIT OBTENU la confiance de Louise (FLAUB., Éduc., III, 4). — Le
Grand Pénitencier de France, qui LUI AVAIT OBTENU son audience [au Vatican]
(E. et J. DE GONC., Man. Salomon, CXI). — Cette brave dame [...] eut la bonne
idée de M'OBTENIR [= d' obtenir que jefasse] une copie du portrait de l'Empereur (ID.,
Mme Gervaisais, C X X X V I I ) . — Pouvez-vous M'A VOIR cette communication?
(HANSE.)
Q u a n t à acquérir qq. ch. à qqn (que le Trésor est seul à considérer comme
rare), à ne peut y être remplacé par pour : Ses qualités LUI ONT ACQUIS l' estime de
E U ! E U HISTORIQUE tous ses collèges (Ac. 2001). 7TB!
Ex. classiques d ans Littré (trad uits « procurer, Dans ces ex. de conquérir (et de conserver), pour conviendrait : Il montrait
faire avoir »), n ota m m e nt : *// n'est p oin t d e cli -
une grande déférence pour l'abbé Faujas. Il LUI CONQUÉRAIT le groupe des jeunes gens
mat où mon a m o ur fa t ale / N'AIT ACQUIS A MON
NOM la h ain e g é n érale (CORN.).
studieux (ZOLA, Conq. de Plassans, XIX). — Quand elle [= l'Angleterre] trouve de
splendides garçons comme moi qui LUI CONQUIÈRENT des empires et qui les LUI CON-
SERVENT (MAUROIS, Silences du col Bramble, X X I V ) . — Mais moins dans ceux-
ci : Ivan Fischer dirigera le Budapest Festival Orchestra, AUQUEL il A CONQUIS l' une
des premières places dans le monde (E. RADAR, dans la Revue générale, sept.-oct.
1995, p. 95). — Pour CONSERVER A UN ENFANT l' égalité d'humeur et la rectitude
de jugement (BERN. DE SAINT-P., cit. Trésor). — Il faut LUI CONSERVER des
moyens d' existence (Ac. 2 0 0 1 ) . — CONSERVER sa souplesse A UN CUIR (Rob.).
C o n c u r r e n c e s e n t r e à e t avec.
Les verbes exprimant l'idée d'union admettent les deux préposi-
tions à et avec L i l , bien que celle-ci fasse un certain pléonasme avec le E U E S I REMARQUE.
sens du verbe ; elle est d'ailleurs nettement plus rare que la première C e s v e r b e s o n t e n m ê m e t e m p s u n o b j e t direct :
Join d re L'UTILE à l'a gré a ble. O n p e u t a u ssi c o n s -
après unir, joindre, mêler, [ f j j
truire les d e u x c o m p l é m e n t s c o m m e d e s o b j e ts
• Unir : Le pâle hortensia s' unit AU myrte vert (NERVAL, Chimères, directs e n l e s c o o r d o n n a n t : Join d re l'u tile ET
Myrtho). — La nature divine s' unit AVEC la nature humaine en Jésus- l'a gré a ble. On peut encore les coordonner
Christ (Dict. gén.). c o m m e s u j e t s d u v e r b e à la f o r m e p r o n o m i n a l e :
L'u tile e t l'a gré a ble se so n t join ts. — D e s g r a m m a i -
• Joindre : Joindre la prudence et la valeur, A la valeur, AVEC la valeur rie ns o n t p r o p o s é d e s distinctio ns s é m a n t i q u e s
(Ac. 1935). — Quand il a vu qu 'il était trop faible, il s' est joint A un tel, s e l o n q u e l ' o n a a v e c o u à . Ell e s o n t é t é r e j e t é e s
A V E C un tel (ib.). — E n 2 0 0 0 , l'Ac. ne laisse plus le c h o i x q u e p o u r p a r Li t t r é a u n o m d e l' u s a g e : v o i r s. v. allier, m êler.
une expression : Joindre la clémence à la majesté ou avec la majesté, ce • : > • W M HIST ORIQUE
qui s e m b l e t é m o i g n e r d u r ecul d'avec. A v e c é t ait p lus usit é a u XVIIE e t a u XVIIIE s.
q u ' a u j o u r d ' h u i : 'La co ur ve u t t o u jo urs UNIR les plai -
• Attier : Le cuivre peut s'allier À de nombreux autres éléments métalliques sirs AVEC les affaires (Bo ss., cit. Lit tr é). — 'Q u e sur
(Grand dict. enc. Lar., s. v. cuivre). — Il serait très avantageux à son A m é n aïd e il ait levé les ye u x , / Q u'il ait osé p ré t e n d re
ami d'allier sa cause AVEC celle du parti musical le plus avancé à S'UNIR AVEC elle ? (VOLT., cit. Ro b ., s. v. lever 1.) —
* Est - il rie n d e plus in dig n e d e co m p assio n q u'u n m isé -
(R. ROLLAND, Jean-Chr., cit. Trésor). — Il sait allier la fermeté AVEC
ra ble su p er b e, q ui IOINT l'arro g a nce AVEC la faiblesse F*
une bienveillance souriante (Dict. contemp.). (Bo ss., Œ uvres ora t., t. III, p. 6 7 1 . ) — *Le b élier s e
JOINT AVEC la ch èvre co m m e t e ch eval AVEC l'â n esse
• Mêler: À ces chants cadencés [...] se mêle / L 'harmonieux grelot du
(BUFF O N, cit. Lit tr é). — Lors q u e la D a nce sera MESLÉE
jeune agneau qui bêle (VIGNY, Poèmes ant. et mod., Cor). — Il mêlait AVEC la M usiq u e, cela f era plus d'e ff e t e ncore (MOL.,
la sévérité A un souci extrême de la justice (Dict. contemp.). — Mêler le Bo urg, g e n t., Il, 1 ). — Les sy m p t ô m es d e l'a d m ira tio n
vrai AVEC le faux (Grand Lar. langue). — Des vapeurs qui se mêlaient e t d u plaisir vie n n e n t se MÊLER sur m o n visa g e AVEC
c e u x d e la joye (DID., C orresp ., 1 8 o c t . 1 7 6 0 ) .
A V E C des nuages ( J . L A U R E N T , Dimanches de M,u Beaunon, p. 2 1 7 ) .
Se m a r i e r a n'est p a s r é c e n t ; j'ayle c œ ur lié / A u vos -
Mêler dans est vieilli : D 'horribles mégères, qui étaient mêlées DANS la tre ainsi q u'u n e vig n e se lie / Q u a n d d e ses b ras AUX
foule [...] (HERMANT, Confidences d' une aïeule, III). or m e a u x se m arie (RO NSARD, é d . V., t. V, p. 1 3 1 ) . —
+ Je crois q u'e n fin M. d e Lavar din se m ariera A M " e d e
En outre mêler de : Mêler D ' eau un vin (Rob.). — Se mêler
N o ailles (SÉ V, 21 m a i 1 6 8 0 ) .
« s'occuper » se construit avec de : Mêlez-vous DE ce qui vous regarde !
• Pour associer, Littré distinguait II associait le courage avec la prudence « il
f o r m a i t u n e u n i o n d e c e s d e u x q u a l i t é s » e t . . . à la prudence « il a v a i t
l'une e t l'autre d e ces q u a l i t é s » : subtilité qu'il e s t b i e n difficile d e vérifier
K S M E U REMARQUE.
d a n s l'usage ! E n r e v a n c h e , q u a n d le ver b e a le s e n s « faire p a r t i c i p e r » S e l o n L a V a r e n d e ( C œ u r p e nsif..., p. 1 3), o n d it
ou, pr onominalement, « p a r t i c i p e r » , à s ' i m p o s e : Dioclétien associa a u ssi e n N o r m a n d i e ° s e m arier d e e t " s e m arier
Maximien À l'Empire (Ac. 2001). Je m'associe A votre douleur (ib.). co n tre. — C e t e m p l o i d e co n tre s e m b l e a v o i r é t é
p l u s r é p a n d u : À q uin z e a ns, ses p are n ts la m ariè -
• Marier : Son père l'a marié A la fille, AVEC la fille d' un de ses amis (Ac. re n t CONTRE u n colo n el d e vin g t a ns q ui n'a b a n -
d o n n a p as u n inst a n t la m oin d re d e ses m aîtresses
1 9 3 5 ) [seulement à en 2 0 0 1 ] . — Marier la vigne A V E C l' ormeau, A
e n l'h o n n e ur d e l'é p o usé e (VERL., Œ u v r e s e n p r.,
l' ormeau (Ac. 1935 [ex. disparu en 2001]). — Je me demandais si me p . 1 6 3 ). — C o m p . : V o tre s œ ur v e u t vo us m arier, dit
marier AVEC Albertine ne gâcherait pas ma vie (PROUST, Rech., t. III, l'avoca t à l'e x - m ercier. / - À L'ENCONTRE DE q ui ? fit
Ro gro n. / - A vec ce tt e vieille sib ylle d'instit u trice,
p. 27). — Son père qui l'avait empêchée de se marier Kun soupirant trop s'écria le vie u x colo n el (BALZAC, Pierre tt e, V I) . [L a
bien peigné (CAMUS, Chute, Pl., p. 1511). E U s c è n e e s t à Pr o v i n s .]
• Fiancer: Cette dernière était fiancée AU baron de Plane (BOURGET,
Disciple, p. 39). — Louise se fiança A un couvreur (BEAUVOIR, Mém.
d' une jeune fille rangée, p. 99). — Il s' était fiancé AVEC la sœur d' un de
ses camarades (ib., p. 309). — Fiancé AVEC une jeune fille charmante
(E. JALOUX, Chute d'Icare, p. 90). — Il passait [...] pour être fiancé
AVEC une jeune fille de la ville (MAUROIS, Meïpe, p. 14).
D e même, identifier :
Je n 'ai jamais pu comprendre pourquoi il LEUR [= aux personnages de Dos-
toïevsky] identifiait les Allemands (PROUST, Rech., t. III, p. 776). — En s'identi-
fiant AU héros du roman (SARTRE, Situations, I, p. 133). — Elle s'identifiait A Paris
(CHAMSON, Rendez-vous des espérances, p. 133). — La définition doit s'identifier
AVEC le défini (LlTTRÉ). — Un auteur dramatique doit s'identifier AVEC les person-
nages qu 'il fait agir et parler (Ac. 1935). — Cet acteur s'identifie À son personnage
(Ac. 2000). — Identifier un passant AVEC un ancien camarade de collège (Rob.).
E n revanche, ° a s s i m i l e r avec n'est pas admis dans le langage soigné.
Avec harmoniser, familiariser, à est littéraire :
Il montrait unfront sagace dont la couleurjaune S'HARMONISAIT A UX filaments
de sa maigre chevelure (BALZAC, Urs. Mirouët, III). — Dans l' édifice, l'individuel
[... ] ne vaut que s'il S'HARMONISE Kun ensemble d' efforts (BARRÉS, Appel au soldat,
1.1, p. 5). — Le jury achève d' Y [= aux usages des légistes] FAMILIARISER toutes les
classes (TOCQUEVILLE, Démocr. en Amér., I, II, 8). — Pour peu qu 'il [= le lecteur]
soit FAMILIARISÉ « A ces vastes contemplations » (BACHELARD, cit. Trésor).
b) Quoique le préfixe con- (et ses variantes) que l'on trouve dans des
verbes empruntés au latin signifie « avec », il est admis dans la
BEIES1H.STOR.QUC meilleure langue de les faire suivre de la préposition avec. j J 3
Ex. d'avec au XVIIe s. : *C o m p ara n t la p a uvre t é
• Comparer avec : Comparer la traduction AVEC l' original (Ac. 2001). — On
d e ce d ernier é difice AVEC la m a g nifice nce d e
l'a u tre (Boss., D isc. hist. u niv., II, 4). - *// fa u d rait
est forcé d' être modeste quand on se compare AVEC lui (Ac. 1932 ; ex. disparu
vo us co n fro n t er AVEC VOS p areils (LA BR., IX, 20). en 2001). — E ne faut pas comparer les chagrins de la vie AVEC ceux de la
mort (MUSSET, Conf, III, 2). — Comparer une copie AVEC un tableau, c ' est
les étudier comparativement et prononcer sur leur mérite relatif (Lar. XX' s.).
On dit aussi comparer à : Rien ne peut se comparer AU bonheur d' une cons-
cience tranquille (LlTTRÉ). — On compare les conquérants A des torrents
impétueux (Ac. 1932). — Qui oserait se comparer A un tel génie ? (Ac.
2001). — Comparer l' obéissance militaire À celle qu ' exige l'Eglise (GIDE,
Journal, 2 6 juin 1 9 4 3 ) .
Pour Littré, « comparer à se dit plutôt quand on veut trouver un rapport
d'égalité. Comparer avec se dit plutôt quand on confronte, quand on
recherche les dissemblances et les ressemblances ». L'ex. de MUSSET
donné plus haut, celui de BOSSUET dans l'H2 montrent que la distinction
n'est pas toujours bien nette.
• Confronter avec : Confronter des témoins AVEC l'accusé (Ac. 2000). —
Confronter de temps en temps les lois humaines AVEC la loi chrétienne
(HUGO, Disc, de récept. à l'Acad.). — Le point de vue que j'ai adopté
devrait être confronté AVEC celui d'autres lexicographes (G. MATORÉ,
Hist. des dictionnaires fr., p. 179). — Confronter les déclarations de
quelqu ' un AVEC ses écrits (Petit Robert).
On dit aussi confronter à : Confronter des témoins A l'accusé (Ac. 2001).
— Confronter la copie A l' original (Ac. 1932). — Je ne la [= une
impression] confrontais plus A une idée préalable, abstraite et fausse, du
génie dramatique (PROUST, Rech., t. II, p. 49).
Les ex. donnés ci-dessus présentent les sens traditionnels : confronter
une personne avec (à) une autre, c'est les mettre en présence, surtout
pour vérifier leurs dires ; confronter un texte avec (à) un autre, c'est les
comparer. A u X X e s. s'est introduit un sens nouveau (encore passé
sous silence par l'Acad. en 2001) : confronter qqn avec (à) une difficulté,
un problème, c'est les lui faire affronter. C ette innovation, où on voit
une influence de l'anglais, s'est largement répandue, surtout dans le
tour passif être confronté avec (à) : L 'homme qui [...] se trouve confronté
AVEC les passions (GAXOTTE, dans le Figaro litt., 1 4 oct. 1 9 6 1 ) . —
Incapable de confronter mon héros [...] AVEC les problèmes qui avaient
été les miens (MAUROIS, Œuvres compl., 1.1, p. 388). — Les problèmes
AVEC lesquels ils se trouveraient, alors, confrontés seraient d' ordre écono-
mique (DE GAULLE, Mém. de guerre, t. II, p. 244). — Je me trouvais
soudain confronté AVEC l'image d' une brutalité première (GARY, Chien
blanc, p. 17). — Confrontés toujours AUX mêmes questions (CAMUS,
Chute, Pl., p. 1549). — Confronté AUX problèmes des jeunes mariés
(BUTOR, Modification, p. 86). — Nous fûmes confrontés A de pressants
problèmes d' embouteillage (VERCORS, Bataille du silence, p. 280). —
Autres ex. dans le Trésor : GUÉHENNO ( 1 9 3 4 ) , Al. CARREL ( 1 9 3 5 ) .
On écrit aussi, hardiment, ° a f f r o n t é à : Deux jeunes époux affrontés À
la mise au point d' un nouveau style de l'amour (P.-H. SIMON, dans le
Monde, 13janv. 1965).
• Communiquer (intransitif) avec : L 'avocat demande à communiquer
AVEC le prévenu (Ac. 2001). — Un souterrain faisait communiquer le
donjon AVEC l' extérieur (ib.).
Dans le second cas, qui concerne des lieux, la préposition à se trouve
parfois encore liKi dans la langue littéraire : La salle à manger, qui K S I E 2 3 HISTORIQUE
communiquait AU salon par une porte à quatre vantaux (HERMANT, C o m m u niq u era était en usage au XVII e s. : 'A près
Grands bourgeois, I). — Un bureau communiquant AU salon (THÉ- avoir co m m u niq u é À so n [= d e Jésus] divin cor ps
[...], n e co m m u niq u o ns p oin t À Sa t a n, ni À sa p o m p e
RIVE, Fils du jour, p. 80). ni À ses œ uvres (Boss., Œ uvres orat, t. III, p. 411).—
O n dit, dans l'usage soigné, causer AVEC quelqu ' un, comme bavar- C ela était resté courant, à propos d e lieux, au
der avec quelqu ' un : XIX e s. : Le seco n d é t a g e [...] co m m u niq u ait À u n e
p e tit e g alerie (S.-BEUVE, P. - Royal, V, 8). — Le co uve n t
Je causais longuement AVEC les paysans et les ouvriers (NERVAL, Aurélia, II, d es C or d eliers [...], q ui co m m u niq u ait p ar u n so u -
5). — J ' en ai causé AVEC M. F. Picavet (BARRÉS, Génie du Rhin, p. 232). — t errain AU vie u x co uve n t d e Sain t - G e or g es (NERVAL,
Cause AVEC lui (GIDE, Retour de l' enf. prod., p. 1 4 2 ) . — J 'ai causé AVEC des Mar q uis d e Fayoile, 1,6). — Autres ex. : C l iat., Mé m .,
Allemands de bien des sortes (BAINVILLE, Chroniques, p. 202). — Je viens de I, I, 7 ; BALZAC, G orio t, p. 5 ; etc. - En 1878, l'A c lais-
sait e ncore le choix : C e ca n al co m m u niq u e À t el
causer sérieusement AVEC Dubreuilh (BEAUVOIR, Mandarins, p. 21).
fle uve, AVEC t el fle uve. Elle y a renoncé en 1932.
La langue populaire, à Paris et dans certaines provinces, dit cou-
ramment ° c a u s e r À quelqu ' un, comme parler à quelqu ' un. Dans l'écrit,
cette construction est assez rare, sauf si les auteurs veulent rendre
l'usage parlé. I!C»
K H E S H HISTORIQUE
C' est un gaillard qui en dégoise [...]; il VOUS cause du ciel et de l' enfer, de l'ave- C a user a pris le sens « parler » au X VI e s. : cf. T ré -
nir et de la Providence, ni plus ni moins que s'il était conseiller privé du Père Éternel sor. Il s'est construit à cette é p o q u e av ec à : par
ex., ch e z BAÏr et AUBIGNÉ (cf. H u g u e t). A u x X VII e
(MUSSET, Contes, Lettres de Dupuis et Cotonet, II). — Ce Joseph d'Arimathie
et X VIII e s., d'a près les dict. d u tem ps, ca user
n 'avait pas peur d'aller trouver les puissances. / De causer AUX puissances (PÉGUY, s'e m ployait ordin aire m e nt sans q u e l'interlocu -
Myst. de la char, de J. d'Arc, p. 103). — Voyez-vous ça ? Ce qui m' étonne, c ' est qu 'ils teur soit in diq ué. O n tro uve parfois ca user à :
trouvent encore des personnes qui consentent à LEUR causer ! (PROUST, Rech., 1.1, Lisis m'a b or d e, e t t u ME ve u x ca user I / [...] /
p. 259.) — line vous fait même pas réponse quand on LUI cause (ib., t. II, p. 23). — Q u a n d je vois u n A m a n t, u n frere m'i m p ort u n e
(CORN, Pl. Roy., Il, 5). — Elle ME ca usa lo n g t e m s
Le monsieur veut te demander un renseignement; cause-UJL (H.BATAILLE, Mas-
avec ce tt e fa m iliarit é ch ar m a n t e q ui lui est n a t u -
que, I, 4). — Un copain M'avait causé d' une place en banlieue (ROMAINS, 6 oct., relle (J. -J. Rouss., C o n f., VII). — M ais ca user avec
X I X ) . — On SE causera quand on se rencontrera (BEAUVOIR, Mandarins, p. 137). paraît plus fré q u e nt : "Il y a u n e h e ure q u e je
Il arrive cependant que des auteurs emploient le tour pour leur ca use AVEC Soleri (SÉv., 2 6 nov. 1 6 8 8). — "Le d uc
compte. Cela s'observe dans des écrits (lettres, journaux intimes) où d'O rlé a ns ré g n a n t d aig n a u n jo ur ca user AVEC
m oi a u b al d e l'O p éra (VOLT., C orresp ., 1 3 oct.
ils se surveillent moins, mais parfois aussi dans d'autres circonstances 1 7 5 9). — )e ca use lib re m e n t d e t o u t cela AVEC
(chez CLAUDEL pour braver ostensiblement l'interdit j e t é par les vous, m es a m ies (DID., C orresp ., 1 5 août 1 7 6 2).
grammairiens E U ) :
E U E S I REMARQUE
On trouve toujours dans cette ville-là des gens À qui causer (FLAUB., Corresp., Il a écrit, en effet : « Parlera est général et abs-
t. I I I , p. 1 9 3 ) . — Depuis que je VOUS en ai causé, j'ai repris Chantefable (GIDE, trait. Causer à, c'est le niveau de la conversa-
dans Gide et A . Mockel, Corresp., août-sept. 1 8 9 1 ) . — Il M'a causé très familiè- tion, quelque chose d'intime, de familier, de
rement (R. ROLLAND, Journal, dans les Nouv. litt., 6 déc. 1945). gentil. On peut parler à Dieu, à la nature, à
une assemblée politique ; on cause à demi-
On LEUR cause familièrement de tout ou de presque tout (TAINE, Notes sur
voix à sa voisine... C a user avec est oblique et
l'Anglet., p. 94). — Il ne faut pas qu ' on ME cause de choses positives (ID., Voy. aux embarrassé. C a user à est prompt, direct, il
Pyrén., p. 298). — Tout en SE causant, il avait arpenté une longue allée qui condui- s'adresse vivement à notre interlocuteur. En
sait au bout de la clôture (HUYSMANS, En route, cit. Trésor). — Ce n ' est pas de le proscrivant, on sacrifie une nuance char-
Wagner que je voulais VOUS causer aujourd'hui (CLAUDEL, L ' œil écoute, p. 99). mante de notre langue. J'encourage donc
Le Dict. contemp. présente c o m m e simplement familière la construction notre population écolière, qui d'ailleurs a de
causer À quelqu ' un (« surtout avec un pron. pers. »), ainsi que la formule trouver la défense, à ne pas se laisser déposséder de
c e terme excellent. » (Cité par Grevisse, Pro -
À qui causer, avoir affaire à une personne résolue. — Gide écrivait déjà dans son
blè m es d e la n g., t. IV, pp. 1 7 9 - 1 8 0 . )
Journal, le 3 0 mai 1 9 3 0 : « Q u a n d [sic.'] aux : « se rappeler de », « causer à
Dans le choix entre p arler et ca user, il y a aussi
quelqu'un », volente nolente l'on sera forcé d'y venir. » Les progrès de causer à ne des différences selon les régions : ca user
paraissent pourtant pas décisifs. — Colin, assez favorable à causer à, rejette paraît moins usité en Wallonie qu'en France.
cependant comme pop. d'autres empiétements de causer sur parler : causer fran-
çais (cf. § 297, b, 7°, N. B. 3) et causer absolument : Il CAUSE beaucoup mais ne fait
pas grand-chose (Ac. 2 0 0 1 , aussi c o m m e pop.).
L'Ac. 1 9 3 5 mentionne, sans indiquer de nuance, parler avec
quelqu ' un, parler à quelqu ' un.
A s'impose quand le verbe signifie « adresser la parole » : C' est À vous que je
parle et non À votre voisin. — Avec s'emploie surtout lorsqu'il y a conversation
ou pourparlers : Pour en parler AVEC Jacques, il n 'yfallait pas penser. [...] il évitait
avec soin toute conversation à ce sujet (A. DAUDET, Petit Chose, II, 14). — Quand
je parlais d'Albertine AVEC Andrée (PROUST, Rech., 1.1, p. 927). — Tante Cora
consentit à parler AVEC mes parents, [...] parce qu ' elle ressemblait à ces vieux
ambassadeurs, qui ont le goût passionné de la négociation (MAUROIS, Climats, 1,5).
e) Avoir affaire avec qqn, à qqn.
Avec : Quoique Olivier eût souvent affaire AVEC lui, ils se voyaient très peu
(R. ROLLAND,Jean-Cbr., t. VII, p. 93). — Les négociants le connaissaient mal,
n 'ayant point affaire AVEC eux (BEDEL, M. le prof. Jubier, p. 42). — J 'ai affaire
AVEC ces pauvres hommes de la terre (DUHAMEL, Souv. de la vie du paradis, p. 32).
— 11 en parlait, du Cap, avec respect, comme tous ceux qui ont eu affaire AVEC lui
(BOSCO, Rameau de la nuit, p. 42). — C' est l' état d' esprit de la plupart lorsqu 'ils ont
affaire AVEC vous : l'appréhension (G. SLON, Conversation française, p. 205). —
Avec celui-là [= Froissart], nous avons affaire AVEC un professionnel de la littéra-
ture (R. BOSSUAT, Moyen Âge, 1955, p. 273).
A : Bambucci savait bien qu 'il n 'avait pas affaire À des enfants (SAND, Lélia,
XXXIII). — Il a eu affaire À moi pour une question de passeport (ROMAINS, Hom-
mes de b. vol., t. XXIII, p. 255). — Il décida de n 'avoir affaire À aucun collège (JAM-
MES, Janot-poète, p. 23). — Je vous serais reconnaissant d' user de votre influence
pour que les services AUXQUELS vous aurez affaire se montrent discrets (DUHAMEL,
Voy. de Patrice Périot, p. 185). — Comment l'homme peut avoir affaire en son être
A des choses qu 'il connaît (M. FOUCAULT, Les mots et les choses, p. 365).
Il est difficile d e d i s t i n g u e r n e t t e m e n t ces d e u x e x p r e s s i o n s . A i n s i o n a, dans
L i t t r é : J 'ai affaire ce matin AVEC le ministre ( = j ' a i à t r a i t e r d'affaires avec lui) —
e t d a n s l'Ac. 2 0 0 1 : J 'ai affaire AU ministre ( = j ' a i u n e q u e s t i o n à traiter avec lui).
C o m m e L i t t r é le fait obser ver , la seule d i s t i n c t i o n réelle e n t r e avoir affaire à et
avoir affaire avec, c'est q u e à est plus génér al ; o n a affaire à q q n p o u r t o u t e s sor tes
d e c h o s e s ; o n a affaire avec q q n p o u r t r a i t e r avec lui, e t e n raison d'une cer taine
r écipr ocit é, q u i n'est pas i m p l i q u é e p a r à. — M ê m e cet t e n u a n c e n'est pas t o u -
j o u r s respectée.
Avoir affaire de e s t u n e l o c u t i o n l i t t é r a i r e s i g n i f i a n t « a v o i r b e s o i n d e »,
K 9 H ! 1 REMAR QUE.
D a n s c e t e x ., avoir affaire d e p a r a ît s y n o n y m e d e e t u s i t é e s u r t o u t d a n s d e s i n t e r r o g a t i o n s d u t y p e Qu 'ai je affaire de... ?
avoir affaire à, a v e c l e q u e l il a l t e r n e : Si l'accid e n t Discernant que j'avais affaire DE sa compétence de prêtre et point DE son
p o uvait ê tre évit é e t q u'il n e l'a [sic] p oin t é t é, caractère sacré, il en dépouillait les apparences autant que cela est possible (HER-
n o us avo ns affaire À u n h o m icid e. Il y e n a d e
MANT, Discorde, p. 189). — Qu 'ai-je affaire DE l' estime de gens que je ne puis
d e u x esp èces : l'h o m icid e p ar i m p ru d e nce e t
l'h o m icid e in t e n tio n n el. N o us d evro ns e n ce c a s
estimer ? (GIDE, Feuillets d'automne, p. 237.) — Qu 'avons-nous affaire DE la chi-
d écid er DUQUEL d e ces d e u x d élits n o us avo ns mie des parfumeurs quand la ville et les champs comblent nos désirs de bonnes
affaire (SARTRE, Sit u a tio ns, V III, p . 3 1 9 ) . senteurs ? (BEDEL, Traité du plaisir, p. 142.)
N . B . D a n s c e s t r o i s c o n s t r u c t i o n s (avec, à, de), l'usage e s t d'écrire affaire en
u n m o t , m a i s c e t t e o r t h o g r a p h e se f o n d e s u r des h a b i t u d e s p l u t ô t q u e
s u r d e s r a i s o n s d e s e n s . P o u r L i t t r é , avoir à faire de « n e p e u t ê t r e c o n -
s i d é r é c o m m e u n e f a u t e ; c a r à faire c o n v i e n t m i e u x qu 'affaire » : en
p a r t i c u l i e r d a n s Qu 'ai-je à faire de cela ? o ù que n e p e u t ê t r e q u e c o m -
p l é m e n t d ' o b j e t d i r e c t de faire. — E n t o u t cas, d a n s les t r o i s c o n s t r u c -
Concurrences entre de et à.
O n dit acheter qq. ch. à qqn, ce qqn étant le vendeur : Acheter des livres
À un libraire (Ac. 2001), — bien que la même construction s'emploie
quand à introduit le nom du bénéficiaire : J 'ai acheté une montre À mon fils
[Ac. 2001] ( = pour mon fils), tour que Littré trouvait « vulgaire et
négligé » quand il y avait amphibologie ; il recommandait pour dans ce cas.
Pour s'impose quand le vendeur est indiqué en m ê m e temps : Il a acheté ce
tableau A un brocanteur POUR Marie. — L e p r o n o m réfléchi n'est pas ambigu :
Elle s' est acheté une voiture (Ac. 2001).
Littr é avait observé déjà qu 'acheter à (celui qui vend) « est plus usité dans
le langage ordinaire » qu 'acheter de. L 'Ac. donnait encore cet ex. en 1 9 3 2 : J 'ai
acheté DE lui cette maison, cette montre, ce cheval. Cela « ne se dit plus guère »,
selon le Robert. Aussi l'Ac. y a-t-elle renoncé depuis 1 9 8 6 . — E x . avec de :
Voyez si la maison que j'ai achetée DE Talleyrand peut vous convenir (NAPO-
LÉON, Lettres inédites, 25 mars 1815). — Grâce à un passeport acheté D ' une
ambassade étrangère (STENDHAL, Chron. ital., Vanina Vanini). — Barbara et
lui étaient partis l'acheter D ' un pêcheur à Lombartzyde (C. LEMONNIER, Petit
homme de Dieu, IV). — Ils achetaient D ' elle, des petits cornichons au vinaigre
dont Azarius était friand (G. ROY, Bonheur d' occasion, cit. Trésor).
Acheter de « acheter au prix de » (au figuré) s'emploie encore dans la lan-
gue littéraire : Ma consolation, c ' était qu ' un jour le bonheur de mon enfant serait
acheté DE ma fatigue et DE mes privations (A. DAUDET, cit. Grand Lar. langue).
S i l'on s'est rendu au magasin, on emploie chez : J 'ai acheté ma montre
CHEZ l'horloger de la rue Neuve. — Un bibelot acheté AU brocanteur (Ac. 1986)
[ex. disparu en 2 0 0 1 ] prête à confusion : on pourrait y voir l'emploi discuté de
au pour chez le (§ 209, c). — M a i s à s'impose dans Acheter A un colporteur. Une
voiture achetée d' occasion A un voisin.
Emprunter de continue à s'écrire, surtout dans des emplois figurés :
Sa révolution empruntant saforce DU mouvement ennemi n ' est encore qu ' une révo-
lution parasitaire (JAURÈS, cit. Trésor). — Les mots empruntés DU grec (BRUNOT,
Hist., 1.1, p. 525). — Mot anglo-américain, emprunté DE l'hispano-américain cafété-
ria (Ac. 2 0 0 1 , s. v. cafétéria). — Mais on doit tenir pour périmée la règle de Littré
• H B U RE M A R Q UE . selon laquelle de est obligatoire quand le complément est un nom de chose. E f l
°/'ai eu ce n t fra ncs À m o n p arrain est un w a l l o
nism e. La la n g u e c o m m u n e e m ploie d e. — En
b) Echapper à qq. ch., c'est l'éviter, en être préservé :
Breta g n e, o n dit : °J'ai e u d es so us AVEC m o n p ère Échapper À un danger, A la mort, AU naufrage. — À combien d'attentats, au
(cf. Revu e d e lin g. ro m ., 1 9 7 8, p. 1 5 7). juste, a-t-il échappé ? (GARY, Chien blanc, p. 187.) — Il aurait [...] peut-être échappé
À la tentation fatale (MONTHERL., Treizième César, p. 33). — Afin d' échapper À la
police de Rabat (MAC ORLAN, Bandera, cit. Rob.).
De dans cet emploi est archaïque : Échapper DU naufrage, DU feu (Ac. 2 0 0 1 ) .
— Il apportait l' oracle du docteur. / - Ce n ' est rien. Elle EN échappera, si elle ne meurt
pas du... Je ne me rappelle plus de quoi il disait qu ' eUe mourrait bien, mais cela finis-
sait en os. - Du tétanos ? s' écria madame de Piennes. / - Justement, madame (MÉRI-
• 2 9 B E I REM AR Q UE . MÉE, Ars. Guillot, I). ESI
M é ri m é e avait d'a b o r d écrit : e n réch a p p era (Pl., E n outre, de s'emploie avec des compléments adverbiaux : S' échapper de pri-
p. 8 1 6), c e q ui serait la for m ule n or m ale son, s' échapper des mains de... (échapper non pronominal étant vieilli dans ces cas).
a ujo urd'h ui.
Echapper avec un objet direct est figé dans l'expression l' échapper belle.
D a n s le sens de « laisser échapper », c'est autant qu'un archaïsme
(« vieux », dit le Trésor) un régionalisme S I : Les « petits papiers » que ses
Est d e la Fra nce ; d e la C h are n t e au G a r d ; fr. mains tremblantes échappaient (BARRÉS, Leurs figures, p. 153). — [...] qui
d'A m éri q u e (fré q u e nt au Q u é b e c). Le caract ère serait mort en scène en échappant sa pipe qui se brisa (DAUZAT, Argots, p. 133).
« fa m. o u p o p. » q u e n o t e Ré z e a u n'est pas sen-
— Jamais je ne casse rien '.Jamais je n ' échappe un verre ou une bague (GIRAU-
sible dans nos ex.
DOUX, Electre, I, 4). — Il paraissait nerveux [...]. Il échappait un ustensile, ren-
versait du café sur la nappe (M. LA FRANCE, Fils d'Ariane, p. 36).
B S 9 E S I S I HISTORIQUE Dans le sens « éviter », c'est un archaïsme C u l fréquent chez
Cf. : *J'ai éch a p p é la m ort (Bo ss., cit.Littré, A. HERMANT : Pour échapper les railleries (Bourgeois, p. 79). — Vous n 'avez
avec d'autres ex. du XVII e s.). pas échappé le scrupule (Xavier, 1923, p. 42). — Autre ex. : Vous devez être
excédé de mes lettres. Et encore vous en avez échappé une de remerciements
(PROUST, dans C l. Mauriac, Espaces imaginaires, p. 1 1 6 ) .
Dans le sens « faire s'échapper » (comp. § 287), cela semble propre à GIDE :
Elle tenait pour poétique tout ce qui l' échappait de la vie (Caves du Vat., III, 2).
c) Dans l'usage général, on ne se soucie guère des distinctions que les
lexicographes font entre goûter à qq. ch., goûter de qq. ch., goûter qq. ch.
Le chef goûte les sauces (Ac. 2000). — J ' a i goûté À la nourriture des élèves
(DUHAMEL, dans le Figaro litt., 3 juillet 1954). — Goûtez DE ces fruits, DE ces
friandises (Ac. 2000).
D a n s le sens figuré « trouver plaisir à qq. ch. », goûter se construit avec un
objet direct : Je ne goûte pas vos plaisanteries.
d) Participer à, c'est « avoir part à, prendre part à ». Participer de, qui
appartient à la langue soignée, signifie en principe « comporter une
similitude de nature avec, relever de » (Hanse), « tenir certains carac-
tères de » (Dict. contemp.).
Ex. conformes à cette distinction : On l'accusa d'avoir participé À la conju-
ration (Ac. 1935). — Une affection participant DE l'habitude, DE la compassion
et D ' une indifférence bienveillante (MAUPASS., C., P a r un soir de printemps). —
Les choses, transfigurées par un violent éclairage, n 'appartenaient plus à ce monde
et participaient D ' un univers inconnu à l'homme (GREEN, cit. Rob.). — Ils [= les
nobles] avaient participé DU caractère sacré du roi et, quand ils N'EN participèrent
plus, furent balayés (MALRAUX, ib, s. v. noble).
O n constate une tendance à élargir la signification de participer de : Elle
promena sur l'assistance un regard circulaire et la fit participer tout entière DE son
remerciement (HERMANT, Grands bourgeois, III). — Je participais entièrement
DE l' esprit qui les [ = les textes inspirés par Artaud] animait (A. BRETON, cité
dans Europe, nov.-déc. 1984, p. 37). — Il ne trouvait pas l' emploi de son énergie ;
plus exactement, il ne savait pas vouloir [...], et il en accusait sa nature. Il ne savait
pas qu 'il participait D ' un mal très répandu (ARAGON, Aurélien, p. 20).
les intelligibles, faciles ou non, du fait qu 'ils ressortissent À la raison (BENDA, Gra n d es vaca nces, p. 1 0 0 ; DANIEL-ROPS, A n n é es
t o urn a n t es, p. 1 4 ; M. C o i IEN, U n e f ois d e plus d es
France byzantine, p. 104). — Dans tout ce qui ressortit AU music-hall (COLETTE,
re g ar ds sur la la n g u e fr., p. 1 3 0 ; KANTERS, D es écri -
Etoile Vesper, p. 197). — Porthos ressortit AU parachutisme (NIMIER, Introd. vains e t d es h o m m es, p. 2 7 3 ; J. PERRET, Em est le
de : Al. Dumas, Tr. mousq., L. P.). — C' était bien À l'Ancien Testament et À sa re b elle, L. P., p. 3 5 ; GRACQ, Pré f ére nces, Pl., p. 9 2 0 .
justice sommaire qu ' elle ressortissait (M. TOURNIER, Vendredi ou les limbes du
Pacifi, F°, p. 90). — Le premier ministre feint de croire que les solutions à apporter
au chômage relèvent de la politique sociale, alors qu ' elles ressortissent A la politique
économique (P. FABRA, dans le Monde, 8 avril 1983).
UjHKBBH|ÉI|B «Mgsnttl
Rêver, pris au sens propre, « voir dans son sommeil », se construit i l m 1 & 9 HIST ORIQUE.
d'ordinaire avec de, parfois sans préposition, rarement avec à. ITO Les classiq u es d o n n aie n t so uve n t à rêver le se ns d e
« m é dit er, p e nser » et le co nstruisaie nt a v e c sur o u
Avec de : J 'ai rêvé D E mon diable d' oncle ( S A N D , Mauprat, X V I I ) . — Elle a à , o u sans p ré p ositio n : *A h ! q u'il y a p e u d e p er -
rêvé, durant ces quinze jours, quatre fois D E nous, surtout D E moi ( J . R E N A R D , Jour- so n n es vraies ! Rêve z u n p e u SUR c e m o t, vo us
nal, 9 avril 1890). — H y a quelques jours, j'ai rêvé D ' un incendie (Dict. contemp.). l'ai m ere z , je lui tro uve, d e la faço n q u e je l'e n t e n ds,
u n e f orce a u - d elà d e la sig nifica tio n or din aire (SÉv.,
Sans préposition : J 'ai rêvé une chute, un incendie (Ac. 1935). — Ce diable de
1 9 juillet 1 6 7 1 ). —Allo ns À c e d essein resver aille urs
livre m'a fait rêver Alfred toute la nuit [...]. Il y a huit mois j'ai rêvé des lions ( RAC., Plaid ., 1,5). — D o r a n t e , je n e sçay p oin t p ar o ù
(FLAUB., Corresp., t. II, p. 165). — La nuit dernière, j'ai rêvé cette visite et votre l'o n p o urvoit faire finir la disp u t e. / Ur a n ie . Ilfa u d roit
entrée (MAUROIS, Nouv. discours du ZX O 'Grady, p. 99). — Nous avons rêvé la resver QUELQUE INCIDENT p o ur cela (MOL., C rit, VI).
même chose. — [Sur le tour rêver voyage : § 296, a.]
Avec à : Cette nuit, j'ai rêvé À mon père (GREEN, Journal, 5 janv. 1936). [ J | E S E U R E M A R Q UE
Po u r la c o n s t r u c t i o n d e l'in finitif c o m p l é m e n t d e
Quand rêver est pris au figuré, dans le sens de « penser vaguement rêver, v o ir § 9 0 6.
à, imaginer, désirer », il se construit avec à ou de ou sans préposition.
A v e c à : Toi, sans te déranger, tu rêves A ton Dieu ! ( H U G O , Voix int., X V . ) —
On y [ = d a n s u n e c h a p e l l e ] était naturellement conduit à rêver À des choses auxquelles
on n 'aurait jamais songé dans une chapelle de chez nous (J. et J. T H A R A U D , Vieille
Perse et jeune Iran, p . 101). — Il avait rêvé À la gloire ( L A C R E T E L L E , Silbermann,
p. 171). — Nous savons que des millions et des millions de malheureux ont rêvé AU
pain comme A U salut, comme A la vie ( D U H A M E L , Tribulations de l' espérance, p . 355).
Avec de :J 'ai passé une bonne partie de lajournée à rêver DE toi (FLAUB., Corresp.,
t. II, p. 204). — J e me prenais à rêver D ' une vie enfin délivrée d'artifices (ARLAND,
Vigie, p. 42). — Un chapitre où l' on dirait tout ce qui vous passe par la tête, tout ce dont
on se souvient, ou DONT on rêve (J. etj. THARAUD, op. cit., p. 131). — Sais-tu que j'ai
rêvé DE toi sans fin dans le désert ? (HENRIOT, Tout va recommencer sans nous,
p. 179.) — L 'amour DONT elle rêvait eût été profond et constant (MAUROIS, Lélia,
p. 187).
Sans préposition : Toute sa vie, il [= Lafàyette] rêva la république et servit la
royauté (MLCHELET, Hist. RévoLfr., II, 7). — En Afrique, on rêve l'Inde comme en
Europe on rêve l'Afrique (NERVAL, Voy. en Orient, Pl., p. 200). — Nous traînâmes
et perdîmes des années précieuses, rêvant le champ de bataille dans le Champ-de-Mars
(VIGNY, Serv. etgr. mil, 1,1). — Ce bonheur-là,je ne le connais pas, moi ; ce n ' est pour-
tant pas faute de l'avoir rêvé et de l'avoir voulu (DUMASfils,Diane de Lys, III, 2). —
Vaugelas [...] n 'a malheureusement pas écrit le traité de grammaire que je rêve (HER-
MANT, Xavier, pp. 27-28). — J 'ai rêvé d'abord la gloire militaire et les rudes combats
(HENRIOT, Temps innocents, p. 8). — Il rêvait la tiare, un chapeau de cardinal
(Ac 1935).
On trouve aussi rêver sur; le complément ainsi introduit n'exprime pas néces-
sairement l'objet du rêve, mais éventuellement un point de départ : Il en est qui
rêvent SUR des images qui se forment dans leur esprit [...]. D 'autres rêvent SUR des
objets (BOSCO, Rameau de la nuit, p. 102). — Dans le train, il rêva SUR cette rencontre
(HENRIOT, Tout va recommencer sans nous, p. 124).
g) Servir « être utile » se construit avec à, notamment dans diverses
I ! » » E 3 I HISTORIQUE. expressions négatives ou interrogatives : Cela ne sert À rien. Cela ne sert
Le s cl a ssi q u e s c o n n a iss a i e n t d'a u t r e s f o r m u l e s pas À grand-chose. À quoi sert cet instrument ?
a v e c d e : *ll servirait DE PEU a u x d o m inicains d e La langue écrite emploie encore assez souvent Cela ne sert DE rien,
s'écrier [...] (PASCAL, Prov., II). — L'u n fait b e a u -
co u p d e b ruit, q ui n e luy sert DE CUERES (MOL., ÉC.
même dans les dialogues, alors que DE quoi sert... ? est devenu rare, d l
d es f., 1 , 1 ). — BARRES écrit e n c o r e : Les livres ser - • Tout cela ne servit DE rien (A. DAUDET, C. du lundi, Mort de Chau-
ve n t DE BIEN PEU p o ur n o us d o n n er la certit u d e vin). — Ça ne sert DE rien (MAURIAC, Chemins de la mer, V). —
m orale ( d a n s l'Éc h o d e Paris, 2 5 f é vr. 1 9 0 9). - Même si je vous donnais ce certificat, il ne vous servirait DE rien
C ela n e sert DE GUÈRE s e d it à Ly o n .
(CAMUS, Peste, p. 101). — L ' expérience qu 'ils ont vécue en commun ne
La c o n s t r u c t i o n a v e c à e x istait d é j à a u X V II e s. :
Mais sa ns u n Mece n as, À q u oi sert u n A u g ust e ?
leur servira malheureusement DE rien (NADEAU, G. Flaubert écrivain,
(BOIL., Sa t., I.) p. 102). — L 'apport du contexte est indispensable, mais il ne servirait
DE rien sans l'aptitude de la forme à marquer l' éventualité ou l'irréalité
E 9 | E U AUTRES EXEMPLES 0 - STEFANINI, dans le Fr. mod., janv. 1 9 5 9 , p. 4 1 ) . E 3
COCTEAU, En fa n ts t erribles, Sel., p. 61 ; BERNANOS,
D ialo g u es d es CArm él., IL, 7 ; GIRAUDOUX, Litt éra - • DE QUOI servent mes remontrances [...] ? (MUSSET, Il ne faut jurer de
t ure, p. 2 3 9 ; ARAGON, A urélie n, p. 231 ; M . THIRY, rien, 1,1.) — DE QUOI me sert ce peu de science ? (DUHAMEL, Les plai-
N o uvelles d u Gra n d Possible, M a r a b o u t , p. 2 5 0 ; sirs et les jeux, V, 1.)
A. GERBER, Le ja d e e t l'o bsidie n n e, p. 361 ; e t c. Certains grammairiens recommandent : ne servir à rien de... et ne servir
ESSIEU !! remarque de rien à..., au nom de l'harmonie, au lieu de : ne servir à rien à... et ne
Su r QUE sert d e... ? RIEN n e sert d e, v o ir § 284, 9 servir de rien de... Les auteurs ne montrent pas toujours ce scrupule : Il
et H5. ne sert DE rien DE je mettre à rire (GIDE, Journal, 26 déc. 1921). £ 9
Constructions réduites.
Il est paradoxal de parler d'un objet indirect à propos de noms
ne sont pas introduits par une préposition. Il semble pourtant
l'on soit contraint de le faire pour les cas envisagés ci-dessous.
Avec les verbes comme parler et ses synonymes (causer, discuter,
surtout), le complément indiquant l'objet de la conversation peut être
introduit par de :
• 0 1 FC&L H I S T O R I Q U E .
Nous parlions DE houilles (FLAUB., Educ., III, 3). — On convint de ne pas C e t t e co nstr u ctio n n'est p as r é c e n t e . O n disait
causer DE politique (Dict. contemp.). d é j à p arler p ais « p arler d e paix » e n a n c. fr. (p ace m
C e complément se construit aussi sans préposition, tour qui peut lo q ui e n latin). A u tr e s e x. : Moy j'irois m e ch arg er
d'u n e Spirit u elle / Q ui n e p arleroit rie n q u e C ercle
être senti comme plus familier par certains locuteurs, mais qui est
e t q u e Ru elle ? (MOL., Éc. d es f., I, 1.) — C elui - ci n e
reçu par les auteurs les plus exigeants. Q so n g e oit q u e D uca ts e t Pist oles (LA F., F., XII, 3).
Avec parler : Nous parlâmes littérature, musique et presque politique (MUS-
SET, Conf., III, 5). — Parlons politique (HUGO, Lég., X V , III, 14). — Après
avoir parlé vendange, récolte, chasse et campagne (FROMENTIN, Domin., I). — Il
entend deux femmes parler mariage (TAINE, Vie et opinions de Fr.-
Th. Graindorge, X X ) . — Ma marraine parlait marine comme un loup de mer
(FRANCE, Livre de mon ami, p. 49). — Je me laisse aller à parler vin et vendanges
à cause de septembre (COLETTE, Paris de ma fenêtre, p. 163). — Gisors ne par-
lait politique que sur le plan de la philosophie (MALRAUX, Condition hum., Pl.,
p. 346). — Parler affaires (Ac. 1935).
Avec causer : Causer littérature (LITTRÉ). — Les deux hommes causèrent
chasse et guerre (MÉRIMÉE, Colomba, II). — Homais jugea convenable de causer
un peu horticulture (FLAUB., Mme Bov., III, 9). — Il venait tous les soirs [...]
pour causer chasse (MAUPASS., C., Rouille). — Ce regard singulier [...] contri-
buait à lui donner, quand il causait idées, un air de surveiller sa pensée (BARRÉS,
Dérac., p. 185). — On causait art, philosophie, politique et littérature (GIDE,
Faux-monn., p. 11). — Ils causèrent choses militaires (MONTHERL., Èquinoxe de
septembre, p. 16).
Avec discuter : Je ne discuterai pas politique avec vous, [...], dit M. de Guer-
mantes (PROUST, Rech., t. II, p. 677). — Il n 'avait [...] aucune envie de discuter
métaphysique avec ce brave Paterson (MARTIN DU G., Thib., Pl., t. II, p. 14). —
Discuter littérature, politique avec quelqu ' un (Ac. 2001, comme fam.).
Occasionnellement, avec des verbes synonymes : Il prétendait que les jeu-
nes filles [...) ne savent que [...] BAVARDER/îirt, toilette et potins (A. LLCHTEN-
BERGER, Portraits de jeunes filles, p. 150). — Rosenwald et Burrieu DEVISÈRENT
porcelaines (FLAUB., Éduc., 1,5). — On peut ranger ici cet emploi de raisonner :
Raisonnez politique dans un dîner de savants ou d'artistes ; à leurs yeux, c ' est un
bavardage d'intrigants graves (TAINE, Vie et opinions de Fr.-Th. Graindorge,
XXI).
Ces compléments, malgré leur construction, ne présentent aucun
des caractères de l'objet direct. Il serait notamment impossible de les
remplacer par les interrogatifs qui, que ou qu ' est-ce que.
Dans le cas de rêver, l'analyse n'est pas nécessairement identique puisque
ce verbe peut avoir un objet direct (§ 290, f ) : Dors, pauvre enfant malade, / Qui
rêves sérénade... (NERVAL, Odelettes, Sérénade.) — J 'ai rêvé marionnettes toute
la nuit (SAND, Homme de neige, t. II, p. 294). — Il ne parlait que de chasse,
rêvait chasse (MAUPASS., C., Rouille). — Je dormais, et je rêvais voyage
(COLETTE, Vagabonde, II, 1). — Cela sent son cinéaste et fait rêver cocktails et
nuits de Californie (AYMÉ, Passe-muraille, p. 19).
Même remarque pour penser (cf. § 299, c, 1°) : Moi qui pars en mission, je
ne pense pas lutte de l' Occident contre le Nazisme. Je pense détails immédiats
(SAINT EXUPÉRY, Pilote de guerre, p. 31). — Il [= Delteil] pensait vignes, et moi
Tavel (SEGHERS, dans les Lettres franç., 13 juin 1947).
FCJML F U I L L R E M A R Q U E b) O n dit d'habitude jouer à tel jeu. DU
La c o n s t r u c t i o n sa ns p r é p o siti o n e t sa ns article
e s t f r é q u e n t e e n B e l g i q u e , s u r t o u t à Br u x e l l e s
Jouer AUX cartes, AUX billes, AU cerceau.Jouer À cache-cache, À colin-maillard,
e t d a n s la r é g i o n f l a m a n d e : °J o u e r b elo t e, À la marelle. Jouer AU papa et À la maman. Jouer AU bridge, AU whist, À la manille.
°Jo u er sold a ts. E x . é c r i t s : Il jo u ait cach e - cach e — Ils aiment beaucoup jouer AU billard (A. DAUDET, Rob. Helmont, p, 108). —
a v e c s e s p e tits - e n fa n ts (E. PAUWELS, Ét u d es e t Quand tu sauras dire « che... che... che... », tu pourras bien mieux jouer AU che-
esq uisses litt éraires, p . 5 6 ). — Re g ar d e z - les min de fer [dit un père à son enfant] (DUHAMEL, Les plaisirs et les jeux, III, 9).
[ = l e s e n f a n t s] jo u er b o u tiq u e (J. DESTRÉE, cit.
D e h a r v e n g ) . — A visa n t la p e tit e fla m m e ra m - Le Trésor et d'autres dict. prévoient la construction directe pour
p a n t e, il 1= M a n n e k e n - Pi s] t r o u v a [...] b e a u - le sens « pratiquer, savoir jouer » :
co u p plus a m usa n t d e jo u er p o m pier... a v e c le
Georges joue crânement bien l' écarté, pariez pour lui (BALZAC, Début dans
m a t ériel si m plifié d o n t il disp osait ( d a n s F e m -
m es d'a u jo ur d'h ui, 2 2 m a i 1 9 7 9 , p . 7 7).
la vie, Pl., p. 731). — Il sait jouer aussi le whist (PROUST, Rech., t. III, p. 673).
0 Jo u er d e c h e z u n a u t e u r s u iss e : Ils é t aie n t —Jouez-vous le mah-jong ? (BEDEL .Jérôme 60 "lat. nord, V.)
trois q ui jo u aie n t DU f o o t b all (W. RENFER, d a n s
Dans les ex. suivants, la construction directe paraît être un simple
Litt éra t ures d e la n g u e fr. h ors d e Fr., 1 9 7 6 ,
p . 5 8 9 ). — O n d it a u ssi e n Su iss e , s a n s a r t i c l e :
équivalent de la construction avec à :
°Jo u er à f o o t b all. Nous jouons la bouillotte [jeu de cartes] depuis vingt ans.'... (LABICHE,
Cagnotte, IV, 11.) — A gauche, [...] Boubouroche joue la manille avec Potasse,
contre MM. Roth et Fouettard (COURTELINE, Boubouroche, I, Indications scé-
niques). — Vous joueriez le whist avec quelque hobereau [...] et monsieur le curé
(TOULET, Mon amie Nane, VII, 1). — La construction est un peu différente
dans un ex. comme celui-ci : Si bien, si mal aimé que les mots M ' ont toujours joué
cache-cache pour te le dire (A. SARRAZIN, Lettres et poèmes, lettre à son mari,
19 avril 1958). — Jouer une charade (cf. PROUST, Rech., 1.1, p. 189) est un cas
particulier : on la représente comme on joue une pièce de théâtre.
On dit bien jower tel rôle : Elle joue les ingénues (au théâtre, ou au figuré) ; —
jouer la surprise, la simuler. — On dit aussi familièrement jouer goal, être le gar-
dien de but au football : cf. SABATIER, Noisettes sauvages, p. 38 ; ÉTIEMBLE, Par-
lez-vous franglais ? 1964, p. 64.
Avec un instrument de musique, le tour enregistré par la plupart des dict.
estjouer de : Ellejoue DE la harpe. Cependant, le Rob. donne comme normaljouer
un instrument « en jouer » avec ces ex. sans référence : Un jeune virtuose qui JOUE
le piano comme un dieu. Tu (e JOUES souvent, ton violon ? Les instruments à cordes
qui sont peu JOUÉS perdent de leur richesse de timbre. 035 • 3 9 E S REMAR QUE.
Dans le monde du tennis, on dit, sous l'influence de l'anglais, "jouer qqn Ex . b e l g e : Jo u a n t d e la m ain d roit e l'h ar m o nica
pour jower contre qqn : fe connais bien Filip pour L 'avoir déjà joué à deux reprises à b o uch e e t b a tt a n t d e la m ain g a uch e le t a m -
(dans le Soir [Brux.], 6 juin 1997, p. 25). — On [= Hewit et moi] ne S ' est jamais b o ur accroch é à so n fla nc (GHELDERODE, Bala d e
joués depuis 2001 [dit un joueur de tennis] (dans le Monde, 2 juillet 2004, p. 27). d u Gra n d Maca b re, V ) (c' e s t u n e i n d i c a t i o n
s c é n i q u e a ss e z g a u c h e m e n t r é d i g é e : = t e n a n t
I Échanges entre c o m p l é m e nt d'objet e t à la b o u c h e d e la m a i n d r o i t e ...!.
complément adverbial.
a) Il n'y a pas, entre complément d'objet et complément adverbial
(surtout essentiel), une différence radicale.
S'appuyer sur un mur et s'appuyer sur un mauvais raisonnement diffèrent
surtout quant au sens du verbe : quand celui-ci est pris au propre, il implique
un complément de lieu, ce qui n'est plus le cas quand il est pris au figuré. —
j' envoie un colis à Versailles et J ' envoie un colis à ma sœur : c'est la catégorie
sémantique du nom complément qui change.
b) P o u r cette raison, un certain nombre de verbes peuvent avoir en
concurrence les deux types de compléments, avec des différences
sémantiques plus ou moins grandes.
1° Attendre. La langue commune a le choix entre Attendez JUSQU'À
lundi, où le caractère adverbial du complément est net, et Attendez
lundi. — Attendez À lundi est vieilli et littéraire (« quelquefois », disait
l'Acad. en 1 9 3 2 , qui ne mentionne plus le tour en 2 0 0 1 ) :
Je n 'ai pas attendu [...] À ce matin pour prendre des renseignements (BAL-
ZAC, Urs. Mirouët, VIII). — Ce n'est pas mon goût de passer la nuit au bal et
d'attendre AU lendemain le hasard d' une chambre (SAND, Homme de neige, 1.1,
p. 34). — Il ne faut pas attendre À notre époque pour trouver des maîtres
(G. PARIS, préf. de : Diez, Introd. à la gramm. des langues romanes). — Il serait
préférable que vous attendiez À demain (Ch. PLISNIER, Mort d'Isabelle, p. 130).
— La seule idée d'attendre AU lendemain pour voir Florence (M. DURAS, cit.
Hanse). — Pour partir, attendez AU jour, À la belle saison (Ac. 1932).
2° O n dit dépasser qq. ch. dans le sens d e « être plus long ou plus haut
que qq. ch. », mais lorsqu'il s'agit d'une chose qui est incluse dans une
autre, on dit de plus en plus dépasser de qq. ch.
Les pattes rouges des homards dépassaient LES plats (FLAUB., M"" Bov., 1,8)
[La l r e éd. portait: ...DES pla t s.] — Un collier [...] qui dépassait DE sa robe
(PROUST, Rech., 1.1, p. 709). — Son jupon dépassait un peu sa robe (Ac. 1989).
[Devenu en 2001 : . . . dépassait DE sa robe.] — Un mouchoir, un journal dépas-
sait DE sa poche (Ac. 1989 et 2001).
3° A u lieu d'enquêter dans un lieu, auprès de certaines personnes, le
tour ° e n q u ê t e r un lieu, °enquêter des personnes cherche à s'introduire,
depuis la fin du X I X e s. I f f l E U MM HIST ORIQUE.
Fort peu de dict. le signalent ; cela est « exceptionnel » pour le Trésor ; En q u ê t er a d ' a b o r d é t é u n v e r b e tra nsitif signi -
fia n t « c h e r c h e r , d e m a n d e r » o u « i n t e rr o g e r » e t
« rarissime » pour le Robert 2001, sauf au participe passé : Les personnes enquê-
c e l a j u s q u'a u X V II 0 s . : v o ir W a r t b u r g t. IV ,
tées (Rob.). Le Grand dict. enc. Lar. mentionne l'emploi au passif : Être enquêté. p. 7 0 7 . — A u se ns m o d e r n e d e « f air e u n e
Magasins enquêtés, populations enquêtées. — Ex. : Un reporter joyeux me dit son e n q u ê t e » e t c o m m e intra nsitif, la 1 r c a t t est a ti o n
projet de m'interviewer et de « m enquêter » (BLOY, fournal, 1893, cit. Trésor). — est d a n s l e N o uve a u Lar. illustré ( 1 9 0 0 ).
Les îles ont été enquêtées par Edmont [pour l'Atlas linguist. de la Fr.]
(F. LECHANTEUR, dans le Fr. mod., juillet 1949, p. 211).
En outre, enquêter qq. ch. ou qqn équivaut parfois àfaire une enquête (de type
juridique) sur: La Commission [...] voudrait se borner à enquêter les journaux
(BARRÉS, dans la Cocarde, 19 févr. 1895). — Pour enquêter des misérables que
l' on sait être d'intelligence avec l' ennemi, il n ' est nullement nécessaire déposséder la
preuve matérielle de leur vénalité (ID., Chron. de la Grande Guerre, t. X, p. 138).
— Ex. de CLEMENCEAU dans le Trésor. — Chez PÉGUY, qui joue sur les mots,
il est plus difficile de déterminer exactement le sens : Et ce ne sera pas ces maîtres
des enquêtes / Qui nous enquêteront dans nos états-civils [sic] (Ève, p. 253).
A u lieu du tour habituel fréquenter un lieu, une personne, on
trouve encore souvent, dans la langue écrite, fréquenter dans un lieu
(les ex. de POURRAT et de RAMUZ paraissent plus régionaux que lit-
téraires) et chez qqn.
Le petit groupe de fidèles OÙ f ré q u e n t ai t assidûment Sturel (BARRÉS, Appel au
soldat, t. II, p. 290). — La société O Ù fréquentait Swann (PROUST, Rech., 1.1,
p. 191). — Le milieu O Ù fréquentait ma mère (GIDE, Si le grain ne meurt, I, 6).
— Ce quelqu ' un fréquente une maison DANS laquelle fréquente également une
vieille fille sotte, cancanière et bavarde (LÉAUTAUD, Théâtre de Maurice Boissard,
cité dans les Entretiens avec R. Mallet, p. 224). — Il fréquentait LÀ volontiers
(P. CAZIN, Décadi, p. 68). — Une espèce de couloir [...] tellement rocheux et aride
que seuls les moutons Y fréquentent (RAMUZ, Derborence, cit. Trésor). — L 'archi-
prêtre de Baillœil [...] fréquente assidûment CHEZ les RR. PP. Chartreux de Ver-
chocq (BERNANOS, Journal d' un curé de camp., Pl., p. 1033). — Je fréquentais
DANS une petite institution libre (DUHAMEL, Club des Lyonnais, IV). — Fré-
quenter DANS les familles riches (POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1.1, 1931,
p. 166). — Un salon O Ù fréquentèrent les hommes de lettres (D. MORNET, dans
le Lar. XX' s., s. v. Épinay). — Cette partie de la jeunesse catholique qui Y [= dans
un cercle] fréquentait (ARAGON, Cloches de Bâle, II, 6). — Ne plus fréquenter
CHEZ les trois personnages qui représentaient le clan ennemi (SIMENON, Coup de
lune, VI). — Les doux Allemands qui fréquentaient CHEZ mon grand-père (SAR-
TRE, Mots, p. 96). — Ils passent devant « le Valet de Pique » O Ù fréquentent les
AUTRES EXEMPLES. hommes en casquette (D. BOULANGER, Nacelle, p. 45). — Flaubert fréquente
A v e c ch e z : H. DE RÉGNIER, Fla m b é e, XIX ; FRANCE, CHEZ la princesse Mathilde (M. NADEAU, G. Flaubert écrivain, p. 332). u l
O r m e d u m ail, III ; FARRÈRE, C ivilisés, XII ; THIBAU-
A u lieu de fréquenter une personne, dans le sens particulier « avoir
DET, Hist. d e la litt. fr. d e 1 7 8 9 à n os jo urs, p. 4 3 2 ;
M A U R I A C , La ch air et le sa n g, X ; H . MARTINEAU,
des relations amoureuses avec elle », on trouve parfois, dans la langue
d a n s St e n d h a l, Ro u g e, p. 5 4 2 ; E. HŒPEFNER, familière, fréquenter avec :
T ro u b a d o urs, p. 151 ; e t c.
Un beau jour elles ont été enceintes toutes les deux. Il avait commencé à fréquenter
U S E L I HISTORIQUE AVEC une, et après AVEC l'autre (MALRAUX, Noyers de l'Altenburg, p. 130). d
Fré q u e n t er AVEC q q n était n o r m a l j a d is d a n s La langue populaire construit aussi fréquenter de façon absolue, dans le
d'a u tr e s a p plica tio ns, m ais s o u v e n t avec u n e sens qui vient d'être signalé : M"" Frontenac cédait à la fois à l'inquiétude et à
n u a n c e p é j o r a tiv e : Mais le m oye n d e se n tir, d e
l' orgueil, quand Berthe disait : « M. Jean-Louis fréquente... » (MAURIAC, Mys-
s'élever, d e p e nser, d e p ein d re f ort e m e n t, e n fré -
q u e n t a n t AVEC d es g e ns t els q u e ce u x q u'il fa u t voir tère Frontenac, V.) — Tout le monde le savait, elle ne fréquentait [imprimé en
p o ur vivre (DID., N eve u d e Ra m e a u, p. 98). — L' A c italique] pas (GlONO, Roi sans divertissement, Pl., p. 461). — Elle me dit un jour
1 9 3 2 d o n n e e n c o r e c e s e x. : Fré q u e n t er AVEC les avec fierté : / - Moi, maintenant, je «fréquente » (PAGNOL, Temps des secrets,
h éré tiq u es. Il lui est d é f e n d u d e fré q u e n t er AVEC c e s p. 88). — Elle fréquente, vous voyez, je ne me suis pas trompée hier que je vous
g e ns - là. Ils o n t disp aru e n 2 0 0 0 . — C o m p . frayer.
disais que y avait de l'homme là-dessous (A. COHEN, Belle du Seigneur, p. 444).
— Son corps offrait un modelé, une expression [...] qui n ' était plus celle d' un ado-
lescent, et la réflexion me vint qu 'au village Peyrol devait déjà «fréquenter »
( H É R I A T , Temps d'aimer, p. 41). — J o u r n ée s organisées pour la masse des jeunes
[...] commençant à fréquenter ou ne fréquentant pas encore (dans Filles et garçons
en face de la vie, mai-juin 1957, p. 6). — Avec deux ou trois francs d'argent de
poche par jour, il est difficile de fréquenter [imprimé en ital.], comme on dit dans
le Midi ( G A R Y , cit. Rob.). — Cela est courant aussi en Belgique.
La construction transitive elle-même, dans ce sens, a une allure assez fami-
lière, voire régionale selon les dict. : Quand on veut se marier... on SE fréquente...
[...] Lorsque j'ai voulu épouser madame Colladan, ma défunte... je L 'ai fréquen-
tée... et ferme ! (LABICHE, Cagnotte, I, 1.) — Alors, vous êtes sage ?... / - Oui,
Madame, mais j'ai fréquenté QUELQU'UN (TOULOUSE-LAUTREC, légende d'un
dessin représentant deux femmes, musée d'Albi). — Je connais le garçon qu 'aime
Marie Duros, enfin Qu ' elle fréquente (MAURIAC, Adolescent d'autrefois, p. 12). —
Depuis dix-huit mois qu 'ils SE fréquentaient, sans qu ' elle lui eût cédé aussi complète-
EU WSSÊ R E M A R Q U E . ment qu 'il ne cessait de le demander (VAILLAND, 325000francs, p. 60). E H
E m p l o i e u p h é m i q u e : Mariva u x a p u tra nsp oser, Pour presque tous les dict., lorgner et guigner appellent un objet
avec sa d élica t esse h a bit u elle, l'id é e d es f e m m es
direct. 0 3 Sous l'influence de loucher, on commence à dire guigner (ou
q ui re f use n t de fré q u e n t er LEUR MARI ( F . DELOEERE,
d a n s M a r i v . , T h é â tre co m ple t, 1.1, p. 7 6 7). lorgner) vers, sur, ce que le Grand dict. enc. Lar. admet déjà pour les
JBIBSBIBBBB deux verbes et l'Ac. 2 0 0 0 pour le premier :
H a E H 3 REMARQUE
Ils se mirent à guigner VERS le trou du plaftard [= plafond] (SAN-ANTO-
Ex. : S o n fils LE g uig n ait d u coin d e l' œ il (ARA-
NIO, Meurs pas, on a du monde, p. 12). — Face aux journalistes qui lorgnent
GON, Be a u x q u artiers, II, 7).
VERS les buffets (Th. PFISTER, Vie quotidienne à Matignon..., p. 233). — Pressé
d' en finir, il lorgnait VERS la sortie (Ac. 2000). — Lorgner SUR un héritage (ib.).
6° Habiter se construit directement ou avec une préposition de lieu :
Habiter Paris, habiter la province (Ac. 2000). — Habiter EN ville, À la campa-
gne (ib.). — Habiter DANS un vieux quartier (ib.). — J 'habite Paris ou À Paris (Dict.
contemp.). — H est venu habiter la Côte d'Azur ou SUR la Côte d'Azur (ib.). —
Habiter le Quartier latin ou AU Quartier latin (ib.). — Il habite un immeuble neuf
ou DANS un immeuble neuf (ib.). — Il habite la banlieue ou EN banlieue (ib.). — Il
m'a demandé [...] si j'habitais toujours Paris (CURTIS, Cygne sauvage, p. 53). —
Vous n 'habitiez pas encore DANS cet appartement (BUTOR, Modification, p. 190).
Sur J 'habite rue de la Paix, voir § 314, c, 2°.
7° Parler le français exprime plutôt une virtualité ; c'est être capable d'uti-
liser cette langue : H parle aussi bien le français que l'anglais. Parler en français
concerne une réalisation précise : Le président a parlé en anglais. — O n dis-
tingue de la même façon : Il écrit le français. Il a écrit en français. — Mais
parler a une autre possibilité, qui est refusée à écrire : parler français. Cette
dernière expression peut avoir les deux nuances distinguées ci-dessus :
Notre dynastie hanovrienne, étrangère, ne parlait même pas ANGLAIS (MAU-
ROIS, Choses nues, p. 117). — Un jeune Viennois de la « société » se devait de
parler impeccablement FRANÇAIS (A. CASTELOT, Aiglon, p. 285).
Aussitôt on se mit à parler ALLEMAND avec la même aisance que tout à
l'heure pour le français (LOTI, Désenchantées, I, 2).
Voici pourtant des ex. de parler l'anglais à propos de circonstances
précises : Le soir, en mangeant, nous ne parlerons que L 'anglais (H. BAZIN,
Vipère au poing, VI). — J e parle mal l'allemand [...]. Je parlerai donc LE français
(COCTEAU, Passé défini, 28 mai 1952).
N. B . 1. La langue écrite emploie parfois parler transitivement dans des cir-
constances qui ne sont pas prévues par les dict. modernes : Un illustre
auteur [BONALD, Œuvres compL, t. III, p. 64, précise l'éditeur] a eu rai-
son d' écrire que l'homme est obligé de penser sa parole avant de parler SA
PENSÉE (BALZAC, Urs. Mirouêt, I). — n doit être fou..., - dit froidement
M. de Percy, parlant SA PENSÉE comme s'il avait été seul (BARBEY D'AUR.,
Chev. des Touches, II). — Parler SES CONVICTIONS le soulageait
(A. DAUDET, Rois en exil, p. 68). — Ceux-là même qui sont chargés de
«parler» LES IDEES de l'auteur (HERMANT, Théâtre (1912-1913),
E S I 1 3 3 3 1 H IS T O R I Q U E
p. 124). — CES CENTAINES D'HEURES de cours que j'ai parlées [...], c ' est A u X V II e s. : *CE Q u'il m e d o n n e l'a u t orit é d e p ar -
mon viatique d'honneur (P.-H. SIMON, Raisins verts, p. 105). e n ler, je le dirai a u x a u tres (Bo ss., Œ uvres ora t., t. III,
p. 3 3 3). — V o i r aussi § 416, H1 (p a rl e r q u e...).
2. Le tour parler français a donné naissance à des emplois (hérités des
classiques UJ*J) où le nom complément sans article ni préposition n'est I I £ É E M H IS T O R I Q UE
pas proprement un nom de langue. C e s e m p l o is d e p arler é t a i e n t fr é q u e n ts a u
X V II e s. O u t r e p arler raiso n, p arler chré tie n (MOL.,
Parler raison = parler le langage de la raison : Mon fils aîné a onze ans, [...] Préc. rid ., VI), o n disait : p arler V a u g elas, la l a n g u e
ce sera presque un camarade pour vous, vous lui parlerez raison (STENDHAL, d e V a u g e l a s, c o r r e c t e m e n t (ID., F. sav., Il, 7) ; —
Rouge, 1,6). — Parler chrétien = parler un langage intelligible : Quant à la p arler p h é b us, d e f a ç o n o b s c u r e (M. RÉGNIER, Sa t.,
tente [...], je l'ai bien regardée hier [...] eh bien !je PARLE CHRÉTIEN [chré- XI) ; — p arler p rover b e, u n l a n g a g e f arci d e pro -
v e r b e s (LA BR., V , 5 ) ; e tc. — Le c o m p l é m e n t d a n s
tien en italique], vraiment, je ne suis pas sûr qu 'il y ait encore de la toile
révére nce p arler (cf. § 900, R) s'e x p li q u e p eut - être
autour des trous (E. DE GONC., Frères Zemganno, XXII). f î t ! d e c e t t e f a ç o n : « p arler l e l a n g a g e d u r es p ect » ?
3. "Causerfrançais, °causer le français sont des tours populaires ; on les
E U E l i R E M A R Q UE
trouve parfois dans la littérature, mais généralement avec intention : L e t o u r p arler fra nçais a d o n n é n a i s s a n c e
Ainsi l' on peut demeurer dans ce magnifique hôtel, causer ANGLAIS avec a u s s i à d e s e m p l o i s o ù p arler e s t r e m p l a c é
Madame votre épouse, ALLEMAND avec Monsieur votre fils, FRANÇAIS p ar d'a u tr es v e r b e s :
avec vous, moyennant sept francs par jour ? (VEUILLOT, Historiettes et T o u t ce m o n d e I...] p arlait a n glais, b uvait a n glais,
fantaisies, p. 177.) [Cf. plus haut : Madame sa femme parle anglais, etc.] d a nsait a n glais (BOURGET, D a nse ur m o n d ain,
p. 3 2). — L'id é e q u'u n C hin ois voit chin ois co m m e
— Un gentleman-rider [...] causait ANGLAIS avec elles (E. DE GONC.,
il p arle chin ois (MAI RAUX, V oi x d u sile nce, p . 2 7 2).
Frères Zemganno, XLI). — C' est M"" Carola, qui cause LE FRANÇAIS, — Il m a n g e ait russe, il b uvait russe, il p e nsait russe,
dit Baptistin [un portefaix] (GIDE, Caves du Vat., IV, 2). — Je cause il rêvait russe (TROYAT, Mala n d re, p. 2 3 7).
FRANÇAIS à la Vierge (CLAUDEL, La rose et le rosaire, p. 7). Pa r e x t e n sio n : N o us co n n aisso ns b e a uco u p
d'h o m m es d e sa n g m êlé [...]. Ils p e nse n t bla nc, ils
8° Pénétrer dans qq. ch. et pénétrer qq. ch. sont en concurrence, le a gisse n t bla nc (BEDEI, Maria g e d es co ule urs,
second étant souvent plus littéraire : p. 1 0 1). - C f. § 315, d (vo t er socialist e). - La
p u b licit é c o m m e r c i a l e élargit d é m e s u r é m e n t c e
Les principes de la Nouvelle-Angleterre se sont d'abord répandus dans les g e n r e d e p r o c é d é : °r o u l e r fra nçais, c'est - à - dire
États voisins ; ils ont ensuite gagné de proche en proche les plus éloignés, et ont fini, d a n s d e s v o it u r e s fr a n çais e s ; °d or m ir Ép é d a, sur
si j' ose m exprimer ainsi, par pénétrer [imprimé en italique] la confédération d e s m a t elas d e c e t t e m a r q u e , e tc.
entière (TOCQUEVILLE, Démocr. en Amér., I, I, 2). — Le français parlé crée ou l i a E l i H IS T O R I Q UE
emprunte à l'argot une foule de termes qui ne pénètrent pas le Dictionnaire de Pé n é trer q q . ch. d a t e d u X V I e s., al o rs q u e
l'Académie (BRUNOT, Hist., 1.1, p. 44). E U l'e m p l o i a v e c p r é p o s. est d u XI V e .
9° Percuter a t r a d i t i o n n e l l e m e n t u n o b j e t d i r e c t , m a i s d a n s le s e n s
« h e u r t e r v i o l e m m e n t », s u r t o u t e n p a r l a n t d ' u n v é h i c u l e , c e t t e c o n s -
truction est concurrencée par percuter contre.
Ils se mirent à la poursuite des deux enfants pour les percuter [il s'agit d'autos
tamponneuses] (QUENEAU, Pierrot mon ami, I). — lia percuté un arbre à cent-
vingt [sic] (LE CLÉZIO, Géants, p. 1 5 8 ) . — Comme il se rendait, sur sa moto,
d'Avallon en Suisse [...], une voiture, à Montbéliard, percute son engin
(H. GUILLEMIN, Regards sur Bernanos, p. 277). — La perche en aluminium per-
cute le rebord de la corniche et éclate (DECOIN, John l'Enfer, p. 52).
Une voiture qui venait de Lyon a percuté violemment CONTRE la barrière de
sécurité de l'autoroute (dans le Monde, 17 août 1971, p. 15). — Il m arrivait de
rêver que je m' envolais en 747 [type d'avion] et qu ' on percutait CONTRE l'Anna-
puma 0 . LANZMANN, Baleine blanche, p. 30). — Au figuré : Le silence percuta
CONTRE les parois de la pièce (QUENEAU, Saint Glinglin, 1981, p. 164).
C e l a est sans doute venu par analogie avec le sens « exploser (en parlant
d'un obus) » ; le verbe dans ce cas est construit absolument ou avec la prépo-
sition contre : Mon frère, mes sœurs et moi avions appris à reconnaître le siffle-
ment de la bombe ou de l' obus qui percute à distance suffisamment lointaine pour
n ' être pas mortel (LE ROY LADURIE, Paris-Montpellier, p. 23). — Obus qui vient
percuter CONTRE le sol, CONTRE un mur (Rob.).
10° A u lieu de perquisitionner dans un endroit, chez qqn, on dit
« abusivement » (Petit Robert) °perquisitionner un endroit ou même
°perquisitionner qqn.
Surtout au passif : Des carabiniers encerclaient sa maison d'Isla-Negra, qui avait
été perquisitionnée ( M . N[LEDERGANG], dans le Monde, 2 5 sept. 1 9 7 3 ) . — J ' a i été
perquisitionné par la Police Française [sic] (CLAUDEL, lettre citée dans G . Antoine,
P. Claudel, p. 327). — H[= le cardinal Baudrillart] avait été, comme moi-même,
perquisitionné par la police allemande (DUHAMEL, Livre de l'amertume, p. 344).
Quêter s e c o n s t r u i t a v e c u n o b j e t d i r e c t i n d i q u a n t la c h o s e q u e
l'on veut o b t e n i r e t / o u avec u n c o m p l é m e n t p r é p o s i t i o n n e l de lieu :
L ' ours et le singe [...] / Quêtent des sous sur leur passage (APOLLIN., Aie.,
Saltimbanques). — Surtout au fig. : Quêter des louanges, etc. — Quêter à la
porte de l' église. Quêter chez qqn ou auprès de qqn.
°Quêter qqn est rarement enregistré par les dict. : [Philippe d'Orléans]
mendiait la couronne en QUÊTANT LE PEUPLE avec son chapeau orné d' une aune
de ruban tricolore, tendant la main à quiconque voulait en passant aumôner cette
main (CHAT., Mém., III, II, XI, 15). — Un malade [...] était là prêt [...] à
K 0 1 T T U AUTRES EXEMPLES
NOUS QUÊTER en nous demandant des cigarettes (GUITTON, Journal de ma vie,
VEUILLOT, BARRES, MAURIAC , cit. Deharveng,
p . 2 2 5 ; FRANCE , c i t . T résor. 1.1, p. 133). W — De même : Je ne puis aller demain à l'hôpital que dans la
soirée, tenant à relancer moi-même certaines des maisons QUE j'ai quêtées [pour
E S WMUK HISTORIQUE
obtenir des médicaments] (MONTHERL., Exil, 1 , 1 ) . fîT3
J. -J. Ro uss. a écrit : La dig nit é é pisco p ale n e p er -
m e tt ait p as d e faire le m e n dia n t e t d e q u ê t er AUX Cela est à distinguer d'un emploi c o m m e celui-ci, qui s'inspire sans doute
p articuliers (C o n f., Pl., p. 1 5 4). — Usa g e fort p e u de la langue des chasseurs (quêter un cerf, etc.) : Elle voulut [...] continuer de
ré p an d u. quêter ses invités du lendemain (PROUST, Rech., t. II, p. 700).
12° On dit d'un avare II tondrait un œuf (km.) : Ils auraient tondu UN ŒUF. Des
pingres, quoi ! des gens qui cachaient leur litre [...] pour ne pas offrir un verre de vin
(ZOLA, Assomm., V). — Gide, qui aurait tondu UN ŒUF (R, PEYREFITTE, cit. Rob.,
s. v. œuf). [Gide avait la réputation de regarder à la dépense.] — O n disait aupara-
vant Il tondrait SUR un œuf (seule formule dans Ac. 1 9 3 5 ) ou sur des œufs :Ily a
• m 1 2 3 3 REMARQUE.
toujours des obstinés, des gens avares. [...] le père Cochegrue, qui aurait bien tondu SUR
Le Lar. XX e s. cit ait aussi, d a n s le m ê m e se ns, un œuf, s' est laissé brûler les pieds [par des brigands] (BALZAC, Curé de vilL, IV). E J J
C h erch er d es p oils sur u n œ u f (s. v. œ u f). — 13° Vivre dans s o n emploi ordinaire a souvent un c o m p l é m e n t de
W a r t b u r g , t. VII, p. 4 4 8 , r e l è v e d é j à t o n d re t e m p s c o n s t r u i t o u n o n a v e c p r é p o s i t i o n : Il a vécu V I N G T A N S au Séné-
u n œ u f e n Suisse r o m a n d e e n 1 8 6 1 . — T o n - gal o u . . . P E N D A N T vingt ans... I l a r r i v e q u e c e n e s o i t p a s s u r la d u r é e
d re sur u n œ u f a sig nifié aussi « c h i c a n e r sur q u e l'on v e u t a t t i r e r l ' a t t e n t i o n , m a i s s u r les p a r t i c u l a r i t é s d e c e t t e
d e s v é tilles ».
durée : Il a vécu vingt années HEUREUSES au Sénégal, ce qui a des rap-
p o r t s avec l ' o b j e t i n t e r n e ( § 2 8 0 ) . U n e a u t r e é t a p e e s t f r a n c h i e a u X X e s.
q u a n d l e c o m p l é m e n t n e c o n c e r n e p l u s le t e m p s , le s e n s d u v e r b e deve-
n a n t « c o n n a î t r e p a r e x p é r i e n c e », « t r a d u i r e e n a c t e s d a n s sa vie » .
Il a vécu une existence bien dure (Ac. 1935). — Après les nuits d'angoisse que
je venais de vivre (BOSCO, Malicroix, p. 245).
Pourquoi, dis-je, vous qui vivez votre sagesse, n ' écrivez-vous pas vos
mémoires ? (GIDE, Immor., II, 2.) — Il avait vécu à côté de Tarrou et celui-ci était
mort, ce soir, sans que leur amitié ait eu le temps d' être vraiment vécue (CAMUS,
Peste, p. 3 1 7 ) . — Un apôtre, prêtre ou laïque, s'il vit vraiment sa foi [ . . . ] (MAU-
RIAC, Pages catbol, p. 6 5 ) . — Autr es ex. au § 9 4 7 , b, 1°.
14° D e crever de faim « avoir t r è s f a i m » o u « m e n e r u n e vie d e m i s è r e »
a é t é t i r é e la f o r m u l e crever la faim, s u r t o u t u s i t é e d a n s le d e u x i è m e s e n s :
Quand il s' éveilla de son sermon sur la fraternité, il CREVAIT LA FAIM sur la
dalle froide d' une casemate de Bicêtre (ZOLA, Ventre de P., I). — Ces rosses de pein-
tres, ça ne fichait rien de bon, ça CREVAIT LA FAIM (ID., Œuvre, I I ) . — Le mar-
mouset gitan [...] retourne à ses cochons, pour accomplir au milieu d' eux une vie que
je respecte : cette vie où on CRÈVE LA FAIM, mais où on ne chante que quand ça vous
chante (MONTHERL., Service inutile, Pl., p. 6 0 8 ) . m
E S I B E I REMARQUE.
D e crever de santé, péter de santé ont été tirés crever la santé, péter la santé : Il D e là le n o m c o m p o s é u n crève - la - fai m . —
est vigoureux et sain avec des mouvements fermes ; il CRÈVE LA SANTÉ, si l' on veut Su r c e m o d è l e , u n m e urt - la - fai m , plus r a r e :
bien me permettre cette locution (VERNE, île à hélice, I, 3). — Westerlo [un club Ils e n arrive n t à se t â t er, ava n t d e faire u n
e n fa n t à le urs f e m m es. Merci I u n e b o uch e d e
sportif] PÈTE LA SANTÉ (dans le Soir [Brux.], 2 2 oct. 1 9 9 8 , p. 3 0 ) .
plus, u n MEURT-LA-FAIM q ui serait d ésesp éré de
D a n s ces formules expressives de la langue familière, il est difficile de voir
n aître ! (ZOLA, T erre, II, 5.)
de vrais compléments d'objet directs. Pourtant on a aussi, dans le registre très
familier, voire populaire, °la crever,"la péter, où le p r o n o m fém. sans antécédent
(cf. § 671, b) équivaut à la faim ou à la soif: Je LA CRÈVE [ = j ' a i soif]. Il ne te reste
rien dans ton bidon ? (DORGELÈS, Croix de bois, X I . ) — J 'aime mieux me faire des-
cendre que de LA PÉTER [ = avoir soif] comme ça (ib., X I I ) . — Je LA CRÈVE [ = j ' a i
faim], moi ( M . ACHARD, Pétrus, II, 5). — Les gros industriels ne viendront pas te
demander si tu LA CRÈVES [ = tu es dans la misère] (CHAMSON, Héritages, I, 2).
b) Pronom :
Vous aimez Marie : épousez-LA. Vous êtes émue, je m' EN aperçois. J 'ai confiance
en lui : dites-lui CELA de ma part Choisissez la cravate QUE vous préférez. Vous voulez
des renseignements ? je vous EN donnerai ou, avec un adjectif précédé d'un article
indéfini, j e vous EN donnerai un bon (ou de sûrs).
Le pronom peut être sans antécédent. C'est le cas des nominaux (§ 6 5 1 ) : Q u i
cherchez-vousNe fais pas à AUTRUI ce que tu ne voudrais pas qu ' on te fit. — Cela
s'applique aux adverbes de degré employés c o m m e pronoms (§ 7 3 6 ) : Vous avez
fait BEAUCOUP pour moi. — Je vais me permettre de vous confier une façon de voir qui
risque de déplaire à BEAUCOUP (ROMAINS, Lettre ouverte contre une vaste conspira-
tion, p. 142)..
L'antécédent est absent aussi dans des expressions figées, ou plutôt il a
disparu : Vous L 'avez échappé belle (cf. § 671, b). Votre fils EN a fait de belles [= de
belles sottises] (cf. § 676, a).
L a situation n'est pas identique pour long au singulier et sans article employé
comme équivalent de beaucoup avec savoir, dire et quelques autres verbes. Il est
considéré comme un adverbe par les dict. Il a pourtant un rôle d'objet direct (après
effacement d'un nom ?), et en pourrait signifier « à ce sujet » (malgré la redon-
dance qu'on observe dans plusieurs ex.) : Le bonhomme EN SAIT LONG ! Il en sait
trop pour les autres (BALZAC, IlL Gaudissart, Pl., p. 43). [Rem. le parallélisme des
deux phrases.] — lien SAIT LONG sur vous (Ac. 2 0 0 0 , s. v. long). — Les
camarades
vous EN DIRONT plus LONG que je ne vous en dis (BALZAC, Chouans, Pl., p. 1020).
— Mon nom me dispense D'EN DIRE plus LONG (PROUST, Rech., t. III, p. 669). —
En vieil homme qui EN CONNAÎT LONG, mais qui ne veut rien dire (ZOLA, Terre, I,
5). — Tu ne m' EN a jamais APPRIS aussi LONG là-dessus (COLETTE, Naissance du
jour, Sel., p. 4 8 ) . — J e ne vous EN ECRIS pas plus LONG aujourd'hui (DUMAS fils,
Dame aux cam., I V ) . — Elle EN CONTA plus LONG un jour (FLAUB., Èduc., III, 1).
— Comp. : En connaître, en savoir un bout (Ac. 2001, s. v. bout).
Autres formules : Il n EN SAIT pus LOURD sur la question (Ac. 2 0 0 0 , qui cite
aussi ne pas en faire lourd, avec la trad. « en faire très peu », autre parallélisme) ; —
EN AVOIR GROS sur la conscience, sur le cœur (Ac. 2 0 0 0 ) . — Sans en : ne pas gagner
lourd, donner gros, rapporter gros « beaucoup d'argent ».
P r o p o s i t i o n relative.
J 'aime QUI m'aime. — Mes yeux [...] / Savent vaincre QUICONQUE attaque
mes vertus ( E . ROSTAND, Cyr., II, 4 ) .
Ses parents l' ont appelé PIERRE • Il a été appelé PIERRE par ses parents. —
Les critiques ont jugé TRÈS SPIRITUEL le dernier film de Woody Allen -*• Le der-
nier film de Woody Allen a été jugé TRÈS SPIRITUEL par les critiques.
Il était normal de dire plaider l'innocence E 0 ou la culpabilité (plus rare), M'JTIT S S I I REMARQUE
comme les circonstances atténuantes, la force irrésistible, la folie, la bonne foi, L e Fig aro a plaid é L'INNOCENCE d u co n d a m n é
l'incompétence du tribunal, etc. C e s compléments répondent à la question : [Dreyfus] ( C L E M E N C E A U , 1 8 9 9 , cit. T résor, s. v.
Q U E plaide l'avocat ? avec que objet direct. À l'imitation de l'anglais to plead plaid er). — je re gre tt ais p resq u e d'avoir plaid é
guilty ou notguilty, se sont introduites les formules plaider coupable ou non cou- L'INNOCENCE (PROUST, Rech., t . II , p . 8 4 1 ).
pable E S t qui ne sont pas attestées dans les dict. avant l'Ac. 1 9 3 5 . Ex., déjà au [Pr o u st e m p l o i e plaid er cOUPABLE, 1.1, p. 5 9 7 .]
M H KSMBBM MHMpM|
figuré : Je PLAIDE COUPABLE... C' est un simple barbarisme qui m'a échappé [un • 3 9 E U REMARQUE
indicatif après encore que] (FAGUET, dans les Annales, 1 2 janv. 1 9 1 3 , cit. Plaid er in n oce n t est plus rare : C ela n'e m p ê -
Deharveng, t. I V , p. 1 3 4 ) , C e s formules s'intègrent difficilement à la syntaxe : ch e p as [...] q u e le co n treve n a n t [e n m a tière
on ne peut voir ici une réduction de *plaider qqn (ou se plaider) non coupa- d e l a n g a g e ] n e p uisse [ . . . ] PLAIDER COUPABLE ;
ble m construction non attestée, — C o m p . Un indicateur de la Gestapo, je ne diso ns m ie u x : il lui est p er m is p arf ois d e PLAI-
connais pas d'avocat qui puisse le sortir de là. [...] la seule solution, c ' est que Mer- DER INNOC ENT (GREVISSE, Pro blè m es de la n g a g e,
t. IV, p. 9 7). C e p assa g e c o n c e r n e j u st e m e n t
cier [l'indicateur] plaide L'AGENT DOUBLE (BEAUVOIR, Mandarins, p. 4 7 2 ) , ce
l'in dica tif p o u r l e q u e l F a g u e t plaid e co u p a ble.
qui ne reflète pas un usage aussi général.
C e n'est p as u n e si m p le c o ï n c i d e n c e : Gre -
O n compr end que des usagers hésitent à accorder avec le sujet (qui visse r e p r e n d la f o r m u l e d e F a g u e t (via
d'ailleurs peut représenter le ou les accusés ou l'avocat) un adjectif qui n'est pas D e h a r v e n g), q u i a m è n e le plaid er in n oce n t.
un véritable attribut ni, moins encore, une épithète détachée : Ils plaident à
M I M B E I HISTORIQUE
demi COUPABLE (NOURISSIER, dans le Figaro dimanche, 2 1 - 2 2 janv. 1 9 7 8 ) . — Plaid er q q n a é t é usité ( e n c o r e d a n s l'A c.
Quinze Ougandais [...] qui auraient plaidé COUPABLE (J.-C. POMONTI, dans le 1 8 7 8 ) , m ais e n c o n c u r r e n c e a v e c plaid er
Monde, 2 6 janv. 1 9 7 8 ) . — M a i s la plupart optent pour le pluriel quand le con- co n tre. N o t o n s q u'o n a p arf ois e m p l o y é a v e c
texte ou la situation le veulent : Les deux condamnés, qui n ' ont pas plaidé COU- d a n s c e c a s : Savais - je, m oi, q u'u n jo ur [...] je
PABLES (J. AMALRIC, dans le Monde, 1 e r févr. 1 9 7 3 ) . — Je crains bien que [...] plaid erais AVEC C h arles de V a n d e n esse, AVEC
nous ne soyons prêts d'avance à plaider COUPABLES (MAULNIER, dans le Figaro, m o n frère [...] ? (BALZAC:, Lys d a ns la v., p. 317.)
2 2 - 2 3 févr. 1 9 7 5 ) . — Nous plaiderons COUPABLES (A. BRINCOURT, dans le
Figaro litt., 5 - 6 févr. 1 9 7 7 ) . — Les Belges plaident COUPABLES ( M . WLLMET,
Études de morpho-syntaxe verbale, p. 108). — Voter coupable (§ 315, d) présente
un cas comparable, mais peu attesté. C o m p . aussi jouer gagnant § 306, a, 3°.
Fin Verbes sélectifs.
La plupart des verbes peuvent être suivis de compléments affec-
tant, selon les besoins, chacune des natures énumérées dans le § 298 :
J 'aime LE MOUVEMENT. Je T'aime. J 'aime VOIR DE L'ANIMATION. J 'aime QUE
LES GENS SOIENT SPONTANÉS.
Rob. y reconnaît le sens plus large « attendre », qui reste vivant dans diver- vo us esp éra n t COMME IE< TEUR ( H U C O , C orresp .).
Mme Ét erlin s'esp érait e ncore DÉSIRABLE ET DÉSIRÉE
ses régions (notamment Ouest, Midi, Canada, Louisiane) : La tristesse de
(DRUON, Gra n d es fa m illes). — A jo u t o ns : En vo us
ceux qui, selon la jolie expression normande, « espèrent LES MARINS PARTIS »
esp éra n t EN PARFAITE SANTÉ ( l e t t r e d ' u n c o r r e c t e u r
(COPPÉE, Souvenirs d' un Paris., p. 154). V o i r Rézeau. H parisien, 23 d éc. 1 9 9 4).
a u s s i p a r f o i s c h e z les p o è t e s , o u m ê m e e n p r o s e , p a r a n a l o g i e ou
CEI irai HISTORIQUE
p a r a r c h a ï s m e : tTH Le s p o è t e s cl a ssi q u e s m e t t a i e n t e n c o r e s o u v e n t
l'o b j e t d ir e c t e n t r e l'a u x iliair e et le p a r t ici p e : M o n
D 'autres émotions, / D es biens, des maux, - des révolutions, - / Ont dans les
p ere est m ort, Elvire, e t la p re m iere esp é e / D o n t s'est
cœurs SA M É M O I R E effacée ( N E R V A L , Odelettes, G r a n d ' m è r e ) . — Mais la croix ar m é Ro d rig u e a SA TRAME co u p é e (CORN., C id , III, 3).
ne sera satisfaite que quand elle aura T O U T C E Q U I N ' E S T P A S LA V O L O N T É D E —J'ay MAINTS CHAPITRES VÛS (LA F., F., II, 2). — Q u elq u es
D I E U détruit ( C L A U D E L , Soul. de satin, cit. D a m o u r e t t e - P i c h o n , § 1 1 7 8 ) . — sold a ts I...1 / Q ui s'é t a n t q u erelle z le s u ns avec les
a u tres, / O n t inse nsible m e n t TOUT LE CORPS é b ra nlé
L 'amour a N O S Â M E S en une âme mêlées ( R . ROLLAND, cit. L e Bidois, § 1 0 6 3 ) .
(RAC., T h é b ., III, 4). — C e l a é t ait p lus r a r e e n p r o s e :
— J 'ai T O U T E A M B I T I O N résignée ( D U H A M E L , Pierre d' Horeb, p . 9 6 ) [ s u r le * Encore q u'il ait e u CE DESSEIN f or m é (PASCAI , Prov., V).
m o d è l e d e avoir
Cru d'Auxerre,
toute honte bue]. — Ayant
p . 9 2 ) . [ I n f l u e n c e de fortune
P E T I T E F O R T U N E faite
faite, p r o p o s i t i o n a b s o l u e ?]
( M . NOËL,
C i l E ! ! HISTORIQUE
C e t t e e x p r . e s t a n c i e n n e : v o i r H u g u e t , s. v . ville
A u m ê m e p h é n o m è n e r e s s o r t i t l ' e x p r e s s i o n avoir ville gagnée « avoir (g a g n er = co n q u érir). Mais gagnée est sans
d o u t e c o m p r i s c o m m e u n attrib u t d e c o m p l é -
triomphé » d J : Grâce à la sémantique, nous A V O N S VILLE GAGNÉE, et
ment d'o b je t, d'o ù l' e x p r e s s i o n croire ville
l' étymologie du mot français belette ne fait plus question pour nous gagnée : La n uit ve n u é ils vo n t a u re n d e z - vo us. /
( A n t . T H O M A S , NOUV. essais de philologie fr., p. 29). — O n dit aussi, sur Eu x in tro d uits, CROYANS VIL I E GAGNÉE, / U n b ruit
survin t; la f est e f u t tro u blé e (L a F., C ., R e m o i s ) .
c e m o d è l e , avoir course gagnée : C. JULLIAN, cité par van G e n n e p , Folklore,
O r d r e des compléments.
Lorsque le verbe a plusieurs compléments, s'ils sont de lon-
gueur sensiblement égale, on préfère d'habitude l'ordre complément
d'objet direct + complément d'objet indirect + complément adverbial
(ou compléments adverbiaux). Si le complément d'objet direct est
nettement plus long, il suit de préférence les compléments plus courts.
Il donne la main à sa sœur durant tout le trajet. — J 'aime le son du Cor, le soir,
au fond des bois (VIGNY, Poèmes ant. et mod., Cor).
Il a rendu à ma sœur les livres qu ' elle avait réclamés. — Quand je regarde sur le
sable, au bord de la mer, les innombrables enfants de juillet, d'août et de septembre (BAR-
RÉS, Amitiés franç., p. 1).
Il y a des tours figés : Faire d' une pierre deux coups ; etc.
Mais le complément court peut être placé en dernier : 1) si on veut le
mettre en évidence ou pour lier au sens le mouvement même de la phrase :
Je viens voir à la brune, / Sur le clocher jauni, / LA LUNE / Comme un point sur
un i (MUSSET , Prem. poés., Ballade à la lune). — J 'avais le vertige de voir au-dessous de
moi, en moi pourtant, comme si j'avais des lieues de hauteur, T A N T D'ANNÉES (PRO UST,
Rech., t. III, p. 1047) [c'est en outre une des dernières phrases du Temps retrouvé, qui
clôt la Rech.] ; — 2) si on veut éviter des ambiguïtés :
Au lieu de : "Préférez un ami dévoué à tous ces courtisans, on dira : Préférez à tous ces
courtisans un ami dévoué. — Marino tira de sa poche une pipe et la frappa longuement contre
le bouton de la culasse (GRAC Q, Rivage des Syrtes, p. 21). [ Une pipe est placé en dernier pour
que ce soit clairement l'antécédent de la.] — Ex. prêtant à sourire : Elle élevait deux enfants
qu ' elle avait eus du comte de P*** avec une austérité excessive (B. C O NSTANT, Ad., II).
Certains auteurs mettent le complément court en dernier sans raison particulière,
ce qui ne satisfait pas les oreilles délicates : L 'allégresse endimanchée de cejour greffait sur ces
laideurs transmises le ridicule (HUYSMANS, Cathédrale, p. 217).
• Sujet non humain : Une institution qui SE VEUT pacifiste (BENDA, Pré-
cision, p. 203). — Roman qui SE VEUT pervers et qui est en réalité assez
innocent (GR EEN, Journal, 2 9 juillet 1 9 5 6 ) . — Nous ne pouvons feuille-
ter les gazettes sans y trouver quelque renseignement, qui SE VEUT révéla-
teur (DUHAMEL, Manuel du protestataire, p. 1 0 5 ) . — Elle lui demanda
d' une petite voix qui SE VOULAIT discrète [... ] (SAINT PIERRE, Écrivains,
IV). — Delacroix y a vu l'accomplissement indispensable de tout art qui
SE VEUT complet ( H U Y G H E , dans les Nouv. litt., 9 mai 1 9 6 3 ) . — Les
cortèges processionnaires de l' élite SE VEULENT, eux, défilé guerrier (LE
ROY LADURIE, Carnaval de Romans, p. 356). — Chacune [= chaque
écriture] [...] SE VEUT l'acte initial par lequel l' écrivain assume ou
abhorre sa condition bourgeoise (BARTHES, Degré zéro de l' écriture, II, 1).
Plus rarement, et dans une langue que l'on peut sentir comme manié-
rée, se vouloir a pour sujet un nom de chose sous lequel on découvre
difficilement, par métaphore ou par métonymie, l'intervention
humaine : Une nuée de vapeur qui SE VOULAIT fumée de cigarette (cité
par Georgin, Consultations de grammaire..., p. 219). Mais l'argument
selon lequel une chose est incapable de volonté est assez faible ; en
effet, vouloir dans d'autres sens admet depuis longtemps un sujet
inanimé : Ce verbe VEUT l'accusatif; voir Littré s. v. vouloir, 12° (ex.
E S E U R EMAR QUE. classiques). — Rappelons aussi l'existence des verbes pronominaux à
5 e vo uloir a u s e n s d e « v o u l o i r d e v e n i r » est tr ès sens passif (§ 780) : Le français S'EST PARLÉ jadis en Angleterre. Se vou-
r a r e ; c h e z LA VARENDE, l e t o u r, q u i est m is e n ita -
loir tel qu'il est employé dans cet ex. de GIDE ressortit à cette
li q u e , s e m b l e p r é s e n t é c o m m e r é g i o n a l :
°Encore u n q ui t o urn e m al, [...] le fils aîn é d es F or -
catégorie : Le bonheur ne SE VEUT pas tout fait, mais sur mesure
tier q ui SE VEUT p r ê t r e ! ( C e n t a u r e d e D ie u, p. 1 7 . ) (Immor., II, 2). E S
N a t u r e de l'attribut du c o m p l é m e n t d'objet.
L'attribut du complément d'objet est ordinairement un nom,
ou un adjectif ou ses équivalents (cf. § 246, b) fUl, plus rare- m m E S I HISTORIQUE
ment un infinitif (§ 9 1 3 ) : Rendre a p u se co nstr uire a v e c u n p artici p e
c o m m e attrib ut : re n d re m ort « t u e r » est d é j à d a n s
On a surnommé Bossuet L'AIGLE DE MEAUX. Je trouve Simone bien PÂLE, Rola n d , 2 7 3 3 . C e t o u r a s u rv é c u j u s q u e d a ns le
BIEN AMAIGRIE. Elle ne se sentait pas MAL. Q — Germain avait un cœur de père X V I l ° s., e t m ê m e au - delà, m alg ré les critiq u es d es
aussi tendre et aussi faible que celui d' une femme. La mort de la sienne, les soins g r a m m airi e n s : Po ur q u oy ce tt e n arra tio n ? / C'est
p o ur vo us RENDRE INSTRUIT d e m a p réca u tio n (MOL.,
qu 'il avait été forcé de rendre seul à ses petits [...] avaient contribué à le rendre
Éc. d es f., 1,1 ). — L'éch ar p e d'Iris [= l'arc - en - ciel] /
AINSI (SAND, Mare aud„ V I ) [cf. § 322,1°]. — lise disait DE BONNE FAMILLE.
REND ce u x q ui sort e n t AVERTIS / Q u'e n ces m ois le
Je croyais le jardin A L'ABANDON. Vous appelez cela VIVRE ! m a n t e a u le ur est f ort n écessaire (LA F., F., VI, 3). —
*D e vo tre esp rit la n aïve je u n esse / M e REND SURPRIS
Parmi les équivalents des adjectifs, il faut mentionner la proposi-
(VOLT., N a nin e, cit. Br u n o t, Hist., t. VI, p. 1 4 8 7).
tion relative, avec avoir, dans la langue parlée familière :
J 'ai la rate QUI SE DILATE. — J 'ai ma voiture QUI NE MARCHE PLUS (Rob. KSIH23I REMARQUE
Mal, é t a n t aussi u n n o m , a r e ç u d a n s c e t ex. le com -
méthod., s. v. avoir, 1 , 1 ° , c o m m e « t o u r négligé » ) .
p l é m e n t q u'il a c o m m e n o m : 0 Ell e se se n t ait MAL à
la t ê t e (PROUST, Rech., 1.1, p. 2 7 2). — D e m ê m e ,
Cas particuliers. sa ns d o u t e sur c e p a tr o n : ° f m m a [...] se se n t ait d e
plus e n plus froid a u x pie ds ( FIAUB., M " *' Bov., III, 5).
L e s g r a m m a i r i e n s qui c o n s i d è r e n t à Paris c o m m e u n a t t r i b u t (cf. § 2 4 6 , b,
5 ° ) d a n s H est à Paris, f o n t d e m ê m e d a n s Je l'aurais cru À PARIS. D a n s ce cas p a r -
ticulier, o n p o u r r a i t p a r l e r d e p r é d i c a t p l u t ô t q u e d ' a t t r i b u t . — P a r a l l è l e m e n t à
Il est de mon devoir de vous avertir, on dit : Je crois DE MON DEVOIR de vous avertir.
Les pronoms sont attributs de l'objet plus rarement qu'attri- B U S E S HISTORIQUE
A u XVIIE et a u XVIIIE s., l'attribut d u co m plé m e n t
buts du sujet (§ 246, a, 2°). d'o b j e t p o uvait être u n p ro n o m p erso n n el : *Les
• Les pronoms personnels surtout : °Tu m'accuses d' être brutal et tu fais lo u a n g es q u e vo us m e d o n n e z vo us re n d e n t h e u -
re u x , m ais n e m e l E re n d e n t p as (Boss., Elév. sur les
tout ce que tu peuxpour me LE rendre encore davantage (FLAUB., Corresp.,
m yst., cit. Littré, s. v. le 2 , 7°, a v e c d'a utres e x.). —
30 sept. 1846). 003 Pour en attribut en fr. régional, voir § 676, R4. N'é t ois - je p as asse z in f ort u n é e, sa ns q u e vo us tra -
La suppléance se fait par d'autres moyens : Il est innocent ou du moins vaillassie z à m e LE [varia nte : la] re n d re d ava n t a g e ?
( M O N T E S Q . , L p ers., LXVII.)
je le considère comme TEL (ou je le crois TEL). Médor, puisqu ' on appelle
O n trouvait aussi y, q ui e xiste e n c o r e dans la lan g ue
AINSI votre chien. p o p ulaire (cf. § 2 4 b , h, " > ') : *Mais l'o n sa ura q u elq u e
• Dans la langue littéraire on trouve des exemples de que, précédé d'un jo ur si je m'a p p elle C in ésillo d e Para pilla o u n o n. - Eh
bie n ! n e t'a p p elle - t - o n p as ainsi [...I ? dit le g ar d e. -
démonstratif, ou rappelant une épithète détachée (§ 1113, b) -.Gamelin
O ui, o n m'Y a p p elle, ré p o n dit Cin és ; m ais je f erai e n
voyait ces hommes différents de CE QU 'il les avait vus jusque-là, plus beaux, so n e q u'o n n e m'y a p p elle plus ( C ( JUDIN, trad. d e :
plus graves (FRANCE, Les dieux ont soif, p. 172). — J e ne suis point tout C erva ntès, D o n Q uich o tt e, I, 2 2).
à fait pareil à C E L U I Qu 'ils me croyaient d'abord (GIDE, Journal, 30 janv.
1931). — Elles ne l'aiment point passionnément, INCAPABLE Qu ' elles le
sentent de leur rendre la pareille (BlLLY, dans le Figaro, 24 déc. 1958).
La langue populaire dit : °Médor, Qu'on l'appelle, au lieu de Médor,
COMME on l'appelle.
* Le pronom interrogatif s'emploie dans certains cas -.Pour QUI me prenez-
vous ? QUI me croyez-vous ? — Mais on dit : COMMENT l'appelez-vous ?
COMMENT a-t-il les yeux, bleus ou noirs ? COMMENT vous lefigurez-vous ?
1° A subsiste H 3 dans prendre à partie -i, prendre à témoin (cf. § 308, C E I E U HISTORIQUE
b, 2°), locutions figées et souvent mal interprétées ; — surtout dans la Là o ù n o u s m e t t o n s p o ur o u co m m e, l'a n c. fr. uti-
lisait s o u v e n t à : eslire A roi, p re n d re A f e m e
langue littéraire, avec imputer et parfois avec d'autres verbes. « é p o u s e r », avoir A n o m , « s'a p p e l e r », t e nir A
Ne m'iMPUTEZ pas À crime ma modération (Ac. 2000). — Je m'iMPUTAIS À p re u d o m e, e tc. Le s s u rviv a n c e s é t a i e n t e n c o r e
honte, et presque À crime, le silence qui régnait (STENDHAL, Vie de H. Brulard, n o m b r e u s e s a u X V II e s. : 'PRENEZ c e disco urs A
b o n p résa g e (PASCAL, Prov., II). — je d ois INTERPRE-
X X X I X ) . — Vous m'iMPUTEZ À erreur d'avoir avancé que vous n 'auriez pris que sur
TER À ch arit a ble soin, / Le d ésir d'e m b rasser m a
le tard la détermination d' écrire vos mémoires (Fr. PORCHÉ, lettre à A. Gide, dans F e m m e ? (MOL., T art., V , 3.) — 'D e p uis q u a n d le
Gide, Corydon, Appendice). — H S'IMPUTE À péché majeur [...] le manque de cha- re t o ur d'u n c œ ur co m m e le m ie n / Fait - il si p e u
rité (G. ANTOINE, P. Claudel, p. 8). —J 'accepte votre offre avec empressement, et je d'h o n n e ur q u'o n n e le COMPTE À rie n ? (CORN.,
le TIENS À grand honneur (MUSSET, Barberine, I, 2). — Si vous venez me voir, je Suré n a, II, 3, cit. Littré.) — je TIENDROIS À b o n - h e ur
TIENDRAI cela À honneur (Ac. 1935). — H TIENT ce propos À injure (ib.). — Il d'e st r e à l'u n d e vo us d e u x (ID., Ro d o g., III, 4). —
Le Ma gistra t, TENANT A m é p ris e t irrevere nce ce tt e
[= Green] TENAIT À souci de me marquer sa confiance (GIDE, Journal, 12juin
ré p o nse, le fit m e n er e n p riso n (LA F., F, V i e
1928). [Autre ex. :... TENIR À grief le fait que... (ib., 8 mars 1931).] — Je n 'admets d 'Es o p e). — Elle 1= la F o r t u n e] est PRISE A g ara n d
pas que rien me nuise ;je veux que tout me serve, au contraire. J ' entends TOURNER tout d e t o u t es ava n t ures (ib ., V , 1 1 ). — CHÂTFAUBRIANT
À profit (ib., 24 mars 1906). — Un gouvernement, qui s' est DONNÉ À tâche de relever fait d ir e à u n e Br e t o n n e : Sais - t u [...] q u e l'h o m m e
la situationfinancièreet économique de la nation (ALBERT IER DE BELGIQUE, lettre q u e t a fille ai m ait n e la ve u t plus p re n d re À
f e m m e ? (Brière, XIV .) Su r v i v a n c e r é g i o n a l e ?
[manuscrite] au Premier ministre, 15 févr. 1933, dans Vers l'avenir, 17 nov. 1977).
Prendre à partie a signifié d'abord « attaquer en justice » E S , c'est- 8 2 8 E U HISTORIQUE
à-dire « prendre comme partie (adverse) dans un procès ». L e s e n s p r e m i e r a p p a r a î t b i e n d a n s c e t e x., o ù
Harpagon s'a d r e ss e a u p è r e d u v o l e u r
Aujourd'hui, c'est simplement « s'en prendre à, attaquer (en paroles) ». p r é s u m é : je vo us PRENS A PARTIE, p o ur m e p ayer
L'expression est concurrencée (depuis longtemps) par °prendre à parti, di x m ille écus q u'il m'a vole z ( M o i , A v., V , 5). —
peut-être sous l'influence de prendre parti ou d'autres formules. M. RÉGNIER é crit t a n t ô t p artie (Sa t., X I V [1 6 1 3]),
t a n t ô t p arty (Sa t., XII [ 1 6 0 9 ]), m ais à la ri m e, et
Prendre à partie : Et ce fut une belle chose, alors, de voir le professeur [...] o n y a v u u n e l i c e n c e p o é t i q u e . Littré (s. v. p arti,
prendre à PARTIE en allemand son compatriote (BARRÉS, Col. Baudoche, 1909, R e m . 1 ) ci t e u n e x . d e p arti e n p r o s e : c h e z
p. 131). — Déplus en plus nerveuse, Renéefinitpar me prendre à PARTIE (AYMÉ, HAMILTON, a u t e u r d'o r i g i n e irla n d aise (1 7 1 3).
Belle image, X). — Et un aide de camp qui me prend à PARTIE (ARAGON, Mise
à mort, p. 332). — Ainsi [...] a-t-on vu un président de cour d'assises prendre à
PARTIE [... ] une personnalité politique (Edgar F AURE, Mémoires, 1.1, p. 675).
°Prendre à parti : Il vous a tout de même pris à PARTI d' une façon brutale
(R. MALLET, dans P. Léautaud, Entretiens avec Robert Mallet, p. 259). — Dans
la Table ronde [...] parut le 1" novembre 1948 un texte de François Mauriac, où
! C i ! £ l AUTRES E X E M P L E S . il me prenait à PARTI [...] avec la dernière violence 0OUHANDEAU, Carnets de
CHÉRAU, En fa n t d u p a ys, V ; BEAUVOIR, A m ériq u e l' écrivain, p. 268). — H ne craindra pas de prendre le gouvernement à PARTI
a u jo ur le jo ur, cit. Ph . Ba i w ir , d a n s l e S o H B r u x . ] , (M. AUCLAIR, Vie de Jaurès, p. 229). — Des touristes allemands [...] regagnaient
3 0 j u ill e t 1 9 5 8 ; R. KEMP, d a n s les N o uv. litt.,
précipitamment leur pays par peur d' être pris à PARTI, sinon lynchés, par des mani-
1 8 j u i n 1 9 5 3 ; Cl. ROGER-MARX, d a n s le Fig aro
litt., 1 0 n o v. 1 9 5 1 ; H.TORRÈS, Accusés h ors festants italiens irrités (MAULNIER, dans le Figaro, 27-28 août 1977). Q
série, p. 8 5 . De introduit l'attribut après traiter et qualifier. C B
E f Ë l K l & s HISTORIQUE Traiter qqn DE fou. — Pour qualifier, voir § 307, c.
L'a d j ectif attrib ut é t ait p arfois intro d uit p a r d e a v e c Sur le tour Avoir deux places DE libres, voir § 244, d. — Pour Nous n 'avons
d e s v e r b e s c o m m e tro uver o u j u g er a l'é p o q u e DE roi que César, voir § 584, R15. — Sur le tour On dirait D ' un fou, voir § 303,
classiq u e : C e q u'il j u g e a DE plus facile, / F u t d e
H2. — Sur Je crois DE mon devoir de vous avertir, voir § 304, b, 1°.
g a g n er cert ains roch ers (LA F., C., F i a n c é e d u roi d e
G a r b e). En s'emploie avec les verbes changer, ériger, transformer, tourner,
L'a n c. fr. disait avoir A c o s t u m e d e faire, o u ...EN poser, i®
cost u m e... o u ... DE cost u m e... C e t t e d e r n i è r e
co nstr u ctio n est rest é e c o u r a n t e j u s q u'a u X V II e s. :
A Cana, Jésus a CHANGÉ l' eau EN vin. ÉRIGER une église EN cathédrale. On a
l'ay t o u jo urs DE co u t u m e d e p arler q u a n d je p eins TRANSFORMÉ l' écurie EN salle à manger. — Combien d'hommes dits « en vue » ont
(MOL., Sicilie n, XI). TOURNÉ EN habitude périlleuse leur qualité la plus française, la gourmandise, la con-
naissance des terroirs à vin, des produits du sol, des recettes vénérables ? (COLETTE,
I S S E B 1 HISTORIQUE
En s'e m p l o y a i t j a d is a v e c d'a u t r e s v e r b e s. P o u r
cit. Rob., s. v. gourmandise.) — Se POSER EN réformateur, EN victime (Ac. 1935).
le X V I e s., G o u g e n h e i m (p . 1 7 6 ) ci t e : Esle u EN Nous ne voyons pas un attribut dans Son père lui a donné (ou Elle a reçu) un
ch e f d e l'ar m é e (MAROT). VOUS m'ave z EN co m p a - terrain EN dot, ni dans Elle l'a traité EN^rère, elle l'a reçu EN ami. Cf. § 343, b.
g n o ns p rins [ = pris] (RAB.). - A u X V II e s., a v e c
co nsid érer, re g ar d er : § 3 0 7, H 1. Pour avec accepter, agréer, avoir, choisir, désigner (§ 307, b), destiner
(§ 294, c), donner, laisser (dans laisser pour mort), prendre, reconnaître
(cf. c), tenir (§ 307, e).
A C C E P TE R quelque chose POUR argent comptant ( l o c . ) . — ACCEPTER POUR
gendre un garçon sérieux (Grand Lar. langue). — L ' enfant conçu pendant le
mariage A POUR père le mari (Code civil, art. 312). — Le dispositif mis en place
par le gouvernement de Tokyo AURAIT POUR effet d' établir un barrage
(Al. JACOB, dans le Monde, 12 avril 1983). — Nous l'avons CHOISI POUR chef.
E 9 E S 3 REMARQUE. — Tout le monde le DONNE POUR un imbécile (Ac. 2001). — Les voleurs l' ont
Q u a n d p re n d re p o ur sig nifie « c o n si d é r e r LAISSÉ POUR mort (loc.). — P R ENDR E des vessies POUR des lanternes (loc.
c o m m e », « c o n f o n d r e a v e c », se ul p o ur est prov.). — Il [= l'officier de l'état civil] recevra de chaque partie [...] la déclara-
p ossible ; la c o n str u cti o n d ir e ct e n'est p as con - tion qu ' elles veulent se PRENDRE POUR mari et femme (Code civil, art. 75).
f o r m e à l'usa g e : " Q u'o n le PRENNE FOU OU q u'o n e n
Avec accepter, agréer, avoir, choisir, désigner, prendre, reconnaître, l'usage
fasse u n sain t (M. ROBERT, Ro m a n d es origin es e t
origin es d u ro m a n, p. 2 0 4).
ordinaire paraît préférer comme (cf. c). ES
D a n s c e t e x. d e BAUDELAIRE : L'Éré b e les e û t p ris
Divers tours vieillis.
POUR ses co ursiers f u n è b res (FI. d u m ., C h a ts), p re n -
d re p o ur a le se ns « ch oisir c o m m e », m ais le déter - — Avouer pour « reconnaître comme » : Le maître classique qui enseigna
m in a n t possessif est rare d a n s c e cas. — D a n s c e t l équitation française à Louis XIII n 'auraitjamais avoué POUR son élève ce chevau-
e x. d e GIDE, p o ur n'in tro d uit p as u n attrib ut : A m é -
cheur furieux (FRANCE, Vie littér., cit. Trésor). — Balzac [= Guez de Balzac]
d é e acce p t ait le t u t oie m e n t POUR u n e co u t u m e it a -
lie n n e (C aves d u V a t., V , 2 ) [ = e n t a n t q u e],
!' [= Malherbe] avoue POUR son père intellectuel (BRUNOT, Hist., t. III, p. 15).
— Nommer pour : prendre, nommer, choisir quelqu ' un POUR arbitre (Ac.
K S I M M HISTORIQUE 2001, s. v. arbitre). RQ
C f. : * C elles q ui avoie n t é t é n o m m é es POUR d a m es
— Réputer pour « considérer comme » : La Fronde est réputée, non sans
d'h o n n e ur d e ce tt e p rincesse (SÉv., 1 7 j a n v. 1 6 8 0).
cause, POUR une des périodes les plus amusantes de l'histoire de France (MlCHE-
LET, Hist. de Fr., cit. Rob., s. v. fronde). — Il était son ennemi ou du moins
RÉPUTÉ POUR tel (Ac. 1935, s.v. tel). — On construit plutôt l'attribut
directement : S'il est chaste, on le répute pédéraste (FLAUB., Corresp., 1er sept.
1852). — Mais le verbe est devenu rare à l'actif.
— Avoir pour + adjectif ne se trouve que dans avoir pour agréable
I I E S I I Ï Ï E I HISTORIQUE. (« trouver bon ») g U que l'Ac. 2001 considère d'ailleurs comme vieilli, avec
A voir p o ur a~gré 0 a ble,, a t t e st é d e p u is 1 5 3 8 ces ex. qu'elle cite depuis 1835 et qui sentent le vieux en effet : Il ne fera cela
(W a r t b u r g t. IV , p. 2 5 2), a é v i n c é avoir a gré a ble
qu 'autant que vous / 'AUREZ POUR AGRÉABLE (s. v. avoir, I I I , 3 ) . A Y E Z POUR
(c f . § 3 0 5, H ) : « O n dit, A voir a gré a ble, & p l u s
o r d i n a i r e m e n t , A voir plus a gré a ble, p o u r dire,
AGRÉABLE que je vous amène cette personne (s. v. agréable). Autres ex. : Il [= le
A gré er » (A c. 1 7 4 0). C f . § 3 0 5, H. - A voir p o ur croyant] A POUR AGRÉABLES les injustices et les violences de ses ennemis (FRANCE,
s'est c o n st r u it j a d is a v e c d'a u t r e s a d j., q u o i q u e cit. Rob., s. v. agréable). — On AURAIT POUR AGRÉABLE, au département [au
asse z r a r e m e n t , semble - t - il. ministère des Affaires étrangères], que j'y fisse parvenir [...] toutes les petites
notes qu ' un observateur comme moi ne pourrait manquer de prendre (HERMANT,
Confession d' un enfant d'hier, V). — [Des pages parodiant le langage des
courtisans : ] Que sa grandissime Majesté daigne AVOIR POUR AGRÉABLE. ..tara-
tata taratata... (MONTHERL., Reine morte, II, 2.)
— Désavouer, renier, renoncer pour : S'il était capable d' une telle action, je
le désavouerais POUR mon fils (Ac. 2001). Renier quelqu ' un POUR son parent,
POUR son ami (Ac. 1935). S'il fait telle chose, je le renonce POUR mon parent (ib.).
— Se porter pour héritier est encore signalé par l'Ac. 1935,... pour arbitre,
pour le répondant de qqn par le Trésor, alors que le Robert ne donne plus que la
construction directe. — Se porter pour a e u a u s s i le s e n s « s e f a i r e p a s s e r
pour » : La duchessefitacheter des plantes exotiques, et se porta POUR grand ama-
teur de botanique (STENDHAL, Chartr., VI).
triomphante du siècle dernier a pu considérer ses propres valeurs COMME univer- A u lie u d e regarder co m m e, o n a dit aussi re g ar -
d er p o ur, re g ar d er e n et si m p l e m e n t re g ar d er :
selles (BARTHES, Degré zéro de l' écriture, I, 3). + Malgré les trist es assura nces q u e vo us m'ave z
Par analogie avec croire et d'autres verbes, peut-être aussi par imita- d o n n é es q u e vo us n e m e re g ar die z plus POUR v o tr e
fils (J. -J. Ro uss., C orresp , cit. Littré, s. v. re g ar d er,
tion de l'anglais, la construction directe cherche à s'introduire (ce qui 7 °). — Et je p uis sa ns ro u gir faire u n ave u si d o u x /
n'est indiqué ni dans le Trésor, ni dans l'Ac. 2001, ni dans le Rob. 2001) : A celuy q u e d esja je re g ar d e EN esp o u x (MOL., ÉC.
°Je le considère coupable. Malgré le danger de la confusion avec le cas où d es m aris, II, 9). — *Et je l'ai re g ar d é e, a p rès vo tre
allia nce, / Bie n m oins Persa n e d e n aissa nce / Q u e
l'adjectif est épithète (fe considère cette affaire sérieuse = J'examine...), Grecq u e p ar a d o p tio n (CORN., A g ésilas, cit. Littré,
malgré les condamnations répétées (notamment par l'Acad., le / . c.). — Re g ar d er p o ur e t re g ar d er co nstruit direc -
24 février 1965), la construction a la caution de plus d'un excellent t e m e n t o n t e n c o r e é t é r elevés a u XIX e s. : Le car -
din al n e se re g ar d a p oin t POUR b a tt u (Al. DUMAS,
auteur, surtout quand l'attribut est un adjectif ou un participe : cit. Pla tt n er, t. III, fasc. 1, p. 2 2 3). —je m e re g ar d e
Se considérer définitivement libérés du service (CHAT., cit. Littré, Suppl.). — m oi - m ê m e ve n g é p ar l'arrê t q ui p ro n o nce le ur
in n oce nce (CHAT., cit. Littré, s. v. re g ar d er, 1 6 °).
Quant à l'amour, il le dédaignait [...], le considérant négligeable (BLOY, Femme
pauvre, p. 10). — J e ne m' en considérai pas moins tenu de soigner l'infirmité morale
de ma femme (HERMANT, Daniel, p. 80). — Henriette Ruche, qui se croyait libre
de préjugés (et elle considérait telle la vieille morale) (R. ROLLAND, Ame enchantée.
L. P., t. II, p. 271). — Celui qui écrit comme il prononce est, en France, considéré
inférieur à celui qui écrit comme on ne prononce pas (VALÉRY, Regards sur le monde
actuel, p. 183). — Je ne le [= un problème] considérais déjà plus si terrible (GLDE,
cité par Ch. Du Bos, Dialogue avec A. Gide, p. 83). — Valéry dont vous vous con-
sidérez lefilsspirituel (HUYGHE, Réponse au dise, de réc. de Caillais à l'Ac.). B M M B B I AUTRES EXEMP LES.
HENRIOT, T e m ps in n oce n ts, p . 4 5 ; DUHAMEL, Bio -
b) Désigner construit traditionnellement son attribut par l'intermé- gra p hie d e m es fa n t ô m es, p. 1 4 ; LA VARENDE, Bel -
diaire de comme ou de pour. La construction directe cherche à s'intro- les esclaves, p. 2 0 9 ; SCHLUMBERGER, Ma d . et
duire, mais n'appartient pas encore à l'usage normal et ne paraît pas A . Gid e, p. 2 1 8 ; GUITTON, d a n s la T a ble ro n d e,
m a i 1 9 5 5 , p. 1 8 4 ; FISSON, d a n s le Fig aro litt.,
signalée dans les dictionnaires. 11 a o û t 1 9 6 6 ; L. MARTIN-CHAUFFIER, ib ., 21 j u ille t
0Ce que l' on appelle à tort la sociologie américaine (l' on devrait la désigner 1 9 6 6 ; DANINOS, V aca nces à t o u s p ri x , p. 1 5 6 ;
P. DAIX, j'ai cru au m a tin, p . 3 9 9 ; G . GUILLAUME,
recherche empirique) (Raym. ARON, Sociol. allem. contemp., 1981, p. XV). [Le d a n s le Fr. m o d ., j u ill e t 1 9 4 1 , p. 1 7 6 ; P. GUIRAUD,
sens est « nommer », ce qui n'est pas fréquent.] — "Désigné, en 1977, président Locu tio ns fr., p. 3 3 ; J. DUBOIS, Gra m m . struct d u
du Parti nationaliste basque 0.-P. CLERC, dans le Monde, 11 sept. 1984). fr., V e r b e , p. 6 ; J. LAURENT, Bê tises, p. 1 1 1 .
C) Avec qualifier, l'usage ordinaire introduit l'attribut par de. Cepen-
• H NMH ______
dant, l'ancienne construction sans de subsiste dans la langue juridique
C A L E E A H I S TO R I Q U E . et parfois dans la langue littéraire. E 0
A u XVIIE s., o n a v a it les d e u x c o n s t r u c t i o n s : O n
a q u alifié ce d u el D'assassin a t (FURETIÈRE, 1 6 9 0 ) .
Avec de : Dans le Code, l'homicide commis volontairement est qualifié DE
— O n a q u alifié ce t o uvra g e D'h ere tiq u e (ID.). — Il meurtre (Ac. 1935) [en 1878 : qualifié meurtre], — Cette innocence que j'ai qua-
q u alifie cela va n g e a nce (RICHELET, 1 6 8 0 ) . - Il se lifiée [...] DE fonctionnelle (VALÉRY, Variété, Pl., p. 917). — On qualifie volon-
q u alifie A m iral (ABLANCOURT, cit. Ri c h e l e t). - tiers D ' égoïstes ceux qui n ' utilisent pas autrui à se faire valoir (J. ROSTAND, Pens.
T o u t e p ro f essio n [...] / T rait e les a u tres d'ig n ora n - d' un biol, p. 251). — Le secrétaire de mon oncle Charles l'avait qualifié [...] DE
t es, / Les q u alifie i m p ertin e n t es (LA F., F., XI, 5).
pisse-vinaigre ( G I R A U D O U X , Bella, V I I I ) .
Sans de : L 'homicide commis volontairement est qualifié meurtre. Tout meur-
tre commis avec préméditation ou de guet-apens est qualifié assassinat (Code
pénal, art. 295 et 296). — S'aperçoit-on en Europe qu ' une littérature tout entière
est sortie de la Grande-Bretagne depuis vingt années i Je la qualifie une immense
enquête sur le globe, par les Anglais (MLCHELET, Insecte, Note 3). — Des froi-
dures qu 'il n ' est pas exagéré de qualifier sibériennes (DUHAMEL, Pesée des âmes,
p. 204). — Il semblerait sacrilège de qualifier baroque Les Pèlerins d'Emmaus,
du Louvre (GAXOTTE, dans le Figaro litt., 7 sept. 1957). — Les lettres du roi,
l'arrêt le qualifient chevalier, prince, duc, etc. (Ac. [1694-]1935).
d) Reconnaître a trois constructions : avec comme ; avec pour dans la
langue écrite ; construction directe, surtout quand l'attribut est un
adjectif et/ou dans un contexte juridique.
Avec comme -.Je doute avec mon cœur de ce que mon esprit reconnaît COMME
vrai (BOURGET, Disciple, IV). — Israël ne pourra accueillir le Messie, le recon-
naître COMME l' envoyé de Dieu [...] que s'il se repent (pasteur BOEGNER, Pour
mieux connaître Jésus, p. 119). — Miller [...] fut l'interlocuteur privilégié ; et
reçut [...] l'intronisation qui le reconnaissait publiquement COMME tel
( C . C LÉMENT, Vies et légendes de Jacques Lacan, pp. 24-25).
Avec pour : Que le père l'a traité comme son enfant [...] ; / Qu 'il a été
reconnu POUR tel par la famille (Code civil, art. 321). — Monsieur et madame
Soudry reconnurent POUR légitime, par leur acte de mariage, un fils naturel du
gendarme (BALZAC, Paysans, I, 6). — Arnoux le reconnut POUR un ancien
modèle (FLAUB., Educ., 1 , 1 ) . — M. Morissot [...] s'arrêta net devant un confrère
qu 'il reconnut POUR un ami (MAUPASS-, C., Deux amis). — Deux négociants
lyonnais avaient cru la reconnaître POUR une certaine Mélanie Favrot, qui tenait
jadis un établissement de « gants et parfumerie » place des Terreaux
( A . D A U D E T, Jack, 1 . 1 , p. 2 5 ) . — Un assez ridicule personnage [...] que je ne
reconnus qu 'à ce moment POUR le prétendant dont m'avait parlé Juliette (GIDE,
Porte étr., IV). — Mon Dieu, préservez-moi des rides de l' esprit ! Et surtout gar-
dez-moi de ne pas les reconnaître POUR des rides ! ( I D . , Journal, 1 9 mai 1 9 1 9 . )
Construction directe : Des tables de mortalité reconnues fausses (BALZAC,
III. Gaudissart, p. 45). — On avait reconnu M. Arnoux complice de toutes les
fraudes (FLAUB., Educ., I I I , 4 ) . — Pouchkine y est acclamé comme un maître,
reconnu chef par ses émules (VOGUÉ, Roman russe, p. 54). — L 'accusé était
reconnu innocent du crime de haute trahison (CLEMENCEAU, Grandeurs et misè-
res d' une victoire, p. 320). — Tout en reconnaissant l'individu coupable des actes
reprochés (GIDE, Souvenirs de la cour d'ass., I).
e) Tenir est employé, dans la langue soutenue, dans le sens de
« considérer », avec un attribut du complément d'objet direct, attri-
but introduit le plus souvent par pour, rarement par comme ; dans la
langue littéraire, on construit parfois 1 attribut directement, comme à
l'époque classique, ffi
Les trois co nstructio ns r e m o n t e n t à l'a n c. fr. La
co nstr uctio n d ir ect e est c o u r a n t e c h e z les classi- Avec pour :Je tiens POUR un malheur public qu 'il y ait des grammaires françai-
q u es (sur t e nir à, cf. § 306, b, 1° et H 3) : Je tie ns ses (FRANCE, Pierre Nozière, p. 1 4 6 ) . — Elle [= la démocratie] prend [...] pour
i m p ossible d e co n n oistre les p arties sa ns co n n ois - matière un homme idéal, [...] s insérant dans des obligations qu 'il tient POUR abso-
tre le t o u t (PASCAL, Pens., p. 2 4 2). - Je n'accuse p er -
so n n e, e t vo us tie ns in n oce n t e (CORN., Ro d o g., V ,
lues (BERGSON, Deux sources de la mor. et de la rel., p. 3 0 0 ) . — J e le tiens POUR
4). — Q u oy vo us n e t e n e z p as verit a ble u n e ch ose un honnête homme (Dict. contemp.). — Je tiens cela POUR vrai (ib.). —Je me le
é t a blie p ar t o u t le m o n d e [...] ? (MOL., Mal. i m ., III, tiens POUR dit.
3). — *le tie ns [...] n os p hiloso p h es très g e ns d e Avec comme : Venez voir ceci que je tiens COMME une cinglante satire (DUHA-
bie n ;je crois les d'Ale m b ert, les D id ero t a ussi ver - MEL, Archange de l'aventure, p. 77).
t u e u x q u'éclairés (VOLT., C orresp ., 1 5 j a n v. 1 7 6 1).
— C o m m e n'a j a m a is é t é très fr é q u e n t : *Le seco n d
Construction directe : Je vous tiens de ce jour sujet rebelle et traître (HUGO,
le dit, d ès le soir m ê m e, à m o n p ère, e t Je m e le tins Hem., II, 3). — Des événements que nous tenons très importants leur paraissent
COMME dit à m oi - m ê m e (RETZ, M é m ., p. 1 1 ). — Ex. négligeables (BARRÉS, Appel au soldat, t. II, p. 92). — Il te tient criminelle
a n t érie urs : COd e f r o i d d e Bo uillo n, d a n s Tobler - (CLAUDEL, Ann. faite à M., I I I , 3 ) . — Salavin pourrait tenir négligeables les fan-
Lo m m a t z sc h ; MARC, DE NAVARRE, H e p t, X. taisies de l'adversité (DUHAMEL, Deux hommes, p. 201). — Il est injuste de tenir
Botticelli responsable de Burne-Jones (GREEN, Journal, 2 juillet 1935). — Les chefs
sont tenus responsables des échecs (BERNANOS, Grands cimet. sous la lune, p. 220).
— Ils tenaient peut-être Chevrier responsable de la mort de Geoffroy (J, ROY, Vallée
heureuse, p, 79). — Si morales que je tienne les grâces du maintien, plutôt pourtant
y renoncer que de les acquérir au prix d' un corps souillé par l'idée de péché (ÉTIEM-
BLE, C' est le bouquet .'pp. 283-284).
Tenir quitte reste vivant (mais n'est peut-être plus analysé par les locuteurs),
comme le montrent ces ex. du Dict. contemp. : Vous êtes tenu quitte de ce que vous
devez. On ne peut le tenir quitte de sa promesse. Je ne l' en tiens pas quitte pour cela.
Accord de l'attribut du c o m p l é m e n t d'objet.
L'adjectif attribut du complément d'objet s'accorde en genre et
en nombre avec ce complément :
Je la considère comme INNOCENTE. — Je rendis PUBLIQUES ces promesses
réciproques (DE GAULLE, Mém. de guerre, t. II, p, 47).
Cas particuliers.
Pour les modalités particulières (attribut se rapportant à plu-
sieurs noms, etc.), cf. §§ 424-454. — Pour l'ordre des noms quand ils
sont de genres différents, voir ce qui est dit de l'épithète au § 338, b.
Quand le complément n'est pas exprimé, l'adjectif s'accorde avec le
complément implicite : voir les ex. du § 303, c. — Pour avoir belle, cf. § 305.
On constate une certaine tendance à laisser invariable l'adjectif
attribut qui précède le complément d'objet (comp. § 429). Ces ex. res-
tent isolés et ne seront pas pris pour modèles :
Le fer à repasser (ce sera d'ailleurs le titre général de la revue) a pour but de rendre
BOUFFON cette révérence (GIDE, Faux-monn., III, 16). — En gardant PRÉSENT à
l' esprit [...]la mise en fonctionnement du langage (G. ALLAIN-SOKOLSKY, dans Lan-
gue française, sept. 1975, p. 95). — Un irréalisme qui rend plus que HASARDEUX toute
tentative [...] de rapprochement (M, NOBLECOURT, dans le Monde, 7janv. 1984).
Cas particuliers : Mmc Nuhez, sa sœur, [...] portait BEAU sa ruine (MALLET-
JORIS, Mensonges, J'ai lu, p. 32). [Porter beau senti comme une locution inana-
lysable ou beau comme adverbe.] — J 'avais trouvé CHARMANT la fleur qui termi-
nait certains noms, comme Fiquefleur, Honfleur (PROUST, Rech., t. II, p. 1098). • : > • E S S HISTORIQUE
[Malgré l'article féminin, fleur est pris ici de façon autonymique (§ 460).] l£jj O n lit c h e z MOLIÈRE : V o u s n e tro uvere z p as MAU-
VAIS, s'il vo us p / a /st, la curiosit é q u e j'ay e u e d e
Fort reste invariable selon la tradition grammaticale | J3 dans les voir u n illustre m ala d e co m m e vo us est es (Mal.
expressions se faire fort de et se porter fort pour (qui est plus rare). i m ., III, 1 0). — Littré, s. v. tro uver, R e m . 1, reco n -
Ainsi, l'Ac. 2000, s. v.fort, I, A, 6, écrit : Elles s' étaient fait FORT de réussir n aissait q u e l'o n disait : J'ai tro uvé SO N la lib ert é
q u e vo us ave z p rise 1= j'a i a p p r o u v é ...], m ais il
[pour l'accord du partie, passé, cf. § 953, b, 2°]. Elles se portèrent FORT pour leur
a j o u t a i t : « T o u t e f o is c e t t e c o n s t r u c t i o n est d u r e ,
frère. (Voir aussi s. v. faire, IV, 2, c.) Mais l'usage des auteurs est assez e t il f a u t l'é vit e r. » Elle s e m b l e a v o ir d is p ar u .
partagé : certains respectent la prescription traditionnelle ; d'autres, qui ont
pour eux les encouragements de Littré, font varierfort non seulement en nom- J " ! ' » • » » ! • HISTORIQUE
L'i n v a ri a b ili t é e n g e n r e e t e n n o m b r e a é t é pres -
bre mais aussi en genre, et il est difficile de les blâmer.
cri t e p a r V a u g e l a s , a v e c c e t a r g u m e n t q u e f ort
• Fort invar, en genre : Elle se faisait FORT de les arracher (R. ROLLAND, d a n s s e faire f ort est « m is c o m m e a d ver b iale -
Jean-Cbr., t. IV, p. 75). — Elle se faisait FORT de l' éclairer (MAURIAC, m e n t » (p . 3 2 4 ) . O n p o u rr ait a ussi d i r e q u'il
Th. Desqueyroux, IV). — Dont elle se faisait FORT de remporter s'a g it d e l o c u t i o n s fi g é es, o ù il est difficile
a u j o u r d 'h u i d e d o n n e r à f ort u n e f o n c t i o n dis-
l'assentiment (GIDE, Faux-monn., II, 5). — Une voyante extra-lucide se
t i n c t e . En r é a lit é , f ort a d ' a b o r d é t é i n v a ri a b l e e n
faisait FORT [...] de retrouver le lieu de sa cachette (TROYAT, Etrangers g e n r e d a n s t o u s ses e m p l o is (c f . § 543, HI), e t il
sur la terre, p. 319). — Autre ex. : RJNALDI, Roses de Pline, p. 238. l'e st r e s t é d a n s u n e c o n s t r u c t i o n f i g é e c o m m e
• Fort invar, en nombre : Ils se firent FORT de sauver l'honneur du roi celle - ci. M a i s , d a n s l'i g n o r a n c e d e la v é ri t a b l e
( M I C H E L E T, Hist. RévoLfr., 1 . 1 , p. 1 2 1 0 ) . — Ils se faisaient FOR T [ . . . ] c a u s e , les g r a m m a iri e n s o n t e x i g é a ussi l'invaria -
b ilit é e n n o m b r e . Littré s'é l è v e c o n t r e c e l a , e n
de raser le Feu-Jouant avant la fin de l' été ( G E N E V O I X , Forêt voisine, f a is a n t r e m a r q u e r e n o u t r e q u e l'a n a l o g i e
p. 207). — Dans se porterfort : Tous les habitants notables de Greux et d e p u i s l o n g t e m p s t e n d a i t à f a ir e v a ri e r f ort e n
de Domremy se portèrent FORT les uns pour les autres (HANOTAUX, g e n r e , c o m m e il v a riait l é g i t i m e m e n t e n
Jeanne d'Arc, II, 1). — Ces communautés naturelles et historiques dans n o m b r e : Je m e faie t z FORTE sur m a vie q u e [...]
lesquelles les hommes [...] se portent FORT les uns les autres [cf. § 1041, (JEHAN D'ARRAS, Mélusin e, cit. d a n s l e Fr. m o d .,
j a n v . 1 9 4 2 , p. 56). — Ainsi est - il, je m'e n fais
c] (MAURRAS, Essais politiques, p. 179).
FORTÇ, / D e c e d ra p (Pa t h elin, 4 5 4 ) . — N o us n o us
• Fortvar. en genre : La Libre Parolese^îf FORTE deprouver [...] (BAR- e n faiso ns FORTES p o ur luy (A. DE LA SALE, Je h a n d e
RÉS, Leurs figures, p. 154). — Je me fais FORTE d'avance de son accep- Sain tré, é d . C h. - D ., p. 2 8 ) . — Je m e f eroys FORTE
tation (ESTAUNIÉ, Tels qu 'ils furent, p. 171). — Sylvie se fit FORTE de q u e le roy seroit o b ey (MARC, DE NAVARRE, Le t -
tres, cit. Lit tr é). - Po u r t a n t , a u d é b u t d u X V II e s.,
le mettre d'aplomb avant trois mois (R. ROLLAND, Ame enchantée,
c e t t e a n a l o g i e n'a v a i t p as é t é vic t o ri e u s e (c e q u i
L. P., t. II, p. 44). — Catherine se faisait FORTE de convaincre peu à a p e r m is l'i n t e rv e n t i o n d e s g r a m m a iri e n s) : Je
peu l' enfant ( G . - E . CLANCIER, Dernière saison, p. 2 5 4 ) . — Toute la m e fay FORT d e vo us y co n d uire [dit F r a n ç o is e]
jeunesse d'alors se faisait FORTE de remettre le bonheur à plus tard (TURNÈBE, C o n t e ns, I, 5 ) [ 1 5 8 4 ] ,
( P O I R O T - D E L P E C H , dans le Monde, 11 janv. 1974). — Vous vous fai-
siez FORTE de trouver un moyen (GREEN, Mauvais lieu, p. 274).
• Fort var. en nombre : Les gens bien informés qui [...] se font FORTS de
n 'ignorer rien des sentiments du prochain (H. DE RÉGNIER, Plateau de
laque, p. 2 5 7 ) . — Ils se font FORTS de pouvoir [ . . . ] ( M A R TI N DU G . ,
Thib., Pl., t. II, p. 94). — Dans se porterfort : En se portant FORTS pour
les enfants en bas âge (LA VARENDE, Amour de M. de Bonneville, p. 40).
Lorsque le verbe est accompagné d ene ... que, l'attribut s'accorde
généralement avec le complément d'objet lorsque celui-ci précède
R EMAR QUE. l'attribut : Elle n 'a que la figure de P L A I S A N T E B J ; et reste invariable
Ex. c u ri e u x : Q u a n d je m e m e ts e n colère, je
m o n tre la se ule ch ose q u e j'ai d e PARFAIT, m es
dans le cas contraire : Elle n 'a de P L A I S A N T que la figure (la figure n'étant
d e n ts (GIRAUDOUX, A p ollo n d e Bellac, III). L e pas le véritable objet direct, mais une correction au complément d'objet
m a sc. p o u rr ait s'e x p li q u e r p a r l e f ait q u e l'a u t e u r direct non exprimé : n 'a R I E N déplaisant) [comp. avec ily a, § 249, b, 1°].
a c o n s i d é r é la se ule ch ose q u e c o m m e u n neu -
tr e é q u iv a l a n t à c e q u e. Il a un cheval qui n 'a que les pattes de devant de MAUVAISES (J. RENARD, Jour-
nal, 6 sept. 1899).
Je ne trouve d'É GAL au brusque changement de la scène que les anciennes tristes-
ses de mes premiers jours (CHAT., Mém., III, II, IX, 8). — La médecine n 'a de CER-
TAIN que les espoirs trompeurs qu ' elle nous donne (J. RENARD, Journal, 15févr.
1901). — Toute émotion n 'a d' EXQUIS que sa surprise (GlDE, Roi Candaule, II, 1).
Est-ce par analogie avec des ex. comme ceux-là que l'on dit aussi : Elle a seu-
lement de BEAU la chevelure ?
Pour la locution n'avoir d'égal que, la place de l'attribut est fixe. Il
reste, logiquement, invariable, comme on l'a expliqué ci-dessus :
Un homme dont la fermeté n 'a d'É GAL que la sagesse et la hauteur des vues
( W L .D'ORMESSON, dans la Croix, 8 - 9 mai 1 9 6 0 ) . — Leur hâte à se détacher de
nous n 'avait D EGAL que leurfièvreà se retrouver deux (CHAR, Nu perdu, p. 109).
[Pl., p. 434 : égale] — Une aventure qui n 'a d'É GAL que la découverte des ruines de
Troie 0 . D'ORMESSON, dans les Nouv. litt., 7 - 1 3 févr. 1 9 7 2 ) . — L ' élégance du pro-
cédé n 'a d'É GAL que la brutalité et l' éclat d' une palinodie qui [...] (R BARRILLON,
dans le Monde, 27 nov. 1973). — La complexité de ce changement n 'a d'É GAL que
son inertie (Emm. T O D D , Le fou et le prolétaire, p. 3 2 0 ) . — Ses bénéfices n ' ont eu
d'ÉGAL que ceux de son quatrième film (dans F magazine, mai 1984, p. 44).
E S I E U S REMARQUE. Cependant plus d'un auteur l'accorde 0 3 soit avec le complément
D a n s l'u n e t l'a u t r e cas, p e u t - être les a u t e u rs
d'objet direct qui suit que, soit parfois avec le sujet (comme si l'on avait
co nsid ère n t - ils é g al c o m m e u n n o m (c o m p .
n'avoir p as d'é g al, sa ns é g al a u § 4 8 9, c, 2 °) ; il n e
est égal à).
s'a girait plus d ' u n v é r i t a b l e a c c o r d (c f . b).
• Accord avec l'objet O ] : L ' odieux de telles suppositions n ' en a d'É GALE
R EMAR QUE. que l'absurdité (DOUMIC, Le Misanthrope de Molière, p. 295). — Un
D a n s l'e x . s u iv a n t, il s e m b l e q u'il y ait a c c o r d tact et une souplesse qui n ' ont d'É GALE que sa superbe loyauté (FARRÈRE,
a v e c c e l u i d e s d e u x o b j e t s q u i est l e plus Seconde porte, p. 43). — Le sérieux de l' événement n 'avait d'É GALE que
p r o c h e : L'i m a gin a tio n, le t ale n t n'a C/'ÉGALE q u e
la forme légère, bénigne qu 'il empruntait 0OUHANDEAU, dans Hommes
la rich esse d u voca b ulaire e t l'inve n tio n p er p é -
t u elle (TAINE, l e t tr e à Z o l a c i t é e d a n s A . D e z a l a y ,
et mondes, juillet 1950, p. 377). — La fièvre et la hardiesse des impro-
Lect ures d e Z ola, p. 2 3). visations n ' ont D'ÉGALE que la brièveté de leurs agonies (A. ARNOUX,
Bilan provisoire, p. 265).
• Accord avec le sujet : Une estime qui n 'a d'É GALE que mon amour (SAR-
DOU, Rabagas, I, 10, cit. Le Bidois, § 1033). — Son incompréhension
n 'a d'É GALE que son zèle (A. ROUSSEAUX, dans le Figaro litt., 4 nov.
1950). — François Coppée connut de son vivant une gloire dont la dispro-
portion n 'a d'É GALE que l' oubli où sa mémoire est tombée (BORDEAUX,
Paris aller et retour, p. 91). — Une Assemblée dont l'impuissance n 'aura
Ifell K!i!i R EMAR QUE. d'É GALE que les prétentions ( D R U O N , Circonstances, t . I I I , p. 1 4 7 ) . — Il
O n n o t e r a aussi q u e si é g al est a u m asc u li n e t si l e vouait au montreur une admiration sans bornes qui n 'avait d'ÉGALE que
suje t e t / o u l'o b j e t d ir e ct so n t m asculins, il est le mépris qu 'il professait pour le cuisinier (A. CHEDID, Sixième jour, II, 5).
i m p ossi b le d e d ir e si é g al est i n v a ria b l e o u s'il On observera que dans tous ces ex. il s'agit d'un phénomène purement
s'a c c o r d e a v e c l e m o t m asc u li n : C e t t e ca p acit é
d'inve n tio n n'avait d'ÉGAL q u e so n m a uvais carac -
graphique, ce qui leur enlève beaucoup de leur pertinence. En revan-
t ère (MALLET-JORIS, d a n s l e Bull. Aca d . roy. la n g u e che, dans l'ex. suivant, l'accord est phonétique, mais égaux y est peut-
e t litt ér. fr. [ d e Be l g .l, 1 9 9 6 , p. 3 4 2). - So n é t o n - être un nom : Il [= Molière] n 'a d'ÉGAUX en puissance sereine que Mon-
n e m e n t n'a d'ÉGAL q u e sa co nvictio n (G. TABOUIS, taigne et Shakespeare (A. SUARÈS, Sur la vie, t. II, p. 37). ffl
Albio n, p erfid e o u loyale, p. 1 1 8). — C e s Ét a ts je u -
n es d o n t l'in org a nisa tio n n'a d'îGAL q u e le su p er - b) Le genre étant inhérent au n o m en soi, il ne peut être question
n a tio n alis m e (ib ., p. 1 8 6). — Po u r les d e u x d'un véritable accord en genre à propos du n o m attribut. C'est seu-
d e r nie rs e x., tirés d u m ê m e livre, le fait q u e l e n o m
m asc u li n soit t a n t ô t le suje t et t a n t ô t l'o b j e t incli - lement lorsque l'attribut est un nom animé prenant ou ayant un
n erait à p e n se r q u e l'a u t e u r est p o u r l'invaria bilit é. genre selon le sexe de l'être désigné qu'il a normalement le même
genre que l'objet direct si celui-ci est un pronom ou un nom animé
prenant eux aussi un genre en fonction du sexe de l'être désigné :
Jean appelait Julie SA PROTECTRICE ; il la nommait aussi SA MÈRE.
Mais : Nous considérons Pierre comme UNE VICTIME et sa sœur comme UN
TÉMOIN INSENSIBLE. — Il appelait la Touraine UN PARADIS.
P o u r le n o m b r e, il y a généralement concordance naturelle
(par simple conformité avec la réalité décrite) entre l'objet
direct et l'attribut : Il les considérait comme ses A L L I É S . — Mais
lorsque la réalité l'exige, il peut y avoir discordance : On appelle
les yeux L E M I R O I R de l'âme.
Cas particuliers.
Pour les détails, voir ce qui est dit de l'attribut du sujet, §§ 2 5 0 - 2 5 1 .
Dans cet ex., l'ensemble, d'abord considéré comme tel, est, dans l'attribut, con-
sidéré dans chacun de ses constituants (distribution : cf. § 428) [il y a aussi dans cette
phrase une syllepse] : H recevra de chaque partie, l' une après l'autre, la déclaration l i H ICWIFC H IS T O R I Q U E
(JW'ELLES veulent se prendre pour MARI ET FEMME (Code civil, art. 75). [On pourrait L'i n v a ri a b ili t é s'e x p li q u e p a r l e fait q u e t é m oin a
ici s o n s e n s p r e m i e r, c e l u i d e « t é m o i g n a g e »,
dire :... l' une pour mari et l'autre pourfemme.] — Il y a aussi distribution dans cette
c o m m e V a u g e l a s (p . 5 6 5 ) l'a v a it d é j à v u . C h e z
phrase de TAINE, comme si on avait chacune devant en homme (à moins que Taine les classi q u es, m a l g r é c e r t a i n e s h ésit a tio ns,
n'ait été influencé par homme au singulier qui précède) : Comme elles [= les femmes] t é m oin rest ait g é n é r a l e m e n t i n v a ria b l e . L e se ns
ont pris des façons et des hardiesses d'homme, on LES traite en HOMME c ' est-à-dire en p r e m i e r é t a n t t o m b é e n d é s u é t u d e d a n s la lan -
ADVERSAIRE ou en CAMARADE (Vie et opinions de Fr.-Th. Graindorge, p. 2 2 5 ) . g u e c o u r a n t e , les g r a m m a iri e n s (e t l'A c. e n c o r e
a u j o u r d ' h u i) o n t j u stifié l'i n v a ri a b ilit é e n disa n t
Dans prendre à témoin, témoin est invariable, selon la tradition. q u e à t é m oin est pris a d v e r b i a l e m e n t , t a n d is q u e
Cependant certains auteurs (dans la mesure où ils sont conscients et c e r t a i n s u sa g e rs i n t e r p r é t a i e n t t é m oin c o m m e
attentifs) le font varier en nombre, parce qu'ils voient ici témoin dans « p e r s o n n e q u i t é m o i g n e » e t l e f aisaie n t v a rie r :
v o ir p a r e x . BERN. DE SAINT-P., Pa ul e t V., p. 1 5 6 . —
son sens ordinaire de « personne qui témoigne ». E U
O n o b s e r v e les m ê m e s h é sit a ti o n s p o u r l e t o u r
Témoin invar. : Ô bois, je vous prends à TÉMOIN ( H U G O , Lég., X X I , 3). — T é m oin les p hiloso p h es : cf. § 2 5 1, d , 4°. — D a n s
Mes camarades, je vous prends à TÉMOIN (SAINT ExuPÉRY, Terre des hommes, c e t e x . d e RACINE : le n'e n ve u x p o u r TÉMOIN q u e
vos plain t es (fia / ., V , 4), l e si n g ulie r se d é f e n d
p. 213). — J e le voyais regarder toutes choses comme pour les prendre à TÉMOIN
c o m m e d a n s : V os plain t es so n t LE TÉMOIN.
(DUHAMEL, Vie des martyrs, p. 1 6 7 ) . — Je vous prends tous à TÉMOIN
(VAILLAND, Loi, L . P . , p . 7 4 ) . — Je les prends à TÉMOIN de la violence [...] que E U K U L I L AUTRES EXEMPLES
C l. TILLIER, Mo n o ncle Be n ja m in, XIX ; BARRÉS, C r.
cet homme vient de me faire (Ac. 1935, s. v. prendre). R I
pitié d es é gl. d e Fr., p. 2 7 5 ; AYMÉ, Aller re t o ur,
Témoin varie : Vous vous lamentiez et vous preniez les passants à TÉMOINS p. 2 1 1 ; L.HALPHEN, C h arle m a g n e e t l'e m pire
de votre misère (DUHAMEL, SOUV. de la vie du paradis, p. 129). — Perrine s' était carol., p. 3 1 1 ; MAURIAC, Sa g o uin, p. 3 7 ; CES-
mise[...]à les prendre tous à TÉMOINS (POURRAT, Tour du Levant, p. 270). — BRON, N o tre p riso n est u n roya u m e, p. 1 4 3 ;
Je vous prends à TÉMOINS, Messieurs ( G E N E V O I X , Forêt voisine, p. 2 3 5 ) . E 3 DURAS, Pe tits ch eva u x d e T ar q uinia, p. 2 1 0 ; e tc.
Mais on écrira : Je les prends pour TÉMOINS. WUXM É L U A U T R E S E X E M P L E S
Pour prendre à partie, il n'y a pas d'hésitation quant au nombre, et J. -J. GAUTIER, H/S t. d'u n fait divers, p. 1 8 8 ; GUTH,
partie est toujours au singulier, que la partie adverse soit constituée N aïf a u x 4 0 e n fa n ts, p. 1 1 0 .
II. LE C O M P L E M E NT ADVERBIAL
J ] BIBLIO GRAPHIE . Définition. Q
L. MEUS, Les circo nst a n ts e t la p hrase. Et u d e sur
la classifica tio n e t la syst é m a tiq u e d es co m plé - L e c o m p l é m e n t adverbial est u n c o m p l é m e n t qui est u n
m e n ts circo nst a nciels e n fr. m o d ern e, l o u v a i n ,
a d verb e o u qui p e u t ê t r e r e m p l a c é p a r u n a d verb e.
Pr e ss e s U n iv e rsi t a ir e s, 1 9 8 3 . — D . LEEMAN, Les
circo nst a nces e n q u estio n(s), Pa ris, K i m é , 1 9 9 8 . Cela s'oppose à la fois aux compléments d'objet (présentés
dans le I) et au complément d'agent (voir le III ci-dessous).
i ! l K T T Î 1 H IS T O R I Q UE
La d é n o m i n a t i o n d e co m plé m e n t a d ver bial n e
Le complément adverbial correspond à ce que l'on appelle tradition-
v e u t p as d ir e q u e la c a t é g o r i e d e l'a d v e r b e se rait nellement complément circonstanciel, désignation que méritent une partie
l'e x p r e ssi o n p r e m i è r e d e c e t t e f o n c t i o n . Be a u - seulement des compléments auxquels on donnait ce nom : voir § 312, b. —
c o u p d 'a d v e r b e s so n t a u c o n t r a i r e d 'a n c i e n s
sy n t a g m e s n o m i n a u x , soit d u f r a n ç a is (q u el q u e -
Signalons ici qu'on rangeait parfois parmi les compléments circonstanciels
f ois:, e n fin, a u jo ur d'h ui, e t c.), soit d u latin des syntagmes prépositionnels que nous considérons comme des complé-
(. h ui < lat. h o die = h oc die < t ce jo ur - ci » ; e t c.). ments d'objet indirect : Séparer le bon grain D E L ' I V R A I E . ®
Distinctions sémantiques.
Traditionnellement, on distinguait de nombreuses variétés dans les complé-
ments dits circonstanciels. La 11e éd. de cet ouvrage en dénombrait vingt-neuf, ou
davantage si l'on considère les quatre espèces de compléments de lieu. Ces raffine-
ments trouvaient parfois leur justification dans les besoins de la grammaire latine.
Dans d'autres cas, c'est en prenant en compte le sens du verbe qu'on était amené à
multiplier les catégories. En réalité, on peut se limiter à celles qui sont utiles, notam-
ment pour l'étude des adverbes (§ 956) et des propositions (§ 1135), c'est-à-dire :
Temps : Il reviendra L A S E M A I N E P R O C H A I N E . (Quand ?)
Lieu : Ils se sont rencontrés A U Q U É B E C . (Où ?)
Manière : Elle marche À P A S P R E S S É S . (Comment ?)
Mesure : Allonger une robe D E D E U X C E N T I M È T R E S .
Opposition : Je l'ai reconnu M A L G R É L ' O B S C U R I T É .
B u t : Il s' écarta P O U R L E L A ISSER P A SSER.
Cause : Il agit P A R J A L O U S I E . (Pourquoi ?)
Condition : Appelez-moi E N C AS DE BESOIN .
Divers compléments auxquels on donnait des noms distincts peuvent se ran-
ger sous les étiquettes proposées ci-dessus. Par ex., les compléments de moyen ou
d'instrument sont à rapprocher des compléments de manière ainsi que le montre une
coordination comme : Enfoncer une cheville manuellement ou AVEC UN MARTEAU ; de
même pour l'accompagnement : Voyager solitairement ou AVEC UN AMI. Voir aussi
§ 956. — Dans les compléments de mesure, nous plaçons le poids, le prix, etc. —
Dans d'autres cas, il n'est pas utile de prévoir un nom particulier.
Un même verbe peut recevoir plusieurs compléments adverbiaux
(alors qu'il n'a qu'un complément d'objet direct ou qu'un complément
d'agent, sauf coordination) :
Ils se séparèrent au carrefour \ quelques heures plus tard \ pour qu ' on ne les voie
pas ensemble.
N a t u r e du c o m p l é m e n t adverbial.
L e complément adverbial peut être un adverbe (parfois précédé
d'une préposition) ; — un nom, un pronom ou un in/inittj ordinaire-
ment introduits par une préposition ; — une proposition. H
L e g é r o n d if (§ 9 2 6) é q u i v a u t o r d i n a ir e m e n t à Venez DEMAIN. Hâte-toi LENTEMENT. Il souffre BEAUCOUP. Partons D'ICI. —
u n c o m p l é m e n t a d v e r b i a l ; il e n e s t s o u v e n t Il pleure DE RAGE. Restez C H E Z VOUS. On commença PAR L'INTERROGER. — Nous par-
d e m ê m e d e l' é p i t h è t e d é t a c h é e ( § 3 3 3 , a ) e t
tirons QUAND VOUS VOUDREZ. — Parmi les adverbes, il faut ranger les adjectifs
d e l' a p p o s i t i o n d é t a c h é e ( § 3 4 3 , b) :
O n s'instruit EN VOYAGEANT. — H O N TE U X d e s o n
employés adverbialement : Parler BAS. Cf. § 963.
éch ec, il se t u t. — GÉNÉRAL, p o ur h och e ts il p rit les En, y et dont correspondent à des syntagmes prépositionnels.
p yra m id es (HUGO, C h. d u cré p ., II, 1). — En et dont remplacent un syntagme construit avec la préposition de : Il prit
une pierre et /'EN frappa (Dict. contemp.). — Il est resté dans son bureau toute la journée
et vient juste d'EN sortir (ib.). — Je connais le pays DONT il vient. Cf. § 723, c.
— Y remplace un syntagme indiquant le lieu ; il peut suppléer un adverbe : Il
a un grandjardin, il Y cultive des légumes. — N 'allez pas là, il Y fait trop chaud (Ac. 1935).
Construction du c o m p l é m e n t adverbial.
a) Le nom, le pronom et l'infinitif qui servent de complément adver-
bial sont, la plupart du temps, introduits par une préposition :
Il loge DANS une tente AVEC son frère. — Il conduit AVEC prudence À CAUSE
DU verglas.
Pour y, en et dont voir ci-dessus, § 313.
b) Se construisent sans préposition, notamment
• Les compléments de mesure : Ce meuble mesure DEUX MÈTRES, pèse
CINQUANTE KILOS et coûte VINGT MILLE FRANCS. — Q U E coûte ce
chapeau ? — COMBIEN coûte ce chapeau ? — Sais-tu ce que coûte ce
livre ? — Sur la quinzaine de jours QUE [...] durera la fin de l'hiver (LE
ROY LADURIE, Carnaval de Romans, p. 342). [La mesure de la diffé-
rence s'introduit par de : ex. au § 311.]
• Divers compléments de temps : II reviendra LA SEMAINE PROCHAINE.
— UN JOUR, Delphine et Marinette dirent à leurs parents qu ' elles ne
voulaient plus mettre de sabots (AYMÉ, Contes du chat p., Paon).
• Les infinitifs du but après les verbes de mouvement : Il mène son che-
val BOIRE à la f o n t a i n e .
• Les propositions absolues (§ 253) : LA CHANCE AIDANT, nous réussirons.
Après être (comp. 1°) : Nous sommes FIN mai (SAINT EXUPÉRY, Pilote de
guerre, p. 12). — Nous étions FIN décembre (BOSCO, Rameau de la nuit, p. 105).
On observe la même brachylogie (double ellipse : cf. § 354, R5)
avec d'autres mots.
Avec côté : Elle est tout à fait reçue dans les expressions de théâtre côté
cour et côté jardin : Entrer, sortir CÔTÉ COUR, CÔTÉ JARDIN (Ac. 2001). —
Mais la langue familière et parfois la langue écrite y recourent dans d'autres
occasions : Qui se profile sur un fond de ciel plus clair, CÔTÉ LUNE (H. BAZIN,
Huile sur le feu, p. 177). — J e garde CÔTÉ CERVEAU un honorable pourcentage
REMAR QUE. de vie ( M . LEIRIS, Langage tangage, p . 9 6 ) . — Il prévoyait, C ÔTÉ BEAU-PÈRE,
Su r la c o n s t r u c t i o n d u c o m p l é m e n t d e cô t é, v o ir des marchandages répugnants (TOULET, Mon amie Nane, III). ESJ
§ 3 5 4, fa. Avec question, qui joue le rôle d'un introducteur comme quant à (cf.
E U 1 1 3 REMAR Q UE
§ 1098, f), dans des écrits qui reproduisent ou adoptent le ton familier : Du
L e c o m p l é m . d e q u estio n se co nstruit aussi a v e c la côté de Chesterton [que Claudel avait traduit], nous n 'avons pas à nous
p ré p os. d e : Q U E S TI O N DES ATTRAITS, H ort e nse [...] inquiéter? Avez-vous, avons-nous autorisation suffisante ?... QUESTION
d e m e urait asse z cro ustilla n t e (CÉLINE, Mo n à cré dit, DROITS D'AUTEUR (GIDE, 12 mars 1910, dans Claudel et Gide, Corresp.). —
cit. L e Bid ois, Mo ts tro m p e urs, p. 1 8 8). — Le Gra n d Le Hollandais était un personnage très réservé QUESTION FEMMES (ARAGON,
Lar. e nc. 1 9 6 3 co nsid érait la co nstr u ctio n a v e c d e
Cloches de Bâle, III, 11). — QUESTION SPECTACLES, on a vraiment le choix
c o m m e fa m . et la co nstr u ctio n sa ns d e c o m m e
p o p . ; l e T résor, é g a r é p ar l'e x . d e SIMONIN q u'il (Grand dict. enc. Lar. 1984 [sans réserves]). — On ne se refait pas QUESTION
cit e p o u r la p r e m i è r e , intervertit les étiq u ettes. — L e PRINCIPES (Cl.JAVEAU, dans la Libre Belgique, 29 oct. 2005, 2e cahier,
d e est o b lig a t oire d e v a n t u n infin. (t o u r r a r e m e n t p- 2 3 ) . m j
cit é p ar les dict.) : QUESTION DE LOUCHER la Vitruve,
j'ai ja m ais vu pire (CÉLINE, /. C.). — Q u estio n
Avec façon. D'abord dans la langue commerciale et en dépendance d'un
d e + infinitif e x p ri m e p arfois le b ut, c o m m e hist oire n o m (cf. § 3 5 4 , b) : Un gilet FAÇON [ = i m i t a t i o n ] CACHEMIRE (BALZAC, Début
d e : voir § 378, c. — Q u estio n q u e + p ro p ositio n dans la vie, Pl., p. 632). — Une robe en lainage FAÇON SPOR T (AYMÉ, Passe-
n'est sig n alé q u e c h e z CÉLINE : QUESTION QU'il muraille, L. P., p. 151). — Applications plus larges dans le même style fam.
s'éloig n e c'é t ait g u ère p ossible ( / . c.).
que ci-dessus: Un homme d' une cinquantaine d'années, [...], FAÇON
GENTILHOMME CAMPAGNARD (ib., p. 98). — S' en amusant en l'air comme
d' une canne à pommeau, FAÇON GÉNÉRAL en mal de batailles [= à la manière
d'un général...] (Ph. CLAUDEL, Âmes grises, p. 24). — J e le verrais bien déguisé
en bagnard américain, FAÇON FRÈRES DALTON [personnages d'une bande des-
sinée] (JAVEAU, /. C.).
La langue littéraire connaît encore à chaque fois, à la première fois,
plus rarement à cette fois et plus rarement encore à toutes les fois que
(encore usuel pour Dupré, p. 1028). L'usage ordinaire construit ces
expressions sans préposition.
Avec prépos. : Et l' on oubliait À CHAQUE FOIS la bouteille auprès de la guérite
(STENDHAL, Chartr., XXI). — À CHAQUE FOIS que l'heure sonne (HUGO,
Ch. du crép., V, 2). — À LA SEPTIÈME FOIS, les murailles tombèrent (ID., Châtim.,
VII, 1). — À CHAQUE FOIS que l' orateur lançait le bras (BARRÉS, Colline insp.,
p. 78). — À CHAQUE FOIS qu ' on y revient (GLDE, Incidences, p. 152). — À LA
DEUXIÈME FOIS,j'ai laissé mon chien courir sur lui (ARLAND, Êtienne, p. 89). —
À CHAQUE FOIS que nous nous sommes vus (LÉAUTAUD, Amours, F°, p. 27). —
À CHAQUE FOIS que je prête ma voiture à une de mes amies (M. PONS,
Mademoiselle B., dans les Temps modernes, févr. 1973, p. 1336). — La lumière
[...] se fit plus pâle À CHAQUE FOIS (CAMUS, Peste, p. 3 1 5 ) . — À CHAQUE FOIS,
je soulevais mon chapeau (Ph. CLAUDEL, Ames grises, p. 81). — À CETTE FOIS,
Landry sentit comme un grand repentir dans son âme (SAND, Pet. Fadette, VI). —
Et Jacqueline, À CETTE FOIS, fut prise de fou rire (TOULET, Demoiselles La Mor-
tagne, p. 175).
Sans prépos. : Venez CHAQUE FOIS que vous en aurez envie (Ac. 2000, s. v.
fois). — CHAQUE FOIS [...] il s'ingéniait à improviser des raisonnements trompeurs
( M A R T I N DU G . , Thib., P l . , 1.1, p . 1 0 6 0 ) . — CHAQUE FOIS que nous faisons le
bien, Dieu opère en nous et avec nous (MAURIAC, Bl Pascal, p. 56). — CHAQUE
FOIS que je me casse une dent (DUHAMEL, Voy. de Patrice Périot, p. 61). — Mais
le mari meurt à propos, CETTE FOIS pour de bon (BOSCO, Sites et mirages, p. 102).
— TOUTES LES FOIS que ses hôtes tournaient la tête, il avalaitfurtivement une lam-
pée d' eau-de-vie (SAND, Meunier d'Angibault, XXXII). — / /[...] aperçut lepost-
scriptum, qu 'il n 'avait point remarqué LA PREMIÈRE FOIS (FLAUB., Éduc., II, 4).
Les compléments où l'idée de périodicité est explicitée par chaque
ou tout se construisent d'ordinaire sans préposition. E B • : W E S I REMAR QUE.
Il venait chaque jour, tous les jours, chaque mardi, tous les mardis, chaque mois, Su r les f o r m u l e s sa ns ch a q u e ni t o u t, cf. § 1048, c.
tous les mois, etc. ; tous les deux jours (chaque deux jours, § 636), etc.
Mais on emploie à : obligatoirement dans à tout instant, à tout moment, à
chaque instant, à chaque moment ; — ordinairement, dans à chaque seconde, à cha-
que minute ; — assez souvent avec les noms de saisons : à chaque automne (MAU-
RIAC, Sagouin, p. 4) ; à chaque printemps (DUHAMEL, Passion de Jos. Pasquier, X).
Dans d'autres cas, la prépos. à semble due à des usages régionaux : 0Hippo-
lyte, n ' osant À tous les jours se servir de sa belle jambe (FLAUB., Mme Bov., II, 12).
— °I1 s' en revient deux fois À chaque année / Bénir cette famille (JAMMES, Géorgi-
ques chrét., VII). — °Une demande qui doublait À tous les dix ou quinze ans
(R. LÉVESQUE, Attendez que je me rappelle..., p. 231). — °Cette rencontre a lieu
À toutes les semaines (Manuel Richelieu, Ottawa, 1987, p. B 7). HH B E I REMAR QUE.
S'en falloir employé impersonnellement pour exprimer l'idée de Su r l e p l é o n a s m e " p ar ch a q u e jo ur, v o ir § 636, H2.
H partit EN VACANCES, après avoir été reçu bachelier ès lettres (BALZAC, Goriot,
p. 34). — Arnoux, le lendemain, partait EN VOYAGE pour l'Allemagne (FLAUB.,
Éduc., 1,5). — Si elle n 'y réussissait pas, M. Verdurin partait EN CAMPAGNE, trouvait
un bureau de télégraphe ou un messager (PROUST, Rech, 1.1, p. 292). — Nous par-
tions EN PROMENADE dans Paris (LÉAUTAUD Journal litt., 29 nov. 1898, note). —
K&jtf E U X AUTRES EXEMPLES. Une génération qui a à créer son habitat [...] doit partir EN GUERRE contre ceux qui
R. ROLLAND, Je a n - C hr., t. X, p. 2 6 4 ; GIDE, Palu -
exaltent cet esprit non uniquement pratique (BEND A, dans la Revue de Paris, 1 5 mars
d es, p. 72 ; ESTAUNIÉ, A p p el d e la ro u t e, p. 1 4 9 ;
MAURIAC, N œ u d d e vip ., VII ; DUHAMEL, Ma n u el 1 9 3 7 , p . 3 4 8 ) . — Parti EN MISSION (KESSEL, Mermoz, p. 5 1 ) . — Je pars EN
d u p ro t est a t aire, p. 2 4 2 ; GIRAUDOUX, Bella, IX ; VOYAGE dans quelques jours (DAUZAT, dans le Monde, 8 juin 1 9 4 9 ) . — Partir EN
ARLAND, L'e a u e t le f e u, p. 6 6 ; B o s c o , Balest a, VACANCES, c ' est d'abordfuir ses soucis (CAILLOIS, L 'homme et le sacré, p. 162). E S
p. 1 5 3 ; HÉRIAT, En fa n ts g â t és, III, 3 ; e tc.
Si le nom est déterminé, on emploie la préposition pour : Il est parti POUR
1 1 1 1 1 1 9 REMAR Q UE un long voyage. 30
C e q u i a é t é dit ci - d essus d e p artir s'a p p l i q u e
a ussi à d é p art, q u o i q u e la d e st i n a t i o n soit b e a u - C) Dans une phrase comme : Je les ai invités ce matin pour demain
c o u p plus r a r e m e n t e x p r i m é e q u ' a v e c l e v e r b e . soir, les deux indications de temps sont nettement distinctes, l'une
La c o n s t r u c t i o n a v e c p o ur r e st e u sit é e , m ais o n
e m p l o i e a ussi d'a u t r e s p r é p o si t i o n s : concerne le moment où se place l'action exprimée par le verbe, et
• D é p art d es volo n t aires POUR le fro n t (Ro b .). l'autre indique le moment où doit se dérouler une autre action qui est
• So n d é p art A Pé t ersb o urg (A. DAUDET, Im m ort el, prévue. Lorsque le premier complément n'est pas exprimé, on veillera
vi). — C e d é p art DANS u n cloître (HUYSMANS, à garder la préposition du second (à, pour, selon les cas) :
C a t h é d rale, p. 4 4 5). — D é p art EN voya g e (Pe tit
Ro b ert). — Pré p arer so n d é p art EN VACANCES Nous nous sommes donné rendez-vous À aujourd'hui (A. LLCHTENBERGER, Le
(Gra n d Lar. la n g u e). cœur est le même, p. 201). — Les rendez-vous que les jeunes gens se donnent POUR
cinq ou six heures du soir (GIRAUDOUX, Bella, II). — J e les ai invités POUR demain
soir (BOURGET, Voyageuses, p. 21). — Je vous promets du beau temps POUR
demain (Ac. 1935, s. y. promettre). — Hfaudrait sans doute reporter lefeu d'artifice
prévu POUR le samedi soir (B. CLAVEL, Tambour du bief, p. 235).
L e s ex. suivants s o n t a m b i g u s e t n e devr aient p a s ê t r e i m i t é s : Et l' on nous
promit un dîner Au BOUT D'UNE HEURE. Nous profitâmes de cette heure pour exa-
miner la fonda [= auberge] plus en détail (GAUTIER, Voy. en Esp., p. 140). — J e
me suis fait accoster parJeannette, et je lui ai donné rendez-vous LUNDI (CABANIS,
Profondes années, p. 132). — Helmut Kohi a du temps devant lui puisque la élec-
tions générales ne sont prévîtes qu 'EN 1987 (A. FONTAINE, dans le Monde, 5 juillet
1984).
Comparez avec l'emploi régulier : Elle n ' était pas rentrée, bien qu ' elle lui eût
donné rendez-vous par une dépêche bleue, LE MATIN (MAUPASS., Notre cœur, II, 1).
d) Voter socialiste est un calque de l'anglais. On peut analyser
l'expression en y voyant « un complément adverbial avec pour sous-
entendu » (Togeby, § 1422).
E H U A REMAR QUE. Voter se construit avec un complément sans article : Voter communiste,
En Suisse, o n d it m ê m e : " V o t er la list e X. radical, U. M. P., etc. Q Q — Avec un nom de personne, c'est surtout un
slogan : Votez Dupont. — Dans la langue familière, on dit : Tu as voté quoi ? —
Il est plus rare de lire : Q U E vote l'armée ? (Dans le Monde, 4 mai 2 0 0 2 , p. 1 . )
Par extension : Voter ROUGE, pour un parti de gauche. — L 'autre tendance
[...] appelle les femmes à voter NUL [= émettre un vote non valable], (dans le
Monde, 23 déc. 1977, p. 2). — Voter BLANC, remettre un bulletin non rem-
pli. I;«M — Voter UTILE, pour un candidat ou une liste qui ont des chances de
( U S 1 1 9 REMAR QUE.
l'emporter. — Emploi occasionnel : fe défiais les défenseurs de la prohibition de C e t t e f o r m u l e , c o m m e la suiva n t e, est j u g é e fa m i -
nommer six États qui voteraient HUMIDE [= contre la prohibition de l'alcool] lière p a r l e T résor. Q u e sig nifie ici c e t a d j ectif ?
(MAUR OIS, Chantiers américains, p. 9 8 ) .
Mais voter « décider, approuver par vote » peut avoir un objet direct :
Voter UNE LOI. Voter LE BUDGET. Ceux qui ont voté LA MORT DE LOUIS X V I .
Autre cas, qui semble peu courant : Si seulement on nous [= les jurés] avait
laissés voter COUPABLES [imprimé en italique] tout simplement ( G I D E , Souvenirs
de la cour d'assises, I). [Il y a deux accusés ; sorte de discours indirect.] —
Comp. plaider coupable (§ 298, g), qui a peut-être servi de modèle pour l'ex. de
GIDE. Comp. aussi §§ 297, R3 (penser blanc, etc.), et 963, c (penser universel).
Place du c o m p l é m e n t adverbial.
N. B. 1. Si le complément adverbial est le pronom y ou en, un pronom relatif,
un interrogatif, un nom accompagné d'un déterminant relatif, interrogatif
ou exclamatif, sa place est imposée par les règles propres à ces catégories :
Paul est allé à Genève, il Y est resté quinze jours et il EN est revenu très fati-
gué. — La maison DANS LAQUELLE j'habite est à l' orée du bois. — OÙ
cela s' est-il passé ? — DANS QUEL GUÊPIER je me suis fourré !
2. Sur la place des adverbes, voir aussi §§ 972-973.
3. Sur la place du complément adverbial par rapport aux autres com-
pléments du verbe, voir § 302.
LA NUIT, tous les chats sont gris (prov.). — DANS SON EXPLICATION, il y a un II e s t a ss e z r a r e , d a n s la l a n g u e é c r i t e , q u e l e
détail qui me chagrine, c ' est qu 'il néglige un point essentiel (Dict contemp., s. v. chagri- c o m p l é m e n t a d v e r b i a l n o n e ss e n t i e l p l a c é e n
ner). — GRÂCE À SES NOMBREUSES FACETTES, le tastevtn permet d'apprécier la tona- t ê t e d e la p h r a s e s o i t r e p r is p a r u n p r o n o m per -
III. LE C O M P L É M E N T D ' A G E N T
D U VERBE PASSIF
AUTRES E X E M P L E S . • Connu à, dans la langue écrite : Pour les causes À eux connues (Code
D e m a n g é a u x m it es : Ac. 2002, s. v. m it e ; DUHAMEL, civil, art. 283). — Quelque personne À elle connue (FRANCE, Lys rouge,
Jo urn al d e Salavin, p. 242 ; J. ROY, A m o ur fa uve,
X). — Pour des raisons À elle connues (BREMOND, Divertissements
p. 45 ; DUTOURD, Para d o x e d u critiq u e, p. 53 ;
RINALDI, dans \ 'E x p ress, 25 m ai 1984. — D e m a n g é devant l'arche, p. 178). — Cette construction était déjà connue À
a u x vers : Ac. 1935, s. v. ver ; HUGO, C h â ti m ., IV, 4 ; l'ancien français (FOULET, § 200). [ 0 — Pour inconnu, voir § 360, c.
A. DAUDET, Pe tit e p aroisse, p. 203 ; etc. Quand le complément est représenté par le pronom personnel à la
E L B E I AUTRES EXEMPLES forme conjointe, cela appartient à la langue commune : Son nom M ' est
D e à m oi {lui, e tc.) co n n u : MÉRIMÉE, C hro n. d u rè g n e connu (Ac. 2001).
d e C h. IX, IX ; FUSTEL DE COULANGES, C it é a n tiq u e, III,
3 ; BAUDEL, Pe t. p o è m es e n p r., XLII ; FLAUB., Voy., La langue littéraire emploie occasionnellement à dans d'autres cas :
t. Il, p. 221 ; TAINE, N o t es sur lA n gle t., p. 313 ; A c.
1935, s. v. raiso n ; etc. J 'aime ma porte AUX vents battue (HUGO, Châtim., II, 5). [Cf. H2], —
Ayant [...] épousé la fille de son maître [...], séduit AUX qualités [...] du bon ser-
viteur ( H E N R I O T , Fils de la Louve, p. 9 2 ) . [Peut-être d'après le tour classique
se laisser séduire k qqn : § 903, H3.] — Il ne pensait plus au petit monde de l' église,
repris k sa condition de bourgeois aisé, k la joie humaine des sensualités de table
après les mortifications (C. LEMONNIER, Petit homme de Dieu, XI). — Il n ' est
plus que votre avis qui ME soit ignoré (GIRAUDOUX, Intermezzo, III, 1). [D'après
connu : voir plus haut.] — Un cercueil d' enfant, porté k deux hommes silencieux
E U B E I REMARQUE. ( H . QUEFFÉLEC, Enfants de la mer, p . 1 1 1 ) . B f
L'a g e n t d'u n infinitif actif c o m p l é m e n t d'o b j e t se
co nstruit s o u v e n t a v e c la p ré p ositio n à : Je fais réci - C e r t a i n s g r a m m a i r i e n s v o i e n t u n c o m p l é m e n t d ' a g e n t d a n s Ce papier jau-
t er sa leço n À m o n frère (§ 9 0 3), c e q u e les gram - nit AU SOLEIL, p a r c e qu'ils c o n s i d è r e n t c e t t e p h r a s e c o m m e 1a t r a n s f o r m a t i o n
m airie ns o n t r a p p r o c h é d es co n str u ctio n s d écrit es de la phrase Le soleil jaunit ce papier.
c k : o n t r e . Po u r Br u n o t (Pe n s é e , p. 3 8 9) et les Le
Bi d o is (§ 1 8 1 6), c e t e r m e intro d uit p ar à est p l u t ô t
b) En dehors des cas où la place est déterminée par la nature du com-
u n o b j e t s e c o n d air e . C e rt a i n s lin g uistes v e rr aie n t
d a n s c e t t e c o n str u cti o n (q u i est très a n ci e n n e) u n plément (pronom en, pronom interrogatif, pronom relatif), le com-
reste d u latin a b : c o m p . Wa r t b u r g , t. X XIV , p. 1. plément d'agent se met ordinairement à la suite du participe passé.
V o i r divers ex. ci-dessus. — L a langue littéraire, et s u r t o u t les poètes, en usent
plus librement à l'occasion : Nous sommes de fort près PAR NÉMÉSIS suivis (HUGO,
Lég., VI, 1,4). — A l'horizon déjà, PAR LEURS EAUX signalées, / De Luz et d'Argelès
se montraient les vallées (VIGNY, Poèmes ant. et mod., Cor).
Quand le complément d'agent est un pronom personnel disjoint dépendant
d'un participe passé sans auxiliaire, l'antéposition n'est pas rare dans la langue
écrite : Les réquisitions PAR LUI faites à son tuteur (Code civil, art. 369). — N 'y aurait-
11 pas là, l' explication, PAR LUI tant cherchée, de la formation des espèces ? (J. ROSTAND,
Esquisse d' une hist. de la bioL, Id., p. 144.) — C' était l' enchantement poignant de la
solitude de Maria PAR LUI provoquée (DURAS, cit. Le Bidois, dans le Monde,
12 sept. 1962). — À MOI connu : voir a, 3° ci-dessus. — Ex. avec de : § 662, c, 4°.
Section 2
I. L'EPITHETE
GÉNÉRALITÉS
Définition.
a) L ' é p i t h è t e est u n a d j ec t i f o u u n p a r t i c i p e s u b o r d o n n é s à
un n o m (ou à un p r o n o m : § 3 5 8 ) . E U E U X R EMAR QUE.
L' é p i t h è t e n ' e s t p a s u n i e a u n o m p a r u n m o t
La SEREINE beauté des TIÈDES horizons ( H U G O , Ch. du crép., V I I I ) . — Le d e li a is o n . Il y a q u e l q u e s e x c e p t i o n s ( § 3 4 2 ,
moment ATTENDU était arrivé. — Le clair de lune NAISSANT tombait sur elle b) : U n e D R Ô L E d e ré p o nse, e t c . — V o i r a u ssi,
SEULE (NER VAL, Sylvie, I I ) . p o u r le p r o n o m , le § 3 5 8, b.
L 'adjectif épithète s'oppose à l'adjectif attribut, lequel fait partie du
prédicat et, dans la phrase verbale, se rattache, ou bien au sujet par
l'entremise d'un verbe copule : La table est ovale ; — ou bien au complé-
ment d'objet direct par l'entremise d'un verbe transitif : Je crois l'affaire
terminée. L'épithète peut être supprimée sans que la phrase cesse d'être
une phrase française. Supprimer l'attribut a pour résultat, soit de ren-
dre la phrase impossible : *La table est. *Je crois l'affaire ; — soit de don-
ner au verbe un tout autre sens : comparer Dieu est à Dieu est bon.
L'épithète exprime une prédication secondaire ou acquise ne fai-
sant pas l'objet principal de la phrase.
S u r l e t o u r A p rès la classe finie = a p r è s la f i n Nous opposons aussi l ' épithète à l'apposition, la première étant un
d e la c l a s s e , v o i r § 9 2 4 , c.
adjectif ou un participe, la seconde étant un nom : cf. § 340.
b) Réalisations particulières.
1° L'adjectif et le participe peuvent être accompagnés de leurs divers
compléments :
On laisse souvent invariable l'adjectif EMPLOYÉ COMME ADVERBE. — Un
triangle AYANT LES TR OIS CÔTÉS ÉGAUX est dit équilatéral. — Une brise DÉLI-
CIEUSE COMME UNE EAU TIÉDIE coulait par-dessus le mur (ALAIN-FOURNIER,
Gr. Meaulnes, II, 6).
Toutefois le participe passé n'admet pas devant lui les formes conjointes
du pronom personnel : Les reproches À LUI faits et non, comme en Belgique,
°Les reproches LUI faits. Mais on a le choix entre La maison LUI appartenant et
La maison À LUI appartenant. Cf. § 662, b, 4°. — En est exclu de même : Battu
PAR LUI et non *EN battu. Exception : EN allé, traité comme enfui, § 681, b. —
Mais on trouve : Dispositions Y contenues.
2° À la suite d'un phénomène d'ellipse, l'épithète peut se rapporter à
un nom laissé implicite, parce qu'il figure dans le contexte (§ 218, d) :
Il y a deux socialismes, un BON et un MAUVAIS (FLAUB., Éduc., III, 2). —
L ' œil droit là-dessous [= sous un chapeau de femme], un peu plus écrasé que le
GAUCHE, porte la marque d' une séquestration arbitraire (COLETTE, Voy. égoïste,
p. 151). — Trente ans de vie privée et trois ans de PUBLIQUE (PÉGUY, Myst. de
la char, de J. d'Arc, p. 155).
Parfois le nom n'est pas dans le contexte. Il faut suppléer un nom de sens
large (homme, femme) ou un pronom indéfini (quelqu ' un, quelque chose) ; les
épithètes sont au comparatif : Mieux RENSEIGNÉ que lui sur les dancings [...]
il ne fallait pas chercher (CHÉRAU, Enfant du pays, p. 177). — Les chrétiens l'irri-
tent [...] avec leur manie [...] de donner des leçons à plus IMPORTANT qu ' eux
(J. D'ORMESSON, Hist. du Juif errant, p. 187). — J 'ai vu plus REMARQUABLE
encore (É. GlLSON, Société de masse et sa culture, p. 63). — Voir au § 378, e.
L'épithète détachée, adjectif ou surtout participe, se présente parfois
aussi sans support : voir § 334.
m Epithètes occasionnelles.
N. B. Nous avons restreint l'application du mot épithète. Mais il n'est pas illé-
gitime de considérer que la proposition relative et certains syntagmes
prépositionnels jouent un rôle analogue, comme le montre la possibi-
lité d'une coordination (cf. § 265, c).
E U REMAR Q UE
O n peut rapprocher des épithètes d'autres éléments qui ne sont
L e t fin al d e debout se p r o n o n ç a n t a u Q u é -
b e c d a n s l' u s a g e p o p . , l e s é c r i v a i n s q u i v e u -
pas des adjectifs, mais qui correspondent à des attributs (cf. § 246, b).
lent r e p r o d u ir e ce t usa g e é criv e n t s o u v e n t 1° Certains adverbes :
d é b o u t é o u d e b o u tt e e t , d a n s l ' e m p l o i a d j e c - Il me croit une femme BIEN, mon cher (E. et J. DE GONC., Ch. Demailty, XIV).
t iv a l, v o n t j u s q u ' à la v a r i a b i l i t é : Les b o u t eilles — C' est vrai qu 'il y a quelques toilettes assez BIEN - constata Célia (FARRÈRE, Petites
d e bière D E B O U T T E S co m m e d es rein es (M. - CI.
alliées, IX). — J e veux régner sur des hommes DEBOUT, non sur des hommes proster-
BLAIS, U n jo u alo n ais sa jo u alo nie, I).
nés (MONTHERL., Reine morte, II, 2). [ Q — Il y avait une race d'hommes AINSI
REMAR Q UE que ces choses-là faisaient rire, ces grosses blagues (SAGAN, Femmefardée, p. 83). E 3
A u Q u é b e c : "Un ho m m e tout AINSI ( = ordi - — Pour de même, cf. § 647, c. — La note CI-DESSOUS (comp. § 349, a). EJêJ
n a i r e ).
Il y a aussi des adverbes qui se construisent comme des épithètes sans qu'ils
E U £ 3 3 REMAR Q UE c o r r e s p o n d e n t à des at t r ib ut s. Le tempsjadis est u n e expr ession figée qui n'est pas
Le c a r a c t è r e d'é p i t h è t e est c o n fir m é p ar u n e r écent e. — Place debout ( i g n o r é d e l'Ac. 2 0 0 1 ) est u n r a c c o u r c i p e u logique, mais
f o r m u le n é o l o g i q u e (e t p é d a n t e) c o m m e courant : Ils prirent donc le tram de Sérianne, dans la baladeuse où il y avait encore
n o t e in fra p a gin ale ( § 1 6 8 , e, 3 °) . deux places DEBOUT (ARAGON, Beaux quartiers, 1,25).
Dans le jour AVANT (ou APRÈS), nous voyons une préposition à régime
implicite : § 1040. — La CI-DEVANT marquise de Z a été tiré, à l'époque de la
Révolution, de tours où ci-devant était employé avec une apposition, comme
pourrait l'être n'importe quel adverbe de temps : X, CI-DEVANT marquise de Z ;
comp. : X, JADIS marquise de Z. (Mais on ne dit pas : "La JADIS marquise de Z.)
— Sur PRESQUE unanimité, Q U ASl -unanimité, cf. § 179, b, 2°. — La vitre
ARRIÈRE, les roues A V A N T : § 3 5 4 , b.
a) L'ancienne langue plaçait assez souvent devant le nom des épithètes Pla t p ays). — O n vo us invit e à ve nir voir q u el -
q u e PLAT PAYS co m m e s'il é t ait e n altit u d e
qui sont aujourd'hui postposées, par ex. les adjectifs de couleur, les adjec- (H. NYSSEN, Lira bie n q ui lira le d ernier, p. 78).
tifs ethniques, les adjectifs suivis d'un complément, les participes, etc. :
Unes chauces de BLANC acier ( C H R É T . DE T R . , Erec et Enide, 2 6 3 8 ) . — Ung
NOIR lion (Perceforest, dans Bartsch, Chrest., 9 8 , 7 4 ) . — Sa BLEUE cinture ( A . DE
LA SALE, Saintré, éd. M.-K., p. 3 0 7 ) . — La SAMARITAINE femme (J. MICHEL,
Passion, 6 6 3 7 ) . — En / "ESCOSSOISE terre (R ONSAR D, éd. V . , t. V , p. 1 6 0 ) . —
Un grant, gros et PUISSANT DE CORPS moynne ( A . DE LA SALE, op. cit., p. 3 0 3 ) .
— En COUVERT lieu ( G A C E DE LA BUIGNE, 7 3 7 9 ) . — Vostre DESORDONNEE
volunté (Cent nouvelles nouv., IX). — A JOINTES mains (B. DES PÉRIERS, Récréa-
tions et joyeux devis, XXXIV). — De TORTE bûche fait len [= on] DROIT feu
(Proverbes, éd. M., 564). — VulDE [= vide] chambre fait FOLE dame (ib., 2500).
H reste des tracesfigéesde cet usage dans les composés ou locutions : basse-
cour, blanc-bec, folle avoine (avoine sauvage), rond-point, rouge-gorge, sage-femme, ver-
jus, etc. ; dans les noms de lieux : Froidfond, Neufmoutiers, Noirétable, Ronchamp,
rue des Blancs-Manteaux (à Paris), etc. ; dans les noms de personnes : Blancpain, etc.
— Les locutions Cest bonnet blanc et blanc bonnet (Ac. 2001) et Cest jus vert et vert
jus (Ac. 1935) LUI attestées à partir du XVII e s., montrent aussi ce libre choix. • !• > • E U REMAR Q UE
On a souvent vu dans l'antéposition de l'épithète une influence germanique, L a v a r . C ' e s t ch o u vert e t vert ch o u e s t t r è s co u -
d'autant plus que le phénomène subsiste particulièrement dans des régions, comme r a n t e e n B e l g i q u e ( o ù l e n o m verj us e s t p e u
la Wallonie, où cette influence a été plusfortequ'ailleurs. Mais l'antéposition était c o n n u ) ; c h e z YOURCENAR ( Œ u v r e a u n oir,
bien attestée en latin et même en latin vulgaire : aubépine < alba spina, alors qu'on p . 2 8 7 ), est - elle d u e a u x r a p p o r t s d e l'a u t e u r
avait spina alba chez PLINE (alba = blanche). On doit tout au plus supposer que la a v e c l a B e l g i q u e e t l e N o r d d e la F r a n c e ?
présence des Germains, ou le voisinage des Germains, a favorisé la survivance d'une
construction latine qui a été plus ou moins évincée dans d'autres régions que celle
d'oïl.
b) Pour Vaugelas (pp. 182-185), beau, bon, grand, mauvais, petit et
les ordinaux sont toujours antéposés (sauf Henry quatriesme, etc.),
tandis que les adjectifs de couleur sont toujours postposés ; pour beau-
coup d'adjectifs, il n'y a d'autre règle que de consulter l'oreille ; l'anté-
position n'est pas obligatoire si le nom est suivi d'un complément.
Les classiques présentent assez souvent un usage qui diffère du
nôtre, notamment en poésie. Certaines distinctions selon la place
(§ 329) n'étaient pas encore acquises, notamment pour brave, différent,
sacré.
+Foi et beauté sont tous deux de FÉMININ genre (MALHERBE, cit. Haase, § 155,
B). — La GRECQUE beauté (LA F., F., IX, 7). — Ma SANGLANTE mort (lue.,
Bajazet, II, 1). — Sa NATALE terre (MOL., Ec. desf, V, 9). — +Ses plus DÉCLARÉS
ennemis (PASCAL, Prov., III). — Le fruit de vos BÉNITES entrailles (BOSS., Œuvres
orat., t. III, p. 447). — Il se vange hautement en prenant le CONTRAIRE party
(MOL., Crit. de l'Èc. desf., V ) . — De ces deux CONTRAIRES sentimens (VAUGELAS,
p. 184). — +Il[= Cicéron] mourut en fort BRAVE homme (RAC., lettre à son fils,
cit. Dubois-Lagane-Lerond). — +Par des faits toujours nouveaux, par de DIFFÉ-
RENTS événements (LA BR., Car., XV, 26). — +Les SACRÉS transports (Boss., op.
cit., t. III, p. 10). — En présence de sa SACRÉE Majesté (VOLT., Lettres phil, VII).
Cest au X V I I s. que s'est répandue chez les catholiques la dévotion au
E
lement dans des textes qui veulent imiter l'ancien usage : Devant tes SACRÉS
ostensoirs ( H U G O , Orient., X X V I I I ) . — Le même SACRÉ travail à la face de Dieu
(PÉGUY, Myst. de la char, de J. d'Arc, p. 42). — Ceux-ci [= les philologues] les
révèrent comme émanant de la SACRÉE loi de l'analogie (THÉRIVE, Querelles de
lang., 1.1, p. 85) [à cause du complément ? cf. § 328, b]. — Il [= l'archevêque] me
l'a promis [...] de sa très digne et SACRÉE bouche (MONTHERL., P.-Royal, p. 51).
c) Des adjectifs qui sont régulièrement antéposés aujourd'hui pouvaient
E U S ! REMAR QUE. suivre le nom 0 3 : Nos peres V I E U L X Q. M I C H E L , Passion, 1213). — Sa
C ' e s t vrai aussi p o u r d e s locut ions : la pre- mare G R A N T ( C e n t nouvelles nouv., Table) [cf. § 326, a, 4]. — J 'ay affection
m i è r e attestation d e f o u rire (Ac. 1 7 1 8 ) est
T R E S G R A N D E de vous donner ayde ( R a b . , Pant., I X ) . — +Il favorisait les
p o s t é r i e u r e à c e l l e d e rire f o u (Ac. 1 6 9 4 ) .
Monothélites et se déclarait ennemi du concile S I X I È M E ( B O S S . , Disc. hist.
univ., 1,11). — +Ce sera une douleur G R A N D E ( S É V . , cit. Haase, § 155, A).
Comp. aussi le cas du déterminant numéral (§ 574, H), des adjectifs
possessifs mien, tien, sien (§ 613, c), et de même (§ 646, H2).
Plusieurs épithètes.
• N M I REMARQUE. a) Une épithète de part et d'autre du nom. [ 3
Pour la c o o r d i n a t i o n explicite e n t r e l'épi-
Un P E TI T chat NOIR. Une BELLE maison CAMPAGNARDE. Une GROSSE
t h è t e a n t é p o s é e e t l ' é p i t h è t e p o s t p o s é e (U n
boite RONDE. — Ses yeux aux LONGS cils COURBES (FLAUB., M M E Bov., II, 8).
É TR A N G E a ni m al ET t o u t à fait in d o m p t a ble),
— La LARGE écriture ORNÉE de son ami (FRANCE, Lys rouge, XXV).
voir § 2 7 0 , 6 , 2 ° .
Cela est tout à fait banal quand l'épithète qui précède le nomfigureparmi
les adjectifs qui s'antéposent ordinairement (§ 326) et quand celle qui le suit
figure parmi les adjectifs qui se postposent (§ 327).
Les possibilités décrites dans b et c peuvent se combiner avec celle-ci : Une
VIEILLE P E TI TE ruelle LONGUE E T BASSE (ALAIN-FOURNIER, Gr. Meaulnes,
p. 330).
Comme lorsqu'il s'agit d'adjectifs uniques (§ 327, a, 3°), l'antépo-
sition se produit, dans la langue littéraire, pour des adjectifs que
l'usage ordinaire place après le nom :
Comme une JAUNE tapisserie persane à dessins bleus (PROUST, Rech., 1.1,
p. 423). — Une bourgade déserte aux CUBIQUES maisons blanches
(Cl. MAURIAC, dans le Figaro litt., 28 oct. 1950). — Son VIF œil noir impéné-
trable (BRASILLACH, Voleur d' étincelles, p. 204).
b) Epithètes jointes mais non coordonnées.
On a ici une espèce d'emboîtement : dans Une AIMABLE VIEILLE
dame, aimable sert d'épithète, non à dame, mais à l'ensemble vieille
dame ; de même, dans Des soins M É D I C A U X G R A T U I T S , gratuits sert
d'épithète à soins médicaux. PH
D a n s D e s ye u x B L E U C L A I R , clair est c o n s i d é r é Dans ce dernier exemple, la coordination des épithètes serait impossible ;
c o m m e s u b o r d o n n é à ble u (cf. § 5 5 5 , a).
voir aussi § 267, a. — Ex. surprenant : "Loc. conj. ET fam. [= locution conjonc-
tive et familière] (Ac. 1935, s. v. tant, à deux reprises).
1° Devant le nom.
Cela se fait dans la langue courante lorsque les deux adjectifs sont
l'un et l'autre de ceux qui s'antéposent ordinairement (§ 326), surtout
quand le second est jeune, vieux, petit, grand, gros ; l'association grand
beau est assez fréquente aussi.
Une BELLE JEUNE femme. — Un BRAVE JEUNE prêtre (BER NANOS Journal
d' un curé de camp., Pl., p. 1147). — Vivre jusqu 'à la mort, comme deux ÉTER-
NELS JEUNES époux (FLAUB., M"" Bov., I I I , 5 ) . — Au BON VIEUX temps. —
Une futaie de GRANDS VIEUX arbres ( H U G O , Napoléon-le-Petit, V I I I , 3 ) . —
Une JOLIE VIEILLE maison (BEAUVOIR, Tout compte fait, p. 267). — Un BON
P E T I T vin. Une VIEILLE P ETI TE rue. Un BRAVE P E T I T garçon. Une BELLE
GRANDE maison. Un BON GROS chien.
Un GRAND BEL homme (FLAUB., M"" Bov., III, 3). — Cette GRANDE
BELLE femme (ZOLA, Argent, II). — Ses GRANDS BEAUX yeux de visionnaire
(GREEN, Journal, dans le Figaro litt., 1er sept. 1951).
Si l'un des adjectifs, surtout le second, est de ceux que l'on n'anté-
posé pas d'ordinaire et, a fortiori, si les deux adjectifs sont dans ce cas,
le tour est propre à la langue littéraire, et à une langue littéraire assez
recherchée quand les deux adjectifs ne sont pas dans le rapport
d'emboîtement décrit ci-dessus. E S E U 1 1 1 1 REMAR Q UE
Ces AFFREUSES BLANCHES lèvres (PÉGUY, Myst. des saints Innoc., p. 78). La juxtaposition d e d e u x adject ifs a n t o n y m e s
produit un e f f e t d e p a r a d o x e voulu :
— Une VIEILLE ABSURDE querelle ( G I D E , Attendu que..., p . 6 3 ) . — Ma BELLE
il caressait d e ia la n g u e e t d es lèvres ce tt e jolie PETITE
R ETOR SE phrase (lD., Journal, 1 4 d é c . 1 9 3 1 ) . — Ses LONGS CLAIRS rameaux
LONGUE p hrase co m m e u n m iel d élicie u x (VIGNY,
(C HÂTEAUBR IANT, Les pas ont chanté, p . 1 4 ) . — La PROCHAINE INÉVITABLE St ello, XXX). — Ces GRANDS PETITS évé n e m e n ts lure n t
guerre (BERNANOS, France contre les robots, p. 137). — Une CLAIRE PETITE é t u diés p ar le j u g e d e p ai x (BAI^AC, Urs. Miro u è t,
brochure (DUHAMEL, Manuel du protestataire, p. 94). — Le LOURD LUISANT XVIII). — D eve nir u n PETIT GR AND h o m m e d a ns u n
câble noir de queue suspendu à l' occiput (CLAUDEL, dans le Figaro litt., 5 févr. ro n d , / [ . . . ] ? / Non, m erci (E. ROSTAND, C yr., Il, 8). —
1 9 4 9 ) . — Maniements de LOURDES LONGUES caisses effrayantes ( A . COHEN, Po uve z - vo us bie n ai m er u n e a ussi VIEILLE JEUNE
f e m m e ? (COLETTE, V a g a b o n d e, Pl., p. 1 1 9 8 . )
Carnets, p. 10). — Il imitait le flic qui griffonne des trucs sur un VIEIL ÉCORNÉ
camet (QUENEAU, Zazie dans le métro, X). D a n s le fr. populair e d e Wallonie, d e Picar-
die et du Midi, je u n e h o m m e et je u n e fille
S'il y a plus de deux épithètes antéposées, cela n'est courant que si s ' e m p l o i e n t pour « c é l i b a t a i r e » q u e l q u e soit
elles font partie des épithètes ordinairement antéposées : l ' â g e , e t o n dit "vieux je u n e h o m m e pour
« vieux g a r ç o n » et ° v i e i l l e je u n e fille pour
Une GRANDE BELLE JEUNE fille élégante et bien faite (L. FOULET, Glossaire
« vieille fille ». C e l a s e t r o u v e parfois dans la
de la 1" continuation de Perceval, p. 169) [jeune fille fonctionne d'ailleurs l a n g u e littéraire s a n s qu'il y ait, semble-t-il,
comme une véritable locution], — Un BON GROS PETIT garçon. n é c e s s a i r e m e n t u n e intention plaisante :
P l u s r e c h e r c h é : Une de ces CALMES PETITES VIEILLES rues (JAMMES, De Deux VIEILLES IEUNES FILLES avec q ui je n e vo u d rais p as
l'âge divin à l'âge ingrat, II). — Il a un GROS BEAU LOURD nez (CAVANNA, co uch er (J. RENARD, jo urn al, 2 9 avril 1898). - U n
Ritals, Pavillon). [Pourtant, l'auteur fait parler un enfant du milieu populaire.] VIEUX JEUNE HOMME l'aya n t demandée en m aria g e
(MONTHERL., Pitié p o ur les f e m m es, L. P., p. 20). —
2° Après le nom : En m oins d e q uin z e jo urs, m a VIEILLE JEUNE FILLE était
d eve n u e u n e vieille fille (COLETTE, C h a m b re d'h ô t el,
Des soins MÉDICAUX GRATUITS. Un chat SAUVAGE AFFAMÉ. — Corps SIMPLE
p . 1 1 0 ) . — C e VIEUX IEUNE H O M M E d e cin q u a n t e a ns
GAZEUX (Ac. 2000, s. v. hélium). — Zone CIRCULAIRE LUMINEUSE (ib., s. v. halo). s'arrê t e u n inst a n t d eva n t la p ort e d'u n d a ncin g
Il est moins fréquent de trouver plus de deux adjectifs et cela (HENRIOT, dans le Mo n d e, 3 0 avril 1952). [Comp.
dans le m ê m e article: La solit u d e d'u n ANCIEN
donne une impression de lourdeur :
JEUNE H O M M E . ] — Pour le fr. pop. de Provence, voir
Le poids des pays AFRICAINS FRANCOPHONES MODÉRÉS ( P . DE BEER, d a n s Cl. SEIGNOLLE, F ol k lore d e la Prove nce, p. 3 7 0 .
le Monde, 21 août 1976).
c) Épithètes coordonnées.
Chaque adjectif se rapporte au n o m de façon indépendante. Il
n'y a plus cet emboîtement qui a été décrit ci-dessus (b).
1° Les épithètes sont a n t é p o s é e s . Cela ne fait pas de difficulté si
cette place correspond à l'usage ordinaire de ces épithètes pri-
ses séparément.
Ordinairement, une conjonction de coordination unit les deux épithètes
ou les deux dernières épithètes : Un VIEUX ET HONNÊTE fermier (MUSSET,
Nouvelles, Margot, II). — Les deux phares [...] jetaient sur la mer leurs LONGS
E T PUISSANTS regards (MAUPASS., Pierre et Jean, II). — C e LONG ET
BRILLANT développement (GREEN, Journal, 6juillet 1951). — La BRUSQUE,
VIOLENTE ET INEXPLICABLE sortie du jeune homme (A. DAUDET, Immortel, X ) .
La coordination sans conjonction est assez rare : Dans toute leur MORNE,
INEXPRIMABLE horreur (CARCO, Ténèbres, L . M . I., p . 2 4 ) . — Ses BEAUX,
LONGS yeux gris (MALLET-JORIS, Chagrin d'amour et d'ailleurs, p. 35).
Parfois les écrivains répètent la conjonction quand il y a plus de deux
épithètes : voir l'ex. d'A. DE N O AILLES ci-dessous.
Si une des épithètes antéposées, et surtout la dernière, est postpo-
sée dans l'usage ordinaire, on a un tour assez recherché, qui n'est
pourtant pas propre aux écrivains :
Dans un ALCHIMIQUE ET DÉLABRÉ château (FRANCE, Rôtisserie de la Reine
Pédauque, XVII). — Une SEULE ET OBSTINÉE ET RAYONNANTE pensée (A. DE
NOAILLES, Exactitudes, p. 153). — [...] qui découvrirent sous leurs IDYLLIQUES,
MAIS PEU PRODUCTIFS, champs et pâturages la richesse houillère (YOURCENAR,
Souvenirs pieux, p. 70). — Le CHARMANT ET DÉVOUÉ maître d'hôtel courant
sous un parapluie multicolore (SAGAN, Yeux de soie, p. 177).
E n d e h o r s d e la l i t t é r a t u r e : Une LONGUE, PATIENTE ET EXHAUSTIVE
recherche ( P . GUIRAUD, Étymologie, p . 3 2 ) . — Une des MEILLEURES ET des PLUS
FOUILLÉES descriptions concrètes d' une langue (N. RUWET, dans Langue fr., févr.
1 9 6 9 , p. 1 1 5 ) . — La MAGISTRALE MAIS OUTRANCIÈRE thèse de Beaulieux
(Cl. BLANC HE-BENVENISTE et A . CHERVEL, Orthographe, p. 4 5 ) . — L'ANCIEN
ET FAVORABLE tarif ( L E R O Y LADURIE, Carnaval de Romans, p. 1 8 9 ) . —
Notons que dans plusieurs de ces ex. le nom a un complément : cf. § 328, b.
Epithètes p o s t p o s é e s . Leur nombre est pour ainsi dire illimité.
• Il y a une conjonction de coordination entre les deux épithètes ou
entre les deux dernières : La grandeur ANXIEUSE ET TRAGIQUE du
sublime XIVe siècle (C HAUNU, Temps des Réformes, p. 9 6 ) . — Zazie
passe des considérations générales aux accusations PARTICULIÈRES, PRÉ-
CISES ET CIRCONSTANCIÉES (QUENEAU, Zazie dans le métro, III).
Deux conjonctions différentes : Il a des manières FRANCHES ET un peu
RUDES, MAIS non DÉPLAISANTES ( G R E E N , Journal, 1 8 juillet 1 9 5 1 ) .
» Sans conjonction de coordination : Un gaillard EXUBÉRANT, SEN-
SUEL, VIOLENT, SOULEVÉ PAR T O U S LES DÉSIRS (MAUPASS., Pierre et
Jean, p r é f . ) . — Nos erreurs MILITAIRES, MORALES, NATIONALES (DE
GAULLE, Discours et messages, 1er août 1940).
• Avec répétition de la conjonction : Déjà il entrevoyait une explication
PLATE E T ENNUYEUSE E T FREUDIENNE E T PSYCHOLOGIQUE de sa
pièce (SAGAN, Yeux de soie, p. 1 9 9 ) .
On observera que la coordination réunit souvent aux adjectifs nor-
malement postposés un ou des adjectifs normalement antéposés :
Une maîtresse JOLIE, amoureuse (BOURGET, Mensonges, cit. Blinken-
berg, Ordre des mots, t. II, pp. 129-130). — Des dents blanches et
PETITES (ID., ib.). — Autre ex. au § 326, a, 5.
Un type particulier de coordination est celui qui fait des adjectifs un
composé dont les éléments sont unis dans l'écriture par un trait
d'union : Un enfant SOURD-MUET. Souvent le premier prend une
finale appropriée, d'ordinaire en -o : Rêve POLITICO-CULTUREL
(CARRÈRE D'ENCAUSSE, Grand frère, p. 7 ) . Cf. § 1 7 8 , a.
tions (DAUZAT, Génie de la langue fr., p. 16). — PASSIVE, on L ' eût accusée d' être une charge ; [...], il fa u d ra q u'o n p â tisse (LA F., F., IL, 4).
ACTIVE, on LA soupçonnait de vouloir régenter la maison (SARTRE, Mots, p. 10). Etc. L'u s a g e a n c i e n se r e t r o u v e aussi d a n s d e s for-
m u l e s p r o v e r b i a l e s : L'a p p é tit vie n t EN MAN-
L'épithète se rapporte à un nom impliqué par un possessif : Puis, RETOMBANT GEANT, La f ort u n e vie n t EN DORMANT.
dans ses pensées, on lisait sur SON front bruni toute une vie de labeur et de combat (LAMEN-
NAIS, Voix de prison, XVI). — PLONGÉ dans une demi-somnolence, toute MA jeunesse
repassait en MES souvenirs (NERVAL, Sylvie, II). — Ainsi ÉCLOPÉ et BOITEUX, le premier
galop aplatira TA tête et TA poitrine (TAINE, Vie et opinions de Fr.-Th. Graindorge, XX,
2). — VAINQUEURS ou VAINCUS, la civilisation des Machines n 'a nullement besoin de
NOTRE langue (BERNANOS, France contre les robots, p . 1 7 8 ) . — SÈCHE et OSSEUSE, SON
ventre pointait en l'air comme un œuf( AYMÉ, Gustalin, XV). — Elle voulait s' enfuir à l'ins-
tant même où, COUCHÉE sur le lit d'hôtel, l'homme armé du fouet paralysait totalement SES
bras sous SES jupes relevées (MALRAUX, Condition hum., p. 259). — PARVENUS sur la ter-
rasse, LEUR regard se perdit d' un coup au-delà de la palmeraie (CAMUS, L ' exil et le royaume,
Pl., p. 1567). — CONSOMMANT, un de ces matins, le café au lait traditionnel [.,.], MES
esprits ont été subitement troublés (Ch. BRUNEAU, dans le Figaro litt., 12 juillet 1952). —
MARIÉ deux fois, aucune des deux reines qui se sont succédé dans MON lit n ' ont été capables
[sic] de donner un dauphin au royaume (M. TOURNIER, Gaspard, Melchior et Balthazar,
pp. 110-111).
L'épithète placée au début de la phrase se rapporte au sujet, non de la phrase, mais
de la proposition conjonctive : RICHE, nul ne pourrait prétendre que JE n 'ai pas les moyens
de ma politique (FROSSARD, Excusez-moi d' être Français, p. 9).
L'épithète ne se rapporte à aucun élément explicite : À peine SORTIE, Martinon eut
l'air de chercher son mouchoir (FLAUB., Éduc., III, 1). — A peine DÉBARQUÉS [...], le patron
m'appela (A. DAUDET, Lettres de m. m., p. 106). — SUSPENDU par les mains, les jambes
ballantes cherchèrent la treille (GENEVOIX, Raboliot, p. 47). — ARRIVÉS à l' époque des tex-
tes, d'autres difficultés se présentent (BRUNOT, Hist., 1.1, p. XI). — Sitôt SORTIS de Sousse et
de l'abri de ses collines, le vent commença de souffler (GIDE, Immor., 1,1). — SEUL avec lui,
la conversation est facile (JOUHANDEAU, Chroniques maritales, II, 2). — Avec le gérondif :
Cette défense ne peut être levée qu 'EN OBSERVANT les mêmes formalités (Code civil, art. 514).
— EN ENTRANT dans l' église, le regard s'arrête sur un beau jubé de la Renaissance (FRANCE,
Pierre Nozière, p. 256). — EN APPROCHANT d'Alexandrie, l'air s'allège (COCTEAU, Maa-
lesh, p. 42). — Le participe passé Eu, EUE, s' emploie EN le JOIGNANT à quelque autre temps
du verbe Avoir (Ac. 1932, s. v. avoir). — Elle [= une gravure] est dans une petite salle, à
droite EN ENTRANT (SARTRE, Nausée, M. L. F., pp. 153-154). Etc. — Voir aussi § 378, g.
A C C O R D DE L'ÉPITHÈTE
Règle générale.
II. L'APPOSITION
H J I K J U L BIBLI O GR APHIE CH Définition. Q
M. DESSAINTES, L'a p p ositio n : u n e f o nctio n ou
u n m o d e d e co nstructio n asyn d é tiq u e ? dans
a) L ' a p p o s i t i o n est u n é l é m e n t n o m i n a l p l a c é d a n s la d é p e n -
Méla n g es C revisse, p p . 6 9 - 1 0 4 . — V o i r a u ssi d a n c e d ' u n a u t r e é l é m e n t n o m i n a l E 0 et qui a a vec celui-ci
la d i s c u s s i o n e n t r e d i v e r s g r a m m a i r i e n s d a n s
la r el a t i o n q u ' a u n a t t r i b u t a vec s o n sujet, m a i s s a n s c o p u l e.
l e Fr. m o d ., d ' o c t . 1 9 6 1 à j u i l l e t 1 9 6 4 .
Paris, (LA) CAPITALE DE LA FRANCE, est divisé en vingt arrondissements.
E U E E 3 REMAR Q UE
(Cf. Paris EST la capitale de la France.) — Il arrive que l'apposition soit de
N o u s e x c l u o n s , d e s s u p p o r t s d e l'a p p o s i t i o n ,
nature pronominale : Je l'ai conduite dans le petit salon jaune, CELUI qu ' elle
les é l é m e n ts a utres q u e n o m in a u x , e t nota m -
m e n t d e s p h r a s e s e t d e s a d j e c t i f s. M a i s l e pro -
aimait, où elle se tenait d' ordinaire (P. BENOIT, Villeperdue, p. 37).
n o m p e u t a v o i r u n e a p p o s i t i o n : § 3 5 9 , b . Et L'apposition est à l'attribut nominal ce que l'épithète est à l'attri-
l'in finitif, f o r m e n o m i n a l e d u v e r b e , a u ssi : C o n - but adjectival. E S Elle exprime une prédication secondaire ou
soler, ART DÉLICAT, n'est p as à la p ort é e d e t o us.
MMHM ________ acquise ne faisant pas l'objet principal de la phrase.
KHI!?! REMAR Q UE N. B. Le mot apposition a, en grammaire, des significations assez variées.
O n p o urrait se d e m a n d e r p o u r q u o i, d a n s le 1. Beaucoup de grammairiens français appliquent le mot à ce que nous dénom-
c a s d e l'a t t r i b u t , o n n e r e s s e n t p a s l e b e s o i n mons détachement et parlent d'apposition à la fois pour ce que nous appelons appo-
d'a v o ir u n e d ési g n a tio n distinct e s e l o n q u e sition détachée (ci-dessous, § 343), épithète détachée (§ 332), pour la proposition
c e t attrib u t est u n n o m o u u n a d j e ctif, a l o rs relative non déterminative (§ 1113, a, 1°), voire pour d'autres éléments encore.
q u e l ' o n s é p a r e l' é p i t h è t e d e l' a p p o s i t i o n .
2. L'absence de préposition (voir cependant § 342) paraît à d'autres la caractéristi-
C e r t a i n s p arle raie n t si m p l e m e n t d'é p it h è t es,
que de l'apposition et ils donnent ce nom à des compléments comme Eiffel, Dreyfus,
s o i t a d j e c t i v a l e s , s o i t n o m i n a l e s . Il n o u s s e m -
Régence dans les syntagmes la tour Eiffel, l'affaire Dreyfus, un mobilier Régence, pour
ble p o u rt a n t q u e les p articularit és d écrit es
lesquels des transformations comme *La tour est Eiffel sont impossibles.
p l u s l o i n j u s t i f i e n t la d i s t i n c t i o n .
3. Comme il y a une sorte d'identité, de consubstantialité, — puisqu'ils désignent la
N o t o n s q u e la c o o r d i n a ti o n d e l'é p it h è t e et d e
même réalité — entre le nom et son apposition (comme entre le nom et l'attribut),
l'a p p ositio n est p ossible : J'ai p assio n n é m e n t d ésiré
des grammairiens parlent d'apposition chaque fois qu'il y a une identité. Mais une
ê tre ai m é d'u n e f e m m e m éla ncoliq u e, m aigre e t
redondance (§ 373, c) comme celle que l'on observe dans Moi, je le crois ne peut pas
ACTRICE (STENDHAL, Jo urn al, 3 0 m ars 1 8 0 6). M a i s
être transposée en une phrase où l'un des deux termes serait l'attribut de l'autre. —
c e la d o n n e plu tôt u n e ff e t plaisant. C o m p . § 267, c.
O n fera la même observation sur II ne désire qu ' une chose, RÉUSSIR, où nous voyons
U n e a p p o siti o n p e u t p e r d r e sa v a l e u r no mi -
une espèce particulière de coordination. — Nous ne croyons pas non plus qu'il con-
nale p o ur d eve nir u n e épithète.
vienne de chercher des appositions dans Des vagues énormes accourent, SPECTACLE
C 'e s t l e c a s d e g é a n t e d a n s ville g é a n t e. La m éta -
IMPRESSIONNANT ou dans Cet homme ignorant et, QUI PIS EST, malhonnête a réussi
p h o r e n'e s t plus s e n si b l e e t g é a n t n'e st plus
à s'imposer. Nous rangeons ces syntagmes parmi les éléments incidents (§ 378, c et d).
q u ' u n s y n o n y m e d e très gra n d . C f . § 5 5 9, c.
b) Réalisations particulières.
1° L'apposition peut être identique à son support.
Une femme-femme (on met souvent le trait d'union) est une femme vraiment
femme, parce qu'elle a les caractéristiques que l'on considère comme celles de son
sexe, ou parce qu'elle est sortie de l'enfance et de l'adolescence.
Ex. littéraires : Dans les sociétés riches et oisives, comme la Cour de Versailles ou
[...] dans le MONDE-MONDE peint par Proust, les loisirs ne manquaient jamais
(MAUROIS, Lettre à l'inconnue, p. 1 8 9 ) . — Barrés, qui cultive au jardin infécond de
Bérénice la mélancolie de n ' être pas né POÈTE POÈTE [= poète en vers] (F. DESONAY,
dans le BulL de l'Ac. roy. langue et litt.fr. [de Belgique], 1955, p. 160).
2° Dans le groupe formé par le prénom et le nom de famille, si l'on
considère les faits du point de vue historique, le second a été l'élément
secondaire, que ce soient un sobriquet, un nom de métier, un ethni-
que, etc. : Jean Boulanger, c'était Jean le boulanger (on trouve d'ailleurs
l'article dans certains noms de familles). Mais, dans la société
moderne, le nom de famille est senti comme l'élément principal, et le
prénom jouerait le rôle d'une apposition.
En écrivant sans trait d'union Jésus Christ, Jean Baptiste, Marie Madeleine, {gMHinB ttSMMPMEl
U S I Z H REMAR QUE.
des auteurs récents veulent rendre à Christ, à Baptiste et à Madeleine 1a valeur D a n s l e s p r é n o m s c o m p o s é s (Je a n - Pierre,
d'apposition qu'ils avaient perdue : cf. § 109, R13. Q ] Marie - T h érèse, e t c . ) e t m ê m e d a n s l e s pré -
3° Dans les dénominations botaniques du type d'airelle myrtille, on n o m s m ultiples, o n p e u t v o ir u n e co ordin a -
ti o n i m plicit e, c o m m e o n a u n e c o o r d i n a ti o n
verra une apposition dans le second élément. Les autres formations :
e x p licit e p o u r les é glises p l a c é e s so u s u n
airelle ponctuée, airelle du Mont-Ida, etc. montrent bien que le second d o u b l e p a t r o n a g e : Sain ts - C os m e - e t - D a m ie n
élément est subordonné. (GREEN, ci t . § 1 0 9 , R4) à R o m e .
O r d r e des éléments.
Lorsque l'apposition forme avec le nom un ensemble uni étroi-
tement (ce qui s'oppose à l'apposition détachée : § 343), elle suit et
parfois précède ce nom.
• L'apposition suit : Une girafe MÂLE. Un professeur FEMME. Le Roi
SOLEIL ou le Roi-Soleil (= Louis X I V ) . Un enfant PRODIGE. — Il y a
des archiducs très Agés et des archiducs ENFANTS (E. ROSTAND, Aiglon,
VI, 2). — Des êtres CHAUVES-SOURIS, mi-partis brigands et valets
( H U G O , Misér., I I , 1 , 1 9 ) .
On a sur ce patron de nombreux noms composés : Oiseau-MOUCHE,
chou-FLEUR, etc., le second élément étant métaphorique. — Dans la
langue d'aujourd'hui, certains noms sont employés très fréquem-
ment comme appositions : clé, éclair, limite, miracle, témoin, type, etc.
• L'apposition précède : Une POULE faisane. Une FEMME médecin. Le
PROFESSEUR Nimbus. L ' ABBÉ Prévost. La NOTE do. — Le PÂTRE pro-
montoire [= le promontoire qui paraît un pâtre aux yeux du poète] au
chapeau de nuées / [...] / Regarde se lever la lune triomphale (HUGO,
Contempl., V, 23).
On peut ranger ici les titres de politesse ou de respect : MADAME
Dupont, le RÉVÉREND PÈRE Dubois, S A M A J E S TÉ le roi ; — avec u n e
double apposition : MADAME LA VICOMTESSE Davignon, SA
M A J E S TÉ LE ROIAlbert.
Bien des grammairiens estiment que l'apposition est le second élément même
dans la dernière liste donnée ci-dessus, f 'ai rencontré le poète Hugo résulterait de 1a trans-
formation de f 'ai rencontré un poète et de Ce poète était Hugo. Il paraît plus vraisemblable
de partir de f 'ai rencontré Hugo et de Hugo est un poète. — Ces grammairiens tirent aussi
argument du fait que, si le syntagme est donneur d'accord, c'est le premier élément qui
intervient : Cette femme professeur est AIMÉE de ses élèves (cf. § 432, b).
Il semble pourtant qu'une apposition qui précède un nom n'est pas plus surpre-
nante qu'un attribut nominal placé en tête de 1a phrase (§ 242). La démarche du locuteur
et les besoins de la communication sont en partie indépendants de l'analyse grammati-
cale. Cette démarche explique notamment l'accord dont il vient d'être question.
C'est parce que l'apposition est en tête du syntagme qu'elle est précédée de l'arti-
cle (ou d'un autre déterminant) qui est la marque de ce syntagme : J 'ai parlé AU roi Albert.
Il n'en va pas autrement de l'épithète antéposée : que l'on dise Je pense AU doux Nerval
avec une préposition et un article devant doux empêche-t-il que ce mot ne soit une
épithète ? Le parallélisme apparaît dans ces deux phrases : Le FAUNE Mallarmé file avec
douceur entre les couples et tremble d' être enfin compris. Le BARBU Georges Hugo porte sur
sa large poitrine l' étendard d' un nom illustre (J. RENARD Journal, 6 nov. 1894). [<— Mal-
larmé est un faune et G. Hugo est barbu.] — Dans Mon idiot de voisin (§ 342, b), le pos-
sessif concerne non pas idiot, mais le syntagme entier ou même plutôt le noyau
voisin. Q N M I R E M A R Q U E .
Signalons en outre que 1a suppression de l'élément que nous considérons comme V o i r a ussi les o b s e r v a t i o n s d u § 3 4 2.
l'apposition n'entraîne pas de changement véritable dans le contenu de la phrase, ce qui
s'accorde avec le caractère subalterne de cet élément.
BIBLIO GRAPHIE . Construction indirecte de l'apposition. O
J. THOMAS, Syn t a g m es d u ty p e « ce frip o n d e
vale t », « le file t d e sa m é m oire », « l'e n n ui d e
Dans un certain nombre de cas, le terme que nous considérons comme
la plain e», d a n s l e Fr. m o d ., j u i l l e t 1 9 7 0 , l'apposition précède le nom support et y est joint par la préposition de.
pp. 293 - 306, et oct. 1 9 7 0, pp. 412 - 439.
a) Dans des désignations objectives.
• Obligatoirement : La ville DE Paris. L 'ile DE Chypre. Le royaume DE
Belgique. Le mois DE mai. La fête DE Pâques. La vertu DE patience.
• Facultativement : Le mot DE gueux est familier (Ac. 1932, s. v. de) [Ex.
disparu en 2001]. — Ce n ' est pas ce mot DE « voix » que j' écrirai (BER-
NANOS, Imposture, Pl., p. 326). — À l'article cri, l'Ac. 1932 donne ces
deux ex. : Le cri DE « Sauve qui peut ! » et J ' entendais les cris « Au
meurtre ! à l'assassin ! » (Le 1er subsiste en 2001.)
D'une façon générale, les emplois sans préposition sont préférés
aujourd'hui :
Le mot gueux est familier. — Le terme pudique serait sans doute plus juste
(A. FONTAINE, dans le Monde, 20 sept. 1979). [Expression ambiguë, parce que
pudique n'est pas en italique.]
Le fleuve DU Rhône (Ac. 1932, s. v. de ; ex. supprimé en 2001), cela ne se dit
plus guère -.lise trouva sur les rives du fleuve DE Somme (FRANCE, Pierre Nozière,
III, 3). — La propriété de la rivière DE Bièvre (JAURÈS, Hist. socialiste de la Révol.
fr., 1.1, l r e partie, p. 185). [Repris sans doute à une source de l'époque.] — Sans
de : Le bassin du fleuve Amazone (P. LAR., S. V. Amazonie). — La cuvette plate et
E U E H REMAR QUE. marécageuse du fleuve Congo (ou Zaïre) (Grand dict. enc. Lar., p. 2513). EU
D a n s c e t e x ., le n o m p r o p r e d é si g n a n t a ussi On n'écrirait plus sans doute comme SAINTE-BEUVE : Son roman DES
u n Et a t, le n o m c o m m u n est i n d is p e n s a b l e . Misérables [imprimé en italique] est tout ce qu ' on voudra, en bien, en mal, en
absurdités (Mes poisons, p. 53).
Depuis que région désigne en France une division administrative, il est sou-
vent construit sans préposition : M. Gilbert Carrière, [...], préfet de la RÉGION
LIMOUSIN, est nommé [...] préfet de la RÉGION BRETAGNE (dans le Monde,
6 août 1981, p. 24).
Quand il ne s'agit pas de grammaire, nom est suivi de la préposition de : Le
doux nom DE mère (Ac. 1935, s. v. nom). Mais de est exclu dans Le nom mère
vient du latin.
N. B. Beaucoup de grammairiens proposent une autre analyse que celle qui a été
donnée ci-dessus. Les uns, qui écartent l'idée d'une apposition antéposée,
considèrent que l'apposition est le second terme. Nous avons discuté cette
conception au § 341 ; voir aussi Damourette-Pichon, § 3032 ; L Carlsson,
ouvr. cité au § 324, B, pp. 122-130.
D'autres écartent toute idée d'apposition et considèrent le second terme
comme un complément pur et simple (« complément déterminatif
I S I I L H IS T O R I Q UE d'identification »). fJU On pourrait alléguer dans cette voie que des coor-
En latin, a p r è s ur bs « vill e » e t flu m e n « fle uve », dinations comme La ville et la province d'Anvers, Les provinces de Liège et de
o n t r o u v a i t p a rf o is l e g é nitif, e t o n a s o u v e n t lié Hainaut sont possibles. Mais, si l'on argumente en se fondant sur la relation
à c e l a les faits fr a n ç a is. avec l'attribut, il reste que la transposition de ville en attribut est réalisable,
mais que l'on ne dira pas : *Anvers est une province. *Liègeestune province.
b) Dans des désignations affectives, très souvent péjoratives. Selon
• 3 1 1 8 1 REMAR QUE. les cas, cela va du familier au trivial. I .H
S u r l e s t o u r s c o m m e C e s s a c r é n o m d e Prus -
Contextes non péjoratifs : Elle était toutefière de voir son chef-d' œuvre DE robe
sie ns, v o i r § 3 6 7 , a , 4 ° .
mouillée et transpercée (GIRAUDOUX, Combat avec l'ange, VII). — Les ex. suivants,
apparemment non péjoratifs, sont ironiques : Jean-Baptiste Charcot [...] repose à
Paris dans la tombefamiliale, [...] près deJean-Martin Charcot son grand médecin DE
père, qui avait contrecarré sa vocation marine (H. QUEFFÉLEC, Breton bien tranquille,
p. 316). — L 'abbé DE frère baptisait les chastes produits du coitus non interruptus
(P. LAINÉ, Si on partait..., p. 32). [L'article défini est assez rare dans ces emplois.]
Contextes péjoratifs : Ce cochon DE Morin (titre d'un conte de MAUPASS.). —
Une grande baraque DE maison (ZOLA, Bonheur des D., I). — De vilaines bêtes
D 'araignées noires (LOTI, Mme Chrysanth., XI). — C' te vache DE bois mouillé n 'veut
pas prendre [= s'enflammer] (DORGELÈS, Croix de bois, I). — Ce laideron DE mot
(HERMANT, Chroniques de Lancelot, 1.1, p. 114). — La putain DE pendule
(GIONO, Colline, Pl., p. 1 5 4 ) . — Chien DE métier ! Chienne DE vie ! (Ac. 2 0 0 1 , s. v.
chien.) — Un diable DE vent (ib., s. v. diable). — Mon coquin DE fils (ib., s. v.
coquin). — Cette canaille DE Briand (LÉAUTAUD, Propos d' un jour, p. 60). — Cette
saleté DE taxi (J. ROY, Vallée heureuse, p. 25).
Il est plus difficile de refuser la qualité d'apposition au premier élément des
syntagmes enregistrés dans le b ; comme nous l'avons dit au § 341, le déterminant
est choisi en fonction du second élément : Mon idiot de voisin, — ce qui montre
bien le caractère subordonné du premier. L'« accord » confirme cela : voir § 345, a.
Drôle ayant été un nom, l'emploi de drôle de (qui date du XVII e s.) pourrait
s'expliquer sans doute de la même façon que les expressions données ci-dessus :
Cest un drôle DE garçon (LOTI, Aztyadé, III, 8). — Ily avait un drôle DE bruit dans
mon moteur (CAYROL, Froid du soleil, p. 16). — Mais divers faits montrent que les
locuteurs interprètent drôle (et même drôle de) comme un adjectif : 1) On ne
trouve pas le féminin drôlesse, qui est le féminin normal du nom : Une drôle DE
femme (LITTRÉ). Une drôle D 'idée (ID.); — 2) l'expression s'accommode des
degrés : Ilsfirent LES PLUS drôles de confusions (STENDHAL, Rouge, 1,22) [comme...
les plus étranges confusions] ; — 3) le ff. populaire du Nord de la France et de Bel-
gique a tiré de drôle de un adverbe °drôledement : Il était DRÔLEDEMENT habillé.
D'ailleurs, on trouve parfois des adjectifs employés de cette façonfiHHI: Dieu • C T E A H . S T O R . Q UE
sait si leur DAMNÉE DE musique me donne envie de danser (MUSSET, Lorenz., 1,2). — L'a n c . fr. e m p l o y a i t c o u r a m m e n t l e t y p e
Cela ne valait plus rien pour un Français de se promener sur ces CATALANS DE chemins a d j e c t i f + d e + n o m : Les I ASSES DE f e m es (V e r d e!
(POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1.1, 1 9 3 1 , p. 1 0 ) . — Sa RÉACTIONNAIRE DE j uise, 3 2 ) 1= les p a u vr e s f e m m e s], — L e n o m
p ru d'h o m m e ( o u p ru d h o m m e, l'a p o s t r o p h e
famille (dans le Figaro litt, 13 août 1949, p. 5). — Convient-il de parler de nomina-
v e n a n t d e c e q u ' o n a v u d a n s l e p ru d d e p ru d -
lisation de l'adjectif ? h o m m e u n e f o r m e é l i d é e d e p ru d e : § 107, H)
n'e s t q u e l'a g g l u ti n a ti o n d'u n s y n t a g m e d e c e t t e
Dans des tours littéraires où l'élément antéposé a une valeur
espèce.
métaphorique :
Je ne puis, Mégère libertine, / [...] / Dans l' enfer DE ton lit devenir Proser-
pine (BAUDEL., Fl. du m., Sed non satiata). — Elles fixent - les très souffreteuses
bicoques - , / Avec les pauvres yeux DE leurs carreaux en loques, / Le vieux mou-
lin qui tourne (VERHAEREN, Soirs, Moulin). — A nos pieds, comme un livre • H M REMAR QUE.
ouvert, incliné sur le pupitre DE la montagne, la grande prairie verte et diaprée U n e a u t r e c o n s t r u c t i o n i n d i r e c t e {a gir EN traî -
( G I D E , Symphonie past., M. L. F., p. 100). ffl tre) e s t s i g n a l é e ci - d e ss o u s, § 3 4 3 , c.
Apposition détachée.
C o m m e l'apposition est souvent une indication complémen-
taire, descriptive ou explicative, elle est fréquemment séparée
du n o m support.
» Soit qu'elle le suive, mais après une pause dans l'oral et une
virgule dans l'écrit :
Souvent [...] les hommes d' équipage / Prennent des albatros, VASTES
OISEAUX DES MERS (BAUDEL., Fl. du m., A l b a t r o s ) .
paraît avoir une nuance temporelle, ce qui est rare.] — L 'individu, EN TANT QUE
créature, ne peut s' opposer qu 'au créateur (CAMUS, Homme révolté, PL, p. 465). —
Mon père m'avait autorisée [...] à recevoir Max de temps en temps « EN TANT QUE
professeur de dessin » (MALLET-JORIS, Rempart des Béguines, L. P . , pp. 1 5 8 - 1 5 9 ) .
DÉSIGNATION ET CLASSIFICATION
Remarque terminologique.
Alors que complément désigne normalement tout élément subor-
donné, quelle que soit sa nature (§ 274), nous prenons ici le mot dans un
sens plus restreint, puisque nous l'opposons aux épithètes, aux appositions,
aux propositions relatives ou conjonctives.
Parler de syntagme nominal prépositionnel recouvrirait la plus grande partie des
faits que nous voulons décrire, mais non pas tous, puisque, d'une part, il y a, parmi
les éléments subordonnés, des pronoms et des infinitifs (ce qu'il est assez facile d'assi-
miler aux éléments nominaux), mais aussi des adverbes (§§ 348, a ; 349, a) ; — puis-
que, d'autre part, la préposition peut manquer, même avec des noms (§ 354).
La dénomination traditionnelle complément « déterminatif » ne paraît pas non
plus tout à fait satisfaisante. Certains des syntagmes envisagés ci-dessous ne méritent
pas cette étiquette : voir notamment § 350, b.
Espèces de compléments du n o m .
H semble nécessaire, notamment pour ce qui concerne la place des com-
pléments (§ 350) et la façon dont ils sont introduits (§§ 351-355), d'établir des
subdivisions fondées sur d'autres critères que des critères purement sémantiques.
Nous distinguons les compléments selon que le support est un nom quel-
conque (§ 348) et selon qu'il est un nom correspondant à un verbe ou à un adjec-
tif (§349).
N. B. Le pronom personnel en et le pronom relatif dont peuvent, dans certai-
nes conditions (§§ 676, c et 724, c) représenter des compléments intro-
duits par de :
Donnez ces notes que j'ENpaie le montant (Rob.). — Ce chanteur DONT les
disques avaient il y a vingt ans un grand succès est presque oublié aujourd'hui.
Cela implique une place particulière : pour dont, en tête de la
proposition ; pour en, devant le verbe (ou immédiatement après s'il s'agit
d'un impératif non négatif : Prends-EN la moitié).
Place du complément.
E n règle générale, les compléments du n o m prennent place
après celui-ci : voir notamment les ex. donnés dans le § 3 4 9 .
Cependant, on doit faire les observations suivantes.
a) Les c o m p l ém en t s d e relation.
1° Lorsque le complément de relation contient un mot interrogatif
ou exclamatif, lorsqu'il a la forme du pronom en, lorsqu'il est un pro-
nom relatif ou qu'il contient un pronom relatif, ce complément prend
la place imposée par les règles propres à ces catégories.
DE QUI avait-il lu les œuvres ? — DE QUEL GÉNIE il avait pris la place ! —
Avez-vous lu tout le roman ou M'EN avez-vous lu que le premier chapitre ? — La
personne DONTj'ai pris la place étaitfatiguée d'attendre. — Pour l'interrogation,
voir cependant § 399, h, 1°.
Lorsque le support est un syntagme prépositionnel, on retrouve
l'ordre normal parce que ce syntagme prépositionnel est lui-
même transporté en tête de la phrase ou de la proposition :
• Avec un pronom relatif, plus d'un lecteur trouvera lourde cette
construction : Cherchez dans le dictionnaire les mots DE L'ORTHOGRA-
PHE DESQUELS vous ne serez pas sûr (STENDHAL, Rouge, II, 2). — En
entendant [...] exprimer avec franchise des opinions avancées [...] par
une de ces personnes EN CONSIDÉRATION DE L'ESPRIT DESQUELLES
notre scrupuleuse et timide impartialité se refuse à condamner les idées
des conservateurs [...] (PROUST, Rech., 1.1, pp. 709-710). — Autres
ex. au § 710, 2°. — Dans ce cas, dont est exclu : cf. § 724, c.
• Avec un interrogatif : À la rencontre DE QUI est-il allé ?
2" Le complément de relation est en tête de la phrase pour être placé
en évidence, pour établir un lien avec ce qui précède ou un parallé-
lisme avec la suite du texte.
D U RELÈVEMENT, DE L'ÉDUCATION, DE LA CRÉATION D'UNE FEMME PAR
L'AMOUR ET LE GÉNIE, cette liaison [...] reste d'ailleurs un émouvant modèle et un
magnifique monument (THIBAUDET, Hist. de la litt.fr. de 1789 à nos jours,
p. 1 4 7 ) . — D E S T E X T E S EN LANGUE GALLOISE, quelle est la date > ( E . FARAL,
dans Romania, 1952, p. 265.) — DE GLOTTO, les plus célèbres Cènes sont celles
de l'Arena (Padoue) et une fresque du couvent de Santa Croce (Florence) ; DE FRA
ANGELICO, celle du couvent de San Marco (Florence) ; DE LÉONARD DE VINCI,
celle du couvent de Sainte-Marie des Grâces (Milan) (Grand Lar. enc., s. v. Cène).
Le compl. de relation peut aussi être mis en tête de la phrase sans prépo-
sition, mais avec une reprise par un pronom en placé devant le verbe : TOUTE
C E TTE LUMIÈRE QUI EST EN LUI, il n 'a pas l'air d' en soupçonner l' extraordinaire
présence (GREEN, Journal, janv. 1958).
3° Dans la poésie, surtout quand elle est de forme classique, le com-
plément de relation précède souvent le syntagme nominal qui lui sert
de support.
Contre nous DE LA TYRANNIE / L ' étendard sanglant est levé ! (ROUGET DE
LLSLE, Marseillaise.) — DE L'ÉTERNEL AZUR la sereine ironie / Accable [...]/
Le poète impuissant (MALLARMÉ, Poés., Azur). — Si DE TON MYSTÈRE j je suis
corps et biens / l'instant et le lieu (J. TARDIEU, Jours pétrifiés, Regina terra;). —
Parfois dans la prose littéraire : Si DE MON SEUL DÉSIR j' étais l' effet
(H. CLXOUS, Souffles, p. 14). E f l nwvmsi iiwiniiiiiMi
K O I I s a REMAR Q UE
4° Le complément de relation placé après le nom support peut ne pas C ' e s t a ussi la r è g l e d a n s les f o r m u l e s fi n ales ( o u
co urt oisies) d e s le t tres a d r e ss é e s à d e g r a n d s
suivre immédiatement celui-ci. Tantôt, il s'agit de recherches d'écri-
p e rs o n n a g e s, p a r e x . a u p a p e : l'ai l'h o n n e ur
vains. Tantôt c'est la longueur du syntagme complément qui, dans des d'ê tre, / T rès Sain t Père, / D e V o tre Sain t e t é / Le
textes, littéraires ou non, justifie la séparation. Plus rarement, c'est le très resp ect u e u x e t très fid èle fils (F or m ules p ro -
t ocolaires, Br u x e ll e s, M i n i s t è r e d e s A f f a ir e s
souci de maintenir une proposition relative près de son antécédent. é t r a n g è r e s, 1 9 6 8 , p. 7).
Ô Dieu, l'aiguillon pour nous tous est dur DE VO TRE VÉRITÉ (CLAUDEL,
Corona benignitatis anni Dei, II, 2). — Au cri du désir contenu et jugulé, un cri
universel répond D ' É V A S I O N E T D ' A S S O U V I S S E M E N T ( M A U R I A C , Mal, p. 33)
[Mauriac aurait pu écrire : ...répond un cri...]. — L 'image est toujours aussi
forte et précise DE LA P ETI TE CLEF D'ACIER POLI, DEMEURÉE SUR LE MARBRE DE
LA CONSOLE (ROBBE-GRILLET, Projet d' une révolution à New York, p. 12). —
On peut évoquer entre soi [...] le grand massacre qui n 'a pas eu lieu DU MARDI
GRAS (LE ROY LADURIE, Carnaval de Romans, p. 280).
Tour particulièrement fréquent pour l'infinitif complément du sujet : Que
cette idée ne vous vienne jamais DE PARAÎTRE DOUTER DE VOUS (MUSSET, Barbe-
rine, 1,4). — L ' envie me prend, pour dissiper cette gêne et retrouver mon aplomb, DE
M O N T R E R Q U E J E C O N N A IS S O N H IS T O IR E E T D E L A R A C O N T ER (Alain-Fournier,
Gr. Meaulnes, II, 11). — H suffisait que Raboliot l'interrogeât pour que l' envie la prit
DE SE TAIRE (GENEVOIX, Raboliot, III, 3). — Le danger était donc considérable DE
V O I R L E S P R O T E S T A T I O N S D E L' A IL E G A U C H E D U P A R T I - R É C E M M E N T I L L U S T R É
P A R U N E « G U E R R E D E S C O M M U N I Q U É S » - D É B O U C H E R C E T T E F O IS S U R U N E
VÉRITABLE SCISSION (dans le Monde, sélection hebdom., 28 oct.-3 nov. 1976,
p. 1 ) . — L 'habitude est passée D E L E S T R A D U I R E C O M M E O N F A IS A I T A U T R E F O IS
• • • Hi w s m s
K £ S L S M ! L R EMAR QUE. (J. REY-DEBOVE et G. GAGNON, Dict. des anglicismes, s. v. Gulf-Stream). O
Po u r les p r o p o si t i o n s c o m p l é m e n t s d u n o m , 5° Sur le tour Le Nord-Atlantique, voir § 354, R3.
v o ir § § 1 1 1 4 e t 1 1 2 4, d .
c) : Un de ces airs [...]/ [...] qui font [...] / Vibrer l'âme AUX proscrits, AUX fem- REMARQUE.
mes, AUX artistes (VERL., Poèmes sat., Nocturne paris.). — Il ne viendrait à l'idée C e t e m p l o i d 'é c u r i e est lui - m ê m e r é g i o n a l : cf.
A personne de dire [...] (J. CELLARD, dans le Monde, 13 mars 1972). Ré z e a u.
Dans l'ex. suivant, l'auteur a peut-être voulu éviter la succession de deux
de : C' était le tour À Juancho de tuer (GAUTIER, Militona, II). Il est vrai que l'on
dit couramment : A qui est-ce le tour ?
Le refrain que Hugo met dans la bouche de Gavroche (Miser., V, I,
15), C' est la faute À Voltaire, / [...] / C' est la faute À Rousseau, a sûre-
REMAR QUE. ment contribué à répandre C'est b faute 0 3 à (devenu simplement
H is t o r i q u e m e n t , fa u t e c o r r e s p o n d à u n v e r b e familier), mais les ex. qui suivent ne s'expliquent pas tous de cette façon :
(.faillir). M a i s c e t t e r e l a t i o n n'e s t plus p e r ç u e . C' est la faute À l'Assemblée qui n 'a pas su comprendre cela (HUGO, Nap.-le-
Petit, III, 7). — N 'y a-t-il pas aussi, dans cette lassitude qui m'accable, de la faute
À l'abbé Gévresin ? (HUYSMANS, Cathédrale, p. 221.) — C'est certainement la
faute À votre vin ( G I D E , Caves du Vat., V, 5 ) . — Personne aujourd'hui ne songe
K H I jtfe^ REMAR QUE.
D e c e t t e e x p r e ssi o n a é t é t i r é e u n e l o c u t i o n pré -
à dire que si la Gaule fut vaincue, c ' est la faute À César. Mais non ! ce fut d'abord
p o si t iv e ° f a u t e à « à c a u s e d e » d a n s l e fr. régio - la faute A U X Gaulois ( T H É R I V E , Retour d'Amazan, p. 1 3 5 ) . — C' est peut-être
n al : « Aco u t e » [ = a t t e n d s] q u e je b aisse le st ore, la faute À la guerre (CHAMSON, La neige et la fleur, p. 190). — Le théâtre sati-
F A U T E A U soleil [d it u n e B o u r g u i g n o n n e] ( C O L E T T E
rique a perdu sa gloire d'autrefois. Ce n ' est pas la faute AUX auteurs (G. SLON,
e t WILLY, C la u d . à Paris, Pl . , p . 3 1 3 ) . - FAUTE AUX
gra n d es g elé es d e l'hiver f o u, les javelles é t aie n t
Théâtre fr. d' entre-deux-guerres, p. 57). — Aux dernières nouvelles, ce serait de
javelin es ( P É R O C H O N , c i t é d a n s Revu e d e lin g uist. la faute À Platon ( C l . R OY, dans le Monde, 2 5 nov. 1 9 7 7 ) . J33
ro m a n e, 1 9 7 8 , p. 1 0 7). c) Sur la c o n s t r u c t i o n dir ecte, voir § 3 5 4 .
c) Cas particuliers.
1° Après point de vue « manière de voir, de juger », la juxtaposition
est fréquente dans la langue parlée et elle n'est pas tellement rare dans
la langue écrite. Mais à peu près aucun grammairien ne s'y résigne, et
il vaut mieux l'éviter dans le style soigné :
L 'inconvénient au point de vue scandale (MÉRIMÉE, Corresp., 6 sept. 1855).
— Au point de vue commerce et navigation (A. DAUDET, Port-Tar., I, 2). — Du
point de vue métier (BREMOND, Apologie pour Fénelon, p. 342). H AUTRES E X E M P L E S .
Ex. avec de : Du point de vue DE l' économie pure (CAMUS, Peste, p. 297). — APOLLIN., C hro n. d'art, 1 0 m ai 1 9 1 4 ; Lar. XX e s., s. v.
Au point de vue DE la grandeur (BERGSON, Données imméd. de la consc., p. 2). vach e ; L. BERTRAND, La m artin e, p . 1 9 5 ; A. BRETON,
N o m b r e du c o m p l é m e n t du n o m : voir § 512, a.
Section 3
m Pronoms e t épithètes.
Les pronoms peuvent être accompagnés d'épithètes, sous cer-
taines conditions.
PIRE que cette indifférence (MAURIAC, Th. Desqueyroux, IX). — Voir d'autres
ex. au § 300, d.
Pour que (ou qu ' est-ce que, qu ' est-ce qui) interrogatif, la séparation est même
la condition pour qu'il reçoive une épithète U J : Qu 'ai je eu D E M E I L L E U R en ce E 9 I M I REMARQUE
monde ? ( M l C H E L E T , Insecte, Introd., I.) — Quefais-je D ' A U T R E > ( C O L E T T E , " Q u e d'a u tre n ' a p p a r t i e n t p a s à l ' u s a g e nor-
Paris de ma fenêtre, p. 237.) — Qu 'avaient ces déjeuners DE SI CHARMANT ! m a l : "QUE D'AUTRE à faire lui rest e - t - il ? (PIEYRE
( G I D E , Si le grain ne meurt, I , 1 . ) — Qu ' entreprendsje D ' A U T R E ? ( M A L R A U X , DE MANDIARGUES, Marg e, p. 7 2 . ) — Q u oi de +
Antimémoires, p. 18.) — Qu ' est-ce que vous avez vu D E B E A U i adjectif est mieux a c c e p t é : ex. de BARRÉS
d a n s le 1°. V o i r s u r t o u t § 7 3 1 , a, 2 ° e t b , 3 ° .
On trouve, dans la langue littéraire, des traces de la construction
directe. S U E S Elis! H I S T O R I Q U E
Ambition, appétit, tous ces mots signifient QUELQU'UN sacrifié à QUELQU'UN La c o n s t r u c t i o n directe a été normale jadis,
j u s q u ' à la p é r i o d e c l a s s i q u e : D esso us ce gra n d
satisfait (HUGO, H. qui rit, II, I, 9). — Si [...] QUELQU'UN malavisé cherchait
T o u t RIEN f er m e n e se f o n d e (Du BELLAY, Re gre ts,
dans ces compositions [...] l' occasion de satisfaire une malsaine curiosité (BAU- CXI). — "Ré gle z si bie n ce viole n t co urro u x , / Q u'il
DEL., Curios. esth., XVI, 12). — Peut-être était-il un être d' élite, QUELQU'UN n'e n éch a p p e RIEN tro p in dig n e d e vo us (CORN.,
intelligent et bon et fidèle (CURTIS, cit. Hanse). — Cela paraît moins artificiel cit. Littré). — *Il n'y a PERSONNE raiso n n a ble q ui
quand l'épithète est suivie d'un complément : Comme QUELQU'UN absorbé par p uisse p arler d e la s o r t e (PASCAL, Pe ns., 3 3 5 , Pl.).
[Mais p erso n n e est p e u t - ê t r e e n c o r e un n o m : cf.
une passion profonde (GAUTIER, Cap. Fracasse, V). — J ' é t ais donc QUELQU'UN
§ 7 5 5 , H I . ] — So n ava n t ure est cru elle. / le crains
semblable aux autres (H. DE RÉGNIER, cit. Sandfeld, 1.1, p. 342). — Il était un f ort, p o ur mon fait, QUELQUE CHOSE a p p roch a n t
outil manœuvré par Lejeune, plutôt que QUELQU'UN décidé à me contrer (MOL., A m p hitr., IL, 3 ) . — "S'il y a QUELQU'UN si
(A. MARTINET, Mém. d' un linguiste, p. 93). — Il n 'y a PERSONNE si peu instruit re b elle, si o piniâ tre, q u'il n'ait p as e ncore acce p t é
des affaires qui ne sache... (Ac. 1935). — Il n ' est RIEN tel que ces doux et humbles ce tt e p ai x si ava n t a g e use [...] (Boss., Œ uvres
(S.-BEUVE, P.-Royal, IV, 7). — Il n ' est RIEN, venant de soi, dont on ne se fasse ora t., t. III, p . 4 3 0 ) . - le su b tiliserois [...] / [ . . . ] / JE
NE SÇAIS QUOY plus vif e t plus m o bile e ncor / Q u e
gloire (CHARDONNE, Vivre à Madère, p. 67). — Il y a en vous QUELQUE CHOSE
le f e u (LA F., T ., IX, D i s c o u r s ) . - Rie n t el était par-
plus grand que vous (MAUROIS, Lettre ouverte à un jeune homme, p. 9). — La ticulièrement fréquent, quoique Vaugelas
reconquérir par QUELQUE CHOSE digne d' elle (J. ROY, Saison des za, p. 107). (p. 3 2 3 ) le réservât plutôt p o u r l'oral.
D'une façon générale, les ex. de rien moins que « bel et bien » sont,
dans la littérature, nettement plus nombreux que les ex. de rien moins
que « nullement » et que ceux de rien de moins que « bel et bien ». Le
plus sage n'est-il pas de suivre l'avis de l'Ac. en 1878, celui de Brunot,
de Damourette-Pichon, de Dauzat, de Hanse, c'est-à-dire d'éviter
une locution aussi ambiguë ?
L'équivoque disparaît si l'on recourt, pour le sens « bel et bien »,
à rien de moindre que (à vrai dire, fort vieilli) ou à pas moins que :
conjoint, mais aussi avec tout, avec un pronom interrogatif (littér.) : Tout est bien S u r le b e l g i c i s m e " t o u t q ui = q u i c o n q u e , v o i r
§ 7 1 5 , R1.
QUI FINIT BIEN. — Que faisait-il Q U I N E S ' E S T T O U J O U R S F A I T ! ( V A L É R Y ,
Variété, PL, p. 731.) — On et chacun (§ 750, c) n'acceptent pas la relative. U 3 M B J & J REMARQUE
Id e m , qui e s t u n e s o r t e d e p r o n o m (§ 2 2 0 , j ,
f) Propositions conjonctives.
1°), c o n n a î t parfois c e t t e c o n s t r u c t i o n , igno-
Après un démonstratif, cf. § 700, a. — Après Le même que, la proposition r é e d e t o u s l e s d i c t . : Gru z ale : s. f., id e m QUE
est souvent averbale : Comme voiture, je prendrai la même Q U E M O N F R È R E . 0 3 GRUZAI (A.-Fr. VILLERS, D ict. w allo n - fr.).
S e c t i o n 4
a) C o m p l é m e n t s essentiels et n o n essentiels.
O n peut reprendre la distinction que nous avons suivie à propos
des verbes (§ 276, a). Les compléments sont essentiels, 1) soit quand
leur construction (c'est-à-dire le choix de la préposition) dépend de
l'adjectif support des compléments ; 2) soit quand l'adjectif ne peut
s'employer sans eux. — Les compléments sont non essentiels quand
ils n'obéissent à aucune de ces deux conditions.
Ex. de compléments essentiels : Le calembour est incompatible AVEC
L'ASSASSINAT (STENDHAL, Chartr., XXIV). — Les oreilles des poètes ne sont
sensibles qu 'AUX CHUCHOTEMENTS (GIRAUDOUX, Ondine, II, 9).
Certains adjectifs ne s'emploient pas sans complément essentiel :
Natif DE LAUSANNE. Enclin À JOUER. Désireux DE GLOIRE. — Mais beau-
coup d'adjectifs peuvent se construire absolument, notamment quand le
contexte et la situation rendent superflue l'expression du complément : Je
suis prêt. Elle est contente. Une âme sensible. Etc. — Il y a aussi des diffé-
rences de sens : Un homme bon. Un homme bon pour le service.
D'autres adjectifs (surtout les épithètes de relation : § 323, b, 1°)
s'emploient toujours sans complément essentiel : équestre, maritime, mor-
tel, circulaire, prépositionnel, etc.
b) Le participe employé comme épithète conserve souvent les com-
pléments qu'il peut avoir en tant que verbe : cf. § 321, b, 1°.
c) Certains adjectifs dérivés de verbes peuvent avoir des complé-
ments de verbes. En particulier, on donne parfois un complément
d'agent à des adjectifs en -ible ou en -able, ainsi qu'à des adjectifs en in-
dérivés de participes passés :
Inattaquable PAR L'ACIDE CHLORHYDRIQUE, il [= le kaolin] est décomposé
par l'acide sulfurique bouillant (A. DE LAPPARENT, Cours de minéral, cit. Trésor,
M M REMARQUE. s. v. inattaquable). 0 1 — Les ultrasons ne sont pas perceptibles PAR NOS SENS. —
Il est plus difficile d ' a c c e p t e r ° C e ca n al n'est Une forme nouvelle, originale, imprévue PAR LES PHILOSOPHES CLASSIQUES
p as n avig a ble PAR DES BATEAUX d e ce g a b arit, (H. LEFEBVRE, cité dans le Fr. mod., janv. 1960, p. 8). — L ' exercice [...] ne pourra
c a r c e ca n al n e p e u t ê t r e o b j e t direct d e n avi -
[...] demeurer entièrement inaperçu DE LA POPULATION (ROMAINS, Copains, V).
g u er. Po ur d es b a t e a u x c o n v i e n t tout à fait.
— Le père Dubarle [...] rendit un hommage, inattendu DE CERTAINS, à la science et
à la raison (L. MARTIN-CHAUFFIER, dans le Figaro litt., 20 sept. 1958). —
Inconnu a les constructions de connu (§ 319, a, 3°) : Cette région, cette ville LUI
étaient inconnues (Ac. 2000). — Cette langue M'est inconnue (ib.). — Il vit entrer
dans sa chambre un homme À LUI inconnu (STENDHAL, Chartr., XXI). — Tous les
I I S I S S REMARQUE.
La s y n o n y m i e a v e c un participe p a s s é est u n e hasards d' une existence libre sont inconnus À CES FORÇATS (MAUPASS., cit. Trésor).
justification m o i n s p e r t i n e n t e : °GROGGY p ar Usité par... s'explique par un phénomène analogue : § 318, c. Comp. aussi
d es e x p érie nces m alh e ure uses (cité § 5 5 8 , b). stupéfait au § 877,/, 9°. £ 3
Je ne suis pas digne QUE TU ENTRES SOUS MON TOIT (Bible, trad. SEGOND, Apr ès les a d j e c t i f s c o m p a r a t i f s , le t e r m e repré-
s e n t a n t l'être o u l ' o b j e t a v e c lesquels o n c o m -
M a t t h . , V I I I , 8 ) . — Le concierge, furieux D E CE QU'UN L O C A TA I R E A V A I T PU
p a r e p o u v a i e n t ê t r e introduits par d e au lieu d e
VOIR SON AUTORITÉ MÉCONNUE, tombait sur la mère Pérou (ZOLA, Pot-
q u e : Meille ur DE m oi. Cf. § 9 8 6 , H2. Mê m e et
bouille, VI). [Quoique non agglutiné, de ce que peut être considéré comme figé a u tre c o n n a i s s a i e n t aussi c e t t e c o n s t r u c t i o n d a n s
en locution conjonctive comme parce que.] — « Oui, qui le payera ? » reprit l'ancienne l a n g u e : Z eitschrift f ur fra n z ôsisch e
l' employé de commerce, furieux C O M M E SI O N E Û T P U I S É C E T A R G E N T D A N S S A Sp rach e u n d Lit era t ur, t. XVIII, 2 e partie, p. 2 6 .
Surtout a v e c m ê m e, cela se trouve jusqu'au
POCHE (FLAUB., Êduc., II, 6). — I/ est tout autre (ou meilleur) QUE JE NE ME
XVIII e s. ; au-delà plus r a r e m e n t : Je n e suis plus le
L'IMAGINAIS. (Cf. § 1130, b, aussi pour °pareil que. OU) — Les propositions m es m e D'hier a u soir ( M o i . , D . lu a n, V, 1 ). — ll est
corrélatives et les propos, de comparaison sont souvent averbales (cf. §§ 1131, d e la m es m e escrit ure DE celuy q u e je vo us ay
c ; 1142, b, 2 ° ) : Ne serez-vous pas heureux C O M M E UN PAPE ? (BALZAC, d o n é (MAINTENON, Le ttres, 1 4 mars 1 6 9 4 ) . — Il
Rabouill., III, 1.) — Cet apéritif est meilleur (ou tout autre) QUE VOTRE VIN. C l suit e ncore en cela les m ê m es erre m e n ts DES
a u tres (J.-J. Rouss., cit. Littré, s. v. m ê m e, 8 ° ) . — Les
Observations particulières.
On doit dire selon la logique : Être absent D ' une réunion, D ' un cours, DE
la classe, etc. Mais, sous l'influence de l'antonyme présent, on trouve les pré-
positions à, en, dans, chez, etc., ce que les grammairiens unanimes considè-
rent comme une faute. Toutefois, Dupré est pessimiste : « Il sera peut-
être difficile de lutter longtemps contre elle. » Si faute il y a, elle est vénielle.
Le Dict. contemp. accepte sans réserves II est souvent absent EN classe (= il
manque), et le Rob. 2001 pour les choses, être absent quelque part, dans un endroit,
ce que le Petit Rob. 1988 illustrait par Un texte OÙ la ponctuation est absente (ex.
disparu ensuite). — Il [= Rimbaud] dit à la fois son triomphe et son angoisse, la vie
absente AU monde et le monde inévitable ( C A M U S , Homme révolté, Pl., p. 497).
Absent à est irréprochable quand le régime est un complément de temps :
J ' étais absent au moment de l'appel (Ac. 1932) ou ... à l'appel ; — et aussi quand
l'adjectif signifie « distrait » ; dans ce cas, Il est souvent absent en classe serait régu-
lier mais ambigu.
b) L'infinitif complément de prêt « préparé, disposé » se construit
d'ordinaire avec à, comme dans ces ex. de l'Ac. 1935 :
Je suis prêt À faire tout ce qu 'il vous plaira. Il est prêt À partir. C' est un homme
qui est toujours prêt À bien faire, qui est prêt À tout faire. Les armées étaient prêtes
À en venir aux mains. Je suis prêt À vous entendre. — Pour le tour Dîner prêt à
servir, voir § 915, a, 2°.
L'Ac. signale aussi prêt pour dans cet ex. : Tenez-vous prêt P O U R partir dans deux
C O E U HISTORIQUE
heures. Autres ex. : Le bourgeois du XVIIIe siècle vient d'achever son entraînement. Il
Les faits d é c r i t s c i - c o n t r e s o n t t o u t à fait c o u r a n t s estfin prêt, comme disent nos gens de sport. Il est prêt POUR jouer la partie de la Révolu-
au XVII E e t au XVIII E s. : tion et P O U R la gagner ( H E R M A N T , Bourgeois, p. 40). — Toutes les bonnes gens sont
Re g ar d e q u el ora g e est t o u t PREST À t o m b er (RAC., prêtes [sic] P O U R aller à l' église (Z. O L D E N B O U R G , Pierre angulaire, L. P., p. 418).
Ip hig., V, 1 ) — + R o m e , PRÊTE À succo m b er (Bo ss., D isc,
hist. u niv., III, 7). — + S o n a r m é e PRÊTE À p érir (MON- Prêt à est donc distingué de près de, locution prépositive qui, sui-
TESQ., C o nsid ., VI). — + je suis PRÊTE À m e tro uver m al vie d'un infinitif, exprime la proximité dans le temps et signifie « sur
(DID., Est - il b o n ? Est - il m éch a n t ?LL, 6).—A u jo ur d'h ui
le point de » :
q u'a u t o m b e a u je suis PRÊT À d esce n d re (CHÉNIER,
Elé g., VII). Au moment où la violence de ma passion était PRÈS D ' éclater (SAND, Mauprat,
Q u'il vie n n e m e p arler, je suis PREST DE l'e n t e n d re
XXI). — J e la vis PRÈS D'expirer (MUSSET, Contes, Hist. d'un merle blanc, I). — Et
(RAC., Ph è d re, V, 5). — * D it es - le - n o us fra nch e m e n t ;
n o us so m m es PRÊTS DE vo us e n t e n d re (Bo ss., Œ uvres
la lune, hélas, n ' est plus PRÈS DE se lever (LOTI, Vers Ispahan, p. 20). — L ' univers n ' est
ora t., t. III, p. 3 1 7 ). — Mr joli est PREST D'e n v o y e r u n pas PRÈS D'être expliqué (L. LEPRINCE-RLNGUET, Des atomes et des hommes, p. 157).
p restre a St C ir, p o ur la re trait e d es D e m oiselles
(MAINTENON, Le ttres, 2 2 o c t . 1 6 9 2 ) . - *// n'y avait
Mais la langue littéraire (ou même la langue écrite) continue GO
p oin t d e services q u e les p e u ples e t les rois n e f us - à employer prêt à avec le sens « sur le point de » et à construire prêt
se n t PRÊTS DE re n d re (MONTESQ., C o nsid ., VI). — V o u s
avec la préposition de aussi bien dans le sens « disposé à » que dans le
re f userie z u n re g ar d d e pitié à celui q ui se r oit PRÊT à
t o u t m o m e n t DE d o n n er sa vie p o ur vo us (DID., C or - sens « sur le point de ».
resp ., t. III, p. 1 8 9).
Prêt à « sur le point de » (sens qui, d'ailleurs, ne se distingue pas toujours
D a ns q u el p éril e ncore est - il PREST DE re n trer ! (RAC.,
Al h., I, 2 .) — + 0 m er je n e t e verrai plus, ni t es flo ts, ni
nettement de « disposé à »), assez fréquemment : L 'astre du jour, PRÊT À se
t es a bî m es, ni t es écu eils co n tre lesq u els j'ai é t é PRÊT plonger dans la mer (CHAT., Mart., XV). — Cosette, PRÊTE À défaillir, ne poussa
D'éch o u er (Bo ss., Œ uvres ora t., t. III, p . 2 8 2 ) . [C o r - pas un cri (HUGO, Misér., IV, V, 6). — Ta blessure / Est encor PRÊTE À se rou-
ri g é p a r les é d i t e u rs.] — + O n é t ait PRÊT D'aller se diver -
vrir (MUSSET, Poés. nouv., Nuit d'oct.). — Il ne vit pas qu ' elle était PRÊTE À
tir à F o n t ain e ble a u (SÉv., 3 1 j u ill e t 1 6 7 5). — j'ai vû
lo n g - t e m s [...] l'A u t h e ur d e R h a d a m i s t e PRÊT DE m o u -
pleurer (MARTIN DU G., Thib., Pl., 1.1, p. 1030). — La peau qui se forme sur le
rir d e fai m (VOLT, Le ttres p hil., XXIII). — je f us PRÊT [...] lait PRÊT À bouillir (BERNANOS, Journal d' un curé de camp., p. 96). — La masse
DE m'e n t e nir d a ns m es d élib éra tio ns a u x ré gies d e la entière de l'Europe et de l'Asie [...] est toujours PRÊTE À s' effondrer (JALOUX,
p ru d e nce co m m u n e (J. - J. Ro u ss., Rêver., III).
Visages français, p. 24). — La nécessité de la spécialisation n ' est pas P R Ê T E À dis-
K S I E U S AUTRES EXEMPLES paraître (L. LEPRINCE-RlNGUET, dans les Nouv. litt., 20 janv. 1966). ffl
STENDHAL, A b b . d e C astro, IL ; LAMART., FROMEN-
Prêt de semblait déjà P R Ê T D E demander raison à ce monsieur
« disposé à » : il
TIN, MAUPASS., d a n s R o b e r t ; E. DE GONC., Frères
Z e m g a n n o, XLV; LOTI, Ma t elo t, XLVII; BOR-
(HERMANT, Rival inconnu, V). — Mais de Mermoz, Thomas se montrait toujours
DEAUX, Paris aller e t re t o ur, p. 2 8 0 ; e t c . P R Ê T D E parler avec abondance ( K E S S E L , Mermoz, p . 140). — Lesfidèles[...] se trou-
vaient [ . . . ] P R Ê T S D E mourir pour leurs croyances ( S A I N T E x U P É R Y , Citadelle, XIII).
Prêt de « sur le point de », plus souvent que ne le laissent entendre les dict. :
Je n 'y ai jamais mis les pieds, et ne suis pas PRÊT DE commencer (MONTHERL.,
Petite infante de Castille, 1,4). — On sent, à chaque instant, qu 'il [=J.-J. Rousseau]
est PRÊT D'inventer le mot de « gaffe » tellement ce mot d'argot exprime exactement
ses quotidiennes balourdises (MAURIAC, Mes grands hommes, Œuvres compl.,
p. 366). — Elle était PRÊTE DE pleurer (LÉAUTAUD, Journal litt., I, p. 105). — Elle
demeura tremblante, PRÊTE DE pleurer (CARCO, Homme de minuit, XII). — Les
discussions sur la nature du subjonctif en français ne sont pas PRÊTES DE s' épuiser
(F. LECOY, dans Romania, 1961, p. 281). — Le bordé [= bord de la barque] va
toucher l' eau, nous sommes PRÊTS D ' embarquer [= de laisser entrer l'eau]
(H. BAZIN, Cri de la chouette, p. 160). — Se noue alors, avec la multiplicité des dis-
cours scientifiques, un rapport difficile et infini, que la justice pénale n ' est pas PRÊTE
K S i 1 2 3 1 AUTRES EXEMPLES aujourd'hui DE contrôler (FOUCAULT, Surveiller et punir, p. 100). f.VI
CHAT., Mé m ., III, I, IL, 8 ; FUSTEL DE COULANGES, C it é
Près de pour prêt à est plus rare : Elle se couchait à plat ventre comme une bête,
a n tiq u e, III, 6 ; HUYSMANS, C a t h é d rale, p. 3 0 0 ;
ARAGON, V oya g e urs d e l'i m p ériale, II, 7 ; SARTRE,
tordu, PRÈS D E bondir ( Z O L A , Th. Raquin, II). — Alertes et disponi-
[ . . . ] , le cor ps
S e c t i o n 5
L 'âme agit souvent D É P E N D A M M E N T D U corps (Ac. 1989, « vieilli » [En N o u s n' avons o b s e r v é q u ' e n Belgique l'emploi
d e l ' é p i t h è t e a u t r e ( p r é c é d é e d e d e ) a v e c un
2001, l'Ac. garde le jugement, mais supprime l'ex., rescapé de 1694]). £23 —
a d v e r b e int er r ogat if ( p a r a n a l o g i e a v e c les p r o -
Dieu pris dans sa réalité concrète ne se conçoit définitivement constitué que D É P E N -
n o m s inter r ogatifs q ui, q u e : § 3 5 8 , b) : ° O Ù irais -
D A M M E N T D E l' opération par laquelle Use connaît (Dict. de théoh catb., cit. Trésor).
je D'AUTRE Î L e fr. r égulier dit : O ù irais - je aille urs ?
—Je le considère D I F F É R E M M E N T D E S autres hommes politiques (M.-Fr. G A R A U D ,
citée dans le Monde, 20 déc. 1985). — I N D É P E N D A M M E N T D E ces deux rues • i W HISTORIQUE
Dépendam ment d e n ' é t a i t p a s rare au XVII e s. :
principales [...], la Ville et l' Université avaient chacune leur grande rue particulière
V ostre m aiso n d oit estre g o uvern é e p ar la Su p é -
(HuGO, N.-D. de Paris, III, 2). — Il serait [...] impossible de concevoir l'histoire rie ure e t le C o nseil, dépendam ment d es Su p é -
effective de l'humanité I S O L É M E N T D E l'histoire réelle du globe terrestre (A. C O M T E , rie urs ecclésiastiq u es (MAINTENON, Le ttres,
cit. Trésor). — Livres qui peuvent se lire [ . . . ] S É P A R É M E N T l' un D E l'autre (Rob.). 1ERnov. 1 7 0 0 ) . — A u t r e s e x . : NICOLE, BOSS.,
Pour loin de, près de, il n'y a pas d'adjectif correspondant et on y voit souvent BOURDALOUE d a n s Littré : RETZ, d a n s le Gra n d
Lar. la n g u e. Les c o n t e x t e s s o n t p r e s q u e t o u j o u r s
des locutions prépositives. Cf. 1° ci-dessus.
e n r a p p o r t a v e c la religion e t la m o r a l e .
Complément introduit par pour. La f o r m u l e , c o m m e é q u i v a l e n t d e selo n, appar-
HEUREUSEMENT POUR moi, cette vipère, elle dormait (H. BAZIN, Vipère au tient à la l a n g u e c o u r a n t e au Q u é b e c , peut -êt r e
sous l'influence de l'anglais d e p e n din g on :
poing, I). — Pourquoi l'Anglais émigre-t-il si aisément et si UTILEMENT POUR
'DÉPENDAMMENT DE la t e m p éra t ure, n o us iro ns
l'Angleterre même ? (MLCHELET, cit. Brunot, Pensée, p. 381.) — Etc. n o us b aig n er (cit. B o u l a n g e r ) . O n y e m p l o i e aussi
Sur assez, suffisamment, trop pour + infinitif, voir c, 2° ; . . . pour dépendam ment q u e + pr oposition : § 1 1 5 3 , d .
que + proposition, voir d.
Adverbes de degré suivis d'un complément introduit par de :
Beaucoup DE PERSONNES. Il est préférable de considérer beaucoup de comme
un déterminant indéfini : § 626, a. — Dans beaucoup d' entre eux, beaucoup parmi
eux, beaucoup peut être considéré comme un pronom indéfini : § 736, b.
Pour II n 'a pas d'argent, voir § 584, c.
• HISTORIQUE.
Certains adverbes de degré peuvent avoir pour complément un
Tel était l ' u s a g e c l a s s i q u e : S'il est oit si h ar d y QUE
infinitif corrélatif indiquant la conséquence. DE m e d éclarer so n a m o ur (MOL., A m a n ts m a g n.,
Après si dans la langue littéraire EU, l'infinitif étant introduit par II, 2 ) . — Es - t u t oi - m es m e si cré d ule, / QUE DE m e
so u pço n n er d'u n co uro u x ridicule ? (RAC., Baj.,
que de, parfois par de seul.
IV, 7.) — * Po ur q u oi so m m es - n o us si ave u gles QUE
Je ne suis pas SI cuistre QUE DE préférer des phrases à des êtres (FLAUB., Cor- DE m e ttre aille urs n o tre b é a tit u d e ? (Boss.,
resp., t. IV, pp. 98-99). — Si le parti intellectuel avait été SI malin, (SI fort), QUE Œ uvres ora t., 1.1, p. 3 4 0 . ) — Q ui t e re n d si h ar di
DE faire une aussi grande affaire que l'affaire Dreyfus (PÉGUY, Notre jeunesse, DE tro u bler m o n b re uva g e ? (LA F., F., I, 1 0 . )
p. 169). — Il n ' était pas SI neuf QUE D 'ignorer quel trafic se faisait du camp à la ville
(AMBRIÈRE, Grandes vacances, p. 329). — Nous ne sommes pas SI pharisiens QUE
DE le prétendre ! (MAURIAC, Cahier noir, p. 12.) — Il n ' était pas SI sot QUE DE ne
pas prévoir la lutte ( VERCORS, Marche à l' étoile, p. 25). — Il se demandait pour-
quoi le sort était SI cruel QUE DE le laisser seul (DÉON, Déjeuner de soleil, p. 46).
Les rieurs ne seront pas de mon côté si je me montre SI naïf DE prendre au
sérieux cette légende (HERMANT, Ainsi parla M. Lancelot, p. 143). — Es-tu SI
méchante DE tourner en dérision mes voiles de veuve ? (A. SUARÈS, Cressida,
p. 27.) — Nul ne fut jamais SI sot, ni SI chimérique D ' espérer gagner l'amitié d' un
tel homme (BERNANOS, Imposture, p. 128).
2° Après assez, suffisamment, trop, l'infinitif étant amené par la pré-
• IUL E S I HISTORIQUE position pour, en
Po ur a p r è s asse z ou tro p n e serait p a s antérieur au
milieu du XVI e s., selon W a r t b u r g (t. IX, p. 4 0 0 ) .
Dieu sait que je vous estime assez POUR ne pas mentir (STENDHAL, Rouge, II,
Voir pourtant un ex. d e su ffisa m m e n t p o ur dans 31)- — C' est un enjeu trop cher POUR le jouer aux dés (MUSSET, Lorenz., III, 3).
To b l e r - L o m m a t z s c h (XIII e s.) e t un d ' a s s e z p o ur —Je ne suis pas suffisamment intime dans la maison POUR recommander quelqu ' un
d a n s Littré (FROISS.). - A s s e z . . . q u e d e, d é j à c h e z (FLAUB., Educ., II, 4). — J e t 'aime trop POUR être habile (GIDE, Porte étr., p. 145).
Froissart, reste c o u r a n t au XVII e s., o ù l'on a aussi On trouve parfois encore dans la langue écrite le tour classique assez ...de
d e : Il n e se se n tire n t m ies [= pas] a s s e z fort QUE
ou que de + infinitif (comp. 1°) : La lire sera [...] hors de ses atteintes [= de la spé-
DES En glés a t e n d re [= q u e d ' a t t e n d r e les Anglais]
(FROISS., C hro n., cit. Z eitschrift f ur ro m a nisch e Phi -
culation] grâce au statut privilégié que les dirigeants de Rome ont été assez « sages »
lolo gie, 1881, p. 3 7 1 ) . - + ll s'e n tro uvera q ui DE réclamer pour elle (P. FABRA, dans le Monde, 19 déc. 1978). —Je ne suis pas
sero n t a s s e z m alh e ure u x DE le co n tre dire o uvert e - assez sotte QUE DE diminuer mes mérites aux yeux de Dieu (BALZAC, Secrets de la
m e n t (Boss., Œ uvres ora t, t. Il, p. 2 9 6 ) . - *ll [...] princ. de Cadignan, Pl., p. 50). — J e ne suis plus assez naïf QUE DE parler de l'année
d évorait ce u x q ui é t aie n t a s s e z t é m éraires QUE D'en
(DUHAMEL, Pesée des âmes, p. 260).
a p p roch er (L \ F., Psych é, cit. H a a s e , § 1 3 9 , 2 ° ) .
Une contamination des deux tours explique la construction, très courante
E S I E S I HISTORIQUE en Belgique, ° assez (ou trop, suffisamment) ...que pour : Nous aimons trop le sur-
Su ffisa m m e n t q u e p o ur est attesté e n 1 5 5 3 d a n s u n naturel QUE POUR ne voir en ce minime incident qu ' une simple coïncidence (GHEL-
t e x t e e n fr. d e la région liégeoise : R e m a c l e , t. III,
DERODE, Choses et gens de chez nous, p. 12). — Que est parfois explétif devant
p. 1 4 8 . — Q u e pouvait ê t r e explétif devant p o ur
dans d'autres c i r c o n s t a n c e s , surtout d a n s le N o r d
pour en Belgique dans d'autres situations : Ilfaut d'ailleurs être terriblement vivant
du d o m a i n e d'oïl : Il s'e n p artire n t [...] e n entente QUE POUR aimer le macabre comme nous (LD., Corresp., 18 juillet 1953). {53
]= intention] QUE POUR d esco n fire [= vaincre] le roy Autre contamination (avec mieux ? cf. d) : °Elle ne s' en soucia. Et l' on avait
e t t o u t e se n h ost [= son a r m é e ] (FROISS., C hro n., cit.
TROP à faire Qu 'à surveiller ses pas (R. ROLLAND, Ame enchantée, L. P., 1.1, p. 494).
G o d e f r o y , t. III, p. 2 5 7 ) . Autres ex. : R e m a c l e , t. III,
p. 1 4 7 . — En particulier, o n relève d a n s l' ancienne
d) Les adverbes impliquant le degré ou la comparaison appellent
langue si... q u e p o ur ( c o m p . § 9 9 6 , a ) : Q ui co n tre souvent une proposition conjonctive corrélative (§ 1130, a).
m oi osast es ve nir si a r e é s 1= préparé, a r m é ] / QUE
• La proposition est introduite par que après plus, davantage (cf. § 986,
POUR à m oi co m b a tie (ADENFT LE ROI, Bu evo n de
C o n m archis, 2 5 4 0 ) . - O r e n diray je [...] d e u x m o ts
a), moins, autant, aussi, si, tellement, tant, ainsi que mieux et pis, autre-
e n laissa n t la g é n éralit é, la q u elle [...] h a est é si bie n ment et ailleurs : Elle est moins jolie QUE JE NE PENSAIS. Elle est si jolie
elucid e e QUE POUR suffire (LEMAIRE DE BELGES, cit. Q U E T O U T LE M O N D E LUI F A I T LA C O U R . — Ces propositions sont
H u g u e t t. VI, p. 2 7 3 ) . Autres ex. d a n s \ a Z eitschrift, souvent averbales, voir § 1131, c. E0
I. c. d a n s H4. — C e l a existe e n c o r e e n wallon, e t
D o r y (p. 2 4 8 ) relève e n fr. régional : "Il n'est p as si
• La proposition est introduite par pour que après assez, suffisamment,
b ê t e QUE POUR s e laisser tro m p er. trop : H est ASSEZ de mes amis POUR QUE je puisse compter sur lui (LIT-
TRÉ, s. v. pour, 15°). — Ma vie est TROP occupée POUR QUE je puisse
E 3 I E S I HISTORIQUE entreprendre de vous guérir d' une grave passion (SAND, Valentine,
L o r s q u e la p r o p o s i t i o n c o r r é l a t i v e e s t r é d u i t e au
n o m o u au p r o n o m d é s i g n a n t la p e r s o n n e o u la
XXXIV). —Je réussis [...] à m' éloigner SUFFISAMMENT POUR Qu ' elle
c h o s e auxquelles on c o m p a r e , c e nom ou c e ne puisse s'agripper au bastingage (H. BAZIN, Vipère au poing, XVI). EH
pronom pouvaient anciennement être intro- Contaminations entre les deux séries : °Lantier n ' est pas SI gentil POUR
duits p a r d e ( a u j o u r d ' h u i q u e) : cf. § 9 8 6 , H2.
Qu ' on souhaite d' être sa femme [dit une blanchisseuse] (ZOLA, Assomm., I). —
La p r o p o s i t i o n c o r r é l a t i v e d é p e n d a n t d' un adv.
d'égalité était oridinairement introduite par
"SA voix était un peu TROP forte Qu 'il n 'aurait fallu (GUITTON, Journal de ma
co m m e ; il en r e s t e d e s t r a c e s . Cf. § 1 1 2 9 , H vie, 1.1, p. 89). [Avec le ne explétif qu'on trouve après plus que : § 1024, d.] —
°Elle [= la vie d'un écrivain] est TROP romanesque par elle-même QUE j'aurais
9EMWMM HISTORIQUE scrupule à priver l'auditoire de son récit (un académicien belge, manuscrit de
L'emploi d e p o ur q u e a p r è s assez, e t c . est a p p a r u
1999 ; sur nos conseils, si a été substitué à trop). EU
s e u l e m e n t au XVII e s. T o u t e n disant q u e cet
e m p l o i n e valait rien, V a u g e l a s ( p p . 1 7 - 1 9 ) r e c o n - e) Certains adverbes de lieu et de temps admettent une proposition
naissait qu'il n'était p a s t o u j o u r s facile d e l'éviter relative (§ 1113, c) :
e t il prévoyait m ê m e qu'il s'établirait t o u t à fait. Son œil ensorcelé [= du vagabond] découvre une Capoue / Partout OÙ LA
EESBSl REMARQUE C H A N D E L L E I L L U M I N E U N T A U D I S ( B A U D E L . , Fl. du m., V o y a g e , I I ) . — Main-
PÉGUY usait v o l o n t i e r s du t o u r ° e n s e m b l e que tenant Q U ' I L S ' É T A I T R A P P R O C H É D E C L A P P I Q U E , il entendait sa voix de nou-
pour en même t e m ps q u e : D ie u lui - m ê m e j ust e veau (MALRAUX, Condition hum., p. 35).
e nse m ble q u'é t ern el (Eve, p. 1 4 ) . Etc. — N o t r e
Maintenant que et les syntagmes analogues sont souvent considérés
documentation n e n o u s p e r m e t p a s d e dire,
a v e c le T résor, q u e c ' e s t un a r c h a ï s m e .
comme des locutions conjonctives.
f) Demain, hier et aujourd'hui, qui, d'une façon générale, sont sus-
ceptibles d'avoir les fonctions des noms (cf. § 955, d), peuvent être sui-
vis d'une apposition ou d'une proposition relative introduite par qui :
Demain, JOUR DE L'ASCENSION (ou... QUI EST LE IOUR de l'Ascension),
la grand-messe sera chantée à l' église Saint-Vincent.
Éléments subordonnés à la préposition e t à la
conjonction de subordination.
Les prépositions de lieu et de temps et les conjonctions de subordina-
tion qui marquent le temps peuvent être précédées d'un adverbe ou d'un
syntagme nominal qui leur sont subordonnés :
II s' est arrêté JUSTE devant la porte, TOUT contre la porte. — La reine est TRÈS
au-delà du médiocre et du petit (MONTHERL., Cardinal d'Espagne, III, 2). — Il rentrera
BIEN avant midi. Elle est partie LONGTEMPS avant qu 'il vienne,... DEUX HEURES avant
qu 'il vienne. H H I H R EMAR QUE.
Comme et ainsi que peuvent aussi être précédés d'un adverbe : Cette aventure Formule rare : Je les ai vrai m e n t bie n re g ar d é es,
s' est terminée EXACTEMENT comme je vous l'avais annoncé. — Le germe destiné à lapoly- TOUT d ura n t q u'elles m e bich o n n aie n t (M, TOURNIER,
G asp ar d , Melchior e t Balt h a z ar, p. 43).
embryonie commence à évoluer TOUT ainsi qu ' un germe normal (J. ROSTAND, dans les
Nouv. litt., 31 oct. 1964). — De même, malgré : BIEN malgré moi (FLAUB., Éduc., I, 5).
1° Cas divers.
Bonjour À TOUS ! — Bravo POUR VOTRE RÉUSSITE ! — Fi DE VOUS, ô chiches
jours terrestres ! (CLAUDEL, Cinq gr. odes, IV.) B J — Mais foin DE CES E U W&I3M R EMAR QUE.
RÉFLEXIONS CHAGRINES ! (VERCORS, Moi, Arist Briand, p. 13.) [Foin, lui-même, Fi + c o m p l é m e n t s a n s d e est rare : J'ai m e
est vieillot.] — Hosanna AU FILS DE DAVID ! (Bible, trad. Crampon, Matth., XXI, l'hist oire d e Brévaille. À p ein e m'est - elle c o n -
9.) [Dans le style biblique ou par référence à ce style.] — Et poussons dans le ciel trois fiée [...], FL LE DOSSIER ET LES RAPPORTS PRÉCÉ-
DENTS (Y. NAVARRE, Portrait d e Julie n d eva n t la
sublimes hourra ! / Hourra POUR L'ANGLETERRE ET SES FALAISES BLANCHES ! /
f e n ê tre, p. 2 9 ) ; c o m p J e fais fi d e ..., § 1 1 0 5 ,
Hourra POUR LA BRETAGNE AUX CÔTES DE GRANIT ! / Hourra POUR LE SEI-
R2. D a n s un é n o n c é c o m m e Fi, le vilain I il n e
GNEUR QUI RASSEMBLE LES BRANCHES / A U TRONC D'OÙ TOMBE LE VIEUX NID !
s e m b l e p a s y avoir d e subor dination.
(LAMART., Recueill poét., XV.) — Merci À VOUS (BECKETT, En attendant Godot,
Théâtre, 1.1, p. 68). — Merde À CES CHIENS-LÀ ! (RIMBAUD, Œuvres, Forgeron.)
[Trivial.] — Mais QUID [en italique] DU SOUTIEN PAYSAN, pour un tel programme ?
(LE ROY LADURIE, Carnaval de Romans, p. 79.) E U — Tant pis POUR VOUS. — M \ *M E S REMARQUE.
Zut POUR LE CHAPEAU, zut POUR LA VOILETTE ! (LOTI, Désenchantées, II.) Q u i d (cf. § 728, d) s'est construit a v e c sur : Quid
SUR les h o m m es, re g ar d és d a ns le ra p p ort d e
2° L'Ac. laissait le choix en 1 9 3 2 entre Gare aux conséquences (qu'elle
l'â g e [...] ? (BRILLAT-SAVARIN, Physiol. d u g o û t, cit.
ne citait pas en 1 8 7 8 ) et Gare les conséquences. En 2 0 0 0 , elle considère T résor.) [C'est la 1 r e attestation du m o t en fr.]
le 2 e tour comme vieilli, mais non Gare la fessée !
Ex. sans prépos. : Gare tout à l'heure LES COUPS DE TRIQUE (A. DAUDET,
C. du lundi, Trois sommations).
Avec un pronom, une proposition relative ou un infinitif, on met toujours
à : Gare À toi ! — Gare À qui le scandalisera ! (MAUROIS, Silences du colonel Bram-
ble, p. 88.) — Gare À ne pas se salir ! (CLAUDEL, Présence et prophétie, p. 260.)
3° C o m m e remercier (§ 293, a), merci construit avec de ou avec pour
le complément indiquant la chose dont on remercie ; l'Ac. 1 9 3 5 et
2 0 0 1 ne donne d'ex, qu'avec de.
Merci DES bluets des champs et DE la giroflée des murailles (KARR, Voy.
autour de mon jardin, XXIII). — Merci DES bonnes dispositions que nous avons
prises (BARRÉS, dans Barrés et Maurras, La république ou le roi, p. 27). —
Merci DE l'article que vous m'avez envoyé (MAURRAS, ib., p. 153). — Merci DE
votre adhésion (ROMAINS, Knock, II, 2).
Merci POUR la lumière du jour naissant (MlCHELET, Bible de l'humanité,
p. 26). — Merci, cher ami, POUR vos deux livres (CLAUDEL, dans Suarès et
Claudel, Corresp., p. 183). — Merci POUR votre visite (BlLLY, dans le Figaro
litt., 2janv. 1964). H J E U WH 3 M AUTRES E X E M P L E S .
DUMAS fils, Fils n a t urel, Prol., VI ; ESTAUNIÉ, A p p el
Si le complément est un infinitif, la construction avec de est la seule possible : d e la ro u t e, p. 32 ; ARLAND, O r d re, t. III, p. 2 1 6 ;
Merci DE porter cette lettre (DUHAMEL, Nouvelles du sombre empire, p. 170). MARTIN DU G., T hib ., Pl., 1.1, p. 1 3 2 3 ; GIRAUDOUX,
Sur Dieu merci, voir § 354, H. So d o m e e t G o m orrh e, p. 161 ; etc.
4° Les jurons, sous leur forme originelle ou leur forme atténuée
(cf. § 1104, b), sont susceptibles de se construire avec une suite com-
mençant par la préposition de, l'ensemble constituant un jugement
souvent péjoratif, assez rarement favorable. Selon la nature de ces
jurons, on va du pop., voire du trivial, jusqu'au fam.
Ex. de merci bien : FLAUB., Éduc., II, 3 ; ZOLA, Œuvre, I ; MAUPASS., Fort comme la
mort, I, 1 ; H . DE RÉGNIER, Vacances d' un jeune homme sage, p. 5 1 ; COLETTE, Chatte,
p. 131 ; PAGNOL, Merlusse, p. 5 ; etc. ; — de merci beaucoup : BOURDET, Temps difficiles,
Petite Illustration, p. 2 7 ; R. ESCHOLIER, Dansons la trompeuse, p. 18 ; BUTOR, Emploi
du temps, 1 , 4 ; CESBRON, Briser la statue, I, 5 ; etc.
a) Parmi les éléments qui ont une fonction dans la phrase, outre
ceux qui ont été décrits dans les chapitres précédents, il y a des
mots'outils (§ 369), mais aussi des éléments redondants, qui
exercent une fonction assumée déjà par d'autres (§§ 370-374).
Nous mentionnons aussi les éléments dits explétifs (§ 375).
S e c t i o n I
RE D O N D A N CES
T | BIBLIOGRAPHIE. Définition. 13
M . DESSAINTES, La n o tio n d e « relais syn t a x iq u e »,
d a n s l e s Ét u d es classiq u es, avril 1 9 6 5 , p p . 1 4 0 - La redondance est le fait que la même fonction est exercée par
155. deux termes non coordonnés et apportant la même information dans
2 9 REMARQUE. la même phrase. H T a n t ô t ces termes sont identiques, tantôt l'un d'eux
D a n s l e p l é o n a s m e ( § 1 5), o n d o n n e a ussi est un pronom (surtout un personnel ou un démonstratif), ou un syno-
d e u x fois la m ê m e in f or m a tio n, m ais les m o t s
n 'e x e r c e n t p a s la m ê m e f o n c t i o n , p a r e x. d a n s
nyme, ou encore un terme de sens vague comme chose, procédé, fait, etc.
Un PETIT N A I N , o u b i e n ils s o n t c o o r d o n n é s , Nous distinguons les redondances que l'on pourrait dire grammatica-
p a r e x . d a n s Je suis SÛR e t CERTAIN ( § 1 5 , e ) .
les ou imposées parce qu'elles sont habituelles (mais pas nécessairement
obligatoires), dès que le locuteur ou le scripteur ont fait choix d'une manière
de s exprimer (§ 371) ; — les redondances dues au souci de clarté (§ 372) ;
— les redondances expressives (§ 373) ; — des redondances diverses, ordi-
nairement peu justifiées (§ 374).
Il y a des redondances qui ont cessé d'être senties comme telles, parce
que la valeur primitive de l'élément s'est estompée : voir par ex. § 681, a
(s'Wfuir DE prison).
Il y a aussi des redondances purement occasionnelles, par ex. quand un locu-
teur hésite en cours de phrase : Je disais donc... Ah I oui, JE DISAIS que, sur le coup
d' une heure et demie, vous reprendriez le collier (H. BAZIN, Vipère au poing, VI).
Redondances habituelles.
a) S o u s la forme du p r o n o m personnel conjoint.
1° Dans des cas où le pronom personnel sujet (ainsi que ce et on)
HISTORIQUE.
C o m m e ceci aujour d' hui, c e p e r m e t t a i t d e trans-
connaît régulièrement l'inversion, les sujets d'une autre nature gar-
f o r m e r u n e préposition en c o n j o n c t i o n (ou, si dent leur place ordinaire, mais sont repris par un pronom personnel
l'on veut, d e faire j o u e r à u n e pr oposition le r ôle conjoint placé immédiatement après le verbe.
d'un n o m ) . N o u s e n a v o n s g a r d é p arce q u e (t out
à fait figé), p o ur ce que (archaïque : § 1139,
• Dans la phrase interrogative : Votre père reviendra-f-IL lundi ? (Paral-
b , 8°), sur ce q u e, e n ce q u e, j usq u'à ce q u e, à ce lèlement à : Reviendra-t-il lundi ?) — Cf. § 396.
q u e e t d e ce q u e ( § 1 1 2 3 , b-c). O n t r o u v e e n c o r e • Dans la phrase énonciative commençant par peut-être, sans doute,
au XVII E s. q u e l q u e s autr es sur vivances : À CAUSE
etc. : Peut-être votre père reviendra-t-IL lundi. (Parallèlement à : Peut-
DE CE QUE la f orce ré glé t o u t (PASCAL, cf. § 1 1 3 9 ,
H). — *AVEC CE QU ' H é t ait frère, il é t ait e ncore ami
être reviendra-t-il lundi.) — Cf. § 384.
(SÉV., 2 8 o c t . 1 6 8 5 ) . - C ' e s t u n m o t t o u t - à - fait 2° Il impersonnel forme une redondance avec le sujet logique (ou
b ar b are et q u e je n e re m ar q u erois p as [...] SANS CE
réel) (§ 231) des verbes impersonnels :
QUE je l'ay tro uvé d a ns u n A u t h e ur m o d ern e (VAU-
GELAS, é d . C h., t. Il, p. 4 0 8 ) . - lia ra p p ort é l'affaire IL est tombé une averse. IL m' est arrivé une aventure étrange. Est-IL certain
diff ére m m e n t DE CE QU' e l l e s'est p assé e (A c. 1 6 9 4 que ta mère sera d'accord ?
[mais e n c o r e e n 1 8 7 8 , cf. § 1 1 3 0 , H]). — Cf. aussi
3° Le sujet contenant un pronom personnel coordonné est ordinaire-
ce p e n d a n t q u e § 1 1 3 6 , fa.
C e q u e servait e n o u t r e p o u r u n e pr oposition ment repris par un pronom personnel accompagnant le verbe (§ 660, c) :
sujet, là o ù n o u s m e t t r i o n s le fait q u e (fa, 4 ° ) : Gérard et toi VOUS entraînez cette petite (COCTEAU, Enfants terribles, Sel.,
cf. § 2 3 2 , H3 ; — o u p o u r u n e pr oposition cor r éla-
p. 40). — La redondance se produit aussi pour les compléments d'objet : Cela
tive (afin d'éviter la s u c c e s s i o n d e d e u x q u e) : Et
n o us sera li h o n n e urs ce n t f ois plus gra n d e q u e CE
VOUS rappellera à Pierre et à vous mon anniversaire.
QUE n o us e uissio ns le co n f ort [= a i d e ] d es A n glois
(FROISS., C hro n., S. H. F., t. IX, p. 4 0 ) [cf. § 1 0 7 9 , b) S o u s la forme d'un p r o n o m démonstratif 0 ou d'un nom de
H4], sens vague, lorsqu'une fonction assumée d'habitude par un
nom ou un pronom est exercée par un terme d'une autre
nature, par ex. un infinitif ou une proposition conjonctive.
N. B. 1. Le pronom démonstratif ce s'emploie surtout avec le verbe être.
Sinon, on recourt d'ordinaire à ceci, cela. Cf. § 702-703.
2. La reprise peut être assurée par un syntagme qui n'est pas un simple
équivalent nominal, mais qui émet un jugement : Envier des êtres que
l' on méprise, il y a dans CETTE HONTEUSE PASSION de quoi empoisonner
toute une vie (MAURIAC, Nœud de vip., II).
1° Sujets.
• Sujets placés en tête de la phrase ou de la proposition : Partir, C' est
mourir un peu (E. HARAUCOURT, Seul, Rondel de l'adieu). — Que
nos alliés d'hier se réunissent encore en notre absence, [...] LE PROCÉDÉ
ne pouvait que nous causer un renouveau d'irritation (DE GAULLE,
Mém. de guerre, t. III, p. 236). — De même : Trop, C' est trop.
Soixante ans, CELA compte ! — Dans la langue écrite, la reprise n'est
pas considérée comme nécessaire : cf. § 232.
• Sujets placés en fin de phrase ou de proposition (redondance
obligatoire) : C' est un plaisir de vous rencontrer ici. C' est dommage que
vous vous soyez trompé. — CELA l' eût choqué qu ' un officier à quatre
galons parlât de déposer les armes (DORGELÈS, Cabaret de la Belle
Femme, p. 1 1 5 ) . — D e m ê m e avec un sujet nominal mis en évidence
par que : C'est une belle fille que votre nièce !
2° Compléments.
• Compléments d'objet directs accompagnés d'un attribut : La bêtise a
CECI de terrible qu ' elle peut ressembler à la plus profonde sagesse (LAR-
BAUD, Fermina Marquez, XIII). — On pourrait supprimer ceci.
• Compléments introduits par des prépositions auxquelles ne corres-
pondent pas de conjonctions de subordination : Cette préférence [...] ne
se montrait que par une presque insensible différence dans la voix et le
regard, et EN CECI encore qu ' elle prenait quelquefois son avis (MAUPASS.,
Pierre etJean, I). — Chez Albertine, la sensation du mensonge était donnée
par bien des particularités [...], mais principalement PAR CECI que, quand
elle mentait, son récit péchait soit par [...] invraisemblance, soit par excès,
au contraire, de petits faits destinés à le rendre vraisemblable (PROUST,
Rech., t. III, p. 179). — On dirait aussi... par le fait que ..., — ou, avec
un infinitif,... par le fait de ... ; cf. 4° — Redondances nécessaires.
• Compléments placés en tête de la phrase ou de la proposition : Qu ' on
puisse agir sur lui par cette crainte, Napoléon EN est certain (BAINVILLE,
Napol., p. 444). — Cette reprise est à peu près obligatoire.
3° On peut aussi considérer comme redondant le pronom démons-
tratif nominal celui ou ce placés devant une proposition relative : cf.
§§ 706 et 709, e.
CELUI qui aime bien châtie bien à côté de Qui aime bien châtie bien (forme
habituelle de ce prov.). — CE que femme veut, Dieu le veut (prov.). — Il est venu
me voir, CE qui est mieux. — De même, là dans là où : Je vais LÀ où je veux.
4° D'une façon générale, le fait de et le fait que n'ont d'autre rôle que
de transformer, l'un un infinitif, l'autre une proposition, en syntagmes
nominaux et de donner commodément à cet infinitif et à cette propo-
sition n'importe quelle fonction des noms :
Encore qu 'inversement le rouge fût [...] redevable d' une bonne part de son
pouvoir d'attraction [...] AU FAIT D'être, par excellence, la couleur du drame
(M. LEIRIS, Ruban au cou d' Olympia, p. 40). — LE SEUL FAIT DE prendre con-
tact avec ces fractions multiples et dispersées comportait, pour moi, de grandes dif-
ficultés (DE GAULLE, Mém. de guerre, 1.1, pp. 94-95).
LE F AIT QUE Dauger aurait empoisonné son maître prouve [...] que ce n ' était
qu ' un valet criminel (PAGNOL, Masque de fer, p. 190). — Les oppositions que j'ai
pu susciter dans ma ville natale ne sont pas liées AU FAIT QUE je suis Bordelais
(MAURIAC, dans le Figaro litt., 21 oct. 1965). — Je n ' écarte pas LE FAIT QUE ce
décor assez inattendu ait éveillé en moi plus de curiosité que de soupçons (BOUR-
NIQUEL, Sélinonte ou la chambre impériale, p. 114). — Dans LE FAIT QUE ces
images [...] se multipliassent, dans LE FAIT Qu ' elles fussent déplus en plus ténues
[...], je voyais [...] un phénomène de régression (J. BOREL, Retour, p. 534).
c) On peut aussi considérer comme formant une redondance des
pronoms (ou des noms) qui reprennent un terme, soit pour
• 9 E S I REMARQUE expliciter son extension Q , soit pour marquer une distribution
Lorsqu'un t e r m e s y n t h é t i q u e (surtout t o u t e t
ou une réciprocité :
rie n) a n n o n c e o u r e p r e n d u n e é n u m é r a t i o n ,
n o u s r a t t a c h o n s plutôt c e p h é n o m è n e à la Les journées se passèrent TOUTES ainsi (Ac. 1935, s. v. tout). — Ce jeune
c o o r d i n a t i o n : 2 6 2 , fa. homme nous a TOUS trompés (VIGNY, Chatt., II, 5). — Avec aucun, cela est plus
rare : Vous n ' osez AUCUN le prier de rester (Fr. DE CUREL, cit. Sandfeld, 1.1,
p. 363). — Logez ces voyageurs CHACUN à part (Ac. 1932, s. v. chacun). — [Sur
la plage d'Etretat] Les deux portes [...] avançaient dans l' eau tranquille, L'UNE
son pied de naine, L'AUTRE sa jambe de colosse (MAUPASS., C., Modèle). — La
morale et le savoir ne sont pas nécessairement liés L'UN à L'AUTRE (FRANCE, Pierre
Nozière, p. 145). — Mes frères sont âgés, PIERRE de vingt ans, JEAN de dix-huit.
M O T EXPLÉTIF
L e m o t explétif est un ter me qui ne j o u e pas le rôle qu'il a l'air
de j o u e r ; il est, logiquement, inutile, quoiqu'on ne puisse pas tou-
j o u r s le supprimer dans certains emplois figés.
• Pronom personnel marquant l'intérêt (§ 672, e) : Goûtez-MOI
ce vin-là.
• On peut yjoindre certains pronoms réfléchis (§ 779) : se moquer.
• Ne non négatif (§ 1023) : Je crains qu 'il NE parte.
• De avec une épithète (§ 358, b, 1°), une apposition (§ 342),
etc. : Quelqu ' un D 'honnête. La ville DE Paris.
• L'article dans l' on (§ 7 5 4 , f ) : Si L ' on veut.
• En et y dans diverses expressions : Va-t - 'U N d 'ici (§ 681, b). —
Elle S'Y connaît en peinture (§ 680, c, 1°).
S e c t i o n 2
REMARQUE.
ELÉMENTS INCIDENTS
M I S A BIBLIOGRAPHIE Définition. H
M. DESSAINTES, La co nstructio n p ar insertio n ,
incid e n t e, P., d'Artrey, 1 9 6 0 . L élément incident est une espèce de parenthèse par laquelle celui
qui parle ou écrit interrompt la phrase pour une intervention personnelle.
Du point de vue de l'intonation, il se prononce sur un ton plus bas que
le reste de la phrase et, s'il a plusieurs syllabes, souvent sans variation de hau-
teur, recto tono. Il y a d'ordinaire, avant et après l'élément incident, une pause
dans l'oral et une virgule dans l'écrit (sauf si une autre ponctuation est
requise). Mais ces pauses et ces virgules sont souvent absentes quand ces élé-
ments sont à la fois brefs et très courants, comme peut-être, sans doute, etc.
— Au lieu de virgules, des parenthèses sont possibles ou des tirets (ceux-ci
pouvant se combiner avec des virgules).
La phrase dans laquelle se trouve l'élément incident ou une partie de
celle-ci peuvent être représentées par un pronom faisant partie de l'incidence :
H est parti, dest évident, contre la volonté de safamille. — Voir d'autres ex. dans le 378.
Selon la définition donnée ci-dessus, l'élément incident se trouve à
l'intérieur de la phrase. Mais il est possible d'y assimiler des mots ou des
groupes de mots situés au début ou à la fin de la phrase :
SPECTACLE CHARMANT, ce sont les deux gendarmes qui, pleins de bon sens, cal-
ment le magistrat (BARRÉS, Gr. pitié des égl. de Fr., p. 72). — En ce moment, je suis trop
triste, SAVEZ-VOUS ? (DUHAMEL, Club des Lyonnais, V.)
Incises.
Les incises sont des incidentes particulières indiquant qu'on
rapporte les paroles ou les pensées de quelqu'un. BDI
En dehors d e l'incise, le discours rapporté est
souvent identifié par un verbe déclaratif qui a) Si la citation contient une seule phrase, l'incise se met à l'inté-
l'introduit : Pierre dit : « .... t ou Pierre dit q u e...,
parfois par d'autres for mules: cf. § 4 1 6 , b . II
rieur ou à la fin de celle-ci. Si la citation est formée de plusieurs
peut aussi être identifié par une phrase tout à phrases, l'incise est placée, comme il vient d'être dit, dans la
fait indépendante placée ensuite, a v e c un pro-
nom démonstratif renvoyant à c e discours : « En
première phrase :
a m o ur, il n'y a p as d'o bst acle. » Pierre avait dit Il va te le dire lui-même, reprit Marino sourdement indigné. Du diable si j'y com-
cela ja dis (TROYAT, cit. § 416, R3). prends rien (GRACQ, Rivage des Syrtes, p. 112). — Voir aussi, dans b, l'ex. d'AYMÉ :
quant au sens, le verbe de l'incise s'y applique seulement à la première phrase.
Il peut y avoir plusieurs incises à l'intérieur d'un discours. Si on rapporte
le discours par écrit, il y a généralement une raison particulière. L'incise conti-
nua la duchesse est nécessaire, dans PROUST, Rech., t. II, p. 230, parce que le
narrateur a jugé bon d'interrompre l'exposé de la duchesse pour faire part de
sa propre réaction intérieure (« Quelle buse ! » pensais je, etc.). Ailleurs c'est le
moyen d'indiquer une circonstance nouvelle : ajouta-t-il d' un air fin et en levant
le doigt (ib., p. 824). — Si le discours direct est rapporté oralement, donc sans
le repère commode que sont les guillemets, il est très utile que le rapporteur
rappelle qu'il est toujours en train de citer, tiïil M È M • » ! ! ' » REMARQUE.
La langue pop. multiplie les dit - il ou autres incises,
D a n s l'usage soigné, le sujet est placé après le verbe : j u s q u e dans u n e m ê m e phrase : voir un ex. dans c.
S e c t i o n I
La phrase énonciative
a Définition.
Par la phrase énonciative (ou déclarative ou assertive), le locuteur
(ou le scripteur) communique simplement une information à autrui.
C'est le type de phrase le plus fréquent et le moins chargé d'affectivité.
Sara se leva tard. H était un peu plus de dix heures. La chaleur était là, égale à elle-même
(DURAS, Petits chevaux de Tarquinia, p. 7). — Les petits enfants imaginent avec facilité les
choses qu 'ils désirent et qu 'ils n ' ont pas. Quand ils gardent dans l'âge mûr cette faculté mer-
veilleuse, on dit qu 'ils sont des poètes ou des fous (FRANCE, Pierre Nozière, 1899, pp. 56-57).
I B I L É L L L HISTORIQUE
Enfin, toujours est-IL que j'ai revu Robinson [...] ce même soir-là (CÉLINE,
T o u jo urs mis e n t ê t e entraînait l'inversion d a n s Voy. au bout de la nuit, F 0 , p. 396). — Encore y aurait-IL lieu defixerl'attention
d ' a u t r e s f o r m u l e s : Mais t o u jo urs faut-IL d e m e u - critique sur ces objets eux-mêmes (A. BRETON, Nadja, p. 15). E S
rer d'accor d , q u e sur ce tt e m a tiere les Me d ecins
2° L'inversion est très fréquente, surtout dans la langue littéraire,
e n sçave n t plus q u e les a u tres (MOL., Mal. i m .,
III, 3 ) . — Q u a n d le m alh e ur n e seroit b o n / Q u ' à après et encore (= malgré cela), tout au plus, à peine, peut-être, sans
m e ttre u n so t à la raiso n, / T o u jo urs seroit - a à doute, encore moins.
j ust e ca use / Q u'o n le dit b o n à q u elq u e ch ose
(LA F., F., VI, 7). - V o i r aussi § 1 0 0 6 , H9. - L'Ac.
Et encore y faut-lL méditer ( B A R R É S , dans Barrés e t Maurras, La république
a conservé jusqu'en 1 8 7 8 cette phrase - .Sije n'ai ou le roi, p. 604). — Tout au plus pouvions-NOUS, lorsqu 'il reprenait le souffle,
p as ré ussi, t o u jo urs ai - IE fait m o n d evoir. risquer une question respectueuse ( H . B A Z I N , Vipère au poing, X I ) . — A peine
O n faisait aussi l'inversion d a n s Bie n est - il vrai : tolérait-ON qu ' elle sortit seule (SARTRE, Mots, p. 10). — Peut-être est-CE mieux
Bie n est-IL vray, q u'a u p rès d'u n e b e a u t é / Paroles encore définir par l'aimer un peu ( C É L I N E , Voy. au bout de la nuit, F°, p. 439).
o n t d es vert us n o n p areilles (LA F., C., O r a i s o n d e
— Sans doute était-lL possédé sans le savoir de l' esprit des lieux
s. Julien). — E n c o r e c h e z STENDHAL : Bie n e sML
vrai q u e [...] q u elq u es h o m m es [...] a ttrib u ère n t
(Chr. R O C H E F O R T , Repos du guerrier, I I , 2 ) . — Encore moins peut-ON supposer
ce tt e a p p are n t e inse nsibilit é [...] à b e a uco u p de que les nouveautés nées en Gaule [...] se répandaient en Afrique ( B R U N O T , Hist.,
dissi m ula tio n (C hro n. /ta/., Vittoria Accoram- 1.1, p. 48).
b o n i ) . — A p r è s o r : O r est-IL q u'u n cor ps grave
Ex. sans inversion (ce que nos témoins ressentent souvent comme
tom be e n e ff e t d e q uin z e pie ds d a ns la p re m iere
seco n d e (VOLT., c i t é au § 7 8 6 , H3).
négligé) : Voilà les types uniques des vieillards qui peuvent aimer sans ridicule. Et
Voir aussi § 3 8 6 . encore ON doit observer que ces types sont tous rejetés dans une époque antique
( S . - B E U V E , Prem. lundis, Pl., p. 364). — L 'Anglais ne met pas de côté [...] ; tout
1 3 1 E Ë H REMARQUE au plus IL s'assure ( T A I N E , Notes sur l'Anglet., p. 32). — A peine IL peut se bais-
Voici pourtant un ex. s a n s inversion ; peut -êt r e
ser, à peine pourra-t-il saluer demain (VALLÈS, Enfant, VI). [Remarquer les
faut-il attribuer c e t t e infraction à l'origine méridio-
nale d e l'auteur : °Je n'ai p u o b t e nir q u e 7 0 0 fra ncs
deux façons de faire.] — Peut-être C E sera le matin ( C L A U D E L , Ann. faite à M.,
d e m o n p ère, e ncore |E craignais q u'il n e m e d o n n e p. 71). — Peut-être IL redoute mon contact ( J O U H A N D E A U , Carnets du profes-
rie n d u t o u t (CÉZANNE, C orresp , 4 avril 1 8 7 8 ) . seur, p. 194). — Sans doute E L L E m'attendait venir par l'autre allée ( G I D E , Porte
C 9 E U AUTRES EXEMPLES
étr., VII). CD
Sans inversion après p e u t - ê tre : STENDHAL, 3° L'inversion est assez fréquente après ainsi, aussi (§ 1033), aussi
C h artr., XIX ; MUSSET, O n n e b a din e p as avec
l'a m ., III, 1 ; HERMANT, C o n fid e nces d'u n e aïe ule,
bien, du moins, au moins, tout au moins, à tout le moins, pour le moins, à
XIII ; BERNANOS, Gra n d e p e ur d es bie n - p e nsa n ts, plus forte raison, a fortiori, en vain.
Pl., p. 4 5 ; NOURISSIER, d a n s le Poin t, 2 6 déc.
1 9 8 3 , p. 7 0 . — A p r è s sa ns d o u t e : FRANCE, Ile d es
Ainsi demeura-t-ELLE un très long moment (MAURIAC, Anges noirs, p. 117).
Pin g o uins, VII, 6 ; e t c . — V o i r aussi b , 1 — Aussi faut-ïL pour leur répondre une certaine habitude de leur monde (DUMAS
fils, Dame aux cam., VII). — Aussi bien était-CE déjà le soir (ARLAND, Terre
natale, I). — Du moins pouvions-NOUS mépriser l' espèce de sublime [...] que la
publicité américaine achève aujourd'hui de révéler au monde (BERNANOS, Grande
peur des bien-pensants, Pl., p. 57). — A plus forte raison le ferai-JE pour celui qui est
devant vos yeux (SAND, Mauprat, XXVIII). — En vain est-CE de vos bons deniers
que vous courez les chemins (MONTHERL., Petite infante de Castille, 1,1). Etc.
Sans inversion: Ainsi f avais trois fois [...] franchi les steppes [...] de ma
chambre (SAINT EXUPÉRY, Pilote de guerre, p. 80). — Aussi JE me levai (DUMAS
fils,/, c.). — Aussi bien IL y a des noms [...] que je n 'ai jamais pu prononcer de sang-
froid (FROMENTIN, Domin., III). — Du moins IL n 'aurait pu être qu ' un homme de
bibliothèque (BERNANOS, op. cit., p. 49). — En vain IL a des mers fouillé la profon-
deur (MUSSET, Poés. nouv., Nuit de mai). Etc.
4° Après d'autres adverbes ou mots-phrases, l'inversion est moins
fréquente ; elle paraît même, dans plus d'un cas, assez artificielle.
D'AILLEURS jouait-il son rôle sans soupçonner qu ' on le lui eût confié ( P R O U S T,
Rech., t . I I , p . 5 8 8 ) . — ALOR S se résigna-t-il à l' évêque d'Evreux (LA VARENDE,
Centaure de Dieu, p . 1 8 ) . — C E R TE S savons-nous l'importance des imprégnations
imaginaires (J. LACAN, Ecrits I, p . 1 9 ) . — DAVANTAGE doit-il présenter [...] des
difficultés presque insurmontables (VALÉRY, Soirée avec M. Teste, P r é f . ) . — Sur
la plus frêle chaloupe, DÉJÀ se heurtent-ils (GIDE, Nourritures terr., III). — DE
MÊME m' est-il arrivé de m'imaginer [ . . . ] (GR AC Q, Beau ténébreux, P l . , p . 1 0 0 ) .
— DIFFICILEMENT trouvera-t-on des gens qui veuillent ( d a n s L i t t r é , s. v. difficile-
ment). — DONC , faut-il trouver le traître ( D R I E U LA ROCHELLE, Chiens de paille,
p . 1 1 6 ) . — VAINEMENT lui disait-il: [ . . . ] (MAURIAC, Baiser au lépreux,
p. 1 3 2 ) . E t c . — V o i r aussi L e B i d o i s , Inversion, p p . 8 8 - 1 2 6 .
b) Observations générales.
1° Quand le verbe suit directement l'adverbe (sans qu'il y ait entre
eux un complément : voir 2°), il n'y a, normalement, après l'adverbe,
ni pause dans la parole ni virgule dans l'écriture.
Certains auteurs mettent pourtant une virgule : Aussi, souhaitait-il qu ' on gardât
le catholicisme (FRANCE, Les dieux ont soif, XIV). — Du moins, tâchions-nous que les
débats fussent bien préparés (DE GAULLE, Mém. de guerre, t. II, pp. 148-149). — Sans
doute, ne peut-elle pas facilement trouver mieux (H. BAZIN, Vipère au poing, XXIV).
Quand il n'y a pas inversion du pronom, il semble qu'il y ait une légère pause
entre ce pronom et l'adverbe qui le précède. Pourtant, les textes écrits ont assez
rarement une virgule : Ainsi, JE puis vous annoncer (...] (FRANCE, île des Pingouins,
1,6). — Sans doute, ON trouve souvent encore en m[oyen]fr[ançais] le sujet après le
verbe (BRUNOT, Pensée, p. 246). — Peut-être, IL savait que ce ne serait pas facile
(MALRAUX, Antimémoires, p. 74). — Sans doute, IL lui devait faire sa part (BERNA-
NOS, Imposture, PL, p. 328).
2° L'inversion peut se produire même quand l'adverbe est suivi d'un
complément ou d'un autre syntagme :
Aussi, la veille, avait-IL osé parler de cette ligne unique de retraite à un général,
rencontré par hasard dans un chemin ( Z O L A , Débâcle, II, 1). — Encore pour que
ce désenchantement soit possible, constamment possible, faut-lL que les chaînes ne
nous écrasent pas (A. B R E TO N , Nadja, p. 78). — Ainsi dans mon enfance imagi-
nais-JE les rois mérovingiens (VAILLAND, Beau Masque, I , 1 ) . — Au moins, de
cette façon, saurait-IL à quoi s' en tenir ( R O B B E - G R I L L E T, Voyeur, p. 1 1 2 ) .
Mais, dans ce cas, le pronom garde plus facilement sa place devant le
verbe : Peut-être, si ce mot se rencontrait dans la pièce, ON le trouverait valant qua-
tre syllabes (LITTRÉ, Hist. de la langue fr., t. II, p. 17). — Ainsi, quand je serai
perdu dans la mémoire / Des hommes, dans le coin d' une sinistre armoire, /
Quand on m'aura jeté, vieux flacon désolé, / Décrépit, poudreux, sale, abject, vis-
queux, fêlé, / JE serai ton cercueil, aimable pestilence (BAUDEL., Fl. du m., Flacon).
3° L'inversion du pronom se produit parfois dans des propositions
où peut-être, du moins, etc. suivent une conjonction de subordination
ou un pronom relatif, par analogie avec le cas où ils sont placés en tête
de la phrase. La présence de virgules dans plusieurs des ex. semble
montrer que l'inversion n'est ici qu'un automatisme peu justifié.
Une aversion que rarement prennent-ILS le soin de déguiser (LAMENNAIS, De la
religion, IV). — L 'autorité sacerdotale [...]« toujours les résultats les plus salutaires,
parce que, du moins, est-ELLE toujours plus trempée d'intelligence (GOBINEAU, Essai
sur l'inégalité des races hum., II, 5). — On prétend que le mot rivalité est de la création
de Molière, et qu ' encore n ' osa-t-IL le risquer que dans la bouche d' un valet (LlTTRÉ, s. v.
rivalité). — La circulation était si dense sur le pont Eminomù qu 'à peine pouvait-ON,
au péril de sa vie, le traverser (BEAUVOIR, Force des choses, p. 532). — En remontant
E5SIS1 AUTRES EXEMPL. la colline où peut-être m avait-IL vu souvent passer (J. ROY, Amour fauve, p. 45). f-V-i
BALZAC, Pl., t. V , p. 2 6 ; JAURÈS, Hist. socialist e d e L'inversion du pronom sujet entraîne certaines modifications
la Révol. fr., 1.1, f asc. 1, p. 8 7 ; HERMANT, T h é â tre
dans la forme du verbe à la l r e et à la 3 e personne du singulier :
(1 9 1 2 - 1 9 1 3), p. 3 1 7 ; LA VARENDE, C e n t a ure d e
D ie u, p. 1 3 ; S. DELESALLE, d a n s La n g u e fr., m a i Aussi TR O U V É - j e ( o u trouvè-je)... : § 794, b — Aussi trouva-T-il... : § 796,
1 9 7 4 , p. 6 2 . e, N . B.
Il y a en outre certaines interdictions, portant sur l'inversion du
pronom personnel à la l r e personne : *prends-je, etc. (cf. § 794, e,
N. B.) et de ce à la 3 e personne : *furent-ce, etc. (cf. § 702, e). Même les
formes comme trouvé-je sont plus ou moins désuètes. T o u t cela
entrave l'inversion et favorise des ex. comme les suivants :
Sans doute JE veux qu ' elle soit un jour près de moi (RENAN, Ma sœur Henriette,
p. 91). — Aussi JE pense que [...] (LlTTRÉ, Hist. de la langue fr., t. II, p. 36). —
Sans doute J E rêve (SAINT EXUPÉRY, Pilote de guerre, p.9). — Ainsi J E me montre
avec Régine depuis que je suis malade ( S . PROU, Méchamment les oiseaux, p. 167).
Les moyens indiqués dans le 5° trouvent aussi une justification supplémen-
taire.
La langue courante préfère souvent garder l'ordre normal en fai-
E U E ! L L REMARQUE. sant suivre peut-être et sans doute de que (§ 1121, b) E S ; cela n'est pas
Pe u t - ê tre i m p li q u a n t u n e i d é e d e d o u t e , il y a exclu de la langue littéraire, surtout pour peut-être.
p a rf o is u n m é l a n g e a v e c d e s f o r m e s d e l'in terro -
g a t i o n : °Pe u t - ê t r e EST-CE q u e... C f . § 1 22, R3. P E U T - Ê T R E QUE j e m'intéresse trop à ma patrie pour m intéresser plus long-
temps à son art (BARRÉS, dans Barrés et Maurras, La république ou le roi,
p. 195). — SANS D O U TE QU 'il n 'y a plus pensé (dans Littré).
On dit d'autre part À peine si, Tout au plus si sans inversion du sujet : À
PEINE SI j'avais quitté sa chambre tout le temps qu 'avait duré sa maladie (DUMAS
fils, Dame aux cam., VII). Cf. § 412, c.
I n v e r s i o n d u sujet a u t r e q u ' u n p r o n o m p e r s o n n e l ,
ce o u on.
N. B. Rappelons qu'en dehors de quelques formules figées (notamment les
proverbes), l'inversion du sujet concerne surtout la langue écrite.
S e c t i o n 2
La phrase interrogative
BIBLIOGRAPHIE. IEU Généralités. Q
H. RENCHON, Et u d es d e syn t a x e d escrip tive : II.
La syn t a x e d e l'in t erro g a tio n, Bruxelles, Palais
a) Définition.
d e s A c a d é m i e s , n o u v e a u tirage, 1 9 6 9 . —
L. FOULET, C o m m e n t o n t évolu é les f or m es d e
l'in t erro g a tio n, d a n s Ro m a nia, XLVII, 1921,
Par la phrase interrogative, on demande une information à
pp. 2 4 3 - 3 4 8 . — E. F R O M A I G E A T , Les f or m es d e l'interlocuteur :
l'in t erro g a tio n e n fr. m o d ern e, d a n s V o x ro m a -
nica, III, 1 9 3 8 , pp. 1 - 4 7 . - R. M . TERRY, C o n t e m - Gèle-t-il ? À quelle heure dînez-vous ? — Qui vient ? Qui m'appelle ? (MUS-
p orary Fre nch In t erro g a tive Struct ures, M o n t r é a l - SET, Poés. nouv., Nuit de mai.)
S h e r b r o o k e , C o s m o s , 1 9 7 0 . — A. GRUNDSTROM
e t P. R. LÉON, In t erro g a tio n e t in t o n a tio n en
fra nç. st a n d ar d e t e n fra nç. ca n a die n, P.-Bruxel- b) Caractéristiques.
les, Didier, 1 9 7 3 . - P. BEHNSTEDT, Vie ns - t u ? Est -
ce q u e t u vie ns ? T u vie ns ? F or m e n u n d Stru k t u -
La phrase interrogative n'est pas caractérisée par un mode spécial
re n d es dire k t e n Fra g esa t z es i m Fra n z ôsisch e n, du verbe : § 392. Généralement, elle est marquée par l'intonation dans
T u b i n g e n , Narr, 1 9 7 3 . — E. KAISER, Stru k t ure n
d er Fra g e i m Fra n z ôsisch e n, T u b i n g e n , Narr, l'oral et par le point d'interrogation dans l'écrit : § 393. Ces traits peu-
1980. vent être seuls présents, surtout l'intonation dans la langue parlée :
§ 399. Dans la langue écrite ou dans la langue soignée, la phrase inter-
rogative se caractérise par l'inversion ou par la redondance du sujet :
§§ 394 et 396. L'introducteur est-ce que, tout à fait courant dans l'oral,
n'est pas inconnu à la langue écrite, même soignée : § 397. L'interro-
gation partielle use de mots interrogatifs, dont la place est souvent en
tête de la phrase : § 390, b ; voir cependant § 399, b.
On a observé aussi que le débit est plus rapide dans les phrases
interrogatives que dans les phrases énonciatives comparables. L'accé-
lération est surtout fréquente quand il n'y a pas d'autre marque que
l'intonation. Cf. P. Wunderli, dans Travaux de linguist., mai 1988.
c) Distinctions.
• « • K M REMARQUE.
1° L'interrogation est disjonctive quand elle énonce une alternative :
Le fr. parlé en Suisse emploie comme seconde
interrogation °o u bie n, sans qu'il y ait néces- Puis je compter sur vous ou dois je m'adresser ailleurs ? (Sur la variante : ...ou si
sairement de la véhémence : le vo us d éra n g e je dois m'adresser ailleurs ? cf. § 389, b.) — Est-elle en marbre, ou non, la Vénus de
o u B I E N ? (Question polie.) — "Ça va o u B I E N ? Milo ? ( V E R L . , Poèmes sat, Épilogue, III.) J 3 J
(= Tu perds la tête I) — On y voit une influence On peut aussi expliciter davantage la disjonction par oui ou non : Venez-vous,
de l'allemand de Suisse, où les interrogations OUI OU NON ? — Faut-il, OUI OU NON, le [= le Sinanthrope] placer parmi les êtres
se présentent souvent comme des alternati- réellement intelligents, c ' est-à-dire pensants ? ( T E I L H A R D D E C H A R D I N , Apparition
ves, le second terme réduit à o d er (= ou). de l' Homme, p. 145.)
I2SEZ33 REMARQUE Dans la langue parlée très familière, la seconde interrogation est parfois expri-
O n n e c o n s i d é r e r a p a s c o m m e d e s inter r ogations mée par ou quoi, ce qui donne à l'expression un ton plus véhément, quoi perdant
vr aiment fictives les q u e s t i o n s q u ' u n l o c u t e u r o u
sa valeur propre : Votre diplôme de publicitaire, vous l'avez trouvé dans une pochette
un a u t e u r p o s e n t p o u r d o n n e r d e la vivacité à
l ' e x p o s é e t a u x q u e l l e s ils r é p o n d e n t e u x - m ê m e s :
surprise ? OU Q U O I ? (J. F A I Z A N T , Pouce ! p. 149.) — Autre ex. au 731, d, 2°.
Q u e va faire c e Moi d e D escart es ? Comme il n e 2° L'interrogation peut être fictive, c'est-à-dire qu'elle n'appelle aucune
se n t p oin t ses li m it es, il va vo uloir t o u t faire, o u réponse. Elle équivaut, quant au contenu du message, à une exclamation ou à
t o u t re faire (VALÉRY, V arié t é, Pl., p. 8 4 1 ). une injonction : Que ne m'a-t-il écouté ? Allez-vous bientôt vous taire ? EJ3
Simple périphrase annonçant ce qu'on va dire : VEUX-TU que je te dise ce
que j' en pense ? [Et elle le dit immédiatement.] (COCTEAU, Parents terribles,
1,2.)
Formules avec savoir. Qui sait introduisant une éventualité : Qui SAIT si
Albertine ne l'avait pas tout simplement appris de M"E Vinteuil ? (PROUST, Rech.,
t. II, p. 1117.) — En emploi absolu : Qui SAIT ? Il viendra peut-être te voir. —
Que sais je ? tenant lieu d'éléments qu'on ne veut pas exprimer, notamment
dans une énumération (comp. etc., § 221, a, 1°) : Tu as semé du linge sale, des
cendres de cigarettes, QUE SAIS-JE ? (COCTEAU, Parents terribles, 1,2.) — Sais-tu,
Savez-vous introduisant une suggestion : SAIS-TU ce que tu devrais faire, mon
brave ?[...] Tu devrais prier ce vieux de t 'introduire chez les Dambreuse (FLAUB.,
Êduc., I, 2). — Sais-tu Savez-vous etc., formules incidentes, § 121, b.
Interrogation fictive exprimant une hypothèse : Voulez-vous des eaux ?
Venez là [au bord du lac suisse] (MICHELET, Insecte, Introd., II). — Sur la
ponctuation de l'interrogation fictive, voir § 121, c.
3° L'interrogation oratoire est une interrogation fictive qui donne à
entendre qu'il faut admettre comme évidente la réponse contredisant
la question (l'interlocuteur ou le lecteur n'ayant généralement pas
l'occasion de répondre) :
Est-il possible qu 'il ait fait une telle faute ? [= Il n'est pas possible...] — Ne
vous avais-je pas averti ? [=Je vous avais averti.] — Jeanne d'Arc, Richelieu,
Louis XIV, Carnot, Napoléon, Gambetta, Poincaré, Clemenceau, le Maréchal
Foch, auraient-ils jamais consenti à livrer toutes les armes de la France à ses enne-
mis pour qu 'ils puissent s' en servir contre ses alliés ? (DE GAULLE, Disc, et messa-
ges, 2 juillet 1940.) — Est-il besoin de dire qu 'à l'intérieur de chacun d' eux, nous
avons maintenu la subdivision en chapitres, auxquels Chateaubriand tenait tant ?
(M. LEVAILLANT, dans Chat., Mém., Introd., p. LXXXVII.)
L'interrogation partielle (§ 390, b) peut aussi être oratoire, et la
réponse supposée est négative ( P e r s o nn e , famais, etc.) si l'interroga-
tion est positive, et inversement :
Quel grammairien d'aujourd'hui oserait recommander à son public de prati-
quer la syntaxe de Racine ? (A. MARTINET, Français sans fard, p. 27.)
[= Aucun grammairien n'oserait...] — On a beau être brouillé, la mort est la
mort : quand donc ferait-on la paix, si on ne la faisait pas avant départir ? (ZOLA,
Terre, V, 4.) [= Jamais on ne ferait la paix... Cette réflexion populaire est
d'une évidence incontestable !] — Quelle ne serait pas la valeur d' un musée où
l' on pourrait se rendre compte de la culture latine, dans l'antiquité, au moyen âge
et aux temps modernes ? (APOLLIN., Chron. d'art, 13 déc. 1902.) [= Elle serait
très grande.] — Tous ces exemples sont proches de l'exclamation.
4° On appelle interrogation délibérative celle que le locuteur
s'adresse à lui-même, au moment où il devrait prendre une décision :
Que vais-je faire ? Que faire ? Où aller ?
W I A I K F I E L REMARQUE...
Des phrases comme les suivantes donnent l'impression d'interro-
Dans cet exemple-ci, on a une injonction indirecte gations directes introduites par les mots interrogatifs caractérisant
dépendant d'un verbe interrogatif non exprimé : l'interrogation indirecte : Que fais-tu ? - C E Q U E J E F A I S ? Je travaille.
T aise z - vo us. - QUE JE ME TAISE ? (= Vous demandez
— C E Q U ' E L L E L U I D I R A I T ? Elle n ' en savait rien ( B O U R G E T , cit.
que j e me taise ?) — Le q u e est conjonctif, et cette
phrase, qui peut être prononcée sur des tons dif- Sandfeld, t. II, p. 76). Ce sont en réalité des interrogations indirectes
férents, rejoint la phrase exclamative. sans verbe introducteur : cf. § 1162, c, 2°. 0 3
les caves. [...] / L'interrogateur. Qui battait QUI ! / Claire. La police. La police L'Ac. 2 0 0 3 n e signale plus Le m oye n ? comme
locution-phrase.
battait des étrangers (M. DURAS, Amante anglaise, pp. 87-88).
Il est moins normal que des interrogatifs de fonctions différentes soient L I A 1 3 3 1 HISTORIQUE
coordonnés : ° 0 0 et QUE lui avait-il dit ? (M. DURAS, Vie tranquille, F", p. 207.) À c a u s e d e c e l a , d'où vient a é t é e m p l o y é au
XVIII e s. c o m m e un s y n o n y m e d e p o ur q u oi, tan-
Le moyen joue le rôle d'un mot interrogatif équivalant plus ou t ô t a v e c un infinitif, t a n t ô t a v e c un v e r b e c o n j u -
moins à comment dans des phrases interrogatives oratoires ayant la gué (sans conjonction), tantôt d'une façon
a b s o l u e : + Ma / s, q u e fais - je ? D ' o ù VIENT VOUS re n -
même portée que II n 'y a pas moyen... Il est suivi de la préposition de
d re co m p t e d e ce q u e je se ns ? (MARIV., Jo urn a u x
et d'un infinitif ou bien de la conjonction que et d'une proposition e t œ uvres div., p. 1 2 1 . ) — ' D ' o ù VIENT l'acca bler
dont le verbe est au subjonctif (tours littéraires). Il a pu aussi être e ncore q u a n d s e s re p roch es le d échire n t ? (SADE,
N o uvelles, cit. R e n c h o n , p. 1 8 2 . ) — *t h ! D ' o ù
employé comme locution-phrase.
VIENT n e me le dit es - vo us p as ? m'écriai - je
Vous voulez que je fasse telle chose, LE MOYEN ? [ou :] LE MOYEN QUE j'y (MARIV., op. cit., p. 4 3 1 ) . — *Je l'e n re m ercie;
parvienne ? (Ac. 1935.) 0 1 — Hy a dans cette rue de l' oubli stagnant. Jean Valjean D' o ù VIENT ? c'est q u'il a raiso n e t q u'il p arle j ust e
(ID., Sincères, XVI). — Ma / s, D' o ù VIENT d o nc, dis -
y respira. LE MOYEN Qu'on pût le trouver là ? (HUGO, Misér., IV, XV, 1.) — Si l' on
m oi ? Q u elq u e p art q u'o n s'arrê t e, e n C ala b re ou
me dit qu ' elle était paralysée par la grâce, LE MOYEN DE répondre que cela n ' est pas aille urs, t o u t le m o n d e se m e t à faire la révére nce
vrai ? (GREEN, Terre lointaine, p. 92.) — Sans point d'interrogation : Les supers- (P.-L. COURIER, lettre, 2 5 juin 1 8 0 6 ) .
titions [...] leur sont étrangères. LE MOYEN, en effet, QUE des superstitions existent C o m m e p o ur q u oi (cf. § 3 9 7 , b), d'o ù vie n t a pu
chez des gens qui vivent de la crédulité des autres. (MÉRIMÉE, Carmen, IV.) ê t r e suivi d e l ' i n t r o d u c t e u r e s t - c e q u e: * D' o ù
VIENT EST-CE QUE t u m e le cach es ? (MARIV., Joie
Dans le tour D ' où vient que... ? le sens propre de venir n'est plus i m p révu e, II.)
toujours perceptible, et c'est devenu une formule pour interroger sur Littré (s. v. où, 6 ° ) estimait e n c o r e q u e « l ' u s a g e
la cause 0 3 : D'OÙ VIENT, reprit-il, QUE vous n ' êtes pas venue chez p e r m e t d e dire D'o ù vie n t fait es - vo us cela ? » —
D'o ù vie n t « p o u r q u o i » e s t e n t o u t c a s a t t e s t é
moi ? (FLAUB., Mme Bov., III, 7.) — D'OÙ VIENT qu ' on ne s' en soit pas d a n s les p a t o i s : cf. W a r t b u r g , t. XIV, p. 2 4 0 (wal-
aperçu ? (Dict. contemp.) lon, n o r m a n d , t o u r a n g e a u , b o u r g u i g n o n ) .
Interrogation e t m o d e du verbe.
La phrase interrogative n'a pas de mode spécifique.
On emploie d'ordinaire l'indicatif (dans lequel se place le
conditionnel) :
ES - t u contente ? Quand le soleil
R E V I E N D R A - t - i l ? S E R A I T - c e trop tard ?
Où vas- tu ?
D'autre part, l'intonation montante n'apparaît pas uniquement dans des
phrases interrogatives. Les phrases suspendues se terminent aussi sur une
note haute. Il est vrai que la phrase interrogative est en quelque sorte une
phrase suspendue, puisque la réponse est censée la compléter. Q M U S REMARQUE
D'autres traits phonétiques peuvent jouer un
b) D a n s la langue écrite, la phrase interrogative se termine par un rôle : la longueur des voyelles finales notamment.
Mais c'est surtout la situation et le contexte qui
point d'interrogation :
éclairent l'auditeur sur les intentions du locuteur.
Depuis quand [...] nos désirs seraient-ils devenus une mesure du Réel ? Et, du
reste, comment ferait le Réel pour se plier à la multiplicité contradictoire de nos
désirs ? (TEILHARD DE CHARDIN, Apparition de l' Homme, p. 359.) — La
rumeur chuchotait que pour eux (pour eux seulement ?) le Seigneur était tellement
plus près des morts que des vivants... (MALRAUX, Antimémoires, p. 74.)
Notons (cf. §§ 120-122) 1) que le point d'interrogation peut manquer
notamment quand la valeur interrogative de l'expression s'est effacée ; —
2) que des points d'interrogation sont introduits par certains auteurs alors
qu'il ne s'agit pas de phrases interrogatives ; — 3) que le point d'interrogation
est placé par certains à un autre endroit qu'à la fin de la phrase interrogative.
Dans le cas de l'interrogation fictive à valeur d'hypothèse, l'effacement de
la valeur interrogative peut être tel que le lien logique entre les phrases est
transformé en lien grammatical et que la seconde phrase est transformée en
proposition introduite par que (cf. § 1121, a) : Partait-il seul pour Paris Qu ' elle
s' empressait de prévenir Mme Marliani (MAUROIS, Lélia, p. 321).
I I B I HISTORIQUE. Inversion du p r o n om personnel sujet, de ce, on. d
Voir § 3 9 6 , H1.
Lorsque le sujet est un p r o n o m personnel (y compris il imper-
Certains verbes impersonnels se construisent
sonnel O I ) , ce ou on, la langue soignée, surtout écrite, marque l'inter-
s a n s il : Q u e vo us e n se m ble ? Q u'i m p ort e ?— rogation par l'inversion du sujet E 3 :
Q u e me sert de re p re n d re c e jo urn al [...] ?
Comprenez-VOUS ? Pleut-U. ? Est-CE possible ? Où vas-TU ? Quand part-ON ? — Et
(GIDE, jo urn al, 2 0 sept. 1 9 1 7 . ) - Com ment
va ? — D'o ù vie n t q u e... ? V o i r 2 3 5 , a.
que suis-JE donc moi-même, si ce n ' est un travailleur ? Qu 'ai-JE eu de meilleur en ce monde ?
( M l C H E L E T , Insecte, Introd., I.) — Se souvient-ON d' un nuage ? ( M A U P A S S . , Pierre et
I RAI R E M A R Q U E Jean, V . ) — À quelle heure a v o m - N O U S un train pour rentrer ? ( C É L I N E , Voy. au bout de
L e il q u i suit l e v e r b e d o i t ê t r e r é p é t é d a n s l e s
la nuit, F°, p. 512.) — Peut-ON dire d' une langue qu ' elle est belle ? (A. M A R T I N E T , Français
i n t e r r o g a t i o n s c o o r d o n n é e s : Vie n d ra - t - il et
sans fard, p. 46.) — Y a-t-lL une écriture poétique ? ( B A R T H E S , Degré zéro de l' écriture, 1,4.)
n o us a p p ort era -T-IL so n ca d e a u ?
Si l ' i n t e r r o g a t i o n c o o r d o n n é e e s t i n t r o d u i t e
Si le verbe est à un temps composé ou au passif, le pronom se met après l'auxi-
p a r o u si ( § 3 8 9 , b), le p r o n o m n ' y s u b i t p a s liaire être ou avoir : Avez-VOUS terminé votre lecture ? Serait-IL tombé de cheval ? Êtait-
l'inversion : Vie n d ra - t - il lui - m ê m e ou S'IL E L L E convaincue par votre raisonnement ? Après le premier auxiliaire s'il y en a plus
e nverra s o n re m plaça n t ? d'un : Avait-Il. été convaincu ? Avez-VOUS eu fini à temps ?
Dans certaines formules, l'inversion appartient à la langue courante. C'est la
construction normale pour : Plaît-IL ? (Pour faire répéter.) N ' est-CE pas ? Est-CE
que ... ? En veux-Tu en voilà (cf. § 121, c), Qu ' est-CE à dire ? Les autres tours sont
impossibles avec ces expressions : *Il plait ? *Est-ce qu 'il plaît ? etc.
Restent fréquentes des formules comme : Quelle heure est-IL ? Comment allez-
vous ? Voulez-VOUS... ? Que dis-JE ? Que sais-JE ? etc.
L'inversion appartient aussi à la langue ordinaire dans certaines régions :
Wallonie (cf. Pohl, p. 185 ; comp. pour le wallon Remacle, 1.1, pp. 260-261), Nor-
mandie (cf. Fr. Bar, dans le Fr. mod., oct. 1958, p. 249), notamment, mais en concur-
rence avec les autres procédés.
L a construction avec inversion n'est pas admise par l'usage
1. À la l r e personne du singulier des indicatifs présents qui ne se
terminent pas par e : *Meurs-je ? *Cours-je ? *Finis-je ? — à
l'exception de certains verbes très courants : Puis-je ? Vais-je ?
etc. Voir la liste au § 794, e, N. B.
2. À la plupart des temps composés de être quand le sujet est ce :
*A-ce été... ? *Ont-ce été... ? etc., ainsi qu'au passé simple,
3 e pers. du pluriel : *Furent-ce... ? Cf. § 702, e.
Dans ces deux cas, on doit recourir à une autre construction, notam-
ment à l'introducteur Est-ce que... ? (§ 397.)
L'inversion du pronom sujet entraîne certaines modifications dans la
forme du verbe.
• À la l r e personne du singulier, dans les verbes terminés par e,
cet e est remplacé par é avec accent aigu, malgré la prononcia-
tion [e] (il est vrai que cette construction, très littéraire, est
peu attestée dans le registre oral) : AlMÉ-je ? OUVRÉ-je ? (Ou
aimè-je ? etc.). Voir § 794, h.
On trouve parfois cette désinence appliquée à des formes qui ne se
terminent pas par e : "COUSÉ-je ? Mais cette façon de faire, quoique
ancienne, n'est pas considérée comme régulière. Voir § 794, e, N. B.
REMARQUE. • À la 3 e personne EU, la consonne ordinairement muette repa-
C e s faits trouvent aussi leur application q u a n d il, ils,
raît sous la forme de [t] lorsque le pronom commence par une
elle e t elles s o n t d e s p r o n o m s d e reprise ( § 3 9 6 ) .
voyelle: Que savait-il? [sAvetil] Que voient-ils? [vwAtil] Que
prend-on ? [pRâtô] Que sait-elle ? [setel]
Le t apparaît même, par analogie, lorsque le verbe est terminé
dans l'écriture par une voyelle (ce t s'écrit entre deux traits
d'union) : Aime-t-ïl ? [emtil] Qu 'a-t-elle ? [Atel] Où va-t-on ? [vAtô],
De même : Vainc-t-il ? [vêtil] — Voir les détails au § 7%, e, N. B.
Ex. plus ou moins ambigus : Quel appui cherchait son front .» (MAURIAC,
Fleuve de feu, IV.) — Quelles alliances concluront nos entreprises avec des firmes
étrangères .» ( R a y m . AR ON, d a n s l'Express, 2 7 a o û t 1 9 8 2 . ) — Quels prêtres pour-
ront bien faire ces romantiques en ébullition .» (GREEN, Vers l'invisible, p. 388.) —
Quelle procédure d' observation permit la théorie de la grammaire comparée .»
( G . BERGOUNIOUX, d a n s Langue fr., s e p t . 1 9 8 4 , p. 9 . )
Il y a des cas où le sens de la phrase indique nettement quel est le sujet et
quel est l'objet : Quel âge a mon oncle .» (PROUST, Les plaisirs et les jours, p. 21.) —
Quel crime a commis sa mère .» (ÉLUARD, Nécessités de la vie, Montre avec décors.)
L'inversion du sujet nominal (2° et 4°) est souvent considérée, par les usa-
gers comme peu naturelle quand le syntagme verbal a une certaine longueur :
copule + adj. attribut, verbe + objet indirect ou autre complément, locution
verbale comme aller à cheval, verbe + infinitif, etc. On préfère le tour sans
inversion et avec reprise, s'il est possible (b, 4°) :
Comment UN SI PETIT ÉVÉNEMENT a-t -IL bien pu être capable de renouveler
biologiquement la face de la Terre »... (TEILHARD DE CHARDIN, Apparition de
l' Homme, p. 195.) — Comment KYO se fût-IL mépris au son de sa voix.»
(MALRAUX, Condition hum., p . 6 0 . ) — Par quel miracle CES DEMI-FOUS, PRI-
SONNIERS D'UN RÊVE, CES DORMEURS ÉVEILLÉS [les m o i n e s ] semblent-ILS
entrer plus avant chaque jour dans l'intelligence des misères d'autrui.» (BERNA-
NOS, Journal d' un curé de camp., Pl., p. 1112.) — Quel scandale CE PETIT
MENEUR nepourrait-lLpoint déclencher.» (H. BAZIN, Vipère au poing, XIV.) —
Pour quelle raison VOTRE VOISIN prétend-IL que ce terrain lui appartient ? Quand
PIERRE a-t-lL appris que son père était mort ?
Si le tour sujet + verbe + pronom de reprise est impossible, on recourt à
l'introducteur est-ce que : cf. § 397.
Toutefois la langue littéraire ne rejette pas toujours la forme avec inver-
sion, surtout quand le sujet a lui-même une certaine longueur :
Comment ne serait pas malheureux UN ENFANT SANS PÈRE » (GLDE, Gene-
viève, II.) — Comment peuvent peser DES CHOSES QUI N'EXISTENT PAS !
(IONESCO, Rhinocéros, p. 25.) — Où donc ont eu lieu VOS LIBATIONS cette nuit.»
(Ib., p. 13.) [Remarquer la place du sujet, après la locution verbale, et non juste
a p r è s le v e r b e . ] — D ' où avait pu me venir C E TTE PUISSANTE JOIE » ( P R O U S T ,
Rech., 1.1, p . 4 5 . ) — D ' où peut venir C E TTE RÉPUGNANCE PROFONDE POUR
T O U T CE QUI TI E N T À L'HOMME » (LAUTR ÉAMONT, Mald., p. 9 8 . )
E U E 2 3 HISTORIQUE f p p | L'introducteur est-ce que (ou ... qui). BU
Le r e n f o r c e m e n t d e s m o t s interrogatifs au m o y e n
d e e s t - c e q u e apparaît d è s le XII e s. : Que / EST ÇO JJ)
Dans l'interrogation globale, est-ce que se met en tête de la
[...] QUE faire d evum [= d e v o n s ] ? (Livres d es Rois,
dans To b l e r - L o m m a t z s c h , III, 1461.) C ertains phrase, et le sujet précède le verbe, sans être repris par un pro-
g r a m m a i r i e n s refusent d e c o n s i d é r e r q u'est - ce nom personnel :
q ui, q u'est - ce q u e c o m m e d e s locutions i n d é c o m -
p o s a b l e s e n a n c . fr. : « Le v e r b e estre y retient EST-CE QUE tu connais la nouvelle ? EST-CE QUE la séance est finie ? — EST-
t o u t e s a f o r c e , e t le t o u r e x p r i m e t o u j o u r s indigna- CE QUE la fille de Mmc Swann était à ce dîner ? (PROUST, Rech., 1.I, p. 476.)
tion, surprise, admiration, curiosité vive, e t c . »
Dans la langue parlée courante, cette construction est beaucoup plus
(Foulet, § 2 6 7 . ) C e l a n e n o u s paraît pas t o u j o u r s
évident.
fréquente que l'inversion ou la reprise du sujet, mais elle est très fortement
Le latin vulgaire connaissait d é j à d e s périphrases concurrencée par l'interrogation marquée par l'intonation seule (cf. § 399).
a n a l o g u e s , par ex. c h e z PLAUTE : Quis EA EST QUAM
Est-ce que n'est pas utilisé avec les interrogations ne contenant pas un verbe
u/s d ucere m ulierem ? (A ulularia, 7 0 . ) [Qui e s t - c e
q u e tu veux é p o u s e r ?] e t d a n s la V u l g a t e : QUID conjugué. Une exception, avec voilà négatif (comp. § 395, H2), d'ailleurs peu
EST QUOD m e q u a ere b a tis ? (Luc, 11, 9 . ) [Pourquoi attestée : EST-CE QUE ne voilà pas de la pourpre ? (HUGO, H. qui rit, II, II, 11.)
e s t - c e q u e v o u s m e c h e r c h i e z ?] — QUID EST HOC
QUOD ditit n o bis ? ( J e a n , XVI, 1 7 . ) [ Q u ' e s t - c e qu'il b) Dans l'interrogation partielle, est-ce que (ou ... qui) se place
n o u s dit ?]
après l'interrogatif.
D a n s l'interrogation g l o b a l e , e s t - c e q u e n e d a t e
q u e du XVI e s. (du XIV e , dit C a m i l l s c h e g p. 5 5 7 , Il n'est pas accepté après quoi sujet et objet direct, après qui et quel
mais sans ex. à l'appui) : EST-CE QUE l'arg u m e n t / D e attributs, ni non plus lorsque le verbe est à l'infinitif (Où aller ?).
cest e fa ble e ncore n'ave z sce u ? (JODELLE, Eu g è n e
[ 1 5 5 2 ] , cit. Foulet, d a n s Ro m a nia, 1 9 2 1 , p. 2 6 5 . ) 1 ° Si l'interrogatif est sujet, on le fait suivre de est-ce qui ;
Est-ce était s o u v e n t inanalysé, d ' o ù l ' o r t h o g r a p h e
esse, a s s e z c o u r a n t e au M o y e n  g e : QU'ESSE q u e
Qu ' EST-CE QUI est préférable ? Qui EST-CE QUI partira le premier !
d eve n d ray ? (Ro m a n d u ch ast elain d e C o u c y , cit. 2°
To b l e r - L o m m a t z s c h , III, 1 4 6 2 . ) — O u ESSE q u'il
Si l'interrogatif n'est pas sujet (ou est sujet logique ou réel d'un
tie n t so n m esn aig e ? (GRÉBAN, Passio n, 1 1 6 0 0 . ) — verbe impersonnel), on le fait suivre de est-ce que.
[Comparez: ESCE q u'u n co u p d' œ il de vo us
n'i m p ose p as sile nce a u x s o t s ? (VOLT., C orresp ,
» Quand le sujet est un pronom personnel ou ce ou on, le sujet
1 5 janv. 1 7 3 7 . ) ] est placé devant le verbe :
To u t e f o i s le t e m p s du v e r b e varie j u s q u ' a u d é b u t Qu ' est-ce que TU as vu ? Qui est-ce qu ' ON a élu ? Qu ' est-ce qu 'ïhfaut ?
du XVII e s. : *Mo n D ie u, m o n D ie u, q u a n d SERA-
Avec qui est-ce que NOUS travaillerons ? Quand est-ce qu 'lLpleuvra ? Où
c e / Q u e m es ye u x verro n t t a face ? (CONRART, cit.
R e n c h o n , p. 1 5 5 . ) — N o t o n s d é j à pour tant au
est-ce que C' est arrivé ? Quel bouton est-ce qu 'lL manque ? — Pourquoi
M o y e n  g e : O u EST c e q u e n o us verro ns D ie u ? est-ce que VOUS ne vous fiancez pas tout de suite ? (GIDE, Porte étr., II.)
(C e n t n o uv. n o uv., LXIII.) • Les autres sujets E U peuvent être mis avant ou après le verbe :
HJOH EllEI REMARQUE Qu ' est-ce que pense VOTRE PÈRE '. ou Qu ' est-ce que VOTRE PÈRE pense ?
L e su je t r é e l suit le v e r b e : O ù est - ce qu 'il Où est-ce que se trouve LA SORTIE ? ou Où est-ce que LA SORTIE se
manque UN BOUTON ?
trouve ? Avec qui est-ce que travaille NICOLE DUPONT ou Avec qui est-
• I W W E E È HISTORIQUE ce que NICOLE DUPONT travaille ?
V o i r un ex. d e P a s c a l d a n s H4.
La langue parlée ordinaire préfère l'ordre sujet + verbe. L'autre
E U E F H REMARQUE tour est plus distingué, comme le montrent ces ex. :
Si le s u j e t est p l a c é a v a n t le v e r b e , il n ' e s t p a s
Mais qu ' est-ce que prouve UNE CHANSON ? (MUSSET, Barberine, III, 2.) —
repris par un p r o n o m p e r s o n n e l h a b i t u e l l e m e n t .
Les ex. suivants s e m b l e n t ê t r e d e s i m p l e s inad-
Qu ' est-ce que m'apprendraient CES FAMEUX JOURNAUX ? (FLAUB., Corresp., 1.1,
vertances : ° Q u'e s t - c e que le ré d act e ur d e la p. 136.) — Qu ' est-ce que signifie MENTALITÉ ? (HERMANT, Samedis de
ru b riq u e d es ch a ts écrasés e n t e n d - IL p ar un M. Lancelot, p. 143.) — Qu ' est-ce que préparent LES ALLEMANDS ? (F. GREGH,
p achy d er m e ? (IONESCO, Rhin océros, p. 4 7 . ) — Age de fer, p. 178.) — Qu ' est-ce que fait CET HOMME ? (Ac. 1932, s. v. faire.) O
" C o m m e n t est - ce q u'u n g e n d ar m e d o n t o n n o us
dit q u e c'est u n h o m m e co m m e u n a u tre, cert es, L'ordre sujet + verbe s'impose dans les cas signalés dans le § 396
p e u t - n faire u n e vierg e a ussi frêle e t tre m bla n t e ? (b, 4°, ainsi que c) : quand le sujet est cela, ça ; quand le verbe est
(D. BOULANGER, En fa n t d e b o h è m e, p. 9 6 . ) accompagné d'un syntagme nominal attribut ou complément essen-
E U E E 3 HISTORIQUE tiel direct (autre qu'un nom accompagné d'un déterminant interroga-
Q u a n d d e u x i n t e r r o g a t i o n s s o n t j o i n t e s par u n e tif, puisque alors il est en tête) ; d'une façon moins nette, quand le
c o n j o n c t i o n d e c o o r d i n a t i o n , si la p r e m i è r e e s t
syntagme verbal a une certaine longueur. [ 3
introduite p a r est - ce q u e, la s e c o n d e pouvait
l'être s e u l e m e n t par q u e : *Est - ce que ce tt e Qu ' est-ce que CELA prouve ? (CAMUS, Chute, p. 15.) — Qu ' est-ce que ÇA te
cré a nce est p e u i m p ort a n t e e t QUE vous a b a n - prouve ? (COLETTE, Chéri, M. L. F., p. 36.)
donnez à la lib ert é d es h o m m es d e croire q u e la
Quand est-ce que VOTRE CLIENT emportera la marchandise ? Pourquoi est-
grâce e fficace est n écessaire o u n o n ? (PASCAL,
Prov., II.) — C e l a est d e v e n u rare : Est - ce que
ce que CE CONDUCTEUR est un fou dangereux ? — Où est-ce que M M E SWANN a
c'est bie n dig n e d e vo us ? e t Q u'il y a b esoin avec pu aller pêcher tout ce monde-là ? (PROUST, Rech., 1.1, p. 483.)
une fe m m e d e q u elq u e ch ose d e si sole n n el et Quand est-ce que LE CULTIVATEUR va encore à cheval ? Comment est-ce que
série u x ? (CLAUDEL, Part a g e d e m idi, p. 1 2 3 . ) VOTRE MÈRE admettrait que vous rentriez si tard ?
E î l E ! 3 HISTORIQUE ..
À l ' é p o q u e classique, e s t - c e q u e se t r o u v e d a n s
Observations sur est-ce que. SU
les g e n r e s les plus n o b l e s : * QU'EST-CE QUE d e m a n - 1 ° Ces tours avec est-ce que (interrogation globale et interrogation
d e n t les si m o nia q u es, sin o n d'avoir d e l'arg e n t e n
partielle) sont souvent considérés comme peu élégants et lourds. Ils
d o n n a n t le urs b é n é fices ? (PASCAL, Prov., XII.) — Et
q u'EST-CE QUE sa ve u ë a p o ur vo us d e f u n est e ? sont très anciens pourtant, et les classiques ne les rebutaient pas. E S
(RAC., A n d r., II, 1 ,) — A h ! QU'EST-CE QUE j'e n t e ns ? Ils se rencontrent parfois dans la langue littéraire la plus élaborée,
mais moins souvent aujourd'hui qu'hier, semble-t-il. Ex., outre ceux (ID., Mit hr., IV, 6.) — *D e q u oi FST-CE Qu'il s'e n tre -
qui sont cités dans d'autres endroits de ce § 397 : tie n t avec Moïse e t Élie ? (Boss., Œ uvres ora t., t. III,
p. 2 5 7 . ) — De t a n t d'o pinio ns diff ére n t es la q u elle
Interrog. globales : EST-CE QUE le Mont-Blanc ne va pas se lever ? (HUGO, EST-CE QUI VOUS plaist le plus ? (BOUIIOURS, En tre -
Lég., X X X I , 2.) — EST-CE QUE toutes les femmes, toutes, n ' ont pas cette faculté tie ns d'A rist e et d'Eu g è n e, I.) - Q ui EST-CE QUI
d' oubli prodigieuse [...]» (MAUPASS., Pierre et Jean, V.) — EST-CE QUE cet p ayera t o u t cela ? (MONTESQ., L. p ers., XLV.) - * EST-
homme voudrait être riche ? Voudrait-il être ministre ? (J. RENARD, Journal, CE QUE le m o t est d e l'Écrit ure ? (PASCAL, Prov., I.) -
EST-CE QUE d e Ba al le z ele vo us tra nsp ort e ? (RAC,
1er déc. 1904.) [Comp. les deux interrogations.] — EST-CE QUE M. Lancelot ne
A t h., III, 3.) — EST-CE QUE les fra nçais n'ai m e n t p oin t
vous les dit pas ? (HERMANT, Xavier, 1923, p. 82.) — EST-CE QUE la littérature la vie? (VOIT., Le ttres p hil., XI.) - Vaugelas
n 'allait pas m' en détourner ? (BEAUVOIR, Mém. d' une jeune fille rangée, p. 249.) (p. * 4 5 8 ) trouvait Q u a n d est - ce q u'il vie n d ra ?une
— EST-CE QUE tout cela garde un sens, un charme, un mystère pour d'autres que façon de parler « fort bonne », tout en reconnais-
pour moi-même ? (MAURIAC, Œuvres compl., t. IV, p. II.) — EST-CE QUE nous sant que certains la condamnaient.
Le succès de est-ce q u e s'explique par le fait que
devons supposer qu ' elle [= l'Église] a erré pendant deux mille ans ? (GREEN, Jour-
cet introducteur permet d'indiquer dès le début
nal, 14 oct. 1969.) — EST-CE Qu 'il ne conviendra pas [...] de les reconnaître de la phrase qu'elle est interrogative et par le fait
[ . . . ] ? ( D R U O N , Circonstances, t. II, p. 2 7 4 . ) qu'elle sauvegarde l'ordre sujet + verbe ; le fran-
Interrog. partielles : Qu'EST-CE QUE tout cela deviendra ? (CHAT., Mém., çais n'a cessé, en effet, depuis les origines, de
III, II, IX, 1.) — A qui EST-CE QUE tout succède selon sa volonté ? (Imitation de réduire le nombre des inversions.
Renchon, p. 174.) — Où donc que tu vas comme ça, ma Julia, et quHST-C.E QUE C'est q u e (sans inversion) a v e c interrogatif est
a t t e s t é d è s l'anc. fr. : Q u e C'EST QUE vo us ave z
C ' E S T donc Q U E tu portes ? ( J o U H A N D E A U , Chaminadour, p. 369.)
vest u ? (CHRÉT. DE TR., Perc., éd. R., 8 6 1 . ) — Q u e
D'autres introducteurs de l'interrogation partielle, franchement C'EST Q U E tu dis ? (C h evalerie O gier, 1 0 6 4 8 . )
C e t e x t e du XVI e s. s e m b l e m o n t r e r la réduction
populaires, sont tenus pour incorrects par tous les grammairiens : 0c ' est
d e e s t - c e q u e à ce q u e : Mais p o ur q u oy 'ST-CE QUE
que ou ... qui, sans inversion de ce ; °cest-il [seti] que ou ...qui (cf. § 395) ; n e m'ava nce / D'e n trer le a ns [= là-dedans] m oy -
°ce que [ska] ou °ce qui [ski] ; °est-ce ; °que ou "qui ; °ce que c ' est que ou ... m es m e ? (BAIF, cit. H u g u e t , t. III, p. 7 3 4 . )
Le r e n f o r c e m e n t d e s interrogatifs par q u e n e s e m -
qui ; "que c ' est que ou... qui; °que c ' est-il [seti] que ou ...qui ; etc. EU Les
b l e p a s a t t e s t é avant le XVIII e s. : QUOI'QU' tout ça
auteurs les emploient pour rendre le parler du peuple (ou des enfants), ve u t dire ? (VADÉ, cit. R e n c h o n , p. 1 6 7 . ) — C ela
avec des graphies parfois variées : a p p u i e l'opinion d e c e u x qui v o i e n t d a n s q u e u n e
r é d u c t i o n d e e s t - c e q u e o u c'est q u e. O n trouve
Quoi C'EST donc Qu ' on me veut ? (DUHAMEL, Civilisation, L. D., p. 11.) — b i e n q u e c o m m e r e n f o r c e m e n t d e l'interrogatif
Où C'EST QUE vous êtes malades ? (CÉLINE, Voy. au bout de la nuit, F0, p. 113.) en a n c . fr., mais s e u l e m e n t d a n s l'interrogation
— Qui C'EST QUI a fait la loi ? (É. AjAR, Angoisse du roi Salomon, p. 142.) indir ecte : Savés co m m e n t QUE il a d vin t (Yso p e t,
Quand C'EST T'Y QUE tu vas reprendre le fusil de toile de ton grand-père [...]? cit. T o b l e r - L o m m a t z s c h , VIII, 3 6 ) . C e c i paraît s e
r a t t a c h e r à un autre p h é n o m è n e : le r enfor ce-
(PERGAUD, Guerre des boutons, I, 2.)
m e n t d e s c o n j o n c t i o n s par q u e (cf. § 1 0 7 9 , a, 4°).
OOSQUE t ' es ? (MAUPASS., C., Sabots.) — OUSQU'il court donc, l'Arthur ?
(G. CHEVALLIER, Clochemerle, L. P., p. 372.) — QUANCE QUI vient,
E U E B I HISTORIQUE
M. Renaud ? (WLLLY et COLETTE, Claud. en ménage, p. 217.)
L' inter r ogation s a n s a u t r e m a r q u e q u e l'intona-
QU'EST-CE tu fous dans le civil ? (R. BENJAMIN, Gaspard, I.) — QU 'ES' tu tion e s t t r è s a n c i e n n e . O n p e u t m ê m e r e m o n t e r
bois ? (CARCO, Jésus-la-Caille, III, 2.) j u s q u ' a u latin : Et interrogavit e u m Piia t us : T u e s
A qui QtJt ' en as donc, la Malgaigne ? (BARBEY D'AUR., Prêtre marié, XVI.) rex lu d a e oru m ? (V ulg a t e, M a r c , XV, 2 . ) IPila t e
— Comment Qu 'y va ? (MAUPASS., C., Vieux.) — De quel régiment QUE vous êtes, l'in t erro g e : « ES-TU le roi d es Juifs ? » (Trad. CRAM-
PON.)] M a i s le t o u r r e s t e fort rare e n a n c i e n e t
vous autres ? (DUHAMEL, Civilisation, L. D., p. 54.) — Par qui donc QUE vous
m o y e n fr ançais. Il s e m a n i f e s t e s u r t o u t d a n s d e s
l'avez eu ? (COLETTE, Chambre d'hôtel, p. 47.) — De quoi Qu ' on cause ? (QUE- phrases qui expriment l'étonnement plutôt
NEAU, Zazie dans le métro, VIII.) — Pourquoi Qu ' elle n ' écrit jamais ? [dit un q u ' u n e v é r i t a b l e i n t e r r o g a t i o n : Et TU le ve us faire
enfent] / -On dit-.pourquoin ' écrit-elle jamais ? (H. BAZIN, Vipère au poing, IV.) de [= d e toi-même, spontanément] ? / Che
Qui QUI vous a éreintés comme ça ? (R. BENJAMIN, Gaspard, III.) seroit gra ns a b usio ns [erreur] (ADAM LE BOSSU,
Je u d e la f e uillé e, 1 4 ) . — Q u e s t i o n v é r i t a b l e : T u
Pourquoi QU*C'EST QU'ils m'attendent ? (Ib., I.)
e s le p ro p h e t e ? - N o n suis (Jean MICHEL, Passio n,
La langue parlée négligée réduit aussi Est-ce que à [ska] dans l'interrogation 1 7 4 1 ) — Ex. c l a s s i q u e s : T u n e le ur p ort es p oin t à
globale : CE QUE c ' est des métiers à se servir d' un couteau ? (DORGELÈS, Croix de b oire ? (LA F., F., III, 7.) — Quoy, dit - il, sa ns m o urir
bois, X.) JE p er d ray ce tt e so m m e ? / JE n e m e p e n d ray
Pour C' est-il que dans l'interrogation globale, voir § 395. p as ? (Ib ., IX, 1 6 . ) — * V o u s vo ule z , ajo u t e Démo -
cè d e, voir m es est a m p es ?(LA BR., XIII, 2 . )
S e c t i o n 3
La phrase exclamative
m edu bibliographie. Généralités. El
J.-CI. MILNER, D e la syn t a x e à l'in t er p ré t a tio n,
P., Le Seuil, 1 9 7 8 . — J. GÉRARD, L'e x cla m a tio n a) La phrase exclamative (ou interjective) EU est, pour son con-
e n fra nçais, Tù b i n g e n , N i e m e y e r , 1 9 8 0 . —
tenu, analogue à la phrase énonciative : elle apporte une infor-
A. HENRY, Ét u d es d e syn t a x e e x p ressive,
pp. 1 2 5 - 1 5 4 . — LE BIDOIS, Inversio n, pp. 7 3 - 8 4 . mation. M a i s elle y ajoute une connotation affective. Elle n'est
pas objective, neutre, car elle inclut les sentiments du locuteur,
E U EDU remarque
D e la m ê m e f a ç o n q u ' o n distingue u n e inter- manifestés avec une force particulière. Elle est beaucoup plus
rogation indirecte, o n doit parler d ' u n e fréquente dans l'oral que dans l'écrit.
e x c l a m a t i o n in d irecte.
À Q u el b e a u sp ect acle t u as vu ! correspond Je sais
Souvent la phrase exclamative indique un haut degré :
q u el b e a u sp ect acle t u as vu, c o m m e à Q u el b e a u Qu 'il fait froid I — Il fait un de ces froids I
sp ect acle as - t u vu ? correspond Je d e m a n d e q u el
Mais elle peut exprimer aussi la surprise, la tristesse, la joie, etc.
b e a u sp ect acle t u as vu.
devant un fait qui n'est pas susceptible de degré :
Donc il est mort ! fit le Scapin, avec une intonation de surprise douloureuse
( G A U TI E R , Cap. Fracasse, VI). — Monsieur I Le grand Meaulnes est parti !
(ALAIN-FOURNIER, Gr. Meaulnes, I, 4.) — Je suis papa I
Mots exclamatifs.
a) Les adverbes de degré comme, combien (plus recherché), que, ce
E U D £ 3 REMAR QUE. que (familier), qu'est-ce que (très familier) EU, °comment que
Est - ce q u e i n t r o d u c t e u r d e la p h r a s e interro- (populaire) B J J .
gative ( § 3 9 7 ) appar aît parfois aussi d a n s la
COMME il aurait voulu connaître une femme, une vraie femme I (MAUPASS.,
p h r a s e e x c l a m a t i v e : Q u elle d rôle d e t ê t e EST-
CE QUE t u fais I (SCHLUMBERGER, Sain t - Sa t urnin, Pierre et Jean, III.) — COMBIEN il se sentait petit, débile, écrasé ! (BARRÉS, Dérac.,
Œ u v r e s c o m p l . , t. IV, p. 2 3 4 . ) XIX.) — COMBIEN j'ai douce souvenance / Du joli lieu de ma naissance ! (CHAT.,
Av. du dernier Abenc., Pl., p. 1392.) — Dieu I QUE le son du Cor est triste au fond
K H I E U H IS T O R I Q UE des bois ! (VLGNY, Poèmes ant. et mod., Cor.) — C E QUE cela [= la pluie] tombe !
Comment s'est employé parfois dans l'exclama-
[dit la tante Léonie] (PR OUST, Rech., 1.1, p. 102.) — QU'EST-CE qu ' elle a dû pleu-
tion indirecte : Vous n e sça urie z croire COMMENT
l'erre ur s'est resp a n d u ë, e t d e q u elle faço n ch a - rer quand elle a appris la mort de son garçon I [dit la servante Françoise] (Ib., t. III,
cu n est e n dia blé à m e croire h a bile H o m m e p. 849.) — COMMENT QU"ils nous ont eus ! (SARTRE, Mort dans l'âme, cit. Henry.)
(MOL., Mé d . m . /., III, 1). - II ne doit pas y avoir
Dans une langue assez recherchée, combien et, plus rarement, que
de rapport avec Et co m m e n t I qui, dans la lan-
gue familière d'aujourd'hui, marque l'intensité peuvent être rapprochés de l'adjectif ou de l'adverbe auxquels ils se
et porte sur la phrase pr écédent e : II é t ale sa rapportent :
rich esse, ET COMMENT ! ( A c 2 0 0 1 ). D'ordinaire,
COMBIENfacilement la vie se reforme, se referme I (GlDEjournal, 16 sept. 1914.)
l'interlocuteur c h a n g e : cf. 1108, b .
— COMBIEN naïves et paysannes en comparaison sembleraient les églantines [...]!
(PROUST, Rech., 1.1, p. 138.) — Q U E différente fut cette rentrée de celle de lundi I
(PERGAUD, Guerre des boutons, 1,5.) — Et QUE peu ilyena I (GIONO, Regain, II, 3.)
Avec comme, ce que, qu ' est-ce que, l'adjectif ou l'adverbe auxquels ils se rappor-
tent occupent toujours la place qu'ils auraient eue dans une phrase énonciative et
sont donc séparés de l'adverbe exdamatif : COMME vous êtes JOLIE ! C E QUE VOHS
êtes JOLIE I QU'EST-CE QUE VOUS êtes J O U E !
I M l
Place des m o t s e x d a m a t i f s .
Les mots exclamatifs énumérés dans le § 402 ou les syntagmes
D E I REMARQUE. dont ces mots font partie sont d'ordinaire en tête de la phrase O :
L o r s q u e n o u s d i s o n s « e n t ê t e d e la p h r a s e »,
n o u s n é g l i g e o n s d e s é l é m e n t s qui p o u r r a i e n t
Qu 'il est beau ! C O M M E je l'aime ! C E QUE tu me plais ! COMBIEN sont morts
aussi précéder le sujet dans une phrase
déjà ! QUE DE fois je suis passé par là I
ordinaire : é l é m e n t s d é t a c h é s , c o m m e com- Il arrive cependant que le mot exdamatif soit en tête d'un syntagme coor-
plément circonstanciel, c o m p l é m e n t essen- donné ou d'un complément non essentiel du verbe : Vous n ' êtes plus qu ' un homme, et
tiel ( o r d i n a i r e m e n t r e p r i s à s a p l a c e h a b i t u e l l e
C O M B I E N laid . ' . . . ( G H E L D E R O D E , Théâtre, 1943, p. 66.) — Il travaille, avec Q U E L L E
p a r un p r o n o m p e r s o n n e l ) , s u j e t r e p r i s à s a
ardeur ! — On peut considérer qu'il s'agit de sous-phrases exdamatives coordonnées
place par un p r o n o m personnel ; mot en
apostrophe, etc.
à des énonciatives. — Voir aussi § 400, c et R5.
Q U A N D NOTRE B O N H E U R N'EST PLUS DANS LEURS MAINS,
On mettra les ex. suivants au rang desfantaisiesd'un poète : Et tu m'as QUELS
d e q u el cal m e, d e q u elle aisa nce, d e q u elle h ar - soins indulgents I (VERL., Chans. pour elle, I.) — Les femmes te verront grand jeune
diesse o n jo uit a u p rès d'e u x ! (PROUST, Rech., 1 . 1 , homme très fort, /[...]/ Très désirable d' une indolence Qu'osée .' (ID., Dédicaces, LVI.)
p . 3 1 9 . ) — Et CETTE CIGARETTE Q U E L ' O N V O U S A D O N -
NÉE, / V o u s QUI NE FUMEZ PAS, co m m e vo us l'ave z
ach evé e avec d évo tio n I (CLAUDEL, Part a g e d e m idi,
E 3 Place du sujet dans la phrase exclamative.
p. 2 0 . ) — Et LA MER, co m m e elle sa u t ait sur n o us, la
p aïe n n e !(lb ., p. 2 8 .)—A h / MA SŒUR, co m m e vo us
a) Il n'y a pas de mot exclamatif.
ê t es h u m ain e I (MONTHERL., P. - Royal, p. 9 7 . )
1° D'une façon générale, si le sujet est un pronom personnel, ce ou
• REMARQUE on, il peut être placé après le verbe EU.
Sur les modificat ions m o r p h o l o g i q u e s q u ' e n -
Ê s t - E L L E gentille ! ( L A B I C H E , Deux timides, XIII.) — EstCE bête, les
t r a î n e la p o s t p o s i t i o n d u p r o n o m e t s u r c e r -
convenances ! ( F L A U B . , Éduc., II, 5.) — Vous n ' êtes pas mal encore, savez-VOUS !
t a i n e s r e s t r i c t i o n s q u i la f r a p p e n t , v o i r § 3 8 3 ,
( G I D E , Caves du Vat., V, 5.) [Cf. § 121, c.] — Hélas ! ai-JE été maladroit !
b , 4 ° . — D ' a u t r e p a r t , si le v e r b e a u n e f o r m e
c o m p o s é e , l e p r o n o m s e p l a c e e n t r e l' auxi- ( B E D E L Jérôme 60 "lat. nord, VI.)
liaire e t le p a r t i c i p e . On pourrait aussi, avec le ton de l'exclamative, dire : ELLE est gentille !
C' est bête, les convenances !
Si le sujet n'est pas un pronom personnel, ce ou on, il se place
devant le verbe :
T O U T est perdu ! — LE P R O G R È S , ma parole d'honneur, marche à pas de
tortue ! (FLAUB., Mmc Bov., III, 7.) — ÇA te presse à ce point-là ! (COLETTE, Blé
en herbe, XV.)
Il est parfois repris par un pronom personnel placé après le verbe (plus
rarement que dans la phrase interrogative : § 396, a) : Les hommes sont-IIS
bêtes I —Jusqu ' où l'imagination des femmes peut-ELhE les aveugler sur l'amour
viril ! (LoufS, La femme et le pantin, XIV.)
2° Lorsque l'adjectif attribut est en tête (tour de la langue écrite)
[comp. § 3 8 5 et R l ] ,
• Le sujet autre qu'un pronom personnel, ce ou on est placé après la
copule : Si lointaine était MA RUE [sans point d'exclam.] (SABATIER,
Trois sucettes à la menthe, p. 7).
• Le pronom personnel, ce et on sont placés après la copule dans le style
biblique : Heureux es-TU, Simon Bar-Iona ! (Bible, trad. OSTY-TR INQUET,
Matth., XVI, 17.) — Bienheureux serez-VOUS quand on vous haïra [...] !
(Bible de Maredsous, Luc, VI, 22)
b) Il y a un m o t exclamatif.
• Noms suivis d'une relative : Insensé que tu es ! Votre lait qui bout ! Cf.
§ 412, b. — Syntagme prépositionnel suivi d'une relative : Si du
moins il se passait des choses. [... ] Depuis le temps qu ' on est soi-disant en
révolution ! et puis rien ne bouge (BEAUVOIR, Mandarins, p. 19). Cf.
§§ 717, d, 2" ; 1059, a, 1°.
Après tout, nous n ' étions pas SI intimes ! (MAURIAC, Anges noirs, Prolo-
gue.) — Bêcher ça me paraît TELLEMENT beau ! On est TELLEMENT libre quand
on bêche ! (SAINT EXUPÉRY, Terre des hommes, II, 2.) — Il y a TANT à faire
pour sortir la France de l'abîme et un homme et un chef comme vous peut jouer un
TEL rôle dans le redressement ! (DE GAULLE, lettre au général Catroux, dans
Mém. de guerre, 1.1, p. 342.)
Section 4
La phrase injonctive
K H I 3 | BIBLIOGRAPHIE. Généralités. •
L. WAINSTEIN, L'e x p ressio n du co m m a n d e -
ment d a ns le fra nçais act u el, Helsinki, S o c i é t é Par la phrase injonctive U on demande la réalisation ou la non-
néophilologique, 1949. réalisation d'un acte à un être animé (ou à une chose que l'on personni-
H H E U S REMARQUE fie). Elle concerne aussi bien l'ordre que la demande, le conseil, la prière.
L ' i n j o n c t i o n p e u t aussi ê t r e i n d i r e c t e (cf. § 4 2 2 ) :
]e vo us p rie d e vo us t aire. — Je d e m a n d e q u e l'o n
Sortez. — Prête-moi ta plume. — Fuyez les flatteurs. — Veuillez me tenir la
f er m e la p ort e. — D é f e nse d'e n trer. — Prière de porte. — Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour (Pater). [Les croyants traitent
s'a d resser au co ncierg e. Dieu comme une personne.] — Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille
O n p e u t aussi r e c o u r i r à d e s p h r a s e s interrogati- ( B A U D E L . , Fl. du m., Recueillement).
ves pour exprimer l'injonction : V o ule z - vo us
vo us t aire ? — à des phrases énonciatives,
Elle est marquée d'habitude par une intonation descendante :
n o t a m m e n t au futur : Le bie n d'a u trui t u n e p re n - On peut y joindre la phrase optative (§ 408) et la phrase interpellative (§ 409).
d ras (version t r a d i t i o n n e l l e du D é c a l o g u e ) . V o i r
§ § 8 8 0 , b, 1 ° ; 8 8 7 , b, 1
Pre- livre.
REMARQUE. t ï ï t l Formes de la phrase injonctive.
Q u a n d , a v e c un i m p é r a t i f , o n v e u t d é s i g n e r
l'agent, on recourt au m o t e n apostrophe
a) La forme la plus ordinaire est l'impératif sans sujet B l BU
( § 3 7 6 ) : POÈTE, p re n ds t o n lu t h (MUSSET, Po és. 1° L'impératif n'existe qu'à trois des six personnes verbales : La
n o uv., Nuit d e mai). 2 e personne du singulier, par laquelle on s'adresse à l'interlocuteur ;
E U E U S HIST ORIQUE — la l r e personne du pluriel, par laquelle le locuteur s'associe (parfois
Le p r o n o m sujet est p e u utile, p u i s q u e la situa- fictivement : § 655, a, 2°) à un ou à des interlocuteurs ; — la
tion c o m m e les f o r m e s du v e r b e indiquent claire-
m e n t à qui l'on s ' a d r e s s e . C e p e n d a n t , l ' a n c i e n n e
2 e personne du pluriel, par laquelle on s'adresse à plusieurs interlocu-
l a n g u e pouvait e x p r i m e r le p r o n o m p e r s o n n e l : teurs, ou à un interlocuteur qu'on vouvoie :
E ! reis celest e, TU n us i fai ve nir [= Eh, roi c é l e s t e , Pierre, va-t ' en. —Je lui ai dit : « Partons tout de suite. » — Mesdemoiselles,
fais-nous-y (= au paradis) venir) ( A l e x i s , 3 3 5 ) . —
asseyez-vous. — Entrez, Madame.
Jel t e di e t TU l'e n t e ns - . / g ar d e t oi d es so u d uia ns
[= traîtres] ( A u c a s s i n e t Nie, XV). - C e pronom Le locuteur peut en quelque sorte se dédoubler et s'adresser à lui-
sujet s ' est m a i n t e n u j u s q u ' a u XVIII e s. d a n s les même une injonction. Il a le choix entre les trois personnes :
f o r m u l e s d e b i e n v e n u e , q u e l'on r a t t a c h e r a plu-
tôt aux p h r a s e s o p t a t i v e s ( § 4 0 8 ) : V o u s s o y e z le N ' écrire jamais rien qui de soi ne sortit, / Et modeste d'ailleurs, se dire, mon
bie n ve n u, sire (Pa t h elin, 1 2 1 7 ) . - Tu sois le bie n petit, / Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles ( E . R O S T A N D , Cyr,
ve n u (RONSARD, éd. L., t. X, p. 5 2 ) . - *La rein e lui II, 8). — Justin, entrant à pas de loup. Monsieur dort encore... ne le
dit : Mo nsie ur d e Sully, v o u s soye z le bie nve n u R É V E I L L O N S pas ( L A B I C H E , Affaire de la rue de Lourcine, I . ) —Je me suis dit :
(MALHERBE, t. III, p. 4 6 6 ) . - *Tu sois la bie nve n u e,
Mon ami, SOYEZ prudent. — Voir aussi c, ci-dessous.
Lise tt e ! (LESAGE, T urcare t, II, 7.)
L'impératif est fréquemment adouci par l'emploi d'une périphrase
REMARQUE.
de politesse ou de déférence :
Suivie d ' u n e autre p h r a s e ( s o u v e n t é n o n c i a -
tive) qui e s t c o o r d o n n é e , la p h r a s e conte- V E U I L L E Z VOUS asseoir. F A I T E S - M O I LE P L A I S I R D E m'accompagner. D A I -
nant un impératif (elle devient une sous- GNEZ recevoir mes hommages.
p h r a s e ) p e u t p r e n d r e la v a l e u r d ' u n e p r o p o - Les phrases à l'impératif se terminent le plus souvent par un point
s i t i o n c o n d i t i o n n e l l e . C ' e s t un i m p é r a t i f fictif.
dans l'écriture, comme dans les ex. donnés ci-dessus. On met un point
En voya g e, PRENEZ LE TRAIN DE LUXE, les w a g o n s so n t
à t el p oin t surch a u ff és [...] q u e vo us n'y p o uve z
d'exclamation pour indiquer qu'elles sont prononcées avec une force
t e nir (MONTHERL., Pe tit e in fa n t e d e C astille, 1,1 ). - particulière :
DÉTRUISEZ CE TEMPLE, e t e n trois jo urs je le relèverai
Le brocanteur me retint par le bras en criant : « Attendez ! » (PAGNOL,
(Bible, trad. SECOND, Évang. s. J e a n , II, 1 9 ) .
Gloire de mon père, p. 88.) Q ]
Sur d'autres e m p l o i s particuliers d e l'impéra-
tif, v o i r § 8 9 2 , b . b) On emploie le subjonctifintroduit par que quand l'être (ou la chose)
à qui on demande ou interdit un acte est distinct de l'interlocuteur E S :
lîFB EÏÏEI H I S T O R I Q U E
C e t o u r r e m o n t e a u x o r i g i n e s d e la l a n g u e ,
Qu 'il sorte I Qu 'ils entrent ! Que personne ne sorte I — Dieu dit : « Que la
mais d ' a b o r d s a n s que (comp. § 408, H1): lumière SOIT ! » et la lumière fut [La Bible prête à Dieu un comportement
VENGE li reis, si n us p urra t ve n g er (Roi. 1744). d'humain.] (Bible, trad. CRAMPON, Genèse, I, 3). E l
[= V i e n n e l e roi (si le roi v i e n t ) , il p o u r r a n o u s Ces phrases au subjonctif se terminent souvent par un point
v e n g e r . ] II e x i s t a i t d ' a i l l e u r s e n latin.
d'exclamation dans l'écriture.
REMARQUE.
Que est supprimé lorsque le sujet est une proposition relative sans antécédent,
C o m m e p o u r l'impératif (R2), o n p e u t avoir dans des expressionsfigées: S A U V E qui peut ! C O M P R E N N E qui pourra ! — ou dans
u n e i n j o n c t i o n f i c t i v e a u s u b j o n c t i f a v e c la
des emplois littéraires : Qui veut venir avec moi voir à Ispahan la saison des roses
valeur d ' u n e proposition conditionnelle :
P R E N N E son parti de cheminer lentement à mes côtés ( L O T I , Vers Ispahan, Préf.).
Q u e les ch ê n es fa tidiq u es SOIENT COUPÉS [...], c e s
solit u d es n e so n t p as d éch u es d e p o uvoir (BARRÉS,
Autres suppressions de que : S O I T D I T entre nous (§ 378, a). — Grâce leur
C ollin e insp ., p. 2 ) . - Voir § § 8 9 5 , b ; 1 1 5 9 , d , 2°. SOIT RENDUE Q.-M. DOMENACH, dans Esprit, déc. 1974, p. 796). — Nonfigés:
Plus opiniâtre que moi se mette à l' œuvre (facteur C H E V A L , inscription sur le Palais
idéal à Hauterives [Drôme]). — Le lecteur S O I T juge des inconvénients du métier
D ' écrire (HENRIOT, AU bord du temps, p. 227). — À la l r e pers. du singulier, cela
est fort rare : Je M'AILLE point me précipiter dans le piège de m' émerveiller de cette gly-
cine [...]. Un diable s'y cache, qui sait ! (AUDIBERTI, Dimanche m'attend, p. 154.) —
Voir § 408, Hl.
L'infinitif sans sujet s'emploie dans des inscriptions ou dans
d'autres textes s'adressant à des lecteurs non précisés :
Ne pas DÉPASSER la dose indiquée (indication pour les médicaments). —
Ne pas se PENCHER au-dehors (dans les trains). — M E T T R E vingt grammes de
beurre dans la poêle (recette de cuisine). — E X TR A I R E la racine carrée des nom-
bres suivants (manuel d'arithmétique). — Bien FAIRE et LAISSER dire (prov,).
On l'emploie parfois aussi pour un interlocuteur précis ou pour
soi-même, surtout avec la négation :
N e pas TOUCHER ! ou, couramment, Pas TOUC HER ! (à un enfant, par e x . )
[Synon. : Pas touche ! § 806.] — Ne pas PERDRE la tête surtout [monologue
intérieur] (N. SARRAUTE, Planétarium, p. 93). — Ex. de R O S T A N D dans a, 1°.
D a n s la communication orale et sur les inscriptions, on emploie
souvent des phrases averbales et des mots-phrases : S U S E S 3 H IS T O R I Q U E
Garçon, un bock ! Médor, ici ! (À un chien.) Silence ! (Ce mot pouvant aussi T rêve à ... e s t u n e f o r m e r é d u i t e d e la c o n s t r u c -
servir d'inscription.) Feu ! Chut ! Hue ! (À un cheval.) — Pas un mot ! t i o n v e r b a l e faire trêve à : T o us, Mo n t a g n ar ds
« Taisez-vous. » Plus un mot ! « Ne parlez plus. » — Plus de larmes, plus de e t Giro n dins, FAISANT e ncore TRÊVE À le urs h ai -
soupirs, plus de chagrin (Ac. 1935, s. v. plus) « Ne pleurez plus, ne soupirez n es, se p ro m ire n t u nio n e t fra t ernit é (MICHELET,
Hist. Révol. fr., X, 1 ). — FAITES TRÊVE À v o s plain -
plus, n'ayez plus de chagrin. » Voir aussi § 411, a.
t es. F A I S O N S TRÊVE À n os railleries (Ac. 1798-
Inscriptions : Entrée interdite. Défense d' entrer. Usage externe. 1 9 3 5 ) . L' A c . n e m e n t i o n n a i t p a s a u p a r a v a n t
Trêve de... « Mettez (ou Mettons) fin à la (ou au ou aux)...» est du lan- ce t t e locu tio n verb ale, p o urt a n t attestée d ès
gage soigné : T R Ê V E D E cérémonie, T R Ê V E DE compliments, Ne faisons plus de l e XV E s. (c f . T résor). A v e c d e , c'e s t b e a u c o u p
cérémonie, plus de compliments. T R Ê V E D E raillerie, Cessez de railler, parlez p l u s r a r e : J'y reserve la [ = c h e z m o y l , e t p o ur
sérieusement (Ac. 1935). — L'expression a évincé Trêve à, assez fréquent au m oy e t p o ur les a u tres, u n e lib ert é in usit é e. Il
X I X E s. (mais qui a toujours été ignoré par l'Ac.) I ! M : T R Ê V E À tout ceci, s'y FAIT TREFVE DE cere m o nie ( M O N T A I G N E , III, 3 ) .
— Et c e p e n d a n t la f o r m e r é d u i t e a v e c d e
Monsieur [pour couper court à des propositions jugées inacceptables] (BAL-
( d a t a n t d u X V I I E s. e t m e n t i o n n é e p a r l'A c.
ZAC, Cous. Bette, V). Si le régime est un nom, il est accompagné d'un article :
d è s 1 6 9 4 ) a é v i n c é l'a u t r e , a t t e s t é e a u ssi a u
T R Ê V E AUX généralités. Je précise. Voici des faits ( H U G O , Quatrevingt-tr., I I , II,
X V I I E s. : T R Ê V E A U X céré m o nies [= les révéren -
2). — N 'y [= à l'amour] songeons plus, et TR Ê V E AUX rêvasseries (A. D A U D E T, c e s sig n alé es p ar u n e in d ica tio n scé niq u el,
Petit Chose, II, 16). — Le Trésor et le Rob. présentent ces formules comme des q u e vo ule z - vo us ? (MOL., Sicilie n, VIII.) — L e
locutions prépositives. C'est surprenant, car, si elles ont un régime, elles n'ont r a p p o r t a v e c la p h r a s e v e r b a l e s'e st o b li t é r é e t
pas de support. Elles sont assez proches de Plus de... (cf. ci-dessus). l' a n a l o g i e a v e c Plus d e a j o u é .
Section 5
La phrase averbale
E2EX Définition.
U n e phrase averbale est une phrase simple qui ne contient pas
de verbe conjugué ou une phrase complexe qui ne contient de verbe
conjugué que dans les propositions sujets ou compléments :
A père avare fds prodigue (prov.). — Tant pis s'il se trompe.
On ne considère pas comme averbales les phrases dont le prédicat est un infi-
nitif (§ 901) : Pourquoi ne pas y aller ?
Certaines phrases averbales sont des ellipses occasionnelles, on ne
répète pas certains éléments qui se trouvent dans une phrase qui précède :
Iras-tu à la réunion ? - AVEC PLAISIR.
Œ Quand recourt-on aux phrases averbales ?
a) La phrase averbale est surtout usuelle dans l'interrogation et
l'exclamation, et cela n'est pas propre à la langue parlée, même si celle-
ci y recourt très fréquemment.
A quoi bon le torrent, le lac, le vent, le flot ? ( H U G O , Lég., XXI, II, 2.) —
Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux / Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien
portante, / Jette fidèlement son cri religieux / [ . . . ] ! (BAUDEL., Fl. du m., Cloche
fêlée.) — Arithmétique ! algèbre ! géométrie ! trinité grandiose ! (LAUTRÉA-
MONT, Chants de Mald., p. 107.)
Mais je les ai perdus [...]. Voilà ma veine ! Preuve que je suis un honnête
homme. Y a de la chance que pour la canaille ( B E R N A N O S , Imposture, PL,
p. 451). — Ces qualités se sont développées,perfectionnées, affinées [...]. Labeur
incessant, qui n ' estjamais achevé, jamais parfait ( D A U Z A T , Génie de la langue fr.,
p. 354). — Une formulation complète contiendrait un élément démonstratif,
plus précisément anaphorique (cf. § 617, b) : C' est la preuve que...
Vu la relation avec la phrase qui précède, le commentaire peut n'en être
séparé que par une virgule (ou même y être inséré : § 378, c) : Il finit par consi-
dérer sa femme comme une ennemie, point de vue qu ' elle partagea bientôt elle-
même ( G R E E N , Mont-Cinère, II).
Formes des phrases averbales.
Elles peuvent contenir deux éléments. Dans ce cas, il ne manque
que le verbe, souvent un verbe ayant un faible contenu sémantique,
comme la copule :
Chose promise, chose due ( p r o v . ) . — L ' expérience que la vie dément, celle que
le poète préfère ( R . C H A R , Œuvres compl., p . 7 5 7 ) . £ Q • E I H REMARQUE.
D a n s le fr. p o p u l a i r e d e W a l l o n i e , vos ( f o r m e
Souvent le prédicat précède le sujet (cf. A. Henry, Études de synt.
w a l l o n n e d e v o u s ) e t vo us, selon les r é g i o n s , sui-
expressive, pp. 155-169) : vis i m m é d i a t e m e n t d e l'attribut, qui est p r e s q u e
Mais, essentiellement dissipatrices, les premières passions, de même que les jeu- t o u j o u r s p é j o r a t i f : " V o s ( o u v o u s ) g o ur m a n ds I
nes gens coupent leurs forêts à blanc au lieu de les aménager ( B A L Z A C , Lys dans la « G o u r m a n d s q u e v o u s ê t e s ! » Cf. R e m a c l e , 1.1,
v., p. 269). — Étrange que, dans l' espace de ces vingt années, si peu de responsables pp. 2 3 6 - 2 4 0 ; W . Bal, d a n s Méla n g es C h. Ros -
t ain g, pp. 4 9 - 6 4 .
se soient posé la question de la fragilité de ce progrès si spectaculaire ( P . E M M A -
N U E L , dans le Figaro, 1er déc. 1973). — Heureux les pauvres en esprit, car le
royaume des deux est à eux ! (Bible, trad. Segond, Matth., V, 3.) — Finies les
vacances ! (Ou : Fini... ; cf. § 249, a, 3°.) — Délicieux, vos gâteaux ! — Une fille
intelligente, cette Françoise !
Phrases exclamatives correspondant à des syntagmes de phrases verbales
(§ 342, b) : Cochon d' enfant ! Drôle de type ! — Ce n'est pas le cas de Pauvre de
moi.' « Malheureux que je suis ! » Construction propre i pauvre l ® , attestée
T o u t à f a i t e x c e p t i o n n e l : "INFÂME e t MISÉRABLE aussi avec nous, beaucoup plus rarement avec d'autres pronoms personnels :
d e m oi (C h . M O N T A G N E [Pa risi e n 1 1 8 9 9 ] , cit. Pauvre de MOI et pauvre d'ELLE ! (A. DAUDET, Port-Tar., II, 3.) — Pauvre
Pla t t n e r, t. III, fasc. 2, p. 4 3).
d' EUX et pauvre de NOUS TOUS ! (DUHAMEL, cit. Rob.) — Rarement aussi avec
D 'a u t r e p art, o n t r o u v e p arf ois p a uvre + pro -
un nom coordonné : Pauvres de NOUS et des saintes VEUVES du Prophète !
n o m s a n s d e : Pa uvres, PAUVRES NOUS - bie n
p a uvres, [...] ces â m es p e ure uses que toute
(A. DJEBAR, Femme sans sépulture, p. 79.) — Hanse exige l'accord de pauvre
ré alit é e ffraie (HUYSMANS, Là - b as, VII). — Et m oi, avec le pronom : PAUVRES de nous. Le singulier dans l'ex. de DUHAMEL, dans
PAUVRE M O I , j e tre m blais so us la t a ble (COLETTE, ceux que cite Rézeau, p. 746, et déjà chez MAIZEROY, cit. Plattner, montre
Vrilles d e la vig n e, T o b y - C h i e n p a rl e). — V o us que la construction n'est plus analysée. Elle est peut-être d'origine méridio-
me fait es de la p ein e. / - PAUVRES VOUS. n a l e ® et Rézeau considère que c'est aujourd'hui encore un méridionalisme.
Comme c'est p é nible ( M . - A . REVELLAT, tra d . d e : Pourtant elle fait partie de notre langue familière à nous, gens du Nord : voir
R. Le h m a n n , A r b re d e m er, p . 89). — En par ex. G. FLGEYS, cité dans Ghelderode, Corresp., t. VI, p. 703. Voir aussi
Sa v o i e , Ré z e a u , p. 7 4 6 .
Sandfeld, 1.1, p. 86 ; Togeby, § 1537, 10.
Misère de + u n p r o n o m p e rs o n n e l c o n stit u e
a ussi d e s p h r a s e s a v e r b a l e s : A h ! MISÈRE DE Adjectifs employés adverbialement et donc invariables : Haut les mains !
MOI I Est - ce que ça ne finira p as ! (FLAUB., Haut les cœurs ! — Haut les fusils, camarades, et en avant.'... (BARBEY D'AUR.,
T e n t., I.) — Ah ! MISÈRE DE NOUS ! (MIRBEAU, Ensorcelée, III.) — Bas les pattes ! a été précédé de A bas les pattes ! cf. § 963, R14.
Jo urn al d'u n e fe m m e de ch a m b re, VII.) — b) Elles peuvent contenir un seul terme, parfois le sujet, plus souvent
C e t t e e x pr., q u o i q u e à p e u p r è s s y n o n y m e d e
le prédicat.
p a uvre d e..., e n d if f è r e sy n t a x i q u e m e n t , puis -
q u e m isère est u n n o m e t q u'u n n o m p e u t Sujet seul : Pierre !... (Par ex., avec un blâme implicite.)
ê t r e su bstit u é a u p r o n o m : Je vais [...] reco urir Prédicat seul. Attributs sans copule : Magnifique ! Imbécile ! Sauvés I —
à la dissi m ula tio n. M I S È R E DE L ' H O M M E ! Il me Le verbe omis n'est pas une copule : La porte I (= Fermez la porte.) — "Ta
fa u t [...] ê tre u n sain t de m a nière so urn oise gueule ! (vulg.) [= Tais-toi.] — Pas de chance ! (= Nous n'avons pas de
(DUHAMEL, Vie et ave n t ures de Salavin, t. Il
chance.) — Pas moyen de bouger (A. DAUDET, C. du lundi, Mères).
p. 2 2).
Deux prédicats : Aussitôt dit, aussitôt fait = Aussitôt que cela a été dit,
cela a été fait. Cf. § 1138, f).
La f o r m u l e e x ist e a ussi e n it alie n (Po v e r o di Les mots-phrases sont des mots qui ont pour fonction ordinaire de servir
m e !). — O n p e u t e n r a p p r o c h e r c e r t a i n e s de phrases à eux seuls (§§ 1102-1108) : Bonjour. Merci. Bravo ! Zut !
c o n s t r u c t i o n s d e l'a n c. fr. : cf. § 3 4 2, H 2. — On peut avoir aussi un nom ou un pronom accompagnés d'une
D u p o i n t d e v u e f o n c t i o n n e l , d a n s Pa uvre d e relative.
m oi, o n a u n d e i n v e rs e u r ( § 1 0 5 2, a) indi -
q u a n t q u e la r e l a ti o n n'e st p as c e l l e d ' u n e • La relative sert à identifier après coup le sujet de l'attribut : Insensé que je
é p i t h è t e e t d e s o n s u p p o r t. suis ! (MUSSET, Prem.poés., Namouna, II, 3 9 . ) — Insensés que vous êtes !
• La relative apporte une information comme celle d'un prédicat, mais
ajouté après coup (cf. § 1115, d) ; on met l'accent sur l'agent, — soit
par une sorte de hiérarchie des informations (comme si on introdui-
sait la phrase par II y a [cf. § 457] ou Voilà) : Les canaris avaient l'air
de se dire : Oh ! ce monsieur qui mange toute la barquette ! (A. DAUDET,
Lettres de m. m., p. 143.) — soit pour marquer une opposition (sou-
vent explicitée par et) : Et moi qui le ferais égorger par mon mari pour le
remercier de m'avoir sauvée au péril de sa vie ! (SAND, Mauprat, X I . )
[Dans ce cas-ci, hypothèse qui est refusée avec horreur.] — Le nom
est introduit par jusqu 'à jouant le rôle de même : § 1065, d.
La relative a pour antécédent un syntagme détaché du prédicat : Au
Paradis ! Oui garce que vous vouliez m' envoyer tous ! (CÉLINE, Voy. au bout de
RE M A R Q UE . la nuit, F°, p. 405.) O ] Analogie avec C'est... que.
La p o nct u atio n d e l'a u te ur est, c o m m e so uve nt,
asse z p erso n n elle. c) Beaucoup de réductions brouillent les relations syntaxiques pri-
mitives, et même les notions de sujet et de prédicat.
A vous la parole vient de la formule La parole est à... (utilisée notamment dans
les assemblées délibérantes). A vous de parler de C'est à vous de parler (§ 901, j).
Chacun son tour : § 749. — Au temps pour les crosses : § 411, a.
C' est à peine si..., C' est tout au plus si... (cf. § 456, c) se réduisent par la
suppression de c ' est : En une demi-heure de temps, À PEINE SI le caporal et Fabrice
avaient avancé de cinq cents pas (STENDHAL, Chartr., IV). — Pas d' enfants...
[ . . . ] . T O U T AU PLUS SI nous pouvons nous permettre les perroquets... (E. et J. DE
GONC., Ch. Demailly, LI.) — On notera que les formules, complètes ou abré-
gées, ne veulent pas dire autre chose que A peine le caporal et Fabrice avaient-
ils avancé... ou même Le caporal et Fabrice avaient à peine avancé... etc
Etc.
S e c t i o n 6
La phrase complexe
Comme l'étude de ce problème exige des développements assez consi-
dérables, une partie spéciale, la quatrième, lui a été consacrée (§§ 1109-1163).
fflMHaaaaBMtt flflflWfll
• 0 1 K L E I BIBLIOGRAPHIE
M . LIPS, Le style in direct lib re, P., P a y o t , 1 9 2 6 . -
J.A. VERSCHOOR, Ét u d e d e gra m m aire hist oriq u e
e t d e style sur le style direct e t les styles in di -
rects e n fra nçais, G r o n i n g e n , V.R.B., 1 9 5 9 . —
RAPPORTÉ
rai B Z 3 REMARQUE
D a n s la littér atur e n a r r a t i v e (ainsi q u e d a n s les
m o n o l o g u e s e t les a p a r t é s a u t h é â t r e ) , les p e n -
sées des p e r s o n n a g e s sont souvent présentées
c o m m e un d i s c o u r s qu'ils s ' a d r e s s e n t à e u x -
Généralités. Q m ê m e s : « Q u e faire, lorsq u'o n est m alh e ure u x
à c e p oin t ? » s e d e m a n d ait - elle (GREEN, Lévia -
Il y a plusieurs f a ç o n s d e r a p p o r t e r les p a r o l e s o u les t h a n, II, 7 ) . — C f . G . G o u g e n h e i m , D u disco urs
pensées ( o u un texte écrit) de quelqu'un. 0 1 solit aire a u m o n olo g u e in t érie ur, dans Ét u d es
d e gra m m . e t d e v o c a b . fr., p p . 2 1 1 - 2 1 6 .
SH0RMMI MBSMMH
a) Le rapporteur les reproduit censément telles quelles, sans les S A N N REMARQUE
modifier. C'est le discours (ou style) direct : Le d i s c o u r s p e u t ê t r e r e p r é s e n t é p a r un syn-
t a g m e n o m i n a l : II a d éclaré SA SATISFACTION ;
Paul a dit : « J E S U I S C O N T E N T . » — « J E S U I S C O N T E N T » , a dit Paul. il s ' a g i t d u c o n t e n u e t le r a p p o r t e u r n e p r é -
t e n d pas reproduire les t e r m e s exact s. De
b) Le rapporteur présente les paroles selon son point de vue : dès même dans II s'est d éclaré CONTENT, OU
lors, je, c'est le rapporteur ; tu, la personne à qui il s'adresse ; ici, e n c o r e d a n s A p rès h uit jo urs, ils p arlaie n t d éjà
le lieu où il se trouve ; maintenant, le moment où il parle ou d e SE MARIER ( o u d e MARIAGE). (A f o r t i o r i , si le
v e r b e p r i n c i p a l n ' e s t p a s a p t e à s e r v i r p o u r un
écrit. C'est le discours (ou style) indirect. d i s c o u r s d i r e c t : ll l'a co nvaincu de p artir.)
Le discours indirect peut être lié, c'est-à-dire que les phrases M ê m e u n e i n c i s e p e u t ê t r e là p o u r g a r a n t i r
l'authenticité du p r o p o s plutôt q u e sa repro-
reproduisant les paroles (ou les pensées) sont placées dans la
d u c t i o n t e x t u e l l e : S a co nversa tio n ro ulait sur
dépendance grammaticale d'un verbe ordinairement déclaratif d es m inistres ve n d us, disait - il, aux A n glais
(ou d'un nom ou d'une locution) et sont transformées en pro- (CHAT., Mé m ., III, I, m, 5 ) . Si le r a p p o r t e u r s o u -
h a i t e m o n t r e r qu'il c i t e les p a r o l e s plus tex-
positions ou en infinitifs. 1T1
t u e l l e m e n t , q u o i q u e e n d i s c o u r s i n d i r e c t , il
Paul a dit Q U ' I L É T A I T C O N T E N T . Paul a dit Ê T R E C O N T E N T . — Elle le m e t le p a s s a g e e n t r e g u i l l e m e t s , m a i s e n indi-
regardait avec la pensée Q U E , [ . . . ] SI LA G U E R R E É T A I T D É C L A R É E , E L L E N E LE q u a n t les m o d i f i c a t i o n s q u e c e l a e n t r a î n e par
VERRAIT PLUS (TROYAT, Les semailles et les moissons, p. 448). r a p p o r t a u d i s c o u r s d i r e c t : c f . § 4 1 7 , N. B
Le discours indirect peut être libre, c'est-à-dire que les phrases • S U E S I HIST ORIQUE
reproduisant les paroles (ou les pensées) ne sont pas dans la Les trois t y p e s d e d i s c o u r s s o n t a t t e s t é s d è s l'anc.
fr. M a i s c ' e s t à partir d e Flaubert q u e les écrivains
dépendance grammaticale d'un verbe, etc. : f o n t un u s a g e intensif du d i s c o u r s indirect libre.
Brigitte ouvrit la porte du petit salon et nous appela : Ne voulions-nous pas En a n c . fr., il n'était pas rare qu'un discours direct fût
un peu de thé ? Cela nous réchaufferait après cette course ( M A U R I A C , Pharisienne, introduit par q u e : A p rès dist A g ola n z QUE, « s e m a
g e n t est vaincu e, je p re n d ré b a p t es m e » (C hro n. d e
p. 213). [En discours direct : « Ne voulez-vous pas un peu de thé ? Cela vous
T ur pin, cit. Tobler, Mél., p. 3 3 4 ) . C ela n'est pas sans
réchauffera après cette course. »] c o n s é q u e n c e sur les m é l a n g e s signalés § 4 1 5 , H. —
Le discours indirect libre est surtout fréquent dans l'usage litté- Q uia jouait le m ê m e rôle en latin tardif, par ex. dans
la Vulgate d e la Bible : D icis : QUIA dives su m (A p oc.,
raire, mais il n'est pas ignoré de la langue parlée. [ 0
III, 1 7 ) . [Trad. CRAMPON : T u dis : le suis rich e.]
« Elle exagère », PENSA Henri avec humeur (BEAUVOIR, Mandarins, p. 84), • ! > • K I T ! » H IS T O R I Q UE
Ces verbes servent aussi pour introduire un discours indirect lié : Parler a p u s e c o n s t r u i r e c o m m e dire ( c o m p .
§ § 3 7 8 , f ; 3 8 0 , N . B.) e t i n t r o d u i r e u n d i s c o u r s
Diana DÉCLARA que tout amour vécu est une dégradation de l'amour. — Le
i n d i r e c t lié . W a r t b u r g , t. VII, p . 6 0 6 , n e c i t e
Numide RÉPLIQUA qu 'il souhaitait ardemment cette mort (FLAUB., Sal, XIV). q u ' u n e x . i s o l é a u X I I I E s. A j o u t e r M A R O T (c i t .
Dans tous ces cas, ces verbes, qui sont des verbes transitifs, c'est- H u g u e t ) e t s u r t o u t : ^ V o u s m e p arle z , d a ns
à-dire appelant un complément d'objet direct, ont leur besoin d'objet vo tre le ttre, [...] Q u'il fa u d ra so n g er a u x
m oye ns d e vo us e nvoyer vo tre fille (SÉv.,
satisfait par la présence, soit du discours indirect lié qui est un vérita- 2 9 j u i l l e t 1 6 7 1 ). — *ll f u t sur p ris, co m m e s'il
ble objet direct, soit du discours direct qui est un équivalent non syn- n'avait p as o ui p arler q u'il y e û t u n e ar m é e e n
taxique, parataxique (cf. § 1109, R) de cet objet. U S Fla n d re (EAD., 2 5 a o û t 1 6 7 7 ). [ A p r è s o ui p ar -
ler a u ssi d a n s MOL., Po urc., Il, 4 .] — Li t t r é , q u i
Certains de ces verbes apportent des indications sur le type de
c i t e c e s e x . (s. v. p arler, 5 °) , n e p r é s e n t e p a s
phrase tel qu'il est dans le discours direct (interrogation : demander ; l ' e m p l o i c o m m e vieilli. L e s d ic t . e t l e s g r a m m .
injonction : ordonner), sur la façon dont les paroles ont été pronon- d u XX E s. n ' e n f o n t p l u s m e n t i o n . Il s u b sis t e
cées ( a f f i r m e r , crier, hurler, murmurer, jurer), sur les modalités du dia- s p o r a d i q u e m e n t d a n s l e fr. p a r l é , s u r t o u t
p o p . D a n s la r é g i o n p a r i s i e n n e : Il m e p arlait
logue ( r é p o n d r e , répliquer, ajouter), sur les sentiments du locuteur ou
QUE cela allait, t o u t cela allait sa u t er ( d a n s
du rapporteur ( av o u e r , prétendre). D . F r a n ç o i s , p . 8 2 8 ) . E n W a l l o n i e : " O n n'a
Il est assez naturel qu'un verbe comme conclure soit associé à un discours, ja m ais p arlé Q u'il é t ait m ala d e (c f . R e m a c l e ,
soit direct, soit indirect : On me paierait bien cher que je laisserais pas entrer ça chez t. III, p p . 1 5 8 - 1 6 0). C e l a e s t à d i s t i n g u e r d e T u
moi, CONCLUT M"" Verdurin (PROUST, Rech, 1.1, p. 259). — H CONCLUAIT que p arles q u e i n t r o d u i s a n t u n e p h r a s e e x cl a m a -
t i v e d a n s l e l a n g a g e t r è s f a m i l i e r : c f . § 4 0 2 , e.
si ces dames ne se trouvaient pas trop fatiguées, il serait peut-être plus agréable de
retourner à pied (STENDHAL, L. Leuwen, XXVI). — Je CONCLUS de tout cela que CEI IÏÏS H IS T O R I Q UE
vous avez raison (Ac. 2001). — A propos d'un écrit : H CONCLUAIT [dans une pré- D 'a i l l e u r s , l ' a n c i e n n e l a n g u e e x p lici t a i t c e t t e
face] qu 'il n 'y a qu ' un fait dans l'humanité : l'Idée (E. et J. DE GONC., Ch. Demailly, r e l a t i o n e n m e t t a n t d a n s l'i n c i s e u n p r o n o m
LIV). c e r e n v o y a n t a u d i s c o u r s d i r e c t : c f . § 3 8 0 , H1.
Soit pour apporter des indications de ce type, soit par souci de varier l'expres-
sion, le français contemporain a fortement accru le nombre des verbes servant à
présenter le discours rapporté. Cet emploi n'est pas mentionné par l'Ac. (2000
pour les quatre premiers, 1935 pour les autres) pour les verbes suivants.
Hasarder dans une incise: Aristote nous a dit dans le chapitre II...,
HASARDA M . Pierre [.,,], mais si timidement que personne n 'y fit attention
( P R O U S T , Rech., t. II, p. 193). — Comp. : Je HASARDAI un conseil de transport
immédiat dans un hôpital (CÉLINE, Voy. au bout de la nuit, L. P . , p. 331).
Indiquer : MM. Raymond Barre et Jacques Chirac [...] ont indiqué, dans
une déclaration commune, qu 'ils « s' opposeront ensemble à tout changement de la
loi électorale actuelle » (dans le Monde, 22 mars 1985, p. 8). — Voir le Trésor,
qui cite notamment BARRÉS : Il admirait la conception que les Grecs se font de
la mort. [ . . . ] J ' I NDI QUAI S au jeune Arménien que moi aussi je croyais qu 'il y a
deux ou trois choses plus importantes que la vie (Voy. de Sparte, 1906, p. 138).
Interjeter n'a été relevé que dans des incises : Permettez, fit le capitaine, je
suis peu au courant de l'affaire... / - Six mille arbres » . . . INTERJETA madame
I K H 3 AUTRES EXEMPLES Hennebault ( H E R M A N T , Grands bourgeois, XI). H — Cet emploi, qui date de
F. FABRE, BOURGET (chez qui l'emploi est fré- la fin du XIX e s„ semble se faire rare : voir cependant un ex. de R. LÉVESQUE
quent), dans le T résor.
au § 901, R2. — J e t e r dans cet emploi est plus courant : « On voit bien que vous
ne le connaissez pas », me J E T T E mélancolieusement la maîtresse de maison
(PROUST, Rech., t. III, p. 712). Mais il introduit rarement un discours
indirect : Ludo J E TA qu 'il savait faire tous les noeuds (Y. QUEFFÉLEC, Noces bar-
bares, F 0 , p. 198).
Maugréer, très récemment (et rarement) enregistré comme transitif : Le
chauffeur MAUGRÉA quelques mots à l'adresse de ce mauvais conducteur (Dict.
contemp.), se prête donc à accompagner un discours direct dans une incise :
Quatre jours ! MAUGRÉA le chevalier ( T H E U R I E T , cit. Trésor). — Paris est
odieux, MAUGRÉE-f-i / (DUHAMEL, Cécile parmi nous, p. 139) ; — ou même à
introduire un discours indirect subordonné.
Ricaner est dans une situation analogue, et pourtant son emploi transitif
n'est pas récent : La Vieuville, goguenard [ . . . ] , RICANA cet adieu au canot : [...]
(HUGO, Quatrevingt-tr., I, II, 10), ni son emploi dans une incise : Ah I mon
cher, RICANA Manette, tu as un ami qui est galant aujourd'hui (E. et J . DE GONC .,
Man. Salomon, C X I V ) . — Huit cents francs ! RICANAIT Buteau ( Z O L A , Terre,
I, 2). Enfin, c'est à l'insu des dict. qu'il introduit un discours indirect lié : Il a
RICANÉ que sur ce point il ressemblait au curé (MAURIAC, Sagouin, p. 1 6 ) .
Rétorquer : Elle déclara d' un ton tranchant qu ' une seule chose comptait
RAINA REMARQUE.
aujourd'hui sur terre: la Révolution [ . . . ] . J e RÉTORQUAI, de façon non moins
Certains vont jusqu'à le construire avec un objet péremptoire, que le problème n ' était pas dé faire le bonheur des hommes, mais de
indirect c o m m e dire : " C e d ernier NOUS avait so uli - trouver un sens à leur existence (BEAUVOIR, Mém. d' une jeune fille rangée,
g n é q u e f x iur é t a blir la vale ur d es co m p a g nies, il p. 237). — Ex. de BUTOR ci-dessus.
n o us fallait o b t e nir d es in f or m a tio ns plus p récises Souligner :Je n 'ai pas besoin de SOULIGNER que pour apprécier pleinement
(R. LÉVESQUE, A tt e n d e z q u e je m e ra p p elle..., p. 2 3 4 ) .
un orateur il faut l' entendre et le voir (R OMAINS, cit. Rob., s. v. orateur). 0 1
I M M I H IS T O R I Q UE Le verbe faire BU remplace dire surtout dans des incises ; il introduit
Faire s'employait, dès le XII e s., aussi bien pour
introduire un discours direct q u e dans les
rarement un discours indirect libre, mais jamais un discours indirect lié.
incises : Ça [= ici] n'ave z vos, FET il, q u e f ere Maestro, lui FIS -je, je me repens de mes fautes (STENDHAL, Rouge, I, 23). —
(CHRÉT. DE TR., Erec, 1 7 2 , éd. R.). - FET la rein e : « Nom de Dieu ! » FAIT Arbaud, quand il a compris (GlONO, Colline, Pl., p. 210). —
« je le cuit [= pense], » (Ib ., 1 1 6 5 . ) Il vous écoutait à peine, en FAISANT « oui, oui », « oui, oui » (ROMAINS, Knock, II, 1).
— Puis, d' un coup, elle saisit [ = c o m p r e n d ] , [ . . . ] Elle FAIT : / - C'est ça... La forge !
( B . CLAVEL, Marie Bon Pain, p. 31.) — A u s s i dans des textes s'inspirant d e l'usage
parlé : J 'penseplus à rien, moi, qu 'il A FAIT (CÉLINE, Voy. au bout de la nuit, F ° , p. 6 6 ) .
B I ! B E I AUTRES EXEMPLES
c) O n peut avoir aussi un infinitif sans m o t de liaison quand le sujet
STENDHAL, Ro u g e, II, 1 0 ; MUSSET, C o n t es, Pierre
du verbe principal et celui du verbe subordonné sont identiques : e t C a m i l l e , VIII ; A. DAUDET, Pe tit C h ose, I, 1.
L'ACCORD
Définition. O BIBLIO GRAPHIE.
BLINKENBERC, Accor d , e t HOYBVE : v o i r Bi b l i o g r .
L'accord est le fait qu'un mot variable (que nous appelons
générale.
receveur) reçoit d'un autre mot de la phrase (mot que nous
appelons donneur) ses particularités morphologiques : son
genre, son nombre et sa personne.
La terre EST RONDE. — Les absents ONT toujours tort. — La fleur que tu
m' AVAIS JETÉE...
L'accord est un phénomène qui se marque plus dans l'écrit que dans
l'oral. D'autre part, les grammairiens ont parfois inventé des subtilités peu
utiles ; ils ont aussi freiné l'évolution. Mais on doit tenir pour excessive cette
déclaration de P. Guiraud : « C'est un des traits fondamentaux du français
que l'accord n'y est qu'une survivance, maintenue par l'action arbitraire des
grammairiens. Il survit et sévit surtout dans l'orthographe et n'existe qu'à
l'état de vestiges dans la langue parlée. » (Syntaxe du fr., p. 64.) — Les dia-
lectes, qui se sont développés spontanément, qui existent surtout sous la
forme orale et qui ne sont pas soumis à l'autorité des grammairiens, ont leurs
règles d'accord, même si elles sont plus simples que dans le français écrit.
N. B. La définition donnée ci-dessus n'est pas toujours satisfaisante. H y a des cas
où l'on constate l'identité nécessaire des particularités morphologiques,
sans qu'il y ait vraiment un donneur : on peut considérer que le pronom
personnel sujet est uneflexionavancée du verbe, que le choix du nombre
et de la personne résulte plutôt des circonstances de la communication et
qu'ils sont conçus par le locuteur globalement, simultanément pour le
verbe et pour le pronom. De même, pour le nombre du déterminant : est-
il raisonnable de penser que le locuteur choisit des pommes et, a fortiori,
deux pommes parce que le mot pommes est au pluriel ? Cest surtout pour
la langue écrite que l'on doit analyser les relations quand elles ne sont pas
perceptibles à l'oral. — Le phénomène de la syllepse (§§ 435-440) montre H H REMARQUE.
aussi que l'action des donneurs n'est pas mécanique. P a r le p h é n o m è n e d e l ' a u t o n y m i e ( § 4 6 0 ) ,
n ' i m p o r t e q u e l é l é m e n t d e la l a n g u e p e u t ê t r e
Le donneur. c o n s i d é r é p o u r l u i - m ê m e e t traité c o m m e un
n o m . C e s n o m s o c c a s i o n n e l s sont d'ordinaire
a) L e donneur est généralement un n o m E S ou un pr onom, masculins, m ê m e s'il s'agit d e n o m s qui d a n s
leur valeur o r d i n a i r e s o n t féminins :
c o m m e dans les ex. du § 4 2 4 . TROP est issu d'u n e la n g u e g er m a niq u e. — HIRON-
Mais le donneur est parfois un mot ou un syntagme qui n'ont ni DELLE n'est p as écrit correct e m e n t d a ns vo tre
t e x t e. — Pour le c a s particulier des noms de let-
genre, ni nombre, ni personne. C'est le cas de l'infinitif et de la propo-
tres, voir § 4 8 0 .
sition conjonctive. Le receveur se met au masculin singulier et à la
Les m o t s peuvent être nominalisés pour d'autres
troisième personne. 0 3 c a u s e s : Les POURQUOI d es e n fa n ts so n t lassa n ts.
Mentir E S T trop F A TI G A N T ( C A M U S , Peste, p . 2 2 7 ) . — Qu 'il y eût de par le — D e q u oi DEMAIN sera - t - il fait ? Cf. § 198.
monde des roses ou des tulipes, lui É T A I T I N D I F F É R E N T ( E S T A U N I É , Ascension W M E S I REMAR QUE
de M. Baslèvre, I, 2). — f e n 'ai jamais trouvé FÂCHEUX que les femmes eussent S u r le c a s o ù le s u j e t e s t c o n s t i t u é d e d e u x
un peu de ventre ( F R A N C E , Rôtisserie de la Reine Pédauque, V I I ) . infinitifs o u d e d e u x p r o p o s i t i o n s , voir § 4 4 6 .
b) Il peut y avoir un seul donneur ou plusieurs donneurs simultanés :
LA NUIT était claire. — L E J O U R ET LA NUIT étaient également chauds.
c) Un donneur peut ne pas porter lui-même explicitement les marques du
genre, du nombre et de la personne qu'il communique au receveur :
JE suis contente, dit Suzanne. — Dors, pauvre enfant malade. / Qui rêves
sérénade... (NERVAL, Odelettes, Sérénade.)
On peut considérer l'antécédent du pronom relatif comme un donneur
(un donneur indirect), quoiqu'il n'appartienne pas à la proposition où se trou-
vent les receveurs : M O N PÈRE ET MA MÈRE, qui sont nés la même année.
E S REMAR QUE. I Les receveurs, m
Le n o m a un g e n r e e n soi ( p o m m e est féminin)
ou un g e n r e d é t e r m i n é par la réalité d é s i g n é e
Les receveurs peuvent appartenir à différentes catégories gram-
( c e qui c o m m a n d e le choix e n t r e instit u t e ur et maticales.
instit u trice) et un n o m b r e d é t e r m i n é par c e t t e a) Les déterminants faisant partie du syntagme nominal. Ils
réalité (le c h o i x e n t r e ch eval et ch eva u x). O n
n e peut d è s lors pas parler d ' a c c o r d à p r o p o s
s'accordent en genre et en nombre avec le nom E l :
du n o m , m ê m e q u a n d il est attribut ou LA chèvre. LES chèvres. C E T T E chèvre. QUELLE chèvre ?
apposition : voir § § 2 5 0 - 2 5 1 ; 308, b ; 3 4 4 - 3 4 5 .
Les déterminants possessifs doivent leur personne soit au con-
texte, soit à la situation :
Pour les c o n s t r u c t i o n s où le d é t e r m i n a n t n ' a Les escargots se réfugient dans LEUR coquille. — M A mère est née à Genève.
pas le n o m b r e du n o m qu'il a c c o m p a g n e ,
voir § 5 7 7 , a. b) Les adjectifs, qu'ils soient épithètes, épithètes détachées ou
attributs. Ils s'accordent en genre et en nombre avec le nom (ou
le pronom) auquel ils se rapportent, dans le cas des épithètes ;
avec le nom (ou le pronom) sujet, dans le cas des attributs du
sujet ; avec le nom (ou pronom) complément d'objet, dans le
cas des attributs du complément d'objet.
Une lumière VERTE. VERTE, la lumière se distingue mieux. La lumière est
VERTE .Je croyais la lumière VERTE.
L'épithète détachée peut perdre toute dépendance à l'égard du nom et
devenir un adverbe invariable : La neige tombait DRU. Cf. § 963, b.
c) Les participes passés. Le participe passé s'accorde comme un
adjectif (b ci-dessus), s'il est employé sans auxiliaire ou avec
l'auxiliaire être :
Une voiture CONDUITE avec prudence. La voiture était CONDUITE avec prudence.
Le participe passé conjugué avec l'auxiliaire avoir s'accorde en
genre et en nombre avec le nom ou le pronom compléments
d'objet direct du verbe si ce complément précède le participe :
La personne que j'ai RENCONTRÉE. Je la connaissais : je l'avais RENCON-
TRÉE en vacances. Cf. §§ 942 et suiv.
Le participe présent en tant que forme verbale est invariable ;
employé adjectivement, il s'accorde comme les adjectifs (b ci-dessus).
Une femme FAISANT attention à sa ligne. — Une femme DÉCEVANTE.
d) Le verbe (ou son auxiliaire quand le verbe est à un temps com-
posé ou au passif). Il reçoit du nom (ou du pronom) sujet ses
marques de nombre et de personne :
Po u r les a u tres p r o n o m s re prése n ta n ts, o n a
Je PARTIRAI. Elles PARTIRONT. Elles S O N T parties. Ils AVAIENT dormi. Ils
a u ssi u n p h é n o m è n e q u i r e s s e m b l e à l' a c c o r d .
FURENT repoussés.
M a i s , s'ils d o i v e n t l e u r g e n r e à l e u r a n t é c é -
d e n t , ils n ' e n g a r d e n t p a s t o u j o u r s l e n o m b r e : e) A propos du pronom, on ne peut parler, en toute rigueur, de
T es d e u x voit ures so n t plus ra pid es q u e LA
l'accord que dans deux cas. O l
MIENNE. C f . § 6 5 3 , b, 2°.
1° Le pronom personnel redondant a le genre et le nombre des
D 'a u t r e part, le p r o n o m r e p r é s e n t e s o u v e n t
u n n o m q u i n e f a i t p a s p a r t i e d e la p h r a s e : noms qu'il reprend :
l'ai re nco n tré vo tre m ère lu n di soir. ELLE ( o u Peut-être votre mère le sait-ELLE. — Votre mère le sait-ELLE ? — Juliette se
C e l l e - c i) m'a ra p p elé so n invit a tio n. lave ELLE-même les cheveux. — Voir cependant § 653, a, 2°.
Q u a n t a u x p r o n o m s n o m in a u x , leur g e nre,
2° Le pronom relatif représentant reçoit de son antécédent les
leur n o m b r e et leur p e rs o n n e so nt détermi -
n é s p a r la s i t u a t i o n , e t n o n p a r u n a c c o r d : Je marques de genre et de nombre :
suis B L O N D o u B L O N D E ( s e l o n q u e l e l o c u t e u r La fosse dans LAQUELLE ils sont tombés. — Voir cependant § 708, R.
est u n h o m m e o u u n e f e m m e). Comme nous l'avons signalé dans le § 425, c, le pronom relatif qui est à la
C e r t a i n s n'o n t d'a ill e u rs q u ' u n s e u l g e n r e : fois donneur et receveur transmet le genre, le nombre et la personne même s'il
Rie n n'est SÛR. V o i r a u ssi § 4 2 4 , N. B. n'en porte pas les marques visibles : Ma femme, QUI est BLONDE...
N o t e préliminaire.
Les problèmes spécifiques à telle ou telle catégorie particulière
sont traités avec cette catégorie.
Attribut du sujet : §§ 248-249 ; attribut du complément d'objet : § 308, a ;
attribut de la proposition absolue : § 259 ; épithète : §§ 335-339 ; déterminant :
§ 577 ; verbe : §§ 928-938 ; participe passé : §§ 939-953.
Nous croyons utile, pour éviter les redites, de traiter ici des phénomènes
concernant en réalité le donneur et par conséquent applicables à plusieurs catégo- | ® 1 REMAR QUE.
Q u a n d l e v e r b e est ê tr e , l'a t t ri b u t n'e s t p a s s a n s
ries. Nous divisons cet exposé en deux sections, qui examinent successivement le
e x e r c e r u n e c e r t a i n e i n f l u e n c e sur l'a c c o r d ,
cas du donneur unique (§§ 429-440) et celui du donneur multiple (§§ 441-454). d a n s d e s si t u a t i o n s q u i s o n t a ss e z d iv e rs e s.
L'accord distributif, qui se réalise dans les deux cas, sera étudié §§ 428 et 452. Q V o i r n o t a m m e n t § 4 4 0 , RI. C o m p . § 9 3 2 .
Accord distributif.
Il arrive que le donneur qui est un pluriel ou qui est formé de
singuliers coordonnés (cf. § 261, b) ne soit pas considéré dans la
phrase c o m m e un ensemble pluriel, mais que l'on envisage séparé-
ment les divers êtres, choses ou concepts qui constituent ce pluriel.
S e c t i o n I
sons, VI). — Un peu d'animation était REVENU au village (MAR TIN DU G . , Thib., VI,
p. 241). [Revenue : Pl., 1.1, p. 1367.] — Dès qu ' un peu plus d' obscurité serait VENU à son
aide (CHÂTEAUBRIANT, Brière, p. 325). — Tant d'indifférence et de coquetterie ne SEM-
BLAIT pas AISÉ à comprendre (MUSSET, Nouvelles, Croisilles). — Ib étaient las des philoso-
phes. Tant de systèmes vous EMBROUILLE (FLAUB., BOUV. et Péc., p. 309). [Embrouillent, éd.
Lemerre, p. 349.] — Tant de lieues le TENAIT séparé de sa ville [ . . . ] ! (MAURRAS, Anthi-
néa, p. 94.) — Tant de bravades AVAIT poussé l'homme à bout de résistance (M. GARÇON,
Plaidoyers chimériques, p. 107). — Tant d' émotions AVAIT aggravé le tic de la tante Prasco-
vie (YOURCENAR, Alexis, suivi du Coup de grâce, p. 170). — Tant de discrétion et d'honnê-
teté MÊLÉ à tant de hauteur (BlLLY, dans le Figaro, 23 déc. 1953). — Trop de pudeur est
bien plus DANGEREUX que pas assez (JOUHANDEAU, Chaminadour, p. 68). [L'opposition
concerne les adverbes et non pas le nom, qui, commun aux deux syntagmes, n'estpas
répété.] — Trop d' essais USE le cerveau (A. BESNARD, S O U S le ciel de Rome, p. 38). U J « i » m a R EMAR QUE.
D a n s l'ex. suivant, u n p e u est p r o n o m plutôt
Q u a n d l'adverbe est nominalisé par la présence d'un détermi- q u e d é t e r m i n a n t : U n p e u d e sa f orce ve n ait
nant, ce qui est fréquent pour peu EU, l'accord se fait souvent avec de lui ê tre ENLEVÉ ( Z O L A , S . E x c. Eu g. Ro u g o n,
XIII). — C e c a s doit ê t r e r a p p r o c h é d e c e u x
l'adverbe nominalisé :
qui s o n t e x a m i n é s plus loin.
Avec peu : Le peu de confiance que vous m'avez TÉMOIGNÉ m'a ôté le courage ( L l T - Iilii il mu il wmmomm
TR É). — Le peu de qualités dont il a fait preuve l'A fait éconduire (Ac. 1 9 3 5 ) . — Ce peu • M C M REMARQUE
U n p e u e t q u elq u e p e u sont à part, puisqu'ils
de mots EUT un effet décisif ( H U G O , Bug-Jargal, IX). — Le peu d' officiers qui RÉSISTE EST
s e r v e n t d e locut ions adverbiales.
TUÉ (MLCHELET, Hist. RévoLfr., III, 9 ) . — Ce peu de mots ÉTAIT l'agonie d' une passion
(BALZAC, Curé de vi II., p. 1 5 3 ) . — Ce peu de mots MIT fin aux débats ( To C Q U E V I L L E ,
Souvenirs, p. 2 2 8 ) . — Ce peu de mots me SUFFISAIT (BARBEY D'AUR., Chev. des Touches,
IX). — Son peu de sensualité se trouvait MANG É par ses quatorze heures de travail parjour
(ZOLA, S. Exc. Eug. Rougon, XII). — Il me restait je ne sais quelle saveur horriblement
douce dont le peu de volonté que j'avais était ENIVRÉ (FROMENTIN, Domin., IX). [Le ms.
porte enivrée : S. T. F. M., p. 422.] — Ses doigts perdaient le peu d'assurance qu 'ils
auraient EU (ROMAINS, Lucienne, p. 1 9 7 ) . — Ce peu d' entrailles qui SUBSISTE dans les
femmes les plus insensibles (MAURIAC, Pharisienne, p. 1 7 4 ) . — L'accord avec peu est
obligatoire quand le complément est séparé de peu : Le peu qui FILTRE de nouvelles du
Tibet occupé TE N D à montrer que le gouvernement communiste de Pékin tient le pays dans
une main de fer (SOUSTELLE, Lettre ouverte aux victimes de la décolonisation, p. 5 7 ) . 0 3 • E U E S 3 HIST ORIQUE.
Avec trop : Le trop de précautions ne NUIT jamais (MÉRIMÉE, Chron. de Le tro p d'e x p e die ns P E U T gaster u n e affaire (LA F.,
Charles IX, XIV). F., I X , 1 4 ) .
Une manière de, une façon de pour « une espèce de » appartiennent à la lan-
gue littéraire : Il n 'a pas de groom, [...] il a une M A N I È R E de petit paysan qu 'il a
A M E N É de son endroit [en italique ; « de son village »] ( B A L Z A C , Cabinet des
E U E S I HISTORIQUE. antiques, Pl., p. 381). S B
*U n e FAÇON d e secré t aire q u e j'ai AMENÉ avec m oi
Si espèce, genre, etc. ont leur signification ordinaire, si l'attention
(VOLT., C orresp ., c i t . Ro b .).
se porte sur eux, ce qui est particulièrement le cas quand ces mots sont
précédés du déterminant démonstratif, le complément n'a pas d'effet
sur l'accord :
[Emma] réalisait la longue rêverie de sa jeunesse, en se considérant dans ce
type d'amoureuse qu ' elle avait tant E N V I É ( F L A U B . , Mmr Bov., II, 9). — Elle était
apparue à Swann [...] d' un genre de beauté qui lui était I N D I F F É R E N T ( P R O U S T ,
Rech., 1.1, p. 195). — Le type de la sainte Nitouche est bien C O N N U
Vu les ex. d e BEAUVOIR qui o n t é t é c i t é s plus
( L . D A U D E T , c i t . Rob., s. v. nitouche). — Ce genre d' exercices vous F E R A du bien
haut, o n p e u t s e d e m a n d e r si d a n s celui-ci o n n ' a
pas une faute contre la règle générale de (Dict. contemp.). — Ce genre de lunettes F A I T fureur (ib.). — Cette sorte de snobs
l ' a c c o r d du par t icipe p a s s é e m p l o y é a v e c avoir. E S T assez C O U R A N T E dans ce milieu (dans Hanse, l. c.). — Ce type de recherches
D ' a u t r e part, voici un ex. o ù o n attendr ait plutôt A déjà été entrepris (ib.). — Ce n ' est pas le genre de réponse qu 'il aurait F A I T
l ' a c c o r d a v e c le c o m p l é m e n t d ' e s p è c e : je serai
l'année dernière ( B E A U V O I R , Mandarins, p. 258). £ 0
h e ure u x d e voir u n a m i d es a ncie ns jo urs re n d re
hom mage à l'esp èce d e co ura g e q u e n o us avo ns, 2° Le caractère adjectival du syntagme espèce de est tel qu' espèce lui-
q u elq u es - u ns et m oi, DÉPLOYÉE (VALLÈS, lettre même prend fréquemment le genre du nom complément : °Un espèce
p u b l i é e d a n s Euro p e, a o û t - s e p t . 1 9 8 0 , p. 1 8 0 ) .
de prophète. Ce tour, courant dans la langue parlée, pénètre dans
l'écrit, et depuis longtemps. J J 0
Esp èce était d é j à parfois traité c o m m e m a s c . d a n s Un écrivain montévidéen [...] l'honorait d' UN espèce de culte romantique
c e t t e c o n s t r u c t i o n au XVIII e s. : *M. Mai s n e e t m oi
( L A R B A U D , dans la Nouv. revue fr., 1er janv. 1926, p. 116). — Crois-tu qu ' elle
le m e n â m es [...] d a ns UN esp èce de ca bin e t
(S.-SIMON, Mé m ., Pl., 1.1, p. 3 4 1 ). - Le Récipie n -
s' est amourachée du fils Azévédo ? Oui, parfaitement : CET espèce de phtisique
d aire p o uroit bie n a ussi ê tre UN esp ece d e gra n d ( M A U R I A C , Th. Desqueyroux, p. 65). [Œuvres compl, p. 198 : cette.] — Un
hom me (VOLT., Le ttres p hi!., XXIV). - Vous fait es espèce de murmure ( B E R N A N O S , M. Ouine, p. 89). [Pl., p. 1424 : une.] — Dans
d e l'e n t e n d e m e n t d u p hiloso p h e [...] UN esp ece d e CET espèce de fourreau de soie (ib., p. 11). [Pl., p. 1357 : cette.] — Et quant aux
m usicie n (DID., Rêve d e d'Ale m b ., p. 2 3 ) . — Ils p ar - Arabes, à TOUS ces espèces de prophètes à la manque (CLAUDEL, dans le Figaro
le n t d e St Lo uis c o r n e d'UN esp ece d'i m b ecille
litt., 5 févr. 1949). — Tous ces espèces d'Arabes (J.-J. G A U T I E R , Hist. d' un fait
(BERN. DESAINT-P., Vie e t o uvr. d ej. - j. Ro uss., p. 2 6 ) .
divers, p. 60). — C E T espèce de navet ( G . M A R C E L , dans les Nouv. litt., 10 nov.
1955). — U N espèce de sorcier ( M . D E S A I N T P I E R R E , ib., 18 déc. 1958). — U N
espèce de vallon ( P A G N O L , Temps des secrets, p. 121). — J 'ai vu où serraient les
mains de C E T espèce d' oiseau [= un homme] (Cl. S I M O N , Vent, p. 38).
Ex. réguliers : U N E espèce de maure ( H U G O , Lég., XLIX, 4). — Il avait à
la main U N E espèce de vilain coutelas ( M É R I M É E , Double méprise, IX). — U N E
espèce de fantôme (BAINVILLE, Napol, p. 467).
3° L'accord se fait avec le nom qui suit toute espèce de, toute(s) sorte(s) de :
Toute sorte de propos S ' E N S U I V I R E N T ( F L A U B . , Educ., II, 1 ) . — Toute sorte
de livres ne S O N T pas B O N S ( L I T T R É ) . — Toute sorte de livres ne S O N T pas éga-
lement B O N S (Ac. [1762-] 1935). — V E N A I E N T dans notre boutique [...] toute
sorte de vieilles bêtes immortelles (J.-J. B R O U S S O N , Â . France en pantoufles, cit.
Hoybye, p. 289). — Toute espèce de belles choses que je n 'avais pas S O U P Ç O N -
NÉES O N T grandi dans mon âme ( L A R B A U D , A.-O. Barnabooth, Journal intime,
Pl., p. 260). — Dans un de ces moments de mauvaise humeur, où toute espèce
d' enthousiasme est DÉFENDU à l'âme humaine ( J . J A N I N , Préf. de : Dumas fils,
Dame aux cam.). — Par toute la chambre [...] étaient POSÉS, pressés, mêlés tou-
tes sortes de menus objets ( E , et J. DE G O N C . , Mmc Gervaisais, III).
Définition.
La syllepse (accord avec le sens, constructio ad sensum, ou
accord logique) consiste à faire l'accord d'un mot, non avec le mot
auquel il se rapporte selon les règles grammaticales, mais avec le
terme qu'on a dans l'idée ou, si l'on veut, avec la réalité sous-jacente.
Nous distinguons trois cas : il n'y a pas de donneur explicite (§ 436)
le donneur ne peut suffire à lui seul à indiquer le genre et le nombre (§ 437)
l'accord contredit le genre et/ou le nombre normaux du donneur (§ 438)
ce dernier cas représente la syllepse proprement dite.
Donneur implicite.
Il n'y a pas de donneur explicite, et on doit chercher dans le
contexte ou dans la situation le genre et le nombre du receveur ; c'est
notamment le cas quand le verbe est à l'impératif.
J e dis qu 'il faut être FOLLE à lier pour repousser ses hommages (STENDHAL,
Chartr., XIX). [Paroles adressées par un père à sa fille, qui refuse un beau parti.] —
Sois GENTILLE [à une femme]. À quatre heures quarante et UNE (minutes sous-
entendu) : cf. § 591, a. — Voir d'autres ex. aux §§ 248, c (attribut du sujet) ; 303, c
(attribut du complément d'objet) ; 335, h (épithète).
a) Les pronoms personnels,je, tu, me, te, nous, vous, peuvent être des
masculins ou des féminins ; de même les pronoms numéraux :
Je suis C O N T E N T (dira un homme). Je suis C O N T E N T E (dira une femme).
Nous sommes C O N T E N T S (si nous représente uniquement des hommes ou un
ensemble d'hommes et de femmes). Nous sommes C O N T E N T E S (si nous repré-
sente uniquement des femmes). — De mes troisfilles,deux sont M A R I É E S .
b) Le pronom relatif qui employé sans antécédent G J, le relatif EUR EH3 remarque.
quiconque, les nominaux indéfinis plusieurs, d'autres, personne, Pour q ui pronom relatif avec antécédent, il n'y a
pas syllepse puisqu'il a le genre, le nombre et la
qui sont d'ordinaire des masculins, peuvent être des féminins personne de cet antécédent.
quand la situation indique qu'il s'agit de femmes. Le pronom
interrogatif qui, d'ordinaire masculin singulier, est féminin ou
pluriel quand la situation l'exige.
Unfiancévolage est insupportable à qui est vraiment AMOUREUSE. — Qui-
conque sera PARESSEUSE et BABILLARDE sera PUNIE ( L I T T R É ) . — Plusieurs sont
AMOUREUSES de lui. Ily en a d'autres qui sont AMOUREUSES de lui. — Pour per-
sonne, § 755. — Et qui donc est ALLÉE à Chaumont dernièrement ? [...] Et qui
donc est RESTÉE depuis deux mois ENFERMÉE ? (ARLAND, Terre natale, V . ) —
Je ne pourrais vous dire qui S O N T LES plus VILAINS ( S A R TR E , Mouches, III, 5).
c) Syllepses occasionnelles.
1° Les mots qui devraient s'accorder avec des noms masculins désignant
des femmes ou avec des noms féminins désignant des hommes prennent
parfois le genre conforme au sexe des personnes désignées. Cet usage,
naguère assez rare, a aujourd'hui ses partisans déclarés : cf. § 486, b.
Sa profession [= du mannequin] ambiguë lui confère l'ambiguïté. Déjà son
sexe, verbalement, est incertain. On dit « ce mannequin est CHARMANTE >»
(COLETTE, Voy. égoïste, p. 70). — L 'auteur de Lélia [= Sand], qui a été [...]
ÉLEVÉE dans un couvent ( S . - B E U V E , Portr. de femmes, Pl., p. 1035). — L 'auteur
[= Marianne Schaub] s' est APPLIQUÉE à faire revivre [...] une pensée quelque-
fois méconnue (M. DE GANDILLAC, dans Critique, déc. 1984, p. 1027).
Toutes les classes [...] jusqu 'à son altesse royale LUI -même, furent reçues et
traitées à merveille (prince DE LIGNE, Mém., p, 82). — Sa Majesté se montra si
GALANT pour la jeune femme ( Z O L A , S. Exc. Eug. Rougon, XI).
Lorsqu'il s'agit d'un pronom personnel qui ne fait pas partie de la même
phrase ou sous-phrase que le mot (cf. § 653, b), la syllepse passe quasi
REMAR QUE.
inaperçue : Son Altesse se tenait dans le salon. ADOSSÉ à la cheminée, IL fumait
Su r l'a c c o r d a v e c d e s e x p ressio ns c o m m e 5a
Majest é le roi, v o ir § 432, fa.
en causant avec ses hôtes (R. ROLLAND, Jean-Chr., t. IV, p. 155), — Sa Majesté
fut inquiète, et de nouveau IL envoya La Varenne à son ministre (J. et
iO&B EUS R E M A R Q UE J. THAR AUD, Tragédie de Ravaillac, p. 143). — De même : Votre Excellence
C e l a v a u t aussi p o u r les p ro n o m s p erso n n els q ui n e
devait songer qu ' un jour IL serait le maître, et placer un homme d' esprit auprès de
sont p as d a ns la m ê m e p hrase o u sous - phrase q u e
le titre : Leurs E x celle nces [...J s'e m p ressère n t a u to ur
LUI (STENDHAL, Chartr., XXIII). [En outre, la maîtresse est difficilement
d e D elest a n g. ELLES le f élicit aie n t discrè t e m e n t acceptable !]
(ZOLA, S. E x c. Eu g. Ro u g o n, XI). — je re gre tt e, Mo n - Ordinairement, les mots qui se rapportent à Sa Majesté et autres titres
seig n e ur, q u e vo tre Ém in e nce n e p uisse re nco n trer honorifiques employés seuls B J se mettent au fém. E l : Loin de trouver Sa
plus so uve n t l'a b b é D el m as, ELLE serait i m m é dia t e -
Majesté DISPOSÉE en ma faveur (C HAT., Mém., I V , V, 4 ) . — Milord, Votre Sei-
m e n t é difié e (LA VARENDE, Roi d'Ecosse, p. 265).
gneurie est trop BONNE ( V I G N Y , Chatt., III, 6). — Votre Excellence est SAINE et
S Z B I E 0 1 HIS T O RI Q UE SAUVE ? (Al. DUMAS, Tr. mousq., I . ) — Votre Altesse sera OBÉIE (STENDHAL,
Le plur. a p rès d e s n o m s collectifs a u sing., e n par- Chartr., XX). — Ces Excellences se rangeront-ELLES aux côtés de M. Mussolini
ticulier a v e c g e n t , était fr é q u e n t e n a n c. et m o y e n
[ . . . ] ! (BERNANOS, Grands cimet. sous la lune, II, 1.)
fr. : D u m o ustier la g e n t ISSOIENT / Q ui la m esse
esco u t é AVOIENT (Se gre t ain m oin e, 2 4 3 - 2 4 4 ) . - 5 e 2° La langue populaire met parfois au pluriel les mots se rapportant à des noms
m aisnie [= sa d o m esticit é] le ple ure n t (A le x is, ver - collectifs singuliers (autres que ceux qui ont été mentionnés ci-dessus : b, 3°),
sio n d u X I I I E s., cit. T o b ler, Mél., p. 2 9 0 ) . - C e
notamment à monde. On en trouve des ex. dans les dialogues des romans. U 0
p e u ple GUAIGNOIENT le ur vie e n faço n bie n
estra n g e (RAB., IV, 12). Il y a assez de monde qui SONT VENUS me voir (HUGO, H. qui rit, II, IV, 8).
— Vos gardes, tenez... Voilà du monde honnête, et qui ne FONT pas grand mal
m i K S I R E M A R Q UE
(GENEVOIX, Raboliot, III, 1). — C' est du monde qui ONT eu des grands malheurs
C o m m e le n o m d oit so n n o m b r e , n o n à
l' a c c o r d , m a i s à la r é a l i t é d é s i g n é e (c f . § 4 2 6 , (Raym. VINC ENT, Campagne, L. P., p. 153). — Il y a beaucoup de monde qui,
R1), d e s e x . c o m m e l e s s u i v a n t s n e ressortis - comme nous, VOIENT l' océan pour la première fois 0 . ANGLADE, Voleur de colo-
se n t p a s st rict e m e n t à l'a c c o r d : quintes, p. 227). — [...] qu 'il n ' eût pas de haine pour papa-maman, qu 'il ne trouvât
T o ut le m o n d e est D E S S A L A U D S ( C O L E T T E , Fin d e pas que tout le monde SONT des cons (B. et Fl. GROULT, Il était deux fois..., p. 73).
C h éri, p. 1 0 0). — Il va falloir cin q u a n t e a n n é es p o ur
Tout le reste de la maisonnée cet imbécile de Turandot compris IRONT au
q u e la m asse s'h a bit u e à p e nser e n RÉVOLUTIONNAI-
RES, c'est - à - dire en INDIVIDUALISTES (LA VARENDE,
Mont-de-Piété (QUENEAU, Zazie dans le métro, XV). — Le Boston [équipe spor-
C e n t a ure d e D ie u, p. 1 1 ). — Les g arço ns su ffisaie n t tive] ONT bien joué (dans Seutin, p. 285). fTW
à ce très curie u x m éla n g e d e races e t d e sa n gs, q ui 3° Dans le français populaire de diverses régions de France (sauf le Midi), en
re n d ait t o u t le m o n d e COUSINS (ib ., p. 101 ). Suisse romande, en Belgique, au Québec (cf. Rézeau) [voir aussi § 1056], le
K H R E M A R Q UE
syntagme formé par chez + un nom de famille ou un prénom peut être suivi
P o u r l e s t i t r e s d e j o u r n a u x , v o i r a u ssi § 4 7 8 , b . d'un pluriel :
L e s n o m s d'a ss o ci a t i o n s p e u v e n t p o s e r d e s pro - "Chez Legrand VENDENT leur maison (= Les Legrand...).
b l è m e s a n a l o g u e s à c e u x q u e p o s e n t les titres.
Pa r e x ., s'ils s o n t e m p l o y é s sa n s d é t e r m i n a n t ( c e f T p !
q u i n'e s t p a s l'u s a g e n o r m a l : c o m p . § 588, c, 2°)
Accord avec un t i t r e de livre, de tableau, etc. f H
c o m m e sujets, le v e r b e r e st e p a rf o is a u sin g. : a) Si le titre forme une phrase ou une proposition, il est logique que les
Re nco n tres co m m u nist es DEMANDE q u e la d a t e
receveurs se mettent au masculin singulier, genre et nombre indifféren-
d u p roch ain co n grès d u P. C . F. soit fi x é e d ès
m ain t e n a n t ( d a n s le Mo n d e, 2 7 j u i n 1 9 8 1 , p . 8). ciés (comme dans les emplois autonymiques : § 460), mais aussi genre et
C o m p . a u ssi § § 4 7 2 , c ; 4 7 5 ; 508, b ( g e n r e d e s nombre qui conviennent à des noms génériques comme livre, film, tableau,
n o m s d e b a t e a u x , d'é g lis e s, d e l o c a li t é s, e t c .). etc. (voir cependant d), mots présents à l'esprit de celui qui parle ou écrit.
Les Dieux ont soif EST un livre d' une maîtrise absolue ( TH I B A U D E T, Hist.
de la litt. fr. de 1789 à nos jours, p. 433). — Les Oiseaux s'envolent et les fleurs
tombent [...] EMPORTE plus aisément notre adhésion (BLLLY, dans le Figaro litt.,
22 mars 1952). — Heureux les pacifiques EST le long récit d' une éducation intel-
lectuelle (R. KANTER S, Des écrivains et des hommes, p. 192). — Bien que Les
dieux ont soif [...] RÉVÈLE que l'auteur [...] (G. PLCON, dans Hist. des litt., t. III,
p. 1260). — Tous les hommes sont mortels [,..] ESQUISSE la satire du rêve
d'immortalité qui sommeille en chacun de nous (BOISDEFFRE, Écrivains fr.
d'aujourd'hui, p. 27). — Comment les dogmesfinissentA été ÉCRIT parJouffroy
en 1823.
Pourtant, l'accord avec le sujet de la phrase-titre n'est pas si rare qu'on
croirait : Les Affaires sont les Affaires [...] ONT mérité de rester [...] une des
grandes pièces du répertoire ( TH I B A U D E T, op. cit., p. 5 0 4 ) . — Les lions sont
lâchés SONT un roman par lettres ( H E N R I O T , dans le Monde, 5 oct. 1 9 5 5 ) . —
La Mort conduit l'Attelagefut [...] très bien REÇUE par la critique (YOURCENAR,
Œuvre au noir, p. 326). — Les Dieux ont soif SONT [ . . . ] un ancien ouvrage de
jeunesse retrouvé dans les tiroirs ( H . CLOUARD, Hist. de la litt.fr. du symbolisme à
nos jours, 1.1, p. 308). —J 'assistai à une projection des Jeux sont faits TOURNÉS
par Delannoy sur un scénario de Sartre (BEAUVOIR, Force des choses, p. 1 4 7 ) .
b) Si le titre est un syntagme prépositionnel, les receveurs se met-
tent d'ordinaire au masculin singulier (comp. a). M mm REMARQUE
L'En route de Huysmans est CHRÉTIEN (THIBAUDET, op. cit., p. 377). — Si l'on supprime la préposition, le titre t o m b e
L E Pour la couronne de François Coppée (LALOU, Hist. de la litt.fr. contemp., sous l'application du t, 4° : La R echerche [= À la
rech erch e d u t e m ps p er d u] est FAIIE d'élé m e n ts
p. 259). — À la recherche du temps perdu n ' est pas ACHEVÉ 0. MADAULE,
u niversels ( G . GENETTE, Fig ures III, p . 6 8 ) .
Reconnaissances, p. 142). — Sans famille avait été COMMANDÉ par Hetzel
(A. BAY, dans Hist. des litt., t. III, p. 1610). — Par les champs et par les grèves
ÉTAIT avant tout un exercice de description ( T H I B A U D E T , Flaubert, p. 81).
Il est exceptionnel que l'accord se fasse avec le nom inclus dans le
syntagme : De l'Allemagne, une fois UTILISÉE, a été de moins en moins LUE
( T H I B A U D E T , Hist. de la litt.fr. de 1789 à nos jours, p. 5 1 ) .
Indications numériques.
Il arrive qu'une indication numérique entraîne le singulier parce
qu'elle est pensée comme un ensemble, comme un total :
Seize cent mille francs de gain ÉTAIT encore une jolie somme ( Z O L A , Bonheur
des D., VIII). — Fallût-il pour cela donner cent francs (cent francs qui en somme
n ' est pas quelque chose à nous [ . . . ] ) ( P R O U S T , Jeu» Santeuil, dans le Figaro litt.,
3 nov. 1951). — Cinq minutes de paradis ARRANGERA tout (BERNANOS, Cor-
resp., 24 oct. 1934). — Quinze millions me SEMBLE une hypothèse très modérée
(BEAUVOIR, Mandarins, p. 295). — Cinquante coups de baguette FUT le tarif
imposé - trente auraient suffi 0 . O R I E U X , Figues de Berbérie, p. 164). E J J • H E H REMARQUE.
Ex. avec le pluriel : Quarante ans SONT PASSÉS (HUGO, Châtim., V, D a n s c e r t a i n s d e c e s e x ., l'a c c o r d se fait peut -
ê t r e a v e c l'a t tri b u t (c o m p . § 9 3 2, b) ; c e l a ex pli -
XIII, 2). — Cinquante francs ne SUFFISAIENT pas pour acquitter la dette (ID.,
q u e r a i t l e t r a i t e m e n t d if f é r e n t d e s d e u x v e r b e s,
Misér., I, V , 8 ) . — Six mille écus ne SONT pas une bagatelle ( M U S S E T , On ne d a n s l e t e x t e d ' O R I E U X . D' a u t r e p art, lo rs q u'il y a
badine pas avec fam., I, 2). — Les rafraîchissements que trente degrés de chaleur u n c o m p l é m e n t à la suit e d e l'i n d ic a ti o n n u m é -
RENDAIENT nécessaires (VER NE, Enfants du capit. Grant, II, 18). — Une monta- ri q u e , il p e u t p r é d o m i n e r d a n s la p e n s é e , nota m -
gne [...] dont me SÉPARAIENT cent mètres de prairies (BARRÉS, Mes cahiers, t. III, m e n t d a n s la p h r a s e d e B E R N A N O S .
p. 244). — Vingt-cinq ans de guerre et de paix armée AVAIENT appris au capitaine
en quoi consiste l' envers des cartes (YOURCENAR, Œuvre au noir, p. 128).
Le pluriel est obligatoire si l'indication numérique est précédée d'un
déterminant : Ces cent cinquante lignes [ . . . ] SUFFIRENT 0. et J. THAR AUD, cit.
Hoybye, § 95).
Dans l'expression d'une égalité dont le premier membre est une
pluralité, si l'on écrit en toutes lettres le verbe égaler ou si l'on emploie
faire ou donner, on peut laisser ces verbes au singulier ; l'accord est
alors sylleptique et se fait avec nombre ou cela, qu'on a dans la pensée.
Mais on peut aussi mettre le pluriel (surtout k faire).
E x . d u sing. : Deux multiplié par cinq ÉGALE dix (LI TTR É, s. v. égaler, 2 ° ) . —
Quatre pris quatre fois DONNE seize (ID., s. v. fois, 3 ° ) . — Quatre plus quatre
ÉGALE huit (Dict. gén., s. v.plus). — Six moins quatre ÉGALE deux (ib., s. v. moins).
— Vingt-sept moins dix ÉGALE dix-sept (IKOR, Semeur de vent, p. 15). — Quatre
multiplié par vingt FAIT quatre-vingts (Ac. 1935, s. v. quatre-vingts). — De même ;
18 soustrait de 54 LAISSE pour reste 36 (Dict. contemp., s. v. reste).
Ex. du plur. : Trois plus trois ÉGALENT six (Dict. gén., s. v. égaler). — Qua-
rante ÉGALENT, suivant les cas, dix, soixante, vingt (IKOR, Ceinture de ciel, p. 194).
— Deux fois deux FONT quatre (Ac. 1835-2000, s. v.fois). — Puis il compta :
Dix-sept multiplié par deux FONT trente-quatre (BORDEAUX, Paris aller et retour,
p. 95). — Cinq cents francs 1878 ÉGALENT au moins cent mille francs 1954
(MAUROIS, Olympio, p. 539). — Deuxfois vingt-cinq ÉGALENT cinquante ( M l S T -
LER, Route des étangs, p. 58). — 1 + 1 +4 ÉGALENT 6 ( D É O N , Rendez-vous de
Patmos, p. 318).
Si l'on a et dans le premier nombre, le pluriel paraît préférable : Deux et
B U E U H I S TO R I Q U E . deux FONT quatre (Ac. 2000, s. v. faire, I, B, 2), RU — En arithmétique, un et un
D é j à en 1 6 9 4 . FONT deux. En amour, un et un DEVRAIENT faire un (MAUPASS., C., Yvette,
• i » l i a REMARQUE. II)-ra
Avec un emploi archaïque de ê tre : D e u x e t
Multiplié, ôté, soustrait, retranché, divisé, dans les opérations arith-
deux SONT q u a tre (HERMANT, Xavier, p. 1 2 7 ) .
métiques, restent d'habitude au singulier :
100 DIVISÉ par 10 donne 10 ( L I T T R É ) . — 6 5 ÔTÉ de 50 ( M . BOLL, Étapes des
mathém., cit. Rob., s. v. négatif). — 65 ÔTÉ de 60 donne un nombre négatif (Rob.).
— Trois ÔTÉ de huit, il reste cinq (Grand Lar. langue). — Autres ex. ci-dessus.
Le pluriel se trouve cependant : Sept ÔTÉS de dix, reste trois (LITTR É, s. v. à,
Rem. 9). — Vingt-sept ÔTÉS de soixante, reste trente-trois (IKOR, Semeur de vent,
p. 14). [Pour reste, voir aussi § 936, c.]
b) L'âge et l'heure.
1° Après le syntagme sujet cardinal + ans, la copule est au singulier
quand l'attribut est un nom singulier :
Quarante ans EST l'âge des folies (BALZAC, Employés, P l . , p . 9 1 1 ) . — Et
seize ans EST un âge où, certe [§ 960], on aurait droit / De repousser du pied le
E U E S 3 REMAR QUE.
Dans Elle a vin g t a ns JUSTE ou tout JUSTE, j u s t e est
seuil du tombeau froid ( H U G O , Lég, X V I I , 4 ) .
invariable c o m m e adverbe : cf. § 963, f, 2° ; d e On a le pluriel dans avoir trente ans ACCOMPLIS, RÉVOLUS, bien COMP-
m ê m e , f er m e dans II a é t é co n d a m n é à vin g t a ns TÉS, bien SONNÉS EU, de même que dans Depuis l' enfance jusqu 'à SES vingt
FERME : Cf. ib . ans (E. DE GONC., Chérie, Préf.) ; etc.
2° Quand le sujet est une indication plurielle contenant le mot heures
œ a m a HISTORIQUE et concernant un moment S B et non une durée, l'accord du verbe est
On a d'ailleurs recouru d'abord à l'ordinal : hésitant.
cf. § 603, H1. D e m ê m e pour le millésime : voir d.
Ex. du sing. : Sept heures s'EXHALAIT comme un soupir qui soulage
( C h . - L . PHILIPPE, Père Perdrix, p. 118). — Cinq heures de l'après-midi EST un
moment instable (COLETTE, Naissance du jour, p. 67). — Deux heures de l'après-
midi EST PROSAÏQUE, presque VULGAIRE (LARBAUD, Fermina Marquez, XVIII).
— Dix heures SONNA (VAILLAND, 325000francs, p. 65). — Comp. : Par la fenê-
tre, un jour clair et doux D'UN 4 heures d'avril (J. DEVAL, Age de Juliette, Petite Illus-
• 2 » E S I REMAR QUE. tration, p. 15). CEI
À distinguer d e l'emploi métonymique : Le q u a - Mais le plur. est plus fréquent : Onze heures SONNÈRENT (STENDHAL, Rouge,
tre h e ures (goûter) [ § 5 1 3 , b .]
II, 16). — Deux heures VENUES [= à 2 heures] (Al. DUMAS, Viva Garibaldi !,
p. 45). — Madame de Langeais [...] attendit que huit heures SONNASSENT (BAL-
ZAC, Duch. de Langeais, Pl., p. 246). — Cinq heures ARRIVÈRENT ! (FLAUB., Éduc.,
II, 6.) — Est-ce qu ' onze heures ne VONT pas bientôt sonner ? (WLLLY et COLETTE,
Claud. à l' école, p. 127.) — Quatre heures ARRIVÈRENT (ALAIN-FOURNIER,
Gr. Meaulnes, II, 4). — Quatre heures APPROCHAIENT (ARLAND, Vivants, p. 35).
— Dix heures VENAIENT à peine de sonner (SARTRE, Âge de raison, L. P., p. 118).
Inversement, quelques auteurs mettent le pluriel après midi, minuit,
quand il s'agit de sonnerie, parce qu'ils pensent aux douze coups (ou, sim-
plement, par analogie avec les autres indications d'heure). Littré (s. v.
midi) s'élève contre °Midi ONT sonné, et l'usage ordinaire lui donne raison.
Minuit VIENNENT de sonner quatre fois autour de moi ( V I G N Y , lettre, dans
la Revue des deux mondes, 15 janv. 1956, p. 262). — Comme minuit ACHE-
VAIENT de sonner ( S TE N D H A L , Armance, XXVI). — Minuit SONNÈRENT
( Z O L A , Œuvre, VIII ; GIR AUDOUX, cit. Hoybye, § 91). — Midi V O N T sonner
(ESTAUNIÉ, Mmc Clapain, p. 61).
Le sing. est beaucoup plus fréquent : Quand minuit EUT achevé de sonner
( G I D E , Paludes,P. 1 5 0 ) . — Midi SONNA dans la ville ( C O L E T T E , Chambre
d'hôtel, p. 68). P u K 9 E U S AUTRES EXEMPLI
Comp. l'accord avec trois heures et demie : ci-dessous, § 445, c. STENDHAL, A b b . d e C astro, Il ; H u c o , C h oses
vu es, p . 1 5 ; FLAUB., M " "' Bov., II, 1 2 ; A . D A U D E T,
Les adjectifs qui accompagnent le syntagme cardinal + heures s'accordent Rois e n e x il, p. 9 6 ; MAETERMNC K, O ise a u ble u,
avec heures : A onze heures PRÉCISES (FLAUB., Êduc., I I , 1 ) . C e p e n d a n t , il y a des IV, 7 ; MARTIN DU G., T hib ., Pl., t. I, p. 9 2 5 ; etc.
hésitations pour les participes présents (tapant, sonnant, etc.) ayant ce rôle : A
deux heures T A P A N T E S o u T A P A N T . O n t r o u v e m ê m e °A deux heures PASSÉ.
Voir § 963,/, 2°. Mais dans II est deux heures juste, juste est un adverbe invariable.
On dit sur les deux heures pour marquer l'approximation et, par analogie,
vers les deux heures ; de là, sur ou vers les une heure, vers les midi. Voir § 602, d.
Plus d'un, impliquant logiquement la pluralité lorsqu'il s'agit de cho-
s^ m m t m w m
ses non divisibles 0 3 , entraîne parfois le pluriel, que plus d' un soit suivi ou rai M A R EMAR QUE.
non d'un nom (lequel, quand il est présent, est toujours au singulier). E 3 Plus d'u n h o m m e, cela fait a u m oins d e u x h o m m es,
ta n dis q u e plus d'u n e p a g e, c e la p e u t ê tre u n e p a g e
Plus d' un + nom : Plus d' un statuaire [...], et ^'ILLUSTRES, ONT égaré et d e m ie . V o ir p ar ex. : Plus d'u n m ois P A S S A sa ns
LEURS ESPRITS dans de vaines ou absurdes théories (VALÉRY, Pièces sur l'art, Pl., e nco m b re (YOURCENAR, Œ uvre a u n oir, p. 2 5 4).
p. 1 3 6 5 ) . — Ces cahiers contiennent plus d' une page AUXQUELLES [ . . . ] je me refu-
i B E I REMARQUE
serais à renoncer (Ch. Du BOS, Dialogue avec A. Gide, p. 66). — Comme l' ONT Le pluriel est obligatoire si plus d'u n est répété
fait remarquer plus d' un philologue ( T H É R J V E , Libre hist. de la langue fr., p. 2 3 9 ) . devant plusieurs noms coordonnés, mais cela
Plus d' un employé pronominalement : Plus d' un [exemple d'amour] (et des ressortit à une autre règle (celle des donneurs
plus beaux) O N T été CACHÉS ( S . - B E U V E , Portr. de femmes, éd. Antoine, p. 580). multiples: § 4 4 1 ) : Plus d'u n e co m m u nica tio n
— Plus d' une parmi elles SONT SORTIES du monastère comme j' en sors bie nveilla n t e, plus d'u n e re nco n tre h e ure use m e
S O N T ADVENUES (LITTRE, A d d i t i o n s , p . 353).
aujourd'hui, VIERGES et PLEINES d' espérance ( M U S S E T , On ne badine pas avec
l'am., II, 5). — j' en connais plus d' un qui ONT joliment arrondi leur fortune
( Z O L A , Curée, I ) . — Beaucoup de Français étaient alors persuadés, et plus d' un le
S O N T encore DEMEURÉS jusqu'à une date récente, que les populations indigènes se
laisseraient absorber (ROMAINS, dans la Nation belge, 20 oct. 1947). E 9 E 9 D I E L AUTRES EXEMPLI
Du pluriel : VERL, O d es e n so n h o n n e ur, XVII ;
Le singulier est plus fréquent :
R . R O L L A N D , le a n - C hr., t. IX, p . 2 7 ; MAURIAC, Vie
Plus d' un + nom : La perte que plus d' un interlocuteur y [= dans l'échec du sys- d e Jésus, XVI; ARLAND, Étie n n e, p. 1 3 5 ; R. LE
tème de Law] FAISAIT avait animé le discours (S.-BEUVE, op. cit., p. 585). — J adis BIDOIS, Mots tro m p e urs, p. 11 ; A. PEYREFITTE, Mal
plus d' un brigand dans ce puits se PERDIT ( H U G O , Théâtre en liberté, Épée, I). — fra nçais, p. 40.
Plus d' une lacune SERA COMBLÉE (LITTR É, Préf., p. X X X V I I ) . — Plus d' un criminel
J'ÉTONNE d'avoir commis son crime (VALÉRY, Regards sur le monde actuel, p. 55).
— Plus d' un sceptique EÛT été bien EMBARRASSÉ de convenir que l'interlocuteur invi-
sible [...], c ' était la croix nue pendue au mur (BERNANOS, Imposture, Pl., p. 324).
Etc.
Plus d' un pronominal : J ' en sais plus d' un qui /'AURAIT mérité, / Et qui MOUR-
RAIT heureux sans s' en être DOUTÉ ( M U S S E T, Prem. poés., Namouna, I, 7 3 ) . —
Plus d' un se RAPPELA des matinées pareilles (FLAUB., SaL, I X ) . — Plus d' un / Ne
VIENDRA plus chercher la soupe parfumée (BAUDEL., FL du m., Crépuscule du soir).
CH Règle générale.
• Les donneurs sont unis par et : INQUIETS, Pierre et Paul SONT VENUS
me trouver. — Avoir la chevelure et la barbe BLANCHES. — Jeanne et
Marianne se SONT TUES. — Robert et Arthur se SONT-ILS RÉCONCILIÉS !
— Le livre et le film AUXQUELS vous pensez. — LAcadémie royale de lan-
gue et de littérature FRANÇAISES (de Belgique). — Servitude et grandeur
MILITAIRES (titre d'un livre de VIGNY). — TE S père et mère honoreras
(décalogue, dans sa version catholique traditionnelle). — Q u 'il garde
PARFAITS [ . . . ] votre esprit, votre âme et votre corps (l re épître de s. Paul
aux Thessal., V, 23, dans Missel dominical de l'assemblée, p. 56).
• Les donneurs sont unis par ou : Si l' enfant, le frère ou la sœur AUXQUELS
des biens auraient été donnés par acte entre-vifs [sic] [ . . . ] ACCEPTENT une
nouvelle libéralité (Code civil, art. 1052). — Si [...] le locataire ou le fer-
mier ONT été TROUBLÉS dans leur jouissance (ib., art. 1726). — Un
homme de génie ou un intrigant SEULS se DISENT : « J 'ai eu tort. » (BAL-
ZAC, Curé de Tours, p. 16.) — On doit voir un rouge ou un violet plus
INTENSES que ceux du spectre (TAINE, De l'intelligence, 1.1, p. 229), —
Je ne serais pas étonné que son père ou sa mère FUSSENT ALCOOLIQUES
(BARRÉS, Dérac., p. 368). — Comme un mot d'amour ou bien comme
une insulte TOMBÉS dans une âme ardente (ID., Du sang..., p. 169). —
Le doute eût été supprimé par une connaissance ou une ignorance égale-
ment COMPLÈTES (PROUST, Rech., t. III, p. 30). — Un rêve né de la vue
d' un visage ou d' un corps que Swann avait [ . . . ] TROUVÉS CHARMANTS
(ib., 1.1, p. 195). — J u s q u 'à la prochaine catastrophe [...] que DÉCHAÎ-
NERONT un nouveau peintre ou un nouvel écrivain ORIGINAUX (ib., t. II,
p. 327). — Avec un s ou t FLEXIONNELS (FOUCHÉ, Verbe fr., p. 91). —
Ils n ' en étaient pas moins, à l' occasion, justes et simples, mais d' un air si
altier que simplicité ou justice ne leur VALAIENT la moindre sympathie
(BOSCO, Malicroix, p. 82). — Cette désinvolture irritait le mari qui
butait dans la chambre de sa femme sur un fringant chapeau ou un man-
chon JETÉS à terre (YOURCENAR, Souvenirs pieux, p. 19). — Se dit d' un
terrain, ou d' un sable qui s'EFFONDRENT quand on veut les creuser
(Grand Lar. enc., s. v. boulant). — Voir cependant § 449.
FÛT-ELLE OUBLIÉE, qu ' on s' en ferait encore quelque idée (GR AC Q, En Voir cependant : Si le re gre t - d o nc l'i m a gin a tio n -
INTERVIENNENT e n ce tt e m in u t e d e d é n u e m e n t
lisant en écrivant, Pl., p. 704). ffl (Cl. MAURIAC, Malra u x o u le m al d u h éros, p. 116).
IV, 4 ). — Le D uc e t le Mar q uis se RECONNUT a u x de littérature F R A N Ç A I S E de Belgique ( V A L É R Y , Disc, sur Verhaeren, Pl.,
Pa g e s (BOIL., S a t , V). — je m e m o q u ois d e 1.1, p. 756). — L ' être qui pouvait me jeter dans un désespoir et une
C o p e n h a g e n e t d es g ase tt es ; m ais la ca m p a g n e
agitation PAREILLE (PROUST, Albertine disparue, 1.1, p. 37) [pareils :
e t l'in t erest q u'o n p re n t a u x affaires g e n erales
FAIT ch a n g er d'avis (SÉv., 1 2 j u ill e t 1 6 9 0). - Mo n
Rech., Pl., t. III, p. 437]. — Il [= Taine] ne tombe jamais plus entièrement
esti m e, m o n a m itié e t la reco g n oissa nce DURERA dans le cercle de l' esprit et de la culture C L A S S I Q U E [ . . . ] que lorsque il s'ima-
a u t a n t q u e m oi (MAINTENON, Le ttres, 1 7 m a rs gine les fuir ( T H I B A U D E T , Hist. de la litt.fr. de 1789 à nos jours, p. 3 5 1 ) .
1 7 0 0). — L e b o n se ns e t le b o n h e ur d es p articu -
— C' est l'influence, la volonté, le génie N A P O L É O N I E N qui se faisaient par-
liers co nsist e b e a uco u p d a ns la m é diocrit é d e
le urs t ale ns e t d e le urs f ort u n es (MONTESQ., Fsp r.,
tout sentir ( B A I N V I L L E , Bismarck et la Fr., p. 1 8 7 ) . — Se constituer une
V , 3). — Le p o ur e t le co n tre vo us AFFLIGE é g ale - pensée et une conduite P E R S O N N E L L E ( M A U R I A C , Paroles catholiques,
m e n t (DID., N eve u d e Ra m e a u, p. 10). p. 2 6 ) . — Un poète contemporain de langue et de race A N G L A I S E ( H E R -
M A N T , Aube ardente, I I I ) . — Bien nette, en revanche, est l' opposition d' un
REMARQUE.
N o u s n e m e n t i o n n o n s ici q u e d e s ex. o ù les don- é bref et d' un é long F I N A L ( A . M A R T I N E T , Prononc. du fi. contemp.,
neurs sont soit c o o r d o n n é s par et, soit j u x t a p o s é s pp. 2 1 4 - 2 1 5 ) . — Par ce mouvement [...] d' une précision et d' une élégance
sans c o n j o n c t i o n . Pour d'autres t y p e s d e c o o r d i n a - ABSOLUE (VAILLAND, Loi, L. P., p. 256). — Voir aussi § 646, RI.
tion, voir la suite du texte, n o t a m m e n t § 4 4 9 (ou).
• Accord en genre avec le nom le plus proche, ce qui est assez rare :
REMARQUE.
°Dans les mouvements et les habitudes les plus J O U R N A L I È R E S , dans la
La d é s i g n a t i o n officielle p o r t e fra nçaises.
façon de s'habiller, de manger les œufs à la coque, de plaisanter ou d' être
triste aux enterrements (GIRAUDOUX, Littérature, p. 310).
• Pour le cas où l'épithète précède les noms, voir § 444, b .
S'il n'y a pour les deux noms qu'un seul déterminant singulier (tour
archaïque : voir § 577, b), l'épithète reste au singulier : La naïveté et malice
E S I E U X REMARQUE. G A U L O I S E ( S . - B E U V E , Caus. du lundi, 1.1, p. 257). [33
Le pluriel s e t r o u v e p o u r t a n t parfois : D a ns le
m al, la lo giq u e t o uch e à la m éch a nce t é e t lâch e t é
b) Cela est plus rare pour les verbes E l et les attributs :
SUPRÊMES (A. SUARÈS, V u es sur l'Euro p e, p. 1 3 8 ) . QUELLES sont ces ruines antiques, / Ces vieux créneaux, ces vastes tours, / Et ces
M E 3 H REMARQUE vitraux brisés [...] ? (HUGO, Œuvres poét., PL, 1.1, p. 87.) [Le 1er terme englobe
D a n s les e x . d e LAMENNAIS e t d e BAINVILLE c i t é s plus ou moins les autres ; comp. § 448, c, 2°.] — Leur sommeil et leur réveil en FUT
d a n s le a, les é p i t h è t e s s o n t t r a i t é e s a u t r e m e n t tout P A R F U M É ( F R A N C E , Les dieux ont soif, p. 1 6 1 ) . — Leur condition et l' état du
q u e le v e r b e . MICHELET est plus c o n s é q u e n t . monde les FOR Ç A d' être toujours en armes (ID., Sur la pierre blanche, p. 1 4 ) . — La
fatalité de nos caractères et la malchance delà vie A voulu que ma petite Albertine ne
pût pas être ma femme ( P R O U S T , Rech., t. I I I , pp. 4 6 9 - 4 7 0 ) . — La haine et le dégoût
qu 'il est impossible de ne pas ressentir à son endroit ne VA jamais sans une complicité
( M A U R I A C , Trois grands hommes devant Dieu, p. 3 0 ) . [Même texte dans les
Œuvres compL] — L 'angoisse et le doute D E M E U R E R A au cœur de la foi juive ( M A R I -
T A I N , Questions de conscience, p. 6 4 ) . — Le jour est venu de la seule explication
qu 'homme et femme A T T jamais eue [entre eux] ( G I R A U D O U X , Sodome et Gom., 1,2).
Pour le verbe, il serait plus prudent de parler d'accord avec un seul sujet.
• Il s'agit du verbe et, éventuellement, de l'attribut : Une grande chose Puisque l'accord a v e c le d o n n e u r le plus p r o c h e
était e n c o r e courant au XVII'' et au XVIII'' s., cela se
commençait ; Q U E L en S E R A I T le progrès, l'issue, les résultats, qui pouvait
manifestait aussi quand les donneur s étaient
le dire ? ( M L C H E L E T , Hist. Révol.fr., I, 2.) — Ainsi se P A S S A le reste du p o s t p o s é s : C e t t e p artie du T e m ple in t érie ur o ù
jour et toute la nuit ( M É R I M É E , Mosaïque, Tamango). — Afin de lui ESTOIT le C h a n d elier d'or, l'A u t el d es p arf u m s, e t les
répondre Q U E L L E É T A I T mon opinion et mon intention sur ces projets T a bles d es p ains d e p ro p ositio n (RAC, A t h., Préf.). —
( V I G N Y , Corresp., lljuillet 1849). — Dans la région où C R O Î T le À Paris REGNE la lib ert é e t l'é g alit é (MONTESQ., L p ers.,
LXXXV1II). — V oilà les raiso n n e m e n ts q u'AMÈNE le
mélèze, l'arbousier et le noisetier ( F R A N C E , Septfemmes de la Barbe-bleue,
lu x e et so n p e tit g o û t (DID., C orresp , t. VIII, p. 1 3 9 ) .
p. 123). — Vois quelle forme de ville claire et blanche /A refwe la pierre
et le plâtre déposés dans ces champs antiques ( C L A U D E L , Ville, 2e version,
p. 206). [Rem. le plur. masc. déposés.] — Là se MONTRE l'hiver et l'hon-
neur qui m' est dû ( C O C T E A U , Poésie 1916-1923, Poète de trente ans).
— Tant E S T G R A N D E la discipline, le respect humain, au Ministère de la
Justice, que cette joliefillene supplia pas, ne se roula pas par terre ( G I R A U -
D O U X , Bella, VIII). [Cf. § 447, b] — T E L É T A I T le courage et le dévoue-
ment des marins (J. et J. T H A R A U D , Rayon vert, p. 149). — P U I S S E
l' estime et l'amitié, qu 'il connaissait, de quelques Français lui avoir été au
moins de quelque prix ( M . R O Q U E S , dans Romania, 1952, p. 283).
Dans le cas de Qu 'importe et Peu importe, le singulier n'est pas limité
au cas où la suite est constituée par une coordination : cf. § 936, b.
• Il s'agit de l'attribut d'une proposition absolue : SOUS-ENTENDUE la
guerre, le Nord, la Somme ( C O C T E A U , Lettre à Maritain, p. 14).
• Il s'agit d'épithètes H : J 'aime voir l' orgueilleux cochon qui entre à un REMARQUE.
bout de la machine en faisant mille difficultés [...] et qui en sort à l'autre D a n s la l i t u r g i e c a t h o l i q u e , le 2 9 j u i n e s t la
bout en B E L L E S saucisses et jambons ( B A R R É S , Voy. de Sparte, 1906, f ê t e s i m u l t a n é e d e saint Pierre et d e saint
p. 143). — De N O M B R E U S E S décisions et échanges avaient été reportés P a u l , o u , p l u s b r i è v e m e n t , la SM N T - Pierre - e t -
dans l'attente du verdict des électeurs américains ( M . T A T U , dans le Pa ul : v o i r p a r e x . C. MELLOV, O ffra n d e filiale,
1 9 3 4 , p. 1 4 5 ; VAN GENNFI', Ma n u el de f ol k l.
Monde, 4 nov. 1976). [L'accord avec le donneur le plus proche abou-
fr. co n t e m p ., 1.1, p . 2 1 0 3 . O n a c c o r d e donc
tit à attribuer un genre différent à l'épithète et au participe.]
sain t a v e c le m o t l e p l u s p r o c h e ( p e u t - ê t r e y
• Il s'agit de déterminants (qui précèdent nécessairement les don- a-t-il a u s s i i n f l u e n c e d u s i n g u l i e r la). — T r o y a t
neurs) : Les fraudes [...] sur LA quantité et qualité du travail achevé é c r i t : La SAINT - Pi e r r e e t SAINT-Paul ( C a t h e r i n e
( M . F O U C A U L T , Surveiller et punir, p. 2 7 9 ) . — Voir § 5 7 7 , b. la Gra n d e, pp. 1 7 6 et 1 8 3 ) .
qu'une seule fois le nom singulier 0 3 qui est commun aux termes coor- g r é les d é t e r m i n a n t s e t / o u les a d j e c t i f s au
s i n g u l i e r ("Le XVir e t le XV/ / / 1' SIÈCLES ; " T elle
donnés (§ 218, ci), le verbe et l'attribut s'accordent d'ordinaire avec l'ensem-
e t t elle PERSONNES) ; c e t u s a g e e s t c o n t e s t a b l e
ble des noms, c'est-à-dire avec le nom exprimé et avec le nom sous-jacent : ( c f . § 5 1 2 , d). Il e n t r a î n e e n t o u t c a s le pluriel
Un second coup de sonnette, puis un troisième, puis un quatrième E M P L I R E N T des receveurs :
de vacarme le petit logement ( M A U P A S S . , C., Surprise). — Ma douzième, ma trei- Le p re m ier e t le d e u x iè m e é t a g es ÉTAIENT NÔTRES
zième année O N T été comme E N D E U I L L É E S par les récits que me faisait ma mère de (JAMMES, D e l'â g e divin à l'â g e in gra t, IV). — L'u n e
e t l'a u tre d octrin es RÉPUGNENT à voir [...] (BERG-
l' écrasante défaite du Sud ( G R E E N , Journal, 3 juillet 1951). — Le bon et le mauvais
SON, Évol. cré a tr., p. 4 8 ) . — T el e t t el vive urs
parti É T A I E N T si difficilement D I S C E R N A B L E S ( M A U L N I E R , J e a n n e et les juges, IV). AIMENT à ne se co uch er q u'a p rès l'a u b e
— Le cinquième et le sixième wagon [...] ONT des chances [...] de s'arrêter juste (H. QUEEFÉLEC, Portrait d e la Su è d e, p. 2 0 ) .
devant la sortie (A. STIL, Seize nouvelles, p. 41). — Ni le XVIIe ni le XVIIIe siècle
ne TR OUVENT grâce à tes yeux (Al. BOSQUET, Enfant que tu étais, p. 1 1 7 ) .
De même, le pronom relatif transmet le nombre résultant de l'addition des
deux noms : Les juifs, exclus de la société féodale et de la légiste qui ONT précédé
notre temps [ . . . ] (BARRÉS, Ennemi des lois, 1927, p. 146).
Quand on a un donneur ellipsé au sing. et un donneur exprimé au pluriel
(cf. § 218, b, 2°), c'est le pluriel qui l'emporte : La ou les victimes SERONT HOS-
PITALISÉES. — Il manque à Les Semailles et les Moissons la dimension que leur
AURAIENT donnée un ou deux personnages d' un niveau supérieur (BLLLY, dans le
Figaro, 26 mars 1958).
S'il y a un seul déterminant pour l'ensemble des termes coordon-
nés, le verbe et l'attribut se mettent au pluriel si le déterminant (ainsi
que le nom, — les adjectifs étant au singulier par accord distributif :
§ 428) est au pluriel. Le verbe et l'attribut sont au singulier si le déter-
minant unique (ainsi que le nom) est au singulier.
• Les langues anglaise, portugaise, espagnole SERVENT [ . . . ] à l'interprétation de la
pensée de plusieurs millions d'hommes (CHAT., Mém., I, VII, 11). — Les VIe et
X' armées / ÉLANCENT à l'assaut (PÉTAIN, Disc, de réception à l'Ac.fr.).
• La littérature grecque et latine nous A familiarisés avec les dieux du monde hellé-
nistique et romain (DANIÉLOU, Dieu et nous, p. 42). — Une seconde, troisième, ixième
édition ÉTAIT CENSÉE s' écouler plusfacilement quela première (P. ORECCHIONI, dans
miwm REMARQUE. Europe, oct.-déc. 1982, p. 159). [Pour cet ex., tenir compte aussi du § 451.] l i J
Si le nom est au pluriel avec plusieurs détermi-
nants au singulier, voir R1. — O n rencontre des
b) Comme dans le cas envisagé dans le a ci-dessus, le verbe et l'attri-
ex. où le déterminant unique et le nom ne sont but se mettent d'ordinaire au pluriel quand le sujet est un syntagme
pas au m ê m e nombre, c e qui est surprenant : constitué par tel et tel ou l'un et l'autre + nom singulier :
voir § 512, R4.
Les chiffres des recettes quAVAIENT faites telle et telle pièce ( R . ROLLAND, Jean-
Chr., t. V, p. 54). — L ' une et l'autre hypothèse SONT également plausibles (LANCE-
LOT [= A. HERMANT], dans le Temps, 11 nov. 1937). — En dehors de la Gaule,
l' un et l'autre parti CHERCHÈRENT des appuis (C. JULLIAN, Vercingétorix, p. 66). —
L ' une et l'autre tactique EURENT même résultat ( R . ROLLAND, op. cit., t. IV, p. 84).
• 9 1 E M AUTRES EXEMPLES. — L ' une et l'autre affaire se TIENNENT ( H E N R I O T, Fils de la Louve, p. 3 5 ) . H
Du plur. avec l'u n e t l'a u tre : BOURGET, Divorce, Le sing. se trouve parfois aussi : Je dois avouer que tel et tel procédé de raisonne-
III ; ROMAINS, Lucie n n e, p . 2 0 8 ; AMBRIÈRE, G alerie ment ne me PERSUADE pas très bien (R. KEMP, dans les Nouv. litt., 13 févr. 1947).
d ra m a tiq u e, p. 2 3 7 ; BOSCO, Balest a, p. 315;
— Car l' un et l'autre droit que son esprit balance / PÈSE d' un poids égal qui le tient en
ÉTIEMBLE, Po è t es o u faise urs ? p. 2 8 6 .
souci (HEREDIA, Troph., Triomphe du Cid). — L ' un et l'autre crime EST [ . . . ]
moins sévèrement PUNI (J. LEMAITRE, Opinions à répandre, p. 2 2 6 ) . — L ' une et
l'autre bande s'ÉTAIT rassemblée au bas de la route de Charleroi (DHÔTEL, Pays
natal, p. 44).
L'Ac. 2001 laisse le choix : L ' une et l'autre saison EST FAVORABLE ou S O N T
FAVORABLES pour ce voyage (s. v. autre, C, 1). En 1932, elle ne signalait que le
singulier.
Avec tel ou tel, l'un ou l'autre, ni l'un ni l'autre, étant donné le rôle
particulier de ou (cf. § 449) et de ni (cf. § 450), le singulier paraît aussi
fréquent, sinon plus fréquent que le pluriel. Comp., au § 453, le cas où
ces expressions sont employées de façon pronominale.
Ex. du sing. : Les femmes sentent-elles vraiment que telle ou telle parole PASSE sur
les lèvres sans sortir du cœur ? (NERVAL, Filles du feu, Sylvie, XI.) — Telle ou telle
innovation «'ÉTAIT pas REPOUSSÉE (MÉRIMÉE, Portraits histor. et littér., p. 26). —
Est-ce vraiment que telle ou tellefaçon de tuer SOIT plus ou moins CRUELLE ? (MARTIN
DU G., Thib., Pl., t. II, p. 872.) — Nous avons montré comment telle ou telle image
simple [ . . . ] PEUT s'insinuer dans d'autres images plus complexes (BERGSON, Rire,
p. 133). — H ne lui a pas paru indifférent que telle ou telle partie du service FUT
PEINTE de telle couleur délicate (DUHAMEL, Paroles de médecin, p. 177). — L ' un ou
l'autre projet SUPPOSE de la fatuité ( M . PRÉVOST, Mon cher Tommy, p. 187). — Ni
l' un ni l'autre escadron «'ARRIVA (MLCHELET, Jeanne d'Arc, p. 46). — Ni l' une ni
l'autre prose «'OFFRE de cette main-d' œuvre (S.-BEUVE, P.-Royal, III, 21). — Ni l' une
ni l'autre formule ne VAUT (DRUON, Circonstances, t. III, p. 36).
Ex. du plur. : Les commentaires que ne MANQUERAIENT pas de provoquer l' une
ou l'autre attitude (PROUST, cit. H0ybye, § 330) [manquerait : Rech., Pl., t. II,
p. 4 7 6 ] . — L ' une ou l'autrefin[ . . . ] ÉTAIENT DIGNES de lui ( H . BAZIN, Tête contre
les murs, p. 393). — Le plur. est particulièrementfréquentquand l' un ou l'autre
signifie «certains»: L ' un ou l'autre passage [ . . . ] RÉVÈLENT un souci artistique
(F. DESONAY, Dépaysements, p. 92).
L'ellipse dont il est question dans le a se réalise d'une façon cons-
tante dans les expressions avec ... et demi(e) : Une heure et
demie = ...et une demi-heure. Lorsque ces expressions sont donneuses
d'accord, c'est le premier élément seul qui intervient, la fraction qui
suit étant considérée comme accessoire. Il en va de même dans les
autres expressions fractionnaires (Un mètre et quart), ou divisionnai-
res (Un mètre vingt-cinq). Comp. aussi § 440, c, ainsi que § 505, N. B.
L 'arrangement [... ] prit bien une minute et demie pendant LAQUELLE Leuwen
fut de la froideur et du silence les plus parfaits (STENDHAL, L. Leuwen, LL). —
Une pomme et demie me SUFFIRA (LLTTRÉ, Suppl., s. v. demi, Rem. 7). — Une
journée et demie S'EST PASSÉE en discussions. — Un mètre et quart SUFFIRA. —
Un mètre vingt-cinq SUFFIRA. — Comp. : Tu mesurais 1,80 MÈTRE
(Al. BOSQUET, Enfant que tu étais, p. 1 8 8 ) . — Dans l' Union européenne, l'indice
de fécondité est de 1,4 ENFANT parfemme (dans le Monde, 2 2 juillet 2 0 0 5 , p. 1 5 ) .
Cela s'applique aussi aux heures, même lorsqu'il s'agit de la sonnerie : Sept
heures et demie SONNÈRENT ( A l . DUMAS, Tr. mousq., XXXIX). — Quoique en
aucun pays [...] huit heures et demie ne SOIENT une heure indue et tardive ( B A R -
• M M I {•MMMBI
BEY D'AUR., Cbev. des Touches, I ) . EU — Trois heures et demie VENAIENT de
• 1 1 E F H R E M A R Q UE
sonner ( M A R T I N DU G . , Thib., Pl., 1.1, p. 1136). — Dix heures et quart SON- Le singulier serait admissible : voir § 440, b, 2°
NÈRENT ( G R E E N , Léviathan, II, 10). — Midi et demie SONNA (P. LEYRIS, (notamment l'ex. de COLETTE).
trad. de : H. Melville, Benito Cereno, p. 73). 0 1 IIIC9 REMAR Q UE
N. B. Le possessif est souvent au pluriel avec l'indication de la taille, parfois FLAUBERT a écrit, contrairement à l'usage ordi-
avec l'indication du gain, bien que le nom principal soit un singulier. naire : U n e h e ure e t d e m ie VENAIENT d e so n n er à
l'h orlo g e d u collè g e (M""' Bov., I, 1, texte du
Il avait l'air d' un Français [... ] avec sa petite moustache, ses joues rouges, SES
manuscrit [passage supprimé ensuite], éd. G.-M.,
un mètre soixante et dix (ARAGON, Aurélien, p. 465). — Ils [= des p. 3 6 7 ) ; il a sans doute considéré qu'une coordi-
regards] me venaient du haut de SES un mètre quatre-vingts (GLONO, Mou- nation impliquait la pluralité.
lin de Pologne, p. 196). —j'aperçois Thierry Maulnier dominant de SES un Dauzat (Gra m m . raiso n n é e, p. 4 4 8 ) exige : T rois
mètre quatre-vingt-six Serge Groussard et Etienne Lalou (P. MAZARS, dans h e ures e t d e m ie A so n n é, à cause du coup unique.
Cela ne correspond pas non plus à l'usage.
le Figaro litt., 16juin 1951). [Certains de ces plur. pourraient avoir une
Comp. le cas de m in uit, § 440, b , 2 ".
valeur emphatique : cf. § 506, b, 3°.]
Qu ' est<e que peut gagner de l'heure un ouvrier peintre, actuellement ? / - f e
crois que Péclet a SES un franc vingt-cinq (ROMAINS, Hommes de b. vol., 1.1,
p. 239).
Si, au lieu d'épithètes, ce sont des compléments prépositionnels
qui accompagnent le nom, trois constructions sont possibles : La
femme du notaire et celle du président ou, tours plus ambigus, Les fem-
mes du notaire et du président (chacun a-t-il plusieurs femmes ?), La
femme du notaire et du président (ont-ils la même femme ?).
• Dans le second cas, les receveurs se mettent toujours au pluriel :
Les rois de Naples et de Hollande, foachim et Louis, DOIVENT également
refuser lesdits cierges (CHAT., Mém., III, I, II, 8). — Les trois avions postaux
de la Patagonie, du Chili et du Paraguay REVENAIENT du Sud, de l' Ouest et
du Nord vers Buenos-Ayres [sic] (SAINT EXUPÉRY, Vol de nuit, II).
• Dans le premier cas, les receveurs se mettent ordinairement
au pluriel :
Aux lieux où se FONT voir / La nudité de l'homme et celle de la femme
(BAUDEL., Fl. du m., J'aime le souvenir...). — L ' ombre de Staline et celle
d' Hitler «'AVAIENT pas encore disparu (MALRAUX, Antimémoires,
p. 191).
Le singulier, que l'on ne recommandera pas (quoique H0ybye, § 265,
l'estime « tout naturel »), se trouve cependant : Ma reconnaissance et
celle de ma famille ne TROUVERA rien d'impossible pour qui aura sauvé
M. de La Vernaye (STENDHAL, Rouge, II, 38). — Le goût des chevaux,
des courses, de la chasse et celui de tous les exercices du corps SEMBLE beau-
coup s' étendre (E. SUE, cité dans Europe, nov.-déc. 1982, p. 29). [Comp.
§448, C.] — Où donc mon cœur et celui des miens PUISAIT-IL sa joie ?
(COLETTE, Voy. égoïste, p. 42.) [Remarquer aussi le déterminant sa.]
• Dans le troisième cas, les receveurs se mettent d'ordinaire au
singulier :
La présence de sa mère et de sa femme ('EMPÊCHAIT de désigner plus clai-
rement la dysenterie dont l' empereur souffrait ( Z O L A , Débâcle, I , 8 ) . —
La grâce des attitudes et des corps demi-nus lui AVAIT fait oublier [...]
( Y O U R C E N A R , Souvenirs pieux, p. 1 9 6 ) . — Dans cette atmosphère con-
finée F L O T T A I T une odeur immuable de suint, de poussière et de vernis
à L A Q U E L L E s'ajoutait celle du benjoin ( M . T O U R N I E R , Vendredi ou les
limbes du Pacifi, F°, p. 39).
HISTORIQUE. Le pluriel se rencontre parfois (comme jadis H ) mais cela ressortit
*Le succès d e D é d ale e t d'Icare, en même d es - plutôt à l'inadvertance : Groupe où R I C A N A I E N T de rage la femme du
sein, FURENT DIFFÉRENTS (MALHERBE, Cit. Haase, notaire et du premier président ( P R O U S T , Rech., t. II, p. 678). — Chéri
§ 6 4 , A). — *La n o blesse d e Re n n es e t d e Vitré
[...] la contemple avec cette force et cettefixitéqui rend R E D O U T A B L E S
I'ONT élu m algré lui (SÉv., 1 6 m a r s 1 6 8 9 ) . [ O n a,
en o u t r e , un c o l l e c t i f : cf. § 4 3 8 , H5.] — V a u g e l a s
l'attention de l' enfant perplexe et du chien incrédule ( C O L E T T E , Chéri,
(p. 1 9 3 ) écrivait d e c e t o u r : « J e n e m ' e n v o u - M. L. F., p. 170). I l
dr ais p a s servir », t o u t e n r e c o n n a i s s a n t q u e les
e) Quand le donneur d'accord est un syntagme formé par un nom plu-
opinions étaient partagées.
r i e l précédé de deux déterminants qui sont unis par ou et dont le pre-
E U 1 5 3 REMARQUE
mier est au singulier (cf. § 218, b, 2°), les receveurs se mettent au pluriel :
C o m p . : L'a m a t e ur d e m asq u es a p u p ort er de
t e m ps à a u tre CELUI DU joye u x d rille, d u ro u é d ésin - Sur un ou plusieurs registres T E N U S D O U B L E S (Code civil, art. 40). — Un
volt e, ou [...] du bon Belg e, FAUX NEZ PLUS FACTICES ou deux exemples S U F F I R O N T (G. L A N S O N , cit. H0ybye, § 334). — Les textes
e ncore q u e s o n lo u p d e je u n e p rince ro m a n tiq u e ou passages que [...] BARRENT un ou plusieurs traits verticaux (Z. TOURNEUR,
(YOURCENAR, So uve nirs pie u x , p. 1 9 2 ) .
dans Pascal, Pens., p. 15).
f) Dans des expressions comme tant d'amabilité, trop de peine, etc.,
tant de, trop de, etc. jouent le rôle d'un déterminant, le noyau du syn-
tagme est le nom qui suit, et c'est celui-ci qui détermine ordinaire-
ment l'accord (cf. § 430). Il en va de même s'il y a plusieurs noms
coordonnés après tant de (etc.), répété ou non.
Tant de sang-froid, tant de sagesse dans les précautions M ' I N D I Q U E N T assez
que [...] (STENDHAL, Rouge, II, 16). — Tant d' étroitesse et d'ingratitude / 'INDI-
G N È R E N T ( A Y M É , Gustalin, X ) . — Trop de modestie, trop de conscience de ses
propres faiblesses / ' E M P Ê C H E N T de jeter l'anathème sur une race plus ignorante
que coupable ; trop de délicatesse et de générosité le D É T O U R N E N T de prendre son
parti (R. C A I L L O I S , dans Montesq., Hist. véritable, T. L. F., p. X X V ) .
Voici pourtant un ex. du singulier : Comme s'il n ' eût pu comprendre que
tant de prudence, de courage et de dévouement s ' A L L I Â T avec un visage qui n 'indi-
quait pas encore vingt ans (Al. D U M A S , Tr. mousq., XXI).
• Les donneurs sont unis par une conjonction de coordination : Avec une
simplicité et un laconisme un peu BRUTAL ( To c Q U E V I L L E , Souvenirs,
p. 275). — Chéri [...] la contemple avec cette force et cette fixité qui REND
redoutables [§ 445, d] l'attention de l' enfant perplexe et du chien incrédule
(COLETTE, Chéri, M. L. F., p. 170). — Henriette Ruche, qui se croyait
libre depréjugés [...], avait une vertu et un vice qui lui en TENAIT lieu : son
orgueil de femme (R. ROLLAND, Âme enchantée, L. P., t. II, p. 271).
[L'orgueil d'Henriette est à la fois une vertu et un vice.] — Cherchant à
nuire [...] aux belles amours dont la perfection et l'accomplissement les
OFFENSE (G. COHEN, dans les Lettres romanes, mai 1947, p. 110). —
Elles symbolisaient une douceur héréditaire et une gentillesse à vivre qui [...]
PASSAIT pour un miracle (BOSCO, Mas Théotime, p. 115). — S'il avait un
métier ou une profession qui lui TENAIT lieu de bien (Code civil, art. 1573).
Si les receveurs précèdent les donneurs, l'accord se fait avec le premier
terme, qui est le plus proche : Dans l' effarante multitude qui pourrait sor-
tir d' un seul couple humain, QUELLE « ' E S T pas la dissemblance et
l'inégalité ! 0 - ROSTAND, Pens. d' un biol., p. 13.)
Cela est le cas notamment de la formulefigée(comp. § 444, b) Certificat
KBEZa H IS T O R I Q U E de BONNE vie et mœurs. H — Sur ce modèle : Un homme de BONNE vie
On a dit d'abord certifica t (ou a tt est a tio n) d e vie et mœurs (MAURIAC, Vie de Jésus, p. 88). — Brevet de BONNE vie et
e t (d e) m o e urs ; voir e n c o r e Littré, s. v. m œ urs. mœurs (COCTEAU, Thomas l'imposteur, L. P., p. 156). — Quelle ivresse
Comp. : *V os act es d e f oi e t in f or m a tio ns d e vie
e t m œ urs [pour obtenir le cordon de l'ordre des
[...] de distribuer des certificats définitifs de MAUVAISE vie et mœurs
chevaliers du Saint-Esprit] (SÉv., 2 févr. 1 6 8 9 ) . (CAMUS, Chute, p. 165). É |
•NMoa i aMoagn
• H K 3 3 REMAR Q UE • Les donneurs ne sont pas unis par une conjonction de coordination :
Certains écrivent certifica t d e b o n n es vie e t Toute la grâce de la vie, toute la douceur dont je pouvais me flatter encore, A
m œ u r s : IKOR, P o u l a i n s , p . 1 0 5 ; A . DE LÉVIS MIRE-
péri avec elle (S.-BEUVE, Mes poisons, p. 1 4 ) . — Et un dégoût, une tristesse
POIX, dans le Fig aro litt., 2 4 - 3 0 août 1 9 7 0 . Cela
n'a rien d'illogique, mais c e n'est pas l'usage.
immense / 'ENVAHIT (FLAUB., Tr. contes, S . JuL, I). — Et les coups d' œil
réguliers des sergents de ville, cet examen lent etfroid de la police, le METTAIT
au supplice (ZOLA, Ventre de P., I). — Une violence si subite, une si extraor-
dinaire dépossession de soi [...] DEMEURAIT forcément INEXPLICABLE
(BERNANOS, Imposture, p. 7 1 ) . — Comme si ce lâche reniement, cette trahi-
son [ . . . ] POUVAIT les apaiser ( N . SARRAUTE, Vous les entendez ?P. 1 5 ) . —
Et toujours, aufond d' elle-même, PALPITAIT cette peur, cette horreur d' elle ne
savait quoi (TR OYAT, Le sac et h cendre, p. 2 4 6 ) . — Voir aussi § 4 4 8 , a, 1°.
Dans les ex. suivants, les auteurs ont choisi d'accorder les rece-
veurs avec l'ensemble des donneurs, quoique le singulier paraisse tout
à fait justifiable.
taxe expressive, p. 75). — Comme / 'INDIQUE GrevisseGoosse ( R É Z E A U , p. 469). H o m m a g e à J. La n h er, p. 2 6 7 ) , Monique BROSSE
se justifie dans une note : « Nous considérons
— Firmes fusionnées : Agfa-Gevaert est FIN PRÊTE pour la vie publique (dans
que les deux auteurs n'en font qu'un, Erckmann
la Libre Belgique, 18 mai 1999, p. 11). [Pour le genre, voir § 476, c.] — Noms ayant la part du lion. »
de lieux : LA Seine-et-Oise OCCUPE une place de premier plan dans l'activité éco-
nomique de la France (Grand Lar. enc.). — Laroche-Migennes EST une gare sur
la ligne de chemin de fer Paris-Dijon, gare qui dessert les villages de Laroche et de
Migennes. — Pour les titres de livres, voir § 439, c, 3° et R3.
Soit que des mots non synonymes soient rangés dans une gradation
de telle sorte que le dernier terme efface en quelque sorte les précédents :
Sous ton regard, ô père, une joie, une existence nouvelle VA partout s' épanouir
(FLAUB., SaL, VIII). — Une larme, un chant triste, un seul mot dans un livre / [...]
Me FAIT sentir au cœur la dent des vieux chagrins (SULLY PRUDHOMME, Épreu-
ves, Blessures). — Une confidence, un souvenir, une simple allusion, OUVRAIT des
perspectives insoupçonnées (MARTIN DU G., Thib., Pl., 1.1, p. 996). — Brusque-
ment une plaisanterie, un mot, un geste me GLACE (ARLAND, Vivants, p. 3 4 ) .
Cette gradation peut être indiquée par les mots voire, même ou par la for-
mule coorélative non seulement... mais encore (ou surtout, etc.) : Le talent, la
culture, voire l'intelligence POURRAIT briller chez eux (A. R OUSSEAUX, dans le
Figaro litt., 28 juin 1947). — Leur présence, leur vie, leur amitié même, FAIT obs-
tacle (J. BELLEFROID, Voy. de noces, p. 139). — Non seulement votre lettre, mais
encore votre suivante, M'AFFIRME que j'ai le bonheur d' être aimé de vous
(Al. DUMAS, Tr. mousq., X X X I I I ) . — Non seulement notre dignité à l'intérieur,
mais notre prestige à l' étranger en DÉPEND (GIR AUDOUX, Sans pouvoirs, p. 101).
Le pluriel reste cependant possible.
Quoique la coordination reste implicite, on pourrait voir une gradation dans
les ex. suivants : Chaquejour, un mot, un éclair rapide, un regard, me FAISAIENTfré-
mir (MUSSET, Confi, V, 4). — Un mot, un regard, un geste, un silence, une combi-
naison atmosphérique I' [= le spectateur] AVAIENT tenu sous le charme (DUMAS
fils, Père prodigue, Préf.). — Un geste, un souffle, une pensée PEUVENT soudain
changer le sens de tout le passé (SARTRE, Baudelaire, p. 186). — Tous sentaient celui-
là parvenu au point d' explosion, où un mot, un regard, PROVOQUENT l' éclatement
(VERCEL, Ceux de la « Galatée », p. 28). — Un malaise, une angoisse se RÉPAN-
DENT à travers la ville (A. FRANÇOIS-PONCET, dans le Figaro litt., 22 oct. 1960).
[Ex. proche du 1°.]
La gradation est indiquée par même, non seulement..., mais ...,etc. : Nous ne
sommes pas assurés qu ' un mot, une virgule, un silence même ne S E R O N T pas I N T E R -
P R É T É S dans un sens contraire à notre intime pensée ( B E D E L , Mariage des couleurs,
p. 73). — Non seulement [...] la police française mais peut-être aussi la police alle-
mande S A V A I E N T à quoi s' en tenir ( D R I E U LA R O C H E L L E , Chiens de paille, p. 193).
Le pluriel est particulièrement attendu quand les donneurs suivent les rece-
veurs, le dernier terme étant le plus éloigné du receveur : L 'innocence desfillesest
comme le lait que F O N T tourner un coup de tonnerre, un vénéneux parfum, un temps
chaud, un rien, un souffle même ( B A L Z A C , Mod. Mignon, Pl., p. 380). — Le regard
de la Patronne s'arrêta rêveusement sur ce présent de l'artiste où se T R O U V A I E N T
R É S U M É S , non seulement son grand talent, mais leur longue amitié ( P R O U S T , Rech.,
t. II, p. 943).
Le terme générique est à la fin : Ses paroles, sa voix, son sourire, tout VINT
à lui déplaire (FLAUB., Êduc., III, 4). — Le regard singulier d' une femme
galante / [...], / Le dernier sac d' écus dans les doigts d' un joueur, / Un baiser
libertin de la maigre Adeline, / Les sons d' une musique énervante et câline, /
[...] / Tout cela ne VAUT pus, à bouteille profonde, /Les baumes pénétrants que
ta panse féconde / Garde au cœur altéré du poète pieux (BAUDEL., Fl. du m., Vin
du s o l i t a i r e ) .
Le terme générique est au début : Que tout votre être, l' esprit, l'âme et le
corps, SOIT CONSERVÉ IRRÉPRÉHENSIBLE (Bible, t r a d . SEGOND, l r e É p . a u x
Thessal., V, 23). — Mais rien, ni le rasoir douteux, le blaireau jaune, l' odeur, les
propos du barbier, ne PUT me faire reculer (GIDE, Immor., I, 7). — Par moments
APPARAISSAIT quelque construction inutile, une fausse grotte, un moulin (PROUST,
Rech., 1.1, p. 423). — Tout, trottoirs mouillés, chaussées fangeuses, plaques d' égout
luisantes, rails resplendissants, REFLÉTAIT la couleur chaude du ciel (JALOUX, Le
reste est silence, II). — Personne, ni Giono, ni Pagnol, ni Bosco, ni Mauron, ni le
regretté Paul Arène, et moi moins encore, ne PEUT prétendre donner autre chose
qu ' un portrait robot de ce pays (J--P- CLÉBERT, Vivre en Provence, p. 207). | 3i • A Ï S REMARQUE.
Dans cet ex : T o u t e la Ju d é e, t o u t Jérusale m VENAIT
Dans ce cas aussi, il arrive que l'accord ne soit pas fait avec le à lui (Éva n gile selo n Marc, I, 5, dans Missel d o m ini -
terme englobant, surtout s'il est en tête : cal d e l'asse m blé e, p. 40), le fait que Jérusalem fait
partie de la Ju d ée a-t-il un rôle ? O u bien a-t-on
Ses épaules, ses jambes, tout lui, ÉTAIENT pour elle [...] de ces choses si parfaite- seulement un accord avec le sujet le plus proche
(cf. § 443), sur le modèle du latin : Et ECREDIEBATUR
ment usuelles qu ' elles ne peuvent gêner (PROUST, Rech., t. II, p. 349). — Sa taille sou-
a d e u m o m nis Ju d a e a e re gio, e t Jerosoly m it a e u ni -
ple, ses jambes agiles, tout son corps robuste se MOUVAIENT avec des grâces sauvages vers!. C f. Bible d e Mare dso us : V ers lui S'ACHEMI-
et délicieuses (FRANCE, Les dieux ont soif, p. 32). [Ex. semblable : GREEN, Mont- NAIENT t o u t le p ays d e Ju d é e, t o u t Jérusale m .
Cinère, I.] — Les uniformes étaient usés. Propres, cependant; PROPRES, surtout
l'armement : les énormes carabines [...], les revolvers (P. BENOIT, Lac Salé, pp. 28-
29). — Le reste des êtres vivants, le tigre et l'agneau, l'aigle et la colombe, le reptile et
l'insecte, l'homme et la femme, GAGNÈRENT TOUS ensemble la roche la plus escarpée
du globe (CHAT., Génie, I, IV, 4). [L'accord se fait peut-être avec le complément de
reste : § 431, c, 4°.] — La bibliothèque, / Babel sombre, où roman, science, fabliau, /
Tout, la cendre latine et la poussière grecque, se MÊLAIENT (BAUDEL., Fl. du m.,
Voix). — Toute leur armée, officiers, sous-officiers et soldats, conscrits et vétérans, se
FIRENT un plaisir de s'y conformer (FRANCE, lie des Pingouins, Préf.) — Toute la
foule, hommes etfemmes, exaltés et confiants, CHANTÈRENT [...] cette hymne au Sei-
gneur (MAUROIS, Silences du coL Bramble, p. 6). — Dans ce désert, personne, ni lui
ni son hôte, n'ÉTAIENT rien (CAMUS, L ' exil et le royaume, Pl., p. 1615).
tion qui favorise l'accord avec un seul des donneurs (§ 449). Mais la coordina-
tion implicite convient particulièrement lorsque les termes désignent la même
réalité (§ 447), lorsqu'un des termes coordonnés l'emporte sur les autres (§ 448).
LUI qui est malade. C' est SON EXISTENCE A LUI que je nie. [ Q
6° Quand le nom attribut est mis en évidence, la copule disparaît O n p e u t aussi p l a c e r sur le possessif u n a c c e n t
d 'i nsist a nc e (cf . § 39, b ) : C'est MON a m ie q ui est
ordinairement après le sujet :
m ala d e. S a n s d o u t e est - ce ainsi q u ' o n d o it lire
C' est UN SERPENT DORÉ qu ' un anneau conjugal (MUSSET, Prem. poés., À c e t t e p h r ase : C'est VOTRE d é d ain q ui a git e t n o n
quoi rêvent les jeunes f., I, 4). Cf. § 702, c, 2°. MON a d m ira tio n (BALZAC , Bé a tri x , Pl., p. 4 6 2 ) .
LE NOM
S e c t i o n I
Généralités
Définition.
BIBLIOGRAPHIE. I N o m autonyme. O O
J. REY-DEBOVE, Le m é t ala n g a g e, P., Robert, 1 9 7 8 .
O n appelle nom autonyme (à ne pas confondre avec antonyme :
| E £ 1 REMAR Q UE
D a n s c e § 460, o n a suivi l'usage habituel d e § 2 0 7 ) le nom qui se désigne lui-même :
c e livre : les citations éta nt elles - mêmes en
HIRONDELLE a deux L (comp. : Une hirondelle a deux ailes). HIRONDELLE est
italique, les m ots q ui seraient e n italique dans
un substantif féminin. HIRONDELLE s' emploie au figuré.
un texte ordinaire o nt été i m p ri m és e n carac -
tères ro mains (ici, e n capitales). N'importe quelle séquence du discours, qu'elle ait un sens ou non,
peut être employée de façon autonymique : une lettre, un phonème, une syl-
labe, une rime, un morphème, un mot, un syntagme, une phrase, etc.
L'M final s' est conservé dans REM (FOUCHÉ, Phon. hist., p. 651). — Le traite-
ment de SC- initial (J. HAUST, Dict. liégeois, p. XV). — Si on admet l' existence d' un
FOUF-, d' un BOB-, d' un POUF-, d' un BOUF- onomatopéiques ( P . GUIRAUD, Structures
étym. du lexique fr., p. 85). — -AUX perd du terrain (Ch. BALLY, Ling. gén. et ling.fr.,
§ 410). — C'EST EUX est considéré comme populaire (BRUNOT, Pensée, p. 288).
Le nom autonyme concerne la langue en soi (comme dans les ex. cités
plus haut), mais aussi des réalisations particulières : Vos M O N S I E U R sont
bien cérémonieux. Cela se rapproche de la citation et du discours direct, mais
ceux-ci s'intègrent moins étroitement à la phrase.
Les emplois autonymiques font partie du métalangage (langage sur le
langage), qui inclut aussi le vocabulaire spécifique employé pour parler de la
langue : substantif, subjonctif, morphème, hiatus, tréma, syllabe, etc. ; il n'y a
pas alors d'autonymie.
L e s n o m s a u t o n y m e s d o i v e n t ê t r e d i s t i n g u é s d e s n o m s a c c i d e n t e l s qui, eux,
s o n t e m p l o y é s p a r r é f é r e n c e à u n e s i g n i f i c a t i o n : Le MOI est haïssable. — Tu piqueras
des « PEUT-ÊTRE » aux ailes de tous tes projets (DUHAMEL, Les plaisirs et les jeux, 1,10).
L'emploi autonymique se manifeste :
1) Dans la graphie, par l'emploi de l'italique (cf. § 88, a) ou parfois des
guillemets (§ 134, b).
2) D a n s la p h o n é t i q u e . L e m o t a u t o n y m e p r e n d l ' a c c e n t t o n i q u e ( m ê m e
lorsqu'il s'agit d'un élément qui est atone dans sa fonction
ordinaire) : Nous composons bien des verbes avec RE (BRUNOT, Pensée,
p. 4 5 1 ) . — D a n s la c h a î n e p a r l é e , les m o t s a u t o n y m e s s o n t g é n é r a l e -
m e n t s é p a r é s des m o t s q u i p r é c è d e n t , ce q u i e m p ê c h e s o u v e n t la
liaison, etc. (§ 50, c) : Cette croyance que AVANT est devenu adverbe
(B. POTTIER, Systématique des éléments de relation, p. 196).
3) Dans la morphologie et la syntaxe. Le mot autonyme est nécessaire-
ment un nom. — Il perd les traits de genre (le mot autonyme est
masculin : § 479), de nombre et de personne qu'il a dans son emploi
ordinaire : TAILLEUSE [...], aujourd'hui tout à fait entré dans la langue
(BRUNOT, Pensée, p. 90). — NAVALS a fini par triompher (Ch. BALLY,
Ling. gén. et ling.fr., § 410). — JE subit l' élision (Grand Lar. enc., s. v.
je). — Il est invariable quand il est employé au pluriel (§ 520, a). -
Il est souvent sans article, sauf raison particulière (§ 587, a, 6°).
E n outre, q u a n d il appartient à u n e langue étrangère, le m o t a u t o n y m e reste tel quel
dans un contextefrançais: Is est bref partout (A. ERNOUT, MorphoL hist. du latin, § 109).
BIBLIOGRAPHIE. N o m propre, n om c o m m u n . Q
K. JONASSON, Le n o m p ro p re. C o nstructio ns e t
in t er p ré t a tio ns. Louvain - la - Neuve, D uc u l o t , a) L e nom c o m m u n est pourvu d'une signification, d'une défini-
1 9 9 4 . — M. WILMET, Le n o m p ro p re e n lin g uis -
tiq u e e t e n litt éra t ure, dans Bull. Aca d . roy.
tion, et il est utilisé en fonction de cette signification.
la n g u e e t litt ér. fr. [d e Belg.l, 1 9 9 5 , p p . 5 9 - 7 1 . Entrant dans une maison où je ne suis jamais allé, je puis dire : Voici une
table, une chaise, parce que les objets que je désigne ainsi correspondent à la
signification, à la définition que j'ai dans l'esprit.
L e nom p r o p r e n'a pas de signification véritable, de définition ;
il se rattache à ce qu'il désigne par un lien qui n'est pas séman-
tique, mais par une convention qui lui est particulière. 0 K O I E S I HISTORIQUE
Il n'est pas possible de deviner que telle personne s'appelle Claude. Il n'y a, Les n o m s p r o p r es ont so uve n t é t é d es n o m s
entre les diverses personnes portant ce prénom, d'autre caractère commun que ce c o m m u n s à l ' o r i g i n e : Le H avre.
En particulier, b e a u c o u p d e n o ms d e familles sont
prénom. — Comparez aussi Boulanger nom de famille et boulanger nom commun.
d'anciens surno ms indiquant la profession ou
Une personne peut faire l'objet de plusieurs conventions et donc porter d'autres particularités : Bo ula n g er, Le b è g u e, Lelo u p .
plusieurs noms propres : prénom, nom de famille, surnom ou sobriquet, pseu- Ma is cette valeur primitive est tout à fait effacée, ne
donyme. On a découvert après la mort de Gary qu 'Émile Ajar était Romain Gary. j o u e a uc u n rôle dans l'utilisation du n o m d e famille.
M ê m e d u vivant d e celui qui les portait (cela
Les noms propres s'écrivent par une majuscule (§ 99, a), sont s'observe aussi aujourd'h ui pour les sobriquets),
généralement invariables en nombre (§§ 523-524), se passent souvent c es noms, d even us tout à fait usuels, servaient
de déterminant (§ 588). c o m m e désignations des individus sans q u ' o n ait
c o nsci e nc e (et m ê m e parfois connaissance) d u
Sont de véritables noms propres sens premier. — Les n o ms d e fleurs, d e pierres pré-
cieuses ont servi d e p rén o ms : Rose, Marg u erit e
* Les noms de lieux : villes, villages, rues, monuments, régions, («perle» e n g rec et e n latin). En choisissant
pays, îles, montagnes, cours d'eau, mers, étoiles et astres aujourd'h ui ces prénoms, p e u d e parents sont
conscients d ' u n e valeur sym b oliq ue ; m ê m e si c'est
(excepté la terre, la lune et le soleil) ;
le cas, cette valeur est tout à fait absente d e l'utilisa -
* Les noms de personnes : noms de familles, prénoms, pseudo- tion d e ces p rén o ms dans la vie quotidienne.
nymes (et aussi les sobriquets, mais, pour ceux-ci, la significa- Il y a parfois des différences formelles entre les
n o m s propres et les n o ms c o m m u n s qui y corres -
tion n'est pas toujours absente).
p o n d ent, p arce q u e les premiers ont perd u le con -
On considère aussi comme des personnes les êtres surnaturels des tact avec les seco n ds et ont gardé d'anciennes
diverses religions et mythologies : Dieu (qui cesse d'être un nom pro- graphies : Mo ns [m5s] n o m d e ville à c ô t é d e monts
[m5]. Bo ule n g er n o m d e famille à c ô t é d e b o ula n g er
pre dans les religions polythéistes), Apollon.
nom commun.
Certains animaux, certains objets peuvent recevoir un nom propre :
Bucéphale, cheval d'Alexandre ; Philomèle, nom poétique donné au Inverse m e n t , les n o m s p r o p res p e u ve n t d even ir
n o m s c o m m u n s . Soit par m é t o n y m i e ( § 209, c),
rossignol : Les sons cadencés que gémit PHILOMÈLE (LAMART., NOUV.
à partir d u lieu o ù l'o b j et était fa b ri q ué (Bo u gie,
méd., XXIV) ; — Durendal, épée de Roland ; le Nautilus, sous-marin A l g éri e), d e la p e rs o n n e q ui inventa o u i m p osa la
imaginé par Jules Verne. c h o s e (Po u b elle, p réfet d e la Sei n e). Soit par
Des mots ayant une signification deviennent des noms propres lorsqu'on m é t a p h o r e , q u a n d u n e p e rso n n e o u u n lieu d o n t
d es caractéristi q ues (e x actes o u n o n ) sont asse z
les emploie pour désigner, en faisant abstraction de leur signification : c'est le
co n n u es à un m o m en t donné pour q u'elles
cas des titres de livres (le Code civil, L ' éducation sentimentale), de revues (La s'a p p li q u e n t au x p e rs o n n es et au x lieux aya n t
nouvelle revue française), etc. c e s caractéristi q ues : Gavr oc h e , p e rso n n a g e d es
Les mots appartenant aux catégories suivantes ne sont pas de vrais Miséra bles de Hugo ; C a p h arn aii m , ville de
Palestine. D a n s c e s q u a t r e ex., la transformatio n
noms propres parce qu'ils ont une définition (qui est en rapport avec un est a c h e v é e et l'origine o u b l i é e d a ns l'usage ; le
vrai nom propre : Mérovingien = descendant de Mérovée ; Parisien = m o t a p e r d u sa m a j u sc u l e et p r e n d la m a r q u e d u
habitant de Paris) ; ils prennent d'ordinaire la marque du pluriel. Nous pluriel. D a n s d'a utres cas, l'évol u ti o n est m oins
a v a n c é e : O n a ve n d u réce m m e n t deux Re n oir.
les considérons comme des noms associés aux noms propres. C f . § § 99, a, 4 ° ( m a j u sc .) et 523 - 525 (plur.).
* Les dérivés désignant des dynasties (avec majuscule) : les Capétiens, D ' a u t r e part, par allégorie, les écrivains et sur -
les Mérovingiens, les Atrides. to ut les p o è t es p résen ten t les c h o ses c o m m e
d es p erso n n es : LA DÉROUTE, g é a n t e à la face e ffa -
* Les ethniques (ou gentilés), c'est-à-dire les noms désignant les habi- ré e, / [...] / LA DÉROUTE a p p aru t a u sold a t q ui
tants d'un pays, d'une région, d'une ville, etc. (normalement avec s'é m e u t (HUGO, C h â ti m ., V, xm, 2).
majuscule : § 99, a, 3°) : les Africains, les Genevois.
* Les noms désignant les membres des ordres religieux, les adeptes
d'une religion, d'une doctrine, etc. (d'ordinaire, avec une minuscule :
§ 99, a, 3°) : les jésuites, les mahométans, les gaullistes.
N o m s composés.
Les noms composés sont des noms formés de la réunion de
deux ou plusieurs mots. Cf. §§ 179-182,
Ces mots peuvent être agglutinés et, dans ce cas, il est fréquent que les usagers
n'aient plus conscience de l'origine : vinaigre, pissenlit sont sentis comme des mots sim-
ples. Toutefois, le caractère composé est encore perceptible quand les deux éléments
varient (monsieur, messieurs : § 533) et aussi dans d'autres cas (portemanteau, contresens).
Il est plus souvent visible quand les éléments sont unis par un trait d'union (arc-en-ciel).
Lorsque les éléments sont tout à fait séparés dans l'écriture, nous pré-
férons parler de locution nominale.
Pour les composés faits au moyen d'éléments empruntés à d'autres langues,
voir §§ 183-187. — Sur l'emploi du trait d'union, voir § 109.
Sectio n 2 . Le g e nre §466
Le genre
Définition. E H K ' . F . M HISTORIQUE.
Le latin ( c o m m e b e a u c o u p d'a u tres lan g ues)
L e g e n r e est u n e p r o p r i é t é d u n o m , qui le c o m m u n i q u e , p ossé d ait u n tr o isiè m e g e n re , le n e u tre (cf.
p a r le p h é n o m è n e d e l ' a c c o r d (§ 4 2 5 ) , au d é t e r m i n a n t , à § 4 6 5). La plu part d es n o m s neu tres sont passés
a u m asc . e n latin vu l g aire et, d e là, e n français.
l'adjectif é p i t h è t e o u a t t r i b u t , p a rf o is au p a r t i c i p e passé, ainsi Q u el q u es - u ns sont d e v e n u s fém . ; c'est surtout
le c as d e pluriels neutres, d o n t la finale a ét é
q u 'au p r o n o m r e p r é s e n t a n t le n o m .
c o n f o n d u e a v e c la finale d u fém . singulier. O n a
ainsi e n fr. d es d o u b l e ts c o m m e grain < gra n u m ,
Il y a d e u x g e n r e s e n français : le m a s c u l i n , a u q u el a p p a r -
grain e < gra n a ( d ' a b o r d pluriel). C f . aussi §§ 470,
t i e n n e n t les n o m s qui p e u v e n t ê t r e p r é c é d é s d e le o u d e un, et b (f o u d re) ; 484, H2 (volaille).
particulier, que le genre varie selon le sexe de l'être désigné (§§ 4 9 3 - 4 9 4 ) . m e n t . Pa r ex., conteste, f é m . q u a n d il n'était pas
figé, se r e n c o n t r e o cc a s i o n n e l l e m e n t au x deu x
g e n r es : MAINTES co n t est es (GIDE, Ainsi soit - il, Pl.,
p. 1 1 7 4 ). — C o n t est e SÉRIEUSE (MAURRAS, Écrits
Le n e u t r e existe-t-il en français ?
p olitiq u es, p. 6 3). — GRANDS co n t est es (CHAT.,
a) Si on le considère comme une forme particulière du nom ou de Mé m ., IV, xn, 7). - H ors de TOUT c o n t est e
(CLAUDEL, E m m a iis, p. 1 0 ; A. ARNOUX, Z ul m a
l'adjectif, la réponse est négative. l'in fid èle, p. 2 2 0 ) . — V o i r aussi § § 481, b (aise,
Là où le latin distinguait Hic est B O N U S « celui-ci est bon » de Hoc est B O N U M esb ro u f e), 482, 20 (relâch e).
« ceci est bon », lefrançaisn'a qu'une seule forme bon (qui est celle du masculin).
Une seule exception, d'ailleurs peu ferme : pis [du latin peius, à la fois adj.
neutre et adverbe], aussi adverbe, s'oppose à pire [du latin peior, adj. masc. et
fém.] quand il s'emploie comme épithète ou attribut d'un pronom neutre :
C'est PIS, rien de PIS, qui PIS est, mais La situation est PIRE, etc. Cf. § 980, b.
b) Cependant, le français attribue certaines formes particulières des
pronoms à l'expression du non-humain : ce, ceci, cela, opposés à celui-ci,
celui-là ; que et quoi interrogatifs opposés à qui, etc. Sans doute les mots
qui s'accordent avec ce, que, quoi, etc. se mettent-ils au masculin, qui est en
fr. la forme indifférenciée, mais il ne paraît pas illégitime d'appeler neutres
ces formes des pronoms, ainsi que certains emplois de il (§ 668). 0 H I V E S I HISTORIQUE.
C e (ceci, cela) et q u oi proviennent d e neutres
Ces pronoms « neutres » s'emploient surtout comme nominaux (§ 651).
latins. D'autres p ro n o ms servant à ex primer le non -
Quand il y a un antécédent, même non humain, on se sert des formes non h u main provien nent d e n o ms fr. : rie n ( § 761 ), q u el -
neutres : De toutes vos robes, je préfère CELLE-CI. L 'idée à LAQUELLE vous parais- q u e ch ose, etc. ( § 764). En outre, n é a n t (§ 763).
sez tenir. — Quoi relatif peut, lui, représenter un pronom neutre, ainsi qu'une
phrase (ou une partie de phrase) et même un nom inanimé : cf. § 719.
L'appellation de neutre convient aussi à l'infinitif et à la proposition
conjonctive, normalement étrangers à la notion de genre (et même de
nombre : cf. § 446), quoique les adjectifs qui s'accordent avec eux soient
au masculin : M E N T I R (ou Q U E V O U S M E N T I E Z ) est odieux ; — à cer-
tains adjectifs employés sans support : Plus É T O N N A N T encore, les enne-
mis se sont enfuis (§ 378, e) ; — aux adjectifs nominalisés avec le sens
« ce qui est... » (§ 196, a, 2°) : comp. Faire D U N E U F avec D U V I E U X à
L E S V I E U X et L E S V I E I L L E S de l'hospice ; — à ces passages du féminin au
masculin : Lire T O U T M A D A M E D E S É G U R . Faire D U S A G A N ( § 467).
H o m o n y m e s distingués p a r le g e n r e .
Le genre a un rôle distinctif dans un certain nombre de cas, soit qu'il
s'agisse de mots d'origines tout à fait différentes (a), soit qu'il s'agisse de
mots apparentés (b). Cela est vrai aussi pour la prononciation seule (c).
a) Mots d'étymologies différentes.
Un aria (dér. de l'anc. fr. barier, harceler), tracas. — Une aria (mot ital.),
mélodie.
• I L I S S REMARQUE. Un aune [ou aulne] (lat. alnus QJ), arbre. — Une aune (francique *alina),
C e r t a i n s é t y m o l o g i s t e s o n t m is e n a v a n t u n éty - mesure de longueur.
m o n g e r m a n i q u e . L e p l a i d o y e r d e L. R e m a c l e Un barbe (ital. barbero), cheval d'Afrique du Nord. — La barbe (lat. barba),
( d a n s R e v u e d e lin g uist ro m a n e, X X X V I , 1 9 7 2 , poils du menton, des joues.
p p . 3 0 5 - 3 1 0) p o u r a / n us e s t c o n v a i n c a n t .
Un barde (lat. bardus, mot gaulois), poète celtique. — Une barde (de l'arabe,
| REMARQUE par l'interméd. du provençal ou de l'ital.), ancienne armure ; tranche de lard.
L e m o t e s t f é m . d a n s H. JOLY, D ict d es in d us - Un bogue (angl. bug) : défaut d'un logiciel. Ttt — Une bogue (breton
tries. O n h é s i t e a u ssi a u Q u é b e c ( c o m p .
bolch) : enveloppe de la châtaigne.
§ 4 7 8 , a , 1 °) : c f . B o u l a n g e r .
Un bugle (de l'angl.), instrument de musique. — La bugle (empr. du lat.
médiéval bugula), plante.
Le carpe (gr. Ka p jtôç), os du bras. — Une carpe (bas lat. carpa), poisson.
Un litre (de litron, ancienne mesure), unité de mesure. — Une litre (variante
de liste, lite, du germanique *lista, bordure, bande), bandeau portant des armoi-
ries dans les églises.
Un livre (lat. liber), ouvrage, volume. — Une livre (lat. libra), unité de
compte, de poids.
Un moule (lat. modulus), modèle creux servant à donner une forme. — Une
moule (lat. musculus), mollusque.
E U E B 3 I REMARQUE . Un mousse (peut-être de l'adjectif mousse), apprenti marin QsJ. — La
C e n o m , a i n si q u e d ' a u t r e s d e c e § 4 6 6 , c o n - mousse (francique *mosa), plante cryptogame ; écume.
c e r n e u n e f o nctio n q ui tra ditio n n elle m e n t Un page (d'origine discutée), jeune garçon au service d'un prince. — Une
é t a i t o c c u p é e p a r d e s h o m m e s . L' é v o l u t i o n page (lat. pagina), côté d'un feuillet.
s o c i a l e e s t e n t r a i n d e c h a n g e r c e t t e si t u a t i o n .
Le platine (espagnol platina), métal précieux. — Une platine (de l'adj. plat),
pièce plate de divers instruments.
E S I E S S REMARQUE.
A b u s i v e m e n t a u f é m . : C l. SIMON, Ba t aille de
Un poêle (lat. pallium), drap couvrant un cercueil ; — (lat.pensilis), appareil
Ph arsale, p . 2 3 4 . de chauffage. — Une poêle (lat. patella), ustensile de cuisine.
Un somme (lat. somnus), sommeil. — Une somme (lat. summa), total ;
M E H 3 REMARQUE
ouvrage réunissant un ensemble de connaissances.
Pa r e x . : UNE co u ple d'h e ures (GIDE, Isa b elle,
Un souris (de sourire), sourire (vieilli). — Une souris (lat. sorex), rongeur.
VII), d'a n n é es (JOUHANDEAU, C h a m in a d o ur,
p . 1 1 9 ) , d e jo urn é es (DUHAMEL, T e m ps d e la
Un tour (de tourner), machine ; mouvement circulaire ; circonférence limi-
rech erch e, p . 8 7 ). M a i s o n d ir a it p l u s c o u r a m - tant un corps ou un lieu. — Une tour (lat. turris), construction élevée.
m e n t u n e p aire o u , t o u t s i m p l e m e n t , d e u x Un vase (empr. du lat. vas), récipient. — La vase (moyen néerl. ivase),
( m a i s co u ple e s t p a r f o i s i m p r é c i s , c o m m e bourbe.
d e u x o u trois). C e t e m p l o i a vi e illi e n fr. c o m -
m u n . C e r t a i n e s a t t e s t a t i o n s p a r a i s s e n t d e s sur - b) Mots remontant à un ancêtre commun. (Voir aussi §§ 460 et 477, c.)
v i v a n c e s r é g i o n a l e s : je reve n ais d e T h e n o n o ù
j'avais é t é ve n d re u n lièvre e t UNE co u ple d e
Une aide : secours, assistance ; femme qui aide. — Un aide : celui qui aide.
la pins [d i t u n c h a s s e u r] (E u g . LE ROY, jacq u o u Une cache : lieu propre à cacher qq. ch. ou qqn. — Un cache : objet qui
le cro q u a n t, L. P. , p . 3 2 7 ). — Les saiso ns [...] forme écran.
é t aie n t [...] le n t es co m m e UNE co u ple d e Une cartouche (de l'ital. cartuccia, nom fém. dérivé de carta, papier) : enve-
b œ u fs [a t t e l é s] (CHÂTEAUBRIANT, Me u t e, Pr é f .). loppe renfermant la charge d'une arme à feu ; boîte contenant des paquets de
A u Q u é b e c , c e f é m . e s t b i e n v i v a n t (v o i r cigarettes. — Un cartouche (de l'ital. cartoccio, nom masc. tiré de carta) : enca-
Se u t i n - C l a s) : R. LÉVESQUE ( A t t e n d e z q u e je m e
drement sculpté, gravé, en forme de carte. EQ
ra p p elle), l'a s s o c i e à b a g n oles ( p . 1 7 7 ), jo urn a -
list es ( p . 4 2 5 ), in t erve n tio ns ( p . 4 9 0 ).
La chienlit (parfois écrit chie-en-lit, selon l'étymologie) : carnaval, désordre,
E m p l o i s irr é g u li e rs. D u m a s c . : " N o us tiro ns UN débauche. — Un chienlit : personne déguisée, personne grotesque ou répu-
co u ple d'o b us d a ns le p ort ail (VOLKOFF, gnante. — Cf. § 479, b, N. B. 3.
H u m e urs d e la m er, I n t e r s e c t i o n , p . 2 9 7 ). — Une couple : lien dont on attache ensemble deux chiens de chasse ; réunion
D u f é m . : "UNE co u ple d e chie ns [ a c c o u p l é s '.] occasionnelle de deux choses de même espèce. E S — Un couple : ensemble de
(H. BAZIN, Vip ère a u p oin g, XXII). — "UNE co u - deux personnes unies par le mariage, l'amitié, l'intérêt, etc. ; ensemble formé
ple co m m e [...] c / a - cè n e [« c e l u i - c e ll e » e n w a l - par le mâle et la femelle chez les animaux ; en mécanique, système de forces.
l o n] (L. REMACLE, A tlas lin g uist. d e la Wallo nie,
Une crêpe : sorte de pâtisserie. — Un crêpe : étoffe.
t . Il, p . 1 7 1 ). [L e m o t e s t t o u j o u r s f é m . e n w a l -
l o n , c e q u i s e r é p e r c u t e p a r f o i s e n fr.
La critique : activité consistant à juger de la valeur d'une œuvre ; jugement
r é g i o n a l .] porté sur l'œuvre ; action de critiquer. — Un critique : celui qui pratique la cri-
Ex. r é g u l i e r d u m a s c . : Par m i ces co u ples [ d e
tique. Cf. R3 et § 493.
p l a n è t e s f o r m a n t d e s m é n a g es astra u x , d e s Une espace : terme de typographie ou de musique. — Un espace : inter-
syst è m es bin aires], /'UN e s t bie n CONNU d es valle, étendue.
astro n o m es ( d a n s l e Mo n d e, 1 2 m a i 2 0 0 6 , Une finale : fin d'un mot ; dernière épreuve d'un tournoi sportif. — Un
p . 7). finale [finAl] (d'orig. ital.) : dernier morceau d'un opéra ; dernier mouvement
REMARQUE. d'une composition musicale.
D a n s c e d e r n i e r s e n s, « p a r a b u s [...] q u el - Une garde : action de garder ; celle qui garde ; groupe de personnes qui
q u e f o i s f é m . » (N o uve a u Lar. ill.), s o u v e n t e n gardent ; chose qui garde. — Un garde : celui qui a la garde de qqn, de qq. ch.
Belgiq u e, o ù ce tt e a cc e p ti o n se m ble plus La gite : inclinaison latérale (d'un bateau). — Un gîte : lieu où on loge ;
viva nte q u'e n Fra nce. repaire de certains animaux sauvages ; partie de la cuisse du bœuf ; solive. E S
Une greffe : action de greffer ; pousse d'un arbre. — Un greffe : lieu où l'on
dépose les minutes des actes de procédure.
Une guide : lanière de cuir servant à diriger des chevaux attelés. — Un
guide : personne qui conduit ; livre servant d'instruction. — Voir R3, ainsi que
§ 493, a et Hl.
Une interligne : lame servant à séparer deux lignes dans la composition
typographique. — Un interligne : espace blanc entre deux lignes écrites.
La laque : sorte de résine ; produit pour les cheveux. — Le laque : beau
vernis de Chine, ou noir, ou rouge ; matière enduite de ce vernis (dans ces deux
sens, le fém. est accepté aussi par le Rob.) ; objet dans cette matière.
Une manche (du lat. manica, dérivé de manus, main) : partie d'un vêtement
où l'on met le bras ; large tuyau ; au jeu, partie liée. — Un manche (du lat. vulg.
manicus, dérivé de manus) : partie adaptée à un instrument pour le tenir à la
main.
Une manœuvre : suite de mouvements ordonnés, évolution militaire. —
Un manœuvre : ouvrier qui ne fait que de gros ouvrages. Cf. R3.
La mémoire : faculté de se souvenir. — Un mémoire : exposé par écrit de
certains faits ; état de sommes dues à certaines personnes ; au pluriel, souve-
nirs écrits par une personne. £$3 K1H KfflÊ REMARQUE.
Une mode : usage passager dans la manière de vivre, de s'habiller, etc. — A b u si v e m e n t a u f é m . d a ns le d ernier se ns :
Un mode : manière d'être ; catégorie des formes du verbe. "P R I NC I ÈR ES m é m oires ( A . C A S TE L O T, D uch esse
Une ombre : espace privé de lumière. — Un ombre : sorte de poisson. d e Berry, p. 3 0 0 ) .
Une onagre : variété de plante. — Un onagre : âne sauvage ; machine de
guerre.
Une paillasse : sac garni de paille. — Un paillasse : bateleur.
Une parallèle : ligne droite dont tous les points demeurent à une distance
constante d'une ligne de référence. — Un parallèle : cercle de latitude cons-
tante sur la sphère ; comparaison suivie entre deux personnes, deux choses.
Une pendule : sorte d'horloge. — Un pendule : balancier dont les oscilla-
tions sont isochrones.
La physique : science qui étudie les principes généraux des corps. — Le
physique : aspect extérieur d'une personne.
E U S RF-IFFI» REMARQUE.
La plastique : les formes du corps humain. — Le plastique : matière syn-
P a r f o i s a u ssi p o u r d é s i g n e r u n e c o m p o s i t i o n
thétique. 133
e x p l o s i v e ; m a i s , d a n s c e c a s , o n p r é f è r e le
La ou le radio : § 477, a. plastic [ p a r l'a n g l . l , n o n a m b i g u .
Une romance : chanson sentimentale. — Un romance : poème narratif
E U K X & B REMARQUE
espagnol (c'est le genre et le sens primitifs).
Ex . d u m a s c . ( q u i e s t c o n s t a n t c h e z l e s c o n n a is -
Une scolie : note de commentateur ancien. — Un scolie : remarque sur un s e u r s d e la li t t é r a t u r e e s p a g n o l e ) : LEC. DE LISLE,
théorème. Po è m es tra g., LE r o m a n c e d e d o n F a d r i q u e ;
Une solde : paie des soldats. — Un solde : ce qui reste à payer sur un MONTHERL., Pe tit e in fa n t e d e C astille, I, 4 ; e t c .
compte ; article soldé, vente d'articles soldés. fTTH 1 3 J U 1 g l i l i » REMAR Q UE
La statuaire : art defoiredes statues. — Un statuaire : celui qui fait des sta- A b u s i v e m e n t a u f é m . : "J'avais fait ch oi x d'u n
tues. Cf. R3. m a g asin à plusie urs é t a g es [...). Je m e d é t o ur -
La vapeur : trèsfinesgouttelettes s'élevant de la surface des liquides, etc. n ais d es sold es PROVOCANTES (CAYROL,
Opéra [mot it., fém.] est devenu masc. en fr. Voir aussi rata au § 477, a C I E U HISTORIQUE
et parka, § 478, a, 2°. Vaugelas, p. 445, l'avait observé déjà.
On a dit Nigérie avant de dire Nigéria ; cela a entraîné le passage au E S 1 0 J REMARQUE
masc. — De même, la Guyane britannique est devenue souvent le I n v e r s e m e n t , samba [ m a sc. e n b r ésilie n] est
Guyana. Le Grand dict. enc. Lar signale les deux genres pour l'entrée du p a s s é a u f é m . e n fr. ( d é j à c h e z BOURGET, D a n -
mot, mais emploie le masc. dans l'article, ainsi que s. v. Georgetown, se ur m o n d ain, I), s a n s d o u t e d ' a p r è s d ' a u t r e s
New Amsterdam, Roraima, Surinam. — Mais la Guyana se trouve n o m s d e d a n s e s (r u m b a , p ol k a, m a z ur k a).
aussi : dans le Lar. cité, s. v. Berbice, Burnham (Forbes), Demerara,
Essequibo ; dans le Monde, 23 juin 2000, p. 13 ; Ac. 2000, s. v.guyanien.
Agora, fém. pour tous les dict. [comme en lat. et en grec], est parfois
mis au masc., même par des érudits : par ex., P. DEVAMBEZ, Style grec,
pp. 47-48.
Aura abusivement masc. chez ABELLIO, cit. Trésor.
Bodega [bodegA] [mot espagnol ; c'est un doublet de boutique], « café à
la mode hispanique », n'est pas dans les dict. Il est parfois masc.
(notamment en Belgique), mais on lui laisse d'habitude son genre éty-
mologique. Ex. fém. : J. LEMAITRE, Contemporains, cit. Deharveng,
t. II, p. 48 ; VERCEL, Capitaine Conan, p. 47 ; R. LALOU, Hist. de la litt.
fr. contemp., 1.1, p. 62 ; HENRIOT, dans le Monde, 7 févr. 1951 ; PIEYRE
DE MANDIARGUES, Marge, p. 169 ; G. VAES, Regard romanesque,
p. 14 ; dans le Monde, 8 oct. 1999, p. 17. — Ex. masc. : VERL., Quinze
jours en Hollande, VII (le nom en italique) ; Fr. WLCHELER, Beulemans
réfléchit, p. 20. ; R. GOFFIN, Souvenirs à bout portant, p. 60.
Coca-cola [nom d'une marque des États-Unis, vulgarisé en fr. à partir
de 1945] a hésité entre le masc. et le fém. (auquel ÉTIEMBLE est resté
fidèle : Parlez-vous franglais ? 1973, p. 239). Le masc. l'a emporté.
Maïzena | JjJ, fém. pour les dict., est parfois (souvent en Belgique) E U E ! H REMARQUE.
masc. : voir Matériaux, t. 22 ; Trésor. M a r q u e d é p o s é e , e m p r . à l'a n g l. ; d e la f a m i l l e
Sauna [motfinlandaisemprunté au milieu du XX e s.], après avoir d e m a is.
hésité, s'est établi au masc. Ex. fém. : R. PERNOUD, Lumière du Moyen
Age, 1944, p. 217. — Ex. masc. : J. POMMIER, Spectacle intérieur,
p. 243 ; M. TOURNIER, Roi des aulnes, p. 204 ; RLNALDI, Roses de Pline,
p. 168 ; etc. — Cf. R.P. de Gorog, dans Neuphilologische Mitteilungen,
1963, pp. 124-129.
En particulier, les noms de plantes en -a (fém. en lat.) sont générale-
ment masc. en fr. (camélia, fuchsia, etc.), alors que ces noms, francisés
en -e (forme souvent en recul dans l'usage : § 169, 34), sont fém.
LA forsythie 0. ROSENTHAL, trad. de : J. Updike, Cœur de lièvre, p. 128).
— UN forsythia (GREEN, Malfaiteur, 1974, p. 243). — Bougainvillées
orange SERRÉES comme des lierres (MALRAUX, Antimémoires, p. 69). —
LE bougainvilléa (COLETTE, Gigi, L. P., p. 142). B 3 — Comp. salvia • Z I E U «MARQUE.
(masc.) et sa forme populaire, sauge (fém.). Voir cependant b, 1° (azalée). O n trouve aussi b o u g ainvillier, masc., forme
Cattleya (parfois écrit catleya ; naguère, cattleye, fém.), fém. pour le Rob. altérée.
en 1953, est masc. pour le Rob. depuis 1985 et pour la plupart des dict.
Ex. fém. : HÉRIAT, Enfants gâtés, IV, 3. — Ex. masc. : PROUST, Rech.,
1.1, p. 233 ; COLETTE, Aventures quotidiennes, Œuvres compl., t. VI,
p. 418 ; GIRAUDOUX, cit. Trésor.
Mimosa (on a dit aussi mimeuse, fém. ; encore, par badinage, chez
C O L E T T E , Gigi, L. P., p. 137) est passé du fém. au masc. de la T à la
8e éd. du dict. de l'Acad. L'usage est, en effet, franchement déclaré. Ex.
fém. : B O U R G E T , Voyageuses, 1897, p. 244 ; G. M A T Z N E F F , cité et criti-
qué par Aristide, dans le Figaro, 30 sept. 1972. — Ex. masc. : V E R N E ,
Maison à vapeur, II, 5 ; J. R E N A R D , Journal, 20 févr. 1896 ; G I D E , Nour-
rit. terr. et Nouv. nourrit., p. 155 ; M O N T H E R L . , Lépreuses, p. 10 ; G I R A U -
D O U X , École des indifférents, p. 180 ; COLETTEjournal à rebours, p. 185 ;
etc.
C E S K I £ S HISTORIQUE.
Pour f r ee sia [fite z jA] (parfois altéré en0 ' fraisia), nymphéa I1B. le masc. l'a
Nym phéa e n c o r e f é m . c h e z CHAT., M é m . , I, emporté aussi.
vin, 5 : J'o bservai LA NYMPHÉA : ELLE s e p ré p arait à Gloxinia, fém. pour le Trésor (gloxinie fém. dans le Lar. XX' s.), est
cach er so n lys bla nc d a ns l'o n d e, à la fin d u jo ur. masc. dans le Grand dict. enc. Lar. et dans l'usage : CE gloxinia GÉANT
— Le m o t a e u u n e var. g r a p h i q u e ny m p h À a et
(COLETTE, Voy. égoïste, p. 205).
u n e var. f r a ncisée f é m . ny m p h é e.
Pinguicula, fém. dans le Grand dict. enc. Lar., est masc. chez B E R G S O N :
Le drosera, la Dionée, LE Pinguicula (Évol. créatr., p. 108).
2° Les noms d'arbres :
Le hêtre, le chêne, le bouleau. — EXCEPTIONS : une yeuse [mot empr. à
l'occitan], une épinette (au Canada, sorte de sapin ou de mélèze), une sapinette
(épicéa d'Amérique du Nord) ; en outre, une aubépine, une viorne, mais elles
ne sont pas perçues comme de véritables arbres ; de même, à plus forte raison,
la clématite, la vigne, la ronce, malgré leur caractère ligneux. — Ébène en fr.
REMARQUE. désigne une matière : cf. § 481, b. Pamplemousse : § 482,17. [33
O n e n se i g n e parfois q u e les c o m p o s é s scientifi - 3° Les noms de métaux et de corps chimiques :
q u es latins q ui d ési g n e n t d es a n i m a u x et d es
plantes sont m asc. d a n s u n c o n t e x t e fr., m ê m e
Le cuivre, le fer, l'argent PUR, l' or FIN, le cobalt, le soufre.
q u a n d il s'agit d e sy n t a g m es f é m . e n latin ; e n 4° Les noms désignant des langues : le français, le russe.
fait, le g e n r e c o n f o r m e a u g e n r e latin paraît
asse z f r é q u e n t : LA MERVEILLEUSE C h ryso l i n a lim -
5° Les noms des jours, des mois, des saisons :
b ata [i nsecte] (Ph. LEBRUN, d a ns Le gra n d livre Le lundi, le RIANT avril, le printemps. (Pour automne, voir § 482, 5.)
d'A r d e n n e e t C a ume, p. 1 4 5). — C h e z LA Sala -
m a n d r a m ac u l a t a (BERGSON, Évol. cré a tr., p. 7 6). b) Noms féminins.
— Salvia officinalis est UTILISÉE e n in f usio n (Gra n d
dict. e nc. Lar., s. v. sa u g e). — Ex. m asc. § 482, R2.
1° Les noms terminés E U par les suffixes -ade, -aie, -aille, -aine, -aison,
-ison, -ance, -ande, -ée [lat. -ata], -ence [lat. -entia], -esse, -ette, -eur (noms
( E U E U REMARQUE
C o m m e , d a n s l es n o m s q u i v a r i e n t e n g e n r e
abstraits [lat. -or] ; sauf tanneur, labeur), -ie, ille, -ise, -sion, -tion, -té, -ure :
e t d a n s l es a d j ec t i f s, le f é m . s e m a r q u e sou - La colonnade, la chênaie, la pierraille, la douzaine, la cargaison, la trahison, la cons-
ve n t p ar l'a d d iti o n d ' u n e d a n s l'écriture, d es tance, une offrande, la poignée, une exigence, la richesse, la sonnette, la couleur, la jalousie,
u s a g e r s c r o i e n t q u e c e t t e f i n a l e est sp écifi - la brindille, la gourmandise, la pression (cf. § 477, c), la dentition, la bonté, la morsure.
q ue du fém. d'u n e manière générale. C'est
Les noms suivants, qui ont des finales homonymes de suffixes mentionnés
u n e c o n c l u s i o n si m p l i st e : v o i r d i v e r s e x . d a n s
c e § 4 6 9 , ainsi q u e d a n s les § § 4 8 1 , 4 9 3 , 4 9 9 ,
ci-dessus, sont masc. : silence [lat. silentium, neutre] ; heur [lat. augurium neu-
5 4 2, e t c . — S e l o n u n e t r a d i t i o n q u i a p e r d u tre] et ses composés bonheur et malheur ; squelette [grec OKe^etôç, masc.] ; quar-
tout f o n d e m e n t , o n parle e n p o ési e d e rimes tette et quintette, qui ont connu les var. quartet et quintet [ital. quartetto, quintetto
f é m inin es p o u r l es m o t s t e r m i n é s p a r u n e masc. ; angl. quartet, quintet] ; divers mots d'origine grecque (souvent par le
m u e t (ra g e, ora g e) et d e rimes m asculin es lat.) : apogée l ' M. athénée 0 3 , empyrée, gynécée, hyménée, hypogée, lycée, mauso-
p o u r les a u t r e s (d o ule ur, m alh e ur, vole ur). lée, périgée, trophée (outre athée), ainsi que les emprunts à l'angl. jamboree et
E S C M REMARQUE pedigree ou pédigrée (§ 91, b, 7°) et le mot d'origine inconnue camée.
L e s d ic t . s o n t u n a n i m e s : a p o g é e est m a s c . Certains noms employés par métonymie pour des hommes passent au
m a i s le g e n r e e s t i n visi b l e d a n s l e u rs e x . (à masc. : camarade ; cornette, trompette ; pour ordonnance, voir § 486, a.
so n a p o g é e, e t c . ) . D a n s la l i t t é r a t u r e , q u a n d Azalée [empr. du lat. des botanistes azalea, fém. de l'adj. grec aÇaÀioç
le g e n r e est visi b l e , c ' e s t p r e s q u e t o u j o u r s le « sec »] est parfois masc. dans l'usage, même écrit : J. PLCOCHE, Précis de lexico-
f é m . : v o i r D e h a r v e n g , t. II, p . 4 9 (L. DAUDET,
logie fr., p. 7 0 ; R. DE OBALDIA, Théâtre, t. II, p. 33 ; RODENBACH et DRUON,
BAUMANN, e t c . ) . — je suis à u n d é t o ur d u ch e -
cit. Trésor. — Le Robert admet les deux genres. Le fém. est préférable pourtant.
m in. je vis Idu verbe vivre] UNE apogée
(Y. NAVARRE, Killer, p . 3 0 0 ) . Romanée [d'un nom de lieu], fém. en Bourgogne : Une bouteille de LA
romanée du cousin (H. VLNCENOT, Billebaude, p. 12), est masc. en fr. commun,
E U E X S J I REMARQUE à l'instar des autres noms de vins : Un sauternes 1819, avec UN romanée 42
A t h é n é e, q u i e n B e l g i q u e d é s i g n e u n établis -
(FLAUB., Éduc., III, 1).
sem ent d'e nsei g n e m e n t seco n d aire organisé
p a r l es p o u v o i r s p u b l i c s , y est p a r f o i s f é m . 2° Les noms de sciences :
d a n s la l a n g u e p a r l é e . La géologie, la chimie, la botanique, la grammaire, la paléographie. —
EXCEPTION : Le droit.
rm G e n r e particulier dans certains emplois.
a) Chose, ordinairement féminin, est employé au masculin comme subs-
titut d'un nom que le locuteur ignore ou ne se rappelle plus, ou qu'il évite
par décence : § 221, b, 2° et d. H devient aussi masc. dans des locutions pro-
nominales indéfinies : quelque chose, etc. (§ 764) ; comp. personne (§ 755).
b) Foudre est féminin quand il désigne le phénomène météorologi-
que ou, figurément, ce qui frappe d'un coup soudain, irrésistible (voir
pourtant [QD : E 3 I E S M HISTORIQUE.
LA foudre est TOMBÉE sur l' église. Les foudres de l' excommunication furent F o u d re était le plus so uve n t fém. e n anc. fr., sans
d o u t e p a rc e qu'il provient d e f ulg ura, pluriel neu -
LANCÉES contre l'hérésiarque.
tre pris c o m m e fém . singulier (cf. § 464, H). Le
Il est masculin : masc., restitué c o m m e éq uivalent d u neutre latin
f ulg ur, était fré q u en t a u X V I I e et au XVIII e s., q u el
1) Dans les expressions figurées foudre de guerre (courant), fou-
q u e soit le sens : Si LE f o u d re t o m b oit sur les lie u x
dre d' éloquence (littér.) et d'autres, occasionnellement. Il b as (PASCAL, Pe ns., p. 1 1 9). - *Puissé - je d e m es
devient d'ailleurs nom animé. ye u x y voir t o m b er CE f o u d re (CORN., H or., IV, 5).
— *A n ast ase m o uru t fra p p é DU f o u d re (Boss., D isc,
C'est UN foudre de travail et d' expédition [de Mirabeau] (HUGO, cit.
hist. u niv., I, 2 ). — *É t e i n s e n tre le urs m ains le urs
Rob.). — Ancien ministre de Caillaux, et pas précisément UN foudre de f o u d res DESTRUCTEURS (VOLT., A/ z /re, 1,4). - Vau ge -
guerre (ARAGON, Beaux quartiers, II, 7). — Il se prenait pour UN fou- las (p. 2 9 9 ) ad mettait les deu x genres, indépen -
dre d'activité (CURTIS, Quarantaine, p. 120) ; d a m m e n t d u sens, mais e n préférant le fém.
Q u e l q u e s auteurs d u XIX e s., surtout dans la lan -
2) Quand il désigne la foudre en tant qu'attribut de Jupiter, ainsi
g u e p oéti q u e, imitaient les classiques : RETIRÉS d es
que sa représentation en héraldique, etc. : co m b a ts, [...] / [...] / VAINS f o u d res de p ara d e
Son peintre facétieux /' [= Alexandre le Grand] a, commefils de Jupiter, OUBLIÉS d e l'ar m é e, / A u t o ur d e t o u t vain q u e ur fai -
sa n t d e la f u m é e, / RÉSERVÉS p o ur la p o m p e e t la
armé grotesquement DU foudre, qui est là, entre ses jambes (MLCHELET,
sole n nit é, / V o us ave z p ris racin e e n ce tt e lâch e t é !
Journal, cit. Trésor). — Debout brandissant LE foudre (Grand dict. enc. (Huco, V oi x in t., Il, 2.) [ H u g o s'adresse aux
Lar., s. v.Jupiter). — D 'argent à UN foudre de sable. c a n o n s ran gés d eva n t l'hôtel des Invalides à Paris.
Même dans ce sens, on trouve parfois le fém. : MAURRAS et COC- Il avait d ' a b o r d écrit : T o n n erres d e p ara d e.] —
TEAU, cit. Trésor. A u t res ex. : CHAT., Mart., cit. T résor ; GAUTIER, Cap.
Fracasse, ib .
N. B. Foudre [allem. Fuder], grand tonneau, est masc. : LE foudre GÉANT
d' Heidelberg [sic] (NODIER, Contes, p. 425).
c) Les grammairiens enseignent que hymne est masculin, sauf quand
il désigne un « cantique latin qui se chante ou se récite à l'église ». HjEJ • M HISTORIQUE.
Ex. masc. : L 'hymne national — Ce qu ' un oiseau chante, un enfant le jase. C' est S e l o n l'éty m o l o g i e , hy m n e ( d u masc. latin hy m -
n us, gr. û^ivoç) est masc. La p r és e n c e d e l'e final,
LE même hymne (HUGO, Quatrevingt-tr., III, III, 1). — L 'hymne TEILHARDIEN à
s o u ve n t j u g é caractéristi q u e d u fém., e x p li q ue
la science (G. FRIEDMANN, La puissance et la sagesse, p. 330). — Hermann [...] q u e l'o n a fait passer le m o t d u masc. a u fém . ;
refermera son livre sur UN hymne de reconnaissance au Fûhrer (DANINOS, Compo- l'élision d e l'article d eva n t h m u e t a favorisé c e
sition d'hist., p. 157). — Dans un contexte religieux : Les deux sont UN hymne sans c h a n g e m e n t . — La distinction sé m a n t i q u e offi -
fin [à Dieu] ! (LAMART., Harm., 1,3.) — Les joueurs de flûte [avant la bataille]/cmt c i e l l e m e n t a d o p t é e n e se justifie pas.
entendre des hymnes RELIGIEUX (FUSTEL DE COULANGES, Cité ant., III, 7).
Ex. fém. : L 'hymne RIMÉE de saint Thomas : Adoro te dévote, latens deitas
(LARBAUD, AUX couleurs de Rome, Nonnain, XV). — TOUTES les hymnes de cet
admirable office (MAURIAC, Jeudi-Saint, p. 136). — Je me suis rappelé quelques
paroles de l'hymne LATINE (GREEN, Journal, 2 déc. 1932).
Mais, en dehors de ce sens particulier, la langue littéraire consi-
dère le fém. comme un substitut plus élégant, plus poétique.
Dans un contexte religieux : CETTE hymne (CLAUDEL, lettre citée dans
Œuvre poét., p. 1112). [À propos de son Hymne des saints anges. Le commen-
tateur, lui, écrit : CET hymne.] — Chaque personne de la famille [protestante] a
son hymne PRÉFÉRÉE (LARBAUD, dans le Figaro litt., 7juillet 1951). — Leur
[= des Gallois] chant national, « Pays de nos pères », est en même temps une
prière. Quand les deux équipes [de football] arrivèrent, toute la foule, hommes et
femmes, [...] chantèrent avant la bataille CETTE [L. P. : cet] hymne au Seigneur
(MAUROIS, Silences du col Bramble, p. 6). — Honorons donc Bacchus comme
l' ont fait nos pères. / Offrons-lui l'hymne ANCIENNE (trad. des Géorg., II, dans
BELLESSORT, Virgile, IV, 1). [Lat. carminibus patriis.] — Le contexte n'est pas E U E S 9 HISTORIQUE.
Merci est fém. selon l'étym olo g ie ( d u fém. latin
religieux : TOUTE CETTE hymne PLAINTIVE ÉPUISÉE, nous étions près de quitter
m erces). C ra n t étant invariable en g e n re au
le jardin (S.-BEUVE, Vol., XVIII). — Elles [= des mondaines qui avaient prié M o y e n  g e (§ 5 4 3 ) , o n disait UNE CRANT m erci,
Renan de parler de l'amour] attendaient de lui des hymnes à la fois ARDENTES et c o m m e o n disait UNE GRANT m ere. Q u a n d gra n d
DÉSINTÉRESSÉES (BARRÉS, Huit jours chez M. Renan, 1904, p. 74). [Mais ces eut pris la f o r m e gra n d e au fém., c o m m e o n con -
dames le tenaient pour un prêtre : un prêtre de la beauté.] — [La fantaisie tinuait à dire GRAND m erci dans la locution figée,
o n crut ren d re to utes c h oses régulières e n disant
d'Horace] va [...] des hymnes OFFICIELLES au naturalisme le plus moderne
UN gra n d m erci, alors qu'il eût fallu dire *UNE
(HENRIOT, Fils de la Louve, p. 180). — Cet enthousiasme noble et sincère, CETTE gra n d t m erci.
hymne, à la fois poésie et religion de l'Action, peuvent [...] constituer un alibi spiri- Merces, p r o p r e m e n t « salaire », a pris e n latin
tuel pour des êtres de qualité (G. FRIEDMANN, La puissance et la sagesse, p. 340). p o p ulaire le sens d e « prix » : d e là celui de
« faveur », puis celui d e « g r âc e q u ' o n a c c o r d e e n
d) Merci est féminin dans le sens vieilli (sauf dans sans merci) é p a r g n a n t », « b o n vouloir ». C e s sens n e subsis-
« pitié » et dans l'expression à la merci de. Il est masculin dans le sens tent q u e d a ns q u el q u es locutions telles q u e se re n -
« remerciement ». E S d re à m erci, à la m erci d e, sa ns m erci, D ie u m erci
( = par la m erci d e D ie u). - D è s le XII e s., m erci est
Ex. fém. : N 'attendez de lui AUCUNE merci (Dict. gén.). — Le Roi son frère d e v e n u u n t e r m e d e politesse, d'a p rès d es locu -
est dangereux aux siens : / SA merci n ' est pas FRANCHE et sa haine est tenace ; / tions telles q u e vostre m erci = g râce à vous.
Rarement il oublie et jamais ne menace, / D 'autant plus rancunier que les torts
sont anciens (LEC. DE LLSLE, Poèmes trag., Romance de don Fadrique). — Sur
la route, on est à LA merci du premier chauffard venu (Dict. contemp.).
Ex. m a s c . : Un grand merci. — Dire U N merci affectueux.
ESI EEE8 H I S T O R I Q U E e) Œuvre S I est toujours féminin au pluriel ; il l'est généralement
Œ uvre, d u fém . latin o p éra, fut d ' a b o r d fém .
C 'est so us l'i n f l u e nce d u n e u t r e latin o p us, a u
aussi au singulier.
pluriel o p éra, q u'il c o m m e n ç a , a u X V I e s., à pas - Les plus BELLES oeuvres de l'industrie humaine. Les DERNIÈRES œuvres de Cicé-
ser a u masc. : Po ur p urg er ses œ uvres VICIEUX ron. Faire de BONNES œuvres. Les œuvres SOCIALES. — UNE œuvre INÉDITE d'Irène
(MAROT, t. IV, p. 4 2 8 ) . - Fist le p o n t d u G u ar d et
Némirowsky a connu un grand succès. TOUTE œuvre HUMAINE est IMPARFAITE.
l'a m p hit h é â tre d e Ni m es e n m oins d e troys h e u -
res, q ui t o u t esf oys se m ble o e uvre plus DIVIN q u e Il est masculin quand il désigne :
HUMAIN (RAB., Pa n t., V) . - Les g ra m m a irie ns d u 1 ) L'ensemble de la bâtisse, surtout dans l'expression le gros œuvre:
X V I I e s., c o ncilia n t l'é ty m o l o g i e et l'usage, o n t
En cinq années, Guillaume de Sens érigera la basilique, au moins pour LE
établi les distinctions actuelles. Mais, par la suite,
œ uvre, au sens g énéral, a pu encore être GROS œuvre (HERRIOT, Dans la forêt normande, p. 126). — Notons
e m p l o y é a u masc., surtout d a n s le style s o u t e n u aussi l'expression juridique dénonciation de NOUVEL œuvre, assigna-
et e n p o ési e : Sa ns cela t o u t e Fa ble est UN œ uvre tion à celui qui construit sur un terrain qui ne lui appartient pas ou
IMPARFAIT (LA F., F, XII, 2). - D o n n o ns à CE GRAND
au mépris d'une servitude.
œ uvre [ = la d estr ucti o n d u lutrin !J u n e h e ure
d'a bstin e nce (Bo n . , Lu trin, IV). - *Po ur f or m er 2) L'ensemble des ouvrages d'un artiste, parfois d'un écrivain, ffl
œ uvre PARFAIT / Il fa u d rait se d o n n er au dia ble L ' œuvre ENTIER de Beethoven (R. ROLLAND, Vie de Beethoven, p. 13). —
(VOLT., Z aïre, Épître d é d ie.). - L'h o m m e d e vert u
L ' œuvre COMPLET de Rowlandson [caricaturiste anglais] (FRANCE,
a u q u el é t ait RÉSERVE' UN œ u v r e plus SAINT (CHAT.,
Mé m ., III, II, v, 2 5). - Et co m m e l'Ét ern el, à la
Mannequin d' osier, p. 179). — Presque TOUT l' œuvre de Musset (LAN-
cré a tio n Icf. Bible, G e n èse, I, 3 1], / T ro uves - t u SON, Hist. de la litt. fr., p. 961). — L ' œuvre COMPLET de Gibbon [histo-
[...] q u e t o n œ uvre est BON ? (MUSSET, Poés. n o uv., rien anglais] (THÉRIVE, Fils dujour, p. 36). — L ' œuvre ENTIER de Barrés
Rolla, IV.) - C e l a est fort rare au X X e s. : La m i - (ARLAND, Essais crit., p. 73). — Dans l' œuvre ENTIER de Flaubert (MAU-
n e urs n oirs b â tis p o ur UN œ uvre ÉTERNEL (VERHAE- RIAC, Trois grands hommes devant Dieu, p. 82). — Le deuxième volume
REN, M ultiple sple n d e ur, Effort). - L'é m o uva n t e
contenait l' œuvre presque tout ENTIER de Justin (BOSCO, Récif, p. 75).
n o tio n de la co n tin uit é de l' œ uvre HUMAIN
(J. ROSTAND, C o urrier d'u n biolo g, p p. 2 1 6 - 2 17). Il est toujours permis, cela va de soi, de foire fém. œuvre désignant
l'ensemble des ouvrages d'un artiste ou d'un écrivain d : Tintoret, dont
K H S E 0 3 1 HISTORIQUE l' œuvre presque ENTIÈRE est à Venise (TAINE, Voy. en It., t. II, p. 358).
C e sens collectif a é t é l o n g t e m ps spécialisé : à u n
— Je me suis mis à feuilleter son [= de Watteau] œuvre GRAVÉE
e n se m b l e d e gravures, d ' a b o r d celles qui so nt
d u es à u n m ê m e graveur, puis à celles q ui o n t ét é
(L. GLLLET, Watteau, p. 5). — Dans TOUTE l' œuvre de Dickens (MAU-
faites p o u r les ta b lea u x d ' u n peintre. En 1 8 7 8, ROIS, Silences du col Bramble, p. 139). — TOUTE l' œuvre de Claudel
l'Ac. p révoit l'a p plicatio n au x m usiciens : L' œ uvre (DUHAMEL, Temps de la recherche, XIV).
d e Be e t h ove n (le c o n t e x t e su g g ère q u e le n o m
est masc.). C 'est se u l e m e n t e n 1 9 3 5 q u e l'Ac.
3) L e grand œuvre pour la recherche de la pierre philosophale ou,
d o n n e u n sens élargi, « e n se m b l e d es œ u v r e s figurément, pour quelque grande entreprise analogue :
d ' u n artiste », a v e c trois ex., les d e u x p rem iers ins- C est en participant à la législation que l'Américain apprend à connaître
pirés d e la restriction a n c i e n n e : L'ŒUVRE gravé d e
les lois ; c ' est en gouvernant qu 'il s'instruit des formes du gouvernement.
Ra p h a ël. T o u t /'ŒUVRE d e C allo t. L'ŒUVRE e n tier
d e Re m b ra n d t ; plus d'allusion au x musiciens, les
LE GRAND œuvre de la Société s'accomplit chaque jour sous ses yeux, et
écrivains t o u j o u rs absents. En 2 0 0 4 , u n e paren - pour ainsi dire dans ses mains (TOCQUEVILLE, Démocr. en Amér., I,
t h èse se m b l e m o n trer qu'ils n e so nt pas exclus : 9). — Ces articles, et la relative diminution de ses autres occupations,
« surtout à p r o p o s d es beaux - arts ». indiquent que Littré, après 1854, est de plus en plus absorbé par SON
P o u r les musiciens, o n a e m p l o y é aussi œ uvre au
GRAND œuvre (A. REY, Littré, l'humaniste et les mots, p. 112).
masc. p o u r c h a c u n e d e leurs œ u v r e s ra n g ées
d a ns l'or d re c h r o n o l o g i q u e : Le p re m ier, le
Parfois, le sens est assez affaibli et rien ne distingue grand œuvre de
seco n d ŒUVRE d e ce m usicie n (Ac. 1718 - 1878). grand ouvrage : Dans SON PREMIER GRAND œuvre (la Méthode...),
- L'ŒUVRE 2 4 d e Be e t h ove n (LITTRÉ). O n e m p l o i e Bodin table encore sur la force d' une tradition monarchique (GLUCKS-
plutôt a u j o u r d 'h u i o p us, a b r é g é e n o p . ( o ù Littré MANN, Cynisme et passion, p. 58).
voyait l'ital. o p éra).
f> Orge E 3 est féminin, sauf dans les expressions orge mondé, orge
B O B REMARQUE.
perlé (employées notamment en pharmacie).
Si l'on e n j u g e par l'ex. suivant, le masc. est, d a ns
c e cas, u n e «servit u d e gram maticale». - C ette On l'appelle, suivant les localités, orge CARRÉE, orge de prime, orge d'hiver,
h a u t e pile in é g ale d e ca hiers d'école [dans la cham - etc. Ses grains sont plus petits que ceux de l' orge COMMUNE (Grand Lar. enc., s. v.
bre mortuaire d e Proust], c'é t ait, n'e n d é plaise a u x escourgeon).
a m a t e urs d e ca t astro p h e, l' œ uvre COMPLÈTE o u,
Le masc. a subsisté dans le fr. du Midi et dans divers dialectes, mais il est
p o ur ê tre gra m m a tical, l' œ uvre COMPLET d e n o tre
douteux que cela explique des ex. comme les suivants : La surface unie de l' orge
a m i (COCTEAU, Po ésie critiq u e, p. 2 0 0).
VERT (SAINT EXUPÉRY, Citadelle, p. 21). — CET orge (ARAGON, Blanche ou
K I 3 S O I HISTORIQUE l' oubli, F°, p. 425).
O rg e r e m o n t e a u n e u t r e latin h or d e u m , pluriel
h or d e a. D è s le M o y e n  g e , il s'est e m p l o y é au x g) Période H 3 est féminin dans la plupart de ses acceptions :
d e u x genres. Il est p r o b a b l e q u e c'est à c a u s e d e LA période quaternaire. LA période lunaire. LA période révolutionnaire. UNE
la t er m i n a iso n e n -e et d e l'initial v o c a l i q u e q u e période oratoire (cf. § 213, R). UNE période MUSICALE. — La maladie a passé
le m o t est d e v e n u p r es q u e e x cl usive m e n t f é m .
par TOUTES ses périodes (Ac. 1935, s. v. passer).
K 3 9 E E E I HISTORIQUE
Il est masculin lorsqu'il désigne le point, le degré où une chose, une
Pério d e r e m o n t e a u f é m . latin p erio d us (lui -
m ê m e tiré d u fém . g r e c nepîoSoç). Le masc. vi e n t
personne, est arrivée ; dans ce sens, il appartient au langage soutenu.
sans d o u t e d u fait q u e la finale - us se t r o u v e sur - Surtout d a n s l es e x p r e s s i o n s le dernier période, le plus haut période : Vous ne
t o u t d a n s d es n o m s m asc. connaissez pas la misère à S O N D E R N I E R p é r i o d e , la honte du déshonneur ( B A L Z A C ,
Cous. Bette, p. 24). — Elle souffrait d' une angine de poitrine arrivée à SON DER-
NIER période (BOURGET, Divorce, III). — Secourable à la fois et funeste à la
France, / Au plus HAUT période il porta sa puissance (NERVAL, Poés. polit., Étran-
ger à Paris). — L 'homme grand [...], c ' est celui qui saura la [= la civilisation] por-
ter à SON plus HAUT période (MALRAUX, Tentation de l' Occident, p. 31). — Au
plus HAUT période du banquet (BOSCO, Mas Théotime, 1947, p. 22).
En dehors de ces expressions : Elle [= l'originalité d'un auteur] venait seule-
ment d'atteindre à SON période [= apogée] (HERMANT, Théâtre 1912-1913,
p. 193). — Il en était à CE période HEUREUX de la passion triomphante (HEN-
RIOT, Occasions perdues, p. 245). — Cette deuxième nuit en était AU période
AVANCÉ, peu avant le jour, où les amants embrassés encore ont cédé au sommeil pro-
fond de leurs belles fatigues (M. THIRY, Romans, nouvelles, contes, récits, p. 293).
Certains auteurs emploient dernière période dans le sens donné ci-dessus :
La maladie mentale entre dans SA DERNIÈRE période (TAINE, Orig. de la Fr. con-
temp., t. VII, p. 210). — Autre ex. : BALZAC, Peau de ch., XXIV.
GRANDE, qu ' elles vous rabâchent toutes dans leur courrier du cœur, vous croyez que ça ro m a n esq u es d o n t il é t ait co u t u m ier (R. ROLLAND,
le a n - C hr., t. VI, p. 187). - Le plus b e a u d e TOUS les
existe, Monsieur Barnett ? [dit un coiffeur] (ANOUILH, Monsieur Barnett, p. 35.) a m o urs (VAUDOYER, t a u r e et La ure nce, p. 50).
Ex. masc. plur. : Vous avez beau me plaisanter sur mes amours PASSAGERS O n t r o u ve aussi u n e d es..., la plus b elle d es..., etc. :
C'est la reco nstit u tio n d'UNE d e ces a m o urs que
(STENDHAL, Corresp., 1.1, p. 64). — De ces amours historiquement CONSTA-
M. C h arles F o urn e t vie n t de t e n t er (HENRIOT,
TÉS, avec une grande dame, il lui était resté ce drap de lit (HUGO, Misér., V, II, 4). Ro m a n esq u es et ro m a n tiq u es, p. 2 2 6). — De
— Beaucoup d'amours plus ou moins PASSAGERS (MUSSET, Conf, I, 5). — m ê m e : File est fait e d'a m o urs successives, CHA-
L 'histoire d' un cœur épris de deux amours SIMULTANÉS (NERVAL, Sylvie, XIII). CUNE EXCLUSIVE e n so n t e m ps (PROUST, Rech., t. III,
— L 'affreuse souffrance des amours TRAHIS (MAUPASS., Mont-Oriol, p. 358). p. 64).
— L 'antique océan qui berça les PREMIERS amours de la terre (FRANCE, Livre de
mon ami, p. 56). — Reprendrons-nous comme autrefois nos BEAUX amours WESÊ CEQI A U T R E S EXEMPLES
CHAT., Mé m ., IV, i, 7; GAUTIER, Alb ert us, LVI ;
PLEINS de mystère ? (GLDE, Retour de l' enf. prod., p. 62.) — Nos vieux romans
LAMENNAIS, V oi x d e p riso n, X ; MICHELET, Insect e,
[...] / Nous rappelant nos VIEUX amours (ARAGON, trad. d'un poème de XII ; SAND, Ma u p ra t, X I V ; BARBEY D'AUR., Œ uvres
Pouchkine, dans Pouchkine, Œuvres poét., t. II, p. 369). Q ro m a n, co m pl., 1.1, p. 1 2 4 8 ; BAUDEL., FI. d u m.,
S p l e e n ; A. DE NOAILLES, H o n n e ur de so u ffrir,
En dehors de ce sens, amour est presque toujours masculin, au
p. 1 5 8 ; COLETTE, N aissa nce d u jo ur, Sel., p. 9 ;
singulier comme au pluriel : CHAMSON, A d elin e V é nicia n, p. 1 5 6 ; etc.
L 'amour MATERNEL. Un VIOLENT amour des richesses. — Amour SACRÉ
de la patrie (ROUGET DE LlSLE, Marseillaise). — L 'ancienne religion excite alors
dans tous les coeurs d'ARDENTS amours ou d'implacables haines (TOCQUEVILLE,
Démocr. en Amér., I, II, 9).
En particulier, amour est toujours masc. quand il désigne les représenta-
tions du dieu Amour (c'est alors un nom animé) [le nom propre étant lui-
même masc.] : Une guirlande flanquée de quatre PETITS amours JOUFFLUS [sur
un carton à gâteaux] (PEREC, Vie mode d' emploi, p. 49).
HISTORIQUE. b) Délice est masculin au singulier et féminin au pluriel. ®
J u s q u ' a u X V I e s., d élice avait les deu x genres, q u el
q u e soit le n o m b r e , mais le masc. se m b l e avoir
Ex. au sing. : Son nom fait MON délice (MUSSET, Poés. nouv., Idylle). —
ét é plus fréq uent, m ê m e a u plur. Les gram mai - Dans CET extrême délice (BARRÉS, AU service de l'Allem., p. 106). — QUEL
riens (Va u g elas, lui, p. 2 4 9, rejetait le sing.) o n t délice d' excursionner [...] ! (PROUST, Rech., 1.1, p. 131.) — Manger des mûres
réglé l'usage d u fr. d 'a p r ès le latin, o ù l'on avait est UN délice (BOSCO, Rameau de la nuit, p. 9). — Des yeux qui brillent comme
u n n o m fém . plur. d elicia e, et u n n o m n e u t r e sing.
à l'annonce d' UN proche délice (BUTOR, Modification, 10/18, p. 184).
d eliciu m . L'usa g e a hésité l o n g t e m ps : T o u s les
d élices (MARIV., Jo urn a u x et œ uvres diverses,
Ex. au plur. : L 'imagination m'apportait des délices INFINIES (NERVAL,
p. 1 8 ) . — UNE d élice (MAINTENON, Le ttres, 1 8 avril Aurélia, I, 1). — QUELLES délices I (GENEVOIX, Tendre bestiaire, p. 129.) —
1 7 0 1 ). - SA DERNIÈRE d élice (CHAT., Mé m . , II, i, 6). Celui qui a connu les plus DÉVORANTES délices (P.-H. SIMON, Somnambule,
— M ê m e au X X e s., o n t r o u ve parfois d élices au p. 118). — Avoir ses délices PRIVÉES, au sein d' un petit groupe d'initiés (CURTIS,
masc. : D'EFERAYANTS d élices (CAILLOIS, C hro niq u es Saint au néon, F°, p. 161).
d e Ba b el, p. 4 4). — A u t res ex. ( o ù c e n'est pas
Après des expressions comme un de, un des, le plus grand des, etc., suivies
p h o n é t i q u e) : BARRÉS, D érac., p. 5 6 ; ESTAUNIÉ, T els
q u'ils f ure n t, p. 3 0 9 ; J. BURGOS, Po ur u n e p o é ti -
du complément pluriel délices, on met au masc. l'adjectif ou le participe se rap-
q u e d e l'i m a gin aire, p. 2 0 6 . — Le fém . sing. est portant à ce complément : UN de mes plus GRANDS délices.
plus rare : LA d élice e n sera MEILLEURE (L. WOUTERS, c) Orgue est masculin au singulier. Il est féminin au pluriel quand il
T o us les ch e m ins m è n e n t à la m er, p. 11 7).
désigne un seul instrument (pluriel emphatique : § 506, b), mais il
• I F K H I HISTORIQUE reste masculin quand il s'agit d'un véritable pluriel. [JJJ
O rg u e avait les d e u x g e n res a u M o y e n Âge,
Ex. masc. sing. -.f 'ai entendu UN orgue [...] jouer, à la messe, les airs les plus
avec prédominance d u fém. Le masc. s'est
i m p o s é ( d u m o i ns a u sing.) p a r c e q u e le m o t
doux et les plus tendres (CHAT., Itinér., Pl., p. 989). — L ' orgue MAJESTUEUX se
latin o r g a n u m était n e u tre. A u X V I I I e s., o n trou - taisait gravement (HUGO, Ch. du crép., XXXIII). — UN PETIT orgue de Barbarie
vait e n c o r e le f é m . a u sing. : *A ussi fait - elle ARRÊTÉ devant l'hôtel jouait des valses viennoises (PROUST, Rech., t. II, p. 787).
[= m a voi x] a u t a n t d e b ruit q u'UNE org u e de Ex. fém. plur. : Cela ressemblait aux sons d' orgues LOINTAINES (BOYLESVE,
p aroisse (MARIV., Jo urn a u x e t œ uvres diverses,
Becquée, p. 57). — Les orgues s' étaient TUES, RELAYÉES maintenant par des cui-
p. 2 8 4 ) . Et m ê m e a u X I X e : UNE org u e d e b ar b a -
rie (J . DROUET, lettre à H u g o , 1 8 d éc . 1 8 3 9 ).
vres et des tambours (CAMUS, L ' exil et le royaume, Pl., p. 1678). — Dans un
emploifiguré: Faire donner les GRANDES orgues « s'exprimer avec emphase ».
Ex. masc. plur. : Il ne reste guère d' orgues ANCIENS en France (M. CHAPUIS,
dans le Monde, 5 sept. 1967). — Un de ces orgues de Crémone [...] que les Italiens
promènent dans les rues, POSÉS sur une petite voiture (GAUTIER, Voy. en Russie,
cit. Rob.).
On trouve parfois le fém. au pluriel alors qu'il s'agit de plusieurs
instruments : MAUROIS, En Amérique, p. 25 ; P.-H. SIMON, Hist. d' un bonheur,
p. 224 ; L. NOULLEZ, Deux orgues pour les Minimes, p. 22 ; — ou même le masc.
au pluriel pour un seul instrument : R.-L. BRUCKBERGER, dans le Monde, 6 oct.
1978.
m N o m s propres de lieux.
a) Comme pour les noms inanimés en général, le genre des noms
géographiques est arbitraire : ni l'étymologie ni la forme ni le sens ne
sont déterminants.
Par ex., si beaucoup de noms de régions et de cours d'eau terminés par un
e muet sont fém., d'autres sont masc. : le Perche, le Maine (mais la Maine
HISTORIQUE.
comme rivière), le Rouergue... ; le Rhône, le Tage, le Tibre, le Danube... —
Les n o m s d e c o u rs d ' e a u étaien t masc. e n latin ;
Pour Nigéria et Guyana, voir § 469, a, 1°, N. B.
par ex. Mosa, m a l g r é sa finale. Ils sont s o u ve n t
passés a u f é m . e n a nc. fr., surtout q u a n d ils se
Parmi les noms de cours d'eau, Weser est masc. en fr. quoique fém. en ail.,
ter m i n aie n t p ar e. À la Re n a issa nce, o n a t e n t é selon le Lar. XX' s. (1933), et Volga masc. en fr. quoique fém. en russe, selon
d e revenir au g e n r e latin : MON Loyre GAULOIS le Nouveau Lar. ill. (1904). Dans les deux cas, le fém. l'a emporté depuis,
( D u BELLAY, Re gre ts, X X X I ) [= la Loire], comme le confirment les grands Lar. postérieurs. QJJ
BIBLIOGRAPHIE. b) Les noms de villes 0 sont masculins dans l'usage parlé, mais sou-
B . HASSELROT, Le g e nre d es n o m s d e villes en vent féminins dans la langue écrite, surtout littéraire. { 5 J
fra nçais, d a n s St u dia n e o p hilolo gica, 1943- On pose parfois en règle que ces noms sont féminins seulement
1 9 4 4 , p p . 2 0 1 - 2 2 3 . — R. EDWARDSSON, m ê m e
quand ils se terminent par un e muet. Cette finale favorise le féminin,
titre, m ê m e r e v u e , 1 9 6 8 , p p . 2 6 5 - 3 1 6 .
sans doute, mais les écrivains le choisissent aussi dans d'autres cas.
HISTORIQUE.
Les n o m s d e villes éta ie n t f é m . ja d is : D e joia u x ,
La BLANCHE Navarin (HUGO, Orient., V). — Comme UNE Pompéi GAR-
d e rich esses TOUTE Paris resple n t (ADENET LE ROI, DÉE par des sergents de ville (E. et J. DE GONC., Ch. Demailly, XV). — Lyon,
Bert e, 2 6 6 , éd . H o l m e s ) . — F u t La nch o n DESTRUITE Marseille, Bordeaux INSURGÉES (FRANCE, Les dieux ont soif, p. 78). — L'ÉCLA-
(JEAN D'OUTREMEUSE, éd . G., p. 2 3 5 ) . TANTE férez, TOUTE PLEINE de l' odeur de ses celliers à vin (LoUÎ S, La femme et
le pantin, IX). — À l'horizon, TOUTE PLATE, ELLE aussi, Madrid (MONTHERL.,
Service inutile, Pl., pp. 615-616). — Hank-Kéou était TOUTE proche
(MALRAUX, Condition hum., p. 157). — Dans Cusset ENDORMIE (GIRAU-
DOUX, Littérature, p. 317). — Amsterdam ENDORMIE (CAMUS, Chute, Pl.,
p. 1548). — Sfax, [...] Sousse et Kairouan étaient, à leur tour, LIBÉRÉES (DE
GAULLE, Mém. de guerre, t. II, p. 122). — Meknés était plus DISCRÈTE que Fez,
moins magnifique et moins OPPRESSANTE (BEAUVOIR, Force de l'âge, p. 339). —
Paris est TRAVERSÉE de parfums d'arbres (NOURISSIER, Allemande, p. 180). —
Arras et Amiens étaient PRISES (CABANIS, Profondes années, p. 157). — Mon-
treuil s' est BÂTIE autour de l'abbaye (Grand dict. enc. Lar., t. VII, p. 7089). Etc.
N o m s de fêtes.
Pâques, [ f f l • £ ! • KïtJÊ HISTORIQUE.
Pâques (écrit avec s), fête catholique, est ordinairement masculin D u latin ecclésiasti q u e p asch a, fém . ( q u i s'em -
p l oyait parfois a u pluriel) o u n e u t r e ; e m p r u n t é
au singulier et féminin au pluriel. à l'h é b r e u . A u M o y e n  g e et j u s q u 'a u X V I e s., le
• Le sing. s'emploie surtout quand le nom n'a pas de déterminant : Pâques singulier Pasq u e et le pluriel Pasq u es o n t é t é usi -
tés a u f é m . p o u r la fête c h rétie n n e. Le masc. est
fut CÉLÉBRÉ avec beaucoup de pompe. — fe vous paierai à Pâques PRO-
peut - être dû à l'i n f l u e nce de m ots comme
CHAIN (Ac. 1935). — Quand Pâques était TARDIF (MAURIAC, feudi- di m a nch e, jo ur o u c o m m e N o ël.
Saint, p. 48). — Pâques était VENU (R. ROLLAND, fean-Chr., t. II,
p. 177). — Ou alors était-ce à Pâques PRÉCÉDENT ? (Cl. MAURIAC, Espa-
ces imaginaires, p. 485.)
P a r f o i s a v e c l 'a r t i c l e i n d é f i n i , q u a n d l ' i d é e d ' u n i t é s ' i m p o s e : Ils ne con-
naissent donc point qu 'il y a UN Pâques / Un jour de Pâques, un dimanche
de Pâques /[...]/ Un mois de Pâques. / Pour la montée, pour la remontée
de l' espérance charnelle / Comme il y a pour la sève du chêne et du bouleau /
Un mois d'avril, un mois de mai ( P É G U Y , Porche du myst. de la deux, vertu,
p. 103). — Ce fut Pâques et la suite. UN Pâques tardif qui expliquait que
l'hiver avait traîné en longueur (H. V l N C E N O T , Billebaude, p . 134).
• Le plur. s'emploie surtout quand le nom est accompagné d'un déter-
minant (autre que l'article indéfini sing.). Tantôt il s'agit d'une seule
fête (ou d'une seule période) : Depuis les Pâques PRÉCÉDENTES
(MALÈGUE, Augustin, 1.1, p. 303). — Et toute l'année suivante il avait
attendu les PROCHAINES Pâques sans rien oser de plus 0. ANGLADE,
Garance, p. 221). — Il vaut mieux compter, pour passer de BONNES
Pâques, sur le soleil ou la gastronomie que sur la TV (NOURISSIER, dans
le Figaro dimanche, 25-26 mars 1978). — Tantôt il s'agit d'une vérita-
ble pluralité : Ils se rappelaient [...] les Noëb étincelants de flambeaux,
les Pâques ÉCLATANTES de soleil (HUGO, N.-D. de Paris, X, 4). — Au
souvenir de tant de Pâques DOULOUREUSES (BLOY, Mendiant ingrat,
1.1, p. 36). — Ô mes Pâques ENFANTINES, à Vincennes (M. DROIT,
Clartés du jour, p. 30). LUI
E 9 REMARQUE
Pâques s'emploie aussi au fém. plur. sans article, mais avec épithète On a t o u j o u rs le fém . plur. d a ns le sens
dans les deux expressions anciennes Pâques fleuries (dimanche des « c o m m u n i o n p a sc a l e » : Faire d e BONNES Pâ q u es
Rameaux) et Pâques closes (1er dimanche après Pâques) ; — et dans (ou p â q u es).
les formules de souhait : JOYEUSES Pâques, monsieur l'abbé ! (CES-
BRON, Notre prison est un royaume, p. 281.) — Et BONNES Pâques !
(CURTis, Roseau pensant, p. 369.)
On trouve parfois le fém. plur. dans d'autres cas : Il avisa au-dessus du
bénitier, une branche de buis - le buis de pâques DERNIÈRES (P. DE COU-
LEVAIN, Noblesse américaine, p. 364). — Pour Pâques SUIVANTES,
j' offris à mon fils d'aller passer quinze jours sur une autre côte (HÉRIAT,
Temps d'aimer, p. 34). — On n ' osait plus rêver que Pâques enfin seraient
FLEURIES (L. MARTIN-CHAUFFIER, L 'homme et la bête, p. 210). —
Pâques VENUES j' étais vraiment las (GENEVOIX, Deux fauves, p. 10).
Pâquc (sans s) désigne d'habitude la fête juive OU ou la fête K H I EJ0È1 REMARQUE.
orthodoxe. Il est féminin singulier et se construit avec l'article défini. D a n s les trad. m o d e r n e s d e la Bible, l'article fém .
sing. et l ' a b s e n c e d e s à la fin sont constants,
Des gâteaux de LA Pâque JUIVE (MAUROIS, Byron, XXV). — Le temps de ainsi q u e la m a j u sc u l e p o u r la fête elle - même
LA Pâque est venu Q. et J. THARAUD, Ombre de la croix, p. 175). — Notre- ( M a r c , XIV , 1 ; etc.) ; mais les trad. CRAMPON et
Seigneur célébra LA pâque avec ses disciples (Ac. 1935). — Durant cette semaine OSTY-TRINQUET m etten t u n e m i n usc u l e q u a n d il
de LA Pâque GRECQUE (BARRÉS, Voy. de Sparte, p. 38). s'agit d u re p as rituel, c o m m e d a ns la f o r m u l e
m a n g er la p â q u e ( M a r c , XIV, 1 4 ; etc.), c'est - à -
On trouve pourtant le pluriel pour la fête orthodoxe : Pâques R U S S E S T O M - d ire l'a g n e a u p ascal, précisent e n n o t e Osty -
B A I E N T tard cette année-là ( O L D E N B O U R G , Procès du rêve, p. 300) ; — Lors du pre- Tri n q u et, sens p a rtic u lière m e n t évi d e n t a v e c le
mier voyage, [...] Rilke fut particulièrementfrappé par L E S P Â Q U E S R U S S E S , à Moscou v e r b e i m m oler (Marc, XIV, 1 2). La Bible de
( J A C C O T T E T , Rilke, 1998, p. 33) ; — et Pâques avec s (et le sing.) pour la fête juive : Mare dso us m et p arto ut la m a j usc u le. [La trad.
MARGOT p réf ère, q u a n d il n e s'agit pas d e la
P Â Q U E S approche ( M A U R I A C , Vie de fésus, XXII) ; — et même Pâque fém. sing.
fête, la p éri p h rase le re p as d e la Pâ q u e.]
pour la fête chrétienne : L A P Â Q U E est proche : lejeudi saint [...] nous nous agenouille-
rons côte à côte à la table du Seigneur ( I D . , Mal, p. 215). — Pour C E T T E P Â Q U E - c i ,
Mita, je te donnerai Marie en cadeau (A. B R A G A N C E , Soleils rajeunis, p. 146).
b) Noël, ordinairement masculin, est féminin quand il est employé
HISTORIQUE. avec l'article défini singulier et sans épithète ni complément. C B
Traditionnellement, N o ël est masc. ; le fém., qui
Ex. masc. : Noël est TOMBÉ un dimanche l'année dernière. — Il se rappelait
est dû à l'influence d e f ê t e, est acce p té par l'Ac.
dans l'expression à la N o ël depuis 1835. O n le les Noëls d'autrefois, les BLANCS Noëls de son enfance (A. DAUDET, Rois en exil,
trouve auparavant dans le dict. d e Gattel en p. 72). — J e me suis demandé [...] quel trait émouvant pourrait passer dans de
1819, mais c o m m e un gasconisme, et dans le FUTURS « Noëls anarchistes » (BARRÉS, Du sang..., p. 112). — Ainsi le divin
D ict. d u m a uvais la n g a g e d e J. -F. Rollan d en fils /Dormait dans son berceau pour SON PREMIER Noël (PÉGUY, Ève, p. 185).—
1 8 1 3 (cf. T résor). En outre, un ex. isolé en 1 2 8 0 :
D'UN Noël à l'autre (MAURIAC, Mal, p. 19). — CE Noël DÉSIRÉ (ID., Nœud de
A p rès LA N oiel (dans Go d ef r oy, C o m p l.)
vip., XX). — [...] réunis tous les quatre pour UN Noël HEUREUX et tiède
(B. CLAVEL, Voy. du père, II). — Je vous souhaite UN BON Noël (ib.). — LE Noël
de cette année-là fut plutôt la fête de l'Enfer que celle de l'Evangile (CAMUS, Peste,
p. 285). — Le mot est toujours masc. dans les sens « chant de Noël » et
« cadeau de Noël ».
Ex. fém. : LA Noël est TOMBÉE un dimanche l'année dernière. — À LA Noël
(CENDRARS, Or, LXIV ; Bosco, Mas Théotime, 1947, p. 335 ; TROYAT, Grive,
p. 368). — Vers LA Noël (MAUPASS., C., Petit fut). — Pour LA Noël (PROUST,
( C i l AUTRES EXEMPLES. Rech., t. II, p. 1119). — Aller passer LA Noël avec sa tante (ib., t. III, p. 408). H
Voir § 587, a, 4°.
On trouve des ex. du fém. (jugé plus élégant, plus poétique ? ou sous des
influences régionales ?) non conformes à ce qui est dit ci-dessus : Ils se rappe-
laient [...] les fêtes éblouissantes, les Noëls ÉTINCELANTES de flambeaux (HUGO,
N.-D. de Paris, X, 4). [Certaines éd. ont étincelants.] — Le noir moutier [...] /
[...] d' où sortaient des voix et de larges clartés / Comme aux SAINTES Noëls dans
les solennités (LEC. DE LLSLE, Poèmes barb., Paraboles de dom Guy, VI). — Ils
[= les sapins] se savent prédestinés / [ . . . ] / A briller doucement changés / En étoi-
les et enneigés / Aux Noëls BIENHEUREUSES (APOLLIN., Aie., Sapins). — Depuis
LA DERNIÈRE Noël ( W I L L Y e t C O L E T T E , Claud. s' en va, p . 2 3 3 ) . — D ' U N E Noël
à l'autre (VAN GENNEP, Manuel defolkl.fr. contemp., 1.1, p. 2925). — J 'y suis
retourné [...] CETTE DERNIÈRE Noël (AUDIBERTI, Dimanche m'attend, p. 60).
E U E U REMARQUE. c) Certains dimanches sont (ou étaient) désignés par le début de l'introït
C e cas pourrait être rangé parmi les nominalisa -
de la messe, j ® Littré fait Quasimodo (dimanche qui suit Pâques) du
tions (§ 479) o u m ê m e parmi les réductions
(§ 477, c). féminin, mais Oculi (3 e dimanche de carême) et Laetare (4 e dimanche de
REMARQUE. carême, ou mi-carême) du masculin. Dans le premier, on aurait
En Belgique, le fém. est courant : À LA La e t are l'influence de fête et, dans les deux autres, celle de dimanche ou dejour.
(J. HAUST, dans le Bull, d e la C o m m issio n roy. d e
En France, nous n'avons noté Laetare qu'au masc. : Le dimanche DU Lae-
t o p o ny m ie e t dialect olo gie, 1935, p. 32). — C e
gro u p e p articip a a u x cort è g es d e LA La e t are e t d u tare (HUGO, N.-D. de Paris, IV, 1 ; MAURIAC, dans le Figaro litt., 9 mars
C arn aval (M. GAUCHEZ, En tre - Sa m b re - e t - Me use, 1967). — Le jour DU Laetare (VAN GENNEP, Folklore de la Flandre et du Hai-
p. 15). naut fr., 1.1, p. 143). m
N o m s de navires, i l BIBLIOGRAPHIE.
Les ministres fr. François Piétri, pour la marine de guerre (circulaire Et . LE GAL, Le p arler viva n t a u X X E siècle,
pp. 159 - 169.
du 13 août 1934), et Raymond Schmittlein, pour la marine marchande (cir-
culaire du 2 2 mars 1955), ont exigé que l'article défini accompagnant les
noms propres de navires soit du genre que ces noms ont dans leur emploi
ordinaire. L'usage, pourtant, privilégie de plus en plus le masculin parce que
des mots comme navire, bateau, etc. imposent leur genre, assez logique-
ment S i (comp. § 474), sauf quand l'article fait vraiment partie du nom. K f H C M I REMARQUE.
Ex. où le genre primitif est maintenu : N ' est-ce pas aujourd'hui que doit entrer LA P o u r les avio ns, a u c u n ministre n e s'est é m u , et
t o u t le m o n d e dit et écrit, p ar ex., LE C o ncor d e,
Normandie ? (MAUPASS., Pierre etJean, I.) — A bord de LA Médée (LOTI, Monfrère Yves,
c o m m e o n dit p o u r u n m a g a z i n e : le suis d e h ors
XXXI). — Nous étions embarqués sur LA France qui préludait alors [...] aux succès actuels I...I à re g ar d er UN Marie - Claire d'ava n t m a n ais -
de LA Normandie (HANOTAUX, Réponse au dise, de réc. de l'amiral Lacaze à l'Ac.). — sa nce (JAPRISOT, É t é m e urtrier, p. 8 5 ) ; — p o u r un
C' était, pour l' époque, un paquebot très magnifique, [...] non pas certes LA Normandie d'hier c a f é : G e org es a urait p u a b a n d o n n er le « Ro n d -
(FARRÈRE, Seconde porte, p. 177). — Le canot d'Alain Gerbault et LA Normandie (GIRAU- Poin t » p o ur le « D ô m e » o u LE « Lib ert é » (SARTRE,
Sit u a tio ns, t. IX, p. 3 1 1 ).
DOUX, Sans pouvoirs, p. 149). — À bord de LA Normandie (MAUROIS, Mém. 1885-1939,
p. 316). — Ce bateau est LA Marie-Jeanne (ALAIN, Entretiens au bord de la mer, p. 53). —
LA Galatée était en partance (VERCEL, Ceux de la « Galatée », p. 11). —J ' étais sur LA Bour-
gogne [...] le jour où elle a fait naufrage (GLDE, Faux-monn., p. 82). — Le navire que je
regrette [...] s'appelait : LA Miséricorde (MAC ORLAN, Ancre de Miséricorde, p. 91). — Afin
d'apercevoir LA Romania à sa sortie du port (MARTIN DU G., Tkib., Pl., 1.1, p. 1046). Etc.
Ex. où le genre primitif n'est pas conservé : LTitoile-des-Mers est trop LONG (PEIS-
SON, Parti de Liverpool, p. 95). — LE Normandie (GLDE, Journal, 7 févr. 1942 ; BERNA-
NOS, Grands cimet sous la lune, p. 318 ; HENRIOT, Rose de Bratislava, XIV). — Un bateau
nommé LE Vénus (CHARDONNE, Vitre à Madère, p. 19). — Imaginons un chalutier français
qui s'appellerait LE Dignité ! (MONTHERL., Démon du bien, p. 173.) — Melpomène est
PASSÉ en mer du Nord (DE GAULLE, Mém. de guerre, 1.1, p. 304). ESI — LE Liberté est déjà U S E S I REMARQUE.
là (GUTH, dans le Figaro litt., 22 mars 1952). — Je recalfaterai LE Marie-Hélène Sur l ' a b s e n c e d'article, voir § 588, c, 3°.
(H. QUEFFÉLEC, Un feu s'allume sur la mer, I, 9). — H est parti sur LE France (MALRAUX,
Chênes qu ' on abat, p. 124).
On peut considérer ici la réduction des syntagmes. Il n'y a pas de Même le n o m entier sans article est parfois
masc. : Electricit é d e Fra nce est TRANSFORMÉ e n
problème de genre lorsque l'élément conservé est le noyau du syntagme. socié t é (Sé n a t fr., sé a n c e d u 8 juillet 2 0 0 4 , com -
LA pilule <— la pilule anticonceptionnelle. m u n . J. Desrosiers). Et c o m m e n t un sigle c o m m e
I. B. M., d o n t l'éq uivalent entier est familier à p e u
Si la réduction porte sur le noyau, cet élément sous-jacent conti-
d e gens (I n t e r n a t i o n a l Busin ess Machin es) aurait -
nue à donner son genre à la forme réduite, qui peut ainsi recevoir un il u n g e n r e fixe ï Le voici fém. : IBM est IMPLANTÉE
genre différent de celui qu'elle avait en tant qu'élément subordonné. d a ns le m o n d e e n tier (Gra n d dict. e nc. Lar.), mais
le masc. est plus fréq uent.
UN vapeur <— un bateau à vapeur. UN poche <— un livre de poche. — UNE
basket, UNE tennis <— une chaussure de basket, de tennis : Mets tes baskets. / Je
nepeuxpas.Juanito les a jetés [sic] dans l' eau du bain... / ELLES y sont toujours
(MALLET-JORIS, Maison de papier, p. 59). Mais le masc. n'est pas exclu : c'est
le seul genre prévu par le Trésor pour les deux mots. — UN pression (ou UNE
E U E S I REMARQUE.
pression) <— un bouton-pression <— un bouton à pression. | &] C el a vaut aussi p o u r des n o ms a n i m és: UN
g are n n e < - u n la pin d e g are n n e. — LE selle [ < - ch e -
Si la réduction a pour résultat la transformation d'un adjectif en
val d e selle] FRANÇAIS est u n ch eval d e h a u t e co m p é -
nom, celui-ci reçoit le genre du noyau effacé : titio n (Gra n d dict. e nc. Lar.). — C o m p . § 474. - La
UNE permanente <— une ondulation permanente. UNE capitale <— une lettre ou préposition a été maintenue dans din d e : § 501, H1.
une ville capitale. — Simple « plante médicinale », masc. 0 3 , est tiré d'une formule HL9 MSBÊ R E M A R Q U E
comme médicament simple (medicamentum simplex en latin médiéval). — Automo- D es si m ples à d e m i SECS (COLETTE, S / do, L. P.,
bile (et sa réduction auto) a été masc. d'après véhicule automobile. L'influence de voi- p. 3 0). ; a u tre ex. (a u sing.), § 508, a, 2°. — Le m o t
ture a imposé le fém. — Italique en typographie est masc. (<— caractère italique). étant s o u ve n t a u plur., le g e n r e est ra re m e n t visi -
CLAUDEL le fait fém. (au plur.) en pensant à lettres : Impression en G R O S S E S itali- ble. D ' o ù d es hésitations : CETTE si m ple - là ELLE
p o usse sur les t erres d'A n gira ny (J. FAURE-COUSIN,
ques bien C L A I R E S (dans Claudel et Gide, Corresp., 28 janv. 1909). — Symétrique
U n e d e Prove nce : Marie Ma uro n, p. 6 6). — C h e -
est masc., sauf quand il s'agit d'une réduction défiguré symétrique en géométrie. m ins cre u x [...J, / Bas - cô t és fle uris [...] / La fa t uit é
Harmonique, réduction de son harmonique est normalement masc. (seul d'UNE si m ple / S'y re n g org e (PONCE, t. II, p. 1 0 6 6).
genre donné par l'Ac. 2000) ; mais sous l'influence d'autres noms en -ique, le
fém. se répand, surtout au figuré.
E x . masc. : Une émotion est dramatique, communicative, quand T O U S les har-
moniques y sont D O N N É S avec la note fondamentale ( B E R G S O N , Rire, p. 107). —
C' était une note unique - mais riche d'harmoniques I N F I N I S ( M . T O U R N I E R , Ven-
dredi ou les limbes du Pacif, F°, p. 208). — Nous y percevons [ . . . ] Q U E L Q U E S -
UNS des harmoniques qui nourriront la mélodie de la plupart des grands quatuors
(Ch. B E R T I N , dans le Bull. Acad. roy. langue et litt.fr. [de Belg.], 1988, p. 135).
Ex. fém. : LA septième harmonique [...] présente [...] une différence qui
dépasse huit vibrations à la minute (V. D'INDY, Cours de composition music., cit.
Trésor). —Je ne regrette pas ces moments [...] ; leurs DERNIÈRES harmoniques
résonnent encore en moi et j' en perçois [...] le son pur et déjà mourant (MAUROIS,
Climats, 1,5). — Un sonfilécomme UNE harmonique (MARTIN DU G., Thib., Pl.,
1.1, p. 1307). CH l i i l KYàM HISTORIQUE
Littré prévoit le fém. pour la réduction de corde harmonique, mais les D é j à a u X V I I I e s. : U n e id é e reveillé e va faire
autres dict. ne connaissent pas cet emploi. q u elq u e f ois fré m ir UNE h ar m o niq u e q ui e n est
à u n in t ervalle inco m p ré h e nsible (DID., Rêve
Mauvis, traditionnellement masc., est parfois traité comme un fém.,
d e d'Ale m b ., p . 2 1 ).
parce qu'on le considère comme la réduction de grive mauvis ; de même, créce-
relle est parfois pris pour un masc. sous l'influence de faucon crécerelle. CES EE29 H I S T O R I Q U E
Cf. M. Beduin, dans Questions defr. vivant, 4e trimestre 1984, pp. 15-18. C e m o t est f o r m é d e s m o t s g r e cs ïooç « é g a l »
e t y) > / n a a a « l a n g u e » f é m .
Isoglosse, réduction de ligne d'isoglosse « limite géographique d'un trait
linguistique » OS est normalement fém. Mais le masc. se rencontre : le Dict. REMARQUE.
de ling. passe d'un genre à l'autre dans l'article consacré à ce mot. Fo r m u le e n c o r e usitée (or d inairem ent sans majus -
c u l e) : TROYAT, Mala n d re, p. 2 6 3 ; B. CLAVEL, Fruits
UNE Thermos [tcumos] <— une bouteille Thermos C S (nom déposé). Mais d e l'hiver, p. 7 8 ; BEAUVOIR, Ma n d arins, p. 3 2 8 ;
on dit souvent aujourd'hui un Thermos (généralement écrit sans majuscule). NOURISSIER, Hist. fra nç., V ; etc.
E x . fém. : MALRAUX, Espoir, p. 2 1 5 ; HÉRIAT, Enfants gâtés, I I I , 4 ; KESSEL, Lion,
p. 4 1 ; A . SARRAZIN, Cavale, I I , 1 6 ; SABATIER, Noisettes sauvages, p. 2 3 4 ; GRAINVII.LE,
Abîme, p . 5 6 ; DECOIN , John l'Enfer, p . 1 3 9 ; B. CLAVEL, Fruits de l'hiver, p. 1 1 6 ;
MODIANO, Rue des Boutiques obscures, p . 1 8 0 ; S . SIGNORET, Volodia, p. 4 9 2 ; RINALDI,
Roses de Pline, p . 8 6 ; dans le Monde, 7 févr. 1 9 9 8 , p. 3 1 ; etc.
E x . masc. : SAINT EXUPÉRY, Terre des hommes, p. 1 3 1 ; SALACROU, dans le Figaro
litt., 10 sept. 1 9 5 5 ; VAILLAND, 3 2 5 0 0 0 f r a n c s , p. 4 6 ; VIAN, Herbe rouge, X V I ; GRACQ,
Balcon en forêt, p . 179 ; GARY, Tête coupable, p . 2 4 5 ; DANINOS, Daninoscope, p. 1 6 1 ;
MORAND, Tais-toi, p . 19 ; GAXOTTE , dans le Figaro, 10 m ars 1 9 7 3 ; A . COHEN, Belle du
Seigneur, p . 4 8 7 ; CL. SIMON, Leçon de choses, p . 1 3 0 ; J . D'ORMESSON, AU revoir et merci,
1 9 7 6, p p . 226 - 227 ; D . BOULANGER, dans Europe, janv. - févr. 1981, p. 185 ; MAI.LET-
JORIS, Allegra, p . 2 3 4 ; MOINOT, Guetteur d' ombre, p . 76 ; etc.
Mots étrangers.
a) Les noms étrangers reçoivent en français un genre influencé
par la forme ou par le sens (ou par le fait que le masc. est le
genre indifférencié) et souvent sans rapport avec l'usage de la
langue donneuse, qui peut d'ailleurs ignorer la notion de genre.
On en trouvera des ex. ailleurs (notamment dans les §§ 469 et 482). Nous
signalons ici des mots dont la forme orale et/ou écrite (et parfois la réalité
désignée) reste nettement étrangère et dont le genre est hésitant.
1° Mots anglais. S I
D ' a u t r e s m o t s an glais so n t d e g e n r e instable :
disco, join t - ve n t ure, m o bile h o m e, etc. V o i r
• De badge [bAd3], emprunté d'abord par les scouts, J. SEVIN écrit ; « Je
K. N y m a n s s o n , Le g e nre gra m m a tical d es
francise résolument le mot, et le fais féminin » (Le scoutisme, 3e éd., 1933
a n glicis m es co n t e m p orains en fr., dans [l re éd. : 1922], p. 81, note 1, commun. B. Pitti). En effet, ce nom a été
C a hiers d e le x icolo gie, 1995 - 1, p p. 95 - 113. longtemps fém. chez les scoutsfrançais,plus rarement chez les belges.
Dans ses autres emplois, il est masc., sauf au Québec (voir ci-dessous).
• Chips Lfips], ordinairement au plur. (§ 508, a, 2°), est attesté avec les
deux genres, mais le fém., favorisé par l'expression pommes chips,
prédomine : Les DERNIÈRES chips (ARAGON, Mise à mort, p. 142). —
Des chips CROUSTILLANTES (Ac. 2001).
• Holding [oldig], réduction de holding company, parfois adapté en
société holding (ou traduit société de portefeuille), a été et est parfois
fém. à cause de cette origine (comp. § 477, c) : LA holding PROMISE
(PLLHES, Imprécateur, p. 271). — Création d'UNE holding PUBLIQUE
(dans le Monde, 5 déc. 1975, p. 45). — LA PREMIÈRE holding belge
(ib., 27 juillet 1988, p. 20). — LA holding FLAMANDE (dans le Soir
[Bruxelles], 18 janv. 2004, p. 16). — Mais le masc. prévaut selon la
plupart des dict. I;H. comme dans les autres noms en -ing.
L'Ac. 2 0 0 0 est le s e u l d ict . q u i soutienne
l ' o p i n i o n i n ve r s e . — Ex. m a s c . : d a n s le Fig aro,
• Interview [êtERvju] (mot angl., tiré du fr. entrevue) est fém. selon l'Ac.
2 7 o c t . 1 9 7 6 , p. 2 7 ; d a n s le Mo n d e, 17 août
2000 et le Trésor, qui ajoute en Rem. : « parfois employé au masc. ».
1 9 8 4 , p. 1 7 ; Gra n d dict. e nc. Lar., s. v. Com - Le masc., assez fréquent autrefois, se trouve encore : UN interview
p a g nie fin a ncière d e Su e z , Et ernit ; etc. R É C E N T ( G R E E N , Bel aujourd'hui, p. 9 6 ) . — U N interview (BEAU-
VOIR, Mandarins, p. 440). — Ses interviews les plus SIGNIFICATIFS
(H. JUIN, dans le Magazine littér., juin 1984, p. 92).
E S I HISTORIQUE. • Sandwich ® souvent prononcé [sâdwit J], mais il y a d'autres pronon-
D u n o m d u c o m t e d e S a n d w i c h ( X V I I I e s.) ciations. Le mot a d'abord été surtout fém. d'après tartine ou beurrée. Le
p o u r q ui o n i n v e n t a , dit - on, c e t y p e d e t a r t i n e masc. s'est imposé au XX e s. (sauf au Québec : cf. Boulanger). En 1928,
q u i p e r m e t t a i t d e n e p a s q u i t t er la t a b l e d e j e u .
MARTIN DU GARD parlait de deux sandwiches jumelles (Thib., IV,
p. 206) ; par la suitejumeaux a été substitué ajumelles (Pl., t. I,p. 1131).
• Sex-shop [seksjbp] hésite entre le masc. (d'après magasin) et le fém.
(d'après boutique), plus fréquent, du moins en France. Ex. masc. :
É. AJAR, Vie devant soi, F°, p. 224 ; J. SA VIGNEAU, dans le Monde,
22 août 1986. Ex. fém. : R. DESFORGES, interviewée ib., 23 août 1975 ;
DECOIN, John l'Enfer, p. 198 ; J. BELLEFROID, Voy. de noces, p. 145.
Les dict., ou certains d'entre eux, reconnaissent aussi les deux genres à
happy end Upiend] et à leggins [legins], parfois leggings, parfois aussi au sing. : Pas
UNE leggin de travers (dans le Figaro litt., 3 nov. 1956, p. 2). Le fém. est dû aux
noms fr. correspondants fin et jambière (ou guêtre). — Voir aussi grouse au
§ 484, b, 1°.
D'autres mots, masc. pour les dict., sont parfois attestés au fém., sous
l'infl. de leurs équivalents fr. : LA Christmas (HUGO, Trav. de la mer, I, I, 1).
[Comp. Noël, § 473, b.] — LA bow-window (BUTOR, Emploi du temps, p. 44).
[D'après fenêtre.] — UNE [...] ice-cream (M. CERF, Les rois et les voleurs,
p. 172). [D'après crime.] H
« a i w m REMARQUE
Business [biznes], gang [gag],job [d3Db], masc. sur l'Ancien Continent, sont Humour, a v a n t d e se fixer a u m asc . , a h ésité :
fém. au Canada: Ceux qui [...] formaient MA NOUVELLE gang [= groupe L'h u m o ur ainsi DÉFINIE (BERGSON, Rire, p. 9 7 ) .
d'amis, équipe, non péjoratif] (R. LÉVESQUE, Attendez que je me rappelle..., V o i r aussi Littré, S u p p l . (GAUTIER) ; D e h a r v e n g ,
p. 90). — Pardre SAjob [= perdre son emploi] (A. MAILLET, Sagouine, p. 160). t. Il, p p . 9 2 - 9 6 (BREMOND, BORDEAUX, FAGUET).
— Badge et sandwich (cf. ci-dessus) sont aussi fém. chez les Canadiens, de K O I E B 3 REMARQUE
même que des emprunts qui leur sont propres : litousse « phare » (angl. light "Une ce n n e a e x ist é a ussi en Wallonie
house), post-office « bureau de poste », shop « atelier, magasin », etc., ainsi que comme e m p r u n t a u n é e r l a n d a i s ce n t ; il a
cent ou °cenne « centième du dollar » 0 5 pin [pin] « épinglette » (un pin 's en d é s i g n é d ' a b o r d u n e p i è c e d e d e u x centi -
fi-. d'Europe : § 107), ponce « grog » lîtl. ° m o pp e « balai » ("un mop « balai à m es, p uis l'argent e n g é n é r a l ( c o m m e so u),
fi-anges » en Belgique). — En revanche, party est masc. au Québec (cf. ai nsi q u e , d e f a ç o n p l u s d u r a b l e , u n e frian -
d ise r e p r é s e n t a n t u n e p i è c e d e m o n n a i e .
Boulanger) ; LÉVESQUE (op. cit., p. 90) fait high-school du masc., alors que les « M B t K AWn ^B
auteurs fr. préfèrent le fém., sous l'influence d' école (comp. b ci-dessous). M M T E S I REMARQUE
Distingué de p u nch « ardeur combative »
2° Mots d'autres langues. p r o n o n c é [ p o n f] a u Q u é b e c , m a s c . c o m m e
en Europe.
• Apartheid UpARtcd], en Belgique [-tejt], mot afrikaans, est masc. pour
les dict. fi-, ; le fém. résiste mieux en Belgique (où l'on sait que -heid est
un suffixe fém. en néerlandais). £ 0 — Ex. masc. : Grand dict. enc. m m c s a REMARQUE
Lar., s. v. Afrique du Sud ; GARAUDY, Il est encore temps de vivre, p. 67 ; V o i r c e p e n d a n t P. VANDROMME, F élicie n Mar -
J.-N.SCHIFANO, trad. de: E.Morante, Aracœli, p. 365; dans le ce a u, p. 1 9 B ; H . NYSSEN, Lira bie n q ui lira le
Monde, sélection hebdom., 26 juillet 2000, p. 8 ; etc. — Ex. fém. : dans p re m ier, p. 5 1 .
le Monde, 10 oct. 1968, cit. Gilbert, 1971 (avec d'autres ex. de l'un et
de l'autre genre) ; dans la Cité (Bruxelles), 10-16 mars 1988, p. 22 ; etc.
• Chapska (graphies diverses) [du polonais czapka, fém.] est masc.
pour la plupart des dict. Voir cependant Trésor (fém. chez
A. ARNOUX et VIALAR) ; BARDIN, Dict. de l'armée de terre (1841-
1851), s. v. sczapka. Comp. § 469, a, 1°, N. B.
• Goulasch [guUJ] (mot hongrois, venu par l'allem.), parfois écrit goulache
(forme privilégiée par l'Ac. 2000) ou autrement encore, est des deux
genres pour le Robert, l'Ac. et le Trésor; d'autres dict. optent pour le
masc., plus fréquent en effet (sauf en Belgique) : UN APPÉTISSANT gou-
lash (SIMENON, Mém. intimes, p. 247). Du BON goulasch (Fr. FEJTO,
Mém., p. 277, commun. J. Laboriat). UN goulash (DÉON, Taxi mauve,
p. 293). — Autre ex. masc. : dans le Monde, 8 avril 2001. Etc. — Ex.
fém. : LA goulash (Menus et recettes de tante Léa, 1966, p. 400).
• Parka [de l'esquimau par l'angl.], comme le notent les dict., n'a pas
encore un genre décidé : UNE LONGUE parka (dans Femme pratique,
sept. 1976, p. 24). — UN parka (ib., p. 12). — UN parka kaki JETÉ
sur un costume sombre (dans le Monde, 5 oct. 1979, p. 15). — Parkas
B L E U S ou N O I R S ( F r . K L E S E L , d a n s h Revue générale, mai 1 9 9 4 , p. 7 6 ) .
— Comp. § 469, a, 1°, N. B.
» Quetsche [kwetf] (empr. à fallern. par l'intermédiaire de l'Alsace) est fém.
comme en allem. pour désigner une sorte de prune : GROSSES quetsches
(BEAUVOIR, Force de l'âge, p. 332). — Quetsches VIOLETTES (Qui-
GNARD, Tous les matins du monde, VHI). — L'alcool fabriqué avec ces
prunes s'est d'abord appelé quetsche-wasser [allem. Quetschenwasser, neu-
tre, « eau de quetsche »] ; ce composé s'est réduit à quetsche, que les dict.
donnent aussi comme fém. ; dans l'usage oral, en Alsace, en Belgique et
au Luxembourg, il est masc. ; dans le fr. écrit, on trouve les deux genres :
Moi, je prends de LA quetsch [sic], 1!$ en ont de LA BONNE (ROMAINS, Hom-
mes de b. vol, 1.1, p. 219). — L 'alcool grand-ducal [= luxembourgeois],
dont le plus apprécié était LA quetsche (A.-G. TERRIEN, Glibe, p. 47). — J ' ai
fait venir DU quetsche 0- SARMENT, Couronne de carton, I).
• L'ital. tagliatelli [tAljAtelli] est un nom masc. plur. Lorsqu'on francise le
mot en tagliatelles [tAljAtel], il peut garder son genre, mais il passe sou-
vent au fém. (seul genre enregistré par le Robert 2001), à cause de la
finale : Les tagliatelles n ' étaient pas FAMEUX (J. RoY, Saison des za,
p. 55). — Les MEILLEURES tagliatelles (DÉON, Déjeuner de soleil, p. 306).
• Zakouski (ou -is, § 538, d) [mot russe, de genre fém.], encore fém.
plur. pour le Grand Lar. enc. (1964), est masc. plur. pour le Grand
dict. enc. Lar. (1985) conformément à l'usage dominant.
Voir aussi § 469, a, 1°, N. B. (agora, bodega, sauna).
b) Les noms de journaux, de partis politiques, de lieux, etc. conti-
nuent nécessairement à désigner des réalités étrangères et l'on
s'attendrait donc que le genre originaire se maintînt. Pourtant,
dans ces cas aussi on attribue souvent aux mots étrangers le
REMARQUE. genre des noms français qui y correspondent. 0 3
Le choi x d u g e n r e n e r é p o n d pas t o u j o u rs à
LE SPD ALLEMAND (J.-Fr. REVEL, Comment les démocraties finissent,
d e s r a i s o n s visi b l es. Dans l'e x . s u i v a n t , le
p. 180) [= Sozialistische Partei Deutschlands. Partei, empr. au fr. partie, est
m a s c . c o n t r e d i t l e g e n r e d u m o t a l l e m a n d et
c e l u i d u m o t fr. d o n n é c o m m e é q u i v a l e n t :
fém.]. — LE C. V. P. (désignation ordinaire en Belgiquepour le Christelijke
D irect e urs DU Zeitsc h ri f t fur Numismatik
Volkspartij) [partij s'explique comme Partei allem.]. l&J — LE Deutsche
( R e v u e d e N u m i s m a t i q u e ) d e Berlin ( d a n s le Tageszeitung (DE GAULLE, Discorde chez l' ennemi, p. 46 ; fém. pp. 169 et 175)
Gra n d dict. e nc. Lar., s. v. Re glin g). [fém. en allem.; masc. d'après journal], — Les mystères de LA Mitteleuropa
D a n s l'e x . s u i v a n t , l ' i n f l u e n c e d e jo urn al a été (POIROT-DELPECH, dans le Monde, 5 sept. 1975). — Au fond du tableau [des
p l u s f o r t e q u e la p a r e n t é e n t r e le m o t fr. e t le souvenirs de A. Glucksmann], [...] LA Mitteleuropa (R.-P. DROIT, dans le
m o t p o r t u g a i s : L'affaire DU R e p u b l i c a d e Lis - Monde des livres, 16 mars 2006, p. 8). [Europa est neutre en allem.]
bonne (P. - J. REMY, En fa n ts d u p arc, p. 2 4 0 ) .
LE Zuyderzee [zee « mer » est fém. en néerl. ; le masc. en fr. est-il dû à
• 2 1 E 5 1 REMARQUE l'influence des noms allem. en -see où see signifiant « lac » est masc. ?]
C e parti a c h a n g é d e n o m e n 2 0 0 2 . Certains auteurs, connaissant mieux la langue étrangère, gardent le genre
E S I E U REMARQUE d'origine E 3 : Rédacteur en chef de LA Zukunft [= avenir] (APOLLIN., Chroni-
C o m p . cette formule em pruntée d u lati n : ques, critiques, Œuvres compl., p. 591). — Le parti socialiste allemand, LA
Les socié t és [...] q ui se so n t d o t é es d'UNE a rs S. P. D. (Al. PEYREFITTE, Quand la rose se fanera, p. 357). — LA Christliche
e r o t i c a (FOUCAULT, Hist. d e la se x u alit é, p. 7 7 ) . Volkspartei (Él. LEGROS, dans la Vie wallonne, 1965, p. 47). — LA « Vlaamse
A r s é t a i t f é m . c o m m e le m o n t r e l'a d j ec t i f , e t
Volksbeweging » [= Mouvement populaire flamand] (dans la Libre Belgique,
art, q u i e n v i e n t , est d e v e n u m a s c .
8 déc. 1966). — Le masc. est plus proche du neutre allemand : LE Mitteleu-
ropa (BAINVILLE, Allemagne, 1.1, p. 219).
S Mots nominalisés.
a) Les mots employés occasionnellement co mme noms : éléments
linguistiques (lettre [cf. § 4 8 0 ] , phonème, morphème, mot,
syntagme, phrase) pris pour eux-mêmes ( a u t o n ymi e : § 4 6 0 ) ,
pronoms, verbes conjugués, adverbes, prépositions, conjonc-
REMARQUE. tions, mots-phrases E L sont masculins.
Ex. e x c e p t i o n n e l d u f é m . : LA trrrrttt d'u n e UN a. — LE eu de déjeuner (A. MARTINET, Prononc. du fr. contemp.,
ar m e a u t o m a tiq u e (E. CHARLES-ROUX, Elle,
p. 142). — LE an de chanter (ib., p. 143). ons s' est RÉDUIT à -on (FOUCHÉ,
A d rie n n e, p. 1 7 5 ) .
Verbe fr., p. 191). — Toute est COMMUN [au XVII e s. devant un adjectif fém.,
cf. § 994, H3] (BRUNOT, Hist., t. IV, p. 844). — UN tiens vaut mieux que deux
tu l'auras (prov.). — C' est pour quand ? / - Ah ! voilà !... / - Je pensais bien
qu 'il y avait UN « Ah ! voilà I »... (COLETTE, Maison de Claud., XXIII.) — La
guêpe, un jour d' été, vous entre par la fenêtre, avec CE FORT zou ! zou ! zou !
A G R E S S I F et M E N A Ç A N T ( M L C H E L E T , Insecte, XXII).
N o m s des lettres.
Comme il y a identité (et donc autonymie) en fr. entre le nom d'une
voyelle et le son qu'elle représente, ce nom est masculin (voir § 479, a). H mm ni «s™.^
Les n o m s d es voyel l es et c e u x d es c o nso n n es,
Les lettres-consonnes sont désignées, oralement, par un nom qui
l o rs q u e c es d er n iers c o m m e n c e n t p ar u n e con -
est formé du son (ou d'un des sons) que représente la lettre, suivi ou so n n e , o n t ét é masc. d ès l'anc. fr. : O est REONS
précédé d'une voyelle (cf. § 86). Ces noms de consonnes sont généra- [ = r o n d ] c o m m e li m o ns [ = la terre] (HUON LE
lement masculins. ROI, A b ecés p are k ivoch e, 1 9 1 ). —A p rès LE 8 (ib .,
4 1 ). — D e là b é m ol = b m ol, q ui s'o p p osa it à b
d ur : cf. T o b ler - Lo m m at z sc h , s. v. b .
Le genre masculin est incontesté lorsqu'il s'agit des consonnes Lorsq u'ils c o m m e n c e n t par u n e voyelle, les
dont le nom commence par une consonne : un b, un c, un d, un g, un n o m s d es c o n s o n n e s o n t d ' a b o r d ét é p r es q u e
j , un k, un p, un q, un t, un v. t o u j o u rs f é m . M a i s le masc., q u o i q u e rare, est
attesté d ès l'a nc. fr.
UNE e m m e e t UNE esse (C h a nso ns e t dits art ésie ns,
Mais lorsque le nom des consonnes commence par une voyelle,/ h, l cit. Tobler - Lommatzsch, s. v. e m m e). - N o ble
m, n, r, s (pour x, voir c ci-dessous), il est féminin selon Littré et selon l'Ac. C u e ur, q ui d'or p ort oit UNE M (MAROT, Œ uvres
1932-1935 (qui donne pourtant les deux genres à / : Un grand F . Une co m pl., éd. Grenier, t. II, p. 408). - Elles p ro n o nce n t
l'r bie n FORTE (VAUGELAS, p. 438). — L's a é t é SUBSTI-
petite f ; voir aussi les ex. ci-dessous). Cet usage existe encore, mais le mas- TUÉE (TURCOT, Éty m olo gie, p. 21 ).
culin prévaut très nettement, notamment parmi les grammairiens et les A p rès m e ttrai UN R (GAUTIER DE COINC I, cit. Tobler -
Lommat zsch, s. v. i). — LE L (FLEURY DE BEIIINCEN, Éty -
linguistes d'aujourd'hui, y compris l'Ac., dans l'éd. en cours depuis 1986.
m olo gie o u e x plica tio n d es p rover b es fr., 1656,
Ex. fém. : Cela ne s' écrit qu 'avec UNE 1 (STENDHAL, Rouge, II, 2). — Le p. 81). — L'I PRÉCÉDÉ d'u n e co nso n n e (TURGOT, o p .
cit., p. 43). — + V o tre le ttre n'é t ait n t d a t é e ni sig n é e
pluriel met UNE S à leurs meâs culpâs (HUGO, Contempl., 1,13). — UNE h un d'UN H (VOLT., Corresp., 27 oct. 1 760).
peu ASPIRÉE (J. RENARD, Journal, 12 juin 1898) [il s'agit d'un son]. — UNE
s FINALE (A. THOMAS, Nouveaux essais de philologie fr., p. 26). — UNE
h M U E T T E ( H E R M A N T , Xavier, 1 9 2 3 , p . 1 4 9 ) . — Deux M ENTRELACÉES (LA
VARENDE, Roi d'Ecosse, p. 240). — Bien que /'h soit ASPIRÉE (HANSE, 1949,
s. v. hululer). — UNE r (H. BAZIN, Qui j' ose aimer, IX). — LA GRANDE M
DORÉE BRODÉE sur les tentures de l' église 0. BOREL, Retour, p. 267). — Pour
1 MOUILLÉE (R.-L. WAGNER, Anc. fr., p. 1 0 7 ) . — UNE h MUETTE
(Rob. 2001, t. II, p. 969).
Ex. masc. : Avec toutes sortes d'I MOUILLÉS (FLAUB., Corresp., t. II,
p. 156). — UN 1 et UN n MARQUÉS d' une [cf. § 481, R5] tdde (G. PARIS,
Mélanges linguistiques, p. 643). — Avec UN 1 (PÉGUY, Esprit de système,
p. 265). — L ' r FINAL SUIVI d' un e muet (MARTINON, Comment on prononce
lefr., p. 295). — L I double, qui est MOUILLÉ (HERMANT, op. cit., p. 127). —
On prononce l'S FINAL (Ac. 1935, s. v. sut generis). — L ' N FINAL se fait sentir
(ib., s. v. hymen). — Un V, qui peut aussi bien être UN N (GIDE, Faux-monn.,
p. 1 0 ) . — L 's FINAL du mot n ' étant pas PRONONCÉ ( M O N T H E R L . , Petite
infante de Castille, p. 15). — Un B et UN F entrelacés (MAURIAC, Mystère
Frontenac, p. 143). — La prunelle [= le fruit] bleu-pâle [...] porte UN M de
sombre saphir sur sa glaçure (LA VARENDE, Centaure de Dieu, p. 37). — UN
H majuscule (DUHAMEL, Biographie de mes fantômes, p. 54). — F [...] est
MUET dans bœufs (GEORGIN, Code du bon langage, p. 104). — Hululer [...] a
m m t m REMARQUE UN h ASPIRÉ ( H A N S E , 1 9 8 3 ) . E t c . O
Se l o n l'épellation dite « m o d e r n e » (cf. § 86, a),
to utes les c o n s o n n es o n t u n n o m c o m m e n ç a n t
BRUNOT distingue s comme lettre et s comme son, traitant le premier
par u n e c o n s o n n e : [fa], [sai, etc., p o u r f, s, etc. Le
n o m d a ns c e c as est masc. Certains ex. masc. cités
comme fém. et le second comme masc. : L's est DEVENUE la marque du pluriel
plus haut p o urraient être f o n d és sur cette épella - (Pensée, p. 100). — Nous avons gardé UNE s de convention (p. 103). — LE s
tion, mais elle n'a eu, e n fait, q u ' u n s u cc ès limité. FINAL s'assourdit (p. 100). — S une fois AMUÏ (p. 101).
N.B. Le nom des lettres de l'alphabet grec est masc. : UN alpha, UN iota, UN
delta (aussi aufiguré),etc. De même, UN yod, UN chva (parfois chwa),
désignations d'origine hébraïque (§§ 35 et 28). — Mais jota, lettre
espagnole, est fém.
d) Les noms des lettres s'emploient aussi pour désigner des objets
ayant la forme de ces lettres.