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Séquence proposée par Anne Bernard, professeur de lettres-histoire au lycée

professionnel de l'Argensol à Orange.

Formation : Etude d'une œuvre longue :


« Capitale de la douleur », recueil poétique paru en 1926, Paul Eluard.

Cette séquence est destinée à une classe de Première baccalauréat professionnel et s'inscrit dans
l'objet d'étude : « Du côté de l'imaginaire ».

Problématique : L'amour ne naît-il que de douleurs ?

Etape 1 : Entrée dans l'œuvre

Objectifs :
➢ Découvrir le recueil par la lecture subjective d'un poème : pratique des « marginalia  »  (notes
personnelles et dessins) / lecture en binôme pour une interprétation plurielle puis restitution
mémorielle à l'écrit et enfin lecture analytique avec le professeur )
➢ Prendre connaissance des remarques d’un autre élève lecteur.
➢ Croiser cette lecture subjective avec l'interprétation subjective d'une photographie du trio
amoureux et une toile de Max Ernst.

➢ Effectuer des rapprochements entre un texte surréaliste d'Eluard et une peinture surréaliste.

➢ Émettre des hypothèses de lecture en croisant diverses informations.

➢ Se familiariser avec les protagonistes du recueil grâce une succincte présentation de Paul Eluard
et de sa première épouse, Elena Dimitrevna Diakovna, plus connue sous le nom de Gala.

Activités demandées aux élèves :

Un poème, le premier du recueil, est proposé aux élèves ainsi que la photographie du trio « Max Ernst,
Gala, Paul Eluard » et un tableau de Max Ernst L'Eléphant Célèbes, 1921.

Consignes données aux élèves :

Etape 1 : lisez ce poème puis notez dans la marge tout ce que vous ressentez à la lecture du poème.
Questionnez ensuite le texte de façon plus approfondie en vous aidant de la fiche découverte distribuée.
Même démarche pour la photographie et le tableau.
Max Ernst

Dans un coin l'inceste agile


Tourne autour de la virginité d'une petite robe
Dans un coin le ciel délivré
Aux épines de l'orage laisse des boules blanches.

Dans un coin plus clair de tous les yeux


On attend des poissons d'angoisse.
Dans un coin la voiture de verdure de l'été
Immobile glorieuse et pour toujours.
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A la lueur de la jeunesse
Des lampes allumées très tard.
La première montre ses seins que tuent des insectes rouges.

Document 2 :

MAX ERNST GALA PAUL ELUARD

Interrogation fréquente des élèves à la découverte de la photographie: pourquoi trois visages ? (Qui est
en trop ?)

Document 3 : L'Eléphant Célèbes, Max Ernst, 1921

Etape 2 : Travail en binôme afin de confronter ses premières impressions et de les enrichir.

Etape 3 : Restitution mémorielle à l'écrit.

Etape 4 : lecture analytique avec le professeur  qui s'appuie sur les images fortes relevées par les élèves :

Le professeur revient sur ces images qui suggèrent toutes un malaise et un mal-être : ainsi « l' inceste »
suggère un interdit, une « petite robe » semble être la victime de cet « inceste agile » puisqu'on lui
tourne autour.

D'autres images viennent renforcer ce malaise : les images d’orages, d’épines. Mais aussi les “poissons
d'angoisse”, les “insectes rouges” qui “tuent”. Qui est la victime : Gala ? Son prédateur : Max Ernst ?

L'observation de la photographie conduit les élèves à une interrogation : qui sont l'homme et la femme
qui ont pris place à côté du poète ? : sa femme et son frère ? Deux amis ? Sa femme et son amant ?
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Quels liens unissent ces personnes entre elles ?

Trois en amour ou en amitié est-ce un bon chiffre ?

Premières impressions collectées autour du tableau de Max Ernst  et rapprochements entre le tableau et
le poème.

Afin de proposer une analyse plus complète de ce poème qui ouvre le recueil, il convient de se pencher
sur la vie d'Eluard... (Activité pouvant être demandée dans le cadre de la classe inversée)

Qui est Paul Eluard : 1895-1952. Eluard est l'un des créateurs du surréalisme*. Il rompra avec le
mouvement en 1938. Il s'écarte de la poésie née de l'inconscient pour cultiver la parole consciente, mais
sa pensée sera toujours nourrie d'images. Dans son œuvre, la présence de la femme aimée rayonne à
tout instant, qu'il s'agisse de Gala, de Nush ou de Dominique.

Bal masqué à Clavadel. Photographie que Paul Eluard dédicacera ainsi à André Breton : « Paul dans ses
habits de Gala »

Quelques éléments biographiques à donner aux élèves (oralement)

✗ Le groupe et notamment Paul et Gala vont faire connaissance pendant un mois au Tyrol, en
compagnie de Max Ernst et de son épouse. Au bout d'une semaine, un trio se dessine  composé de
Max Ernst, Gala et de Paul Eluard. Entre eux l'amitié a été un coup de foudre. Ils lui trouvent du
génie et Gala lui trouve très vite autre chose : elle est attirée par cet homme et cette attirance est
réciproque.

Etape 5 : En quoi ces éléments biographiques donnés vous permettent-ils de compléter l'analyse du
poème Max Ernst ?

Il est question d’une danse de séduction du peintre Max Ernst autour de l’épouse d’Eluard.

Pour décrire sa brouille amoureuse, Eluard a recours aux images classiques d’orages, d’épines. On peut
y ajouter les “poissons d'angoisse”, les “insectes rouges” qui “tuent”. Eluard refuse la rime mélodieuse
pour nous faire part de la dislocation de son couple.
Finalement l'analyse de ce premier poème permet de comprendre les enjeux de ce recueil : Gala semble
être au centre des préoccupations du poète. Cette femme lui échappe, amoureuse d'un autre. Ce triste
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constat génère souffrance et angoisse chez le poète.

Avant de poursuivre l'étude du recueil, il convient de s'intéresser au titre et au contexte d'écriture du


recueil :

Exemples de questionnement destiné aux élèves :

1. Qu'évoque pour vous le titre ?


2. Si une capitale peut être le théâtre d'une souffrance exprimée par le poète, de quelle ville
s'agit-il ?
3. Dans quel contexte historique cette œuvre s'inscrit-elle ?

Trace écrite : principaux éléments.

Capitale de la douleur est un recueil poétique publié au lendemain de la Première guerre mondiale. Il se
divise en trois parties : deux premières sections qui donnèrent lieu à une publication antérieure :
Répétitions en 1922 et Mourir de ne pas mourir en 1924. Et une troisième section intitulée Nouveaux
poèmes. Comme le titre le suggère, le lecteur va plonger dès les premières pages dans un univers où
règnent souffrance et angoisse.

Etape 2 : Un recueil teinté du désespoir amoureux.

Objectifs :
➢ Repérer le lexique des émotions, des sentiments.
➢ Repérer puis analyser certains procédés d'écriture : comparaison, métaphore, gradation...
➢ Comprendre les images surréalistes, parfois déroutantes.
➢ Permettre aux élèves de « faire vivre les poèmes » en rapprochant les textes surréalistes d'Eluard
et une peinture surréaliste.
➢ Émettre à l'oral un point de vue : quelle importance accordez-vous à l'amitié ?
Supports :
➢ Deux poèmes tirés de la première section Répétitions : Nul et Intérieur.
➢ Une toile :/ Les Amants, René Magritte, 1928.

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Les Amants, René Magritte, 1928


Texte 2 :
Nul
Il pose un oiseau sur la table et ferme les volets. Il se coiffe, ses
cheveux dans ses mains sont plus doux qu'un oiseau.

Elle dit l'avenir. Et je suis chargé de le vérifier.

Le cœur meurtri, l'âme endolorie, les mains brisées, les che-


veux blancs, les prisonniers, l'eau tout entière est sur moi comme
une plaie à nu.

Texte 3 :
Intérieur

Dans quelques secondes


Le peintre et son modèle
Prendront la fuite.

Plus de vertus
Ou moins de malheurs
J'aperçois une statue

Une sorte d'amande


Une médaille vernie
Pour le plus grand ennui.

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Questions:
1. Lisez ces deux poèmes

Textes 2 et 3 :
1. Dans Nul : remplacez les pronoms personnels « Il » et « Elle » « Je » par les noms des
protagonistes de ce recueil.
2. Dans les deux poèmes, Nul et Intérieur, relevez les vers qui témoignent de la solitude et de la
souffrance du poète.
3. Que peuvent symboliser l'oiseau dans Nul, la statue dans Intérieur  ? A la place du poète quels
symboles auriez-vous choisi ?

Les Amants de Magritte :


Analysez ce tableau puis effectuez des rapprochements avec les poèmes étudiés.

S'exprimer à l'écrit : Donnez vie au couple caché sous ces voiles. Retranscrivez, imaginez trois mots qui
s'échapperaient des bouches masquées par ces voiles. Trois mots significatifs de l'amour ou de l'usure de
l'amour éprouvés par : Gala/ Eluard ou Gala/ Max Ernst.
Vous pouvez avoir recours aux mots des trois poèmes étudiés jusqu'alors...
Travail sur le lexique des sentiments et émotions.

S'exprimer à l'oral : Qu'attendez-vous d'une relation d'amitié ? Quels événements pourraient la mettre
en péril ? Pourriez-vous supporter « la vie à trois » telle qu'Eluard l'a vécue sous son propre toit
plusieurs mois ?

Etape 3 : Le poète, un porte-parole de l'humanité entière.

Qu'il vive une souffrance personnelle poussée à son paroxysme ou qu'il célèbre ses retrouvailles avec
Gala, Le poète exprime des vérités universelles sur l'homme et notamment ses souffrances.

Objectifs :
➢ Repérer le lexique des émotions et les images propres à la guerre.
➢ Percevoir la tonalité élégiaque des poèmes étudiés.
➢ Encourager la lecture sensible des élèves par : la pratique des marginalia, le choix d'une
musique qui illustrerait l' un des poèmes étudiés, la rédaction d'une lettre que pourrait adresser
le soldat du tableau d'Otto Dix à sa famille, la création d' un collage à la façon des surréalistes.

Supports :
➢ Deux poèmes tirés de la seconde section du recueil, Mourir de ne pas mourir  :Le sourd et
l'aveugle/ Sans rancune.
➢ Un poème tiré de la dernière section du recueil : Nouveaux poèmes  : A la flamme des fouets.

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➢ Un tableau de Max Ernst, La Belle Jardinière, 1924.


➢ Un tableau d'Otto Dix, Le Repas dans la sape (Lorette), 1924.

Texte 1 :
Le sourd et l'aveugle

Gagnerons-nous la mer avec des cloches


Dans nos poches, avec le bruit de la mer
Dans la mer, ou bien serons-nous les porteurs
D’une eau plus pure et silencieuse ?

L’eau se frottant les mains aiguise des couteaux.


Les guerriers ont trouvé leurs armes dans les flots
Et le bruit de leurs coups est semblable à celui
Des rochers défonçant dans la nuit les bateaux.

C’est la tempête et le tonnerre. Pourquoi pas le silence


Du déluge, car nous avons en nous tout l’espace rêvé
Pour le plus grand silence et nous respirerons
Comme le vent des mers terribles, comme le vent

Qui rampe lentement sur tous les horizons.

Texte 2:
Sans rancune

Larmes des yeux, les malheurs des malheureux,


Malheurs sans intérêt et larmes sans couleurs,
Il ne demande rien, il n'est pas insensible,
Il est triste en prison et triste s'il est libre.

Il fait un triste temps, il fait une nuit noire


A ne pas mettre un aveugle dehors. Les forts
Sont assis, les faibles tiennent le pouvoir
Et le roi est debout près de la reine assise.

Sourires et soupirs, des injures pourrissent


Dans la bouche des muets et dans les yeux des lâches.
Ne prenez rien : ceci brûle, cela flambe!
Vos mains sont faites pour vos poches et vos fronts.

Une ombre...
Toute l'infortune du monde
Et mon amour dessus
Comme une bête nue.
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Texte 3 :
A la la flamme des fouets

Métal qui nuit, métal de jour, étoile au nid,


Pointe à frayeur, fruit en guenilles, amour rapace,
Porte-couteau, souillure vaine, lampe inondée,
Souhaits d'amour, fruits de dégoût, glaces prostituées.

Bien sûr, bonjour à mon visage!


La lumière y sonne plus clair un grand désir qu'un paysage.
Bien sûr, bonjour à vos harpons,
A vos cris, à vos bonds, à votre ventre qui se cache!

J'ai perdu, j'ai gagné, voyez sur quoi je suis monté.

Questions et activités demandées aux élèves :


1. Que ressentez-vous à la lecture du titre de ce deuxième ensemble de poèmes ?
2. Lisez ces 3 poèmes, à nouveau remplissez les marges d'annotations textuelles et graphiques
(n'hésitez pas à noter ce que vous ressentez et à dialoguer avec les personnages)  
3. Complétez le tableau ci-dessous en relevant dans chaque poème des images indiquant que
le monde d'Eluard est bouleversé tant par les accidents de son destin individuel que par les
catastrophes de son temps (la Première guerre mondiale)
4. Choisissez un poème, celui vers lequel va votre préférence. Imaginez ensuite que ce poème
soit mis en musique. Comment qualifieriez-vous cette musique et pourquoi ? Quelle en
serait la tonalité ?

Allusions aux problèmes sentimentaux du poète Images renvoyant à la guerre celle que le poète
Images renvoyant à l'expression de la a connue et condamne
souffrance personnelle du poète

Après avoir recueilli les réponses des élèves, lecture analytique avec le professeur :
Après avoir recueilli les réponses des élèves, il est intéressant de contextualiser la parution de ce
recueil en 1924 (il précise dans l'exergue qu'il s'agit de son dernier recueil). 1924, c'est l'année où
Eluard choisit de s'évaporer dans la nature. Au comble du désespoir, Paul entreprend un tour du
monde en solitaire.
Que s'est-il passé entre 1922 et 1924 qui pourrait expliquer son désir d'en finir avec un présent
qui le torture ? Eléments biographiques à donner oralement aux élèves:

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5. Effectuez à présent des rapprochements entre les trois poèmes que vous venez d'étudier et le
tableau d'Otto dix. Otto Dix, Le Repas dans la sape (Lorette), 1924aquatinte, 35,3 x 47,5 cm

S'exprimer à l'écrit: Imaginez les pensées du soldat peint par Otto Dix.
Votre récit prendra la forme d'une lettre rédigée par le soldat lui-même qui s'adresse à la femme
aimée. Il pourra y décrire son environnement, ses sentiments de peur, de désespoir, il pourra
évoquer le souvenir des siens (sa vie avant la guerre) et l'envie de les retrouver...

6. Choisissez un poème parmi le corpus étudié puis illustrez-le par un « collage » à la façon
des surréalistes.

La Belle Jardinière, Max Ernst,1924

Tableau qu'il peut être intéressant d'étudier au terme de cette séance car il contraste avec la
tonalité des poèmes que nous venons d'étudier. Réalisé en 1924, alors qu’Eluard connaît les affres
du désespoir amoureux, le peintre Max Ernst semble emporté par un élan créateur ,Gala semble

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être la muse du peintre.

Evaluation formative: « Capitale de la douleur », Paul Eluard.

Texte 1: « Poèmes », dans « Répétitions ».

Le cœur sur l’arbre vous n’aviez qu’à le cueillir,


Sourire et rire, rire et douceur d’outre-sens.
Vaincu, vainqueur et lumineux, pur comme un ange,
Haut vers le ciel, avec les arbres.

Au loin, geint une belle qui voudrait lutter


Et qui ne peut, couchée au pied de la colline.
Et que le ciel soit misérable ou transparent
On ne peut la voir sans l’aimer.

Les jours comme des doigts repliant leurs phalanges.


Les fleurs sont desséchées, les graines sont perdues,
La canicule attend les grandes gelées blanches.

À l’œil du pauvre mort. Peindre des porcelaines,


Une musique, bras blancs tout nus.
Les vents et les oiseaux s’unissent — le ciel change.

Q1: Les vers 2 à 4 donnent une vision assez positive de l’amour. Etudiez les éléments qui associent
l’amour à un paradis (lexique, images…) (2 points)
Q2: La suite du poème montre que l’amour qu’évoque le poète est voué à l’échec. Appuyez-vous
sur les strophes 2 et 3 pour le prouver. (2 points)
Q3: Comment comprenez-vous l’image finale de la communion des éléments: « Les vents et les
oiseaux s’unissent — le ciel change. » (1point)

Texte 2: « Nudité de la vérité » dans "Mourir de ne pas mourir"

«  Je le sais bien.  »
Le désespoir n’a pas d’ailes,
L’amour non plus,
Pas de visage,
Ne parlent pas,
Je ne bouge pas,
Je ne les regarde pas,
Je ne leur parle pas

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Mais je suis bien aussi vivant que mon amour et que mon désespoir.

Texte 3: « Perspective » dans "Mourir de ne pas mourir"

Un millier de sauvages
S’apprêtent à combattre.
Ils ont des armes,
Ils ont leur cœur, grand cœur,
Et s’alignent avec lenteur
Devant un millier d’arbres verts
Qui, sans en avoir l’air,
Tiennent encore à leur feuillage.

Q4: Montrez, en étudiant les poèmes 2 et 3, comment le poète exprime à la fois son désespoir face
à son amour perdu (Gala en aime un autre) et face à ses semblables qui souffrent également.
(3 points)

Q5: Présentez en quelques lignes le recueil d’Eluard étudié en cours.

Eléments de réponse attendus:


(Ce texte collage est en apparence dépourvu de toute cohérence: chaque strophe semble évoquer
un paysage différent, une thématique nouvelle. Mais surtout, l'univers qu'il met en place se
dérègle au fil du texte: le paradis initial se change en un monde apocalyptique, où la mort a élu
domicile)

1. Le poète associe dans la première strophe, l'amour à un paradis comme le prouve


l'usage d'un lexique renvoyant au paradis et aux sensations qui lui sont associées à
savoir le bien-être, le bonheur: “ange” “lumineux” “ciel”. La comparaison “pur comme
un ange” dit toute la plénitude, le bonheur pour le poète d'avoir accéder à un amour
idyllique. (Enfin on relève l'importance des sonorités: assonance en “i” qui contribue à
ériger l'amour du poète firmament).

2. (Poèmes semble épouser le mouvement d'une chute). L'amour qu'évoque le poète va se


révéler dans les strophes 2 et 3 inaccessible et voué à l'échec: image de la “belle qui
geint”, qui ne peut lutter. On remarquera également la présence d'un lexique de
l'échec, de la souffrance: “ geint” “misérable” “qui ne peut”. L'adverbe “loin” renforce
cette idée d'amour inaccessible. Dans le premier tercet, le thème de la fuite du temps est
omniprésent, lié à celui de la fuite des amours: “les jours comme des doigts repliant
leurs phalanges”, cette comparaison indique que le temps passe et que l'étau se resserre
sur l'amour des époux,finissant par le consumer. (+ lexique déchéance: “desséchées”
“graines perdues”...)

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7. L'image finale du changement atteste que son amour n'est pas immuable au contraire, il est
condamné à la “mort”, terme utilisé plus haut. C'est un amour déchu auquel doit se
résigner le poète.
8. Le désespoir face à son amour perdu, celui éprouvé pour sa femme Gala, résonne dans le
poème Nudité de la vérité (nudité: image déjà utilisée dans d'autres poèmes; la mise à nu
signifie que le poète ne cache rien et en même temps il expose sa grande vulnérabilité).
L'omniprésence du “je” donne une tonalité lyrique au poème. Le poète s'épanche sur sa
souffrance et se réfugie dans la solitude et le silence.
Dans le poème Perspective, Eluard se fait le porte-parole de l'humanité en laquelle il croit
“Ils ont le cœur, le grand cœur”, mais ces hommes vont se livrer une guerre terrible: “un
millier de sauvages”. Dans le dernier vers, “ tiennent encore à leur feuillage”, un espoir se dessine,
celui que cela ne soit pas la mort qui triomphe.

Etape 4: La souffrance se mue en espoir, célébration de l'amour.

Objectifs:
➢ A partir de la lecture sensible des élèves analyser le changement de ton qui s'opère dans la
dernière section du recueil : Eluard chante son amour retrouvé, il est heureux.
➢ Comprendre la raison de ce changement en travaillant sur les procédés d'écriture utilisés.
➢ Percevoir le rôle confié à la femme-muse: une femme-mère qui permet la renaissance du
poète et offre le monde à ce dernier.
➢ Rédiger le poème que Gala pourrait composer en réponse à « Celle de toujours, toute ».
➢ Dire à l'oral comment Max Ernst et Paul Eluard expriment leur déception de voir s'éloigner
celle qu'ils aiment.
➢ Protocole d'écriture d'après "La petite fabrique d'écriture", chez Magnard : lisez
silencieusement les poèmes, recopiez au brouillon l'un des vers que vous aimez ou un
élément du vers, 2 images poétiques que vous préférez, votre comparaison préférée, une
personnification. A partir de ces éléments, créez en vers libres votre poème personnel
(liberté donnée de changer les temps, les pronoms, de fragmenter les vers...). Donnez un
titre et recopiez votre poème.
➢ Lecture à voix haute des poèmes créés (concours d’éloquence)

Supports:
➢ Deux poèmes tirés de la dernière section du recueil, Nouveaux poèmes : La courbe de tes
yeux/Celle de toujours, toute.
➢ Un dessin de Picasso réalisé à la mine de plomb en 1950 par Picasso: Le visage de la paix.

Texte 1:
La courbe de tes yeux 
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La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,


Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,


Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs

Parfums éclos d’une couvée d’aurores


Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Texte 2:
Celle de toujours, toute

Si je vous dis : « j’ai tout abandonné »


C’est qu’elle n’est pas celle de mon corps,
Je ne m’en suis jamais vanté,
Ce n’est pas vrai
Et la brume de fond où je me meus
Ne sait jamais si j’ai passé.

L’éventail de sa bouche, le reflet de ses yeux,


Je suis le seul à en parler,
Je suis le seul qui soit cerné
Par ce miroir si nul où l’air circule à travers moi
Et l’air a un visage, un visage aimé,
Un visage aimant, ton visage,
À toi qui n’as pas de nom et que les autres ignorent,
La mer te dit : sur moi, le ciel te dit : sur moi,
Les astres te devinent, les nuages t’imaginent
Et le sang répandu aux meilleurs moments,
Le sang de la générosité
Te porte avec délices.

Je chante la grande joie de te chanter,


La grande joie de t’avoir ou de ne pas t’avoir,

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La candeur de t’attendre, l’innocence de te connaître,
Ô toi qui supprimes l’oubli, l’espoir et l’ignorance,
Qui supprimes l’absence et qui me mets au monde,
Je chante pour chanter, je t’aime pour chanter
Le mystère où l’amour me crée et se délivre.

Tu es pure, tu es encore plus pure que moi-même.

Document 3 : « Le visage de la paix  », IV, Pablo Picasso, 1950.

Activités des élèves :


1. Dialoguez avec les textes et le dessin de Picasso par la pratique des marginalia.
2. Quelle musique, quel son, quel bruit pourraient accompagner ces poèmes ?
3. Dans ces deux poèmes : choisissez un vers qui vous touche particulièrement, recopiez-le,
et justifiez votre choix.
4. Quel sentiment domine dans ces deux poèmes. Appuyez-vous sur des relevés précis.

Mise en commun des travaux des élèves puis lecture analytique avec l'enseignant après avoir
délivré ces quelques éléments biographiques à l'oral :
Où en sont Eluard et Gala dans leur relation pour le moins tumultueuse?

5. Quels rapprochements pouvez-vous faire entre les poèmes étudiés,  La courbe de tes yeux et
Celle de toujours, toute, de Paul Eluard et le dessin Le visage de la Paix, IV  réalisé à la mine de
plomb en 1950 par Pablo Picasso ?

Au terme de la séquence : on peut demander aux élèves la réalisation d'une synthèse des poèmes
étudiés dans ce recueil, en répondant à la problématique :
✗ La douleur est omniprésente dans le recueil.
✗ Une douleur d'abord de nature intime: écrit au moment où les relations d'Eluard avec Gala
se dégradent, le recueil se fait naturellement l'écho des difficultés conjugales du couple.
✗ Eluard entend aussi exprimer les souffrances de l'humanité toute entière qu'il endosse.
✗ S'il est plutôt écrit sous le signe des tourments que du bonheur amoureux, ce recueil se clôt
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néanmoins sur une double célébration de la poésie et de la femme aimée.

S'exprimer à l'écrit:
Dans ces deux poèmes, Eluard s'adresse à Gala.
Imaginez que la muse prenne à son tour la plume:
Son poème, hymne à l'amour, pourrait s'intituler: “Celui de toujours” et commencer par

Si je vous ditn: “J'ai tout abandonné”


Elle pourrait y évoquer l'abandon de sa relation extra-conjugale avec Max Ernst. Son bonheur de
retrouver son époux, l'amour inconditionnel qu'elle lui porte, la mission de femme-mère dont elle
se croit investie...
Utilisez anaphores (vous pourrez reprendre celles du poème), comparaisons, métaphores...

Avant la réalisation du travail d'expression orale, on peut évoquer l'issue de la relation Eluard/
Gala:
✗ Après 6 mois d'absence et de silence (période qui correspond au tour du monde d'Eluard),
la vie conjugale reprend son cours mais est marquée par la monotonie.
✗ Les deux amants multiplient les infidélités. Paul est triste et lucide mais ne croit pas aux
risques d'une vraie séparation.
✗ Eté 1929 : le couple se rend en Espagne, précisément à Cadaqués (petit port de pêche
catalan) où Paul a été invité par un jeune peintre espagnol du nom de Dali.
✗ Durant cet été 1929 : début de la relation amoureuse entre Gala et Dali.
✗ 1930 : Paul Eluard fait la rencontre de Nusch mais Paul a du mal à se résoudre à laisser
partir Gala et même après un an de vie commune avec Nusch, en 1931, Paul écrit un
poème pour Gala:

Femme avec laquelle j'ai vécu


Femme avec laquelle je vis
Femme avec laquelle je vivrai
Toujours la même

✗ Gala et Eluard se séparent en 1932. Eluard épouse Nusch en 1934. Gala épouse Dali la
même année.

S'exprimer à l'oral:
Réconcilié avec Gala, Paul Eluard ne retrouvera pas une vie conjugale stable et épanouissante.
(Paul comme Gala multiplient les aventures amoureuses)
Si Paul continue d'idolâtrer sa femme, il reste lucide sur la difficulté de retenir Gala à ses côtés.
En 1925, paraît un recueil : “Au défaut du silence”, que Max Ernst illustre de ses dessins , 20
visages de Gala. Dites, comment chaque artiste exprime sa déception de voir s'éloigner la femme
aimée.
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Dans “Au défaut du silence”, Paul Eluard écrit:


La forme de ton coeur est chimérique
Et ton amour ressemble à mon désir perdu
Ô soupirs d'ambre, rêves, regards.

Max Ernst, visages de Gala, in “Au défaut du silence”

Enfin, une dernière activité peut être proposée aux élèves :


Un protocole d'écriture d'après "La petite fabrique d'écriture", chez Magnard : lisez
silencieusement les poèmes, recopiez au brouillon l'un des vers que vous aimez ou un élément du
vers, 2 images poétiques que vous préférez, votre comparaison préférée, une personnification. A
partir de ces éléments, créez en vers libres votre poème personnel (liberté donnée de changer les
temps, les pronoms, de fragmenter les vers...). Donnez un titre et recopiez votre poème.
Lecture à voix haute des poèmes créés (concours d’éloquence)

Etape 5 : Du surréalisme à la réalité de la Seconde guerre mondiale.


Paul Eluard, un auteur engagé : Résistance et poésie militante durant la seconde guerre mondiale

Poème 1: Paul Eluard : Avis

La nuit qui précéda sa mort


Fut la plus courte de sa vie
L'idée qu'il existait encore
Lui brûlait le sang aux poignets
Le poids de son corps l'écœurait
Sa force le faisait gémir
C'est tout au fond de cette horreur
Qu'il a commencé à sourire
Il n'avait pas UN camarade
Mais des millions et des millions
Pour le venger il le savait
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Séquence proposée par Anne Bernard, professeur de lettres-histoire au lycée
professionnel de l'Argensol à Orange.
Et le jour se leva pour lui.

+ Photographie: Le Fusillé souriant, octobre 1944 à Belfort.

Poème 2 : « Courage  »
Courage

Paris a froid Paris a faim

Paris ne mange plus de marrons dans la rue

Paris a mis de vieux vêtements de vieilles

Paris dort tout debout sans air dans le métro

Plus de malheur encore est imposé aux pauvres

Et la sagesse et la folie

De Paris malheureux

C’est l’air pur c’est le feu

C’est la beauté c’est la bonté

De ses travailleurs affamés

Ne crie pas au secours Paris

Tu es vivant d’une vie sans égale

Et derrière la nudité

De ta pâleur de ta maigreur

Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux

Paris ma belle ville

Fine comme une aiguille forte comme une épée

Ingénue et savante

Tu ne supportes pas l’injustice

Pour toi c’est le seul désordre

Tu vas te libérer Paris

Paris tremblant comme une étoile

Notre espoir survivant


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Séquence proposée par Anne Bernard, professeur de lettres-histoire au lycée
professionnel de l'Argensol à Orange.
Tu vas te libérer de la fatigue et de la boue

Frères ayons du courage

Nous qui ne sommes pas casqués

Ni bottés ni gantés ni bien élevés

Un rayon s’allume en nos veines

Notre lumière nous revient

Les meilleurs d’entre nous sont morts pour nous

Et voici que leur sang retrouve notre cœur

Et c’est de nouveau le matin un matin de Paris

La pointe de la délivrance

L’espace du printemps naissant

La force Idiote a le dessous

Ces esclaves nos ennemis

S’ils ont compris

S’ils sont capables de comprendre

Vont se lever.

Paul Éluard, « Courage », in Au rendez-vous allemand, 1944 © Les Éditions de Minuit

Troisième poème étudié:


Marianne Cohn : « Je trahirai demain  »

« Je trahirai demain »

Je trahirai demain pas aujourd’hui.


Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.

Vous ne savez pas le bout de mon courage.


Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui,


Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.

Pour renier mes amis,


Pour abjurer le pain et le vin,

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Séquence proposée par Anne Bernard, professeur de lettres-histoire au lycée
professionnel de l'Argensol à Orange.
Pour trahir la vie,
Pour mourir.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui.


La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.

Aujourd’hui je n’ai rien à dire,


Je trahirai demain.

Marianne Cohn, 1943

Etude comparative entre ces trois poèmes : on montre que durant la Seconde guerre mondiale, la
poésie se transforme en arme de combat contre l'occupant nazi : c'est une poésie qui célèbre le
courage, l'héroïsme des résistants ; c'est une poésie porteuse d'espoir. C'est une poésie  qui s'appuie
sur l'action personnelle indissociable de l'action collective.

S'exprimer à l'écrit :

Choisissez une cause qui aujourd'hui justifierait de fédérer, rassembler un nombre conséquent de
personnes (lutte contre une maladie, la faim dans le monde, l'aide à des sinistrés après une
catastrophe naturelle...)

Rédigez un poème à la façon de Marianne Cohn : J'abandonnerai demain pas aujourd'hui...

Enfin on termine cette séance par l'étude de « quelques messages personnels » diffusés sur la
BBC durant la Seconde guerre mondiale: Ici Londres, les Français parlent aux Français... Et voici
d'abord quelques messages personnels:
Nous sommes sans nouvelle de la cigogne et nous voudrions qu'elle joue du piano le plus vite
possible.
Le violon sanglote longuement
Le camembert coule sans être torpillé
Le chien du jardinier pleure
Les girafes ne portent pas de faux col
La crème glacée est meilleure chaude
Le fantôme n'est pas bavard
La cruche n'ira plus à l'eau.

Questions possibles:
A quel type de phrase vous font penser ces « messages personnels »?
Réponse attendue: aux phrases surréalistes issues des cadavres exquis.
Quelle était la fonction de ces phrases?
Phrases qui n'étaient que d'amusantes phrases pour 999 auditeurs sur 1000. Pour le 1000ième
auditeur, le message était porteur d'un message codé comme pour le débarquement du 6 juin

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Séquence proposée par Anne Bernard, professeur de lettres-histoire au lycée
professionnel de l'Argensol à Orange.

1944: « mon téléphone ne sonne presque plus ».

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