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ÉPREUVE ORALE ANTICIPÉE DE FRANÇAIS

LISTE DES ŒUVRES


SESSION février 2023 – épreuve blanche

Établissement : lycée Carnot


Adresse : 88 bouvard Carnot – 06400 CANNES

Voie générale Classe : P08

Nom du professeur de lettres de la classe : M.JONCOUR Brice

Nom et prénom du candidat :

...........................................................................................................................

Œuvre choisie par le candidat


pour la seconde partie de l’épreuve
(Auteur, titre, date, édition) :

...........................................................................................................................

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OBJET D’ÉTUDE : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle
Œuvre intégrale : J.-L.Lagarce, Juste la fin du monde, 1990
Parcours associé : « Crise personnelle, crise familiale »
1re partie de l’épreuve : explication linéaire et question de grammaire
Intitulé ou questionnement éventuel choisi pour l’étude : /.
Textes de 1. « Prologue » (en intégralité)
l’œuvre intégrale 2. Première partie, scène 2, extrait, de « Catherine. – Vous nous aviez
Édition des envoyé un mot… » à « Catherine. – […] Qu’est-ce que je pourrais
Solitaires ajouter. »
intempestifs 3. Deuxième partie, scène 2, extrait, de « Louis. – Cela joint l’utile à
l’agréable… » à « Antoine. – […] Vous êtes terribles, tous, avec moi. »
1. Molière, Dom Juan, 1665, acte IV, scène 4 de « DOM LOUIS.- Je vois
Texte(s) du bien […] à « Il sort. »;
parcours associé 2. J.Genet, Les Bonnes, 1947, de « SOLANGE, qui vient de rentrer. – Elle
n’a pas bu […] » à « SOLANGE. – […]nous voir tomber ! ».
2e partie de l’épreuve : entretien

Lecture cursive J.Genet, Les Bonnes, 1947, édition Folio (texte définitif)

OBJET D’ÉTUDE : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle


Œuvre intégrale : L’Abbé Prévost, Manon Lescaut, 1731
Parcours associé : « Personnages en marge, plaisirs du romanesque »

1re partie de l’épreuve : explication linéaire et question de grammaire


Intitulé ou questionnement éventuel choisi pour l’étude : /.
1. Les retrouvailles, de « Nous nous assîmes l’un près de l’autre […] » à
Textes de « […] contre un seul de tes regards. »
l’œuvre intégrale, 2. L’escroquerie du vieux G…de M… « Il fut donc réglé […] » à
Édition GF « […] facilement à la débauche. »
« bac 2023 » 3. Lettre de Manon à Des Grieux, de « Le cocher, m’ayant aperçu […] » à
«[…] que la nature avait prodigué à Manon. »
Texte(s) du 1. Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves, 1678, portrait de Melle de
parcours associé Chartres de « Il parut alors une beauté à la cour […] » à « […] pleins
de grâce et de charmes. »
2. Zola, Nana, 1880, extrait du chap.I de « Un frisson remua la salle. » à
« […] de quelle bouche de femme. »
2e partie de l’épreuve : entretien
Lecture cursive A.Camus, L’étranger, 1942

Partie(s) du programme non traitée(s) pour cette session : /.

Nom et signature du proviseur : Nom et signature de l’enseignant :

Brice Joncour

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OBJET D’ÉTUDE : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle ......................................................................................... 4

Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, « prologue » ................................................................................................ 5

Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, Première partie, scène 2, extrait des « Rois de France » ......... 7

Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, Deuxième partie, scène 2, extrait de la dispute familiale ....... 9

Molière, Dom Juan, acte IV, scène 4, extrait, 1665 .................................................................................................... 11

Jean Genet, Les Bonnes, 1947 (nouvelle version en 1958), extrait .................................................................... 12

OBJET D’ÉTUDE : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle .................................................................... 14

L’Abbé Prévost, Manon Lescaut, 1731, extrait. ........................................................................................................... 15

Prévost, Manon Lescaut, « Première partie », l’escroquerie du vieux M… G… .............................................. 17

Prévost, Manon Lescaut, Deuxième partie, « la lettre de Manon à Des Grieux » .......................................... 18

Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves, portrait de Melle de Chartres ..................................................... 19

É.Zola, Nana, extrait du chapitre I, 1880 ....................................................................................................................... 20

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OBJET D’ÉTUDE : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

Œuvre intégrale : J.-L.Lagarce, Juste la fin du monde, 1990

Parcours associé : « Crise personnelle, crise familiale »

1re partie de l’épreuve : explication linéaire et question de grammaire

Intitulé ou questionnement éventuel choisi pour l’étude : /.

1. « Prologue » (en intégralité)


Textes de
2. Première partie, scène 2, extrait, de « Catherine. – Vous nous
l’œuvre intégrale
aviez envoyé un mot… » à « Catherine. – […] Qu’est-ce que je
Édition des
pourrais ajouter. »
Solitaires
3. Deuxième partie, scène 2, extrait, de « Louis. – Cela joint l’utile à
intempestifs
l’agréable… » à « Antoine. – […] Vous êtes terribles, tous, avec

moi. »

1. Molière, Dom Juan, 1665, acte IV, scène 4, de « DOM LOUIS.- Je

Texte(s) du vois bien […] à « Il sort. »;

parcours associé 2. J.Genet, Les Bonnes, 1947, de « SOLANGE, qui vient de rentrer. –

Elle n’a pas bu […] » à « SOLANGE. – […] nous voir tomber ! ».

2e partie de l’épreuve : entretien

Lecture cursive J.Genet, Les Bonnes, 1947, édition Folio (texte définitif)

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Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, « prologue »

PROLOGUE

Louis. – Plus tard, l’année d’après

– j’allais mourir à mon tour –

j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai,

l’année d’après,

5 de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire,

à tricher, à ne plus savoir,

de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini,

l’année d’après,

comme on ose bouger parfois,

10 à peine,

devant un danger extrême, imperceptiblement, sans vouloir faire de bruit ou

commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt,

l’année d’après,

malgré tout,

15 la peur,

prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre,

malgré tout,

l’année d’après,

je décidai de retourner les voir, revenir sur mes pas, aller sur mes traces et faire le

20 voyage,

pour annoncer lentement, avec soin, avec soin et précision

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– ce que je crois –

lentement, calmement, d’une manière posée

– et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux, tout précisément, n’ai-je pas

25 toujours été un homme posé ?,

pour annoncer,

dire,

seulement dire,

ma mort prochaine et irrémédiable,

30 l’annoncer moi-même, en être l’unique messager,

et paraître

– peut-être ce que j’ai toujours voulu, voulu et décidé, en toutes circonstances et

depuis le plus loin que j’ose me souvenir –

et pouvoir paraître là encore décider,

35 me donner et donner aux autres, et à eux, tout précisément toi, vous, elle, ceux-là

encore que je ne connais pas (trop tard et tant pis),

me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de

moi-même et d’être, jusqu’à cette extrémité, mon propre maître.

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Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, Première partie, scène 2, extrait des « Rois de
France »

CATHERINE. – Vous nous aviez envoyé un mot‚

vous m’avez envoyé un mot‚ un petit mot‚ et des fleurs‚ je me souviens.

C’était‚ ce fut‚ c’était une attention très gentille et j’en ai été touchée‚ mais en effet‚

vous ne l’avez jamais vue.

5 Ce n’est pas aujourd’hui‚ tant pis‚ non‚ ce ne sera pas aujourd’hui que cela changera.

Je lui raconterai.

Nous vous avions‚ avons‚ envoyé une photographie d’elle

– elle est toute petite‚ toute menue‚ c’est un bébé‚ ces idioties ! –

et sur la photographie‚ elle ne ressemble pas à Antoine‚ pas du tout‚ elle ne ressemble à

10 personne‚

quand on est si petit on ne ressemble à rien‚

je ne sais pas si vous l’avez reçue.

Aujourd’hui‚ elle est très différente‚ une fille‚ et vous ne pourriez la reconnaître‚

elle a grandi et elle a des cheveux.

15 C’est dommage.

ANTOINE. – Laisse ça‚ tu l’ennuies.

LOUIS. – Pas du tout‚

pourquoi est-ce que tu dis ça‚ ne me dis pas ça.

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CATHERINE. – Je vous ennuie‚ j’ennuie tout le monde avec ça‚ les enfants‚

20 on croit être intéressante.

LOUIS. – Je ne sais pas pourquoi il a dit ça‚

je n’ai pas compris‚

pourquoi est-ce que tu as dit ça ?

c’est méchant‚ pas méchant‚ non‚ c’est déplaisant.

25 Cela ne m’ennuie pas du tout‚ tout ça‚ mes filleuls‚ neveux‚ mes neveux‚ ce ne sont pas mes

filleuls‚ mes neveux‚ nièces‚ ma nièce‚ ça m’intéresse.

Il y a aussi un petit garçon‚ il s’appelle comme moi.

Louis ?

CATHERINE. – Oui‚ je vous demande pardon.

30 LOUIS. – Cela me fait plaisir‚ je suis touché‚ j’ai été touché.

CATHERINE. – Il y a un petit garçon‚ oui.

Le petit garçon a‚

il a maintenant six ans.

Six ans ?

35 Je ne sais pas‚ quoi d’autre ?

Ils ont deux années de différence‚ deux années les séparent.

Qu’est-ce que je pourrais ajouter ?

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Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, Deuxième partie, scène 2, extrait de la dispute
familiale


LOUIS. – Cela joint l’utile à l’agréable.

ANTOINE. – C’est cela, voilà, exactement,


comment est-ce qu’on dit ?
« d’une pierre deux coups ».

5 SUZANNE. – Ce que tu peux être désagréable,


je ne comprends pas ça,
tu es désagréable, tu vois comme tu lui parles,
tu es désagréable, ce n’est pas imaginable.

ANTOINE. – Moi ?
10 C’est de moi ?
Je suis désagréable ?

SUZANNE. – Tu ne te rends même pas compte,


tu es désagréable, c’est invraisemblable,
tu ne t’entends pas, tu t’entendrais…

15 Antoine. – Qu’est-ce que c’est encore que ça ?


Elle est impossible aujourd’hui, ce que je disais,
je ne sais pas ce qu’elle a après moi,
je ne sais pas ce que tu as après moi,
tu es différente.
20 Si c’est Louis, la présence de Louis,
je ne sais pas, j’essaie de comprendre,
si c’est Louis,
Catherine, je ne sais pas,
je ne disais rien,
25 peut-être que j’ai cessé tout à fait de comprendre,
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Catherine, aide-moi,
je ne disais rien,
on règle le départ de Louis,
il veut partir,
30 je l’accompagne, je dis qu’on l’accompagne, je n’ai rien dit de plus,
qu’est-ce que j’ai dit de plus ?
Je n’ai rien dit de désagréable,
pourquoi est-ce je dirais quelque chose de désagréable,
qu’est-ce qu’il y a de désagréable à cela,
35 y a-t-il quelque chose de désagréable à ce que je dis ?
Louis ! Ce que tu en penses,
j’ai dit quelque chose de désagréable ?

Ne me regardez pas tous comme ça !

Catherine. – Elle ne te dit rien de mal,


40 tu es un peu brutal, on ne peut rien te dire,
tu ne te rends pas compte,
parfois tu es un peu brutal,
elle voulait juste te faire remarquer.

Antoine. – Je suis un peu brutal ?


45 Pourquoi tu dis ça ?
Non.
Je ne suis pas brutal.
Vous êtes terribles, tous, avec moi.

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Molière, Dom Juan, acte IV, scène 4, extrait, 1665

Don Louis, Don Juan, La Violette, Sganarelle

DOM LOUIS.- Je vois bien que je vous embarrasse, et que vous vous passeriez fort
aisément de ma venue. À dire vrai, nous nous incommodons étrangement l’un et
l’autre, et si vous êtes las de me voir, je suis bien las aussi de vos déportements.
Hélas, que nous savons peu ce que nous faisons, quand nous ne laissons pas au Ciel
5 le soin des choses qu’il nous faut, quand nous voulons être plus avisés que lui, et que
nous venons à l’importuner par nos souhaits aveugles, et nos demandes
inconsidérées ! J’ai souhaité un fils avec des ardeurs nonpareilles, je l’ai demandé sans
relâche avec des transports incroyables, et ce fils que j’obtiens, en fatiguant le Ciel de
vœux, est le chagrin et le supplice de cette vie même dont je croyais qu’il devait être
10 la joie et la consolation. De quel œil, à votre avis, pensez-vous que je puisse voir cet
amas d’actions indignes dont on a peine aux yeux du monde d’adoucir le mauvais
visage, cette suite continuelle de méchantes affaires, qui nous réduisent à toutes
heures à lasser les bontés du Souverain, et qui ont épuisé auprès de lui le mérite de
mes services, et le crédit de mes amis ? Ah, quelle bassesse est la vôtre ! Ne
15 rougissez-vous point de mériter si peu votre naissance ? Êtes-vous en droit, dites-moi,
d’en tirer quelque vanité ? Et qu’avez-vous fait dans le monde pour être
gentilhomme ? Croyez-vous qu’il suffise d’en porter le nom et les armes, et que ce
nous soit une gloire d’être sorti d’un sang noble, lorsque nous vivons en infâmes ?
Non, non, la naissance n’est rien où la vertu n’est pas. Aussi nous n’avons part à la
20 gloire de nos ancêtres, qu’autant que nous nous efforçons de leur ressembler, et cet
éclat de leurs actions qu’ils répandent sur nous, nous impose un engagement de leur
faire le même honneur, de suivre les pas qu’ils nous tracent, et de ne point dégénérer
de leurs vertus, si nous voulons être estimés leurs véritables descendants. Ainsi vous
descendez en vain des aïeux dont vous êtes né, ils vous désavouent pour leur sang, et
25 tout ce qu’ils ont fait d’illustre ne vous donne aucun avantage, au contraire, l’éclat
n’en rejaillit sur vous qu’à votre déshonneur, et leur gloire est un flambeau qui éclaire
aux yeux d’un chacun la honte de vos actions. Apprenez enfin qu’un gentilhomme qui
vit mal, est un monstre dans la nature, que la vertu est le premier titre de noblesse,
que je regarde bien moins au nom qu’on signe, qu’aux actions qu’on fait, et que je
30 ferais plus d’état du fils d’un crocheteur, qui serait honnête homme, que du fils d’un
monarque qui vivrait comme vous.
DOM JUAN.- Monsieur, si vous étiez assis, vous en seriez mieux pour parler.
DOM LOUIS.- Non, insolent, je ne veux point m’asseoir, ni parler davantage, et je vois
bien que toutes mes paroles ne font rien sur ton âme ; mais sache, fils indigne, que la
35 tendresse paternelle est poussée à bout par tes actions, que je saurai, plus tôt que tu
ne penses, mettre une borne à tes dérèglements, prévenir sur toi le courroux du Ciel,
et laver par ta punition la honte de t’avoir fait naître.
Il sort.

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Jean Genet, Les Bonnes, 1947 (nouvelle version en 1958), extrait

SOLANGE, qui vient de rentrer. – Elle n'a pas bu ? Évidemment. Il fallait s'y attendre. Tu
as bien travaillé.

CLAIRE. – J'aurais voulu t'y voir.

SOLANGE. – Tu pouvais te moquer de moi. Madame s'échappe. Madame nous échappe,


5 Claire ! Comment pouvais-tu la laisser fuir ? Elle va revoir Monsieur et tout comprendre.
Nous sommes perdues.

CLAIRE. – Ne m'accable pas. J'ai versé le gardénal dans le tilleul, elle n'a pas voulu le boire
et c'est ma faute...

SOLANGE. – Comme toujours !

10 CLAIRE. – ...car ta gorge brûlait d'annoncer la levée d'écrou de Monsieur.

SOLANGE. – La phrase a commencé sur ta bouche...

CLAIRE. – Elle s'est achevée sur la tienne.

SOLANGE. – J'ai fait ce que j'ai pu. J'ai voulu retenir les mots... Ah ! Mais ne renverse pas
les accusations. J'ai travaillé pour que tout réussisse.
15 Pour te donner le temps de tout préparer j'ai descendu l'escalier le plus lentement possible,
j'ai passé par les rues les moins fréquentées, j'y trouvais des nuées de taxis. Je ne pouvais
plus les éviter.
Je crois que j'en ai arrêté un sans m'en rendre compte.
Et pendant que j'étirais le temps, toi, tu perdais tout ? Tu lâchais Madame. Il ne nous reste
20 plus qu'à fuir. Emportons nos effets...sauvons-nous...

CLAIRE. – Toutes les ruses étaient inutiles. Nous sommes maudites.

SOLANGE. – Maudites ! Tu vas recommencer tes sottises.

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CLAIRE. – Tu sais ce que je veux dire. Tu sais bien que les objets nous abandonnent.

SOLANGE. – Les objets ne s'occupent pas de nous !

25 CLAIRE. – Ils ne font que cela. Ils nous trahissent. Et il faut que nous soyons de bien
grands coupables pour qu'ils nous accusent avec un tel acharnement. Je les ai vus sur le
point de tout dévoiler à Madame. Après le téléphone c'était à nos lèvres de nous trahir. Tu
n'as pas, comme moi, assisté à toutes les découvertes de Madame. Car je l'ai vue marcher
vers la révélation. Elle n'a rien compris mais elle brûle.

30 SOLANGE. – Tu l'as laissée partir !

CLAIRE. – J'ai vu Madame, Solange, je l'ai vue découvrir le réveil de la cuisine que nous
avions oublié de remettre à sa place, découvrir la poudre sur la coiffeuse, découvrir le fard
mal essuyé de mes joues, découvrir que nous lisions Détective. Nous découvrir de plus en
plus et j'étais seule pour supporter tous ces chocs, seule pour nous voir tomber !

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OBJET D’ÉTUDE : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle

Œuvre intégrale : L’Abbé Prévost, Manon Lescaut, 1731

Parcours associé : « Personnages en marge, plaisirs du romanesque »

1re partie de l’épreuve : explication linéaire et question de grammaire

Intitulé ou questionnement éventuel choisi pour l’étude : /.

1. Les retrouvailles, de « Nous nous assîmes l’un près de l’autre […] » à


Textes de
« […] contre un seul de tes regards. »
l’œuvre intégrale,
2. L’escroquerie du vieux G…de M… « Il fut donc réglé […] » à
Édition GF
« […] facilement à la débauche. »
« bac 2023 »
3. Lettre de Manon à Des Grieux, de « Le cocher, m’ayant aperçu […] » à

«[…] que la nature avait prodigué à Manon. »

1. Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves, 1678, portrait de Melle de

Chartres de « Il parut alors une beauté à la cour […] » à « […] pleins


Texte(s) du
de grâce et de charmes. »
parcours associé
2. Zola, Nana, 1880, extrait du chap.I de « Un frisson remua la salle. » à

« […] de quelle bouche de femme. »

2e partie de l’épreuve : entretien

Lecture cursive A.Camus, L’étranger, 1942

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L’Abbé Prévost, Manon Lescaut, 1731, extrait.

[…] Il était six heures du soir. On vint m’avertir, un moment après mon retour,
qu’une dame demandait à me voir. J’allai au parloir sur-le-champ. Dieux ! quelle
apparition surprenante ! j’y trouvai Manon. C’était elle, mais plus aimable et plus
brillante que je ne l’avais jamais vue. Elle était dans sa dix-huitième année. Ses
charmes surpassaient tout ce qu’on peut décrire. C’était un air si fin, si doux, si
engageant, l’air de l’Amour même. Toute sa figure me parut un enchantement.
Je demeurai interdit à sa vue, et ne pouvant conjecturer quel était le dessein
de cette visite, j’attendais, les yeux baissés et avec tremblement, qu’elle s’expliquât.
Son embarras fut, pendant quelque temps, égal au mien, mais, voyant que mon
silence continuait, elle mit la main devant ses yeux, pour cacher quelques larmes.
Elle me dit, d’un ton timide, qu’elle confessait que son infidélité méritait ma haine ;
mais que, s’il était vrai que j’eusse jamais eu quelque tendresse pour elle, il y avait
eu, aussi, bien de la dureté à laisser passer deux ans sans prendre soin de
m’informer de son sort, et qu’il y en avait beaucoup encore à la voir dans l’état où
elle était en ma présence, sans lui dire une parole. Le désordre de mon âme, en
l’écoutant, ne saurait être exprimé.
Elle s’assit. Je demeurai debout, le corps à demi tourné, n’osant l’envisager
directement. Je commençai plusieurs fois une réponse, que je n’eus pas la force
d’achever. Enfin, je fis un effort pour m’écrier douloureusement : Perfide Manon !
Ah ! perfide ! perfide ! Elle me répéta, en pleurant à chaudes larmes, qu’elle ne
prétendait point justifier sa perfidie. Que prétendez-vous donc ? m’écriai-je encore.
Je prétends mourir répondit-elle, si vous ne me rendez votre cœur, sans lequel il est
impossible que je vive. Demande donc ma vie, infidèle ! repris-je en versant moi-
même des pleurs, que je m’efforçai en vain de retenir. Demande ma vie, qui est
l’unique chose qui me reste à te sacrifier ; car mon cœur n’a jamais cessé d’être à
toi. À peine eus-je achevé ces derniers mots, qu’elle se leva avec transport pour
venir m’embrasser. Elle m’accabla de mille caresses passionnées. Elle m’appela par
tous les noms que l’amour invente pour exprimer ses plus vives tendresses. Je n’y
répondais encore qu’avec langueur. Quel passage, en effet, de la situation tranquille

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où j’avais été, aux mouvements tumultueux que je sentais renaître ! J’en étais
épouvanté. Je frémissais, comme il arrive lorsqu’on se trouve la nuit dans une
campagne écartée : on se croit transporté dans un nouvel ordre de choses ; on y est
saisi d’une horreur secrète, dont on ne se remet qu’après avoir considéré longtemps
tous les environs.
Nous nous assîmes l’un près de l’autre. Je pris ses mains dans les miennes.
Ah ! Manon, lui dis-je en la regardant d’un œil triste, je ne m’étais pas attendu à la
noire trahison dont vous avez payé mon amour. Il vous était bien facile de tromper
un cœur dont vous étiez la souveraine absolue, et qui mettait toute sa félicité à vous
5 plaire et à vous obéir.
Dites-moi maintenant si vous en avez trouvé d’aussi tendres et d’aussi soumis.
Non, non, la Nature n’en fait guère de la même trempe que le mien. Dites-moi, du
moins, si vous l’avez quelquefois regretté. Quel fond dois-je faire sur ce retour de
bonté qui vous ramène aujourd’hui pour le consoler ? Je ne vois que trop que vous
10 êtes plus charmante que jamais ; mais au nom de toutes les peines que j’ai
souffertes pour vous, belle Manon, dites-moi si vous serez plus fidèle.
Elle me répondit des choses si touchantes sur son repentir et elle s’engagea à
la fidélité par tant de protestations et de serments, qu’elle m’attendrit à un degré
inexprimable. Chère Manon ! lui dis-je, avec un mélange profane d’expressions
15 amoureuses et théologiques, tu es trop adorable pour une créature. Je me sens le
cœur emporté par une délectation victorieuse. Tout ce qu’on dit de la liberté à Saint-
Sulpice est une chimère. Je vais perdre ma fortune et ma réputation pour toi, je le
prévois bien ; je lis ma destinée dans tes beaux yeux ; mais de quelles pertes ne
serai-je pas consolé par ton amour ! Les faveurs de la fortune ne me touchent point ;
20 la gloire me paraît une fumée ; tous mes projets de vie ecclésiastique étaient de
folles imaginations ; enfin tous les biens différents de ceux que j’espère avec toi sont
des biens méprisables, puisqu’ils ne sauraient tenir un moment, dans mon cœur
contre un seul de tes regards.

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Prévost, Manon Lescaut, « Première partie », l’escroquerie du vieux M… G…



Il fut donc réglé que nous nous trouverions tous à souper avec M. de G… M…, et cela pour
deux raisons : l’une, pour nous donner le plaisir d’une scène agréable, en me faisant
passer pour un écolier, frère de Manon ; l’autre, pour empêcher ce vieux libertin de
s’émanciper trop avec ma maitresse, par le droit qu’il croirait s’être acquis en payant si
5 libéralement d’avance. Nous devions nous retirer, Lescaut et moi, lorsqu’il monterait à la
chambre où il comptait de passer la nuit ; et Manon, au lieu de le suivre, nous promit de
sortir, et de la venir passer avec moi. Lescaut se chargea du soin d’avoir exactement un
carrosse à la porte.
L’heure du souper étant venue, M. de G… M… ne se fit pas attendre longtemps.
10 Lescaut était avec sa sœur dans la salle. Le premier compliment du vieillard fut d’offrir à
sa belle un collier, des bracelets et des pendants de perles, qui valaient au moins mille
écus. Il lui compta ensuite, en beaux louis d’or, la somme de deux mille quatre cens
livres, qui faisaient la moitié de la pension. Il assaisonna son présent de quantité de
douceurs, dans le goût de la vieille cour. Manon ne put lui refuser quelques baisers ;
15 c’était autant de droits qu’elle acquérait sur l’argent qu’il lui mettait entre les mains.
J’étais à la porte, où je prêtais l’oreille, en attendant que Lescaut m’avertît d’entrer.
Il vint me prendre par la main, lorsque Manon eut serré l’argent et les bijoux, et
me conduisant vers M. de G… M…, il m’ordonna de lui faire la révérence. J’en fis deux ou
trois des plus profondes. Excusez Monsieur, lui dit Lescaut, c’est un enfant fort neuf. Il
20 est bien éloigné, comme vous voyez, d’avoir les airs de Paris ; mais nous espérons qu’un
peu d’usage le façonnera. Vous aurez l’honneur de voir ici souvent Monsieur, ajouta-t-il
en se tournant vers moi ; faites bien votre profit d’un si bon modèle. Le vieil amant parut
prendre plaisir à me voir. Il me donna deux ou trois petits coups sur la joue, en me disant
que j’étais un joli garçon, mais qu’il fallait être sur mes gardes à Paris, où les jeunes gens
25 se laissent aller facilement à la débauche.

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Prévost, Manon Lescaut, Deuxième partie, « la lettre de Manon à Des Grieux »





Le cocher, m’ayant aperçu, vint quelques pas au-devant de moi pour me dire, d’un air
mystérieux, qu’une jolie demoiselle m’attendait depuis une heure dans le carrosse ; qu’elle
m’avait demandé, à des signes qu’il avait bien reconnus, et qu’ayant appris que je devais
revenir elle avait dit qu’elle ne s’impatienterait point à m’attendre. Je me figurai aussitôt
5 que c’était Manon. J’approchai ; mais je vis un joli petit visage, qui n’était pas le sien.
C’était une étrangère, qui me demanda d’abord si elle n’avait pas l’honneur de parler à M.
le chevalier des Grieux. Je lui dis que c’était mon nom. J’ai une lettre à vous rendre, reprit-
elle, qui vous instruira du sujet qui m’amène, et par quel rapport j’ai l’avantage de
connaître votre nom. Je la priai de me donner le temps de la lire dans un cabaret voisin.
10 Elle voulut me suivre, et elle me conseilla de demander une chambre à part. De qui vient
cette lettre ? lui dis-je en montant : elle me remit à la lecture.
Je reconnus la main de Manon. Voici à peu près ce qu’elle me marquait : G… M…
l’avait reçue avec une politesse et une magnificence au-delà de toutes ses idées. Il l’avait
comblée de présents ; il lui faisait envisager un sort de reine. Elle m’assurait néanmoins
15 qu’elle ne m’oubliait pas dans cette nouvelle splendeur ; mais que, n’ayant pu faire
consentir G… M… à la mener ce soir à la Comédie, elle remettait à un autre jour le plaisir
de me voir ; et que, pour me consoler un peu de la peine qu’elle prévoyait que cette
nouvelle pouvait me causer, elle avait trouvé le moyen de me procurer une des plus jolies
filles de Paris, qui serait la porteuse de son billet.
20 Signé, votre fidèle amante, MANON LESCAUT.
Il y avait quelque chose de si cruel et de si insultant pour moi dans cette lettre, que
demeurant suspendu quelque temps entre la colère et la douleur j’entrepris de faire un
effort pour oublier éternellement mon ingrate et parjure maîtresse. Je jetai les yeux sur la
fille qui était devant moi : elle était extrêmement jolie, et j’aurais souhaité qu’elle l’eût été
25 assez pour me rendre parjure et infidèle à mon tour. Mais je n’y trouvai point ces yeux fins
et languissants, ce port divin, ce teint de la composition de l’Amour, enfin ce fonds
inépuisable de charmes que la nature avait prodigués à la perfide Manon.

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Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves, portrait de Melle de Chartres

Il parut alors une beauté à la Cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit
croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on
était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame
de Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et
5 l'avait laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la
vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé
plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à
l'éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa
beauté ; elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des
10 mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes
pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à
sa fille des peintures de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a d'agréable pour la persuader
plus aisément sur ce qu'elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de
sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où
15 plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d'un autre côté, quelle tranquillité suivait
la vie d'une honnête femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une
personne qui avait de la beauté et de la naissance. Mais elle lui faisait voir aussi combien il
était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par
un grand soin de s'attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d'une femme, qui est
20 d'aimer son mari et d'en être aimée.
Cette héritière était alors un des grands partis qu'il y eût en France ; et quoiqu'elle
fût dans une extrême jeunesse, l'on avait déjà proposé plusieurs mariages. Madame de
Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille ; la
voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la Cour. Lorsqu'elle arriva, le vidame
25 alla au-devant d'elle ; il fut surpris de la grande beauté de mademoiselle de Chartres, et il
en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un
éclat que l'on n'a jamais vu qu'à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa
personne étaient pleins de grâce et de charmes.

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É.Zola, Nana, extrait du chapitre I, 1880

Un frisson remua la salle. Nana était nue. Elle était nue avec une tranquille audace,
certaine de la toute-puissance de sa chair. Une simple gaze l'enveloppait ; ses épaules
rondes, sa gorge d'amazone dont les pointes roses se tenaient levées et rigides comme
des lances, ses larges hanches qui roulaient dans un balancement voluptueux, ses cuisses
5 de blonde grasse, tout son corps se devinait, se voyait sous le tissu léger, d'une blancheur
d'écume. C'était Vénus naissant des flots, n'ayant pour voile que ses cheveux. Et, lorsque
Nana levait les bras, on apercevait, aux feux de la rampe, les poils d'or de ses aisselles. Il
n'y eut pas d'applaudissements. Personne ne riait plus, les faces des hommes, sérieuses,
se tendaient, avec le nez aminci, la bouche irritée et sans salive. Un vent semblait avoir
10 passé, très doux, chargé d'une sourde menace. Tout d'un coup, dans la bonne enfant, la
femme se dressait, inquiétante, apportant le coup de folie de son sexe, ouvrant l'inconnu
du désir. Nana souriait toujours, mais d'un sourire aigu de mangeuse d'hommes.
— Fichtre ! dit simplement Fauchery à La Faloise. […]
Ce qui suivit acheva d'empoigner la salle. Diane s'en était allée, furieuse. Tout de
15 suite, assise sur un banc de mousse, Vénus appela Mars auprès d'elle. Jamais encore on
n'avait osé une scène de séduction plus chaude. Nana, les bras au cou de Prullière,
l'attirait, lorsque Fontan, se livrant à une mimique de fureur cocasse, exagérant le masque
d'un époux outragé qui surprend sa femme en flagrant délit, parut dans le fond de la
grotte. Il tenait le fameux filet aux mailles de fer. Un instant, il le balança, pareil à un
20 pêcheur qui va jeter un coup d'épervier ; et, par un truc ingénieux, Vénus et Mars furent
pris au piège, le filet les enveloppa, les immobilisa dans leur posture d'amants heureux.
Un murmure grandit, comme un soupir qui se gonflait. Quelques mains battirent,
toutes les jumelles étaient fixées sur Vénus. Peu à peu, Nana avait pris possession du
public, et maintenant chaque homme la subissait. Le rut qui montait d'elle, ainsi que d'une
25 bête en folie, s'était épandu toujours davantage, emplissant la salle. À cette heure, ses
moindres mouvements soufflaient le désir, elle retournait la chair d'un geste de son petit
doigt. Des dos s'arrondissaient, vibrant comme si des archets invisibles se fussent
promenés sur les muscles, des nuques montraient des poils follets qui s'envolaient sous
des haleines tièdes et errantes, venues on ne savait de quelle bouche de femme.

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