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OBJET D’ÉTUDE : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle
Œuvre intégrale : J.-L.Lagarce, Juste la fin du monde, 1990
Parcours associé : « Crise personnelle, crise familiale »
1re partie de l’épreuve : explication linéaire et question de grammaire
Intitulé ou questionnement éventuel choisi pour l’étude : /.
Textes de 1. « Prologue » (en intégralité)
l’œuvre intégrale 2. Première partie, scène 2, extrait, de « Catherine. – Vous nous aviez
Édition des envoyé un mot… » à « Catherine. – […] Qu’est-ce que je pourrais
Solitaires ajouter. »
intempestifs 3. Deuxième partie, scène 2, extrait, de « Louis. – Cela joint l’utile à
l’agréable… » à « Antoine. – […] Vous êtes terribles, tous, avec moi. »
1. Molière, Dom Juan, 1665, acte IV, scène 4 de « DOM LOUIS.- Je vois
Texte(s) du bien […] à « Il sort. »;
parcours associé 2. J.Genet, Les Bonnes, 1947, de « SOLANGE, qui vient de rentrer. – Elle
n’a pas bu […] » à « SOLANGE. – […]nous voir tomber ! ».
2e partie de l’épreuve : entretien
Lecture cursive J.Genet, Les Bonnes, 1947, édition Folio (texte définitif)
Brice Joncour
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OBJET D’ÉTUDE : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle ......................................................................................... 4
Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, Première partie, scène 2, extrait des « Rois de France » ......... 7
Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, Deuxième partie, scène 2, extrait de la dispute familiale ....... 9
Jean Genet, Les Bonnes, 1947 (nouvelle version en 1958), extrait .................................................................... 12
Prévost, Manon Lescaut, Deuxième partie, « la lettre de Manon à Des Grieux » .......................................... 18
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OBJET D’ÉTUDE : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle
moi. »
parcours associé 2. J.Genet, Les Bonnes, 1947, de « SOLANGE, qui vient de rentrer. –
Lecture cursive J.Genet, Les Bonnes, 1947, édition Folio (texte définitif)
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PROLOGUE
j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai,
l’année d’après,
l’année d’après,
10 à peine,
commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt,
l’année d’après,
malgré tout,
15 la peur,
malgré tout,
l’année d’après,
je décidai de retourner les voir, revenir sur mes pas, aller sur mes traces et faire le
20 voyage,
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– ce que je crois –
– et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux, tout précisément, n’ai-je pas
pour annoncer,
dire,
seulement dire,
et paraître
35 me donner et donner aux autres, et à eux, tout précisément toi, vous, elle, ceux-là
me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de
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Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, Première partie, scène 2, extrait des « Rois de
France »
C’était‚ ce fut‚ c’était une attention très gentille et j’en ai été touchée‚ mais en effet‚
5 Ce n’est pas aujourd’hui‚ tant pis‚ non‚ ce ne sera pas aujourd’hui que cela changera.
Je lui raconterai.
– elle est toute petite‚ toute menue‚ c’est un bébé‚ ces idioties ! –
et sur la photographie‚ elle ne ressemble pas à Antoine‚ pas du tout‚ elle ne ressemble à
10 personne‚
Aujourd’hui‚ elle est très différente‚ une fille‚ et vous ne pourriez la reconnaître‚
15 C’est dommage.
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CATHERINE. – Je vous ennuie‚ j’ennuie tout le monde avec ça‚ les enfants‚
25 Cela ne m’ennuie pas du tout‚ tout ça‚ mes filleuls‚ neveux‚ mes neveux‚ ce ne sont pas mes
Louis ?
Le petit garçon a‚
Six ans ?
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Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, Deuxième partie, scène 2, extrait de la dispute
familiale
LOUIS. – Cela joint l’utile à l’agréable.
ANTOINE. – Moi ?
10 C’est de moi ?
Je suis désagréable ?
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DOM LOUIS.- Je vois bien que je vous embarrasse, et que vous vous passeriez fort
aisément de ma venue. À dire vrai, nous nous incommodons étrangement l’un et
l’autre, et si vous êtes las de me voir, je suis bien las aussi de vos déportements.
Hélas, que nous savons peu ce que nous faisons, quand nous ne laissons pas au Ciel
5 le soin des choses qu’il nous faut, quand nous voulons être plus avisés que lui, et que
nous venons à l’importuner par nos souhaits aveugles, et nos demandes
inconsidérées ! J’ai souhaité un fils avec des ardeurs nonpareilles, je l’ai demandé sans
relâche avec des transports incroyables, et ce fils que j’obtiens, en fatiguant le Ciel de
vœux, est le chagrin et le supplice de cette vie même dont je croyais qu’il devait être
10 la joie et la consolation. De quel œil, à votre avis, pensez-vous que je puisse voir cet
amas d’actions indignes dont on a peine aux yeux du monde d’adoucir le mauvais
visage, cette suite continuelle de méchantes affaires, qui nous réduisent à toutes
heures à lasser les bontés du Souverain, et qui ont épuisé auprès de lui le mérite de
mes services, et le crédit de mes amis ? Ah, quelle bassesse est la vôtre ! Ne
15 rougissez-vous point de mériter si peu votre naissance ? Êtes-vous en droit, dites-moi,
d’en tirer quelque vanité ? Et qu’avez-vous fait dans le monde pour être
gentilhomme ? Croyez-vous qu’il suffise d’en porter le nom et les armes, et que ce
nous soit une gloire d’être sorti d’un sang noble, lorsque nous vivons en infâmes ?
Non, non, la naissance n’est rien où la vertu n’est pas. Aussi nous n’avons part à la
20 gloire de nos ancêtres, qu’autant que nous nous efforçons de leur ressembler, et cet
éclat de leurs actions qu’ils répandent sur nous, nous impose un engagement de leur
faire le même honneur, de suivre les pas qu’ils nous tracent, et de ne point dégénérer
de leurs vertus, si nous voulons être estimés leurs véritables descendants. Ainsi vous
descendez en vain des aïeux dont vous êtes né, ils vous désavouent pour leur sang, et
25 tout ce qu’ils ont fait d’illustre ne vous donne aucun avantage, au contraire, l’éclat
n’en rejaillit sur vous qu’à votre déshonneur, et leur gloire est un flambeau qui éclaire
aux yeux d’un chacun la honte de vos actions. Apprenez enfin qu’un gentilhomme qui
vit mal, est un monstre dans la nature, que la vertu est le premier titre de noblesse,
que je regarde bien moins au nom qu’on signe, qu’aux actions qu’on fait, et que je
30 ferais plus d’état du fils d’un crocheteur, qui serait honnête homme, que du fils d’un
monarque qui vivrait comme vous.
DOM JUAN.- Monsieur, si vous étiez assis, vous en seriez mieux pour parler.
DOM LOUIS.- Non, insolent, je ne veux point m’asseoir, ni parler davantage, et je vois
bien que toutes mes paroles ne font rien sur ton âme ; mais sache, fils indigne, que la
35 tendresse paternelle est poussée à bout par tes actions, que je saurai, plus tôt que tu
ne penses, mettre une borne à tes dérèglements, prévenir sur toi le courroux du Ciel,
et laver par ta punition la honte de t’avoir fait naître.
Il sort.
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SOLANGE, qui vient de rentrer. – Elle n'a pas bu ? Évidemment. Il fallait s'y attendre. Tu
as bien travaillé.
CLAIRE. – Ne m'accable pas. J'ai versé le gardénal dans le tilleul, elle n'a pas voulu le boire
et c'est ma faute...
SOLANGE. – J'ai fait ce que j'ai pu. J'ai voulu retenir les mots... Ah ! Mais ne renverse pas
les accusations. J'ai travaillé pour que tout réussisse.
15 Pour te donner le temps de tout préparer j'ai descendu l'escalier le plus lentement possible,
j'ai passé par les rues les moins fréquentées, j'y trouvais des nuées de taxis. Je ne pouvais
plus les éviter.
Je crois que j'en ai arrêté un sans m'en rendre compte.
Et pendant que j'étirais le temps, toi, tu perdais tout ? Tu lâchais Madame. Il ne nous reste
20 plus qu'à fuir. Emportons nos effets...sauvons-nous...
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CLAIRE. – Tu sais ce que je veux dire. Tu sais bien que les objets nous abandonnent.
25 CLAIRE. – Ils ne font que cela. Ils nous trahissent. Et il faut que nous soyons de bien
grands coupables pour qu'ils nous accusent avec un tel acharnement. Je les ai vus sur le
point de tout dévoiler à Madame. Après le téléphone c'était à nos lèvres de nous trahir. Tu
n'as pas, comme moi, assisté à toutes les découvertes de Madame. Car je l'ai vue marcher
vers la révélation. Elle n'a rien compris mais elle brûle.
CLAIRE. – J'ai vu Madame, Solange, je l'ai vue découvrir le réveil de la cuisine que nous
avions oublié de remettre à sa place, découvrir la poudre sur la coiffeuse, découvrir le fard
mal essuyé de mes joues, découvrir que nous lisions Détective. Nous découvrir de plus en
plus et j'étais seule pour supporter tous ces chocs, seule pour nous voir tomber !
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OBJET D’ÉTUDE : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
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[…] Il était six heures du soir. On vint m’avertir, un moment après mon retour,
qu’une dame demandait à me voir. J’allai au parloir sur-le-champ. Dieux ! quelle
apparition surprenante ! j’y trouvai Manon. C’était elle, mais plus aimable et plus
brillante que je ne l’avais jamais vue. Elle était dans sa dix-huitième année. Ses
charmes surpassaient tout ce qu’on peut décrire. C’était un air si fin, si doux, si
engageant, l’air de l’Amour même. Toute sa figure me parut un enchantement.
Je demeurai interdit à sa vue, et ne pouvant conjecturer quel était le dessein
de cette visite, j’attendais, les yeux baissés et avec tremblement, qu’elle s’expliquât.
Son embarras fut, pendant quelque temps, égal au mien, mais, voyant que mon
silence continuait, elle mit la main devant ses yeux, pour cacher quelques larmes.
Elle me dit, d’un ton timide, qu’elle confessait que son infidélité méritait ma haine ;
mais que, s’il était vrai que j’eusse jamais eu quelque tendresse pour elle, il y avait
eu, aussi, bien de la dureté à laisser passer deux ans sans prendre soin de
m’informer de son sort, et qu’il y en avait beaucoup encore à la voir dans l’état où
elle était en ma présence, sans lui dire une parole. Le désordre de mon âme, en
l’écoutant, ne saurait être exprimé.
Elle s’assit. Je demeurai debout, le corps à demi tourné, n’osant l’envisager
directement. Je commençai plusieurs fois une réponse, que je n’eus pas la force
d’achever. Enfin, je fis un effort pour m’écrier douloureusement : Perfide Manon !
Ah ! perfide ! perfide ! Elle me répéta, en pleurant à chaudes larmes, qu’elle ne
prétendait point justifier sa perfidie. Que prétendez-vous donc ? m’écriai-je encore.
Je prétends mourir répondit-elle, si vous ne me rendez votre cœur, sans lequel il est
impossible que je vive. Demande donc ma vie, infidèle ! repris-je en versant moi-
même des pleurs, que je m’efforçai en vain de retenir. Demande ma vie, qui est
l’unique chose qui me reste à te sacrifier ; car mon cœur n’a jamais cessé d’être à
toi. À peine eus-je achevé ces derniers mots, qu’elle se leva avec transport pour
venir m’embrasser. Elle m’accabla de mille caresses passionnées. Elle m’appela par
tous les noms que l’amour invente pour exprimer ses plus vives tendresses. Je n’y
répondais encore qu’avec langueur. Quel passage, en effet, de la situation tranquille
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où j’avais été, aux mouvements tumultueux que je sentais renaître ! J’en étais
épouvanté. Je frémissais, comme il arrive lorsqu’on se trouve la nuit dans une
campagne écartée : on se croit transporté dans un nouvel ordre de choses ; on y est
saisi d’une horreur secrète, dont on ne se remet qu’après avoir considéré longtemps
tous les environs.
Nous nous assîmes l’un près de l’autre. Je pris ses mains dans les miennes.
Ah ! Manon, lui dis-je en la regardant d’un œil triste, je ne m’étais pas attendu à la
noire trahison dont vous avez payé mon amour. Il vous était bien facile de tromper
un cœur dont vous étiez la souveraine absolue, et qui mettait toute sa félicité à vous
5 plaire et à vous obéir.
Dites-moi maintenant si vous en avez trouvé d’aussi tendres et d’aussi soumis.
Non, non, la Nature n’en fait guère de la même trempe que le mien. Dites-moi, du
moins, si vous l’avez quelquefois regretté. Quel fond dois-je faire sur ce retour de
bonté qui vous ramène aujourd’hui pour le consoler ? Je ne vois que trop que vous
10 êtes plus charmante que jamais ; mais au nom de toutes les peines que j’ai
souffertes pour vous, belle Manon, dites-moi si vous serez plus fidèle.
Elle me répondit des choses si touchantes sur son repentir et elle s’engagea à
la fidélité par tant de protestations et de serments, qu’elle m’attendrit à un degré
inexprimable. Chère Manon ! lui dis-je, avec un mélange profane d’expressions
15 amoureuses et théologiques, tu es trop adorable pour une créature. Je me sens le
cœur emporté par une délectation victorieuse. Tout ce qu’on dit de la liberté à Saint-
Sulpice est une chimère. Je vais perdre ma fortune et ma réputation pour toi, je le
prévois bien ; je lis ma destinée dans tes beaux yeux ; mais de quelles pertes ne
serai-je pas consolé par ton amour ! Les faveurs de la fortune ne me touchent point ;
20 la gloire me paraît une fumée ; tous mes projets de vie ecclésiastique étaient de
folles imaginations ; enfin tous les biens différents de ceux que j’espère avec toi sont
des biens méprisables, puisqu’ils ne sauraient tenir un moment, dans mon cœur
contre un seul de tes regards.
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Il parut alors une beauté à la Cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit
croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on
était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame
de Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et
5 l'avait laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la
vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé
plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à
l'éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa
beauté ; elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des
10 mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes
pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à
sa fille des peintures de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a d'agréable pour la persuader
plus aisément sur ce qu'elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de
sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où
15 plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d'un autre côté, quelle tranquillité suivait
la vie d'une honnête femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une
personne qui avait de la beauté et de la naissance. Mais elle lui faisait voir aussi combien il
était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par
un grand soin de s'attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d'une femme, qui est
20 d'aimer son mari et d'en être aimée.
Cette héritière était alors un des grands partis qu'il y eût en France ; et quoiqu'elle
fût dans une extrême jeunesse, l'on avait déjà proposé plusieurs mariages. Madame de
Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille ; la
voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la Cour. Lorsqu'elle arriva, le vidame
25 alla au-devant d'elle ; il fut surpris de la grande beauté de mademoiselle de Chartres, et il
en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un
éclat que l'on n'a jamais vu qu'à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa
personne étaient pleins de grâce et de charmes.
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Un frisson remua la salle. Nana était nue. Elle était nue avec une tranquille audace,
certaine de la toute-puissance de sa chair. Une simple gaze l'enveloppait ; ses épaules
rondes, sa gorge d'amazone dont les pointes roses se tenaient levées et rigides comme
des lances, ses larges hanches qui roulaient dans un balancement voluptueux, ses cuisses
5 de blonde grasse, tout son corps se devinait, se voyait sous le tissu léger, d'une blancheur
d'écume. C'était Vénus naissant des flots, n'ayant pour voile que ses cheveux. Et, lorsque
Nana levait les bras, on apercevait, aux feux de la rampe, les poils d'or de ses aisselles. Il
n'y eut pas d'applaudissements. Personne ne riait plus, les faces des hommes, sérieuses,
se tendaient, avec le nez aminci, la bouche irritée et sans salive. Un vent semblait avoir
10 passé, très doux, chargé d'une sourde menace. Tout d'un coup, dans la bonne enfant, la
femme se dressait, inquiétante, apportant le coup de folie de son sexe, ouvrant l'inconnu
du désir. Nana souriait toujours, mais d'un sourire aigu de mangeuse d'hommes.
— Fichtre ! dit simplement Fauchery à La Faloise. […]
Ce qui suivit acheva d'empoigner la salle. Diane s'en était allée, furieuse. Tout de
15 suite, assise sur un banc de mousse, Vénus appela Mars auprès d'elle. Jamais encore on
n'avait osé une scène de séduction plus chaude. Nana, les bras au cou de Prullière,
l'attirait, lorsque Fontan, se livrant à une mimique de fureur cocasse, exagérant le masque
d'un époux outragé qui surprend sa femme en flagrant délit, parut dans le fond de la
grotte. Il tenait le fameux filet aux mailles de fer. Un instant, il le balança, pareil à un
20 pêcheur qui va jeter un coup d'épervier ; et, par un truc ingénieux, Vénus et Mars furent
pris au piège, le filet les enveloppa, les immobilisa dans leur posture d'amants heureux.
Un murmure grandit, comme un soupir qui se gonflait. Quelques mains battirent,
toutes les jumelles étaient fixées sur Vénus. Peu à peu, Nana avait pris possession du
public, et maintenant chaque homme la subissait. Le rut qui montait d'elle, ainsi que d'une
25 bête en folie, s'était épandu toujours davantage, emplissant la salle. À cette heure, ses
moindres mouvements soufflaient le désir, elle retournait la chair d'un geste de son petit
doigt. Des dos s'arrondissaient, vibrant comme si des archets invisibles se fussent
promenés sur les muscles, des nuques montraient des poils follets qui s'envolaient sous
des haleines tièdes et errantes, venues on ne savait de quelle bouche de femme.